LE COUCOU Juillet - Ao没t - Septembre
POUTINE
UN HOMME
SECRET
#0 RUSSIE LE GAZ, ENJEU DE PUISSANCE
NIGERIA BOKO HARAM, AUX ORIGINES DE LA HAINE
INDE ENTRETIEN AVEC SHIMONA SINHA
Maxime RaphaĂŤl
Philippine
Marion L.
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Camil Marion B.
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LE PETIT MOT
REPORTAGE
Le Coucou promène sa carlingue à travers la planète pour dénicher les petites histoires qui annoncent les grandes évolutions du monde. Son ambition : rendre l’actualité internationale accessible à tous. Son credo : traiter des sujets complexes sans être austère. L’équipe du Coucou.
Constantin
Robin
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Lucil
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DOSSIER
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Un président charismatique, le pouvoir du gaz, une nouvelle Union : la Russie est bel et bien de retour.
REPORTAGE
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En Birmanie, des moines extrémistes devraient faire voter une loi interdisant les mariages inter-religieux.
PORTRAIT
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Matteo Renzi : le président du Conseil italien incarne le renouveau de la politique en Italie.
INDE
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Les élections législatives indiennes de mai marquent un nouveau tournant dans la saga des Gandhi.
INTERVIEW
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L’écrivaine indienne Shumona Sinha donne son opinion sur les dernières élections indiennes.
NIGERIA
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Comment Boko Haram s’est radicalisé jusqu’à devenir un groupe terroriste d’une cruauté inouïe.
ILES MARSHALL
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Une plainte déposée contre les Etats-Unis met en lumière le terrible destin de l’atoll de Bikini.
MAROC
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Le roi Mohamed VI compte devenir le nouveau leader du continent africain.
QATAR
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Les audiences d’Al-Jazeera chutent : la chaîne paie son alignement éditorial sur la politique du Qatar.
ITALIE
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Venise indépendante ? Ce serait le souhait des Vénitiens selon le résultat d’une consultation sur Internet.
ETATS-UNIS
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Zoom sur les « 12’o Clock Boys », des jeunes des ghettos de Baltimore passionnés de moto-cross.
INSOLITE
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Tour du monde des applications pour smartphone qui révèlent les particularités de certains pays.
HISTOIRE
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L’épopée d’un avoué périgourdin, Antoine de Tounens, qui est devenu en 1860 le premier roi de Patagonie.
SPORT La Suède accueillait début juin la première d’une Coupe de football pour le moins originale. coucou #0 4 duLemonde
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DOSSIER
LA RUSSIE AU CENTRE DU JEU
En ce début de XXIe siècle, Moscou retrouve peu à peu son statut de grande puissance mondiale. L’architecte de cette renaissance se nomme Vladimir Poutine. Personnage à la vie mystérieuse (page 8), le président russe s’appuie sur une arme redoutable : le gaz, qui lui permet de faire pression sur les Européens (page 12). Dans sa volonté de concurrencer l’Occident, Poutine vient de créer « son » Union eurasiatique (page 18). Cet espace économique commun regroupant le Kazakhstan et la Biélorussie pourrait devenir, à terme, un grand ensemble politique et militaire.
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DERRIÈRE POUTINE
VLADIMIR
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DOSSIER
Quand les occidentaux parlent de Vladimir Poutine, ils évoquent ses manquements aux droits de l’homme, son impérialisme sur la scène internationale, ses bras-de-fer avec ses homologues... L’homme, lui, reste méconnu. Et pourtant, rien ne prédisposait cet enfant né dans un milieu populaire de l’Union soviétique à devenir le président de la Fédération de Russie.
V
ladimir Po u t i n e naît en octobre 1952 à Léningrad, l’ancienne Saint-Petersbourg, dix ans à peine après l’interminable siège de la ville par les nazis qui coûta la vie à 1,5 million de Soviétiques. 872 jours de privations au cours desquels un million de personnes sont mortes de faim. Ses parents, ouvriers, survivent à ce choc. Ils accueillent Vladimir avec la crainte de voir le destin se répéter avec acharnement : ses deux grands frères, nés vingt ans plus tôt,
Viktor et Oleg, sont morts en bas âge.
Un champion de judo Le jeune Volodia - diminutif de Vladimir - admire son grand-père. Il regarde avec fierté le parcours de cet homme qui, issu d’une famille paysanne, aurait côtoyé les grands hommes de l’Union soviétique. La rumeur, qui alimente le mythe encore aujourd’hui, raconte qu’il fut un homme à tout faire de Lénine puis de Staline. Peut-être est-ce grâce à lui qu’il s’autorise,
tout petit, à rêver d’intégrer les services secrets russes, le KGB. L’éducation d’un père autoritaire et d’une mère tendre font de Vladimir un petit garçon obéissant mais relativement indépendant. L’enfant grandit dans la pauvreté. L’appartement familial, sans eau chaude ni toilettes décentes, est habité par deux autres familles. A l’âge de 8 ans, lorsque sa mère l’inscrit à l’école, il rechigne à s’y rendre expliquant vouloir rester chez lui pour chasser les rats de la cour à coups de bâton. Quelques années plus tard,
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Vladimir se met au sport. D’abord par nécessité : les querelles de la cour de son immeuble se règlent au poing. Le jeune homme devient champion de lutte russe et de judo. Il remporte plusieurs titres à Saint-Pétersbourg. Mais convaincu que ses victoires sportives ne suffiront pas pour réussir, ce passionné des films d’espionnage se met à travailler sérieusement à l’école. Adulte, Poutine soulignera l’importance du sport dans sa vie : « Si je n’en n’avais pas fait, je ne sais pas comment j’aurais tourné. C’est un entraîneur de judo qui m’a sorti de la rue. Avant, je n’étais qu’un cancre, un petit voyou. »
Origine KGB contrôlée Vladimir Poutine intègre le KGB après sa thèse à l’université de droit de Léningrad en 1975. On lui demande d’abord de surveiller les étrangers. Son enfance difficile dans un milieu modeste lui a inculqué une attitude de voyou que le KGB va utiliser et transformer. Après l’école de la rue c’est donc l’école du pragmatisme, de la manipulation des esprits et des coups tordus. Celle de tous les services secrets. Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur en géopolitique à l’Institut Thomas More, précise : « La
culture politique de Poutine est routinier de l’expérience allemande marquée par la violence. Violence du futur président dans la biograqu’il faut exercer sans état d’âme, phie L’Homme sans visage : « Son avec la seule considération des plus grand succès à Dresde a été de rapports de force matériels, une contacter un sergent américain qui forme de nihilisme politique. » lui a vendu un manuel non-confiPourtant, cette carrière d’agent dentiel pour 800 marks. » secret est moins épanouissante que Poutine ne le rêvait. En 1985, il est i je n avais pas fait envoyé en RDA, à Dresde. Offide sport lorsque j étais ciellement, il travaille pour jeune je ne sais pas la Maison de comment j aurais tourné l’amitié germano-soviétique ; est un entraîneur de en réalité, pour les « services ». judo qui m a sorti Dans les locaux de la rue vant je que le KGB occupe au n°4 n étais qu un cancre un Angelikastrasse, il doit notampetit voyou ment recruter des occidentaux pour collecter des informations sur les technologies utilisées à l’Ouest. En 1990, il rentre au pays. L’année Mais on connaît peu de choses sur suivante, il se tient à l’écart de la son activité est-allemande. tentative de putsch soutenue par le Masha Gessen, une journaliste rusKGB et quitte l’organisation au grade so-américaine et opposante à Vladide lieutenant-colonel. Il rejoint mir Poutine, dresse un tableau très l’équipe du maire de Saint-Pé-
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ans, soit l’âge de Poutine lorsqu’il entre au KGB. Il passera ses premières années en Allemagne pour le compte des services secrets soviétiques.
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milliards de dollars, soit la fortune de Poutine selon la CIA. Il possèderait 4,5 % de Gazprom et au moins 50 % de la plus importante société d’exportation du pétrole russe, Gunvor.
DOSSIER
tersbourg, Anatoly Sobchak, son ancien professeur de droit. L’URSS s’effondre et les perspectives d’ascension politique s’élargissent pour Vladimir Poutine.
L’espion qui aimait trop Le jour de la Saint-Valentin 2008, le film Kiss me off the record sortait en Russie. L’intrigue raconte la rencontre puis l’histoire d’amour entre un certain Platov, un agent secret russe héroïque et pieux devenu chef d’Etat, et une jeune hôtesse de l’air. Le public ne s’y trompe pas : il s’agit d’une vision romantique de l’idylle entre Poutine et sa femme Lioudmila, qu’il a épousée en 1983 et avec qui il a eu deux filles, Ekaterina et Maria. Mais ce mariage n’a d’idylle que le nom. Lioudmila se plaint du caractère volage de son époux, qui aime affirmer sa virilité et jouer avec son public féminin. En 2004, pour sa réélection, une chanson interprétée par un duo techno, les Putin’s girls, répète en boucle « Je veux un homme comme Poutine ». Les paroles de cette chanson parent le président de toutes les vertus supposées manquer au commun des mortels russes : calme, responsabilité, sobriété. Mais Poutine reste extrêmement secret sur sa vie privée. Gare à ceux
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ans. Vladimir Poutine est né en 1952 à Léningrad. Ses parents avaient eu auparavant deux fils, Viktor et Oleg, nés dans les années 30 mais décédés en bas âge.
qui osent évoquer ses difficultés conjugales. Le journal Moskovski Korrespondent en sait quelque chose. En avril 2008, le média évoque une possible séparation du couple et le remariage imminent de Poutine. Dans la foulée, le titre disparaît. Lors d’une conférence de presse commune avec Silvio Berlusconi, tenue quelques jours plus tard, Poutine s’emporte contre une journaliste qui l’interroge sur ces rumeurs et contre ceux « qui viennent mettre leur nez morveux dans la vie d’autrui ». Un spécialiste français de la politique russe qui souhaite garder l’anonymat explique : « Pour lui, la peopolisation de la politique semble une faiblesse plus qu’un atout. » C’est dire si, en juin 2013, la déclaration conjointe de Vladimir et Lioudmila Poutine annonçant leur divorce à la sortie d’un concert a surpris son monde. « Notre union est terminée car nous ne nous voyons presque pas », avait précisé le chef d’État. Il serait actuellement en couple avec Alina Kabaeva, une championne olympique de gymnastique et député du parti majoritaire Russie unie, présidé par le Premier ministre Dmitri Medvedev.
Ce si riche Vladimir Personnalité la plus influente du
monde en 2013 selon le magazine Forbes, Vladimir Poutine devançait Barack Obama, Xi Jinping et le pape François. Un pouvoir qu’il faut lier à sa fortune colossale, estimée à près de 40 milliards de dollars par la CIA. « C’est avec le soutien d’Eltsine et des oligarques gravitant autour du Kremlin que Poutine a accédé au pouvoir », rappelle Jean-Sylvestre Montgrenier. Selon lui, Poutine a été choisi par ce vivier de personnalités influentes afin qu’il garantisse leurs positions et leurs richesses. Sa grande force a été de présenter sa politique comme une guerre contre la kleptocratie. « Poutine allait rendre les richesses au peuple ! », explique le chercheur de l’Institut Thomas More. Le niveau de vie des Russes s’est effectivement amélioré depuis l’accession au pouvoir de Poutine mais cela ne doit pas occulter la mise en place d’un système permettant de mettre la main sur les ressources du pays. Poutine fait d’ailleurs tout pour dissimuler sa fortune aux yeux de son peuple - officiellement il ne gagne pas plus que François Hollande. A raison, selon les dires de Jean-Sylvestre Montgrenier : « Si la richesse supposée et probable de Poutine était mise en lumière, cela viendrait contredire une part de sa légitimité. »
Lucile Berland et Robin Verner
63 %
des Russes ont voté pour Poutine lors des élections présidentielles de 2012. Il a été élu dès le premier tour mais le scrutin a été fortement contesté.
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LIÉS
PAR LE
GAZ
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DOSSIER
Les Européens pourront-ils se chauffer cet hiver ? La crise en Ukraine, pays par lequel transite 80% du gaz russe à destination de l’Europe, soulève des inquiétudes. Moscou pourrait décider de « couper le gaz » à l’Europe pour la forcer à accepter ses conditions alors que l’UE pourrait choisir de réduire ses importations de gaz russe. Mais l’Europe a besoin du gaz russe, et la Russie des capitaux européens.
C
ontrairement a u pétrole ou au charbon, le gaz, à l’état naturel, ne peut être déplacé qu’à travers des gazoducs. De ce fait, l’Europe ne peut importer du gaz qu’en provenance des pays voisins. Elle pourrait également faire venir de régions plus éloignées du gaz naturel liquéfié, mais les coûts d’approvisionnement sont beaucoup plus élevés. Les pays européens sont donc contraints d’importer du gaz provenant des pays auxquels ils sont reliés par
des gazoducs, comme la Norvège, l’Algérie et… la Russie. Celle-ci a livré l’an dernier 133 milliards de mètres cubes à l’Union européenne, soit 39 % de ses importations gazières. Un chiffre qui ne devrait pas baisser car la demande européenne continue de progresser.
Une réelle dépendance Moscou a fait du gaz un instrument de puissance au cœur de sa diplomatie. Ces dernières années, le Kremlin a choisi de réinvestir dans
le capital de la société Gazprom. Fondée en 1989, sur les ruines de l’industrie gazière soviétique, Gazprom est le premier exportateur mondial de gaz, et ses clients sont principalement européens. Depuis 2006, Moscou est redevenu l’actionnaire majoritaire de l’entreprise. L’Etat russe peut donc, à son bon vouloir, décider d’approvisionner ou non les pays européens en gaz. En Europe, la dépendance vis-à-vis de Moscou inquiète. Dans certains pays de l’est du continent, comme la Roumanie ou la Bulgarie,
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100 % des importations de gaz proviennent de Russie. N’ayant aucune production nationale, la situation de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie est encore pire : ils ne consomment que du gaz russe. D’autres pays européens pourtant assez éloignés géographiquement, comme l’Allemagne, sont très dépendants de Moscou. Berlin est le premier importateur de gaz russe en Europe. Et si ce gaz ne représente que 37 % de sa consommation totale, c’est que l’Allemagne a d’autres fournisseurs. La question gazière revêt une telle importance entre Berlin et Moscou qu’un gazoduc sousmarin reliant directement les deux pays, North Stream, a été inauguré en septembre 2011. Preuve de l’importance du chantier, c’est l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder qui est à la tête du consortium germano-russe l’ayant construit.
D’improbables plans B Plusieurs pistes sont à l’étude pour diversifier les approvisionnements en gaz. La découverte d’importantes réserves de gaz de schiste a suscité de grands espoirs sur le vieux continent. Car aux EtatsUnis, son exploitation a permis de parvenir à l’autosuffisance gazière
en moins de huit ans. Selon une rope, il faudrait le regazéifier dans évaluation du département amédes terminaux spéciaux. ricain de l’Energie, les six pays Autre possibilité pour approvid’Europe les mieux dotés en gaz sionner l’Europe : le contournede schiste, à savoir la Pologne, la ment. Des projets de gazoducs France, la Roumanie, le Danemark, transadriatique et transanatoles Pays-Bas et le Royaume-Uni, lien, destinés à faire venir du gaz disposent ensemble de l’équivalent de 70 ans d’importations autres pays russes. Pour l’instant, seuls deux européens pourtant pays ont autorisé son exploitation : assez éloignés la Pologne et la géographiquement Roumanie. En raison de conditions comme l llemagne sont géologiques plus contraignantes très dépendants de oscou qu’aux Etats-Unis, erlin est le premier les rendements n’ont pas été à la importateur de gaz hauteur des attentes. Total, qui russe en urope menait des forages exploratoires en Pologne, a renoncé en avril. Reste l’éventualité d’importer du gaz de schiste améd’Azerbaïdjan sans passer par le sol ricain. Mais il faudrait pour cela russe, sont à l’étude. Mais comme acheminer le gaz sous forme liquéle souligne Nicolas Mazzucchi, fiée. Cela induit la construction de chercheur à l’Institut des relations nouveaux bateaux et de surcoûts internationales et stratégique et logistiques considérables. Une fois spécialiste des questions énergéarrivé sous forme liquide en Eutiques, « on ne peut exclure que
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du gaz mondial est produit par la société russe Gazprom. A l’échelle de la Russie, la première entreprise du pays produit 73 % du gaz.
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des réserves de gaz naturel mondial appartiennent à la Russie. Elle devance l’Iran (17 %) et le Qatar (13 %). Ces trois pays concentrent plus de la moitié des réserves gazières.
DOSSIER
la Russie cherche elle aussi à se positionner sur les hydrocarbures azéris ». Il est vrai que Moscou tente d’accroître son influence sur les pays du Caucase pour éviter qu’ils ne constituent une alternative gazière crédible pour les Européens. S’émanciper de la domination énergétique russe apparaît donc particulièrement complexe, d’autant plus qu’il existe une importante contrainte juridique : plus de 70 % des importations de gaz russe s’effectuent dans le cadre de contrats signés pour vingt ou trente ans, et dont il sera difficile de se défaire. Pour les européistes les plus convaincus, la solution se trouverait dans la constitution d’une Europe de l’énergie, une mise en commun des ressources de façon à ce que le surplus des uns compense le manque des autres. Mais comme le rappelle Maïté de Boncourt, chercheuse à l’Institut français des relations internationales, spécialiste des hydrocarbures, « on a un traité constitutionnel qui nous restreint sur le fédéralisme énergétique. Ce domaine relève de la compétence exclusive des Etats. La sécurité énergétique, ce serait pouvoir se renvoyer du gaz les uns aux autres, mais si c’est vraiment ce qu’on veut, il faudra réformer
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millions de personnes vivent en Russie, soit presqu’autant que le total des populations française et allemande. Il s’agit du neuvième plus grand marché mondial.
les traités. »
L’appel asiatique Consciente que ses relations commerciales avec l’Europe reposent sur un équilibre diplomatique fragile, la Russie cherche à diversifier sa clientèle. Elle amorce clairement une réorientation de ses flux gaziers vers l’Asie. Nicolas Mazzucchi évoque par exemple « les projets Sakhaline I et Sakhaline II, qui exploitent du gaz sur l’île russe de Sakhaline, afin d’en fournir au Japon ». Fin mai, Moscou a signé avec la Chine un contrat gazier estimé à 400 milliards de dollars. Les deux puissances négociaient cet accord depuis plus de dix ans. La situation tendue en Ukraine en a précipité la signature. Une manière pour Moscou de signifier à l’Europe qu’elle n’est plus indispensable, quitte à faire des concessions à Pékin. « La Chine voulait les mêmes prix que l’Europe, et elle les a à peu près obtenus », explique Maïté de Boncourt. Pour l’Europe, pas de quoi s’affoler pour autant : l’accord ne prendra effet qu’en 2018. Et Moscou ne livrera à Pékin « que » 38 milliards de mètres cubes, soit quatre fois moins que ses livraisons à l’Europe en 2013.
gaZPROM, l’ogre russe Gazprom naît en 1989, sur les ruines de l’industrie gazière soviétique. Dans les années 1990, elle bénéficie de la grande vague de privatisation impulsée par Boris Eltsine et devient une société privée. A son arrivée au Kremlin, Vladimir Poutine souhaite avoir la main sur les ressources stratégiques du pays. En 2005, Moscou redevient l’actionnaire majoritaire (51 %) de l’entreprise, lui permettant de retirer une rente financière des exportations de gaz. Pour Maïté de Boncourt, spécialiste des hydrocarbures, « Gazprom finance le budget fédéral russe à hauteur de 5 % ». Logiquement, le Kremlin et la direction de l’entreprise entretiennent des liens étroits. Dimitri Medvedev fut directeur du conseil de surveillance de l’entreprise avant d’assurer l’intérim de Vladimir Poutine à la tête de la Russie, entre 2008 et 2012. Aujourd’hui, Gazprom produit plus de 13 % du gaz mondial et s’est imposé comme le premier exportateur de la planète. L’entreprise a généré 146 milliards de dollars en 2013, soit près de 6 % du PIB russe. La société gazière est devenue en Russie une véritable institution, employant plus de 431 000 personnes. Selon le magazine Forbes, la société russe fait partie des 30 plus grosses entreprises du monde.
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milliards de dollars, soit l’excédent commercial de la Russie en 2013, selon l’OMC. Elle est en quatrième position, derrière l’Allemagne, la Chine et l’Arabie Saoudite.
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LE GAZ RUSSE EN EUROPE
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Océan Atlantique
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Part du gaz russe dans la consommation en 2012
Pays exportateur de gaz vers l’UE en 2012
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+ 5% de la consommation européenne
de 33 à 65%
- 5% de la consommation européenne
de 5 à 34%
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de 0 à 4% 16% Part du gaz russe
dans la consommation
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Principaux gazoducs à destination de l’UE (trajets simplifiés) Gazoduc en activité Gazoduc en projet
Sources : Eurostat, Gazprom, Clinenergy.
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Algérie
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Mer Baltique
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L’UNION POST-SOVIÉTIQUE EST NÉE
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DOSSIER
La Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie ont crée à la fin du mois de mai une Union économique eurasiatique qui entrera en vigueur en janvier 2015. Si elle n’est pour l’instant qu’une zone de libre-échange, l’Union a vocation à intégrer d’autres anciennes républiques soviétiques. Elle pourrait même devenir un grand espace politique et militaire dominé par Moscou.
V
ladimir Poutine et Robert Schuman ont un point commun. Depuis que le président russe a signé, le 29 mai dernier, le traité d’Astana, avec la Biélorussie et le Kazakhstan, il peut lui aussi ajouter le titre de « père fondateur » à son curriculum vitae. Sauf que l’Union dont il revendique la paternité ne siège pas à Bruxelles mais à Moscou. L’Union eurasiatique (UEE), qui dispose déjà d’une Commission dans la capitale russe, entrera en vigueur le 1er janvier
2015. Son objectif est clair : moderniser l’économie de la région pour « s’adapter à la mondialisation ». Les moyens d’y parvenir soulèvent autant de craintes que d’espoirs. Surtout depuis l’annexion de la Crimée en mars dernier.
170 millions d’habitants L’Union eurasiatique est une zone de libre-échange permettant la libre circulation des produits et des services, telle que l’Asean en Asie du sud-est ou le Mercosur en Amérique du sud. 23 ans après
l’éclatement de l’URSS, Russie, Biélorussie et Kazakhstan pourront ainsi bénéficier de taxations uniformes sur leurs importations et leurs exportations. Ensemble, ces trois pays formeront un marché de plus de 170 millions d’habitants. Dans les années 1990, après la chute du bloc soviétique, ces économies ont connu de graves difficultés. Mais depuis près de 15 ans, elles bénéficient d’une croissance soutenue. Le Kazakhstan, dopé par ses exportations de gaz et de pétrole, connaît un taux de croissance moyen de 8 % par an
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depuis 2000. Quant à la Biélorussie, malgré une forte dépendance aux matières premières russes, elle a vu, sur la même période, son produit intérieur brut augmenter de plus de 6 % par an.
L’UE comme modèle Pour l’économiste Jacques Sapir, l’Union eurasiatique est un vieux projet économique qui « prend une tournure de plus en plus politique ces dernières années ». La Commission devrait pouvoir intervenir sur des questions de politique financière, la régulation des marchés publics ainsi que sur la circulation des travailleurs. « Il est également prévu que la future Commission eurasiatique puisse prendre des décisions en matière énergétique. A titre d’exemple, au moins deux centrales nucléaires doivent être construites en Biélorussie dans le cadre de l’Union. » Le géographe Pascal Marchand ajoute que l’UEE s’inspire du modèle européen : « L’idée est la même que celle qui était à la base de la construction européenne : créer un marché unique pour favoriser la modernisation des économies nationales. » Cette similitude est revendiquée par la Russie, qui a conçu l’organe exécutif de l’Union, la Commission eurasiatique, sur
rejoindre l’Union. Car dans cet enle modèle de la Commission eurosemble économique, la Russie bépéenne. L’ancien président russe néficie d’une position dominante : Dimitri Medvedev avait ainsi plus de 85 % de la population déclaré, en 2011, que les expéet 90 % du PIB de l’Union eurariences de l’Union européenne, siatique. Par ailleurs, le Kremlin « tant positives, que négatives, a montré en Géorgie, puis en seraient prises en compte ». Jacques Sapir précise que les Russes refusent en revanche d’adopter le système décielon jacques sapir sionnel européen « l uee prend une tournure une voix un État » : « Sergei Glaziev de plus en plus politique (conseiller de Poutine pour l’intégralle devrait intervenir sur tion régionale, ndlr) des questions de politique souhaiterait que la représentation des financière la régulation pays se fasse au prorata de la taille des marchés publics ainsi de leur économie, que sur la circulation des mais cela risque de freiner l’expantravailleurs sion de la zone d’intégration. » Caroline Dufy, maître de conférence à Sciences Po Bordeaux, confirme : Ukraine, qu’il n’hésite pas à re« Le modèle russe reste fondé sur la courir à la force quand ses intérêts force, ce qui est antinomique avec sont en jeu. Beaucoup de dirigeants la coopération économique. » Cette d’ex-républiques soviétiques sont crainte de la domination de Mospartagés entre leur intérêt évident cou aurait convaincu l’Arménie de collaborer avec la Russie, et la de renoncer, pour le moment, à
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1994
En mars, Noursoultan Nazarbaïev, le président du Kazakhstan, évoque l’idée d’Union eurasiatique dans un discours prononcé à l’université de Moscou.
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2011
En novembre, la feuille de route de ce projet est validée lors d’un sommet entre la Russie, la Biélorussie, l’Arménie et le Kazakhstan.
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crainte d’être mis sous tutelle. Les Etats-Unis et l’Union européenne s’inquiètent de voir le projet eurasiatique se concrétiser. Hillary Clinton, candidate potentielle aux prochaines élections présidentielles américaines, a lancé une mise en garde contre ce qu’elle perçoit comme une « tendance à la re-soviétisation » de la région. Elle se fonde sur le constat que les pays susceptibles de rejoindre le Kazakhstan et la Biélorussie sont dans leur grande majorité d’anciennes républiques soviétiques que la Russie voudrait maintenir sous son influence. Mais pour ces pays, rejoindre l’Union eurasiatique signifie renoncer à l’Union européenne. En 2013, au moment où l’Arménie semblait définitivement gagnée à la cause eurasienne, Linas Linkevicius, le ministre des Affaires étrangères lituanien, s’était montré très clair : « Si l’Arménie décide de rejoindre l’Union eurasiatique, elle ne pourra pas signer d’accord de libre-échange avec l’Union européenne. Nous respectons les choix faits par chaque pays, mais on ne peut pas faire partie des deux organisations en même temps. » Face aux ambitions économiques russes, l’Union européenne négocie des accords d’association, visant à abaisser les barrières douanières
2012
Le 1er janvier, le socle de la future union est posé. Une Commission eurasiatique et une zone économique sont mises en place, mais sans l’Arménie.
avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. En novembre dernier, Moscou avait réussi à faire capoter ces accords entre l’UE et l’Ukraine, mettant le feu aux poudres à Kiev.
Un avenir en question Boris Vinogradov, rédacteur en chef du magazine La Russie francophone, estime que les voisins de Moscou ont le choix : « Soit se diriger vers les occidentaux, comme l’Ukraine et la Géorgie, soit développer leurs relations avec la Russie. Mais ils doivent se rendre compte qu’intégrer cette Union signifie avoir des liens étroits avec elle. Et pas seulement au niveau économique. » La question de savoir jusqu’où s’étendront les frontières de l’Union eurasiatique est donc essentielle. De simple outil de gestion politique et économique des pays voisins, elle pourrait devenir un projet « beaucoup plus ambitieux, selon Jacques Sapir, en s’ouvrant à d’autres puissances, comme l’Iran, historiquement étrangères à l’Union soviétique ou à l’empire tsariste. » Pour l’instant, seuls d’anciennes républiques soviétiques, comme le Kirghizistan et Tadjikistan, seraient tentées par l’adhésion.
La résurgence de l’eurasisme « La question de l’appartenance de la Russie à l’espace européen ou asiatique est très ancienne, explique Caroline Dufy, spécialiste de la Russie à l’IEP de Bordeaux. Pierre Le Grand, tsar de Russie de 1682 à 1725, avait déjà choisi le camp de l’Occident. » L’eurasisme comme doctrine géopolitique n’émerge pourtant que dans les années 1920, avec les écrits d’intellectuels russes émigrés tels que Nikolai Trubetskoï, Georges Florovsky ou Piotr Savitsky. Ils voient la Russie comme un troisième continent, entre l’Occident et l’Asie, dont l’identité serait issue de la fusion entre les slaves et les turco-musulmans. Un continent qui aurait une destinée bien particulière : celle d’assimiler les populations voisines. Pour cela, la Russie doit se doter d’un Etat fort et étanche au libéralisme ou à la démocratie. Tombé dans l’oubli pendant plusieurs décennies, l’eurasisme a fait son retour grâce à Alexandre Douguine. Ce philosophe proche des cercles du pouvoir prône un « néo-eurasisme ». Autrement dit, la constitution d’un espace eurasiatique, qui engloberait l’ancien espace soviétique et l’Union européenne. Sa méthode : « Nous attirons ceux que nous pouvons par l’amitié et par la paix, mais si nos intérêts sont menacés, alors l’intégration se fera par morceaux. »
Lyse Le Runigo et Philippine Robert
2014
29 mai : le traité établissant l’Union économique eurasiatique entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan est signé à Astana, la capitale kazakhe.
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L’UNION EURASIATIQUE
Biélorussie
Ukraine Océan Atlantique
Moldavie
Mer Méditerranée Union européenne Pays membres
Union eurasiatique Pays membres
Pays signataire d’un accord d’association
Candidats potentiels à court terme
Pays membres de l’OTAN
Candidats potentiels à long terme Limite de l’URSS en 1991
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Russie
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Mer Noire
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MARIAGE
SOUS CONDITIONS De Rangoun - La Birmanie s'apprête à voter une loi interdisant les mariages inter-religieux. Portée à l'origine par une poignée de moines bouddhistes extrémistes, elle est désormais soutenue par le parti majoritaire. Pour les défenseurs du texte, l’objectif premier est de préserver le bouddhisme, qu’ils estiment menacé par l’islam.
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REPORTAGE
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e l’autre côté du fleuve, à quelques kilomètres du centre de Rangoun, le calme du petit village de Dala tranche avec l’effervescence de la ville. C’est là qu’habitent Thidar et Win Thein, un couple d’une quarantaine d’années, et leurs cinq enfants. Mariés depuis 18 ans, le début de leur histoire n’a pas été facile : elle était musulmane, lui était bouddhiste. Au début, ils se voient en cachette. « On disait à nos parents qu’on allait travailler à Rangoun, et on se retrouvait là-bas », racontent-ils. Mais bientôt, les voisins découvrent leur secret et les dénoncent à leur famille. Furieux, les parents de la jeune femme envoient leur fille à la campagne. Win Thein la retrouve. Ils fuguent tous les deux. Le jeune homme se décide : pour pouvoir épouser Thidar, il se convertit à l’islam. Par chance, la famille de Win Thein est plutôt tolérante : « Mes parents m’ont dit que c’était mon choix et que c’était à moi d’en assumer les conséquences. » Ainsi, le jour de son mariage, sa famille au grand complet était à la mosquée. Vingt ans plus tard, l’histoire se répète. Il y a quelques mois, la fille aînée de Thidar et Win Thein a dû se convertir au bouddhisme
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du texte, l’islam est une menace pour le bouddhisme. « Sur dix femmes bouddhistes qui se marient avec un musulman, neuf sont obligées de changer de religion, explique U Wilarthaka, un moine de 29 ans. Même les enfants nés de ces mariages sont obligés de croire à l’islam. Peu à peu, ils risquent d’absorber notre race. » Race et religion… Deux concepts que de nombreux Birmans considèrent comme interchangeables. Et pour cause : ils sont près de 90% à embrasser le bouddhisme. S’il n’est
pour pouvoir se marier. « On ne pouvait pas l’en empêcher, explique Thidar, la voix brisée. On a fait la même chose à son âge. » Mais aujourd’hui, le climat n’est pas vraiment propice aux mariages inter-religieux. Ils pourraient même bientôt être interdits.
La conversion ou la prison
En juin 2013, un groupe de 1 500 moines bouddhistes extrémistes a publié un projet de loi en quatre volets pour « protéger la race et la religion ». Au programme : interdiction des mariages inter-religieux et de la polygamie, limitation des conversions, fficiellement le et même contrôle des naissances. texte concerne toutes les S’il entre en vigueur, un autres religions mais dans mariage entre une femme bouddhiste et un homme les faits ce sont surtout d’une autre religion ne sera possible que sous les musulmans qui sont certaines conditions. Le visés elon les moines du futur marié devra obtenir une autorisation écrite mouvement l islam des parents de la jeune femme mais aussi l’acest une menace pour cord des autorités locales. le bouddhisme Et surtout, il sera obligé de se convertir au bouddhisme avant son mariage. Les sanctions prévues en cas de non respect de la plus une religion d’Etat, la Constitution de loi sont particulièrement sévères : jusqu’à 10 2008 souligne tout de même sa « place spécians de prison et la confiscation des biens. fique comme religion pratiquée par la grande A noter que seules les femmes bouddhistes majorité des citoyens ». sont concernées par ce texte. Les hommes Une pétition en faveur du projet de loi, lancée bouddhistes échapperont à ces nouvelles en juin 2013, revendique plus de quatre barrières, ce qui fait hurler les associations millions de signatures. En janvier dernier, féministes. des moines et des laïcs ont même fondé une Officiellement, le texte concerne toutes les association pour défendre le texte : l’Organiautres religions, mais dans les faits, ce sont sation de protection de la race, de la religion surtout les musulmans – 4% de la population et des croyances. « Cela fait 2 000 ans que le – qui sont visés. Selon les moines du mouvebouddhisme est né à Bagan (ville du centre ment 969 (voir encadré), fervents défenseurs
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de la Birmanie), récite Twin Sit Man Aung, porte-parole de l’organisation à Rangoun. A cette époque, il n’y avait pas l’islam, il n’y avait pas le christianisme. Depuis toujours, être birman, c’est être bouddhiste. » Le texte ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les quelques 500 000 moines du pays. « Maintenant, tous les Birmans sont en marche vers la démocratie, estime U Arseinna, un moine de 39 ans. La démocratie, c’est vivre ensemble. Chrétiens, musulmans, hindouistes, bouddhistes : nous sommes tous des êtres humains. Tout le monde peut se marier avec tout le monde, peu importe sa religion. » Ces critiques n’ont pas fait reculé le président Thein Sein. En mars, l’homme fort de la Birmanie a nommé une commission d’experts pour rédiger un projet de loi, qui devait être rendu public fin mai.
Le Parlement devrait majoritaiment voter en faveur du projet de loi Mais pour l’heure, seul le volet sur les conversions a été publié. Les citoyens avaient jusqu’au 20 juin pour émettre leurs remarques et leurs suggestions sur le texte. Il passera ensuite devant le Parlement, à condition que le président le valide. Si tel est le cas, la loi sera très probablement approuvée.
Le Parlement est en effet dominé par le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), qui votera majoritairement en faveur du texte. Cette formation politique représente la junte militaire qui dirigea le pays d’une main de fer, de 1988 à 2011. Il détient 336 sièges sur 664, auxquels il faut ajouter les 166 automatiquement réservés à l’armée. U Tin Maung Win, l’un des députés de l’USDP, soutient que cette loi vient combler un vide juridique. « Toutes les autres religions ont déjà des lois qui les obligent à se marier avec quelqu’un de même confession, justifie-t-il. Le bouddhisme est le seul à ne pas en avoir. Il faut rétablir l’équilibre entre les religions. » L’opposante Aung San Suu Kyi, leader de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ne s’est pas exprimée sur le sujet. Mais un de ses partisans, le député U Win Htein, la combat. Selon lui, la loi sur le mariage de 1954, en vigueur en Birmanie, protège déjà les droits des femmes birmanes. « Avec cette nouvelle loi, imaginez qu’une femme bouddhiste tombe amoureuse d’un chrétien, elle doit demander au tribunal l’autorisation de se marier, s’insurge-t-il. C’est stupide ! » Quoiqu’il en dise, les 43 députés de la LND auront du mal à faire pencher la balance.
Marion Bastit
Mouvement 969 et violences inter-religieuses Le mouvement 969 est né en octobre 2012 à Moulmein, la capitale de l’Etat Môn, dans le sud-est du pays. Les chiffres 9-6-9 font référence aux trois joyaux du bouddhisme : le Bouddha, le Dharma (les paroles du Bouddha) et le Sangha (la communauté spirituelle). Officiellement, il s’agit de protéger et de perpétuer le bouddhisme, notamment à travers l’enseignement de la parole du Bouddha. Dans les faits, ce mouvement fondamentaliste appelle
au boycott des commerces musulmans au profit des magasins bouddhistes, identifiés par un autocollant « 969 ». Soutenu par le très médiatique U Wirathu, un moine extrémiste qui s’auto-proclame « le Ben Laden birman », le mouvement est accusé d’attiser les tensions inter-communautaires. En mars 2013, de violentes émeutes anti-musulmans ont fait plus de 40 morts à Meiktila, dans la région de Mandalay, le fief d’U Wirathu.
Dans l’Etat d’Arakan, à la frontière avec le Bangladesh, les conflits entre les Rohingyas, minorité musulmane, et les Rakhines, majorité bouddhiste, ont fait près de 200 morts en deux ans, et plus de 15 000 déplacés. La communauté musulmane internationale dénonce un « génocide ». Elle a lancé une pétition contre l’émission Pékin Express, accusée de cautionner les violences. Human Rights Watch préfère parler d’un « possible nettoyage ethnique ».
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Matteo Renzi Atypique et moderne, le jeune président du Conseil italien incarne le renouveau de la politique de la péninsule. L’ancien maire de Florence se sert de sa souplesse idéologique pour charmer l’électorat italien.
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os points communs ? Nous sommes deux dirigeants de gauche ». Lors de sa rencontre avec Matteo Renzi, Manuel Valls n’a pas oublié de le préciser : le nouveau président du Conseil italien est bien issu des rangs du Parti démocrate, l’héritier des partis communiste et socialiste italiens. Cette précision n’est pas inutile, tant l’ancien maire de Florence oscille habilement de la gauche à la droite. Il séduit les jeunes qui ne se reconnaissaient pas dans la gérontocratie italienne et les électeurs apeurés par la crise économique, les chefs d’entreprise et les syndicalistes, les médias et les autres dirigeants européens. Même le vieux loup Berlusconi s’est laissé prendre entre ses filets. « L’ambigu » : pour Alfio Mastropaolo, professeur de sciences politiques à l’université de Turin, il n’y a pas de meilleur mot pour qualifier Matteo Renzi. « Matteo Renzi est le produit d’univers hétérogènes », explique Hervé Rayner, spécialiste de l’Italie à l’université de Lausanne. Le jeune Matteo est d’abord bercé par les valeurs de la Démocratie chrétienne, la grande famille politique centriste qui a gouverné l’Italie pendant une grande partie de la seconde moitié du XX e siècle. Son père fut élu municipal du parti dans les années 80, à Rignano sull’Arno, une petite commune proche de Florence, en pleine terre communiste.
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rois enfants, ancien scout, catholique pratiquant... Matteo Renzi porte les valeurs d’un parti historique qui s’est dissous dans les scandales au début des années 90. Il entre en politique en 1996 en adhérant au Parti populaire italien, l’organisation qui fédère les rescapés de la Démocratie chrétienne. « A côté de cette socialisation catholique, il est aussi le fruit de la société italienne des années 80 », précise Hervé Rayner. Une société synonyme de « miracle économique » et « d’essor des métiers du marketing et de la pub » ; une Italie qui vit « sous le déluge des spots télévisés de Berlusconi ». Sa première apparition télévisée a lieu en 1994, deux ans avant ses débuts politiques. Matteo Renzi a 19 ans. Il est tiré à quatre épingles et participe à « la Ruota della fortuna », l’équivalent italien de la Roue de la fortune, sur Canale 5, une des chaînes de Berlusconi. « Jamais un jeune Italien de gauche n’aurait voulu participer à une émission sur une chaîne appartenant à Berlusconi », assure Hervé Rayner, qui voit en cette participation une preuve de la faible politisation du futur président du Conseil. Biberonné à la télévision, Matteo Renzi travaille d’abord comme publicitaire pour l’entreprise de marketing familial, la Chil Srl. Puis il met ses talents de communicant au service de la politique. Soutien de Romano Prodi en 1996, il est élu président de la province de Florence en 2004 avec la coalition de centre-gauche L’Olivier. Cinq ans plus tard, il prend la tête de la ville de Florence et devient un des maires les plus appréciés d’Italie. Renzi entre sur la scène nationale en septembre 2012. Il lance sa campagne pour prendre le secrétariat général du Parti démocrate et ainsi mener la coalition de gauche aux élections générales (législatives et sénatoriales) de 2013. Son nom
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devient alors synonyme de « rottamazione », c’est-à-dire de « mise à la casse » des anciens dirigeants du parti qui monopolisent les postes stratégiques. Le Toscan ne se contente pas de ce slogan à la mode. Il grimpe dans son camping-car, part quadriller l’Italie et propose aux internautes de déposer des idées pour son programme. Sa campagne est une réussite : l’outsider atteint le second tour mais ne parvient pas à prendre la place de l’ancien communiste Pierluigi Bersani.
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atteo Renzi continue à tisser sa toile. Il profite des soubresauts politiques qui agitent le Parti démocrate après les élections de 2013, synonymes de gifle pour la gauche. En décembre, le Florentin devient secrétaire général du parti. Deux mois plus tard, il fait tomber Enrico Letta et occupe son poste de président du Conseil au Palazzo Chigi. « Matteo Renzi était connu, mais il n’était pas fort dans le parti. Il a réussi à les convaincre de l’intérêt de le nommer grâce à son image d’homme dynamique », raconte le professeur Mastropaolo. Plus charismatique que ses prédécesseurs Enrico Letta ou Mario Monti, Renzi réussit à s’imposer comme sauveur du pays. Il est souvent comparé à Silvio Berlusconi et présenté comme le « Cavaliere de gauche ». Son discours d’investiture, plein de promesses et de garanties de démission en cas d’échec, rappelle le « contrat » que Berlusconi avait passé à la télévision avec les Italiens. Cette comparaison est pourtant une erreur selon Alfio Mastraopolo : « Les électeurs de gauche n’ont jamais subi le charme de Berlusconi alors que Matteo Renzi impressionne ceux de droite. Et il pourrait y avoir un déplacement des voix centristes vers lui ». Cette proximité neutralise les membres de la droite italienne. Le premier d’entre eux est presque impuissant devant le jeune président du Conseil : « Silvio Berlusconi a quasiment coopté Renzi alors il a beaucoup de mal à être critique envers lui », raconte Hervé Rayner.
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ne « extraordinaire victoire » pour l’Unità, un « triomphe » de Renzi selon la Repubblica, « le Parti démocrate n’a jamais été aussi fort » selon le Corriere della Sera. Au lendemain des élections européennes du 25 mai, les quotidiens italiens ont célébré le succès du Premier ministre et de son parti. Avec un score de 40,8 % pour une participation de 57,2 %, les démocrates sont loin devant le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo (21,2 %) et Forza Italia de Silvio Berlusconi (16,8 %). Cette victoire du centre-gauche a des allures de sacre pour Matteo Renzi, qui n’avait pas encore été légitimé par le suffrage du peuple italien depuis son arrivée au pouvoir le 22 février 2014. Les démocrates ont même réalisé le meilleur score d’un parti de gouvernement en Europe. Ils ont également dépassé leur record datant des européennes de 1984 (34,4 %). Et ce malgré l’augmentation du chômage et la stagnation du PIB. De quoi expliquer les propos de Renzi lors de son interview accordée au Réseau Europa, le 31 mai : « Je suis désolé pour vous mais vous n’avez pas fini de me voir. »
Philippine Robert
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FIN DE PARTIE POUR LA DYNASTIE
GANDHI Depuis l’indépendance de l’Inde en 1947, et le départ des Britanniques, la famille Nehru-Gandhi domine la scène politique du sous-continent. Mais la lourde défaite de leur parti aux élections législatives de mai pourrait mettre un terme à la mainmise du clan sur la plus grande démocratie du monde.
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ne vraie dynastie, meilleure que Dynastie, un Delhi à la hauteur de Dallas ». Quand l’écrivain d’origine indienne Salman Rushdie écrit ces mots pour décrire la famille Nehru-Gandhi, en 1980, les séries américaines Dynastie et Dallas comptent parmi les plus populaires du moment. La comparaison peut prêter à sourire. Et pourtant. Si « l’univers impitoyable » de Dallas règne sur le petit écran de 1978 à 1991, cette famille, sans lien de parenté avec le Mahatma Gandhi, est au pouvoir depuis…1947. Jawaharlal Nehru, sa fille Indira et son petit-fils Rajiv Gandhi ont occupé le poste de Premier ministre durant plus de 35 ans. D’autres membres de la famille se sont imposés au sein du Parti du Congrès, la grande formation politique de l’Inde moderne. Mais la famille Gandhi vient de connaître une défaite historique. Lors des élections législatives de mai, leur parti n’a obtenu que 44 des 543 sièges du Parlement, laissant entrevoir la fin de la dynastie.
Une famille liée à l’histoire du Parti du Congrès Membres de la caste des brahmanes - l’une des plus hautes de la société indienne - les Nehru font partie de l’élite du pays depuis longtemps. Le père de Jawaharlal Nehru, Motilal, « était un des leaders du Parti du Congrès à ses débuts, quand il ne s’agissait encore que d’une association qui voulait donner une place aux élites indiennes dans le système », raconte Jean-Luc Racine, chercheur au Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud (CEIAS)
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et vice-président d’Asia Centre. Mais c’est surtout Jawaharlal Nehru qui va marquer l’histoire de la nation. Membre du parti du Congrès, il va, aux côtés du Mahatma Gandhi, mener son pays à l’indépendance. En 1947, il devient le premier chef de gouvernement de l’Inde indépendante. Un poste qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1964. Deux ans plus tard, sa fille Indira est choisie par les barons du parti pour lui succéder comme Première ministre. Ils pensent pouvoir la manœuvrer facilement mais elle s’impose à la tête de l’Etat. La politique va alors devenir une destinée familiale : Rajiv Gandhi, fils d’Indira, devient à son tour Premier ministre en 1984.
Les assassinats contribuent à la légende des Nehru-Gandhi. L’histoire de la famille Nehru-Gandhi est également rythmée par les assassinats. Premier acte du drame avec Indira. La fille de Nehru se marie en 1942 avec Feroze Gandhi, dont elle prend le nom. Un nom prestigieux en Inde. Pourtant, Feroze n’appartient pas à la famille du Mahatma Gandhi. Devenue Première ministre, Indira Gandhi doit faire face aux revendications des sikhs. Certains leaders de cette religion du nord du pays estiment qu’ils n’ont pas leur place dans une Inde majoritairement hindoue. Ils réclament la création d’un Etat sikh : le Khalistan. En juin 1984, Indira Gandhi lance une opération militaire contre ces séparatistes. L’armée prend d’assaut le temple d’Or d’Amritsar, lieu le plus sacré du sikhisme, où des rebelles se sont réfugiés. Le temple est en partie détruit et les combats font des centaines de victimes. Indira Gandhi vient de signer son arrêt de mort. Cinq mois plus tard, la Première ministre se fait assassiner par deux de ses
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« Deux Gandhi sont décédés dans l’exercice de leurs fonctions : pour les Indiens, ils ont été sacrifiés sur l’autel de leur pays, ce qui rajoute à leur prestige »
gardes du corps Avec les dernières sikhs. élections et la Une macabre destisévère défaite du née que connaiParti du Congrès tra également son face au BJP, la fils Rajiv, Premier branche dissidente ministre de 1984 de la famille est à 1989. Après une peut-être en train Jean-Luc Racine, chercheur au CEIAS. intervention de de prendre l’asl’armée indienne cendant politique. aux côtés du Sri Maneka s’est Lanka contre les indépendantistes tamouls, d’ailleurs vue attribuer un ministère chargé il est victime d’un attentat-suicide en 1991. du droit des femmes et de la protection de « Deux Gandhi sont décédés dans l’exercice l’enfance par le nouveau Premier ministre de leurs fonctions : pour les Indiens, ils ont Narendra Modi. été sacrifiés sur l’autel de leur pays, ce qui rajoute à leur prestige », analyse Jean-Luc Des femmes de pouvoir Racine. Pas de « desperate housewifes » chez les Gandhi. La famille compte en effet de Branches dissidentes nombreuses femmes de tête. Trois d’entre elles, Indira, Maneka, et Priyanka, sont Après plus de trente années au pouvoir, des célèbres dans tout le pays. dissensions apparaissent au sein du clan. Des femmes de la famille, c’est sans doute Sanjay, fils d’Indira Gandhi et dauphin désiSonia qui a le destin le plus singulier. Issue gné, meurt brutalement dans un accident d’une modeste famille du nord de l’Itad’avion en 1980. Sa femme Maneka s’éloigne lie, elle quitte son pays natal à 17 ans pour alors du reste de la famille. étudier l’anglais à Cambridge. Rien ne destine En 1989, le Parti du Congrès perd les élecla jeune Italienne à une carrière politique, tions au profit d’une coalition de petits partis. jusqu’au jour où elle rencontre puis épouse Maneka Gandhi est nommée ministre de Rajiv Gandhi, fils aîné d’Indira et futur l’Environnement. En 2004, elle rejoint offiPremier ministre indien. Après l’assassinat de ciellement le parti nationaliste hindou, le son mari en 1991, Sonia souhaite s’éloigner Bharatiya Janata Party (BJP). Son fils Varun du monde politique. Mais sous la pression des suit ses traces et devient secrétaire général barons du Parti du Congrès, elle en prend la du parti en 2013. « Il est difficile de savoir présidence six ans plus tard. s’il s’agit pour eux de prendre une revanche, En 2004, alors que son parti vient de de faire fructifier le capital politique de leur remporter les élections législatives, on lui nom qu’ils ne pouvaient plus mettre à profit propose de devenir Première ministre. Ce au sein du Congrès ou s’il y avait également qu’elle refuse : « J’ai toujours été certaine des motivations idéologiques », note Virgique si un jour je me retrouvais dans la posinie Dutoya, docteure en science politique et tion qui est la mienne aujourd’hui, je me spécialiste de l’Asie.
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LA FAMILLE NEHRU-GANDHI
Jawaharlal Nehru 1889 - 1964 Premier ministre (1947-1964)
Indira Gandhi
1917 - 1984 Première ministre (1966/77 et 1980/84)
Sonia Gandhi 1946 - ... Présidente du Parti du Congrès (depuis 1998)
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1912 - 1960 Député (1952-1960)
Rajiv Gandhi
Sanjay Gandhi
1944 - 1991 Premier ministre (1984-1989)
1946 - 1980 Conseiller d’Indira Gandhi
Priyanka Gandhi
Rahul Gandhi
1970 - ... Conseillère de Sonia et de Rahul Gandhi
1946 - ... Député (depuis 2004)
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Feroze Gandhi
Maneka Gandhi 1946 - ... Ministre
(1989/91 et 1998/01 2014-...)
Varun Gandhi
1980 - ... Député (depuis 2009) Secrétaire national du BJP
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laisserais guider par ma voix intérieure. Aujourd’hui, cette voix me dicte de décliner humblement le poste de Première ministre que vous m’offrez », déclare-t-elle au Parlement indien. Sonia Gandhi reste toutefois à la tête du Parti du Congrès et conserve une grande influence politique. A tel point qu’en 2010, le magazine américain Forbes l’a sacrée deuxième femme la plus puissante du monde derrière la Première dame des Etats-Unis, Michelle Obama.
Priyanka : le coup de poker du Congrès ? En 2004, l’Inde voit éclore une nouvelle génération de Gandhi. Le fils de Sonia, Rahul, est élu député. En 2013, il devient le bras droit de sa mère en prenant la vice-présidence du Parti du Congrès. Contrairement à Sonia, l’héritier veut devenir Premier ministre. Il se présente aux élections législatives de mai 2014. Un fiasco. La plus lourde défaite qu’ait connu le Parti du Congrès, avec seulement 44 sièges obtenus. « Historiquement, ils ont toujours eu entre 114 et 400 sièges », rappelle Jean-Luc Racine. Usure du pouvoir, corruption, effacement
de Sonia Gandhi, manque de charisme de Rahul… Le parti du Congrès est en piteux état et l’avenir de la dynastie s’écrit en pointillés. « Sonia va sûrement se retirer définitivement pour des raisons de santé et Rahul n’a pas les compétences. C’est le principal problème d’une dynastie : l’héritier ne fait pas forcément le travail correctement », analyse le politologue. Pour certains, la relève viendrait encore une fois d’une des femmes de la famille avec Priyanka Vadra, la sœur de Rahul Gandhi. A croire qu’en Inde, il vaut mieux être une femme pour réussir dans la vie publique. Jean-Luc Racine explique que « c’est l’un des grands paradoxes de cette société, qui reste très machiste ». Toutefois, Priyanka assure ne pas vouloir faire de politique. Le politologue n’y croit absolument pas : « Je pense même que le parti a laissé Rahul se présenter aux législatives car ils savaient qu’ils perdraient. Ils préservent Priyanka le temps que le parti reprenne des forces. » Malgré la débâcle, la dynastie pourrait donc se relever et emmener une quatrième génération jusqu’au poste de Premier ministre.
Lyse Le Runigo et Philippine Robert
N A R E N D RA M O D I , L E N O U V E L H O M M E F O RT Narendra Modi a été investi Premier ministre le 26 mai dernier, après une écrasante victoire aux élections législatives. 551 millions de personnes se sont rendues aux urnes pour le plus grand scrutin démocratique jamais organisé. A 63 ans, le leader des nationalistes hindous détonne dans la classe politique indienne. Contrairement à ses prédécesseurs, il n’a pas été formé dans les grandes universités anglaises ou américaines. Modi incarne au contraire
l’ascension de la classe moyenne. Né dans une famille de modestes épiciers, Narendra aidait son père à vendre du thé. Il s’engage très jeune auprès des nationalistes et se porte volontaire, à treize ans, pour aider les soldats indiens lors de la seconde guerre indopakistanaise. Modi rejoint ensuite le RSS, une organisation nationaliste aux méthodes musclées. Il y milite de nombreuses années, avant de rejoindre le Bharatiya Janata Party
(BJP). En 2001, il devient ministre en chef de l’Etat du Gujarat et passe quatre mandats à la tête de cet Etat de plus de 60 millions d’habitants. Avec une rhétorique ouvertement islamophobe, l’homme a joué un rôle controversé lors des émeutes anti-musulmanes de 2002, qui ont fait entre 1 000 et 2 000 victimes. Sur le plan économique, le Gujarat prospère sous la gouvernance de Modi avec des taux de croissance fleurtant avec les 10 %.
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Shumona Sinha Installée en France depuis près de quinze ans, la romancière indienne analyse la situation politique de l’Inde après les élections législatives et la victoire du nationaliste hindou Narendra Modi. Les défis ne manquent pas pour le nouveau Premier ministre : croissance au ralenti, inégalités sociales criantes, éducation, condition des femmes, corruption... Des enjeux auxquels l’écrivaine francoindienne est particulièrement sensible.
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‘‘ L’Inde est un pays féodal, faussement démocratique ’’ Avez-vous été surprise par le résultat des dernières élections qui ont porté au pouvoir le nationaliste hindou Narendra Modi ? Oui et non. Ce résultat était prévisible. J’ai quand même été profondément choquée car quoi qu’on dise, le mot « laïque » est mentionné dans la Constitution indienne. Nous ne sommes pas dans des pays voisins de l’Inde qui déclarent être musulmans. Après tant d’années à se battre pour préserver bon an mal an cette laïcité, on bascule à grande vitesse vers une approche religieuse de la politique. Et il ne s’agit pas seulement de la manipulation d’un peuple analphabète, comme on a pu l’interpréter autrefois : aujourd’hui, une grande partie de l’intelligentsia indienne adhère au parti de Narendra Modi. Sa victoire se profilait depuis longtemps. Ce repli nationaliste n’a d’ailleurs rien d’exceptionnel au regard de ce qui se passe dans le monde. Actuellement, rares sont les pays où les idées progressistes l’emportent.
Comment expliquez-vous la chute du Parti du Congrès ? En ce qui me concerne, voter pour le Parti du Congrès fut un choix par défaut. S’il ne défendait pas ouvertement les fanatismes hindouiste et islamiste, il a joué de façon très mesquine pour flatter les deux camps. Je ne crois pas que ces gens du Parti du Congrès soient réellement laïques. Sans oublier qu’ils sont assimilés à la corruption. Beaucoup les voient comme des parrains.
Dans votre roman Calcutta, vous évoquez les tensions entre fanatiques hindous et musulmans. Pensez-vous qu’elles menacent la paix civile en Inde ? Pas forcément. Il y a eu des émeutes et des affrontements inter-religieux lors de l’indé-
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pendance, puis en 1992. Mais certains fanatiques islamistes s’entendent aujourd’hui très bien avec les fanatiques hindouistes. Je connais des musulmans intégristes qui sont ravis du résultat des élections. Leurs vrais ennemis sont les progressistes.
L’Inde a eu une femme Première ministre pendant quinze ans. À ce titre, le pays semble plus avancé que certaines nations occidentales. Parallèlement, les violences faites aux femmes reviennent régulièrement à la Une des journaux. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? On dit de l’Inde que c’est la plus grande démocratie du monde, mais c’est une démocratie féodale. Quand Indira Gandhi arrive au pouvoir, ce n’est pas la femme que l’on élit, c’est la famille. Indira Gandhi n’était pas une femme, c’était la princesse. Les Indiens vouent une vénération quasi-religieuse à la dynastie Gandhi, comme Benazir Bhutto au Pakistan, mais cette arrivée de femmes en politique ne se répercute pas du tout dans la société. Elles sont des héritières et ne donnent pas l’impression que n’importe quelle fille pourrait réussir. Les médias étrangers ont beau véhiculer une image progressiste du pays, la condition des Indiennes est déplorable. Personnellement, je n’en pouvais plus, c’est une des raisons qui m’a poussé à partir. En Inde, je ne pourrai pas mettre une robe et m’asseoir seule à un café comme je le fais en France.
On parle beaucoup des viols en Inde. Est-ce un tabou qui a sauté ou y en a-t-il plus qu’avant ? C’est vrai qu’il y a des affaires de viols dans des villages dont on ne parlait pas autrefois dans les médias internationaux, à la fois
ENTRETIEN
faussement démocratique, qui ne s’est jamais parce qu’on porte une attention particulière occupé des enjeux sociaux : si on est pauvre sur l’Inde en ce moment et parce que ce on reste pauvre. Le peuple devient fataliste. sujet n’est plus tabou dans le pays. Mais on L’éducation est inaccessible à de nombreux voit également émerger une nouvelle forme Indiens, à part au Bengale occidental et au Kede viols qui, selon moi, relève plus du fait rala, où les exécutifs régionaux ont beaucoup social que du problème sexuel. Les victimes œuvré pour envoyer le plus d’enfants possont souvent issues de familles plus ou moins sible à l’école. Il n’y a qu’une poignée de peraisées, avec des signes extérieurs d’occidensonnes qui profitent du boom économique. talisation. A l’inverse, leurs agresseurs sont Ceux qui vivent dans la misère se rabattent issus de la classe ouvrière. sur la superstition. Et puis l’Inde est un pays Quand j’étais en Inde, plus jeune, on n’imagipaïen, où l’on nait pas porter un crée des dieux vêtement qui dépour tout. On a voile les jambes. un dieu pour l’inDepuis dix ou formatique que quinze ans, la uand j étais en nde l’informaticien va classe moyenne plus jeune on n imaginait invoquer si son profite d’un nouordinateur tombe veau mode de pas porter un vêtement qui en panne. vie, occidental. dévoile les jambes epuis dix ou Mais pour ceux quinze ans la classe moyenne Pensez-vous requi sont restés en tourner y vivre bas de l’échelle, profite d un nouveau mode de vie un jour ? rien n’a changé. occidental ais pour ceux qui Je vais en Inde Ils sont restés chaque année, je sont restés en bas de l échelle dans l’Inde d’il y suis très contente a trente ans. Alors rien n a changé d’y aller dix jours. quand ils voient Le problème est une femme habilque je ne suis pas lée de la sorte, ils libre là-bas. Je ne ne comprennent dis pas qu’à Paris pas. Les hommes tout est parfait mais la nationalité française, qui agressent ces femmes-là prennent une pour moi, n’est pas un bout de papier. C’est sorte de revanche sociale. pourquoi s’il y avait un conflit entre l’Inde et la France, j’aurais tendance à rester objective car je ne peux pas avoir de solidarité natioL’Inde se trouve dans un autre paradoxe très nale : c’est trop dangereux, cela mène au raintrigant : la cohabitation entre l’émergence cisme. d’une technologie de pointe et la persistance de croyances populaires traditionnelles. Et puis j’adore vraiment la vie en France. C’est Comment expliquez-vous cela ? à Paris que je me sens chez moi. Encore une fois, l’Inde est un pays féodal, Propos recueillis par Margaux Leridon
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BOKO HARAM
AUX ORIGINES DE LA HAINE
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NIGERIA
A l’origine : une petite communauté islamiste du nord-est du Nigeria fondée en 2002 par un jeune imam. Aujourd’hui : un mouvement terroriste d’une rare violence qui sème la terreur dans l’ensemble du pays. Au fil des années et face à l’absence de stratégie des différents gouvernements nigérians, Boko Haram a choisi le chaos. Le coucou #0
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uatorze avril 2014, Boko Haram enlève plus de 200 lycéennes dans le nord-est du Nigeria. La communauté internationale s’émeut et découvre ce groupe dont le nom signifie « l’éducation occidentale est un pêché ». Mais cette organisation est connue des Nigérians depuis le début des années 2000. Créé en 2002, Boko Haram était alors une secte extrémiste que l’Etat fédéral a tenté d’éradiquer par la violence. Une tentative qui a tourné au fiasco : le groupe s’est radicalisé jusqu’à devenir un mouvement terroriste.
De la prédication à la violence de masse Les premières traces de l’islam au Nigeria remontent au IX e siècle. Différentes branches s’y développent au cours du temps. Parmi elles, l’organisation Izala. Née en 1978, elle s’implante rapidement dans le nord du pays. Sa principale revendication : l’application de la charia – la loi islamique - dans les Etats du Nord. « C’est un mouvement radical, mais qui accepte de fonctionner dans l’Etat fédéral pour le réformer de l’intérieur », explique Elodie Apard, chercheuse à l’Institut français de recherche en Afrique (IFRA). Cette stratégie fonctionne. Dans les années 2000, douze Etats décident d’utiliser la charia comme référence législative. C’est à cette époque qu’un jeune imam nigérian se distingue. Formé par les Izalas, Mohamed Yusuf prêche dans les villages de son Etat natal. Aucun doute à ses yeux : l’islam n’est pas compatible avec la démocratie, il faut donc cesser toute coopération avec l’Etat fédéral nigérian. En 2002, alors qu’il a 32 ans, Yusuf quitte les Izalas. L’imam poursuit ses diatribes enflammées contre
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l’Occident, la sécularisation de l’Etat et la démocratie. Il prône également une application rigoriste de la charia. Son discours fait des adeptes. En quelques mois, Yusuf les rassemble et fonde une petite communauté dans le nord-est du pays. Boko Haram est né. Le groupe ne tarde pas à passer de la prédication à la violence. Il multiplie les attaques contre des postes de police et des bâtiments gouvernementaux. En 2008, après quelques années de relative discrétion, Boko Haram reprend ses actions violentes. L’Etat y répond par les armes. « Une répression sanglante au cours de laquelle l’armée a un peu frappé à l’aveugle », explique l’ancien directeur de l’IFRA Gérard Chouin. En juillet 2009, une offensive des militaires fait près d’un millier de morts, dont de nombreux civils. Mohammed Yusuf est exécuté. L’Etat pense avoir éradiqué Boko Haram. Il n’en est rien : « Le mouvement dort pendant un an, raconte Gérard Chouin. Puis en 2011, il se restructure et se réarme. » La secte religieuse extrémiste s’est transformée en mouvement terroriste.
Les populations civiles, cibles privilégiées de Boko Haram Désormais dirigé par Abubakar Shekau, l’ancien bras de droit de Yusuf, Boko Haram frappe fort : un attentat à la voiture piégée devant un bâtiment de l’ONU à Abuja en août 2011 (25 morts) ; en novembre, des attaques simultanées contre des églises et des banques font 150 morts… Cela galvanise le groupe terroriste. En janvier 2012, une centaine d’assaillants mettent la deuxième ville du pays, Kano, à feu et à sang. Au cours de l’année, près de 1 000 Nigérians sont tués. Collégiens, lycéens et professeurs sont régulièrement pris pour cible. Sentant la situation lui échapper, le président
NIGERIA PAYS
Une nouvelle tactique est adoptée : multiplication des attaques contre les civils, violence accrue, renforcement de l’arsenal militaire...
nigérian Goodluck Jonathan décrète l’état d’urgence dans trois Etats du Nord-Est, le 14 mai 2013. Il y lance une vaste offensive censée détruire Boko Haram. Mais comme en 2009, cette stratégie échoue et radicalise un peu plus le groupe terroriste. Pour Boko Haram, il devient nécessaire de dissuader les populations locales de collaborer avec l’armée. Une nouvelle tactique est adoptée : multiplication des attaques contre les civils, violence accrue, renforcement de l’arsenal militaire... Les habitants des villages d’Izghe et Amchaka, totalement rasés, l’apprennent à leurs dépens. Si les attaques les plus médiatisées en Europe sont celles touchant des chrétiens, « la majorité des victimes de Boko Haram sont musulmanes », précise Gérard Chouin.
Plus de 2 000 morts en 2014 En mai dernier, le gouvernement nigérian a prolongé l’état d’urgence de six mois, preuve de son incapacité à venir à bout de Boko
Haram. D’autant plus que le groupe terroriste se nourrit de la pauvreté du pays - 60 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour. « Il est probable que des jeunes sans perspective d’avenir soient tentés par un mouvement comme Boko Haram, qui peut être vu comme la seule forme de résistance possible face à l’Etat corrompu », explique Gérard Chouin. La résistance à l’Etat corrompu, certes, mais aussi la promesse d’une belle somme d’argent en cas d’engagement dans le groupe et de meurtres de soldats. Depuis le début de l’année, Boko Haram a causé la mort de plus de 2 000 personnes. Sa dernière cible est le football, qu’Abubakar Shekau considère comme une « perversion occidentale ». C’est ainsi que le 17 juin, près de la ville de Damaturu dans le nord-est du pays, 21 personnes ont été tuées par l’explosion d’une bombe. Leur « crime » : regarder le Brésil disputer sa deuxième rencontre de Coupe du monde face au Mexique.
Raphaël Badache et Marion Lot
« To u t l e m o n d e n ’ a pa s i n t é r ê t à c e q u e l e c o n f l i t c e s s e » En juillet 2011, alors que les violents affrontements entre l’armée et Boko Haram se poursuivaient, le président Goodluck Jonathan proposait de négocier avec le groupe terroriste. Avant de rétropédaler un mois plus tard puis de multiplier les opérations contre Boko Haram. « Négociation, fermeté, l’Etat ne sait plus quoi faire. Il est totalement désarmé face à un mouvement idéologique qu’il ne peut pas corrompre », analyse l’ancien directeur
de l’institut français de recherche en Afrique, Gérard Chouin. Mais les autorités veulent-elles vraiment en finir avec Boko Haram ? Pour l’universitaire nigérian Tunde Fatunde, une partie des élites du Nord du Nigéria soutiendrait le groupe en sous-main. Pas impossible selon la chercheuse Elodie Apard, « mais encore faut-il savoir qui on met derrière les ‘‘élites du Nord’’ : les chefs dits traditionnels, les chefs religieux, les
personnes qui ont le pouvoir économique, celles qui ont le pouvoir politique ? » Une chose est sûre, « un certain nombre de gens bénéficient de ce conflit, affirme Gérard Chouin. Toutes les institutions de sécurité ont vu leur budget augmenter, des contrats juteux ont été passés avec des entreprises pour fournir du matériel, des vêtements et des équipements militaires. Alors tout le monde n’a pas intérêt à ce que le conflit cesse. »
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BIKINI L’ATOLL ATOMISÉ De 1946 à 1958, les Iles Marshall ont été la cible d’une soixantaine d’essais nucléaires américains. En avril, ce micro-Etat du Pacifique a porté plainte contre les Etats-Unis devant la Cour de justice internationale de La Haye. L’objectif : exiger le désarmement prévu par le traité de non-prolifération. Soixante ans après les essais, l’atoll de Bikini, au nord de l’archipel, reste inhabitable.
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ÎLES MARSHALL
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ous faisons le serment de nous battre pour qu’aucun peuple sur terre n’ait à subir les atrocités que nous avons connues. » Ces mots prononcés le 25 avril dernier sont de Tony deBrum, ministre des Affaires étrangères des Iles Marshall, un micro-Etat de 60 000 habitants placé sous la tutelle des Etats-Unis jusqu’en 1990. L’homme est à l’origine de la première plainte pour « crime nucléaire », portée devant la Cour internationale de justice de La Haye. Les Etats-Unis, la France ainsi que sept autres puissances nucléaires sont accusées de moderniser leur arsenal, en dépit des obligations de désarmement prévues par le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (voir encadré).
Des essais nucléaires pour « le bien de l’humanité » Les îles Marshall entretiennent avec les EtatsUnis une relation aussi étroite que complexe. Entre 1944 et 1958, l’armée américaine a réalisé sur son ancien archipel quelque 67 essais nucléaires. Pour les militaires de l’époque, ces confettis de terre éparpillés dans l’océan Pacifique offraient un terrain d’expérimentation idéal. Parmi toutes ces îles, il en est une dont le nom a fait le tour du monde : Bikini. Avant d’inspirer le créateur du maillot de bain deux-pièces « révolutionnaire », cet atoll de 6 km 2 était surtout connu pour être l’un des laboratoires privilégiés de l’armée américaine. Au total, 22 essais atmosphériques et sous-marins y ont été réalisés. A l’est, le cratère formé par l’essai Castle Bravo est toujours bien visible : c’est là que les EtatsUnis ont testé, le 1er mars 1954, la bombe à hydrogène la plus destructrice de leur histoire.
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Celle-ci était 1 000 fois plus puissante que la bombe atomique larguée sur Hiroshima. Une déflagration si violente que trois îles ont été rayées de la carte. Il n’en reste aujourd’hui que trois petites étoiles noires dessinées sur le drapeau de Bikini. Le cauchemar des habitants de Bikini commença quelques années plus tôt, avec l’opération Crossroads. En février 1946, le gouverneur militaire des îles Marshall débarque sur l’atoll de Bikini. Devant les caméras de l’armée américaine, Ben Wyatt demande solennellement aux habitants de quitter leur terre, le temps que l’armée puisse y mener un grand projet qui permettra d’en finir avec les guerres mondiales. En invoquant « le bien de l’humanité », il parvient à convaincre le roi de l’atoll, Juda, d’abandonner son fief. Les 167 habitants de Bikini sont alors loin d’imaginer ce qui va suivre.
« Les Américains ont brisé notre communauté » Alors qu’une longue série d’explosions débute, tous sont envoyés à 200 kilomètres de leur terre natale, sur l’île de Rongerik. Sur place, les ravitaillements américains se raréfient au fil des mois. Au point que la famine s’installe. Devant les critiques de la presse internationale, le gouvernement américain décide de les déplacer à nouveaux. Les habitants sont disséminés sur plusieurs îles de l’archipel. « Les Américains ont brisé notre communauté, déplore Lani Kramer, conseillère du maire de Bikini. Nous étions une grande famille. Depuis, nous sommes dispersés à travers le monde, à Hawaï, à Kili, aux Etats-Unis, nous ne connaissons même pas certains de nos parents. » Aujourd’hui, la plupart d’entre eux vivent à quelques centaines de kilomètres au sud
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A l’exception d’une poignée de scientifiques, l’atoll est désert. L’eau et les produits du sol sont toujours impropres à la consommation.
de l’atoll, sur l’île de Kili. Un petit rocher dépourvu de lagon, isolé de tout. « Ils détestent cette île, c’est une prison pour eux, rapporte Lani Kramer, ils me demandent de négocier avec les Etats-Unis pour les faire partir, mais je n’ai pas ce pouvoir. »
550 dollars d’indemnisation Retourner à Bikini, c’est le rêve de beaucoup d’entre eux. Sauf qu’aucun n’est prêt à prendre le risque. A l’exception d’une poignée de scientifiques en mission d’observation, l’atoll est désert. Leurs études montrent que l’eau et les produits du sol restent impropres à la consommation. En 1968 pourtant, les anciens habitants avaient été autorisés à rentrer chez eux. Après avoir goûté quelques mois au bonheur de retrouver leur paradis perdu, certains sont tombés malade. Des tests médicaux révélaient chez eux des taux de césium 137 - un isotope extrêmement toxique - anormalement élevés. Une nouvelle évacuation
est décidée. Cette fois sans retour possible. De Majuro, la capitale des Îles Marshall où il habite, Jack Niedenthal assure la gestion du fonds d’indemnisation américain des victimes de Bikini. « Chaque jour, j’ai devant mon bureau 20 à 30 personnes qui passent la journée assises ici à attendre leur chèque. C’est ça leur vie, tous les jours : s’asseoir et attendre », s’indigne-t-il. Cet expatrié américain est chargé de redistribuer aux victimes des essais et à leurs descendants une allocation annuelle de 550 dollars. Une maigre compensation qui n’effacera pas les années de souffrance, l’exil, et la maladie. Mais pour beaucoup d’insulaires, sans emploi, c’est un minimum vital. Jack Niedenthal négocie actuellement avec le Congrès américain pour tenter d’obtenir l’augmentation du fonds. Il doit aussi permettre d’achever les opérations de décontamination de Bikini, laissées en plan par les Etats-Unis. Un rêve que la plupart des anciens habitants, âgés, ont peu de chance de voir se concrétiser un jour.
Lyse Le Runigo
U n e p l a i n t e c o n t ro v e rs é e « Ce n’est pas une bonne manière de faire du business », tranche Jack Niedenthal. Responsable du fonds d’indemnisation pour les victimes des essais nucléaires de Bikini, cet Américano-Marshallais désapprouve la plainte lancée par les Iles Marshall en mai dernier, qui accuse les Etats-Unis, ainsi que huit autres puissances, d’enrichir leur arsenal nucléaire, en dépit du traité de non-prolifération de 1968. Jack Niedenthal estime que cette
action judiciaire, qui a tout d’un combat de David contre Goliath, risque surtout de saper ses démarches pour obtenir de nouvelles indemnisations auprès de Washington. « Les Etats-Unis n’ont aucune obligation légale d’indemniser ces gens, explique-t-il. C’est pourquoi il faut poursuivre les négociations, mais il est très difficile de conserver l’attention du Congrès. La plupart (des députés) estiment qu’ils ont déjà suffisamment payé. »
Autre point épineux : la procédure. Tony deBrum, le ministre des Affaires étrangères à l’initiative de la plainte, a assuré l’avoir suivie à la lettre, en informant le procureur de la République des Iles Marshall. Mais dans une tribune publiée le 2 mai 2014, ce dernier a nié en bloc : « Je n’ai reçu aucune information et n’ai jamais été consulté sur cette question (…) Qui peut prétendre poursuivre les Etats-Unis au nom du peuple marshallais ? »
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MOHAMMED VI L’AFRICAIN
Lorsqu’il se déplace en Afrique, il est accueilli par des foules enthousiastes. Depuis son arrivée sur le trône du Maroc en 2000, Mohamed VI a fait du continent sa priorité sur le plan diplomatique. Une “opération-séduction” qui lui permet aujourd’hui, alors que l’Algérie se replie sur elle-même et que la chute de Kadhafi en Libye laisse une place vacante, de s’affirmer, discrètement mais sûrement, comme un nouveau leader africain.
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unettes de soleil, caftan rayé et sourire jovial, le roi Mohamed VI du Maroc s’offre un bain de foule. Des hommes et des femmes enthousiastes s’approchent de lui, chantent, essaient de le toucher, présentent un enfant. La scène se déroule à Conakry, en Guinée, début mars. Mais elle pourrait aussi bien avoir lieu au Mali, en Côte d’Ivoire, ou sur n’importe quelle étape de la tournée africaine printanière du souverain. Elle pourrait même se dérouler lors d’un de ses précédents voyages sur le continent, nombreux depuis son avènement en 2000. Car le roi Mohamed VI aime l’Afrique, et l’Afrique le lui rend bien. Depuis la mort de son père Hassan II, il n’a cessé de cultiver les liens économiques, diplomatiques et religieux du royaume avec ses voisins subsahariens, réussissant à s’imposer comme une pièce incontournable de l’échiquier africain. Et ce, ironie du sort, malgré son absence de l’Union africaine, qu’il a quittée en 1984 (voir encadré).
Des contrats, des contrats, encore des contrats « Depuis son accession au trône, le roi a fait de l’Afrique francophone sa priorité », explique Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales. Lors de la dernière tournée de Mohamed VI en Afrique, au mois de mars, le souverain a signé une vingtaine d’accords commerciaux dans chacun des pays qu’il a visités. Ports de pêche, cimenterie… Tout y passe. Pour les entrepreneurs marocains, l’Afrique devient un terrain de chasse idéal. La Royal Air Maroc a ouvert plusieurs lignes aériennes vers les Etats subsahariens et deux banques marocaines importantes, BMCE Bank et AttijariWa-
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fabank, ont implanté des filiales sur le continent. Autant de facteurs qui encouragent les entrepreneurs à se lancer dans l’aventure africaine. « Hassan II avait une inf luence diplomatique plus importante que celle de Mohamed VI, explique Youssef Jebri, auteur de l’ouvrage Mohamed VI, une décennie de règne. Mais d’un point de vue économique, le monarque actuel est bien plus efficace. Il a instauré une véritable liberté d’entreprendre. Ce qui a naturellement orienté certains entrepreneurs vers le marché africain, où tout reste à construire. » Le royaume chérifien bénéficie d’une image de neutralité bienveillante, qui profite à ses entrepreneurs. « Nous ne sommes pas des colonisateurs, assure Jawad Kerdoudi. Nous venons aider les Africains. » Pour l’instant, l’Afrique ne représente que 5 % des échanges commerciaux du royaume. « C’est encore très faible comparé à l’Europe », reconnaît Jawad Kerdoudi, mais ce chiffre est en progression.
Mohamed VI, “commandeur des croyants“ Pour autant, les Africains sont loin de voir le roi Mohamed VI comme un simple VRP de luxe, venu défendre les intérêts commerciaux de son royaume. Le monarque est aussi considéré par beaucoup de musulmans comme le “commandeur des croyants“, y compris au-delà des frontières de son pays. Un titre hérité de l’histoire qui n’a rien d’officiel mais qui porte une charge symbolique forte pour bon nombre d’Ivoiriens, de Maliens ou de Sénégalais. Les observateurs soulignent l’importance de ce soft power religieux dans la diplomatie africaine de Mohamed VI. La présence religieuse du Maroc en Afrique est aussi encouragée par les occidentaux. Le royaume pratique en effet l’islam malé-
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Le Maroc pratique l’islam malékite, qui apparaît comme un barrage efficace contre l’islam radical.
kite, réputé tolérant et modéré, et apparaît donc comme un barrage efficace contre l’islam radical. « Le Maroc gère la religion comme une marque, avec son logo, ses éléments de langage comme “ouverture”, “tolérance” et “modération” », explique Ismaïl Regragui, doctorant à Sciences Po. Un islam dont le pays ne cesse de faire la promotion auprès des musulmans d’Afrique : distribution de Corans, attribution de bourses pour permettre aux imams africains de venir se former au Maroc…
« Il y a une opportunité à saisir » Les échanges culturels entre le Maroc et l’Afrique sont d’autant plus importants que le royaume est récemment devenu un pays d’immigration. « Nous étions un pays de transit pour les subsahariens, explique Jawad Kerdoudi. Mais à la suite des mesures prises par l’Europe pour se protéger contre les clandestins, ils ont commencé à rester au Maroc. » Une situation potentiellement explosive,
mais finalement plutôt bien gérée. « La société marocaine n’a pas l’habitude d’accueillir une immigration, analyse le chercheur Ismaïl Regragui. Sa gestion a été difficile, mais cela s’est assoupli récemment. » Si cette donnée a contribué à favoriser le dialogue culturel sur le continent, elle pourrait aussi expliquer la préoccupation économique du Maroc pour ses voisins africains. « Le fait que le Maroc investisse sur ces pays n’est pas anodin ; c’est aussi une façon de venir en aide aux pays d’origine des migrants pour éviter une immigration excessive », suggère l’universitaire. Leader religieux, allié économique… Autant de qualités qui permettent à Mohamed VI de s’envisager comme un nouveau chef de file africain. L’Algérie se replie sur elle-même, la Libye n’a pas trouvé de successeur à Kadhafi… Dans la région, une place apparaît vacante. « Kadhafi était surnommé le roi des rois d’Afrique, explique Ismaïl Regragui. Les cartes tombent et il y a une opportunité à saisir. »
Margaux Leridon
L ’ é p i n e u s e q u e st i o n d u S a h a ra o c c i d e n ta l Le Sahara occidental est un territoire de 266 000 km2, bordé par la province marocaine de Tarfaya, l’Algérie et la Mauritanie. Sous domination espagnole depuis 1884, il est l’objet, dans les années 1970, de la convoitise de ses voisins fraîchement indépendants. En 1975, un accord est conclu entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie. Cette dernière hérite du tiers Sud du Sahara occidental, tandis que le royaume chérifien en récupère les deux tiers Nord. Ni
l’Algérie ni les Sahraouis ne sont consultés. En février 1976, les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par Alger, proclament la République arabe sahraouie démocratique (RASD). C’est le point de départ d’un conflit armé qui fera des dizaines de milliers de déplacés. En août 1979, la Mauritanie signe un traité de paix avec le Front Polisario et renonce au territoire qui lui avait été attribué. En 1982, la RASD intègre l’Organisation de l’unité
africaine (future Union africaine), provoquant le départ du Maroc de l’organisation deux ans plus tard. Il faut attendre 1991 pour que le royaume chérifien accepte un cessez-le-feu, sous l’égide de l’ONU. Le principe d’un référendum d’autodétermination est adopté, mais le scrutin a été systématiquement repoussé pour des motifs divers depuis 1992. La revendication du Sahara occidental est un élément central du nationalisme marocain.
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AL-JAZEERA DANS LA TOURMENTE
QATAR
Ancienne chaîne phare du monde arabe, Al-Jazeera traverse la plus grave crise de son histoire. Ses audiences chutent, son image est ternie et les démissions se multiplient. En cause : l’alignement de sa ligne éditoriale sur la politique du Qatar. Al-Jazeera doit désormais faire face à une concurrence de plus en plus acharnée. Le coucou #0
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l a été demandé au Qatar de fermer Al-Jazeera, qui provoque la sédition. » L’injonction date de mars dernier et vient de l’Arabie saoudite, qui ne supporte plus les provocations de la chaîne installée au Qatar voisin. Pour être certaine de bien se faire comprendre, Riyad a rappelé son ambassadeur en poste à Doha. Le Qatar n’a pas réagi. Dix-huit ans après sa création, Al-Jazeera, surnommée la “CNN arabe”, traverse une crise sans précédent. Les dirigeants du monde arabe souhaitent l’éradiquer, sa ligne éditoriale s’islamise, les audiences dégringolent et de nouvelles chaînes concurrentes montent en puissance.
La deuxième guerre du Golfe, ou l’âge d’or d’Al-Jazeera La chaîne étant la propriété de Doha, elle est affublée de l’étiquette “Voix du Qatar” dès sa naissance. Au Qatar, le dernier mot revient toujours à l’émir, mais trois personnes pèsent dans les prises de décisions. Le Premier ministre Hamad bin Jassem, également ministre des Affaires étrangères, est libéral en affaires mais conservateur sur les questions de société. La deuxième femme de l’émir, Cheikha Moza, considérée comme progressiste, est influente sur les questions de communication et l’organisation des médias. Enfin, le très conservateur Hamad bin Thamer, cousin de l’émir, exerce une forte influence sur le souverain. C’est en partie grâce à ces luttes d’influence qu’Al-Jazeera a pu bénéficier d’une liberté de ton inconnue dans les médias arabes. On croise alors sur la même antenne des femmes voilées et d’autres très maquillées ; des programmes islamistes et des contenus ouvertement laïques. La chaîne ne présente
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pas une seule ligne éditoriale, mais bien « l’opinion et son contraire », comme le clame son slogan. Al-Jazeera fait également une large place aux débats politiques et sociétaux. Tous les sujets y sont abordés, y compris la politique intérieure du Qatar. Et les opposants de tous les régimes autoritaires sont conviés. Une liberté de ton qui commence à exaspérer les voisins de l’Emirat. « Depuis sa création, Al-Jazeera est un poil à gratter », résume Georges Malbrunot, co-auteur avec Christian Chesnot de Qatar, les secrets du coffre-fort. Ainsi, en 1998, la Jordanie ferme les bureaux de la chaîne à Amman. Et depuis 2002, l’Egypte coupe son antenne à diverses reprises. Al-Jazeera va acquérir une renommée internationale à partir de 2003 grâce à ses reportages engagés sur le conflit irakien. Elle couvre la guerre au sol et assume une position anti-américaine. A tel point que George Bush aurait envisagé de bombarder le siège de la chaîne à Doha. « L’Irak, c’est l’âge d’or d’Al -Jazeera », explique Georges Malbrunot.
La chaîne a amorcé un long processus d’islamisation En 2004, le Palestinien Wadah Khanfar est nommé directeur général de la chaîne. Progressivement, les contenus laïques sont suspendus. A la rédaction, les nouvelles recrues sont majoritairement proches des islamistes. Les anciens sont poussés vers la sortie. En 2009, un code vestimentaire impose que les jupes arrivent sous les genoux et que les chemisiers ne laissent pas voir plus de 5 centimètres de peau. Les démissions se multiplient. Malgré tout, les audiences sont toujours au beau fixe. Al-Jazeera, c’est alors plus de 55 millions de téléspectateurs quotidiens, dans 40 pays. Et avec un budget illimité, elle ne
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« Al-Jazeera est devenue une simple courroie de transmission des idées de Doha. »
c’étaient des journacesse de grandir. listes vedettes. Ils ont Le deuxième virage fondé leur chaîne, arrive fin 2010. Les Al-Mayadeen, et ça révolutions arabes cartonne », explique éclatent, en Tunisie Christian Chesnot, spécialiste du Qatar. René Naba, journad’abord, puis en liste spécialiste du Egypte, en Libye, à Proche-Orient. Là Bahreïn et en Syrie. est le plus grand problème d’Al-Jazeera : la Al-Jazeera devient alors « une simple courroie concurrence est devenue féroce sur le marché de transmission des idées de Doha, complède l’information en arabe. L’Arabie saoudite tement acquise aux Frères musulmans », a lancé Al-Arabiya en 2003 et les chiites ont explique Christian Chesnot. Le nouveau Al-Mayadeen depuis juin 2012, financée par pouvoir égyptien, qui a chassé le président l’Iran. Conséquence : les audiences d’Alislamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, Jazeera sont en baisse (voir encadré). part en guerre contre la chaîne. Ses locaux Pour enrayer son déclin, le groupe se diversont régulièrement mis à sac et fin décembre, sifie : Al-Jazeera English, Al-Jazeera Balkans, vingt journalistes sont arrêtés. Seize d’entre Al-Jazeera Turquie, et même Al-Jazeera Etatseux, des Egyptiens, sont accusés d’apparteUnis l’année dernière. Mais le canal amérinance à une « organisation terroriste ». cain serait un véritable fiasco. Le New York Post parlait, en novembre dernier, de 13 000 Une concurrence acharnée téléspectateurs par jour. Un “Al-Jazeera français”, basé au Sénégal, serait dans les tuyaux L’alignement d’Al-Jazeera sur la politique afin de capter public francophone. Mais le du Qatar fait également grincer des dents flou est total concernant ce projet, pourtant en interne. Certains journalistes décident annoncé en grande pompe en mars 2013. de créer leur propre chaîne. « Ghassan Ben Jeddou est parti, Sami Kleib est parti,
Marion Lot
A l - Ja z e e ra t e n t e d e d i s s i m u l e r l a c h u t e d e s e s a u d i e n c e s Lemag : « Al-Jazeera de 43 millions de téléspectateurs à 6 millions » ; L’Express : « AlJazeera en tête de l’audience dans le monde arabe » ; Orient XXI : « Al-Jazeera et ses audiences à géométrie variable »… L’audimat de la chaîne qatarie fait débat. « En tout état de cause, les (vrais) chiffres d’audience sont un quasi secret d’Etat », explique Yves GonzalezQuijano, chercheur au Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-
Orient. Plusieurs chiffres circulent. Al-Jazeera revendique toujours sa place de chaîne n°1 dans le monde arabe avec près de 40 millions de téléspectateurs par jour. Faux, archifaux, assure le site web marocain Lemag. Selon le journaliste Adam Slafi, « Al-Jazeera a payé deux instituts de sondages européens ‘‘indépendants’’, pour s’autoproclamer la plus grande chaîne d’information dans le monde arabe ». Des affirmations difficiles à vérifier.
Une chose est sûre : la plupart des études font état d’une baisse globale des audiences d’AlJazeera. Et même d’un effondrement dans les pays du « Printemps arabe » comme la Tunisie, l’Egypte ou la Libye. Le site marocain Lakome assure ainsi, rapport à l’appui (mais non publié), que le nombre de téléspectateurs tunisiens d’Al-Jazeera est passé de 950 000 en janvier 2012 à 200 000 en décembre 2012.
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L’INDÉPENDANCE
DE VENISE:
UNE MASCARADE Entre le 17 et le 21 mars derniers, le site italien Plebiscito proposait aux internautes de répondre à la question suivante : « Souhaitez-vous que la Vénétie devienne un Etat souverain, indépendant et fédéral ? » La formule est limpide, la réponse aussi : 89% de « oui ». Les enjeux à tirer de cette consultation aux allures de référendum, eux, le sont moins.
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ITALIE
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histoire de la Vénétie est avant tout celle d’un Etat indépendant, la République de Venise, qui vécut onze siècle (697-1797). Capitale du commerce européen au Moyen-Age, elle acquiert un poids politique dominant avant d’amorcer un long et lent déclin qui la voit rendre les armes face au général Bonaparte. Après l’unification de la péninsule dans les années 1860, Venise est rattachée à l’Italie. La cité des Doges n’en garde pas moins ses traditions et son goût pour l’indépendance. Aujourd’hui, beaucoup de Vénitiens se sentent méprisés par le pouvoir central. Un sentiment qu’exprime leur gouverneur, Luca Zaia. Au mois de mars, devant la presse étrangère, il déclarait : « Rome continue de nous regarder avec morgue comme si nous étions aux frontières de l’Empire. » C’est ce particularisme régional qui a été mis en avant pour justifier la tenue d’une consultation portant sur l’indépendance de la Vénétie, du 17 au 21 mars.
Des doutes importants sur la fiabilité de la consultation Les chiffres publiés par Plebiscito.eu, qui a organisé ce “référendum“, sont sans appel : le “oui” à l’indépendance l’a emporté avec 89 % des voix. Selon le site, 2,36 millions d’internautes ont voté, soit plus de 60 % des électeurs vénitiens. Parallèlement, les votants, qui se sont aussi prononcés en faveur du maintien dans la zone euro en cas de sécession vénitienne, ont désigné dix délégués chargés de transformer l’essai au plan juridique et politique dans un avenir proche. Mais cette consultation pose un problème de taille. Celui de l’impartialité. Plebiscito est
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la seule source à pouvoir communiquer les résultats. Or, le site a été créé par Gianluca Busato, un ancien de la Ligue du Nord et indépendantiste vénitien qui, de surcroît, est l’un des dix délégués élus. Dès lors, les résultats de mars représentent-ils vraiment l’opinion des Vénitiens ? On peut en douter. D’abord parce que ce genre de consultation numérique ne prêche souvent que les convertis. « Les personnes qui sont contre ce projet ne vont pas prendre la peine de participer à la consultation », estime Christophe Bouillaud, spécialiste de la politique italienne et professeur à Sciences Po Grenoble, devant nos confrères de JOL Press. Plus préoccupant, un internaute pouvait voter plusieurs fois pour la même question. Alexa Internet, site analysant le trafic sur le web, a également remis en cause la réalité des chiffres avancés par Plebiscito. Seuls 135 000 visiteurs se seraient rendus sur la plateforme durant les quatre jours de la consultation. Soit seulement 3,6 % du corps électoral vénète. Par ailleurs, toujours selon Alexa Internet, un grand nombre de votes proviendraient de l’étranger, dont 10 % de Santiago du Chili ! Le succès populaire annoncé est d’autant plus sujet au doute qu’il apporte du vent dans les voiles de partis indépendantistes, autonomistes ou plus largement régionalistes tels que la Ligue du Nord, Indipendenza Veneta et Veneto Stato. Or, ces partis ont connu une véritable déroute électorale lors des élections législatives italiennes de février 2013.
La crise exacerbe les velléités d’indépendance Marc Lazar, spécialiste de l’Italie et professeur à Sciences Po Paris, estime lui aussi que les chiffres du “référendum” ont été gonflés.
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« On assiste à un vrai retour de la sensibilité vénète avec les effets de la crise. »
Il prend tout de même désarroi. » l’enquête au sérieux : Les velléités d’in« On assiste à un vrai dépendance de la retour de la sensibiVénétie mêlent lité vénète avec les donc l’histoire et Marc Lazar, professeur à Sciences Po. effets de la crise », qui les préoccupations touche sévèrement la financières. Vénétie. Lodovico Pizzati, Et pourtant, on a longtemps parlé de “miracle professeur d’économie en pointe du mouvevénitien”. Au sortir de la guerre, la Vénétie ment, parle d’un ras-le-bol fiscal : « Nous faisait figure de « Vendée italienne », comme payons 70 millions de taxes à Rome et ne le dit Marc Lazar. Très catholique et traditionrecevons que 50 millions par an. » nelle, la société était peu avancée économiquement mais au cours des dernières décen« Il s’agit avant tout d’un jeu » nies, elle est devenue l’une des régions les plus riches de la péninsule. Son modèle : Ce référendum virtuel ne devrait pas rester une économie diffuse, c’est-à-dire un réseau sans suite. Le gouverneur Zaia a annoncé que de petites et moyennes entreprises souvent la question de l’indépendance serait au centre fondées par des ouvriers qui s’établissent à des élections régionales de 2015. leur compte. Il y a aujourd’hui une entreprise En attendant, les délégués sont chargés de pour sept habitants en Vénétie. défendre le projet devant les institutions Mais depuis la crise, « la mutation de l’écoeuropéennes : « Les leaders parlent d’indénomie vénitienne a débuté, explique Marc pendance mais il s’agit avant tout d’un jeu, Lazar. Elle se reconvertit dans le haut de tempère à nouveau Marc Lazar. Ils réclament gamme car les entrepreneurs se savent le maximum, l’indépendance, pour obtenir incapables de résister aux Chinois et aux un minimum de gages. » Reste à savoir si Indiens. Cela provoque une forte mortalité Rome lâchera du lest. de ces entreprises familiales, d’où un vrai Robin Verner
E n E u ro p e , l ’ i n d é p e n da n c e c ’ e st t e n da n c e ! « Scotland, stay with us ! » Ces mots prononcés par Kate Moss lors de la dernière cérémonie des Brit Awards ont été écrits par la main de David Bowie, absent ce soir-là. Ce discours est révélateur de l’inquiétude grandissante au sein du camp unioniste - partisan du maintien de l’Ecosse dans le Royaume-Uni - à quelques semaines du référendum sur l’indépendance prévu le 18 septembre prochain. Sous la pression de son homologue écossais, le nationaliste Alex
Salmond, David Cameron avait signé en 2012 à contre-coeur un accord prévoyant la tenue de ce référendum. Les sécessionnistes, pourtant minoritaires à l’origine (28 % seulement selon un sondage pour The Herald en octobre 2012), ont accompli une belle remontée. Ils sont aujourd’hui 44 % à souhaiter la victoire du “oui” au référendum. La situation de la Catalogne est plus complexe. Son gouvernement, dirigé par Artur Mas,
souhaite organiser un référendum sur la Constitution de la région en tant qu’État indépendant, le 9 novembre prochain. Les députés espagnols ont rejeté ce projet le 8 avril dernier mais les indépendantistes ne lâchent pas l’affaire et pourraient bien, malgré tout, organiser le vote avant de déclarer l’indépendance catalane unilatéralement. Une autre option serait de transformer les régionales de 2016 en référendum. A suivre.
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EN ROUE LIBRE A Baltimore, les jeunes des ghettos vouent un véritable culte à la moto-cross. Une passion dangereuse qui les pousse à slalomer entre la mort et la prison.
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ls sont quelques centaines à perpétuer une tradition dont la trace se perd au milieu des années 80. Ils sont la fierté des mômes de Baltimore et la terreur des automobilistes. On les appelle les « 12’o Clock Boys », en référence à la position verticale qu’ils adoptent sur leur moto, similaire à celle d’une horloge indiquant midi. Chaque dimanche, alors que le reste de la ville profite de la fin du week-end pour se prélasser dans les parcs, ils enfourchent quads et motos et forment ce que tout le monde ici appelle le « pack ». Une meute sauvage et insaisissable sillonnant les rues de Baltimore au mépris de toutes les règles de circulation en alternant figures acrobatiques et doigts d’honneur à la police.
Terreur des riverains, héros des gamins A 36 ans, « Honda » Hoon est l’un des vétérans du pack. Avec ses frères Steven et Scony, il a créé en 2002 les « Wildout Wheelie Boyz », le groupe de motards le plus célèbre et respecté de la ville. Lui et les siens sont connus pour leur style de conduite particulièrement spectaculaire. Sur Youtube, des vidéos montrent Hoon debout sur sa moto, un pied sur la selle et l’autre en l’air, slalomant à contre-sens entre les voitures. Pour développer une telle maîtrise, il s’est entraîné pendant de longues années : « J’ai commencé autour de 10 ans. Mon oncle était lui-même un 12’o Clock Boy, c’est lui qui m’a appris à conduire et à faire des figures. » Après plusieurs années d’entrainement, Hoon a fini par rejoindre le pack. « Je devais avoir 16-17 ans. Je n’oublierai jamais ce moment. C’est un sentiment merveilleux : tu es là au milieu des tiens et tu roules sans personne
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pour te dire quoi faire ou où aller. Tu es libre. C’est la plus belle chose que je connaisse ». Cette liberté a un prix. Comme beaucoup de ses camarades, Hoon affiche une liste de blessures impressionnante : côtes, bras et jambe cassés. Entre autres. « Un jour, je me suis fait percuter de plein fouet par un énorme 4x4. Je suis resté allongé sur la chaussée dans mon sang pendant une bonne demi-heure et j’ai vraiment cru que j’allais crever. Après ça, les gens pensaient que c’était fini pour moi. Mais dès que j’ai pu, je suis remonté en selle. » La propension du pack à flirter avec la mort contribue à sa légende. Car si une bonne partie des habitants de Baltimore les considèrent comme des voyous, les 12’o Clock Boys sont de véritables héros pour les gamins des quartiers. Dans une ville ravagée par la criminalité, où 25% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le cross illégal est considéré comme un moindre mal par bien des parents. « Les mômes nous adorent mec, assure Hoon. Le dimanche, ils se mettent sur le bord des routes et nous applaudissent quand on passe. Pour eux c’est une sorte de parade. Il faut bien comprendre que quand tu grandis dans un quartier de Baltimore, tu peux dealer ou tirer sur tes frères. Dans ce contexte, rejoindre le pack est un élément positif qui te tient à l’abri de ces conneries. Il y a une vraie solidarité et des règles précises. Mais malheureusement, tu risques de te faire serrer. »
Des provocations régulières à l’encontre de la police Les rapports entre police et motards sont effectivement tendus. D’autant plus que ces derniers ne se privent pas de provoquer les forces de l’ordre. Il n’est pas rare de voir un membre du pack décrire de larges cercles
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« Ce sont des types qui pourraient se tirer dessus ou se faire la guerre, mais qui ont choisi autre chose. »
autour d’une voiture les hélicoptères qui de police, ou même permettent de les s’arrêter pour y suivre jusqu’aux donner un coup de garages clandespied avant de mettre tins dans lesquels Honda Hoon, vétéran des 12’o Clock Boys. les gaz. « On se fout de ils cachent leurs leur gueule bien sûr, engins. » Ces techça fait partie du jeu, niques ont permis explique Hoon. On leur fait des signes, on les à la police de saisir 1 805 motos et quads chambre, mais ils ne nous épargnent pas non depuis quatre ans. Insuffisant pour enrayer le plus, crois-moi. » phénomène. Depuis 2010, la police de Baltimore n’a plus Devant la multiplication des motos en ville, le droit de poursuivre les motos-cross. La le commissaire Anthony W. Batts a durci le raison : éviter de reproduire les terribles ton en annonçant à ses concitoyens, en mai, accidents qui ont marqué l’opinion publique qu’il comptait « écraser définitivement ceux ces dernières années. Mais selon les 12’o qui mettent en danger la vie des habitants de Clock Boys, nombreux sont les agents qui ne Baltimore ». Son plan : infiltrer les groupes de respectent pas la règle. Fin mai, l’un des leurs motards par les réseaux sociaux. est mort sur son quad, en plein centre-ville. De l’acharnement selon Hoon : « On ne veut Les motards affirment qu’il tentait d’échapper de mal à personne nous. Le dimanche tu vois aux forces de l’ordre. 100 gars rouler ensemble, ce sont des types qui pourraient se tirer dessus ou se faire la guerre, mais qui ont choisi autre chose. » « Guns down, bikes up » Pour tenter de convaincre les autorités de leur bonne volonté, les « 12’o Clock Boys » Une version peu crédible pour le capitaine ont désormais un nouveau slogan : « Guns John Kowalczyk : « Nous ne les prenons down, bikes up. » jamais en chasse, c’est bien trop dangereux. Nous utilisons d’autres moyens, comme Camille Garnier
Ba lt i m o r e , s y m bo l e d ’ u n e a m é r i q u e à l a d é r i v e Certaines villes des États-Unis sont devenues des zones de non-droit. Baltimore en fait partie. Drogue, vols et meurtres remplissent quotidiennement les jounaux locaux. Selon un classement réalisé par une ONG mexicaine, le Conseil citoyen pour la sécurité publique de Mexico, 237 homicides y ont été commis en 2013. Baltimore figure à la 37ème place des villes les plus dangereuses du monde devant Tijuana au Mexique, et juste derrière Medellin,
la « célèbre » ville de Pablo Escobar, qui fut l’un des principaux barons de la drogue de Colombie. Dans les années 1990, un journaliste du Baltimore Sun, David Simon, a passé un an avec la police de Baltimore. Il a raconté son expérience dans un livre : Homicide. L’histoire a été adaptée à la télévision dans une série éponyme (The Wire) devenue un immense succès critique. Durant les sept saisons, la série
suit une brigade de police de Baltimore dans les rues de la plus grande ville du Maryland. Une ville qui incarne avec Detroit le symbole de cette Amérique déclinante. Néanmoins, la criminalité est en baisse depuis la fin des années 1990. Selon les chiffres de la police de Baltimore, en vingt ans, les homicides ont baissé de 35 %, les viols de 58 % et les vols de plus de 70 %.
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TOUR DU MONDE
DES APPLIS
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MONDE
CORÉE Liban
Japon
eTats-Unis
Tunisi EGYPTE Chili Allemagne
Près de deux milliards de smartphones dans le monde : de Paris à Santiago en passant par Séoul, les téléphones intelligents se sont intégrés à nos habitudes. Si le support et les fonctionnalités de bases sont les mêmes partout, les applications disponibles varient d’un pays à l’autre. Au-delà des applis folkloriques, certaines se font le miroir des sociétés qui les créent, reflet de leurs obsessions et de leurs névroses. Petit tour d’horizon de l’appli-store mondial. Margaux Leridon
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Etats-Unis Alors qu’environ 40 % de la nourriture disponible est jetée (selon une étude publiée en 2009 dans la revue Plos One), l’appli Leftover Swap permet d’échanger ses restes avec ses voisins. Lancée en septembre 2013, elle repose sur un système simple : on poste les photos de ses restes, et les intéressés se manifestent via l’appli. Un concept qui devrait plaire aux freegans, ces Américains qui s’opposent à la société de consommation en ne mangeant que de la nourriture gratuite.
Chili Pour les élections présidentielles de 2013, l’université du développement de Santiago a lancé l’application Candidatos Chile 2013, permettant de découvrir les programmes des différents candidats. L’utilisateur pouvait sélectionner des thématiques (délinquance, économie, éducation, énergie) et recevait en temps réel des notifications l’informant des déclarations des candidats sur ses sujets de prédilection.
Chine Radio Netherlands Worlwide s’est associée à des cyber-activistes chinois pour lancer en octobre dernier FreeWeibo, une appli permettant d’accéder aux messages censurés de Weibo, l’équivalent chinois de Twitter. Le 28 novembre, l’application était retirée de l’App Store chinois par Apple, à la demande du gouvernement selon ses créateurs. Elle reste disponible dans d’autres pays, dont la France.
Corée du Sud En Corée du Sud, l’appli Ium est en passe de révolutionner le secteur de la rencontre en ligne. Tous les jours, à 12h30 précises, elle propose à son utilisateur un rendez-vous avec une personne sélectionnée par un algorithme, à prendre ou à laisser. La proposition expire au bout d’une demi-heure, il faut donc se décider vite. Si l’on est tenté, on paie 2,30 euros pour dire « oui ». Si la personne proposée a elle aussi décidé de se lancer, les coordonnées sont échangées, et c’est parti !
Tunisie Les matchs de football professionnels ont été interdits au public pour des raisons de sécurité, au grand dam des supporters. L’appli Mobilizing the 12th Man, qui connecte les smartphones à des haut-parleurs dans les stades, leur permet d’encourager leur équipe à distance. Ils déclenchent l’application, regardent le match à la télé, poussent tous les cris qu’ils veulent, et leurs hurlements de victoire (ou de désespoir) sont transmis en direct dans les stades.
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MONDE Japon Le géant Fujitsu a lancé en 2012 Hada Memori, littéralement « mémoire de la peau ». L’appli aide ses utilisateurs à surveiller l’évolution de leur peau et à repérer d’éventuelles anomalies. Après avoir pris son épiderme en photo avec son smartphone, l’appli nous livre son diagnostic. Elle propose aussi une sélection de produits de beauté adaptés à la peau de chacun. Succès garanti dans un pays qui représente le deuxième marché des cosmétiques au monde, derrière les Etats-Unis.
Islande Dans cette île peuplée d’à peine 320 000 habitants, souvent lointainement liés par le sang, l’appli IslandigaApp permet d’éviter l’inceste involontaire. Les utilisateurs sont invités à cogner leurs téléphones l’un contre l’autre ; si leurs propriétaires sont de trop proches parents, les appareils émettent un signal d’alarme. L’appli a été réalisée dans le cadre d’un concours visant à renouveler l’usage de l’Islandiga Book, un livre qui répertorie les arbres généalogiques des Islandais depuis 1 200 ans.
Allemagne La police a mis au point une application permettant de détecter des chansons néonazies interdites. Surnommée « Nazi Shazam » en référence à la célèbre appli de reconnaissance musicale, elle est pour l’instant utilisée uniquement en Saxe, l’un des länder où le parti nationaliste d’extrême droite NPD réalise ses meilleures scores. Le hard-rock néonazi est une voie de recrutement importante pour les groupes extrémistes, et la multiplication des web-radios douteuses inquiète les autorités.
Egypte Pour protéger les manifestants des arrestations arbitraires, le développeur Badr Moharam a créé l’application Byt2abad. Traduisez : « J’ai été arrêté ». Si un utilisateur vient à être interpelé par la police, il peut envoyer en un clic un message informant une liste prédéfinie de contacts (avocat, famille, etc.). Le texto est accompagné d’une géolocalisation permettant de signaler l’endroit où il a été appréhendé.
Liban A l’heure où la sécurité du pays est fragilisée par la crise syrienne, l’armée a lancé l’appli LAF Shield, qui permet à tous les Libanais de signaler des éléments suspects par le biais de photos, d’enregistrements ou de messages. Attaque à main armée, franchissement illégal de frontière et colis abandonnés sont communiqués en temps réel à l’armée par les habitants. L’appli fournit aussi à ses utilisateurs une carte indiquant les zones de danger et les numéros à appeler en cas d’urgence.
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L’AVENTURIER
devenu
roi
Du Périgord à la Patagonie. Au XIXe siècle, un avoué périgourdin, Antoine de Tounens, décide de tout quitter pour rallier l’Amérique du Sud. Persuadé d’avoir un destin hors du commun, il parvient à devenir le chef d’un peuple luttant contre la domination chilienne, les Mapuches. En 1860, Tounens devient le premier roi de Patagonie et d’Araucanie, mais son épopée n’est qu’une succession d’échecs.
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HISTOIRE
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A
ntoine de Tounens naît en 1825, à Chourgnac, une petite commune de Dordogne. Il est le dernier d’une famille de modestes fermiers de neuf enfants. Chose rare à l’époque, c’est à lui, et non à l’aîné, que ses parents offrent le luxe de suivre des études de droit en ville. Le choix s’est fait naturellement. Enfant, Antoine de Tounens nourrit des ambitions de conquérant, emportant partout avec lui son atlas illustré. Plongé dans ses cartes, le jeune périgourdin rêve qu’il deviendra, un jour, libérateur d’un peuple opprimé ou « roi soleil » à l’autre bout du monde.
Les débuts en province L’un des premiers atouts d’Antoine de Tounens est probablement son sens du contact. Le jeune provincial comprend très tôt l’importance de se constituer un réseau lorsqu’il achète sa charge d’avoué à Périgueux en 1851. Grâce à la bourgeoisie locale qu’il commence à fréquenter, il entre en relation avec le maire de la ville et intègre la franc-maçonnerie. En 1858, alors que son étude se développe, Antoine de Tounens quitte la France pour l’Amérique du Sud. Beaucoup y voient un coup de sang, mais il s’agit d’une décision longue-
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ment mûrie : Tounens est persuadé son rêve. Le 20 novembre 1860, il que les rivalités territoriales de la devient le premier roi de Patagonie région lui permettront d’assumer et d’Araucanie sous le nom d’Orélie des responsabilités politiques imporAntoine 1er. Prouesse d’autant tantes. Les régions andines sont alors plus étonnante que ni les colons disputées entre le Chili, l’Argentine espagnols, ni le Chili – indépendant et des peuples indigènes. En Araucanie, les Chiliens construisent des oins de deux ans après ports et creusent des mines, avoir quitté la rance s’appropriant progressivement l avoué périgourdin réalise le territoire des son rêve Mapuches. A son arrivée au e novembre il Chili, Antoine de Tounens marche devient le premier roi de vers la Cordillère atagonie et d raucanie des Andes, avec la ferme intensous le nom d rélie tion de convaincre les Mapuntoine er ches qu’il est le seul à pouvoir les défendre. Son charisme et ses promesses font leur effet : en quelques semaines il depuis 1818 – n’ont réussi à soumese lie d’amitié avec leur chef, Magnil, ttre cette région. « C’est un avenet le persuade qu’il peut sauver son turier qui a osé tout plaquer. Il se peuple de la domination chilienne. voyait un destin de roi et il a réussi Moins de deux ans après avoir quitté son coup », explique Jean-François la France, l’avoué périgourdin réalise Gareyte, auteur d’une biographie à
M
F
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. 1860,
L 20 P
A
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HISTOIRE
BRÉSIL CHILI
ARGENTINE
ARAUCANIE
URUGUAY
PATAGONIE
paraître sur Antoine de Tounens.
L’abandon de l’Empire Le nouveau souverain se démène pour trouver des soutiens en France. Il envoie des dizaines de lettres à l’empereur Napoléon III et à ses ministres, sollicite des rendez-vous avec leurs secrétaires, et quémande
pour concourir à l’oeuvre de civilides subsides pour fournir les Mapusation que j’ai entreprise, c’est une ches en armes et construire des infraémigration d’honnêtes gens. Je fais structures. Mais de l’autre côté de appel à ceux d’entre les déshérités de l’Atlantique, l’accueil s’avère glacial. la vieille Europe, dont l’intelligence Ses lettres restent sans réponse. Il ou les bras restent inactifs faute n’obtient ni rendez-vous, ni financed’une place au soleil. Aux uns, j’offre ments. La presse le ridiculise et le des fonctions qui ne seront pas des caricature en roi fantoche régnant sinécures ; aux autres, des terres qui sur une poignée de sauvages. deviendront leur propriété et l’argent Isolé, sans moyens pour défendre nécessaire pour couvrir les premiers les Mapuches, il est capturé par frais d’établissement. » le gouvernement chilien en 1862. Au-delà de l’intérêt matériel qu’il Tounens passe plusieurs mois dans promet aux Français qui accepteront un asile avant que le consul général de le suivre, Antoine de Tounens de France n’obtienne sa libération. Son retour forcé en France lui fait perdre le peu de crédit qu’il avait. QUi sont les mapuches ? Mais à Paris, le Les Mapuches vivent sur un territoire à cheval roi de Patagonie entre l’Argentine et le Chili, de la province de et d’Araucanie ne Buenos Aires au sud de la Patagonie. En langue perd pas foi en son mapudungún, « mapuche » signifie « peuple de destin. Il publie la terre ». Ces indigènes habitaient les régions andines le 16 décembre bien avant l’arrivée des Européens en Amérique 1863 un manidu Sud. Durant quatre siècles, les colons espafeste - consultable gnols, puis les Chiliens (indépendants à partir de 1818), ont tenté de les soumettre. Bien orgasur araucanie. nisée, la résistance mapuche ne s’effondre qu’en com - appelant 1881. Les Mapuches sont défaits par l’armée les Français à le chilienne au terme de la « guerre de pacification ». La superficie de leurs terres passe de 11 rejoindre dans millions à 500 000 hectares. son aventure civiAppauvris, privés de leur souveraineté, beaulisatrice. « Ce que coup d’entre eux ont migré au cours du XXe je demande, non siècle vers les quartiers déshérités des grandes villes chiliennes : Temuco, Concepcion et la capour asseoir ma pitale, Santiago. puissance, mais
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Aujourd’hui, près d’un million de Mapuches vivent dans le sud de la cordillère des Andes. 692 000 au Chili et 205 000 en Argentine selon les chiffres officiels. Dans ces deux pays, ils constituent la première communauté indigène et occupent souvent des emplois précaires.
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3 QUESTIONS A Jean Étèvenaux, professeur à l’université Lyon 3 et secrétaire général du Souvenir napoléonien. Que sait-on du caractère d’Antoine de Tounens : arriviste, téméraire, mythomane, voire fou comme certains l’écrivirent ? Peut-être était-il tout cela à la fois ! Mais son obstination et sa relative imprudence ne constituent pas des marques de folie… Socialement, il s’inscrit tout à fait dans le stéréotype de ces milieux ruraux en pleine ascension sociale dans le cours du XIXe siècle. La prétention à la noblesse était déjà incarnée par son père, né Jean Tounens, qui réussit à obtenir de la justice du Second Empire l’ajout de la particule « de ». Ces cinq allers-retours entre la France et le Chili au milieu du XIXe siècle font-ils de lui un miraculé ? Le milieu du XIXe siècle n’a plus rien à voir avec les conditions de navigation à l’époque de Christophe Colomb, ni même celles de la fin du siècle précédent, avec La Pérouse ou Cook. La marine à voile est parvenue à un haut degré de technicité et celle à vapeur se développe avec succès, d’où la mise en place de lignes transatlantiques rapides et sûres. Les immigrants qui se déversent par dizaines de millions sur l’ensemble de l’hémisphère américain, du Canada au Chili, ont plus à craindre les conditions de vie sur place que celles du transport. L’aventure d’Antoine de Tounens, a-t-elle des équivalents français au XIXe siècle ? Bien sûr, et en premier lieu parce que l’Amérique latine est très étendue. Parmi les aventuriers qui ont tenté de se tailler un royaume dans ces territoires, on peut citer le comte Gaston de Raousset-Boulbon (1817-1854), issu de la vieille noblesse provençale. Après quelques espoirs déçus en Afrique, il s’est bâti un royaume dans la région mexicaine du Sonora où il cherchait de l’or. Malgré un certain appui de la diplomatie française, il finit condamné à mort et fusillé.
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donne une dimension morale à son La presse a beau se moquer de cet aventure : « Il s’agit d’une croisade aventurier, l’idée de se tailler un e digne du XIX siècle, de la croisade royaume sur les ruines de l’empire espagnol n’est pas si absurde. de l’Idée et du Travail contre l’IgnoNapoléon III, lui-même, y pense. En rance. Que les vaillants se tiennent 1864, il place l’Autrichien Maximiprêts : je ne leur ferai pas défaut. Le voyage est de longue durée, il est cruel de quitter la mère patrie, sans n ce moment les doute, mais que de compenpeuples qui m ont acclamé sations en échange ! Ici, non seulement comme leur l’ouvrier passe roi mais aussi comme leur sa vie a se débattre contre sauveur n attendent que la misère ; là-bas, il est sûr d’atmon retour au milieu d eux teindre le bienpour se lever en masse et être. » Le fils de fermarcher à ma suite dans la mier veut convaincre que son grande voie du progrès audace n’est pas une folie. Avec la majesté qui confère à sa fonction, il parle de lui à la troisième personne : « Si lien de Habsbourg sur le trône du l’ancien avoué a étonné le monde par Mexique, en proie à des troubles la soudaineté de son avènement au politiques. trône, il l’étonnera encore davantage L’Autrichien est renversé puis fusillé par la supériorité du plan de colonien 1867, après seulement trois ans sation qu’il se propose d’inaugurer. » de règne. Un sérieux revers pour
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HISTOIRE
l’empereur qui a des conséquences négatives pour Antoine de Tounens : « Le Mexique avait été vendu comme la grande ambition de Napoléon III, explique Jean-François Gareyte. L’exécution de Maximilien est perçue comme une honte, au point que l’on décide de ne plus parler d’Amérique. » Mais pour Antoine de Tounens, pas question de renoncer à la Patagonie. L’homme est bien décidé à y retourner. Le souverain n’entend aucunement se doter d’un corps expéditionnaire pour reconquérir son royaume, dont il demeure le souverain légitime : « L’attentat consommé contre moi par le Chili n’a pu entamer mes droits ; il n’a fait qu’en suspendre l’exercice. En ce moment, les peuples qui m’ont acclamé non seulement comme leur roi, mais aussi comme leur sauveur, n’attendent que mon retour au milieu d’eux pour se lever en masse et marcher à ma suite dans la grande voie du progrès. Voilà donc la question d’intervention tranchée. Mes Etats me sont ouverts de toutes parts et mes peuples m’appellent par la voix de leurs caciques. Qu’ai-je besoin de m’entourer de baïonnettes ? »
D’échecs en fiascos En 1871, Antoine de Tounens trav-
1876, lui est presque fatale. Opéré erse de nouveau l’Atlantique. Mais d’urgence dans la capitale argentine son retour en Patagonie est plus pour de graves problèmes de santé, compliqué qu’il ne l’avait imaginé. il est finalement rapatrié en France Il est fait prisonnier puis torturé par pour la dernière fois. une tribu, les Tehuelches, pourtant Orélie Antoine 1er meurt deux ans sous son autorité. Des Araucans, de plus tard dans son Périgord natal, passage, le reconnaissent, et menaà l’âge de 55 ans. Sans descendcent de le tuer s’il ne livre pas les ance, il lègue sa couronne à un armes promises une décennie plus ami, Achille Laviarde, membre du tôt. parti impérial. En 24 ans de règne, Acculé, Antoine de Tounens ment le nouveau souverain ne foulera pour sauver sa tête : il fait croire pas une seule fois les terres de son à l’arrivée imminente d’un navire royaume. de guerre rempli d’armes et de munitions. Son mensonge éhonté Lucile Berland fonctionne. Il se sauve, puis rentre en France. Opiniâtre, le périgQui est Jean-François Gareyte ? ourdin ne renonce Jean-François Gareyte est un autodidacte. pourtant pas à son Passionné par l’histoire d’Orélie Antoine de dessein. Trois ans Tounens, il part plusieurs fois en Amérique Laplus tard, à 49 ans, tine, sur les terres mapuches. il débarque à Au Chili, il découvre que les anciens content encore l’histoire de ce « winka » (mot Buenos Aires mapuche qui signifie à la fois « blanc » et « vosous une fausse leur de terres ») qu’ils prirent comme roi. Mais identité. Mais le ce souvenir, même imprécis et lointain, risque de disparaître car les jeunes sont scolarisés à subterfuge est vite l’école chilienne. Un jour, un vieux Mapuche découvert par un lui livre son amertume : « Là-bas, on ne leur colonel argentin. apprend que la langue et l’histoire officielle du Chili, pas celle des Mapuches. En plus, on leur Antoine de dit que nous ne sommes que des feignants, des Tounens est arrêté drogués, des vendeurs d’armes. » puis renvoyé en Jean-François Gareyte se montre pessimiste sur France. Son ultime l’avenir de langue mapuche : « Je pense que dans 10 ou 20 ans, elle aura pratiquement disparue tentative de retour car rien n’est fait pour la sauvegarder. » Raison au royaume, en supplémentaire pour l’autodidacte de raconter l’histoire d’Orélie 1er avant que le témoignage des Mapuches ne disparaisse. Il rédige une biographie de l’aventurier devenu roi, avec, dit-il, « 80 ou 90 % de matière inédite ».
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L’AUTRE COUPE DU
MONDE Alors que les stars du ballon rond s’affrontaient au Brésil, la Suède accueillait début juin une compétition beaucoup plus confidentielle : la Coupe du monde de football de la Conifa. Elle rassemblait des équipes de nations non-reconnues ou de territoires souhaitant promouvoir leur culture.
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u e peuvent avoir en commun la Laponie, le Darfour, la Padanie, l’Occitanie française ou l’Ile de Man ? A priori pas grand chose. Et pourtant tous se sont retrouvés dans la ville suédoise d’Östersund pour disputer la Coupe du monde de la Conifa (Confédération indépendante du football). Douze équipes venant d’Europe, d’Afrique et d’Asie s’affrontaient du 1er au 8 juin. Rien de moins que la plus grande compétition de football jamais organisée en dehors du cadre de la FIFA – la Fédération internationale de foot. « Notre but est de donner une visibilité aux invisibles, explique le secrétaire général de la Conifa, Sascha Düerkop. Les peuples du Haut-Karabakh, du Kurdistan et de l’Ile de Man pour ne citer qu’eux doivent avoir l’opportunité de représenter leur terre natale, leurs valeurs, leur culture. » En 2006, un projet similaire avait vu le jour, organisé par le NF-Board : la VIVA World Cup, dont la
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dernière édition s’est déroulée il y a deux ans au Kurdistan irakien. Mais des querelles internes combinées à un manque de notoriété ont signé son arrêt de mort.
750 000 euros de budget C’est en avril 2013 qu’une dizaine de personnes décident de reprendre le concept. Ils créent la Conifa et s’inspirent du travail du NF-Board, avec des ambitions plus élevées. Sascha Düerkop raconte : « La VIVA World Cup 2012 fut un superbe tournoi, mais quasiment impossible à suivre en dehors du Kurdistan. Notre Coupe du monde s’adresse aux fans et aux curieux du monde entier. » Au rayon des nouveautés : la retransmission en direct des matchs et la mise à disposition d’un stade aux normes des compétitions européennes. Sans oublier la prise en charge de l’hébergement des équipes, de la nourriture et de la sécurité. Tout cela coûte cher. 750 000 euros pour une semaine de compétition, financés par des dons, des sponsors et la cotisation de chacun des membres de la Conifa à hauteur de quelques centaines d’euros. Sascha Düerkop espérait avant le début de la compétition « avoir au minimum une audience totale de 5 millions de personne, en combinant la télévision et Internet ».
La Conifa a toutefois été limitée de cette région (voir carte), une ONG dans son ambition par la faible capacalifornienne, i-ACT, a créé en 2011 cité d’accueil de la ville d’Österle Darfur United, une équipe de réfusund. « Nous aurions pu avoir facigiés vivant dans l’est du Tchad. Pour lement 24 équipes dans ce tournoi », la directrice des opérations de l’ONG, assure son secrétaire général. Les Katie-Jay Scott, « c’est un moyen organisateurs du Mondial ont donc pour les victimes de ce conf lit de se décidé de se baser sur des critères d’abord sportifs en sélectionnant a participation du les neuf meilleures équipes haut karabakh a déclenché de la planète, le courroux de en plus du « pays » hôte, l azerbaïdjan bakou a la Laponie. Restait deux demandé à la conifa à la invitations à fifa et à la fédération distribuer. La première pour suédoise de football de le l’Ile de Man, en retirer de la compétition raison du rôle de sa Fédérasans succès tion de football dans la création de la Conifa. La seconde pour le Darfour, grâce à son « extraordinaire projet sportif et reconstruire. C’est aussi un moyen social », explique Sascha Düerkop. pour le monde d’en apprendre plus sur le Darfour ». L’ONG a mis sur pied une machine bien rodée afin de bâtir Problématiques différentes une équipe. Mark Hodson, l’entraîneur britannique du Darfur United, Devant la situation catastrophique
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équipes ont participé au Mondial : Abkhazie, Assyrie, Comté de Nice, Darfour, Haut-Karabakh, Ilam Tamoul, Ile de Man, Kurdistan, Laponie, Occitanie, Ossétie du Sud, Padanie.
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matchs ont été disputés en huit jours de compétition. En finale, le Comté de Nice a disposé de l’Ile de Man, au bout de la séance des tirs aux but (0-0 à la fin des prolongations).
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a sillonné les 12 camps de réfugiés de l’est du Tchad et sélectionné les 5 meilleurs joueurs de chaque camp. Ils ont ensuite participé à une ultime phase de tests à l’issue de laquelle 20 joueurs ont gagné leur billet pour Östersund. Ce déplacement fut compliqué à organiser, comme l’explique Katie-Jay Scott : « Nous avons travaillé avec le gouvernement tchadien pour leur obtenir des passeports. Il fallait ensuite financer le vol vers la Suède, très cher. Et nous avons donné de l’argent à nos joueurs pour qu’ils s’achètent des affaires. » Président de l’équipe d’Occitanie française, Nicolas Desachy a rencontré des difficultés d’un autre ordre. « Les collectivités locales ne nous soutiennent pas », se désolet-il. Il ne comprend pas l’indifférence des élus car « nous voulons seulement promouvoir la culture occitane. Il n’y a pas de revendication territoriale ». En Suède, des ateliers d’occitan étaient ainsi proposés. A cause d’un budget serré, Nicolas Desachy a demandé à chacun de ses joueurs de débourser 250 euros pour pouvoir disputer le Mondial. Autre condition : manifester un attachement à la culture occitane, même s’il n’y a « aucune obligation de vivre en Occitanie ou de parler la langue ». Plus à l’est, la participation du Haut-Karabakh a déclenché le cour-
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buts ont été encaissés par le Darfur United. Dernière de la compétition, l’équipe a par exemple perdu 20-0 contre la Padanie et 19-0 contre l’Ossétie du Sud.
roux de l’Azerbaïdjan. Bakou a demandé à la Conifa mais aussi à la FIFA et à la Fédération suédoise de football de le retirer de la compétition. Sans succès. « C’est la seule plainte que nous avons reçue », assure Sascha Düerkop. Reconnu comme partie de l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh est pourtant un Etat de fait depuis 1994 et un accord de cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Depuis, les accrochages sont récurrents dans la région et certains analystes craignent qu’une nouvelle guerre éclate.
« Un grand village olympique » La Conifa s’est servie de ces différentes histoires pour « créer un grand village olympique avec des danseurs, des chanteurs et plein d’autres évènements culturels », explique son secrétaire général. Ce Mondial est aussi un tremplin qui doit dynamiser les nombreux projets de la Conifa : une Coupe du monde chaque année et de multiples ligues internationales. Un championnat européen débutera d’ailleurs dès 2015. Pour la petite histoire, c’est le Comté de Nice, invité de dernière minute (voir encadré), qui a remporté la compétition.
Deux equipes sont restées à quai Le Québec et le Zanzibar devaient participer à la première Coupe du monde de la Conifa. Mais les deux équipes ont déclaré forfait à quelques semaines du début de la compétition, pour des raisons différentes. L’équipe du Québec, créée spécialement pour cet évènement, est affiliée à la Fédération de football du Québec. Or, cette fédération devrait bientôt intégrer la FIFA et ainsi participer à des matchs internationaux officiels. De fait, le Québec est sorti de la Confédération indépendante du football et ne pouvait plus participer à cette Coupe du monde. C’est l’Ossétie du Sud qui a pris la place de l’équipe et a fini quatrième de la compétition. La cause du forfait du Zanzibar est beaucoup moins technique : les joueurs n’ont pas pu obtenir de visas pour se rendre en Suède. Ils ont été remplacés par le Comté de Nice, futur vainqueur du tournoi.
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, soit le nombre de matchs de Ligue 1 disputés par le défenseur du Comté de Nice, Eric Cubilier. Il a notamment porté les couleurs de Paris, Monaco et Nice.
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LES EQUIPES « APATRIDES » 1
Abkhazie
Cette province séparatiste de Géorgie a proclamé son indépendance après la chute de l’Union soviétique, en 1991. Une terrible guerre de sécession a eu lieu un an plus tard, jusqu’en septembre 1993. L’Etat abkhaze a été reconnu par Moscou au terme de la guerre russo-géorgienne de 2008.
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Haut-Karabakh
Majoritairement peuplé d’Arméniens, ce territoire fait partie de l’Azerbaïdjan mais a proclamé son indépendance en 1991. Conséquence : une guerre de trois ans entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan faisant 30 000 morts. Aujourd’hui constitué en Etat, le Haut-Karabakh est une véritable poudrière.
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Padanie
Ostersund
Ilam Tamoul
Au Sri Lanka, les Tigres de libération de l’Ilam Tamoul ont longtemps réclamé l’indépendance de ce territoire. Ils ont été défaits par les forces gouvernementales en 2009 après 40 ans de conflit et une centaine de milliers de morts. L’aspiration des Tamouls à obtenir leur indépendance reste toutefois vivace.
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Regroupant les régions septentrionales de l’Italie, cette création artificielle est revendiquée par la Ligue du Nord. Le rêve de ce parti xénophobe : faire de la Padanie une grande nation ethnoculturelle capable de s’imposer économiquement dans le marché mondial.
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Comté de Nice
Il est rattaché à la France en 1860 après le traité de Turin, signé par Napoléon III et le roi de Piémont-Sardaigne Victor-Emmanuel II. Encore aujourd’hui, une poignée d’autonomistes remettent en question l’intérêt pour Nice d’appartenir à la France et prônent l’indépendance du « Pays niçois ».
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Occitanie française
Elle couvre la majeure partie du sud de la France, soit à peu près 15 millions de personnes. S’il existe un espace linguistique commun (la langue d’oc), il est beaucoup plus complexe de dessiner un territoire occitan identifiable sur une carte politique ou historique.
Assyrie
Ancienne région du nord de la Mésopotamie, elle émerge au troisième millénaire avant notre ère. Deux empires assyriens rayonnants ont dominé l’ancien Orient. La destruction de l’Assyrie a eu lieu en 609 av. J-C., au terme d’un conflit destructeur avec Babylone.
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Région de l’ouest du Soudan, le Darfour est le théâtre d’une des pires crises humanitaires de l’histoire africaine. En 2003, des tribus se sont soulevées contre Khartoum pour dénoncer la domination des élites. Le gouvernement a répondu en levant des milices. Bilan onze ans plus tard : au moins 300 000 morts et 2 millions de déplacés.
Kurdistan
Les Kurdes sont entre 20 et 40 millions, vivant sur le territoire de quatre Etats : Turquie, Iran, Irak et Syrie. Ils veulent majoritairement leur indépendance mais pâtissent de l’absence d’un pouvoir centralisé. Au cours de l’histoire, il y eut plusieurs principautés indépendantes tenues par des princes kurdes.
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Darfour
Ossétie du sud
Il s’agit d’une autre province séparatiste de Géorgie, dont l’indépendance a également été reconnue par la Russie en 2008. Après un référendum jugé illégal par la communauté internationale, elle a fait unilatéralement sécession de la Géorgie en 1992.
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Ile de Man
Elle ne fait juridiquement pas partie du Royaume-Uni mais demeure une « dépendance » de la Couronne britannique c’est-à-dire qu’elle appartient au souverain britannique. Le mannois parlé s’est éteint en 1974 mais depuis le début des années 2000, le gouvernement de l’île tente de promouvoir (avec succès) la culture mannoise.
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Laponie
Vivant au nord de la Scandinavie et de la Russie, les Lapons, ou Samis, forment un très grand groupe d’indigènes (plusieurs dizaines de milliers au minimum). Leur chant, le joik, est l’un des plus vieux du monde. Il se perpétuerait depuis plus de 10 000 ans.
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LE COUCOU, , Maxime Thuillez Rédacteur en chef, illustrateur et maquettiste. Normand. 25 ans. Il a vécu en Inde, en Espagne et au Costa Rica. Globe-trotteur accompli, c’est dans son esprit qu’a germé le Coucou. Il dessine aussi, quand lui vient l’inspiration.
Philippine Robert Journaliste. Picarde. 24 ans. Italophone, Philippine voue une passion particulière à la péninsule. Comme François 1er, c’est à Pavie qu’elle découvre l’Italie, et comme lui elle y séjourna une année. Margaux Leridon Journaliste. Toulousaine. 24 ans. Margaux a vécu en Egypte et au Maroc avant de se résoudre à une existence sédentaire à Paris. Férue de littérature, elle parcourt le monde à travers les romans. Camille Garnier Journaliste. Parisien. 25 ans. Avant de devenir journaliste il a fait de l’horlogerie et de la danse de rue, vendu des oeuvres d’art en galerie et des CDs aux puces. Camille aime la philosophie japonaise et le rap californien.
Constantin de Vergennes Journaliste. Parisien. 23 ans. Constantin a le regard tourné à l’est, voire même très à l’est. Fasciné par l’Orient, qu’il soit Moyen ou Extrême, de la Syrie au Japon, en passant par l’Irak et les Corées. Benjamin Lortic Illustrateur. Francilien. 23 ans. Adepte du voyage, Benjamin emporte toujours son carnet de croquis. Selon lui, c’est aux Etats-Unis et à la Réunion qu’il a fait ses plus beaux dessins. Le Coucou lui doit l’illustration sur Boko Haram.
C’EST NOUS Raphaël Badache Rédacteur en chef adjoint, maquettiste et secrétaire de rédaction. Normand. 25 ans. Raphaël a vécu à Beyrouth et à Caen, deux villes qui lui sont chères. Il s’intéresse au Proche-Orient en général et au Liban en particulier.
Lyse Le Runigo Journaliste. Champenoise. 25 ans. Lyse cultive une passion pour le continent africain. C’est dans un quotidien burkinabais qu’elle fourbit ses premières armes de journaliste.
Robin Verner Journaliste. Champenois. 22 ans. Robin est passionné par l’Histoire. La grande. La Révolution française, bien sûr, mais aussi celles de la Russie et de l’Union soviétique.
Marion Lot Journaliste. Francilienne. 22 ans. Marion s’est vite passionnée pour les cultures africaines. Elle connait particulièrement la région de l’Afrique de l’Ouest et celle des Grands Lacs.
Lucile Berland Journaliste. Francilienne. 23 ans. Lucile a vécu 117 jours au Québec, de quoi lui donner envie de découvrir le grand nord américain. Elle s’interesse par ailleurs au Proche et Moyen-Orient.
Marion Bastit Journaliste. Bretonne. 23 ans. Après un an passé à Valparaiso au Chili, Marion s’est découvert une passion pour l’Amérique latine, le street-art et les mouvements sociaux.