ALIVE.

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ALIVE. LYDIE JEAN-DIT-PANNEL



“DON’T TRY” Épitaphe de Henry Charles Bukowski (1920-1994)

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La cour du château de Cornillon offre un écrin idéal aux œuvres de Lydie Jean-Dit-Pannel. Les contraintes particulières du lieu sont devenues des atouts. Le déroulement inéluct able du temps qui passe sur la pierre et le végétal est en résonance avec ses créations qui se nourrissent des saisons et des lumières changeantes. Sa proposition fait fi des frontières entre le public et l’œuvre, proposant à chacun d’être acteur de cette création multiple. Des papillons qui se sont posés sur son corps jusqu’à être absorbés par sa peau, aux moulins à vent qu’elle multiplie comme pour donner un nouveau souffle à ce lieu patrimonial, l’œuvre de l’artiste est entière. Elle stimule chacun de nos sens et nous enveloppe. Cette liberté de création est le fruit d’une belle rencontre entre de Lydie Jean-Dit-Pannel et ses commanditaires. Je ne peux que louer l’implication de la Communauté de Communes de Valcézard dans ce projet. Je suis fier que la Région Languedoc-Roussillon soit à nouveau à ses côtés pour cette exposition, comme elle l’a été pour la rénovation de ce château dont la cour accueille aujourd’hui une œuvre poétique qui lui insuffle la plus belle énergie et une douce légèreté. georges frêche président de la région languedoc-roussillon

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Depuis plusieurs années, le Département finance les expositions d’été – et leur résidence d’artiste – organisées par la Communauté de Communes de Valcèzard. Les vidéastes et photographes accueillis proposent ainsi, à chaque édition, un regard renouvelé et original sur ce territoire. Le site de Cornillon, protégé au titre de l’environnement, marqué par l’histoire, est représentatif des atouts de notre Département en termes de culture, de patrimoine, de préservation des paysages et de l’environnement. Des paysages de Valcézard, le travail de Lydie Jean-Dit-Pannel nous offre une connaissance plus intime. Tout au long de l’année, les variations de celui-ci au gré des saisons ont été enregistrées. Aux visiteurs de passage, elles offrent une vision du territoire hors des saisons touristiques habituelles, leur donnant, nous le souhaitons, l’envie de (re)découvrir ce pays. Aux habitants de la Communauté de Communes, il offre un autre regard sur un environnement familier et quotidien qui prend ainsi une autre dimension. Au cours de cette exposition, se mêlent et se rencontrent les voyages de l’artiste autour du globe et le voyage des paysages de Valcézard au cours des saisons. C’est à ces deux voyages que je vous invite à participer sur le site protégé du château de Cornillon.

damien alary président du conseil général du gard

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La politique culturelle que mène la Communauté de Communes de Valcèzard en matière d’arts plastiques s’inscrit pleinement dans un développement global du territoire rural. Aujourd’hui nos territoires sont en plein mouvement, la ruralité devient de plus en plus un espace de dynamisme, d’inspiration, un espace qui vit et s’inscrit dans son temps présent. La ruralité est aussi l’image de la diversité qui la compose. Par la présence de l’expression contemporaine, la Communauté de Communes de Valcèzard affiche sa volonté d’une proposition artistique audacieuse et amène le public à se confronter le plus simplement possible aux expressions de la création d’aujourd’hui. Il est aussi important que les politiques publiques permettent à chacun d’entre nous de pouvoir poser un regard sur la création contemporaine y compris lorsqu’on vit loin de centres urbains et des musées. Notre responsabilité reste d’en favoriser l’accès pour tous. Avec l’exposition ALIVE., la ruralité est devenue un espace d’inspiration et de dialogue pour l’artiste Lydie Jean-Dit-Pannel. En saisissant un point de vue sur la Vallée de la Cèze, en occupant les encadrements de fenêtres, l’artiste s’empare de notre patrimoine et nous rappelle à la fois qu’il est en vie et en perpétuelle renaissance. Cette exposition est une remarquable occasion qui nous est donnée de (re)découvrir la richesse patrimoniale du territoire de Valcèzard, et d’en saisir peut-être toute sa protection. Une fois de plus la Communauté de Communes de Valcèzard en s’appuyant sur les richesses patrimoniales et culturelles de l’espace rural favorise la rencontre aux formes les plus innovantes de la création.

christophe serre président de la communauté de communes de valcèzard

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Lydie Jean-Dit-Pannel, en poussant la porte du Château de Cornillon, a choisi de replacer ce témoignage de notre passé au cœur de notre quotidien contemporain. Saisissant la vue qu’offre la cour sur la Vallée de la Cèze, l’artiste a fi xé chaque jour, durant 9 mois, ce paysage, son évolution naturelle, avant que la vidéo ne restitue le mouvement perpétuel du cycle de la vie d’une nature en constant renouvellement. Ce mouvement vital, que nous avons tant de mal à saisir, à appréhender, à vivre en toute conscience, l’artiste nous le livre simplement, humblement à travers la texture d’une œuvre qui, de jour en jour, révèle les subtilités d’une toile sans cesse retouchée. Lydie Jean-Dit-Pannel capte l’immatérialité de l’instant. Elle se dégage de la fi xité de l’image pour ramener l’œuvre à sa force, à sa capacité de transcender la vie, l’histoire, le temps. Ce bout de paysage, depuis l’an 1 122, les hommes ont la possibilité de le voir. Tout ce temps écoulé, près de 10 siècles, informe sur une évidente transformation de la perception que l’œil de la vidéaste a immortalisé et donne un repère, le point d’avant, le point d’après aujourd’hui inscrit définitivement dans l’histoire. Ce patrimoine naturel sur lequel l’artiste nous invite à une redécouverte, nous rappelle une des choses fondamentales : qu’il soit architect ural, paysager, immatériel, vocal, ou visuel, le patrimoine se transmet et cette transmission reste symbole de vie. Aussi, par la capture de ce paysage, l’artiste ne touche ni au temps, ni aux hommes qui l’ont façonné, elle ne se fait que vecteur de transmission afin de mieux le préserver. Point de vue du point de vue, Lydie Jean-Dit-Pannel invite à s’interroger sur le regard que l’on pose quotidiennement sur ce qui nous entoure, nous informe sur notre réalité et sur notre capacité à intervenir sur les cycles de la vie. En positionnant dans les encadrements des centaines de moulins qui tournent au moindre souffle de vent, Lydie Jean-Dit-Pannel ne cherche pas un point de vue esthétique sur ce qui ne reste qu’un vestige du passé. Son travail ne se positionne pas comme un agent d’embellissement. Elle inscrit à nouveau ce patrimoine dans le mouvement de l’histoire et nous rappelle un fondement : le patrimoine est VIVANT, il est chargé de vie et ne cesse de s’inscrire à travers le temps, comme ALIVE. tatoué sur la poitrine de l’artiste. Une manière de rappeler qu’être en vie c’est continuer à croire en la liberté. daniel michel commissaire de l’exposition 11


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LYDIE JEAN-DIT-PANNEL ALIVE. i – itinéraires château de cornillon Sur les ailes du vent, depuis le promontoire du château de Cornillon, le regard s’élance et reçoit comme une onde les vagues de végétation déployées à perte de vue. Les renouvellements de la nature paraissent des prodiges et procurent un spectacle d’autant plus étourdissant que la ruine féodale défie les siècles. Tous les moulins à vent, postés dans la muraille, amènent dans leur sillage l’évocation de l’âme des morts comme on peut le voir dans les temples du Japon dédiés aux enfants. Dans l’embrasure des portes et des fenêtres, les hélices blanches bruissent d’un son vivant. L’artiste Lydie Jean-Dit-Pannel y clame l’unique message auquel aspire toute la création : « Alive. » La devise levée sur un drapeau fait claquer dans l’air sa vitalité et répond au souffle qui passe. Le drapeau se tait quand le vent tombe. L’attente d’un rebondissement sans fin et l’idée de l’envol se trouvent inlassablement ravivées dans cet espace ouvert aux stridulations des cigales, au Mistral. Pour cette artiste vidéaste, plongée très tôt dans les splendeurs de l’image animée et qui s’enhardit à reproduire la magie d’un mouvement continu, le travail est à l’écoute des rythmes de vies et la mise en évidence de leurs pulsations. Le processus de vie/mort/vie1 guide ses recherches et accompagne la struct uration d’un projet dans le temps qui se double d’une autre dynamique dans l’espace. La découverte de territoires forme un itinéraire où sont étroitement associées biographie et production artistique avec l’ambition de rejoindre le postulat « art = vie » du mouvement Fluxus. Lydie Jean-Dit-Pannel crée dans le déplacement. Poursuivant sa course depuis Marseille, lieu de sa der-

nière exposition, après Paris et Bourges, elle trouve dans le Gard un lieu propice à ses motivations : se fier au souffle, laisser retentir ce qui palpite, montrer que rien n’est statique, contrairement à l’illusion répandue que bien des choses paraissent stables. L’œuvre qui s’encadre dans le paysage confronte la vidéo d’une nature éternellement recommencée à son modèle réel, la vallée de la Cèze, rendant sensibles leurs qualités respectives : l’une vive, l’autre mémorisée ; l’une faisant la boucle des saisons, l’autre les contenant toutes sans que la vue parvienne à en distinguer les strates. Mais finalement, de laquelle parle-t-on ? Entre lumière naturelle et lumière artificielle, toutes deux existent et meurent, toutes deux sont cycliques et réalisent la synthèse du temps révolu, mais chacune – biologique ou numérique – selon son espèce. À ce jeu, viennent adroitement se combiner les différents épisodes de la vie de l’artiste et sa nouvelle collection d’images. La huitième saison du Panlogon est projetée le soir du 1er juillet 2010. le panlogon Rappelons que Lydie Jean-Dit-Pannel réalise Le Panlogon depuis 2001. Ce journal vidéo toujours en devenir, juxtapose aujourd’hui plus de 800 plans séquence de quelques secondes à quelques minutes. Il a été préparé pour aller de 0 à l’infini. Loin de dire un stock d’images passées, il exprime un potentiel de prises de vue qu’un jour le futur amènera lui aussi dans le présent du spectateur curieux de nouvelles chroniques. Sur une durée actuelle de quatre heures, la caméra dévide dans l’ordre les enregistrements de ce que l’artiste a pu voir au fil de la route, en sillonnant la planète de long en large, dès qu’un rendez-vous la poussait vers l’Ouest Américain ou plus au Nord, en Europe, en Asie, au MoyenOrient, en Afrique et en Amérique du Sud, ou dès qu’une

1 - Expression employée par Clarissa Pinkola Estés dans son livre Femmes qui courent avec les loups, grasset, 1996. L’auteur est à l’origine de la création du concept de femme sauvage, un des archétypes féminins.

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destination l’attendait, comme à Bornéo. Elle ramène ainsi par périodes, de l’autre bout du monde, des images aux tonalités et aux sonorités incroyablement variées. Ce qui arrive déclenche l’impression enivrante d’un parcours chanceux, truffé de fulgurances.

Mexique, « El Rosario », un petit écriteau chuchote au visiteur : « Please do not Dist urb the butterflies & Remove the flowers from here »2. L’artiste l’a vu.

ii – métamorphoses En comparaison avec les vibrations optiques d’autres vidéos que l’artiste a réalisées par ailleurs – Mille e tre, Circus, Arm in Arm – , montées à des cadences prodigieuses, le déroulement du temps dans Le Panlogon, quand il suit normalement son cours, semble ralentir comme si au cœur d’un réel ordinaire se trouvaient les sons inattendus et l’impondérable. Celui-ci se présente presque toujours sous la forme d’un micro événement. S’il est spectaculaire, il n’est le plus souvent qu’une succession de déplacements à la limite de l’insignifiance. Pourtant, la vache qui traverse la route et le chien qui s’endort, la chenille qui avance, le moindre geste, sont regardés comme des miracles de vie expressive. L’œil trouve à chaque fois, au fur et à mesure que s’égrainent les captures vidéo, un rien du tout d’une densité phénoménale qui, grâce à l’art, prend une allure exceptionnelle. L’ouïe et la vision, mises en alerte, gagnent en finesse, en reconnaissance de ce qui jusqu’alors n’était pas considéré comme remarquable. chambre à louer Cette faculté perceptive est amplifiée dans l’œuvre Chambre à louer où sont regroupées les mises en garde qui, sur les poignées de portes dans les hôtels, stipulent de ne pas déranger, et le demandent dans toutes les langues et sous toutes les formes possibles d’écriture. Leur invite, qui va s’augmentant avec le nombre des voyages, rend plus éloquent encore l’appel à ralentir et à développer une acuité sensorielle. Comme si le silence conjugué aux yeux grands ouverts disait on ne peut mieux la subtilité de l’écoute entièrement recueillie du monde et les dispositions nécessaires à son avènement. Près d’un sanct uaire d’hibernation de papillons au

martin et osa johnson Dans le regist re des célébrations de la vie animale et l’hommage rendu aux tribus lointaines, Lydie Jean-DitPannel garde en pensée comme un trésor inestimable les films documentaires de Martin et Osa Johnson, réalisés au début du xxe siècle. Il faut dire que les aventures cinématographiques de ces deux passionnés de vie sauvage ont de quoi faire rêver3. Partis en Malaisie, dans les Îles Salomon et les Nouvelles-Hébrides, mandatés en Afrique par le Museum d’Histoire Naturelle de New York, dans un Kenya ou un Congo encore indécouverts du point de vue zoologique, ils ont donné un témoignage sur la faune et la beauté des peuples qui laisse émerveillé. Il n’est pas étonnant que la belle Osa, devenue sur ces entrefaites le modèle de Fay Wray pour la petite créature de King Kong, reste une inspiratrice où s’entremêlent l’approche scientifique, le registre de la fiction et la grâce féminine. Et qu’une artiste d’aujourd’hui, éprise d’instants rares, s’attache à ce modèle d’aventurière, échangeant les grands fauves contre un papillon – le Monarque –, réputé pour être le seul migrateur de son espèce. naissance d’un papillon Il est aisé de s’imaginer les papillons butiner de fleur en fleur, alors que l’artiste, elle, les adopte en grand nombre, cherche leur repère, les élève à l’Insectarium de Montréal, les « marque » et les suit dans leur migration par milliers jusqu’au Mexique, au fond des forêts du Michoacán. Qu’une larve s’épanouisse de chenille en papillon et que l’artiste veuille en suivre tous les stades de croissance, voilà un des aspects de cette enquête sur l’infime et le mouvement continu. Les plasticiens ne sont-ils pas les

2 - « Merci de ne pas déranger les papillons et déplacer les fleurs ». 3 - Cf. le livre de Michel Le Bris, La Beauté du monde, Paris, grasset, 2008, qui leur est consacré, ainsi que les collect ions de fi lms, photos, manuscrits, articles et livres du Safari Museum à Chanute dans le Kansas.

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premiers à s’intéresser aux différents états par lesquels passe la matière et la forme qu’elle prend à mesure que le temps s’écoule et que l’œuvre se fait ? En se consacrant au Monarque, Lydie Jean-Dit-Pannel donne la possibilité de voir ce que ni l’œil nu, ni la patience commune ne peuvent capter : la naissance d’un insecte et les étapes ordinairement invisibles de son évolution. Comme si l’œil ouvert et mécanique de la caméra – et sans qu’on parle de surveillance – dédiait sa performance technique, en cela magnanime et maternel, à l’observation de la vie cachée : moments minuscules, indescriptibles, très très fins, super lents d’une éclosion, banals entre tous, combien de fois répétés dans la nature, et finalement toujours uniques, où ce qui est une chenille changée en nymphe se déploie finalement dans l’air avec deux grandes ailes rouge orangé, surlignées de noir et tachetées de blanc. Dans la vidéo Rien, Peut-être, le moment de l’envol au bord des lèvres, retient le souffle. mes encres À la mesure des distances et des frontières que le Monarque est capable de franchir pour s’assurer une descendance, est donc né un parcours de plasticienne et de vidéaste conduit par un sens subtil de la progression. Tout déplacement quel qu’il soit lui permet d’établir un parallélisme entre les voyages du papillon et les siens. Avant de se rendre elle-même au Canada en septembre 2008, puis au Mexique en février 2009, suivant l’axe de la ponte des Monarques jusqu’à leur reproduction, elle a déjà élaboré un itinéraire de Québec à Nîmes, de Paris à Londres, à Cheyenne, en passant par Las Vegas et San Fransisco, avec un retour sur Genève avant Marseille et Caen,… et tant d’autres villes qu’elle incarne en les inscrivant sur son corps : à chaque étape un « marqueur d’espace », à chaque étape un tatouage de papillon. Depuis 2004 en effet, Lydie Jean-Dit-Pannel se fait tatouer

un à un des Monarques femelles sur toute la partie gauche du corps. 34 figures aujourd’hui, de ce projet en cours qu’elle appelle Mes Encres, se déploient de la nuque au talon, avec quelques phrases fétiches ajoutées récemment, comme une chronique de ses haltes en lieux de villégiature et d’exposition : Québec, Copenhague, Madrid, Tokyo, Budapest, Chiang Mai, Karlsruhe. Elle en a récemment établi la carte, adressée sous le double sceau de la géographie et de la correspondance aux professionnels du milieu de l’art : le dessin anatomique d’une figure féminine où sont portés les noms des villes, avec le titre « Alive. », partageant en cela l’annonce – « I am still alive » – que l’artiste On Kawara envoyait en son temps sous forme de télégrammes. Ainsi parée et reliée à l’insecte, attentive à sa vie, à son évolution de larve en lépidoptère ailé de la plus heureuse façon, l’artiste devient à son tour « image » comme la chrysalide devient Imago. Elle en a fait l’emblème de sa recherche et confirmé qu’il n’y a pas de création sans métamorphose. déclinaison des images Pour faire œuvre, outre les tatouages du Monarque, le Danau Plexippus tiré d’une planche entomologique et copié sur son corps, elle se sert de plusieurs médiums. La palette des procédés renvoie pleinement au plasticien. Le report à l’encre du papillon fait référence au coloriage, au dessin et à ses outils, autant qu’à la peinture, avec l’emploi du poncif et de l’estompe, les pigments en poudre et leur gamme colorée. Suivant le tatoueur, les tracés ont des st yles différents. Tous les tatouages sont ensuite recadrés, agrandis dans des photographies. La photo repose sur un protocole de prise de vue qui utilise le contraste lumineux d’un fond noir et d’un éclairage intense pour chaque motif, afin d’en dresser l’inventaire, mais aussi créer, à trois ou quatre reprises, des représentations de gestes singuliers : un Auto-bras de fer, un bras couvert d’aiguilles d’acupunc-

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ture ‘Cause I’m free, et L’Entomologiste prêt à transpercer l’artiste d’une grande épingle. Ces gestes sont tous des condensés de narration, et la fi xité des images semble un raccourci pour rendre perceptible ce qu’est l’envol, la symétrie, le duel entre des forces antagonistes ou la merveilleuse désinvolture d’une main dont rien ne semble pouvoir arrêter l’élan. La vidéo prend le relais en exploitant franchement la notion de temporalité et en tirant parti de nouveaux effets cinétiques. Si elle démultiplie les papillons tatoués dans l’œuvre La Collect ion et en projette les photogrammes à toute vitesse, produisant une vibration visuelle comme autant de battements d’ailes, les séances de tatouage se débobinent dans Le Panlogon au rythme des petits moteurs et des bavardages. La performance, quant à elle, donne lieu au grand brouhaha, plein de clameurs et d’émotions, d’un véritable bras de fer entre Lydie Jean-Dit-Pannel – la « Chica Mariposa » – et les autochtones à Mérida, à la fête foraine de Tecoh et au village maya de Cholul dans le Yucatán. Elle consiste encore à réunir mille bras tatoués au « Tattoo Art Fest » du mois de septembre à Paris, pour en faire un long travelling – L-INK –, et à veiller à ce que le langage entraîne dans ses jeux de mots les abrégés de toutes les expériences. La consistance des voyages fait de nouveau retour sur le corps et y papillonne en grandes arabesques. Autant d’écritures qui déclinent une présence obsédante et fugitive, autant d’opérations successives qui transmuent dans la chair, dans l’argentique et le numérique, le devenir d’une espèce. À aucun moment Lydie Jean-Dit-Pannel ne perd le fil de son projet. Il est maintenant plus difficile de savoir du chasseur ou du gibier lequel des deux mène l’autre. Le papillon Monarque l’a instruite de ses moyens. La métamorphose, c’est autant celle de l’insecte que celle de l’artiste, cet admirable échange par lequel ils se prêtent leur énergie. Le papillon lui inspire des lieux et une manière

de penser, en retour, elle l’humanise et lui consacre du temps. métamorphose des images S’il est question de la métamorphose des papillons et de leur migration, alors il est aussi question du transport des images et de leur devenir. Images en tant qu’espèces appartenant à la grande famille des représentations, dont il est possible d’étudier à chaque fois la nature particulière suivant le support et la technique, et la catégorie suivant l’intention : chronique, documentaire, trace, œuvre… chacune reproduisant sur un mode spécifique les possibilités de la création artistique. La capture est si belle que le désir d’en revisiter la substance s’en trouve avivé : écailles naturelles des ailes de papillons véritables, encre tatouée dont la forme s’anime avec le frémissement des muscles sous la peau, sels d’argent de l’émulsion photographique, jusqu’à l’immatérialité de l’image vidéo qui tressaille, inextinguible, dans la lumière. Il se trouve qu’une œuvre a finalement des répercussions sur toutes les autres, entraînant des séries ouvertes à partir d’une même source iconographique. Chaque série reflète la trace d’une image montrée ailleurs, ce qui produit tout à la fois un rappel et un rebondissement visuel d’où s’échappe peu à peu le sentiment de mutation. Dans cette approche d’une transformation permanente, il ne s’agit plus seulement de la morphologie de l’insecte, mais de sa ressemblance dans les images et de ce qu’elle devient quand les prises de vue s’inspirent les unes des autres. La fidélité au motif initial du papillon change avec la grande variété d’approches, de formes et de couleurs des enregistrements successifs et leur rapport surtout très différent à la lumière. En produisant du « même » et de « l’autre », ils déplacent la notion de modèle. Le projet artistique en s’ouvrant devient très clairement matière vivante.

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iii – totem et pensée symbolique tatouages et vêtements Avec les tatouages sur sa peau blanche, ses ongles vernis rouges et noirs, ses cheveux roux et ses yeux clairs, l’artiste a l’éclat de la robe de l’insecte. Selon les vêtements qu’elle porte, des jupes à pois ou frappées de têtes de mort sur les hanches, il semble qu’elle sache tirer tout le parti « symbolique » qui sied aux totems, où s’étagent tour à tour les figures de la filiation et les motifs décoratifs. Ce qui pourrait s’appeler des ascendants, désignant les aïeux dans la parenté, et ce qui exerce aussi du charme et de la séduction. En un mouvement humain et artistique, Lydie Jean-Dit-Pannel construit tout un processus généalogique, créateur d’influence et d’identification. En faisant le choix d’un papillon remarquable, capable de vivre huit mois et non pas quelques jours, elle est en quête d’une œuvre, qui tout à la fois l’incorpore, incarne l’espace, attrape le temps et signe la fascinante légèreté du Monarque, son endurance exceptionnelle et sa vitalité. L’intuition n’est-elle pas aussi l’un de ses attributs, quand on sait qu’il reconnaît son chemin migratoire sans l’avoir appris ? et le signe par excellence de la création avec la danse nuptiale et la parade amoureuse ? Comme le Minotaure auquel s’est identifié Picasso, ou le lièvre, le coyote et l’abeille avec lesquels Beuys a lié son rôle de chaman, le papillon dans l’œuvre devient une « figure sacrée, archaïque et sauvage ». Il abrite l’idée qu’il préserve peut-être des dangers et des maléfices, mais qu’il est surtout capable d’insuffler un esprit de vie et de nouveaux rapports à la perception. Sa place dans l’œuvre rappelle les sociétés animistes qui reconnaissent leur ancêtre dans un élément de la faune ou de la flore et le vénèrent comme un protecteur. Fétiche ou totem, la question reste ouverte, l’artiste n’ayant jamais revendiqué une lecture du côté de la réincarnation ni d’un groupe humain défini. Le fait qu’elle ait donné le titre – Mes Âmes – à l’une de

ses photos, où on la voit penchée avec sa caméra vers des milliers de Monarques pour enregistrer leur présence, et qu’elle ait retenu l’histoire selon laquelle les âmes des défunts reviennent au Mexique sur les ailes des papillons, met en lumière cependant son attachement à ces rapports intimes qui lient les morts aux vivants, les humains aux entités spirituelles. En se faisant tatouer, elle assume par ailleurs une conception de l’art où l’artiste fait de son corps le support privilégié d’une esthétique, à travers laquelle s’exprime tout à la fois une pensée en acte et ses dess(e)ins avec une posture critique vis-à-vis d’autres corps – le corpus des œuvres, traditionnel celui-là, qui n’est pas d’ordinaire confondu avec la chair de l’auteur, et le corps social. Si cette pratique renvoie au Body Art 4, elle revêt une dimension tribale, cette idée des nouvelles tribus5 d’aujourd’hui dont les membres confirment l’appartenance par des signes physiques et des codes vestimentaires. Dans cette « artialisation du corps »6, l’être pose sur lui et devant les autres les « termes » d’une organisation de l’univers, où le monde naturel est uni au monde métaphysique, où l’art joue un rôle majeur en tant que garant de la vie spirituelle et sociale des individus7. Pourrait-on parler de « possession » ? – au sens de s’appartenir, appartenir au groupe, au Tout et le rendre perceptible par une décision –, ou parler d’envoûtement, le pouvoir des figures et autres accessoires d’enchanter le monde, d’enchanter la mort ? la pensée sauvage de claude levi-strauss La lect ure de La Pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss aide à y voir clair, lui qui a étudié les peuples et les communautés traditionnels, mais aussi questionné les modes de vie des occidentaux, leurs archives et leur raison d’être dans les rapports qu’ils entretiennent avec le temps, leur façon de trouver leurs références dans le passé et de l’interpréter : « “La pensée sauvage” et non “la pensée des sauvages”. Car ce livre s’écarte de l’ethnologie traditionnelle en prenant pour thème un attribut universel de l’es-

4 - L’artiste Orlan, parmi les pionnières de ce mouvement, suite à ses transformations et opérations ch irurgicales, a écrit L’Art charnel, un manifeste pour se différencier des artistes de l’art corporel. 5 - Michel Maffesoli, Le Temps des tribus 1988, livre de poche, 1991. 6 - Alain Roger, Court Traité du paysage, nrf/gallimard, 1997. 7 - Cf. Holly W. Ross : « Objets de vie, rites de passage dans l’art africain », revue Tribal Art, n° 53, Automne 2009, p.66.

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prit humain : la pensée à l’état sauvage qui est présente dans tout homme – contemporain ou ancien, proche ou lointain – tant qu’elle n’a pas été cultivée et domest iquée à des fins de rendement. Lévi-Strauss aborde donc les mythes, les rites, les croyances et les autres faits de la culture comme autant d’êtres “sauvages” comparables à tous ceux que la nature engendre sous d’innombrables formes, animales, végétales et minérales. »8 Dans sa manière de traiter de la migration, d’ouvrir les limites auxquelles un médium artist ique est toujours plus ou moins assujetti, Lydie Jean-Dit-Pannel exprime la pensée sauvage. Elle fait tout pour que l’œuvre ne soit pas assignée à résidence, mais soit profondément transfrontalière et imprégnée de toutes les langues. C’est alors qu’elle est capable d’aller résonner dans des champs culturels et des mondes avec lesquels nous avons plus ou moins d’affinités, et de nous permettre d’intégrer et de sentir leur part de vitalité créatrice comme largement partagée. récit mythique L’histoire de sa rencontre avec le Monarque à Montréal a la valeur d’un récit fondateur, tels que le sont les mythes d’origine des « appellations claniques »9. Cette « appropriation » du lépidoptère, avec le respect et les soins attentifs qu’elle lui a prodigués et les images qu’elle en a faites, tout concourt à associer très étroitement cette femme-là et cet insecte. Si la puissance symbolique du papillon était là au commencement, sa richesse n’en est que plus grande aujourd’hui avec la multiplication des tatouages – un premier secret qui, d’inaperçu, est devenu en se répandant un authentique manifeste. Sa dimension mythique se renforce en jouant un rôle de pivot dans la manière dont Lydie Jean-Dit-Pannel peut relire à travers lui son passé artistique et envisager l’avenir, réconcilier en lui tous les temps. De ce point de vue, la vidéo Mille e tre, réalisée en 1990, préfigure les propositions d’aujourd’hui aiguillonnées

par l’emblème du papillon. Concentrée sur l’énumération des femmes séduites par Don Juan, au rythme d’un visage par seconde, elle tient en germe cette vibration si importante de l’image, qui fait battre des paupières et cligner des yeux dans une progression aux allures de compte à rebours. Dans ce thème de l’addition inexorable des conquêtes aussi vite disparues qu’apparues, qui pourrait sembler très éloigné du propos act uel, se trouve l’un des traits caractéristiques augurant des œuvres qui suivront, celui de la résist ance d’une présence, le pouvoir d’une figure quelle qu’elle soit dans le cumul des sujets à maintenir sa capacité à exister – mais le peut-elle, ne serait-ce qu’à l’écran ? –, et le pouvoir de l’image à maintenir la sienne, ne serait-ce que sous la forme d’une permanence rétinienne ? grille de lecture Dès lors, en prenant le Monarque en filature, pour observer ses habitudes et ses mœurs, s’accorder avec ses rythmes, l’artiste peut repérer d’autres phénomènes dont les qualités sont analogues et les apparenter. Avec ces « liens de parenté », elle élabore un système de pensée symbolique qui lui permet de retrouver l’essentiel dans la confusion des apparences, des aspects que leur disparité rend étrangers les uns aux autres selon nos catégories coutumières d’observations, alors qu’ils relèvent au fond de la même struct ure. Le papillon Monarque est une clef, un repère décisif pour raccorder le visible à l’invisible. Il aide à poser une grille sur la réalité, à procéder à des « écarts » et des « différenciations »10. Dans les séquences du Panlogon, par exemple, le son comme l’image, tranchés dans le vif, opèrent de véritables découpes, comme s’il s’agissait de prélever, parmi les faits, les moyens d’une grammaire capable de les articuler entre eux et d’énoncer une autre perspective. Leur sélection et leur raccord au montage font ressortir avec une sorte d’évidence la continuité des temps et des espaces. Le seul Panlogon – réalité/fiction du temps vécu – inscrit

8 - Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, plon, 1962. 9 - Comme l’écrit Claude Lévi-Strauss, idem, p. 276. 10 - « […] Ce qui importe, aussi bien sur le plan spéculatif que sur le plan pratique, c’est l’évidence des écarts, beaucoup plus que leur contenu ; ils forment, dès qu’ils existent, un système utilisable à la manière d’une grille qu’on applique, pour le déchiff rer, sur un texte auquel son inintelligibilité première donne l’apparence d’un flux indist inct, et dans lequel la grille permet d’introduire des coupures et des contrastes, c’est-à-dire les conditions formelles d’un message signifiant. », Claude Lévi-Strauss, idem, p. 95.

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toute la biographie de l’artiste dans une trame, à travers laquelle l’histoire et les événements s’ordonnent et trouvent un sens. L’art y tisse les moyens de se confronter aux forces agissantes, de rendre perceptible l’action de la vie et de la mort. L’œuvre en apprivoise à la fois les ordres et les désordres. photographie et conjuration La mort semble toujours mordre plus avant ce à quoi nous tenons. Ici : la vie, les papillons, les images. Comme pour en conjurer la disparition prochaine, Lydie Jean-Dit-Pannel entretient la fonction d’exorcisme qu’assume l’art et sa capacité thérapeutique et propitiatoire pour appeler de tous ses vœux une réalité nouvelle. Cela se voit dans la photo de son bras gauche où des aiguilles d’acupunct ure redoublent l’idée d’une fi xation mortelle des papillons tatoués et d’une guérison à travers les méridiens du corps. Et cette autre qui met en scène un geste qui l’épingle tout en la chérissant, comme celui d’un entomologiste qui affiche avec passion les papillons et les valorise en les tuant. La méthode renvoie aux rites vaudous, à l’approche des vampires et fait lever des significations liées au corps transpercé. En replongeant du côté de l’animal et du sacrifice, l’image montre comment la violence ici rejoint le sacré. Il en ressort évidemment un trouble très grand, quand l’art écoute l’ambiguïté de ces registres entre mise à mort et mise en vie. De là, le surgissement de quelque gravité au milieu d’un songe chatoyant qui aurait pu n’être que légèreté, envol et liberté. L’Auto-Bras de fer jouant, avec le côté Janus de ses deux profils, l’approche binaire des rapports de force, fait écho à ce qui va par deux, au double, aux deux ailes des papillons, mais surtout aux positions antagonistes. Devant cette incertitude sur le poids des contraires, le Monarque semble capable de maintenir leur équilibre fragile, en figurant l’égalité par la symétrie de ses ailes. C’est la figure du conflit réconcilié.

love hate Il a pour corollaire, dans le langage, l’alliance des termes Love Hate. Dualité de l’amour et de la haine que figurent les mains de Robert Mitchum dans La nuit du chasseur, le film de Charles Laughton, lui-même adapté du roman de Davis Grubb. La chaîne de ces représentations en dit long sur le tiraillement. Lydie Jean-Dit-Pannel porte elle aussi les mots Love Hate, tatoués et dissimulés de chaque côté de la nuque. Elle les a encore fait graver dans l’écorce de deux érables champêtres, deux arbres frères qu’elle a choisis dans une pépinière de Dijon à cause de la proximité de leurs troncs et de leurs branches entrelacées. En agissant de la sorte, elle a achevé de leur donner figure de spécimen. Entre l’écorce et l’épiderme, l’art transforme le vivant en une nouvelle espèce. Inséparables et désormais antagonistes, ils incarnent les sentiments extrêmes de l’humain que l’arbre endosse quand il est regardé comme un sujet à part entière11. Parce que les arbres sont à la fois unis et porteurs d’énergies apparemment inconciliables, ils sont rendus participants de questions de vie et de mort et attirent des considérations liées à l’environnement et au sort du monde. LOVEHATE est un véritable totem capable de ranimer des significations ancestrales. L’expérience de leur déracinement, avant de les exposer dans sa rétrospective « Je vois » au Transpalette à Bourges en 2009, puis de les transporter et de les replanter dans le parc du Centre d’Art de Pougues-Les-Eaux, a confronté l’artiste aux lois de la nature, lesquelles toujours nous dépassent : les arbres finalement sont morts. Avec toute l’inquiétude métaphysique qui surgissait à l’idée qu’un jour l’un des deux pourrait prendre le pas sur l’autre, jamais l’artiste n’aurait imaginé que les deux puissent mourir ensemble. autoportrait Assimiler les événements qui se produisent12, trouver un équilibre entre ce qui change et une struct ure immuable,

11 - Cf. le catalogue d’exposition, sous la direct ion de Didier Mouchel, Portraits d’arbres – Henri Gadeau de Kerville au regard de la photographie contemporaine, Musée d’Evreux, Le Point du Jour, 2004. 12 - « On devra reconnaître que les peuples, dits primitifs, ont su élaborer des méthodes raisonnables pour insérer, sous son double aspect de contingence logique et de turbulence affect ive, l’irrationalité dans la rationalité. », Claude Lévy-Strauss, idem, p. 291.

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s’il en est une, ces exigences se condensent dans le fait de se soumettre au temps qui passe ou de le vaincre. Lydie Jean-Dit-Pannel pose ces questions, aussi bien formelles, psychologiques, métaphysiques qu’artistiques, à travers un papillon regardé comme un alter ego et qui lui permet d’aller à la rencontre de l’art en personne. Elle inscrit cette nécessité dans une stratégie de l’autoportrait et l’adresse au miroir et ses facettes que sont la photo et la vidéo, où s’expose la relation de l’être à son image. Il faut dire que l’être a toutes les caractéristiques de l’éphémère et que l’image serait à même de le transcender. Périr ou demeurer… Peut-être le problème n’est-il pas tout à fait là d’ailleurs. Dans la ressemblance entretenue entre le corps vivant, visionnant le monde, et les images qui s’y rapportent, se situe l’enjeu de ce que l’artiste peut attendre d’un tel acte : un autoportrait où la figure court le risque d’aller s’aplatir dans son reflet, alors qu’elle prétend aussi à une parité avec le Tout Autre. Le travail, un véritable biface, conduit soit à une perception de l’image du côté de l’identique – et les systèmes d’enregistrement numériques ne manquent pas de force de persuasion dans ce sens –, soit à une perception de l’image du côté de l’infigurable et de l’ouvert ; une face, qui se prend pour une duplication du monde, avec une possession narcissique, puisqu’elle prétend par sa matérialité valoir autant que ce qu’elle représente, la réalité même, le principe de l’illusion aidant ; l’autre face tournée vers l’au-delà du visible, avec une dépossession, puisque les signes qu’elle porte ne sont là que pour indiquer un horizon qui les dépasse et derrière lequel finalement ces signes disparaissent. Aussi la valeur profonde de l’œuvre ne prend-elle tout son sens que lorsqu’elle maintient une séparation incompressible, et donc féconde, entre le modèle et son double. Et c’est dans cette réciprocité, dans l’articulation de ces deux perceptions diamétralement opposées, qu’émerge le combat. Là se trouve probablement le lieu de la véritable transformation. Dans la chrysalide aussi avant qu’elle

n’éclose, il y a tout ce magma d’obscurité, l’indicible de la métamorphose. Ne pas regarder de trop près ce qui se prépare entre l’amorphe et le ciselé. L’ensemble de la production de l’artiste ne viserait pas à établir un double illusoire du visible, mais une œuvre jouant un rôle de passeur vers une profondeur cachée, où le mystère reste entier.

iv – mort et vie des images Lydie Jean-Dit-Pannel a dit qu’elle voulait devenir ellemême image en mouvement, comme si les images avaient un meilleur sort. Mais les images sont finalement périssables aussi, toujours dans la dépendance d’un nouveau regard, d’une nouvelle présentation. facebook L’exemple selon lequel, jour après jour, elle extrait des photos d’albums ou de films et les remet en ligne sur « Facebook », avec le plaisir de les retrouver, est significatif de ce rapport à la mémoire. En signe d’hommage, elle les nomme Tributes. À travers le cyberespace, des références visuelles, supposées restées gravées comme des icônes, mais retournées en fait à l’état de latence et de simple gisement iconographique, redeviennent, le temps d’une navigation d’internaute, des images phares. Réinjecter de la vitalité dans l’art, Lydie Jean-Dit-Pannel y emploie toute son énergie. En travaillant dans un flux d’ondes électroniques, elle entretient l’illusion d’un mouvement continu, lui aussi fait d’apparitions et de disparitions. Ce média donne à l’heure actuelle le sentiment qu’il est le moyen supersonique capable de dépasser l’aspect prochainement caduque de tous les autres équipements. Mais parler de longévité des informations numériques serait un leurre. Étant donnée la qualité des supports d’enregistrement, l’illisibilité et l’effacement à court terme des données digitales impliquent leur transfert et leur duplication dans une migration régulière vers des supports

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neufs. Lydie Jean-Dit-Pannel fait évoluer son œuvre à la mesure des innovations technologiques. Par le biais d’un site Web interactif, travail d’écriture et de critique, mise en résonance des images sont à la fois de l’information et une œuvre à part entière dans la lignée de cette motricité voulue par l’artiste. Car c’est dans cette « plastique » particulière, que son art prend en compte tous les aspects déjà cités et les déploie en un même mouvement.

ser la mort des images, leur tombée dans l’oubli, aussi sûrement que les collections de papillons du xixe siècle du Muséum d’Histoire Naturelle de Bourges, étaient promises à tomber en poussière, si Lydie Jean-Dit-Pannel n’avait repensé leur exposition – mur admirable, assorti de sa petite vidéo frémissante des Monarques tatoués. Le travail de l’artiste est capable de régénérer les traces du passé, avec l’idée d’y retrouver toujours un sens aigu de la vie, ou plutôt le sens aigu de la forme vivifiée par l’art, rendue à sa nouveauté à différentes époques, ici à des moments charnières quand les siècles finissent et rajeunissent.

vidéo N’oublions pas que lorsqu’elle débute sa carrière, la vidéo est un médium jeune, dont la pratique est alors classée dans l’art-vidéo. Cette pratique intégrera quelque vingt ans plus tard le champ de l’art au sens large, quand le moyen de production d’image sera considéré comme un outil parmi les autres pour le plasticien ; sans rien ôter pour autant au caractère inventif d’un Nam June Paik, et à la virulence artistique d’un Wolf Vostell face au phénomène des médias. Si Lydie Jean-Dit-Pannel reconnaît ses pairs en ces pionniers, elle peut mesurer ce qu’a de problématique la massification des moyens de communication qui ne maintiennent dans l’air du temps que les suiveurs d’une image intrépide. D’où la nécessité de revenir à des cycles fondamentaux. D’où la force de son projet qui s’interroge sur ce qu’il en est d’être dans la course. La spécificité initiale qui marquait la nouveauté d’un territoire de création et un moment dans l’histoire de l’art du xxe siècle, a mué, ne serait-ce que du point de vue du matériel, de sa maniabilité, et de l’autonomie entre prise de vue et montage. Lydie Jean-Dit-Pannel tire partie de cette extraordinaire aisance technique. L’image où elle s’est fait photographier sur la voiture bétonnée de Vostell à Malpartida de Cáceres en Extremadura, décontractée et fumant le cigare, est un hommage qu’elle lui adresse et un signe de l’aisance qu’il a léguée à la nouvelle génération.

La vidéo est l’enregistrement d’un sujet qui, tout bien considéré, reste mort à tout jamais si aucun faisceau ne vient en ranimer la vitesse et l’éclat. Les projeter et les exposer, c’est faire revenir au jour au rythme de 25 images/seconde les millions de battements d’ailes, le vrombissement de la fraise du tatoueur, les espaces traversés… La cadence des images invite le spectateur à des perceptions très variées, les unes frénétiques basées sur un crépitement rétinien, les autres contemplatives et aux aguets dans un cheminement régulier de la bande image. Le souffle du vent qui peut le retenir ? Et l’air qui embaume, l’embaumer ? Ainsi des Monarques et de leur migration. Faire entendre leurs bruissements ; donner forme à une envolée pleine ; s’écarquiller les yeux dans le noir ; recevoir de toute part les différentes pulsations de la lumière, ce battement d’ailes incessant. Oui, fragile il l’est, promis à l’évanouissement, mais combien splendide, rapide, tellement léger à proportion de l’énergie ! La lampe du projecteur fait une trouée dans l’obscurité ; les particules de poussière se changent en points brillants et remplissent les yeux d’escarbilles ; la surface de projection redevient membrane ; l’art envoie une bouffée d’oxygène d’où surgit la vie en abondance ; « Alive. »

Il s’agit bel et bien de faire une œuvre neuve et de renver-

martine le gac, 2 mai 2010

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LA COLLECTIONNEUSE Le joli film d’Eric Rohmer, La Collect ionneuse, s’ouvre sur la promenade de Haydée Politoff le long d’une plage et la fragmentation de son corps d’été, puis enchaîne sur un merveilleux dialogue entre l’artiste Daniel Pommereulle et le grand critique et poète Alain Jouffroy. Ce dernier tente de tenir un objet de l’artiste, un pot de peinture, tout de jaune, autour duquel sont collées des lames de rasoir, sur lesquelles il se coupe en le commentant, en le disséquant ainsi : « Chacun doit aller au bout de soi-même, les gens qui vont au bout de soi-même sont encerclés et sont forcément agressifs ». Jouffroy repose l’objet insaisissable en écoutant Pommereulle lui dire « Toi tu es un tranchant, tu n’as pas à te couper ». Pas de doute, la beauté trouve son sens dans son appel au morcellement. L’objet sans fin, le projet à perpétuité de Lydie Jean-DitPannel, Le Panlogon, navigue ainsi entre une captation brute d’un lieu, d’un événement chargé de potentialités, et l’acte de ciseler, ou d’extraire, trancher, là où il faut pour atteindre l’aura, l’épiphanie, la singularité d’une image-séquence, qui mène vers une quête du tout. Toutes les langues, voilà de quoi se compose cette œuvre qui les saisit au fil des voyages de l’artiste, de l’Europe à l’Amérique du Nord à l’Asie, des bribes de monologues, diatribes, échanges et réjouissances. Il en va de même pour les langages, les formes, les médiums, tous conviés dans cette entreprise qui fait de la collection un autoportrait allégorique. Création du 21e siècle dans le parcours de l’artiste, Le Panlogon frappe tout d’abord, pour ceux familiers avec la part infographique de créations précédentes, par sa

simplicité, la simultanéité affichée d’une idée, d’un affect, et de sa représentation. Personne n’est dupe ; si l’artiste saisit sur le ch amp quelques inst ants de grâce et trouve une image-signe, prégnante, les autres émergent d’un travail considérable de montage, les seules possibles, celles qui s’imposent, celles qui montent à la surface de l’écran. Elles se frayent un chemin à travers les passions multiples de l’artiste, qui passent par le cinéma, la littérature, les arts plastiques, l’iconographie géographique, une liste composée d’accumulations affectives et esthétiques qui confèrent une st ruct ure non seulement au Panlogon, mais aux environnements intimes de l’artiste qui viennent parsemer ses errances. Le Panlogon parle d’abord la langue de l’image en mouvement, et converse avec le cinéma, la télévision et l’art vidéo. Entre road movie et vidéo tourisme, nous reconnaissons le Monument Valley de Ford, la Devil’s Tower de Spielberg, traversées Américaines teintées de Brautigan et Bukowski et de culture rock. De la Floride à Las Vegas, le besoin de s’y être rendue informe la trame narrative, cinéphilique, de ce passage américain, tout entier tourné vers le lieu saisi plutôt que l’instant retenu. Incarnation d’un ailleurs si familier, auquel répondent les images des retours en France, et de ses micro-errances dans un appartement, une rue, une ville. Très peu d’effets, de trucages, un ralenti, une trouvaille sonore; l’artiste aura effect ué un dépouillement technologique au cours de cette décennie qui tire à sa fin. Elle passe ainsi de l’art vidéo à l’art act uel, en rendant la technologie invisible,

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mot d’ordre pour des artistes aussi distincts que John Sanborn et Bill Viola. Lydie Jean-Dit-Pannel a souligné à maintes reprises son amour pour l’œuvre de Wolf Vostell, auquel le passage 444 du Panlogon rend hommage, avec l’artiste posant nue, comme le firent tant de modèles chez Vostell, sur une installation voiture-béton qui se trouve en Espagne. Étape importante car voici l’artiste qui fait œuvre, et celle du maître devenu socle. Sa présence physique se fait plus assurée au contact de cultures plus distinctes, l’autorisant à ruser avec ces références iconographiques. À cet égard, le Mexique devient littéralement le lieu d’une métamorphose, d’une seconde naissance. En 2004, elle découvre le papillon Monarque lors d’une résidence d’artiste à l’Insectarium de Montréal, autre date qui s’ajoute aux mythologies du Panlogon. Papillon migrateur, autre appel au voyage qui la mène à se fondre parmi eux. Ce monarque devient emblème de l’artiste et se pose désormais sur tout son corps.

entier qui précisent « Ne pas déranger », et inst allationscollect ions de sex-toys, les tatouages de papillons, et l’arrivée de phrases éternelles tirées de livres-clé de la librairie idéalisée de Lydie Jean-Dit-Pannel, inscrites dans la chair. Qui à ce jour se cristallise avec une nouvelle vidéo, L-INK, recueil vivant de centaines de tatouages, et ses photogrammes de films du monde entier, avec une préférence affichée pour le cinéma américain, qui ont accompagné sur Facebook la préparation de cette exposition. Il y a deux ans, l’artiste se trouvait au Japon, nous gardons une image absente du Panlogon mais qui l’hante depuis, celle d’une joie, d’un émerveillement, d’avoir atteint ce qui touche aux haikus : des enfants japonais qui souriaient en voyant ses bras de papillons se fondre dans les fleurs des temples de Kamakura. Ils voyaient les papillons et l’artiste. stephen sarrazin, tokyo avril 2010

Le rituel du tatouage ponct ue ainsi le Panlogon au fil des années, dont l’instant culminant nous livre Lydie Jean-Dit-Pannel allongée sur le sol mexicain, entourée de milliers de papillons. Image miroir de son corps qui pose sur Vostell, ici celle qui annonce la prochaine étape. À cette force de la migration et de la splendeur des couleurs, répond sa passion pour la Lucha Libre, les lutteurs masqués du Mexique qui s’envolent eux au-dessus du ring. Ce binôme du volage et de la masse caractérise la démarche en cours, images de grâce des temples du Japon et de l’Asie du Sud-Est, et animaux massifs et puissants, du gorille au tigre, cartons de chambres d’hôtel du monde

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BLUEBIRD – Charles Bukowski, 1992 there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I’m too tough for him, I say, stay in there, I’m not going to let anybody see you. there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I pur whiskey on him and inhale cigarette smoke and the whores and the bartenders and the grocery clerks never know that he’s in there. there’s a bluebird in my heart that

wants to get out but I’m too tough for him, I say, stay down, do you want to mess me up? you want to screw up the works? you want to blow my book sales in Europe? there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I’m too clever, I only let him out at night sometimes when everybody’s asleep. I say, I know that you’re there, so don’t be

sad. then I put him back, but he’s singing a little in there, I haven’t quite let him die and we sleep together like that with our secret pact and it’s nice enough to make a man weep, but I don’t weep, do you?

L’OISEAU BLEU – Charles Bukowski, 1992 il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui veut sortir mais je suis trop coriace pour lui, je lui dis, reste là, je ne veux pas qu’on te voie. il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui veut sortir mais je verse du whisky dessus et inhale une bouffée de cigarette et les putains et les barmens et les employés d’épicerie ne savent pas qu’il est là. il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui

veut sortir mais je suis trop coriace pour lui, je lui dis, tiens-toi tranquille, tu veux me fourrer dans le pétrin ? tu veux foutre en l’air mon boulot ? tu veux faire chuter les ventes de mes livres en Europe ? il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui veut sortir mais je suis trop malin, je ne le laisse sortir que de temps en temps la nuit quand tout le monde dort

je lui dis, je sais que tu es là, alors ne sois pas triste. puis je le remets, mais il chante un peu là-dedans, je ne le laisse pas tout à fait mourir et on dort ensemble comme ça liés par notre pacte secret et c’est assez beau pour faire pleurer un homme, mais je ne pleure pas, et vous ?

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Je me suis fait empapillonner Le 18 février 2004 à Quebec (La clinique du tattoo) Le 11 mars 2005 à Nîmes par Domingo (Graphicaderme) Le 21 avril 2005 à Paris par Sacha (Tin-Tin Tatouage) Le 10 juin 2005 à Dijon par Vero (Fancy free Tattoo) Le 1 juillet 2005 à Londres par Saïra (The family business) Le 21 juillet 2005 à San Francisco par Clifton Carter (Ed Hardy’s Tattoo City) Le 30 juillet 2005 à Las Vegas par Wakako (Pricz Tattoo) Le 4 août 2005 à Cheyenne par Charmian (Skibo’s Tattoo Studio) Le 17 septembre 2005 à Genève par Christian N’Guyen (Christian Tattoo) Le 28 octobre 2005 à Marseille par Scalpa (Arte Corpus) Le 24 novembre 2005 à Caen par Fabrice Le 28 décembre 2005 à Copenhague par Eric Reime (Kunsten Pa Kroppen) Le 21 février 2006 à Paris par Sunny Buick (Exxxotic Tattoo) Le 24 février 2006 à Mexico D.F. par Tito (Arte Antiguo Tatuajes) Le 4 mars 2006 à Acapulco par Damaus (Bigdogs Tattoo) Le 24 mars 2006 à Madrid par Juahna (Mao y Cathy Tattoo) Le 26 avril 2006 à Budapest par Zsolt Sarközi (Dark-Art Tattoo) Le 8 octobre 2006 à Dijon par Arno (Art’no Tattoo) Le 27 octobre 2006 à Mérida (Yucatàn) par Super (Will Tattoo) Le 7 mars 2007 à Chiang Mai par Poom (Magic Tattoo) Le 10 mars 2007 à Bangkok par Tak (Tattoo by boy) Le 11 août 2007 à Karlsruhe par Denis (Artcore) Le 21 décembre 2007 pour les 20 ans du wharf par Neusk y Le 27 décembre 2007 à Cape Canaveral par Doc Holiday’s Le 31 décembre 2007 à Miami par James (305 Ink,Miami Ink Studio) Le 22 février 2008 à Bourges par Bop John Le 12 avril 2008 à la convention de Belfort par Noon (Boucherie traditionnelle) Le 28 juin 2008 à Tokyo par Horitaka (Horitoshi Family) Le 15 juillet 2008 à Kuching (Sarawak, Borneo) par Ernesto (Headhunters Tattoo) Le 14 août 2008 à Kuala Lumpur par June (Tattoo City Art Studio) Le 13 septembre 2008 à Montréal par Karl Marc (On the road) Le 25 février 2009 à Mexico D.F. par Neto (Los Tres Calavera) + Emma et Katia Le 13 août 2009 à Gdansk par Jakub (Pandemonium crew) Le 7 avril 2010 à Alméria par Chui (Guest Madras Tattoo) Et puis ligner par Yann Black (Glamort, Montréal, 2009 et 2010)

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À propos de ALIVE. (sur Facebook, depuis mai 2009) ALIVE. vivant comme ce qui est engendré et ce qui engendre, ce qui (se) reproduit, ce à quoi il faut un milieu, un « patrimoine », toutes propriétés communes aux images que Lydie Jean-Dit-Pannel nous donne à voir et ce faisant nous restitue.

product ion et de diff usion, devenues simples avatars dans le continuum de la reproduction numérique, mais aussi réhabilitées, réintégrées dans un ensemble ou leur « aura n’est plus fondée sur la permanence de l’original, mais sur la fugacité de la copie »1.

Ce « patrimoine » est celui de l’industrie culturelle à partir duquel Lydie Jean-Dit-Pannel const itue un territoire symbolique, un déploiement horizontal qui épouse une topographie en constante dé-formation, la géographie comme matrice à icônes, les climats comme productions d’images.

Arrachées à leur st ase, à leur gel temporel, elles sont réanimées lorsque publiées dans le profil de l’artiste sur Facebook, sous forme de vignettes surtitrées d’un ALIVE. constatatif.

Cette indust rie culturelle s’appelle Freak Show, Hollywood, pop, rock, acteur, performer, auteur, artiste, homme, femme, représentants et représentés : sujets de l’énoncé et de l’énonciation, vis-à-vis desquels l’artiste n’est pas, n’est plus « le sujet supposé savoir ». Puisque ces images ne sont pas des proies dans la chaîne alimentaire dont l’artiste serait le Moloch, mais des lieux et des moments dans le processus infini de la constitution de nos mythologies portatives et désenchantées, orphelines des grands récits. Dans ce milieu, Lydie Jean-Dit-Pannel procède par effraction, sa post ure est celle de l’éclaireur, triant les signaux, les mirages, les effets hallucinatoires pour concentrer son action sur la capture adéquate, l’extract ion juste : « images volées » selon l’artiste, pour nous les restituer comme formes d’existence, comme formes de vie, de matière et / à mémoire.

Sur cette page l’effet est saisissant, des thèmes émergent, des séries apparaissent, des cycles sont suggérés. Thèmes, séries et cycles qui s’éparpillent en quantas sur les pages des utilisateurs, publications sémaphores dans le milieu, la biosphère Facebook.* Images précurseurs d’autres images et ouvertes à l’interprétation et (littéralement) aux commentaires, elles agissent comme plaques sensibles et révélatrices, comme sites de redistribution d’où découlent de nouvelles images précurseurs et conséquences, citations, effets secondaires, larsens. Elles ne sont que traces, « débris audiovisuels » et repères de nos propres modes d’appropriation, d’identification et de positionnements, leur mystère réside dans le donné à voir : des humains en « situations », des humains qui posent, qui jouent, qui se regardent, qui nous regardent. Femme, homme, acteur, spect ateur, que savons-nous de nous-mêmes qui ne soit un commentaire, une conséquence, un effet de leur regard ?

Ce sont des « images pauvres », compressées, extraites, ayant perdu une part de leur « valeur », de leur mode de 1 - Hito Steyerl, « In Defense of the Poor Image », e-flux: www.e-flux.com/journal/view/94 * L’artiste accepte toutes les demandes de contact sur ce réseau social.

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samy da silva, juin 2009


crédits numérotation p. 1 p. 2 p. 3 p. 4 p. 5 p. 6 p. 7 p. 8 p. 9 p. 10 p. 11 p. 12 p. 13 p. 14 p. 15 p. 16 p. 17 p. 18 p. 19 p. 20 p. 21 p. 22 p. 23 p. 24 p. 25 p. 26 p. 27 p. 28 p. 29 p. 30 p. 31 p. 32 p. 33 p. 34 p. 35 p. 36 p. 37 p. 38 p. 39 p. 40 p. 41 p. 42 p. 43 p. 44 p. 45 p. 46 p. 47 p. 48

Fitzcarraldo Mabel, « Une femme sous influence » HAL 9000 Robert Redford dans « The elect ric horseman » Viggo Mortensen dans « Les promesses de l’ombre » Aguirre « Délivrance » Bonnie & Clyde Carrie Clint Monica Vitti dans « L’Avventura » Charles Bukowsk i Nosferatu Dorian Gray Iggy Marcello et Anita dans « La dolce vita » L’enfant sauvage Gena Rowlands dans « Faces » Martin Landau et Barbara Bain dans « Space 1999 » Patrick Dewaere dans « Série noire » « Tarzan » « Les yeux sans visage » Joe Strummer L’homme invisible David Bowie dans « L’homme qui venait d’ailleurs » « Shining » « The birds » « Alphaville » Isabella Rossellini dans « Blue velvet » Ferdinand (Pierrot le fou) « West world » Deborah Harry Nast assja Kinsk i dans « Paris, Texas » Le prisonnier « Psycho » Rich ard Dreyfuss dans « Close Encounters of the Third Kind » Ripley « Stalker » Robert De Niro dans « Taxi driver » « Vidéodrome » « The Night of the Hunter » John Cassavetes et Gena Rowlands dans « Opening night » « Punish ment Park » « Raging Bull » Faye Dunaway dans « L’affaire Thomas Crown » Jeremiah Johnson « Themroc » John Ford

Toutes ces images sont extraites de ALIVE., l’album « Photos du mur » de Lydie Jean-Dit-Pannel sur Facebook. Ce travail sur les « images pleines » a débuté sur le site Web de réseautage social Facebook en mai 2009. Il roule toujours. www.facebook.com/lydie.jeanditpannel

Osa Johnson, 1894-1953

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Commissaire d’exposition Daniel Michel Remerciements : Christophe Serre président de la Communauté de Communes de Valcèzard, les élus de la Commission Culture et son président Michel Labrosse ; les maires des communes de Valcèzard : Guy Aubanel, Daniel Bakalem, Martial Bonnefond, Christ iane Bremond, Jacques Cabiac, Gérard Castor, Michel Coullomb, Sandrine Engels, Edmond Jouvenel, Marc Lefranc, Ulysse Micaelli, Jean-Claude Suau, Brigitte Vandemeulebroucke, Yolande Vignal, Roland Vincent ainsi que l’ensemble des élus du Conseil Communautaires. La Région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, la présidente de la Commission Culture et Patrimoine de la Région Josiane Collerais, le Conseil général du Gard, Damien Alary, Patrick Malavieille le président de la Commission Accès à l’Éducation, à la Culture et aux Sports, Olivier Gaillard conseiller général délégué à la Culture, Bernard Delhoume, Sébast ien Arnaux, Fabrice Manuel, Daniel Michel, Viviane Braccini, Marie Jeanne Tanniou, Stéphanie Sobezyk, Pierre-Benoit Aubanel, Christophe Martinez. Lydie Jean-Dit-Pannel remercie particulièrement Daniel Michel, la Communauté de Communes de Valcèzard (www.valcezard.fr), l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon (www.ensa-dijon.fr), David Brunel, Franck Labille, Martine Le Gac, Stephen Sarrazin, Samy Da Silva, Renaud Barès, Jean-Pascal Vial, Eliott Gualdi, Julia Loste, Jean-Paul Fargier, Annelise Ragno, Fiona Lindron, Est her Hoareau, Lucie Mercadal et Lionel Thenadey. Une pensée à Roger Bouvet. www.myspace.com/panlogon - jdpan@club-internet.fr Design graphique : Renaud Barès Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie CIAM à Langlade en juin 2010. Imprimerie CIAM - 290, route de Saint Dionisy 30980 Langlade Dépôt légal : juin 2010 - Valcèzard Éditions - isbn 9782952978910 crédits Couverture L’ENTOMOLOGISTE Photographie couleur sur aluminium 160 × 1 40 cm © Lydie Jean-Dit-Pannel 2008 Photographe : David Brunel Scénographie : Emmanuelle Sacchet L’entomologiste : Jacques Pierre Remerciements : Museum national d’Histoire naturelle, Paris CHAMBRE A LOUER Inst allation 2000 / 2010 (Vue exposition thanx for the add, wharf, 2007) Pages 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21, 23, 25, 27, 29, 31, 33, 35, 37, 39, 41, 43, 45 et 47 VALLÉE DE LA CÈZE ALIVE. Boucle vidéo, 1 minute, réalisée depuis le Château de Cornillon, d’octobre 2009 à juin 2010 pour l’exposition ALIVE. Photographies : Daniel Michel Remerciement : David Brunel © Lydie Jean-Dit-Pannel 2010 Pages 4 et 5 LA COLLECTION Dispositif vidéo Photographies : Aurélie Briday © Lydie Jean-Dit-Pannel 2009 Page 8 ‘CAUSE I’M FREE Photographie couleur sur bâche 300 × 470 cm Photographie : David Brunel Acupuncteur : Marc Prunonosa © Lydie Jean-Dit-Pannel 2007 Page 11 ALIVE. Photographie couleur sur bâche 198 × 146 cm Photographie : Lionel Thenadey Tatouage : Yann Black © Lydie Jean-Dit-Pannel 2010

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Pages 12 Détail de la pièce CHAMBRE À LOUER Inst allation 2000 / 2010 Page 14 AUTO-BRAS DE FER Photographie couleur sur aluminium 140 × 160 cm Photographie : Lionel Thenadey © Lydie Jean-Dit-Pannel 2007 Page 16 MILLE E TRE Vidéo, 22 minutes Co-product ion ljdp / ensa Dijon © Lydie Jean-Dit-Pannel 1990 ARM IN ARM Vidéo, 1 minute Avec Daniel et Lydie Jean-Dit-Pannel Images : Jean-Pascal Vial Co-product ion ljdp / Bandits-Mages © Lydie Jean-Dit-Pannel 2006 Page 18 ARM IN ARM MERIDA Inst allation vidéo (2006) : Table de bras de fer, 2 ch aises + vidéo

Vidéo réalisée pendant le Tattoo Art Fest , Paris 2009 Remerciements : Laurent Agneessens, Pascal Tourain ; Co-product ion : Ars Numerica / Bandits-Mages / Lydie JeanDit-Pannel, avec le soutien de l’ensa Dijon ; Monteur-truquiste : Patrick Zanoli ; Images : Jean-Pascal Vial ; Première assist ante : Lucie Mercadal ; Coordination tournage : Annelise Ragno, Marie Aerts ; Photographie plateau : Emmanuelle Sacchet Page 28 SPACE GIRL Photographie couleur sur bâche 300 × 470 cm Photographie : Jean-Pascal Vial Remerciements : Kennedy Space Center, Floride © Lydie Jean-Dit-Pannel 2007 Page 30 Résidence Insect arium de Montréal, septembre 2008 Photographies : Lucie Mercadal

Page 31 RIEN, PEUT-ÊTRE Page 20 Dispositif vidéo LOVEHATE Vidéo (45 minutes) réalisée lors d’une Inst allation : 2 érables ch ampêtres résidence à l’Insect arium de Montréal gravés, 6 tonnes de terre Exposition JE VOIS, Transpalette + Museum en septembre 2008, avec le soutien de la drac Bourgogne d’Histoire naturelle de Bourges, 2009 Première assist ante : Lucie Mercadal © Lydie Jean-Dit-Pannel 2008 Page 22 ALIVE. Page 32 et 34 Affiche 145 × 105 cm Artwork : Renaud Barès LE PANLOGON © Lydie Jean-Dit-Pannel 2010 Work in progress video 2001 / 2010 © Lydie Jean-Dit-Pannel 2010 Page 24 et 26 L-INK Page 36 Fresque vidéo, 16’ Performance pour les 20 ans du wharf Une passerelle éthnicorganique, un (Centre d’Art Contemporain de Basse continent oublié, un pow-wow géant, Normandie) Avec Aurélie Briday une fresque freaks (Musique) et Neusk y (Tatouage) © Lydie Jean-Dit-Pannel 2010

Page 37 Vue de l’exposition ALIVE., Vidéoch roniques, Marseille 2010 Photographie : Vidéoch roniques / Frédéric Gillet Page 38 BLUEBIRDS NEST Inst allation : 60 000 aiguilles d’acupunct ure Vue de l’exposition ALIVE., Vidéoch ronique, Marseille 2010 Photographie : Vidéoch roniques / Frédéric Gillet Page 40 FIN DE LIGNE Séance de tatouage avec Yann Black , Glamort, Montréal 2010 Photographie : Emmanuelle Sacchet Page 42 RIP GRANDMA SUZANNE 1918 - 2009 Photographie couleur, Siauliai, Lituanie Photographie : Jean-Pascal Vial © Lydie Jean-Dit-Pannel 2009 Page 43 HOME-CLOM, A Tribute To Joël Hubaut Photographie couleur 29 × 21 cm Photographie : Annelise Ragno, Fiona Lindron, Est her Hoareau © Lydie Jean-Dit-Pannel 2010 Pages 44 et 45 PULSE Photographie couleur Photographie : Eliott Gualdi © Lydie Jean-Dit-Pannel 2008



9 782952 978910


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