alimentazione_2030_fra

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LA VISION DU BARILLA CENTER FOR FOOD & NUTRITION Le Barilla Center for Food & Nutrition (BCFN) est un centre d’analyse et d’élaboration de projets, caractérisé par une méthode pluridisciplinaire, qui poursuit le but d’approfondir les grandes questions du débat global concernant l’alimentation et la nutrition. Né en 2009, le BCFN s’est donné la mission de se pencher sur les exigences actuelles et émergentes de la société, en recueillant des expériences et des compétences de niveau mondial et en favorisant un dialogue constant et ouvert. Du fait de la compléxité des phénomènes pris en compte, il nous a semblé nécessaire d’adopter une méthodologie permettant de dépasser les fontières de différentes disciplines et nous avons créé quatre sections d’études : Food for Sustainable Growth, Food for Health, Food for All, Food for Culture. Ces quatre sections d’étude concernent la science, l’environnement, la culture et l’économie, dont le BCFN examine en profondeur les sujets clés, en suggérant des propositions pour relever les défis alimentaires du futur.


TROIS PARADOXES DE NOTRE TEMPS SUR L’ALIMENTATION ET LA NUTRITION

NOURRIR LES PERSONNES, LES ANIMAUX OU LES VOITURES ?

Un tiers de la production totale mondiale est destinée à la nutrition du bétail. Par ailleurs, une part croissante des terrains agricoles est destinée à la production de biocarburant. En procédant de cette manière, nous décidons d’alimenter nos voitures plutôt que les personnes. *Répartition de l’utilisation des céréales en pourcentage entre alimentation animale, alimentation humaine et production de biocarburant

ALIMENTER LE GASPILLAGE OU NOURRIR LES PERSONNES QUI MEURENT DE FAIM ?

868 milions

PER SO N

Dans le monde actuel, pour chaque personne mal nourrie, on compte deux personnes obèses ou en surpoids.

ES MAL NOU NN

CHAQUE ANNÉE DANS LE MONDE, DÉCÈS LIÉS À :

BÈSES OU E SO N E N

OIDS RP SU

1 2 3

ACTUELLEMENT DANS LE MONDE

IES RR

MOURIR DE FAIM OU D'OBÉSITÉ ?

PER SO

L’ANALYSE DES SCÉNARIOS MONDIAUX DE NOTRE ÉPOQUE ET LEUR ÉVOLUTION CONTINUE ET FULGURANTE METTENT EN ÉVIDENCE UN MONDE MARQUÉ PAR D'INSOUTENABLES PARADOXES

1,5 milliard

CARENCE DE NOURRITURE

36

ON COMPTE UNE PERSONNE MAL NOURRIE POUR DEUX PERSONNES OBÈSES OU EN SURPOIDS

EXCÈS DE NOURRITURE

29

millions

millions

LA PRODUCTION DE CÉRÉALES DANS LE MONDE ET LEUR UTILISATION* 2020

AUJOURD’HUI

AUJOURD’HUI

+17,3% 2 245 000 000 tonnes

-3,9%

47,4%

45,6%

ALIMENTATION HUMAINE

+2,1%

32,9%

33,6%

ALIMENTATION ANIMALE

+15%

6,6%

7,6%

BIOCARBURANTS

2 633 000 000 tonnes

POPULATION AUJOURD’HUI

2020

2020

+10% 7 milliard

7,7 milliard

DE LA PRODUCTION 1/3 ANNUELLE MONDIALE DE NOURRITURE

1,3

milliard de tonnes

DE NOURRITURE GASPILLÉE

SUFFISENT À NOURRIR FINIT À LA POUBELLE

Chaque année dans le monde, 1,3 milliard de tonnes de nourriture encore parfaitement comestible est gaspillée, alors que 868 millions de personnes souffrent de la faim.

Source: traitement BCFN sur les données de OCDE/FAO 2011; OMS 2010; GLOBAL FOOTPRINT NETWORK 2012

4 FOIS

LES 868 millions QUI SOUFFRENT DE LA FAIM

LE SOLDE DE LA PLANÈTE EST EN ZONE ROUGE La quantité d'aliments consommés aujourd’hui est plus importante que celle que nous sommes capables de produire. Selon notre mode de vie actuel, il nous faudrait 1,5 planète ; d’ici quarante ans, il nous en faudrait 3

AUJOURD’HUI

1,5

planète

2050

3

planètes


www.barillacfn.com info@barillacfn.com Advisory Board Barbara Buchner, Claude Fischler, Ellen Gustafson, John Reilly, Gabriele Riccardi, Camillo Ricordi, Umberto Veronesi Alimentation en 2030 : tendances et perspectives (novembre 2012) En collaboration avec The European House Ambrosetti, Massimo Montanari Coordination ĂŠditoriale et redaction Codice Edizioni Project graphique et mise en page adfarmandchicas Infographique (pp. II, 14) centimetri.it Images National Geographic Image Collection Corbis Images Image de couverture George Steinmetz/National Geographic Stock


indEX

Synthèse 1. Pourquoi est-il important de comprendre comment nous mangerons en 2030 1.1 Comprendre l’alimentation du XXIe siècle 1.2 Méthodologie d’analyse et fil conducteur du document 1.3 Les paradigmes, les forces de changement et/ou de conservation et les principales tendances actuelles 1.3.1 Les paradigmes 1.3.2 Les forces de changement et/ou de conservation

9

17 18 21 22 23 29

2. Les tendances alimentaires 2.1 Introduction 2.2 Les principales tendances alimentaires et leurs caractéristiques

35 36 37

3. Un scénario alimentaire possible pour 2030 3.1 Introduction et plan d’analyse de référence 3.2 La réalité de l’alimentation aujourd’hui 3.3 Le scénario alimentaire de 2030

51 52 54 60

4. Les questions clés liées au scénario alimentaire de 2030 4.1 Questions décisives pour l’avenir 4.2 Que pouvons-nous entreprendre aujourd’hui pour nous préparer au scénario de 2030 ? 4.3 Jeter un regard sur l’avenir

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Notes et références bibliographiques

77

69 74


C

her lecteur, Comme nous le rappelle Marino Niola, avec une expression très joyeuse, « la nourriture est le vrai carburant de l’Histoire ». Ce que nous mangeons et la façon dont nous le mangeons contribuent largement à définir notre identité personnelle et sociale. Dans nos précédents travaux, nous avons enquêté sur l’aspect culturel de l’alimentation, en soulignant la manière dont l’attitude des personnes envers la nourriture révèle leurs besoins et leurs plus profondes préoccupations. Même s’il est certain que l’importance de la nourriture ne diminuera pas dans un proche avenir, le rapport de l’homme à l’alimentation prend dès aujourd’hui des formes différentes et, à notre époque faite d’incertitudes sociales et économiques, des formes toujours plus difficiles à prédire. Toutefois, nous estimons qu’il est fondamental de tenter d’identifier et de comprendre les facteurs qui s’avéreront les plus importants dans le cadre du scénario alimentaire des prochaines décennies. En effet, il est possible de réaliser dès maintenant des actions pour influencer positivement les développements futurs. Face au risque actuel de l’appauvrissement progressif de la nourriture en termes de valeur et, par conséquent, de la dégradation dramatique des formes de rapport social liées à l’alimentation, nous avons déterminé dans le cadre de notre analyse quatre points essentiels pour retrouver une approche de l’alimentation plus sereine et plus durable : le retour à une dimension authentique de commensalité, en prenant conscience que la convivialité joue un rôle fondamental pour favoriser une approche équilibrée de l’alimentation ; l’accessibilité, ou la possibilité pour les consommateurs d’accéder à une offre alimentaire large et de qualité ; l’évolution progressive vers la naturalité, entendue comme une série d’interventions minimes et étroitement nécessaires dans les différentes phases de la filière agroalimentaire, basées sur les meilleures connaissances disponibles ; le juste degré de contamination entre des cultures alimentaires. Si le système des acteurs du secteur sait garantir, en termes de possibilités, ces orientations et si les consommateurs, aidés à les recevoir, savent orienter progressivement leurs comportements vers une valorisation, nous sommes confiants que le « scénario 2030 » sera enfin exempt des trop nombreuses inquiétudes qui caractérisent aujourd’hui le rapport des personnes aux aliments consommés. C’est le souhait que nous formulons, conscients que, pour pouvoir le réaliser, chacun de nous a sa propre tâche à accomplir.

© Corbis

Bonne lecture!

Guido Barilla Président BCFN


Stephen Alvarez/National Geographic Stock

SYNThèSE


Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Huit moteurs du changement et/ou de la préservation se dégagent de la dynamique liant ces paradigmes les uns aux autres et auxquels chacun de ces moteurs est rattaché, directement ou indirectement : 1 la mondialisation et la monétarisation de l’économie ; 2 la polarisation ; 3 le tribalisme ; 4 le bonheur durable ; 5 le manque de confiance ; 6 la convergence autour des médias ; 7 la personnalisation de la consommation ; 8 les modes de vie des célibataires.

L

Il est à remarquer que les paradigmes et les moteurs du changement et/ou de la préservation n’ont pas d’effet direct sur les comportements dans le domaine de l’alimentation. Ils contribuent, toutefois, définir le contexte dans lequel les tendances alimentaires peuvent se développer. C’est en effet le cas dans la situation actuelle des pratiques alimentaires, ce qui nous permet de proposer des idées pour l’avenir. La situation actuelle dans le domaine de l’alimentation est marquée par treize tendances progressives, souvent reliées entre elles : 1 le goût en tant que destiné à procurer une sensation d’assouvissement et de satisfaction grâce à l’expérience culinaire ; 2 l’attention portée à la santé, plus précisément à une amélioration du bien-être global ; 3 le retour au passé, signifiant le souvenir et le maintien des traditions ; 4 l’orientation vers l’avenir, qui se traduit par la mise en valeur du progrès et son renforcement ; 5 la technologie, soit les initiatives innovantes inspirées par les demandes d’un consommateur de plus en plus difficile ; 6 le naturel, ou la simplicité, dans le sens d’une réduction au minimum (pas totale) des manipulations ; 7 la mondialisation des saveurs, à travers l’échange des cultures alimentaires ; 8 les aliments d’origine locale et régionale, mettant en relief la relation entre l’alimentation et le territoire ; 9 la production alimentaire « haut de gamme », dans le sens d’une meilleure qualité et de la difficulté à les trouver ; la production alimentaire « bas de gamme » ou facilement disponible ; 10 la rapidité, à rattacher au manque de temps pour la consommation et la préparation des repas ; 11 l’individualisation, du point de vue relationnel ; la durabilité, en référence à un consommateur « conscient » et actif dans la protection de 12 13 l’environnement et de la qualité des produits. Chaque tendance est caractérisée par des éléments distinctifs qui, parfois, les opposent les unes aux autres. Cependant, dans bien des cas, ces contrastes apparents coexistent sans heurt. Étant donné cette situation initiale de conflit (présumée et théorique sous certains aspects) entre les diverses tendances, il est souhaitable que, dans les vingt prochaines années, une transition progressive s’établisse vers un nouvel équilibre, où la conception de l’alimentation serait positive et rationnelle, à savoir un scénario alimentaire réaliste, constructif et durable.

a nourriture a toujours joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’homme et de ses comportements sociaux. Dans l’avenir proche, son importance ne diminuera pas, mais le rapport de l’homme avec l’alimentation pourra revêtir diverses formes, difficiles à discerner à l’avance en raison de l’instabilité actuelle de la société. Néanmoins, l’objectif principal de cette étude est de fournir un cadre de réflexion exhaustif où les paramètres qui pèseront sur la future évolution des habitudes alimentaires seront analysés afin de comprendre leur influence sur la création des scénarios à l’avenir : il ne s’agit pas de formuler des prévisions, mais de cerner les perspectives et les choix qui détermineront les prochains comportements. L’année 2030 a été choisie comme horizon de référence. Cette date est suffisamment lointaine pour permettre d’élaborer des hypothèses utiles et suffisamment proche pour imaginer un scénario réaliste du futur. Nous avons décidé d’effectuer notre analyse au sein de pays post-industrialisés, définis par une culture postmoderne. La primauté accordée à la rapidité sur la durée mais aussi le sentiment croissant d’instabilité, de manque de contrôle et d’insécurité caractéristiques de notre époque engendrent un état d’anxiété que la société prémoderne n’a pas connu. Les comportements adoptés dans le domaine alimentaire reflètent cette angoisse : le besoin de rapidité entraîne la demande de systèmes pratiques car moins de temps est consacré aux repas ; l’exigence d’aliments d’origine locale est associée à la recherche d’authenticité de la nourriture consommée ; la tendance croissante vers l’individualisation introduit le risque de perdre le sens de la convivialité. Compte tenu du contexte actuel mais aussi des perceptions et des réactions des personnes, nous avons entrepris de développer un schéma conceptuel permettant de comprendre les facteurs qui gouverneront la dynamique des choix alimentaires futurs de la société postmoderne.

À la base de ce schéma, cinq paradigmes exerçant un impact sur le contexte socio-économique global ont été identifiés. Ils ressortent d’une représentation graphique des principales méga tendances suivant lesquelles, comme il a été démontré, la société postmoderne et postindustrielle évolue. Ces paradigmes sont : 1 les variations démographiques (vieillissement de la population, foyers mononucléaires, immigration, rôle de la femme, etc.) ; 2 les nouveaux équilibres géopolitiques (déplacement du pouvoir et de l’influence culturelle de l’Occident à l’Orient, de l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique) ; 3 la connectivité totale (diffusion démocratisée et instantanée de l’information) ; 4 la focalisation sur les aspects environnementaux ; 5 les technologies GRIN (Génétique, Robotique, Internet et Nanotechnologie).

L’analyse effectuée pour mettre au point le scénario hypothétique décrit dans le document a fait apparaître des questions cruciales pour l’avenir, quant aux comportements dans le domaine de l’alimentation : Comment concilier la frénésie contemporaire avec le besoin d’un retour à la convivialité ?

5 paradigmes 8 forces 13 tendances alimentaires ò la base du scénario actuel

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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LA’LIMENTATION A UN RÔLE FONDAMENTAL DANS L’HISTOIRE DE L’HOMME ET DE SES COMPORTEMENTS SOCIAUX

synthèse

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le scénario alimentaire de l’avenir: réaliste, constructif, actuel


Selon le BCFN, afin de faciliter cette transition du scénario alimentaire actuel à celui pour l’avenir, il est nécessaire d’impliquer les principales catégories d’acteurs, à savoir les institutions, les sociétés du secteur alimentaire, le secteur de la distribution et celui de la restauration. Notamment, il est recommandé aux institutions de mettre en place les actions suivantes : utiliser de façon judicieuse le levier du prix pour décourager la malbouffe et pour stimuler, au contraire, l’achat d’aliments bons pour la santé ; promouvoir l’adoption d’habitudes alimentaires et de vie saines privilégiant la consommation d’aliments qui endommagent le moins l’écosystème de la planète ; encourager la création de « vergers urbains » par des avantages concrets ; aider à la diffusion d’une information correcte et à l’éducation en matière d’alimentation. Les entreprises du secteur alimentaire devraient : continuer à créer de nouvelles formes de plats cuisinés contenant une valeur nutritive élevée ; proposer d’autres formats innovants, tant pour répondre à la demande croissante de personnalisation de l’offre alimentaire que pour limiter l’impact des emballages alimentaires sur l’environnement ; aider les personnes à réduire au minimum les gaspillages, grâce à l’engagement de toute la filière de production ; continuer l’activité de reformulation des produits déjà existants grâce aux progrès technologiques et créer de nouveaux produits ; encourager des habitudes alimentaires et de vie saines dès les premières années de la vie d’une personne ; favoriser de nouvelles formes de design de la communication.

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En ce qui concerne la distribution, il faudrait : développer des modalités supplémentaires d’achat rapide, utilisant des contenus numérisés ; créer des actions et des stratégies pour guider le choix vers des produits représentatifs d’une alimentation saine et exerçant un impact limité sur l’environnement. La restauration devrait, pour sa part, élaborer de nouvelles solutions visant à aider les personnes à trouver de nouveaux espaces et moments à consacrer aux repas à consommer en compagnie d’autrui. Par ailleurs, il est bon de rappeler que la famille et l’école jouent également un rôle essentiel dans l’éducation à une bonne alimentation, destinée notamment aux adultes de demain. On remarque, en effet, que le premier pas vers un changement des modes de vie dans leur ensemble consiste davantage à corriger les habitudes alimentaires des plus jeunes qu’à transformer les styles alimentaires.

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le bcfn recommande certaines actions pour favoriser la transition du scénario actuel à celui de l’avenir

Sachant pertinemment que l’activité isolée d’une seule catégorie d’acteurs pourrait s’avérer insuffisante, la coopération de tous les agents concernés est nécessaire pour parvenir au résultat désiré. L’ultime but de cette recherche n’est donc pas d’anticiper ce qui se passera en 2030, mais plutôt d’offrir des pistes de réflexion afin de permettre aux acteurs du monde alimentaire de s’adapter aux changements en cours, en essayant de mettre en relief les aspects les plus positifs des futures tendances.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Comment la recherche du plaisir, c’est-à-dire du « goût », coexistera avec le souci croissant du bien-être ? Qu’est-ce qui prévaudra dans les choix alimentaires : l’anxiété ou la connaissance ? Comment la tradition et la simplicité survivront sous l’impact des innovations scientifiques et des découvertes technologiques répercutées dès à présent (et demain) dans le domaine alimentaire ? Comment faire coexister le caractère d’authenticité avec l’intérêt et la curiosité pour les nouveaux modes culinaires ? L’accès à une alimentation de qualité sera-t-il l’apanage des riches uniquement ? Le consommateur postmoderne saura-t-il concilier les choix individuels avec un environnement durable ?


L'ALIMENTATION EN 2030 Évolution démographique (vieillissement de la population, foyers mononucléaires...), nouveaux équilibres géopolitiques, connectivité totale, focalisation sur les aspects environnementaux et technologies GRIN (Génétique, Robotique, Internet et Nanotechnologie) sont les 5 principaux paradigmes qui exercent aujourd'hui un impact sur le contexte socio-économique global. De l'interaction entre les paradigmes globaux et les forces de changement et/ou de conservation se dégagent une série de tendances opposées à l'intérieur du scénario alimentaire d'ici à 2030. Les connaître permet d'agir pour mieux les orienter pour le bien-être de la société

L E S 5 PA R A DI G M E S Évolution démographique

Nouveaux équilibres géopolitiques

Environnement

Connectivité totale

Technologies GRIN

P RI N C I PA L E S T E N D A N C E S En Italie les repas sont pris

Consommateurs qui ont acheté des produits biologiques

76%

83%

dans le monde

Commensalité

Accessibilité

La rapidité et les barrières spatio-temporelles réduisent toujours plus les opportunités de se retrouver autour d'une table, favorisant une poussée vers un fort individualisme. Il est nécessaire de créer plus d'occasions pour faciliter le partage de la nourriture incitant ainsi le dialogue, la réflexion et le plaisir de la socialité

Il faut agir afin que l'accessibilité à la nourriture soit garantie à des couches étendues de la population par une offre vaste et de qualité

Un effort doit être fait pour corriger les

Naturalité Réduction des interventions et des manipulations dans les différentes phases de la filière agricole, sans renoncer à l'innovation

chez soi

Fusion Exploitation de la connectivité totale pour augmenter la connaissance et l'exaltation des différentes cultures alimentaires et de leurs saveurs authentiques

24% hors de chez soi

Manger chez soi et manger hors de chez soi Progressive augmentation des repas pris hors de chez soi, souvent caractérisés par une individualisation et une moindre qualité de l'offre alimentaire

tendances pour une approche saine et équilibrée de l'alimentation

RECO M M A ND AT I O NS

La RESTAURATION doit s'engager pour élaborer de nouvelles solutions afin d'aider les personnes à trouver des espaces et des moments à consacrer aux repas en compagnie Source : BCFN et Soil Association, “Organic Market report 2012”

Les INSTITUTIONS doivent davantage encourager l'achat d'aliments sains et utiliser de façon équilibrée le levier des prix pour décourager la consommation d'aliments qualifiés de malbouffe

Les INSTITUTIONS doivent inciter l'adoption d'habitudes alimentaires et de vie qui privilégient la consommation de ces aliments contribuant à une bonne alimentation et ayant un plus faible impact sur l'écosystème de la planète

L'INDUSTRIE ALIMENTAIRE doit diffuser et échanger dans les marchés mondiaux non seulement des marchandises mais aussi des aliments et des habitudes alimentaires, encourageant ainsi leur intégration dans des contextes de plus en plus multiethniques

L'INDUSTRIE ALIMENTAIRE doit continuer à développer des formes toujours plus nouvelles de convenience food (plats cuisinés) caractérisées par un niveau nutritionnel élevé


Alaska Stock Images/National Geographic Stock

1. Pourquoi est-il important de comprendre comment nous mangerons en 2030


N

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PÉRIMÈTRE D’ANALYSE : LES PAYS POST-INDUSTRIELS CARACTÉRISÉS PAR UNE CULTURE POST-MODERNE

iola a dit : « La nourriture est le véritable carburant de l’Histoire. Et cela pour deux raisons simples : l’une naturelle et l’autre culturelle. La première raison évidente est que l’homme mange pour vivre. La seconde, bien plus décisive, est qu’il vit pour manger »1. Depuis toujours, la nourriture a eu un rôle fondamental dans l’histoire de l’homme et ses comportements sociaux. Dans des travaux précédents, nous avons cherché à souligner cet aspect, en mettant en évidence à quel point le comportement des personnes à l’égard de la nourriture en révèle les besoins et préoccupations les plus intimes2. Alors que l’importance de la nourriture n’est pas du tout sur le point de diminuer dans un futur proche, les formes que prendra le rapport de l’homme avec l’alimentation sont multiples et très difficiles à prévoir dans la période d’incertitude sociale et économique dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, nous pensons qu’il est également fondamental de tenter de comprendre quels seront les points déterminants du scénario alimentaire en 2030, étant donné qu’il existe des actions et réflexions qui peuvent être mises en place aujourd’hui pour influencer, de manière positive, les développements futurs. Le périmètre de notre analyse des dynamiques futures envisageables comprend les pays postindustriels, caractérisés par un type de culture postmoderne : c’est dans ce contexte, en effet, qu’ils chercheront à connaître les comportements des personnes, en tant qu’individus et composants de groupes sociaux. Ainsi, c’est en rappelant la notion de société postmoderne que nous définirons avec clarté les caractéristiques de fond de l’environnement social dans lequel l’évolution des tendances dans le domaine alimentaire sera analysée. Selon Jameson3, les aspects qui caractérisent la réalité sociale contemporaine sont l’hétérogénéité, la « différence » et la fragmentation. Ce sont les caractéristiques distinctives de la société postmoderne, profondément liée à la compression spatio-temporelle atténuée par le développement des transports, des télécommunications et des réseaux informatiques. Différents auteurs (parmi lesquels Bauman4, Beck5 et Giddens6) soutiennent l’idée qu’une société du risque et de l’incertitude, individuelle et mondiale est l’aboutissement de cette dynamique de compression. Dans les organisations, sociales et économiques, un modèle de relation horizontale, basée sur la logique des échanges de flux en réseau, où les formes de pouvoir politique et de mobilisation sociale changent radicalement, remplace les hiérarchies verticales (pyramidales)7. Ce ne sont plus les marchandises ou les personnes qui sont au centre des flux économiques : les réseaux de communication véhiculent avant tout des informations et selon des auteurs comme Bell8 et Touraine9 la société postmoderne apparaît, ainsi, comme une société de l’information. Pour ces derniers, en effet, l’information est la principale marchandise de la société actuelle et sa production, son traitement, sa transmission sont le coeur d’une écono-

mie moderne des services. Dans ce contexte, Internet devient tant la forme qui caractérise le mieux la communication postmoderne et l’abolition de l’espace, que la métaphore de l’organisation des relations et de la communication entre les noeuds de chaque domaine. La société actuelle (décrite par Bauman comme « modernité liquide ») est une société qui rejette la stabilité et la durée, qui préfère l’apparence à la substance, dans laquelle le temps se fragmente en épisodes et la santé devient « la forme physique », où la plus grande liberté d’expression est le zapping10 ; une société caractérisée par l’apathie politique, le déclin de l’homme public, la recherche fébrile de communauté, la disparition de l’ancienne pratique de construction de liens sociaux et le culte désespéré du corps ; et enfin une société dans laquelle l’individualisation s’accompagne d’un sens de déresponsabilisation, dans laquelle l’individu peine à être véritablement protagoniste de sa propre existence11. Cette société est caractérisée par les peurs, dont l’unique constante – toujours selon Bauman – est le changement et l’unique certitude est l’incertitude12, et toutes les peurs peuvent se résumer en une seule peur fondamentale : la peur de l’incertitude. Cette peur – qui est l’incapacité à comprendre ce qui se passe et ce qui se passera, avec la crainte de ne pas savoir affronter les circonstances nouvelles – naît de l’inquiétude frénétique des individus désormais « libérés » du poids de la tradition13. Même si « la peur n’est absolument pas une nouveauté pour la vie humaine [puisque] l’humanité l’a connue dès ses débuts »14, ce type particulier de peur représente une nouveauté dans l’histoire de l’homme. Au cours du temps, les menaces semblent avoir toujours été les mêmes, reliées à trois dimensions : temps, espace et relations. Sigmund Freud a classifié ses peurs de façon définitive : « Nous sommes menacés par la souffrance sur trois versants : par notre corps, condamné au déclin et à la décomposition et qui ne peut fonctionner sans la douleur et l’anxiété comme signaux de danger ; par le monde extérieur, qui peut se jeter sur nous avec sa terrible force destructive ; enfin, par nos relations avec les autres »15. À une époque où la rapidité l’emporte sur la durée, où il existe un sentiment croissant d’incertitude, de perte de contrôle, de risque, on en vient cependant à créer un état d’anxiété inconnu de la société pré-moderne : selon Bauman, tout ceci est le prix à payer pour les nouvelles libertés individuelles et la nouvelle responsabilité. Cet état d’anxiété et d’incertitude se reflète dans les comportements dans le domaine alimentaire. Si nous choisissons une variable pour chacune des dimensions citées (temps, espace et relations), cela devient particulièrement clair : un besoin de rapidité qui nécessite une grande praticité, en raison du peu de temps disponible à consacrer aux repas ; la demande en nourriture liée au territoire conduit à la recherche d’une forte authenticité de ce qui est consommé ; l’individualisation croissante conduit au risque d’une perte de la dimension du commensalisme. Les trois dimensions de « temps », « espace » et « relations » ont toujours joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’alimentation. En faisant référence au temps, Montanari rappelle que le fait « d’harmoniser au mieux ses propres rythmes de vie avec ceux de la Nature a toujours été une exigence primaire des hommes, qui cependant, en même temps, ont poursuivi l’objectif de contrôler, modifier et en quelque sorte contrarier les temps naturels »16. L’auteur poursuit en soutenant que la lutte pour la domination de l’espace, c’est-à-dire pour se procurer la nourriture provenant d’autres lieux, en cherchant à combattre non seulement les contraintes du territoire mais aussi la variabilité saisonnière des produits, est une pratique ancienne (« l’action sur l’espace et l’action sur le temps – dans l’antiquité – s’entrecroisaient et se renforçaient à tour de rôle »17). Enfin, la troisième dimension, celle de la relation, est liée à l’élément de convivialité, c’està-dire au fait de manger ensemble, comme caractéristique établie de la culture humaine18.

DANS CETTE SOCIÉTÉ, L’UNIQUE CONSTANTE EST LE CHANGEMENT ET L’UNIQUE CERTITUDE EST L’INCERTITUDE

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

1.1 Comprendre l’alimentation du XXIe siècle

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Si l’on revient à notre époque et au sentiment d’incertitude et d’anxiété qui la caractérisent, on enregistre une tendance élevée à la confusion en rapport avec les valeurs et les contenus de l’offre alimentaire, confusion très bien décrite par Fischler et Pollan dans leur récit Le dilemme de l’omnivore19. C’est à partir de ce point que naissent quelques questions importantes à propos du futur, notamment d’un point de vue alimentaire, dont nous citerons uniquement quelques exemples : Quel impact la rapidité qui caractérise l’époque actuelle aura-t-elle sur les styles de vie et sur la santé des personnes ? La fragmentation du temps et l’individualisation qui caractérisent la société postmoderne influenceront-elles le bien-être émotionnel à l’avenir ? La technologie aura-t-elle, dans le futur, un impact positif sur la santé et le bien-être, ou sera-t-elle considérée comme un élément en opposition avec le concept de naturalité ? Les personnes seront-elles en mesure de comprendre l’importance que certaines innovations – dans le domaine alimentaire – auront dans l’avenir, ou bien la technologie sera-t-elle toujours considérée comme une manipulation et un artifice de la nature ? Ce sont des questions auxquelles il est difficile de répondre. Mais dans le présent document, c’est justement à celles-ci et à d’autres que le BCFN propose d’apporter une réponse, en essayant non seulement de définir les contours d’un scénario futur, considéré comme déterministe, mais également d’expliquer les grandes questions liées à sa réalisation.

1.2 Méthodologie d’analyse et fil conducteur du document

C

omme énoncé précédemment, la finalité de ce travail est de fournir un cadre complet de réflexion, notamment pour les variables qui influenceront le développement futur des habitudes alimentaires, afin de comprendre comment leur interaction peut générer des scénarios futurs. Par conséquent, nous ne formulerons aucune prévision, mais nous chercherons plutôt à comprendre quelles dimensions et quels choix détermineront les comportements futurs, pour pouvoir enfin construire un scénario plausible et attrayant qui nous aide à identifier un parcours capable de surmonter les contradictions relevées dans les comportements et les dynamiques des systèmes alimentaires contemporains. Une fois défini le point de départ, notre exercice sera de chercher une voie et un nouveau pacte entre les acteurs du système. Même si nous percevons la complexité du sujet et les difficultés de la tâche à laquelle nous nous sommes attelés, nous ne voulons pas renoncer à la possibilité d’entamer une réflexion sur la direction de la route que le système alimentaire et, par conséquent, les comportements des personnes peuvent prendre pour retrouver une approche de la nourriture différente et plus adaptée. Ceci étant entendu, dans la première partie de notre travail nous analyserons les plus grands changements de modèle actuellement en cours d’un point de vue économique et social. Les changements de paradigme seront mis en corrélation avec les principales forces de changement et/ou de conservation ayant un impact sur la vie des personnes, pour parvenir à identifier, dans le second chapitre, les tendances les plus importantes dans les comportements alimentaires. Sur la base des éléments récoltés, un modèle d’interprétation, utile pour définir quelques scénarios futurs potentiels de la réalité de l’alimentation, sera réalisé. Dans le troisième chapitre, nous présenterons l’un de ces scénarios qui est, selon nous, souhaitable, accompagné de réflexions et recommandations – exposées au chapitre quatre – pour que celui-ci puisse effectivement se concrétiser. Le choix de 2030 comme date de référence est dicté par le fait qu’il s’agit d’un horizon temporel suffisamment loin pour pouvoir élaborer des projections intéressantes et en même temps suffisamment près pour projeter un scénario réaliste de l’avenir. Il apparaît d’ores et déjà évident qu’une analyse comme celle que nous proposons, à caractère qualitatif, sociologique et culturel, peut comporter le sacrifice de certains aspects de rigueur analytique et des certitudes correspondantes fournies par la preuve empirique. Toutefois, le processus de construction du cadre fédérateur de tendances émergentes que nous exposons se base sur l’analyse de la littérature scientifique la plus fiable sur le sujet. Les développements successifs, et les réflexions qui en dérivent, naissent cependant de l’expérience et des convictions du BCFN.

l’analYSE ENGLOBE UNE PORTÉE QUALITATIVE, SOCIOLOGIQUE ET CULTURELLE

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

lE bcfn SE PROPOSE D’APPORTER UNE RÉPONSE À quelques QUESTIONS IMPORTANTES SUR LE FUTUR

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E

LES FACTEURS DE CHANGEMENT SONT SOUS-DIVISÉS En 3 GROUPES EN FONCTION DE L’AMPLEUR DE LEUR IMPACT eT DE LEUR INCIDENCE SUR LES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

n tenant compte des conditions du contexte de référence, des perceptions des personnes et de leurs omportements propres de cette époque historique, ou encore en se référant à la façon dont ces derniers émergent du contexte d’analyse brièvement défini dans les paragraphes d’introduction, nos efforts se sont concentrés sur la construction d’un schéma conceptuel nécessaire pour comprendre les éléments qui influenceront le développement futur des choix alimentaires au sein de la société postmoderne. À cette fin, il nous a semblé nécessaire de diviser les facteurs de changement en trois groupes différents, classés selon l’ampleur des impacts et de l’influence sur les comportements alimentaires : 1 les paradigmes représentent les grandes tendances de fond de l’économie et de la société et concourent à définir le scénario d’ensemble à l’intérieur duquel toutes les autres forces opèrent. Ce sont des exemples de longue période qui déploient déjà leurs effets aujourd’hui et qui déterminent – dans leur interaction – la naissance et l’évolution des forces et des tendances qui caractérisent les décennies à venir. Dans différentes publications spécialisées, les paradigmes sont aussi appelés megatrend20 ; 2 les forces du changement et/ou de conservation sont les « moteurs » de la transformation des comportements sociaux ou, au contraire, les « gardiens » du statu quo. Il s’agit d’éléments qui cohabitent, sous forme dialectique, et qui expliquent aussi bien les processus de changement que les phénomènes d’inertie qui visent à les freiner ; 3 les tendances alimentaires dérivent de l’interaction entre les paradigmes et les forces du changement et/ou de conservation. L’identification de ces tendances – se référant ici exclusivement aux dynamiques alimentaires – est non seulement le résultat de l’analyse de la littérature existante sur le thème21, mais surtout de la confrontation directe avec des personnalités capables de comprendre de façon approfondie les interactions entre nourriture et comportements sociaux, jusqu’à formuler de manière autonome des prévisions sur les dynamiques futures22. Étant donné le niveau de complexité des interactions multiples qui les caractérisent, il est impossible d’établir les points de connexion ponctuels entre les différentes variables du modèle. Malgré cela, la description qualitative des facteurs en jeu pose les fondements d’un développement suffisamment minutieux des tendances alimentaires. L’approche complète est schématisée dans la figure 1.1. Les paradigmes et les forces qui sont, selon nous, les plus importants aujourd’hui et s’insèrent dans une perspective d’avenir, seront présentés synthétiquement dans les paragraphes suivants. Le second chapitre sera consacré aux tendances qui constituent le coeur de nos réflexions.

Figure 1.1. Carte conceptuelle : paradigmes, forces de changement et/ou de conservation et tendances alimentaires PARADIGMES

Évolution démographique

Nouveaux équilibres géopolitiques

Connectivité totale

Focalisation sur les aspects environnementaux

Technologies GRIN

FORCES DE CHANGEMENT ET/OU DE CONSERVATION

Mondialisation de l’économie

Polarisation

Tribalisme

Bonheur durable

Manque de confiance

Convergence autour des médias

Personnalisation de la consommation

Modes de vie des célibataires

Mondialisation des saveurs

Nourriture locale et régionale

TENDANCES ALIMENTAIRES

Gôut

Attention portée à la santé

Production alimentaire « haut de gamme »

Le regard vers le passé

Production alimentaire « bas de gamme »

Le regard vers le futur

Rapidité

Technologie

Individualisation

Naturalité

Sostenibilité

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

1.3 Les paradigmes, les forces de changement et/ou de conservation et les principales tendances actuelles

27 Source : BCFN, 2012.

1.3.1 Les paradigmes Depuis le point de départ du modèle élaboré, cinq macro-paradigmes, influençant tout le contexte socio-économique mondial, ont été identifiés. Comme évoqué précédemment, les paradigmes sont des modèles généraux de référence, de grandes « ondes » mondiales qui se propagent en arcs temporels très étendus et qui définissent la trajectoire évolutive de la société. En d’autres termes, ce sont des phénomènes complexes, à la portée transversale au niveau géographique et sectoriel, qui constituent de véritables « épicentres » auxquels se rapportent les forces de changement et/ou de conservation. L’identification des paradigmes est ainsi le résultat de la cartographie des principales méga tendances sur lesquelles – comme le démontre l’évidence – se développe la société postindustrielle et postmoderne, qui sont : 1 évolution démographique (vieillissement de la population, noyau mono-composant, immigration, rôle de la femme, etc.) ; 2 nouveaux équilibres géopolitiques (déplacement du pouvoir et de l’influence culturelle, de l’Occident vers l’Orient, de l’océan Atlantique au Pacifique) ; 3 connectivité totale (caractère démographique et diffusion de l’information, instantanéité) ; 4 focalisation sur les aspects environnementaux ; 5 technologies GRIN (Génétique, Robotique, Internet, Nanotechnologie). Sans vouloir approfondir des thèmes d’une portée aussi large, nous nous limitons ci-dessous à en esquisser les aspects fondamentaux, en mettant en évidence leur relation, même indirecte, avec les comportements alimentaires.

cinq paradigmes


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LE RÉÉQUILIBRAGE SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE AURA UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE SUR LE MODE D’ALIMENTATION DES PERSONNES

L’affirmation des nouvelles tendances démographiques, typiques des économies postindustrielles, dans les pays les plus développés, fait office de contrepoids à la croissance de la population mondiale, portée par les pays émergents23 : vieillissement progressif de la population ; réduction de la natalité ; allongement de l’espérance de vie ; afflux de nouvelle population par les flux migrateurs. Ces tendances ont des impacts considérables – ce qui arrivera de plus en plus fréquemment dans le futur – sur l’organisation économique et sociale des pays (notamment en ce qui concerne le thème de l’augmentation des coûts du bien-être24). Le rebalancement sociodémographique aura, particulièrement, une influence significative sur le mode d’alimentation des personnes. Pensons, par exemple, aux exigences croissantes et diverses qui caractérisent la tranche de la population âgée de plus de 65 ans, qui aura de plus en plus d’importance. À ce titre, l’information sur la tendance de croissance de l’espérance de vie observée ces dernières années est très significative : en 1974, dans les pays développés, l’espérance de vie à la naissance était comprise entre 72 et 75 ans, aujourd’hui elle se situe entre 77 et 83 ans. En trentecinq ans environ, l’espérance de vie a augmenté de presque 8 ans25. Dans les cinq prochaines années, le nombre d’individus à un âge égal ou supérieur à 65 ans dépassera, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, celui des enfants en dessous de 5 ans. L’augmentation de la population âgée sera plus nette dans les pays en voie de développement, même si dans les pays industrialisés le segment de population qui augmentera de façon très importante sera celui des ultra octogénaires26. Dans les pays industrialisés, la population âgée mène une vie plus active et indépendante qu’autrefois, à tel point que la définition vieillissement actif de la population a vu le jour27, pour mettre en évidence à quel point le mode de vie est différent du passé, grâce notamment aux améliorations de l’ensemble des conditions de santé. Les conditions de vie de cette tranche démographique – qui pour la première fois sont en mesure d’influencer l’orientation des choix de la société entière – en termes de santé (le thème de la longévité dans le cadre de la santé est un objectif qui reste à consolider notamment au sein des pays occidentaux28), disponibilité économique et modes de vie constituent l’un des éléments du scénario les plus intéressants à examiner et, pour le moment, caractérisés par une incertitude très élevée. Il semble important de signaler la présence – actuelle et potentielle – au sein de la société d’une tranche de population âgée autonome, avec un système de besoins et une disponibilité temporelle, des ressources et des relations sociales spécifiques, pour laquelle l’alimentation pourra constituer un facteur d’intérêt et d’attention. Concernant les tranches plus jeunes de la population, celui qu’on appelle « syndrome forever young » qui se traduit par le mythe de la jeunesse éternelle, a tendance à s’affirmer dans de nombreux cas29. En effet, il s’agit d’une sorte de culte de l’adolescence, dans lequel avec le passage des années les individus n’acceptent pas les rythmes biologiques de la vie. Ce mode de vie se reflète également dans les habitudes alimentaires adoptées par cette tranche de la population, habitudes qui se réfèrent à un modèle de vie empreint de jeunesse. Le rituel de l’happy hour en est un exemple, que Niola définit comme « une cérémonie sociale syncrétique qui mélange les temps et les saveurs, les personnes et les habitudes, les modes et les comportements, et le théâtre social de l’ébriété »30. En outre, la « nouvelle population », apparue avec les vagues migratoires des pays émergents vers les économies plus développées, a et aura un fort impact sur les forces de changement

et de conservation (notamment en termes de « polarisation », caractérisée par la possibilité ou non d’accéder aux aliments d’un niveau qualitatif élevé), et, en cascade, sur les tendances alimentaires actuelles, concernant particulièrement les phénomènes significatifs de fusion/échange auxquels on assiste à l’intérieur des habitudes alimentaires (parmi les tendances qui seront ensuite exposées, on se réfère ici à la la « mondialisation des saveurs »)31. Enfin, le rôle de la femme a également beaucoup changé durant ces années et il est destiné à changer encore dans l’avenir : les femmes travaillent davantage en dehors de la maison, ont moins de temps à consacrer aux tâches ménagères et à elles-mêmes. À titre d’exemple, ces dix dernières années en Italie, le temps consacré à l’entretien de la maison (et donc à la préparation des repas) a diminué de 7 heures par semaine pour les femmes qui travaillent et de 6 heures pour celles qui ne travaillent pas32. Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Évolution démographique

Les nouveaux équilibres géopolitiques Avec la chute du mur de Berlin en novembre 1989, la signature du traité de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Marrakech en 1994 et l’entrée de la Chine au sein de cette dernière à l’été 2007, une nouvelle phase de l’histoire récente du monde a été lancée33. Une phase au cours de laquelle les relations entre les États ont changé, des mutations géopolitiques inattendues sont apparues, parfois liées, même indirectement, à la nourriture (Printemps arabe) et dans laquelle une nouvelle répartition du travail s’est imposée. Tout cela conditionne, au moins indirectement, le niveau de richesse, notamment en raison des processus de mondialisation de la production, même si cela n’a pas un impact direct sur le style de vie des pays occidentaux, sur lesquels nous nous concentrons actuellement. Dans ce scénario, les villes jouent un rôle de plus en plus décisif et celui joué notamment par certaines mégalopoles au niveau mondial émerge avec force34, devenant progressivement le centre du nouveau développement. Dans ces nouvelles agglomérations, on observe un déplacement progressif des goûts et, par conséquent, des changements d’habitudes ; on assiste à un phénomène de redimensionnement de la tradition, tandis que les conditions d’accès aux produits par les consommateurs changent également grâce à l’impact des nouvelles structures de distribution, qui ont un poids croissant dans la détermination des habitudes alimentaires35. Sur le plan mondial, le nombre de ces mégalopoles augmente considérablement : en 1950, New-York était la seule ville comptant plus de 10 millions d’habitants, en 1985 il y avait 9 mégalopoles, en 2004 elles étaient au nombre de 19, et on en compte aujourd’hui 2736. Les prévisions évaluent la population mondiale, en 2050, à 9 milliards de personnes (+ 32,4 % à compter de 2010) et, à cette date, les villes en accueilleront environ 70 %. Parmi les différentes régions urbaines qui sont aujourd’hui en expansion rapide, les rythmes les plus impressionnants sont ceux des villes des pays émergents : dans ces conditions, au cours des quarante prochaines années, l’augmentation de la population urbaine est estimée à une moyenne de 70 % (65 % en Asie, 72 % en Afrique)37. En somme, le scénario que nous étudions présente de plus en plus les caractéristiques d’un scénario « urbain ».

Connectivité totale Depuis quelques années, on assiste à l’apparition de nouvelles modalités de relations et de vie sociale entre les individus, entreprises et communautés, dans un scénario de redimensionnement progressif de l’importance des distances physiques et temporelles : « l’effet com-

LES DERNIERS CHANGEMENTS gÉopolitiQUES ET L’ÉMERGENCE DES MÉGALOPOLES INFLUENCENT INDIRECTEMENT LES TENDANCES ALIMENTAIRES

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Focalisation sur les aspects environnementaux La croissance de la population et les modèles de consommation qui se sont affirmés ces dix dernières années ont contribué à accentuer la pénurie progressive et/ou l’utilisation incorrecte de certaines ressources qui avaient permis le développement économique des cinquante dernières années. On évoque de plus en plus souvent le concept de développement durable, représentant la capacité à maintenir la qualité et la reproductibilité des ressources naturelles. La grave pression hydrique qui affecte de nombreuses zones de la planète, le mélange de production électrique qui pèse sur les sources fossiles et le risque concret d’une grave perte de biodiversité sont des facteurs qui tirent de plus en plus fort la sonnette d’alarme autour de la consommation accélérée des ressources non renouvelables. Les phénomènes de changement climatique, que nous avons déjà analysés43, contribuent à aggraver le scénario agroalimentaire, et la recherche de modèles agricoles durables est l’un des grands défis des vingt prochaines années44.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Parallèlement sujet de l’épuisement des ressources, un autre thème tout aussi important fait son apparition : celui de la perte/gaspillage des ressources. D’un point de vue agricole, la question de l’utilisation des ressources (financières et physiques) pour la production de biocarburant – avec des impacts considérables en termes de développement durable agricole dans le futur – s’avère de plus en plus importante45. Enfin, il faut noter la croissance du nombre de mouvements écologiques à laquelle nous avons assisté ces dernières années46. Beaucoup de chercheurs et observateurs ont tenté d’expliquer l’émergence de l’écologie à partir des années 1960, au regard du passage majoritaire vers des sociétés postindustrielles et de l’affirmation des nouveaux modèles culturels, orientés vers l’autoréalisation et les valeurs de type « post-matériel »47, plutôt que vers la satisfaction des besoins matériels. Les premiers mouvements furent liés à la naissance de la préoccupation relative à l’utilisation des pesticides chimiques, à la prolifération des armes nucléaires et à l’utilisation de l’énergie nucléaire ; par la suite l’évaluation des limites et de la pénurie des ressources naturelles disponibles sur la planète s’est répandue, notamment grâce aux contributions scientifiques majeures comme le rapport Meadows sur les limites du développement, plébiscité par le Club de Rome48. Pendant ces années, les différents représentants de la communauté scientifique, de Rachel Carson49 à Barry Commoner50, ont joué un rôle important. Il est pratiquement impossible de citer toutes les principales organisations écologiques créées à cette période, mais parmi elles, Greenpeace est sûrement celle qui a joué le rôle le plus important dans le mouvement écologique international de l’avenir proche51. La nouvelle sensibilité liée aux problématiques environnementales représente un grand intérêt pour les thèmes de l’alimentation, avec un consommateur de plus en plus attentif, qui demande aux entreprises du secteur une responsabilité croissante vis-à-vis de la protection de l’environnement et de la qualité des produits.

LE CONSOMMATEUR EXIGE DES ENTREPRISES DU SECTEUR UNE PLUS GRANDE PRISE DE RESPONSABILITÉ ENVERS LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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la CONNECTIVITÉ crOISSANTE AURA DES RÉPERCUSSIONS SUR LA concEPTION DE LA CONVIVIALITÉ

munauté » et la « logique du réseau » – principalement virtuel – sont désormais partie intégrante de la réalité quotidienne dont il faut tenir compte, envahissant de façon transversale chaque aspect social et relationnel. On pense, par exemple, au nombre d’utilisateurs d’Internet dans le monde : ils sont aujourd’hui quatre fois plus nombreux qu’en 2001 (2,2 milliards contre 495 millions il y a dix ans) ; une autre donnée chiffrée qui nous aide à comprendre ce phénomène est le nombre de SMS envoyés chaque seconde dans le monde : ils ont pratiquement quadruplé en trois ans, passant de 56 000 en 2007 à plus de 192 000 en 201038. Il faut cependant garder à l’esprit que ces conséquences ne touchent pas toute la population mais seulement certaines tranches, plus sensibles et capables de comprendre les innovations technologiques et informatiques. La disponibilité considérable des données et informations que l’on observe aujourd’hui, de plus en plus libre, immédiate et comportant de nouvelles modalités, représente une conséquence positive des grands changements actuels. On pense, par exemple, au phénomène d’apprentissage informel : selon une étude, le boom des médias sociaux et des appareils mobiles est à la base d’une nouvelle forme d’apprentissage qui mobilise 80 % de notre capacité d’apprendre39. L’utilisation même de la technologie a énormément changé dans le temps, allant dans la direction d’une connectivité mobile de plus en plus importante. On prévoit, à l’échelle mondiale, qu’au cours de l’année 2013 le nombre d’usagers qui utiliseront un appareil « mobile » de façon générale pour se connecter au réseau dépassera le nombre de ceux qui s’y connecteront depuis un emplacement fixe40. Toutefois, si d’une part les nouveaux instruments informatiques augmentent le potentiel d’interaction entre les individus, d’autre part, ils pourraient dans certains cas faire apparaître des problèmes au niveau social et relationnel. En effet, depuis quelques temps on entend parler de plus en plus souvent d’un nouveau syndrome compulsif appelé ITSO (Inability to switch off, c’est-à-dire « incapacité à se déconnecter »)41, qui affecte la vie des personnes ressentant le besoin d’être toujours connectés. C’est le cas des outils électroniques utilisés notamment sur le poste de travail, dont il est difficile de se détacher : avec le temps, le fait que les personnes connectées puissent s’épuiser tant psychiquement que physiquement représente un risque. Une fois encore, le lien avec l’alimentation est évident, si l’on pense au rôle décisif joué par la convivialité pour ces personnes42. La capacité à construire des contextes humains dans lesquels les nouvelles technologies contribuent à enrichir le profil relationnel des personnes constitue l’un des grands défis de ces dix prochaines années. Bon nombre de développements envisageables dans le domaine alimentaire en dépendront.

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Technologies GRIN Les nouvelles technologies – en particulier dans le domaine de l’énergie, de l’information et du développement durable – joueront un rôle fondamental dans les prochains changements socioéconomiques. Selon certains experts, les technologies GRIN (Génétique, Robotique, Internet et Nanotechnologies)52 changeront la vie de l’homme au cours des prochaines décennies. L’utilisation combinée des technologies GRIN pourrait créer, dans cette perspective, un monde totalement différent de celui que nous connaissons : automobiles à très basse consommation sans conducteur, énergie solaire remplaçant totalement les sources fossiles, objets reproduits à distance par des photocopieuses tridimensionnelles, nouveaux matériaux à faible impact sur les ressources mondiales. Il s’agit de produits déjà disponibles aujourd’hui à l’échelle expérimentale, dont les développements sont désormais certains au cours des prochaines décennies. À titre d’exemple, on peut citer le cas de la nanotechnologie, un domaine des sciences et des technologies appliquées concernant le contrôle de la matière à l’échelle atomique et moléculaire. Les nanotechnologies permettent la manipulation des ingrédients alimentaires au niveau moléculaire. Dans le futur, les produits issus de la nanotechnologie pourront avoir un effet considérable sur le secteur alimentaire, offrant des avantages envisageables pour l’industrie et le consommateur, bien que les risques potentiels pour la santé doivent être encore examinés53. Cependant, le débat sur le rôle des technologies émergentes reste vif54-56 : les partisans des bénéfices des changements technologiques considèrent clairement les technologies émergentes comme une opportunité d’améliorer les conditions humaines ; les critiques sou-

leS TECHNOLOGIES PRO-ENVIRONNEMENTALES POURRONT JOUER UN RÔLE FONDAMENTAL DANS LE SCÉNARIO ALIMENTAIRE DU FUTUR


tiennent en revanche que certaines de ces technologies émergentes pourraient constituer un danger et même contribuer – dans un contexte extrême – à l’extinction de la race humaine. Le rôle des OGM en agriculture est au centre de l’un de ces débats57. Les organismes génétiquement modifiés ont suscité au fil du temps de grandes attentes, déceptions et divergences au sein de la communauté scientifique, et encore aujourd’hui le rôle qu’ils pourraient jouer dans un futur proche est encore incertain.

1.3.2 Les forces de changement et/ou de conservation

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Selon nous, à partir des paradigmes exposés, certaines forces de changement et/ou de conservation significatives apparaissent, chacune d’elles étant en lien – direct ou indirect – avec un ou plusieurs de ces derniers. Nous avons notamment identifié huit forces de changement ou de conservation principales58 : 1 la mondialisation et financiarisation de l’économie ; 2 la polarisation ; 3 le tribalisme ; 4 le bonheur durable ; 5 le manque de confiance ; 6 la convergence autour des médias ; 7 la personnalisation de la consommation ; 8 les modes de vie des célibataires.

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Mondialisation et financiarisation de l’économie

© Corbis

Par mondialisation, on entend le phénomène d’unification des marchés au niveau mondial, qui a conduit à des modèles de consommation et de production plus uniformes et convergents grâce à la diffusion des innovations technologiques et à l’ouverture du commerce international. L’effet principal de ce phénomène est une convergence économique et culturelle décisive entre les pays du monde. Si d’une part on assiste effectivement à une homogénéité progressive des besoins et à une disparition conséquente des différences traditionnelles entre les goûts des consommateurs au niveau national ou régional, d’autre part les entreprises sont majoritairement en mesure de mettre à profit des économies d’échelle importantes dans la production et la commercialisation des produits, en particulier des biens de consommation standardisés. Parmi les risques dérivant de la mondialisation, l’un des plus importants est certainement celui d’une homogénéité culturelle excessive, perçue comme une perte et une non-valorisation des identités culturelles individuelles59. En marge de la mondialisation, la force de la financiarisation, qui est le phénomène de la croissance significative du rôle des activités financières dans l’ensemble des activités d’un système socioéconomique, semble émerger60. C’est un modèle de développement économique de moins en moins basé sur la manufacture et sur les procédés productifs de l’économie réelle : un modèle qui a conduit à la crise extraordinaire qui touche le monde depuis 2008. En réaction à cette approche, certains points de vue alternatifs s’affirment, proposant des visions différentes avec une croissance économique et des consommations plus sobres et économiquement durables61. La dialectique entre ces approches forme une seule et même approche alternative d’ensemble des consommations qui s’imposera dans les prochaines décennies.

la perTE OU LA NONVALORISATION DES IDENTITÉS CULTURELLES EST L’UN DES RISQUES INHÉRENTS AU PROCESSUS DE MONDIALISATION


Polarisation

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Tribalisme ON ASSITE À LA DÉFINITION DE NOUVELLES APPROCHES ET MODALITÉS D’INTERACTION SOCIALE

Dès la fin des années 1960, les structures sociales traditionnelles qui avaient contribué à former et caractériser les sociétés occidentales pendant longtemps (la famille, l’église, les partis politiques, l’entreprise, dans la logique du « poste fixe ») ont diminué, pour donner naissance finalement à de nouveaux contextes (la famille élargie, les noyaux mono-composants, etc.) conduisant à l’apparition de modalités agrégatives novatrices, qui dans leur version la plus étendue ont trouvé une conceptualisation efficace dans l’idée de tribu, proposée pour la première fois par Maffesoli66. Maffesoli définit ces formes de vie sociale comme des communautés émotionnelles, basées sur l’action de « prouver et se sentir commun ». Selon l’auteur, en effet, « on peut dire que nous assistons au remplacement tendanciel d’un univers social rationalisé avec une vie sociale à dominance emphatique ». Ainsi, lorsque l’individualisme atteint tout juste une nouvelle légitimité sociale, le désir de rester ensemble pour partager son univers, échanger ses émotions, se développe : des formes de vie sociale inédites naissent ainsi, différentes des plus traditionnelles basées sur les appartenances de classes, étant donné que le tribalisme, avant d’être politique, économique ou social, est un phénomène culturel67. Depuis le concept de néotribu68 s’est développé le marketing tribal, une stratégie de marketing théorisée entre 2000 et 2004, qui vise à créer des communautés de consommateurs liées aux produits et au service qu’elle souhaite promouvoir.

Bonheur durable L’expression « mode de vie » est souvent utilisée pour faire référence à ce qui caractérise de façon permanente et profonde le mode de vie d’un individu. La société actuelle, selon de nombreux sociologues, identifie le bonheur à l’hédonisme et l’opulence, basés sur les consommations, sur les plaisirs, sur l’attention démesurée portée aux biens matériels. On serait ainsi arrivé à la disparition substantielle du sens de la société civile, qui contribue à mettre en crise les bases du bien-être social, comme la confiance, l’appartenance, l’insertion, la cohésion, la sécurité et – plus que toute autre chose – la sobriété. Face au manque évident d’attention portée aux besoins de la collectivité et aux impacts des modes de vie sur la société, l’économie et l’environnement, un courant de pensée et d’action se diffuse, visant à soutenir et à proposer un mode de vie recentré sur les bonnes pratiques et sur le développement durable69. L’objectif est de garantir le bien-être général et durable, par la préservation du patrimoine environnemental, social et culturel de tous : promouvoir la réalisation du bonheur, c’est-à-dire de la satisfaction des besoins (primaires ou non), selon une méthode durable dans le temps. C’est le point de départ de la recherche d’indicateurs capables de mesurer le bonheur et le bien-être des personnes, qui a intéressé différents pays européens ces dernières années, parmi lesquels l’Italie70.

un COURANT DE PENSÉE SOUTIENT ET PROPOSE UN modE DE VIE BASÉ SUR Le dÉveloppement durable eT LES BONNES PRATIQUES

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Manque de confiance Ces dernières années ont été caractérisées par la croissance exponentielle des problèmes liés à l’anxiété et au stress émotionnel, surtout parmi les travailleurs, aggravés notamment par la situation de crise généralisée. Un sentiment d’impatience et de frénésie caractérise la vie de beaucoup de personnes : si nous comparons le mode de vie et le rythme de travail d’aujourd’hui à ceux d’il y a dix ans, nous prenons conscience du niveau beaucoup plus élevé de stress et de pression sur les questions économiques et des contraintes de rythme de vie frénétique que nous subissons actuellement. Alors que par le passé, une sensation générale de sécurité et de stabilité, en relation avec l’emploi, la société, le futur, était ressentie, tout semble aujourd’hui « à risque », chaque jour. Tout semble changer à un rythme accéléré, en dehors du contrôle direct de chacun, sans aucune certitude. L’une des conséquences négatives de cette nouvelle condition générale d’anxiété est représentée par la manifestation – de plus en plus fréquente, à tous les niveaux sociaux et d’état civil – des pathologies nerveuses et comportementales, plus ou moins graves, comme par

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

la polariSATION AURA DES RÉPERCUSSIONS SUR LES POSSIBILITÉS D’ACCÈS À LA NOURRITURE

Le concept de polarisation évoqué ici se réfère à la zone des pays postindustriels et, ainsi, au domaine culturel faisant référence au postmodernisme. On observe une subdivision de plus en plus marquée des individus de classes opposées, sur la base des richesses disponibles. Selon une étude récente62, dans les pays de l’OCDE le revenu moyen de 10 % des personnes les plus riches est aujourd’hui neuf fois supérieur à celui de 10 % des personnes les plus pauvres. L’écart de revenu a même augmenté dans les pays de tradition égalitaire comme l’Allemagne, le Danemark et la Suède et il est passé d’un rapport de 5 à 1 dans les années 1980 à un rapport de 6 à 1 aujourd’hui. L’écart est de 10 à 1 en Italie, au Japon, en Corée et au Royaume-Uni et atteint 14 à 1 en Israël, en Turquie et aux États-Unis. Selon l’OCDE, la cause la plus importante de cet écart est la croissance de l’inégalité des rémunérations et salaires. En parallèle, on assiste à un écart se mesurant non seulement sur la richesse, mais aussi sur l’accès aux nouvelles technologies informatiques. Ce que l’on appelle « digital divide » (littéralement « écart numérique ») est un phénomène récent, complexe et lié aux développements des technologies informatiques et d’Internet, qui génère des inégalités culturelles et sociales considérables. L’écart numérique est étroitement lié à l’écart social car l’impossibilité d’accéder aux technologies numériques retire à certaines tranches de la population la possibilité d’accéder à des opportunités économiques, professionnelles et culturelles63. À cet égard, il faut rappeler qu’au sein même de l’Europe il existe un écart numérique entre les pays du nord et ceux du sud de l’Europe64. Dans ce cas également, il s’agit de phénomènes qui détermineront non seulement les paradigmes culturels et de consommation, mais aussi les restructurations des systèmes productifs et industriels qui iront dans des directions alternatives. Le déclin de la classe moyenne dans le monde occidental correspondra à une nouvelle réflexion sur un système économique dans son ensemble basé sur la thèse de la priorité idéale, économique et sociale de la tranche intermédiaire de la population, avec des conséquences imprévisibles pour l’instant65.

Maffesoli et Cova, après avoir examiné les principaux représentants du marketing tribal, notent que cette approche est une alternative de matrice plus proche du type « méditerranéen », alors que l’approche classique est de type nord-américain : cette dernière norme fait face à une demande d’individualisation et de personnalisation des consommateurs, au contraire dans le tribalisme l’entreprise ne se donne pas pour objectif d’instaurer un lien personnel avec le client, mais souhaite plutôt alimenter et soutenir le lien entre les clients eux-mêmes, en les aidant à partager leur passion et à se sentir membre d’un groupe. En d’autres termes, il s’agit de formes de réponse au besoin de convivialité et d’appartenance émergeant dans une société qui, au-delà des formes d’appartenance traditionnelles, a entrepris un parcours de recherche de nouvelles approches et modalités d’interaction sociale.

la FRÉNÉSIE QUI CARACTÉRISE NOTRE ÉPOQUE SE TRADUIT PAR L’ANXIÉTÉ ET LE STRESS ÉMOTIONNEL


exemple la dépression71 ou les troubles alimentaires. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à l’échelle mondiale, il existe environ 150 millions de personnes souffrant actuellement de dépression.

sANS UN NIVEAU DE COMPÉTENCES ET DE CONNAISSANCES ADAPTÉ, LE CONSOMMATEUR A DU MAL À ÉVALUER LA QUALITÉ DES RÉPONSES, Y COMPRIS DANS LE DOMAINE ALIMENTAIRE

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La convergence des « écrans » utilisés par les personnes et la migration des contenus d’un dispositif technologique à l’autre permettent d’accéder de plus en plus à des sources et contenus divers, de qualité élevée, et la propagation de ces derniers. Le risque est d’évaluer avec difficulté la qualité des propositions en l’absence d’un niveau adapté d’information et de compétence. Un risque qui, dans le cas de l’alimentation, est particulièrement élevé, c’est la raison pour laquelle l’éducation des consommateurs sur ces thèmes est aujourd’hui l’une des questions fondamentales pour les gouvernements et les entreprises. Les nouveaux médias ont en effet atteint un niveau d’influence particulièrement élevé : la capacité de disconfirmation (c’est-à-dire de modifier, jusqu’à la changer complètement, l’opinion de l’individu sur des produits et services déjà connus) des blogs et forums semble particulièrement élevée. Les interactions entre les consommateurs au niveau social s’accroissent, au point que certains mouvements et styles de consommation naissent et s’alimentent directement sur le web. On pense, par exemple, au mouvement des freegan (le terme dérive de l’union des mots free – « gratuit » et vegan – « végétalien »), ces personnes qui vivent de ce que les autres jettent, ou encore celui des locavorism, ces personnes qui voudraient favoriser l’agriculture de proximité et ce qu’on appelle « la consommation zéro kilomètre » par rapport à l’avantage comparé et au commerce sur de longues distances des produits agricoles.

Personnalisation de la consommation LE FACTEUR ÉMOTIONNEL PREND DE PLUS EN PLUS D’IMPORTANCE DANS LES PROCESSUS D’ACHAT

Les modalités de consommation des individus ou des groupes impliquent un ensemble de valeurs qui vont au-delà de la simple acquisition de biens. Avec le temps, les formes de consommation et ses acteurs principaux ont subi des changements importants et pris des significations diverses. Après la crise pétrolière et la diminution des consommations due à la récession internationale des années 1980, les exigences qui poussaient à la consommation ont commencé à changer, allant dans la direction de l’individualisme et de l’attention marquée portée au produit. Actuellement certains segments de consommateurs s’éloignent de ce modèle en faveur de la recherche d’expériences plutôt que des produits, d’émotions et de sensations plutôt que des modes d’utilisation, générant des modèles de consommation peu linéaires et prévisibles : cette catégorie de consommateurs est attirée par des produits sur mesure et personnalisés, pour leur côté « unique » dans leur genre. Les consommateurs – de plus en plus matures, exigeants et sélectifs – se basent sur les caractéristiques et les bénéfices fonctionnels, la qualité des produits et une image de marque positive72. Ils veulent des produits, de la communication et des campagnes de marketing auxquels se référer et qu’ils puissent englober dans leur mode de vie, qui touchent leurs sens et leur coeur, qui stimulent leur mental et qui soient en mesure de fournir, précisément, une expérience73. Dans ce contexte, le marketing par l’expérience apparaît et appuie la nécessité pour les entreprises d’offrir des expériences et des émotions au consommateur afin de le satisfaire

Mode de vie des célibataires Au cours de la deuxième moitié du siècle dernier, la famille a subi des transformations d’une grande portée, en passant d’un modèle nucléaire, traditionnellement fermé, à un modèle plus large, interprété variablement et, surtout, en perpétuel changement. Dans la société actuelle, la famille caractérisée par un couple avec des enfants perd progressivement sa place centrale, notamment statistiquement, en faveur des nouveaux noyaux familiaux émergents : couples seuls, familles monoparentales, célibataires. Si les tendances actuelles se maintiennent, on assistera bientôt en Italie au « passage en tête » des célibataires sans enfant devant les couples avec enfants : en dix ans les noyaux mono-composants ont augmenté de 39 % et, parallèlement, les couples avec enfants ont chuté de 7 %75. Les changements actuels dans les dimensions et les caractéristiques des noyaux familiaux et dans les dynamiques sociales influencent de façon significative les tendances relatives notamment au mode de vie et à la consommation. Sept millions d’Italiens vivant seuls dépensent pour leurs achats alimentaires 71 % de plus par rapport à la moyenne des familles76. Les personnes vivant seules achètent souvent des quantités de nourriture plus importantes en raison du manque de formats adaptés, avec une dépense supérieure aux courses traditionnelles, et on constate la présence conséquente et très importante de gaspillages. Le secteur de production et de diffusion des biens de grande consommation s’est adapté depuis longtemps au « phénomène célibataire », en offrant, par exemple des produits en portion individuelle. D’autre part, en revanche, la période d’incertitude économique actuelle a eu un impact sur les comportements et sur les perspectives de consommation des familles, en donnant entre autre une impulsion à la recomposition des noyaux familiaux (appelées « familles recomposées »). Quoi qu’il en soit, celui des célibataires est un exemple éloquent des nouvelles orientations de consommation, avec une forte individualisation dans les choix et une intolérance à l’égard de propositions de marché qui ne sont pas étudiées pour ses exigences. Les paradigmes et les forces de changement et/ou de conservation n’influencent pas de façon directe les comportements dans le domaine alimentaire, ils concourent toutefois à définir le contexte dans lequel les tendances alimentaires peuvent se développer. Il serait en effet difficile de comprendre les tendances sans connaître le scénario à l’intérieur duquel elles s’inséreraient. C’est pourquoi il est fondamental pour nous d’introduire les facteurs décrits dans ce premier chapitre : pour rendre plus facile la compréhension des dynamiques et montrer les éléments de structure socio-économique sur lesquels les tendances « s’appuient ».

L’EXEMPLE DES CÉLIBATAIRES ILLUSTRE LES NOUVELLES TENDANCES DE CONSOMMATION

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Convergence autour des médias

et l’émouvoir, en favorisant ainsi l’achat et la consommation du produit/bien ou produit/ service « expérimenté ». Cette approche se base sur l’hypothèse selon laquelle les choix du consommateur sont dictés par les émotions, s’alignant ainsi sur les thèses soutenues depuis longtemps par les chercheurs des sciences cognitives : le consommateur ne se comporte pas toujours de manière rationnelle, le facteur émotionnel devient même déterminant dans le processus d’achat. Ainsi, dans le contexte actuel, la marque elle-même est un élément toujours plus abstrait, basée sur des valeurs sociales partagées et des identités culturelles émergentes74.

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Justin Guariglia/National Geographic Stock

2. LES TENDANces ALIMENTAires


2.1 INTRODUctION

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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L’

interaction entre les paradigmes et les forces de changement et/ou de conservation modélise le scénario alimentaire actuel et nous permet de développer des pistes de réflexion quant à l’avenir. Un tel scénario est caractérisé par treize tendances en devenir qui sont dans la plupart des cas corrélées1, à savoir : 1 le goût ; 2 l’attention portée à la santé ; 3 le regard vers le passé ; 4 le regard vers le futur ; 5 la technologie ; 6 la naturalité ; 7 la mondialisation des saveurs ; 8 la production alimentaire locale et régionale ; 9 la production alimentaire « haut de gamme » ; la production alimentaire « bas de gamme » ; 10 la rapidité ; 11 l’individualisme ; 12 le développement durable. 13 Chaque tendance est caractérisée par des éléments distinctifs qui les opposent parfois les unes aux autres. Cependant, nous aurons l’opportunité de démontrer que dans de nombreux cas, des tendances en apparence opposées cohabitent, donnant lieu à des comportements à la fois positifs et négatifs. Nous analyserons ci-après de façon détaillée les tendances comportementales relatives à l’alimentation, en organisant notre développement de manière à mettre en avant, le cas échéant, les phénomènes d’opposition.

© Corbis

Le goût La recherche du plaisir se concrétise par la sensation d’assouvissement et de satisfaction à travers l’expérience culinaire. Une telle satisfaction suppose l’assouvissement des besoins sensoriels, et plus particulièrement le goût. La recherche du goût et de la satisfaction à table implique en outre la pratique de la convivialité, autrement dit le fait de se retrouver autour d’une table non seulement pour partager un repas, mais aussi pour favoriser le dialogue, la réflexion et la joie d’être en société. Ainsi, la nourriture revêt également une valeur culturelle qui se rapporte non seulement aux modes de

treIZE TENDANCES FUTURES AVEC DES RÉPERCUSSIONS COMPORTEMENTALES AUSSI BIEN POSITIVES QUE NÉGATIVES

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

L

es tendances alimentaires constituent l’élément central de notre étude. C’est seulement à partir de l’analyse des tendances qui se profilent aujourd’hui, même s’il ne s’agit que de simples signaux de faiblesse, qu’il sera possible d’imaginer les développements futurs et ainsi d’identifier les parcours positifs qui nous conduiront vers un avenir meilleur et durable.

2.2 Les principales tendances alimentaires et leurs caractéristiques

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L’attention portée à la santé Les inquiétudes pour la santé en matière d’alimentation ne datent pas d’hier. Au fil de l’Histoire, les personnes – indépendamment de leur position sociale ou de leur situation économique – ont toujours porté une grande attention aux propriétés thérapeutiques des aliments : il suffit de penser à l’utilisation des herbes médicinales dans la préparation des plats7. En outre, la protection et la défense de la santé jouissent depuis peu d’un regain d’attention aux niveaux scientifique et institutionnel. En effet, l’augmentation de l’espérance de vie et par conséquent l’augmentation du nombre de personnes âgées et des dépenses sanitaires connexes ont poussé les gouvernements, les chercheurs, les professionnels du secteur sanitaire et l’industrie alimentaire à chercher un moyen de gérer de manière efficace les changements liés à l’évolution démographique. À cela s’est ajoutée l’explosion des pathologies découlant des phénomènes croissants du surpoids, de l’obésité et des troubles du métabolisme8. Puisque nous savons désormais qu’il est possible de réduire le risque de contraction de maladies et de rester en bonne santé grâce à un régime alimentaire et à un style de vie corrects,

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

aujourd’hui, le concept d’alimentation n’apparaît plus exclusivement lié à celui de nutrition, mais, de manière più vaste, à l’amélioration du bien-être général des personnes. En effet, l’attention des consommateurs est de plus en plus tournée vers un mode de vie sain, fait de choix alimentaires bons pour la santé qui, cependant, peuvent revêtir des connotations contradictoires, voire même parfois provoquer des comportements extrêmes. D’une part, le bien-être coïncide avec la recherche d’un bénéfice. La nourriture devient alors un moyen permettant non seulement de satisfaire un plaisir sensoriel et émotionnel, mais également de préserver son état de santé physique. Lorsqu’une telle connotation assume un caractère fortement marqué, elle peut être assimilée aux aliments dits fonctionnels. Ont été définis comme fonctionnels les aliments qui, au-delà de leurs qualités nutritives, ont un effet bénéfique sur une fonction de l’organisme ou plus (bénéfice important pour l’amélioration de l’état de santé et le bien-être et/ou pour réduire le risque de maladie) et qui sont consommés dans le cadre d’un régime alimentaire normal9. D’autre part, le maintien du bien-être individuel aboutit à des comportements obsessionnels qui se manifestent lorsque la nourriture est consommée de façon excessivement contrôlée, devenant une idée fixe prédominante. En effet, parfois, l’attention portée à une alimentation saine peut se transformer en maladie : l’orthorexie est une obsession liée à l’ingestion d’aliments malsains, qui a été définie par Marino Niola comme « la toute dernière pathologie alimentaire d’un Occident qui ne craint plus la faim »10. L’orthorexique est convaincu que sa santé dépend essentiellement de son alimentation et développe toute une série de règles alimentaires extrêmement strictes qui, lorsqu’elles sont violées, entraînent de fortes crises de culpabilité11. Il s’agit d’une peur de l’alimentation qui est liée non pas à la quantité de nourriture ingérée – comme c’est le cas pour l’anorexie et la boulimie – mais à la qualité de la nourriture.

LE CONCEPT D’ALIMENTATION EST LIÉ À L’AMÉLIORATION GÉNÉRALE DU BIEN-ÊTRE ET PEUT ENTRAÎNER AUSSI BIEN DES BÉNÉFICES QUE DES PHÉNOMÈNES OBSESSIONNELS Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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L’eXPÉRIENCE CULINAIRE coMme ASSOUVISSEMENT DES BESOINS SENSORIELS S’OPPOSE À LA CONCEPTION DE L’ALIMENTATION COMME SIMPLE PASSE-TEMPS

préparation et aux qualités nutritionnelles, mais aussi aux modes de consommation, « car les gestes accomplis en compagnie d’autres personnes tendent à sortir de leur dimension purement fonctionnelle et à revêtir une valeur communicative ; la vocation conviviale des hommes se traduit immédiatement par l’attribution d’un sens aux gestes accomplis lors d’un repas »2. Un exemple extrême de cette approche est représenté par le mouvement Slow Food, pour lequel le plaisir rentre dans la sphère des droits des personnes. Ce mouvement reprend et développe l’activité menée par l’ONG internationale Slow Food, fondée par Carlo Petrini en 1986, dans le but de « promouvoir l’intérêt lié à la nourriture comme vecteur de plaisir, de culture, de traditions, d’identité, ainsi qu’un style de vie respectueux des territoires et des traditions locales »3. Face aux « phénomènes de mondialisation qui se profilent »4, la philosophie à la base du mouvement Slow Food s’oppose à la normalisation des saveurs, valorise les économies de petite échelle et – comme on peut le lire dans le Manifeste de Slow Food, rédigé en 1987 par Folco Portinari – fait du plaisir le socle d’un nouveau modèle culturel qui transforme le rythme de vie « slow » en un objectif militant5. Si l’on adopte une conception du goût différente de celle qui vient d’être exposée, laquelle privilégie un mode d’alimentation spontané et considère les repas comme un moment d’échange et de partage, la recherche du plaisir peut également être vue comme un moyen de réprimer l’ennui, comme un passe-temps, parfois au détriment de bons comportements alimentaires. Un tel comportement est relié à une sorte de conscience « indulgente », qui se traduit par la consommation d’aliments qu’on devrait en réalité éviter6, en quête d’un assouvissement purement physique. Dans ce cas, l’émotion prévaut sur la raison : on essaie de tirer satisfaction de la consommation d’aliments riches en goût qui confèrent un plaisir sensoriel immédiat. Cette tendance est illustrée par la consommation répandue des aliments définis comme malbouffe : bien que conscients des répercussions négatives sur leur santé, nombreux sont les individus qui consomment régulièrement des aliments à faible valeur nutritionnelle, hypercaloriques et à fort taux de matières grasses et de glucides. Toutefois, il convient de préciser que la malbouffe représente un choix de consommation pour quelques groupes de personnes seulement. Pour d’autres, malheureusement, elle devient une nécessité dans la mesure où ces aliments sont plus facilement accessibles d’un point de vue économique. Par conséquent, si l’on se réfère précisément à cette conséquence indésirable de la satisfaction et du goût, la recherche du plaisir entre en contradiction avec l’attention portée à la santé et au bien-être.

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Le regard vers le passé Le regard vers le passé est une tendance qui s’identifie à la mémoire et implique le souvenir et la préservation des traditions enracinées dans un contexte sociogéographique déterminé. Grâce à la mémoire, il est possible de conserver dans le temps et de valoriser les traditions culinaires d’un lieu donné. En effet, la nourriture raconte et donne vie à une mémoire collective faite de savoirs et de saveurs, de plats raffinés, mais aussi d’humilité dans le travail, de besoins élémentaires, de grands échanges, de rites campagnards et de réalités industrielles12. C’est ainsi que la nourriture est parfois identifiée comme un moyen pour retourner dans le passé et, dans certains cas, elle est source de confort (raison pour laquelle ces aliments sont dénommés comfort food) : authentiques, simples, satisfaisants et liés – sinon dans la réalité, tout du moins dans l’imagination de qui les consomme – aux traditions, à l’enfance et à la famille. Les aliments dits comfort food ont donc de manière intrinsèque un caractère local, dans la mesure où ils sont liés aux particularités culturelles et aux habitudes culinaires propres à la région d’origine de chacun. Par exemple, pour les Américains, le milk-shake, le poulet frit et les pommes de terre frites font partie des aliments qui leur procurent cette sensation de confort, tandis qu’en Europe, ces mêmes aliments ne sont vus ni comme traditionnels, comme familiers ou comme naturels13. Toutefois, la mémoire présuppose également une certaine nostalgie14 pour un passé considéré comme plus simple, sûr et tranquillisant par rapport au mode de vie plus rapide et frénétique qui caractérise l’époque actuelle et entraîne souvent chez les personnes de forts taux de stress émotionnel, donnant lieu à des situations très répandues de dépression, d’anxiété

la mÉmoIRE DU PASSÉ VALORISE ET PRÉSERVE LES TRADITIONS, MAIS ELLE PEUT ÉGALEMENT RENFORCER LES PRÉJUGÉS ENVERS LES ALIMENTS ISSUS D’AUTRES CULTURES


et de sensation de solitude. Dans l’éditorial qui ouvre le numéro spécial de Hedgehog Review, consacré au thème de la peur, on peut lire que : « En l’absence de confort existentiel, nous nous contentons désormais de la sécurité, ou du simulacre de la sécurité »15. Une telle sensation de sécurité et de confort pourrait ainsi résulter des souvenirs de temps révolus. La nostalgie renvoie au concept plus général de préjudice, qui implique une attitude défensive et hostile envers la nourriture des autres, comme nous le verrons ci-dessous, et en particulier de l’exotique. Ce refus d’aller de l’avant constitue un frein qui s’oppose au regard vers le futur, une tendance qui gravite autour du progrès.

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LE PROGRÈS CONSTITUE UNE OPPORTUNITÉ D’INNOVATION QUI NE VA TOUTEFOIS PAS DANS LE SENS DE LA SAUVEGARDE DES TRADITIONS CULINAIRES

En totale opposition avec ce qui a été exposé dans le paragraphe précédent, la tendance consistant à porter le regard vers le futur voit d’un très bon oeil et valorise le progrès, considéré ici non tant comme une « menace de changement inexorable et inévitable qui, loin d’amener la paix et le réconfort, provoque crise et tensions constantes, sans laisser même un moment de répit »16, mais plutôt comme une opportunité d’innovation. Dans le domaine de l’alimentation en particulier, cette opportunité d’innovation renvoie à l’élargissement de l’offre par le biais de l’invention de nouveaux aliments, plats et styles culinaires, visant à proposer des solutions aux problèmes de plus en plus ressentis qui troublent le secteur alimentaire actuel (entre autres l’augmentation constante des prix des produits alimentaires, la surpopulation, les problèmes environnementaux, etc.). En réponse à ces inquiétudes, il convient de mentionner par exemple l’attention de plus en plus marquée portée à la création d’aliments nouveaux ou d’aliments de substitution à ceux existant. En effet, certains chercheurs et scientifiques soutiennent qu’au vu de la hausse prévisible du prix de la viande, à l’avenir, les insectes pourraient être communément insérés dans les régimes alimentaires occidentaux. À ce sujet, la FAO a affirmé en 2008 que, « bien que l’idée de manger des insectes puisse sembler étrange à certains, il faut dire que leur consommation est en réalité assez diffuse chez l’homme dans de nombreuses parties du monde. Dans pas moins de 36 pays africains, au moins 527 espèces différentes sont consommées, et ceci est vrai également dans 29 pays asiatiques et 23 pays sur le continent américain »17. Outre les insectes, les algues pourraient également être introduites dans notre alimentation, fournissant – en partie – une solution possible au problème de la carence alimentaire au niveau mondial. Par ailleurs, on procède aussi à des expériences en laboratoire visant à produire de la viande artificielle en utilisant des cellules souches18. Cette tendance futuriste se penche également sur la diffusion de nouvelles techniques culinaires. En est un exemple la cuisine dite « moléculaire », autrement dit une discipline (pratiquée dans un environnement très restreint) qui étudie les transformations subies par les aliments au cours de leur préparation. La création de nouveaux plats, de nouvelles recettes et de nouvelles techniques de préparation est le résultat de l’application en cuisine des connaissances scientifiques qui, en principe, n’ont que peu à voir avec le secteur alimentaire19. Si l’on propose un point de vue plus critique, le progrès et la projection vers le futur, en antithèse avec le concept de conservation et de valorisation de la mémoire, s’opposent à la sauvegarde des traditions culinaires et participent à la perte de la valeur historique de la nourriture, tout en favorisant la recherche de nouvelles expériences sensorielles « souvent excitantes mais pas forcément satisfaisantes »20. Dans le cas des aliments prêts à consommer, à la perte de la valeur historique s’ajoute celle de la biodiversité, une caractéristique qui, au fil du temps, sera de moins en moins répandue dans les nouvelles générations. © Corbis

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Le regard vers le futur


l’innovaTION POUR LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX ALIMENTS ET DE NOUVELLES PROCÉDURES RISQUE DE DONNER LIEU À UNE SOPHISTICATION NON SOUHAITÉE DES ALIMENTS

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Les technologies de production des aliments sont nées dans l’Antiquité dans le but d’obtenir, à partir des matières primaires issues des productions agricoles végétales et animales, les différents produits alimentaires disponibles. Au fil de l’Histoire et jusqu’à notre époque, ces technologies ont été affinées et développées afin d’améliorer la qualité, la conservation, le goût et l’aspect des aliments, et, pour ce faire, outre les connaissances traditionnelles, il est également fait appel aux connaissances scientifiques modernes21. Ainsi, au cours de ces dernières années, on a tout particulièrement exigé du secteur agroalimentaire qu’il fournisse un effort d’innovation intense sur la demande de consommateurs de plus en plus critiques et exigeants, et au vu des nouveaux comportements de consommation22. D’une part, compte tenu de l’attention majeure accordée au bien-être individuel et à la préservation d’un bon état de santé, l’innovation et la mise en oeuvre de technologies dans le domaine alimentaire se sont en partie concentrées sur le développement des aliments fonctionnels (lesquels, pour le moment, bénéficient d’une faible diffusion et d’une portée géographique limitée). De telles innovations portent sur le développement d’aliments qui permettent, par exemple, d’améliorer les fonctions cérébrales, de retarder le vieillissement, de combattre la fatigue ou de faciliter le sommeil23. D’autre part, on assiste à l’émergence de nouvelles technologies en mesure d’accélérer les procédures d’achat et de préparation des produits alimentaires, afin de satisfaire aux exigences de praticité dans le domaine de l’alimentation. Prenons l’exemple de la prolifération d’aliments prêts à la consommation (dont nous parlerons par la suite) ou de l’automatisation technologique devenue monnaie courante dans les points de vente et les grandes chaînes de restauration. En outre, afin de garantir la sécurité alimentaire – l’un des aspects vers lequel se tournent aujourd’hui tous les regards – on continue à mettre en oeuvre et à expérimenter des logiciels sophistiqués qui favorisent la traçabilité des produits alimentaires. Selon la législation européenne et américaine24, notamment, les acteurs du secteur agroalimentaire sont tenus de disposer de systèmes et de procédures qui permettent d’identifier avec précision la provenance et la composition des aliments, dans le but d’en faciliter le retrait du marché en cas de danger pour la santé du consommateur. Cependant, un recours excessif à la technologie entraîne également une sophistication excessive et indésirable des aliments, ce qui – comme nous le verrons par la suite – implique que l’attention portée sur les pratiques alimentaires naturelles s’éloigne de la pratique culinaire quotidienne et de l’idéal de simplicité.

La naturalité d’UNE PART, LE TERME « SIMPLICITÉ » RENVOIE AUX ALIMENTS NATURELS, D’AUTRE PART IL RISQUE DE DÉCLENCHER DES HOSTILITÉS À L’ENCONTRE DES INNOVATIONS

En opposition avec la sophistication des aliments et en réponse à une demande de simplicité, on constate chez une partie de plus en plus nombreuse de la population une tendance à la redécouverte de la nature et des produits naturels. Dans le secteur alimentaire, le concept de naturalité requiert une définition ponctuelle. Celleci ne peut être déterminée dans l’absolu, dans la mesure où les aliments subissent inévitablement des changements : les manipulations de l’homme et la technologie interviennent depuis toujours dans la préparation des aliments. Depuis que nous cuisons les aliments, la nature est devenue culture. En effet, les aliments sont l’oeuvre de l’homme qui a recours à l’utilisation de techniques particulières25. La tendance à la naturalité se traduit donc par le concept de simplicité, compris comme réduction au minimum (mais non absolue) des interventions et des manipulations dans les

différentes phases de la filière agricole, autrement dit comme une utilisation non excessive de la technologie et l’importance accordée à la durabilité des modèles agricoles26. On peut ainsi distinguer différents niveaux de « naturalité » des aliments. Selon les prises de position les plus extrêmes, la naturalité renvoie aux fruits de l’agriculture naturelle, défendue par Masanobu Fukuoka. Ce modèle agricole prévoit une intervention de l’homme limitée aux phases de semence et de récolte, laissant la nature assurer la bonne progression du processus de croissance27. Selon d’autres en revanche, la notion de naturalité coïncide de manière bien plus réaliste avec le choix d’aliments bio issus de l’agriculture biologique, autrement dit d’un modèle agricole qui exploite la fertilité naturelle du sol et prône la limitation des interventions externes. En effet, l’agriculture biologique promeut la biodiversité environnementale, réduit au minimum l’utilisation de produits de synthèse dans les différentes phases de la production, de la transformation et du stockage, et exclut le recours aux organismes génétiquement modifiés28. Contrairement aux défenseurs de l’agriculture biologique, certains considèrent toutefois que la production de biens agricoles obtenue grâce à une utilisation massive de biotechnologies constitue, en perspective, l’unique voie permettant de produire des aliments naturels, rendant superflue l’utilisation d’une grande partie des composés chimiques utilisés aujourd’hui dans l’agriculture conventionnelle. De plus, dans le domaine strictement culinaire, la naturalité revêt un autre aspect qui renvoie non seulement à la préférence pour les aliments complets et biologiques, mais aussi aux modes de préparation des plats, qui se doivent d’être simples et pas trop élaborés29. On associe à cette approche le mouvement scandinave de la new nordic cuisine, présenté dans un manifeste qui révèle l’ambition de mettre en vedette les saveurs et les produits purs et simples des terres scandinaves. En effet, ce manifeste propose de recourir exclusivement à des ingrédients traditionnels de la région, en en préservant les aromes naturels et en réduisant au minimum l’ajout de matières grasses. En outre, dans ce cas, l’idée de naturalité exclut l’intervention des hommes sur l’agriculture et, dans le but d’obtenir les aliments dont on a besoin, privilégie les pratiques de la chasse et de la récolte. Si, d’une part, la simplicité vise à conserver le plus possible les aliments dans leur état naturel, elle risque d’autre part d’être poussée à l’extrême, au point de faire naître des hostilités envers les innovations technologiques et une obsession pour la naturalité. À ce titre, il convient de citer de nouveau le problème de l’orthorexie, qui désormais peut également être considéré comme une obsession pour l’alimentation biologique.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

La technologie

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La mondialisation des saveurs De nos jours, la mobilité croissante entre les pays, le désir de découverte des traits caractéristiques d’autres cultures, les stratégies d’expansion industrielle de certaines multinationales et, en général, la mondialisation de l’économie ont modifié le paysage culinaire. Au cours des dernières décennies, la distinction entre les approches culinaires représentatives des plus grandes traditions et les préférences alimentaires manifestées au niveau individuel est devenue de plus en plus floue30. Ainsi, les échanges entre les différentes cultures alimentaires constituent le trait caractéristique de la mondialisation des saveurs, qui s’oppose à la particularité et à la marginalité des aliments exclusivement locaux et régionaux. D’une part, la mondialisation alimente une curiosité pour les habitudes alimentaires et les modes de vie d’autres populations. En effet, « nous vivons dans un monde de plus en plus petit et communiquant, dans lequel le tourisme de masse a violé jusqu’à l’inviolable. C’est

l’ÉCHANGE INTERCULTUREL ALImentE LA CURIOSITÉ, maIS IL EST ÉGALEMENT À LA BASE de l’HOMOGÉNÉISATION DES HABITUDES ALIMENTAIRES


Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

peut-être là la raison pour laquelle nous sommes à la recherche de nouveaux univers à explorer. Et pour ce faire, nous utilisons notre fourchette comme boussole et les guides gastronomiques comme cartes routières pour découvrir ce qui chauffe dans la casserole de nos voisins. Plus un plat s’éloigne de nos goûts, de nos habitudes et de nos traditions, et plus il nous semble valoir le déplacement. Même seulement imaginaire »31. Ce phénomène rejoint celui du rapprochement de la culture ethnique, principalement par le biais du canal de la restauration : les cuisines chinoise, indienne, mexicaine, espagnole et – peut-être en ligne avec une vision plus salutaire de la nourriture – japonaise sont également appréciées dans les pays anglo-saxons et méditerranéens. Toutefois, l’intérêt pour la nourriture dite « exotique » ne se limite pas à la cuisine ethnique, mais concerne également la réalisation d’associations culinaires inhabituelles32. La cuisine fusion représente, par exemple, un style alimentaire (principalement dans les pays dépourvus de racines historiques, culturelles et alimentaires solides) qui associe entre eux divers éléments et saveurs – associés à différentes traditions culinaires – afin de produire des plats n’appartenant à aucune tradition culinaire précise. D’autre part, la mobilité continue et les échanges interculturels conduisent à une sorte d’homogénéisation. Ainsi, on parle de mcdonaldisation (terme inventé par George Ritzer en 1993) des habitudes alimentaires au niveau mondial, pour définir un cosmopolitisme alimentaire qui génère l’uniformisation au niveau mondial, provoquant la perte de la diversité et des traditions locales. C’est bien là la caractéristique qui contraste le plus avec la sensation d’appartenance et la valorisation du territoire, qui définissent la tendance prônant la consommation d’aliments locaux et régionaux.

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Justin Guariglia/National Geographic Stock

La production alimentaire locale et régionale La tendance à la consommation de produits locaux et régionaux se fonde sur le lien entre nourriture et territoire. Dans le cas présent, un tel lien renvoie à la proximité entre le lieu de production et le lieu de consommation d’un aliment, considérée comme une garantie d’authenticité. Il en résulte que, dans un contexte aussi fortement marqué, naissent des mouvements idéologiques qui privilégient la consommation d’aliments produits localement comme, par exemple, la « philosophie du km zéro » (ou locavorism)33. Cette philosophie promeut la commercialisation et la consommation de produits typiques du terroir, lesquels ne doivent pas être transportés sur de longues distances avant de parvenir au consommateur. Selon cette philosophie, la consommation de produits locaux est bénéfique dans la mesure où elle contribue au développement durable de l’environnement et à la promotion du patrimoine agroalimentaire régional, et parce qu’elle garantit un produit frais, sain et de saison. Le concept de production de saison est en effet indissociable du concept de proximité34. En outre, la recherche de produits locaux et de saison pousse les consommateurs à varier les habitudes d’achat, privilégiant le contact direct avec les producteurs. Le lien entre le lieu de production et le lieu d’achat d’un aliment constitue ainsi une garantie supplémentaire d’authenticité (il suffit de penser au fait que parfois, le nom d’un aliment coïncide avec la localité de provenance et de production)35. Allons plus loin : d’un point de vue purement culturel, le rapport entre aliments et territoire trouve sa place dans le concept élaboré par le professeur Montanari, qualifié de géographie du goût (« “manger selon un critère géographique”, connaître ou exprimer une culture territoriale à travers la cuisine, les produits, les recettes, nous semble tout à fait “naturel” »)36. Les aliments locaux sont également à même de « raconter une histoire », et cette histoire ne renvoie pas seulement à la nature et à la préparation d’un aliment en particulier, mais

la proXimitÉ ENTRE LE LIEU DE PRODUCTION ET LE LIEU DE CONSOMMATION EST UNE GARANTIE D’AUTHENTICITÉ : LE TERRITOIRE, CEPENDANT, coNSTITUE UNE LIMITE temporELLE ET gÉograPHIQUE


La production alimentaire « haut de gamme »

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l’eXclusivitÉ DES ALIMENTS ONÉREUX, JUSTIFIÉE PAR LEUR MEILLEURE QUALITÉ, DÉTERMINE UNE SORTE DE DISCRIMINATION

Cette tendance naît en partie de la série de scandales alimentaires qui se sont succédés ces dernières années (par exemple l’ESB, mieux connue sous le nom de « vache folle », ou encore le « poulet à la dioxine »), lesquels ont entraîné – entre autres conséquences – un regain d’intérêt des consommateurs envers les risques alimentaires, les lieux de provenance et les modes de production des aliments39. Il en résulte qu’une partie des consommateurs est davantage disposée à payer plus cher pour acheter les produits qui répondent aux critères d’authenticité et de naturel, comme c’est le cas pour les aliments issus de la production locale et de l’agriculture biologique. En effet, ces aliments présentent un coût supérieur par rapport au produit conventionnel équivalent, dans la mesure où les producteurs font face à des coûts de production plus élevés et où – en tant que produits exclusifs – ceux-ci peuvent être considérés comme aliments haut de gamme. Le caractère exclusif des aliments onéreux est ainsi justifié par la meilleure qualité et la rareté de ceux-ci. Selon ce point de vue, doivent être identifiés comme aliments haut de gamme non pas ceux qui sont traditionnellement considérés comme aliments symboliques du luxe dans les cuisines (safran, caviar et truffes), mais ceux appartenant aux catégories de consommation simple et quotidienne (comme par exemple le chocolat, la confiture et les assaisonnements), lesquels se sont raffinés au point de devenir des produits recherchés, riginaux et coûteux. Toutefois, le coût plus élevé de cette typologie d’aliments les rend accessibles à un nombre limité de personnes et donne ainsi lieu à une sorte de discrimination de nature économique, sociale et culturelle (en quelque sorte assimilable au phénomène de la polarisation). Une telle problématique est absente dans le cas des aliments bas de gamme qui, au contraire, se distinguent par leur facilité d’achat.

La production alimentaire « bas de gamme » LES PRODUITS MEILLEUR MARCHÉ GARANTISSENT UNE PLUS GRANDE DISPONIBILITÉ mais ILS COÏNCIDENT aussi AVEC UN AVILISSEMENT DE LA QUALITÉ DE L’OFFRE

Comme nous venons de le voir, le caractère exclusif des aliments haut de gamme s’oppose directement à l’accessibilité des aliments bas de gamme. L’attention accrue récemment portée à ces aliments est due en partie à la conjoncture économique mondiale actuelle, qui a amené de nombreuses familles à se trouver dans une situation de difficulté économique (notamment les familles à faible revenu)40. Une des conséquences de la crise économique, renforcée par la hausse des prix des matières

primaires agricoles sur les marchés41, se reflète dans l’augmentation record des achats effectués dans les discounts alimentaires. En effet, on assiste à une tendance à l’achat de produits alimentaires dans les magasins hard-discount, qui ne proposent pas de grandes marques, mais où les prix sont plus abordables, au point que ces six dernières années, en Italie, le nombre des familles à faible revenu qui ont préféré ces magasins aux autres centres d’achat a doublé. Un foyer sur cinq parmi ceux enregistrant les plus faibles dépenses alimentaires fait ses courses dans les magasins hard-discount, par rapport à 10 % il y a six ans42, même si, pour donner un cadre complet de la situation, il convient de préciser que les dépenses en téléphones portables, SMS et connexions Internet depuis les smartphones sont toujours aussi importantes43. Toutefois, la tendance à faire ses courses dans les magasins hard-discount n’est pas vraie uniquement pour les familles à plus faible revenu : les classes sociales plus aisées sont elles aussi en train de changer leurs habitudes d’achat. Ainsi, à ce jour, plus de 60 % des Italiens considèrent comme normal le fait de faire leurs courses dans un hard-discount. L’intérêt accru pour les produits à bas prix se confirme également par l’augmentation dans les chariots de produits dits private label, autrement dit les produits commercialisés sous le nom du magasin qui, ces dernières années, ont connu une forte croissance. En conclusion, il apparaît que les produits alimentaires moins chers par rapport à la moyenne des prix garantissent une meilleure accessibilité. D’une part, ils sont largement disponibles et peuvent également être achetés – contrairement aux aliments de luxe – par les personnes jouissant de plus faibles ressources ; d’autre part, cependant, ils coïncident souvent avec un avilissement de la qualité de l’offre, les produits hard-discount présentant un niveau de qualité inférieur à la moyenne.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

aussi à la culture et aux traditions du lieu d’origine, ainsi qu’aux personnes impliquées dans la production37. En effet, les aliments doivent être considérés comme le « reflet de notre histoire, une loupe qui montre qui nous sommes, qui nous étions et qui nous deviendrons »38. Cependant, si d’une part le lien avec le territoire est synonyme d’authenticité des produits alimentaires, il constitue d’autre part une sorte de conditionnement car il représente une limite aussi bien au sens temporel (liée au caractère saisonnier des produits) que géographique (liée à un lieu donné de production). Cette limite est complètement absente du phénomène de la mondialisation des saveurs qui, au contraire, implique l’accessibilité en tout lieu et en tout moment d’aliments exotiques. Ceci contribue à faire de ce type d’aliments des produits exclusifs. Comme nous le verrons par la suite, les aliments issus de la production locale et régionale représentent souvent un marché de niche, caractérisé par une faible accessibilité.

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La rapidité Depuis les années soixante-dix et en ligne avec la diffusion de modes de consommation cohérents avec un mode de vie moyen de plus en plus frénétique et fébrile, la rapidité constitue l’élément qui, plus que tout autre, a marqué une différence notable dans le style de vie des personnes44. Il n’est donc pas étonnant que ces années coïncident avec la diffusion des fast-foods. En effet, c’est en 1971 qu’a été ouvert en Europe le premier restaurant de la chaîne McDonald’s, fondée en 1955 aux États-Unis par Raymond Kroc. Depuis des années, les individus mènent une vie qui leur laisse de moins en moins de temps libre pour eux-mêmes et leur famille, ce qui entraîne, entre autres conséquences, une réduction du temps dédié à la cuisine et aux repas et, en même temps, le changement des modes et des typologies d’achat. En premier lieu, le temps traditionnellement réservé aux principaux repas – l’occasion pour les familles de se retrouver tous ensemble à table – diminue, et le même phénomène est constaté en cuisine pour la préparation des plats. En effet, comme l’affirme Niola, « si autrefois chaque grand-mère était un livre vivant de recettes, prêt à livrer ses enseignements et à transmettre les secrets bien gardés des plats de famille, ces précieux feuillets volants ont aujourd’hui été disséminés par le vent de la modernisation. Par conséquent, les familles mangent de moins en moins bien et de plus en plus vite, et cuisiner est considéré par beaucoup comme une perte de temps »45. Il en résulte une tendance plus marquée à manger sur le pouce, dans la rue ou sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail. La nourriture est d’ores et déjà et deviendra de plus en plus « mobile », tandis que l’habitude d’effectuer trois repas par jour est progressivement remplacée par la consommation d’en-cas plus rapides et rapprochés. Il suffit de penser par exemple que de nombreuses personnes sont habituées à déjeuner dans les cafés

DIMINUTION DU TEMPS CONSACRÉ À LA CUISINE ET AUX REPAS : D’UNE PART, RECHERCHE D’UNE PLUS GRANDE PRATICITÉ ; D’AUTRE PART, stress ÉMOTIONNEL


Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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L’individualisme

dÉSINTÉRÊT pour le moment des repas ET, EN MÊME TEMPS, PERSONNALISATION DE L’OFFRE

Depuis quelque temps, la nourriture est de plus en plus consommée de façon individuelle et le plus rapidement possible. Petit à petit, l’alimentation est en train de perdre ses rituels de préparation des repas, de socialisation et de partage qu’elle comporte depuis toujours. En effet, « s’il est vrai que la nourriture est le miroir le plus fidèle d’une société et de son histoire, le déclin de la cuisine faite maison reflète la pulvérisation des liens et des habitudes familiales, qui ont toujours eu une forte portée symbolique dans la préparation et le partage de la nourriture »48. On peut donc supposer que la tendance à l’individualisation de la consommation découle de la frénésie générale des rythmes de vie et, par conséquent, des nouvelles dynamiques familiales. Il n’est pas anodin d’observer que les personnes vivant seules donnent moins d’importance à la préparation et à la consommation des repas, avec une fragmentation de leur mode de consommation et une préférence plus marquée pour les en-cas49. Tout ceci entraîne un appauvrissement des moments réservés aux repas, caractérisés de nos jours par l’absence de commensalité et de convivialité. Comme nous l’avons déjà exposé, la convivialité est un des éléments qui, plus que tout autre, confère satisfaction à table. C’est pourquoi son absence implique une perte de plaisir et de l’aspect relationnel propre aux repas partagés. Toutefois, l’individualisation permet également une plus grande personnalisation de la nourriture, qui favorise le développement d’une offre alimentaire qui répond de mieux en

mieux aux besoins spécifiques de la clientèle, aussi bien en termes de qualité de l’offre que des formats disponibles. Il suffit de penser à la création d’aliments ou de régimes alimentaires spécifiques sur la base du patrimoine génétique et des pathologies particulières à chaque individu ou, plus simplement, aux portions individuelles conçues dans l’objectif de réduire le gaspillage.

Le développement durable Comme nous l’avons avancé dans la partie relative aux forces de changement et/ou de conservation, le consommateur est de plus en plus attentif aux thématiques du développement durable et exige des entreprises du secteur alimentaire qu’elles assument davantage leurs responsabilités en termes de protection de l’environnement et de la qualité des produits. Le consommateur devient ainsi « autonome, autrement dit critique, indépendamment de ses choix, et désireux d’instaurer un dialogue, une relation réelle avec le monde de la production »50. Le consommateur issu de ce processus peut être défini comme « responsable » : il prend en considération l’impact sur l’environnement des produits alimentaires et, en particulier, des facteurs tels que la pollution causée par les sites de production, la quantité d’énergie utilisée dans la production, le choix de matériaux recyclés ou de matériaux qui impliquent des ressources renouvelables, etc. En outre, on entend de plus en plus parler en italien de consumAttori (consommActeurs), un type de consommateurs qui veulent participer activement au processus de création du produit alimentaire, et non plus jouer le rôle de simples spectateurs. Dans les faits, les consommActeurs souhaitent devenir co-protagonistes et interagir avec les producteurs, participant de manière active et se réunissant parfois, même de façon informelle, en groupes d’achat (appelés « co-producteurs »)51. L’apparition de ces nouveaux rôles permet ainsi aux sociétés de mettre en place des stratégies d’entreprise expérimentales fondées sur la compétitivité coopérative : producteurs et consommateurs travaillent en équipe pour atteindre des objectifs communs qui bénéficient à tous les participants à l’échange économique. D’autre part, à la participation de consommateurs responsables s’oppose la présence d’autres consommateurs que de telles problématiques laissent totalement indifférents. En effet, comme nous l’avons évoqué dans le premier chapitre, la société postmoderne est caractérisée par un fort individualisme qui, parfois, aboutit à une non-responsabilisation. Dans le secteur alimentaire, cet aspect se traduit par la carte blanche ou presque conférée aux institutions pour intervenir sur les problèmes liés au développement durable au moyen d’initiatives institutionnelles. Après avoir mis en avant le contexte général qui nous intéresse (paradigmes et forces de changement et/ou de conservation) et surtout après avoir approfondi les tendances alimen taires qui influencent actuellement les comportements humains, nous établirons dans le prochain chapitre un schéma analytique servant à comprendre comment ces tendances pourraient évoluer dans l’avenir puis, sur la base de ce schéma, nous dévoilerons le scénario alimentaire souhaitable et durable pour 2030. Dans le prochain chapitre, nous aborderons également plusieurs grandes thématiques qui influenceront à l’avenir les comportements sociaux d’un point de vue alimentaire, et nous tenterons de comprendre à travers plusieurs pistes de réflexion quels comportements devront être adoptés par les acteurs impliqués dans le monde de l’alimentation (consommateurs, entreprises, institutions, etc.).

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

et cafétérias où il est souvent possible de consommer sandwiches et plats express. De plus, il ressort de certaines études qu’aux États-Unis, 15 % des repas sont consommés en voiture et, conformément à cette tendance, environ 60 % des ventes de petits-déjeuners dans les fastfoods sont réalisées aux drives46. En deuxième lieu, on observe également des changements dans les typologies de produits achetés avec l’émergence d’un intérêt accru pour les aliments issus de toute une série de services, faciles à acheter et à préparer, pratiques et rapides à consommer : il s’agit des aliments dénommés convenience food, des plats tout-prêts ou presque à faire cuire au microondes ou à faire seulement réchauffer, reflets des innovations technologiques survenues dans le secteur alimentaire. En outre, on assiste aussi à une demande de plus en plus forte d’optimisation des temps de préparation des repas. En est l’exemple la chaîne Dream Dinners qui remporte un franc succès aux États-Unis. Celle-ci offre une solution alternative à la préparation des repas : il s’agit d’une chaîne de magasins répondant à l’appellation de « do-it-yourself dinner shop », où les personnes peuvent préparer rapidement des plats qui non seulement se rapprochent davantage de leurs besoins individuels mais coûtent aussi moins chers que les plats préparés achetés dans les supermarchés ou les restaurants. Les clients choisissent tout d’abord es menus et commandent en ligne les ingrédients dont ils ont besoin, puis ils prennent rendezvous dans le magasin le plus proche pour assembler les ingrédients et préparer ainsi un dîner à emporter et consommer chez eux47. Les aspects traités jusqu’ici renvoient à deux types d’impact sur les comportements humains. D’une part, nous avons la recherche toujours plus poussée de praticité des aliments, qui se traduit par la tendance à l’achat des aliments dits « convenience food ». D’autre part, en revanche, nous assistons à la diffusion chez les personnes d’une situation de pression psychologique constante, qui comporte souvent de hauts niveaux de frénésie, d’impatience et de stress émotionnel. Il en résulte non seulement une réduction du temps dédié aux repas, mais aussi une faible attention générale accordée aux aspects nutritionnels de l’alimentation.

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la partICIPATION DE CONSOMMATEURS « RESPONSABLES » S’OPPOSE À LA PRÉSENCE DE CONSOMMATEURS TOTALEMENT INDIFFÉRENTS


© Corbis

3. UN SCéNARIO ALIMENTAiRE POSSIBLE PouR 2030


3.1 Introduction et plan d’analyse de référence

Avant d’esquisser le scénario alimentaire futur, pour avoir une exposition plus claire de la méthodologie adoptée, on se rapporte à un schéma récapitulatif présentant la caractéristique distinctive de chaque tendance alimentaire, qui est à son tour rattachée aux éléments en opposition concernés. TENDANCE ALIMENTAIRE CARACTÉRISTIQUE DISTINCTIVE

-

D

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leS TENDANCES SONT REGROUPÉES PAR PAIRES EN APPARENTE ANTITHÈSE ET SONT CARACTÉRISÉES PAR DES ÉLÉMENTS EN OPPOSITION ET DES ÉLÉMENTS DISTINCTIFS

ans les chapitres précédents, nous avons présenté le modèle d’analyse élaboré, en décrivant les grands paradigmes qui influent sur la réalité socio-économique actuelle et les forces de changement et/ou de conservation qui la caractérisent, et enfin, en étudiant en détail les tendances alimentaires présentes dans le contexte actuel. En partant des tendances dont nous avons parlé dans le deuxième chapitre, nous proposons maintenant de dessiner un scénario alimentaire projeté dans les deux prochaines décennies, le plus souhaitable et durable possible ; un scénario alimentaire qui soit donc : réaliste, en termes de probabilité, en se référant aux paradigmes et aux forces de changement et/ou de conservation qui agiront sur la vie des personnes ; constructif, en offrant aux personnes un cadre leur présentant comment elles pourront se nourrir à l’avenir (une perspective qui coïncide réellement avec une solution accessible, réalisable, basée sur la valeur du bien-être individuel, collectif et environnemental – en d’autres termes, une solution heureuse) ; durable, de par sa structure. Par conséquent, nous nous concentrerons sur les comportements des personnes et leur mode de vie : en effet, nous sommes convaincus que le défi des prochaines décennies sera d’essayer de réduire l’écart entre le désir et la possibilité d’accéder à un mode de vie spécifique dans le cadre alimentaire, en surmontant les conditionnements des systèmes sociaux et culturels existants. Comme nous l’avons vu, dans le cadre alimentaire, chaque tendance découle de nombreux facteurs partiellement différents. Cependant, il est possible d’identifier pour chaque tendance un caractère distinctif particulier qui la qualifie de manière plus précise. C’est pourquoi dans le chapitre précédent, nous avons identifié pour chacune des treize tendances alimentaires la caractéristique qui la distingue des autres, élément qui, compte tenu des données et des modèles examinés, est censé être en mesure d’identifier la tendance de référence mieux que d’autres. En outre, pour chaque caractéristique, nous avons présenté quelques facteurs qui peuvent avoir une incidence, de façon opposée, sur les comportements des personnes1. Sur la base de l’analyse effectuée, les tendances peuvent alors être regroupées en « paires de tendances », en antithèse apparente. Plus précisément, on se réfère à l’opposition, sous certains aspects présumée et théorique, entre les traits distinctifs tels que2 : plaisir et bien-être ; mémoire et progrès ; innovation et simplicité ; échange et territoire ; exclusivité et accessibilité ; temps et relation. En raison de sa spécificité, le thème relatif à l’environnement a été traité séparément.

-

OBSESSION Peur incontrôlée de la nourriture

GOÛT PLAISIR

ATTENTION À LA SANTÉ BIEN-ÊTRE

SATISFACTION Expérience culinaire comme expérience sensorielle BÉNÉFICE Attention à la santé individuelle Nourriture comme moyen de préserver l’esprit et le corps

PRÉJUDICE Hostilité envers la nourriture « exotique » Comportement de défense Nostalgie comme refuge

LE REGARD VERS LE PASSÉ MÉMOIRE

CONSERVATION/ VALORISATION Attention aux traditions

-

PERTE DE LA VALEUR HISTORIQUE DE LA NOURRITURE Perte des traditions

LE REGARD VERS LE FUTUR PROGRÈS

INNOVATION Échange et découverte de nouveaux aliments et styles culinaires

-

SOPHISTICATION DE LA NOURRITURE Éloignement des pratiques quotidiennes

TECHNOLOGIE INNOVATION

DÉCOUVERTES TECHNOLOGIQUES Développement de nouvelles modalités productives de préparation et de consommation

-

-

-

OBSESSION POUR LA NOURRITURE BIOLOGIQUE Hostilité envers les innovations

NATURALITÉ SIMPLICITÉ

ALIMENTS NATURELS, COMPLETS Absence de manipulations

HOMOGÉNÉISATION Perte de la diversité et des traditions locales

MONDIALISATION DES SAVEURS ÉCHANGE

INTÉRÊT ET CURIOSITÉ Mélange d’expériences et de saveurs

CONDITIONNEMENT Produits de niche, mauvaise accessibilité

ALIMENTATION LOCALE ET RÉGIONALE TERRITOIRE

AUTHENTICITÉ Nourriture la plus locale et de saison possible

DISCRIMINATION Économique, sociale et culturelle Polarisation BAISSE DE LA QUALITÉ DE L’OFFRE

HÂTE/FRÉNÉSIE Réduction du temps consacré aux repas Peu d’attention aux aliments APPAUVRISSEMENT DU MOMENT DE LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE Absence de commensalité et de partage DÉLÉGATION TOTALE AUX INSTITUTIONS ET INDIFFÉRENCE

PRODUCTION ALIMENTAIRE « HAUT DE GAMME » EXCLUSIVITÉ PRODUCTION ALIMENTAIRE « BAS DE GAMME » ACCESSIBILITÉ VITESSE TEMPS

INDIVIDUALISATION RELATION

DURABILITÉ ENVIRONNEMENT

+

+

+

+ +

+ + +

ACCENT MIS SUR LA QUALITÉ

+

LARGE DISPONIBILITÉ

+

PRACTICITÉ Aliments impliquant beaucoup de services PERSONNALISATION Offre alimentaire destinée à des besoins spécifiques tant en termes de qualité que de quantité

CONSOMMATION RESPONSABLE Attention aux problèmes de la durabilité alimentaire et de la sécurité alimentaire

+ +

+

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

-

PASSE-TEMPS Nourriture comme moyen de réprimer l’ennui Nourriture hypercalorique

57


58

L

e scénario alimentaire actuel a été reconstruit sur la base des évidences qui ont émergé au cours de l’analyse conduite3 et des interviews réalisées avec plusieurs experts sur les interactions entre la nourriture et les comportements sociaux4. Dans la société postmoderne caractérisée par l’incertitude − pour ce qui est de l’état psychologique prédominant − qui se traduit souvent par l’inquiétude5, le scénario peut être synthétisé par les points exposés ci-dessous6. Au coeur de l’opposition entre plaisir et bien-être, on retrouve un des comportements alimentaires les plus caractéristiques dans l’association entre la nourriture et le passe-temps. La nourriture est souvent considérée comme un moyen de compensation psychologique de l’anxiété et de l’ennui, alors que dans la mécanique d’une consommation compulsive et répétée fréquemment, sa valeur est dévalorisée, impliquant parfois même le recours à des aliments hypercaloriques. Le manque d’attention aux bonnes pratiques alimentaires de la part de certaines personnes s’oppose à des obsessions réelles développées par d’autres (il suffit de penser au phénomène de l’orthorexie dont on a déjà parlé) : en partant d’un intérêt exagéré dans la sauvegarde de sa santé, il y a un risque de développer une préoccupation excessive vis-à-vis de l’alimentation. Si l’on tient compte au contraire de l’antithèse entre mémoire et progrès, il est possible de remarquer que l’orientation vers le passé peut conduire à une sorte de « préjudice » sur la valeur et la perception gustative des nouveaux styles culinaires. Une forme de nostalgie – qui devient recherche d’un refuge et d’un confort face à la vitesse de la vie moderne – ainsi que des attitudes d’hostilité à l’égard de la cuisine « exotique » et de défense contre l’innovation se développent. Dans le comportement des personnes davantage tournées vers l’avenir, on observe au contraire une tendance de perte de vue de la valeur historique de la nourriture, une orientation qui, justement en opposition aux valeurs de la mémoire, va dans la direction d’un éloignement progressif des traditions. Si l’on prête attention aux concepts d’innovation et de simplicité, dans le contexte actuel, certains expriment leur faible tolérance envers les innovations, adoptant des attitudes qui risquent parfois d’aboutir à des comportements excessifs liés à un style alimentaire considéré comme simple et naturel (ici, on se réfère tout particulièrement aux aliments dits « biologiques »). D’autres, au contraire, ont un recours excessif à la technologie même dans le cadre de l’alimentation, privilégiant les recettes et les ingrédients complexes et difficiles à comprendre, qui s’éloignent beaucoup non seulement de l’idéal de simplicité, mais aussi des pratiques culinaires quotidiennes. Dans ce cas, les médias de masse jouent certainement un rôle essentiel : pour le consommateur de l’ère postmoderne, il est en effet difficile de s’y retrouver entre les rappels toujours plus fréquents à la simplicité et à la naturalité diffusés par la publicité, et les slogans utilisés par les chefs à la mode et à l’avant-garde sur le thème de l’utilisation des ingrédients « extrêmes ». Dans les acceptions d’échange et de territoire est ancrée l’opposition entre la tendance à l’homologation alimentaire et le choix de se limiter à manger exclusivement des produits locaux et régionaux. © Corbis

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

3.2 La réalité de l’alimentation aujourd’hui


aujourd’hui

2030

GOÛT

PLAISIR

ATTENTION À LA SANTÉ BIEN-ÊTRE

LE REGARD VERS LE PASSÉ

+

LE REGARD VERS LE FUTUR

TECHNOLOGIE

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NATURALITÉ

MONDIALISATION DES SAVEURS

PRODUCTION ALIMENTAIRE « HAUT DE GAMME » PRODUCTION ALIMENTAIRE « BAS DE GAMME »

VITESSE

INDIVIDUALISATION

DURABILITÉ

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ENVIRONNEMENT

+

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RELATION

+

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TEMPS

+

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ACCESSIBILITÉ

+

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EXCLUSIVITÉ

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TERRITOIRE

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NOURRITURE LOCALE ET RÉGIONALE

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SIMPLICITÉ

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INNOVATION

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PROGRÈS

+

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MEMOIRE

ÉCHANGE

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+

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SCÉNARIO ALIMENTAIRE ACTUEL

-

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COMMENT?

SCÉNARIO ALIMENTAIRE FUTUR

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+

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

D’une part, la mondialisation influence la situation alimentaire actuelle, en orientant les comportements vers une homogénéisation qui pousse souvent les personnes à s’éloigner petit à petit des habitudes et des traditions alimentaires locales, entraînant en outre la perte d’une partie de la « diversité » gustative d’un territoire spécifique. L’authenticité et l’unicité des produits locaux risquent ainsi d’être appauvries au nom de la consommation mondiale, accessible à tous en tout lieu et à tout moment. D’autre part, on retrouve au contraire dans le comportement des personnes un élément de conditionnement qui les conduit à restreindre leurs choix alimentaires aux aliments produits uniquement à proximité, moins disponibles et accessibles, dans certains cas. Il est important de souligner que le détachement des habitudes − en plus d’un transfert intergénérationnel de saveurs et savoirs culinaires faible ou absent − est en partie dû aussi à l’influence que le consommateur subit des moyens de communication, de la pression de la publicité et des politiques commerciales du réseau de distribution. Dans le scénario alimentaire actuel, exclusivité et accessibilité (ici dans le sens purement économique) – particularités des deux tendances qui vont vers la consommation d’aliments de luxe et bon marché – ont des retombées sociales et de qualité avec des effets exactement opposés. Parmi les personnes, on remarque en effet des comportements orientés : vers la discrimination économique et culturelle, attribuable d’une certaine façon au climat de polarisation ; vers l’acquisition de produits à bas prix, tout en étant conscientes d’une tendance à la perte de valeur du produit. Dans ce cas, on se réfère non seulement à la perte qualitative de l’offre alimentaire, mais également de sa mémoire, de son histoire et de la garantie de sécurité que le consommateur demande : la sécurité, une caractéristique considérée comme indispensable, est en même temps considérée comme évidente. L’appauvrissement qualitatif de l’offre alimentaire réside dans le fait qu’à l’époque actuelle, sa valeur coïncide presque exclusivement avec le goût : si on ne met pas en valeur d’autres caractéristiques (mémoire, sécurité, etc.), on court le risque que la nourriture soit évaluée comme n’importe quel autre produit. Le lien entre le temps à disposition et les rapports sociaux démontre plutôt une corrélation entre hâte et frénésie (conséquences de l’état d’urgence constante qui caractérise la vie d’une grande


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Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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LORSQU’ON PEUT MANGER CE QUE L’ON VEUT, PARTOUT ET À TOUT MOMENT, LA NOURRITURE, À la fois OMNIPRÉSENTE ET TRANSPARENTE, est banalisÉe

partie de la population) et un appauvrissement du moment voué à la consommation alimentaire. Petit à petit, les personnes consacrent de moins en moins de temps à la préparation et à la consommation des repas, négligeant les aspects nutritionnels et limitant les moments de convivialité et de partage (dont la forme même se retrouve modifiée). En même temps, grâce à la connectivité grandissante qui se répand de plus en plus à notre époque, de nouvelles formes de partage et de convivialité sont en train de voir le jour, caractérisées par une compréhension des dimensions spatiales et temporelles profondément différente. Comment tout cela pourra influencer cette forme particulière de convivialité qu’est la consommation de nourriture, représente un domaine de recherche attirant, mais qui reste aujourd’hui encore difficile à interpréter. Enfin, concernant la durabilité, par rapport à la nécessité d’attention réelle à prêter à la raréfaction croissante des ressources naturelles, il subsiste encore une grande marge de manoeuvre pour voir s’affirmer une véritable conscience environnementale. Aujourd’hui, en effet, prévalent les comportements d’indifférence, ainsi que les thèses de déresponsabilisation et de délégation aux institutions ou aux grands acteurs du secteur alimentaire (dans les faits, l’industrie alimentaire), qui sont aussi les acteurs les plus actifs dans la protection des ressources naturelles. À cet égard, le syndrome NIMBY (Not In My Back Yard, c’est-à-dire Pas dans ma cour) semble prendre de l’ampleur : nombreux sont ceux qui s’opposent encore à des interventions qui sont dans l’intérêt général de l’environnement, tout simplement parce que celles-ci sont perçues – souvent à tort – comme pouvant limiter leur individualité. Pour résumer, les caractéristiques les plus inquiétantes du scénario alimentaire de la société postmoderne semblent être les suivantes : Les personnes mangent de plus en plus fréquemment seules et il arrive alors que l’alimentation devienne trop personnalisée et difficilement partageable, découpée sur des besoins nutritionnels spécifiques : une sorte de négatif photographique du repas tel que nous l’entendions jusqu’à présent, consommé en groupe et partageant la même nourriture7 ; « Quand on peut manger n’importe quoi, n’importe où et n’importe quand – comme à l’époque actuelle – la nourriture, omniprésente et transparente en même temps, est banalisée »8 ; « Aujourd’hui, la prise de conscience de la nourriture est un aspect qui peut être considéré comme élitiste, parce que la connaissance et la possibilité nécessaires pour créer une telle prise de conscience ne sont accessibles qu’à certains (principalement les personnes ayant de plus grandes ressources économiques) »9 ; Les personnes raisonnent toujours plus dans une logique de « débit/crédit calorique » : on est inondé d’informations sur les propriétés nutritionnelles et la sécurité alimentaire, avec pour conséquence l’alternance de comportements qui vont dans le sens de l’attention à la santé (« débit ») et de comportements qui vont dans le sens inverse (« crédit ») ; Souvent, vitesse et frénésie amènent les personnes à établir une relation excessivement superficielle et limitative non seulement vis-à-vis du moment consacré à l’alimentation elle-même, mais aussi vis-à-vis de la culture culinaire et, en général, de la valeur des aliments, les réduisant à de simples nutriments et déterminant ainsi leur marchandisation comme n’importe quel autre produit. Une telle vitesse influence souvent le rapport à la nourriture, même au moment où l’on choisit de changer son régime alimentaire, exigeant des résultats dans un délai très court (« tout, tout de suite »). Compte tenu de cette situation de départ, il est souhaitable qu’au cours des deux prochaines décennies survienne une transition progressive vers un nouvel équilibre, grâce à laquelle les éléments les plus importants en termes de régime alimentaire équilibré et positif pourraient peser davantage (tel que représenté dans le schéma à la page 57). C’est pour cette raison que la « transition » est le point central de notre réflexion et consiste à inverser la tendance de recherche à travers l’identification des éléments fondamentaux du processus de changement demandé aux acteurs du monde alimentaire.


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N À l’avenir, IL FAUDRA QUE PRÉVALE L’IDÉE SELON LAQUELLE LE PLAISIR EST SALUTAIRE

ous allons maintenant exposer ceux qui devraient être, d’après nous, les principaux points d’un « équilibre » nouveau et meilleur.

Le premier point concerne l’opposition théorique entre recherche du plaisir et attention à la santé. Il faudrait rechercher une situation de bien-être général, qui combine à la fois le bénéfice physique et psychologique avec le plaisir donné par le contentement de plusieurs sens. L’idée que le plaisir est sain − ou bien que ce qui plaît fait du bien − est en effet un des fondements de la diététique antique10. La relation entre l’alimentation et le plaisir des sens donne lieu à un enchevêtrement assez complexe, où les besoins, le désir et le plaisir sont des dimensions qui se superposent. Pour ce faire, nous avons besoin d’une éducation au goût renouvelée qui aide à valoriser des habitudes alimentaires plus diverses et articulées, en mettant en perspective le rôle que jouent les différents aliments dans l’alimentation quotidienne, sans privations mais avec plus de « sobriété » et avec la démonstration pratique de la façon dont même les aliments non identifiés comme « source de plaisir » peuvent en réalité être préparés avec satisfaction et être partagés avec plaisir. Il s’agit de redécouvrir les saveurs et les caractéristiques des aliments, pour les apprécier pleinement − comme c’est déjà arrivé en partie au cours des vingt dernières années pour le « monde du vin ». Par conséquent, il faudra répandre l’idée « forte » qu’il est possible de se nourrir correctement, en maintenant un style alimentaire capable de préserver la santé, sans pour autant renoncer au goût et au plaisir de l’alimentation. Une affirmation semblable devra être de plus en plus fréquemment accompagnée de propositions alimentaires cohérentes de la part de l’industrie, des diverses formes de restauration collective et au moyen de la diffusion d’informations alimentaires correctes de la part des institutions, dans un processus d’éducation progressive active au goût et à la santé (à titre d’exemple, il suffit de penser aux initiatives éducatives et relationnelles réalisées par des mouvements tels que Slow Food et des intiatives commeriales comme Eataly). En particulier, dans ce contexte, il faudra promouvoir le concept plus large de mode de vie, opposé au concept plus restrictif de régime, puisqu’un bon mode de vie basé sur une alimentation équilibrée et une activité physique régulière semble être la clé qui assurera le bien-être dans la longévité11.

En liaison aux lignes directrices pour le passé et l’avenir il apparaît tout à fait raisonnable que chacun de nous expérimente un nouveau sens de la « mesure » entre la conservation et l’innovation, en mettant en valeur de nouveaux aliments et styles culinaires, sans oublier les traditions, mais en étant conscient que les traditions sont un produit historique qui change au fil du temps.

Il faudra donc accepter les aliments et les innovations, en surmontant ce genre de méfiance qui caractérise le consommateur actuel et en élargissant ainsi les limites de l’identité d’une communauté. Dans un sens, nous devrons laisser de côté les perplexités inhérentes au progrès et la vision statique liée exclusivement à la nostalgie du passé pour embrasser l’innovation, non plus entendue comme perte des traditions, mais bien comme l’affirmation de nouvelles idées utiles pour répondre aux besoins sociaux changeants. En 2030, espérons que les personnes choisiront avec soin aussi par rapport à l’interaction entre technologie et naturel les découvertes technologiques ne peuvent et ne doivent plus être sacrifiées au nom de la naturalité qui présuppose l’absence de manipulations. D’autre part, comme évoqué précédemment, la manipulation humaine et la technologie sont toujours intervenues dans la préparation de la nourriture. « Cuisiner est l’activité humaine par excellence, c’est le geste qui transforme le produit de la nature en quelque chose de profondément différent : les modifications chimiques induites par la cuisson et par la combinaison des ingrédients permettent de porter un aliment à la bouche, qui s’il n’est pas totalement artificiel, est sans aucun doute construit »12. À cet égard, nous soulignons le fait qu’il existe certains « mythes à démythifier » tels que le concept d’aliments crus (un modèle alimentaire qui consiste à consommer principalement des aliments crus et vivants et qui s’est largement diffusé ces dernières années), considéré par certains comme l’expression ultime de naturalité. Dans certains cas, en effet, on fait appel à des technologies avancées pour répondre justement au besoin de « crudité » (il suffit de penser au poisson cru et à la nécessité d’utiliser les appareils de réfrigération pour assurer les niveaux de sécurité nécessaires). En outre, souvent « local » est associé à « naturel » : cependant, il n’est pas toujours correct de penser que ce qui est autochtone est naturel, authentique, et que ce qui provient de l’extérieur est sophistiqué et artificiel. L’industrie alimentaire et tous les acteurs du monde de l’alimentation ont pour défi de proposer des solutions et des innovations capables de rendre les produits des différentes catégories de marché toujours plus riches du point de vue nutritionnel et agréables en termes de goût. Comme annoncé précédemment, la globalisation des saveurs met en difficulté l’identité culturelle de l’alimentation. Il est souhaitable qu’à l’avenir, compte tenu de la situation actuelle qui tend vers l’homogénéisation des modèles alimentaires, l’intérêt et la curiosité envers l’« exotique » s’accompagnent du retour aux racines, aux saveurs et aux goûts (ce qui conduit souvent à la découverte des échanges et des rapports entre sa propre culture et d’autres cultures) et de la redécouverte du territoire et de l’authenticité des aliments locaux et saisonniers. À l’avenir, diffuser, faire connaître et partager les cultures locales sera un des moyens les plus appropriés pour lutter contre les effets découlant de l’homologation culturelle et gastronomique. Dans la pratique, il s’agira d’échanger dans les marchés mondiaux non seulement des marchandises, mais aussi des aliments et des styles alimentaires : connaître les cultures alimentaires d’un groupe pourra être un moyen d’encourager l’intégration dans des contextes de plus en plus multiethniques, la protection d’une biodiversité alimentaire et gastronomique, et un moyen de diffuser largement l’idée d’alimentation durable et de plaisir, « un plaisir considéré comme légitime, presque nécessaire »13. Prenant en compte maintenant l’opposition entre la production alimentaire « haute de gamme » et la production alimentaire « bas de gamme » il apparaît clairement qu’à l’avenir, l’ensemble de l’offre alimentaire devra respecter des exigences minimales croissantes de qualité entendue au sens large, allant de la sécurité alimentaire à la perception organo-

IL FAUDRA VALORISER LES NOUVEAUX ALIMENTS ET STYLES CULINAIRES SANS OUBLIER LES TRADITIONS

lE DÉFI SERA DE PROPOSER DES SOLUTIONS ET DES INNOVATIONS QUI RENDENT LES PRODUITS PLUS AGRÉABLES ET AMÉLIORENT LEUR VALEUR NUTRITIONNELLE

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

3.3 Le scénario alimentaire de 2030

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l’intÉrÊT ET LA curiositÉ POUR TOUT CE QUI EST EXOTIQUE DEVRAIENT ALLER DE PAIR AVEC LA REDÉCOUVERTE DES RACINES, DES SAVEURS ET DU GOÛT


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UN CHANGEMENT CULTUREL SERA NÉCESSAIRE POUR AUGMENTER LE NIVEAU D’ATTENTION PORTÉ À L’ENVIRONNEMENT

À l’avenir, pourtant, des valeurs comme la convivialité et la commensalité ne pourront pas être reproduites fidèlement car de l’accélération du rythme de vie, de la frénésie et du manque de temps à consacrer aux repas qui en découlent, naîtront de nouveaux moments et modèles de convivialité. La prise de conscience que le rythme de notre vie est voué à changer de manière structurelle, associée à la reconnaissance de l’importance de la notion de « convivialité », pourra constituer un point de départ utile pour la structuration de systèmes d’offre et, parallèlement, de choix des personnes, adaptés au nouveau contexte. La récupération de la convivialité passe non seulement par la modification de l’offre, mais aussi par un véritable changement de modèle technologique, où jusqu’à présent (sauf pour certaines entreprises capables d’adopter une vision profondément « humaine » de la technologie, qui peuvent toutefois être considérées comme des exceptions), la connectivité accrue ne s’est pas traduite en plus de temps et/ou qualité de ce dernier, mais en une surexposition du travail16. En plus l’attention à l’environnement deviendra un des facteurs fondamentaux à la base du comportement alimentaire de l’avenir : l’homme devra se rendre compte qu’il est nécessaire d’avoir un comportement responsable pour veiller à ce que la planète utilise efficacement et ne gaspille pas les ressources à sa disposition. Un changement culturel sera nécessaire pour changer les convictions les plus profondes, les modes de vie individuels et les modes de production et de consommation. Pour répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels d’un monde plus riche, plus urbanisé et avec une population croissante, il sera en effet crucial de diffuser des habitudes alimentaires durables, en transmettant la prise de conscience aussi du coût lié aux impacts environnementaux des différents modèles alimentaires17. En conclusion, nous espérons qu’en 2030 l’attention se sera déplacée davantage sur le « comment » on mangera plutôt que sur le « quoi » : c’est le choix du « comment », de la valeur attribuée à la nourriture,

Comme l’a souligné Claude Fischler dans l’introduction de Il valore della Mediterraneità (BCFN, 2010), c’est la dimension sociale de la commensalité qui joue un rôle clé dans l’adoption d’une perspective alimentaire correcte par les personnes, favorisant une approche équilibrée de l’alimentation. Le « comment » (les valeurs, la culture) prévaut sur le « quoi » (les produits). En d’autres termes : dis-moi comment tu manges et je te dirai qui tu es.

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© Corbis

DES VALEURS COMME LA CONVIVIALITÉ ET lA COMMENSALITÉ PRENDRONT À L’AVENIR DES SENS DIFFÉRENTS

de son poids dans la vie personnelle et sociale, qui constitue un tournant possible pour l’adoption d’habitudes alimentaires saines et pour la configuration de systèmes d’offre accessibles et de bonne qualité.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

À L’AVENIR, LA VALEUR DES ALIMENTS DEVRA ÊTRE ASSOCIÉE À DES FRÉQUENCES OPTIMALES DE CONSOMMATION

leptique, du niveau nutritionnel à la durabilité des processus qui la régissent, de l’usage et de la commodité d’utilisation à la facilitation de réduction du gaspillage. Contre la consommation de produits bon marché, on note un désir d’expérimenter de bons aliments reconnus pour leur qualité. En particulier, avec l’accroissement du niveau de traçabilité des produits grâce à l’élargissement des frontières commerciales, « l’objet du désir n’est plus la nourriture abondante, mais la nourriture rare »14. On peut attribuer ceci au fait que de nos jours, la différenciation sociale, économique et culturelle est synonyme d’exclusivité. Dans cette situation, gouvernée par des dynamiques qui ont trop souvent peu ou rien à voir avec les bons choix alimentaires, ce qui paraît souhaitable est l’affirmation d’une réalité dans laquelle le prix (et en général, la valeur) des aliments est placé, dans une certaine mesure, en connexion avec les fréquences optimales de consommation, selon les indications offertes par les nutritionnistes15, afin d’orienter concrètement les personnes vers l’adoption de « bons » modèles alimentaires. Dans ce contexte s’inscrit également le thème des coûts liés à certains régimes hypocaloriques : en effet, les styles diététiques les plus courants semblent être caractérisés par des coûts élevés, précisément parce qu’ils nécessitent des aliments particuliers et pas toujours communs au régime alimentaire, quand en fait la plupart du temps, il n’est pas nécessaire de dépenser beaucoup d’argent pour suivre un mode alimentaire sain. En liaison aux aspects relationnels de l’alimentation à l’avenir, les valeurs de convivialité et de commensalité devront prendre de plus en plus d’importance. Le partage de nourriture est en effet universellement reconnu comme étant l’un des moyens fondamentaux permettant de favoriser, d’établir et de maintenir des rapports interpersonnels. Au contraire, l’absence de partage, typique des aspects liés à l’individualisation, véhicule le sentiment de détachement social, de distance et d’exclusion.


Lynn Johnson/National Geographic Stock

4. LE QUESTIONS-CLé Liées au scénario alimentaire de 2030


4.1 questions décisives pour l’avenir

traduira également par la manière dont sont déclinés et associés les aliments à l’intérieur du régime alimentaire, par l’élimination de la monotonie (conséquence de la rapidité) et par la capacité de sélectionner des aliments à la fois sains et gratifiants.

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D

epuis le début, nous avons toujours pensé que notre travail ne pouvait aboutir à aucune conclusion, sinon à une séquence de questions ouvertes sur le futur, des questions utiles pour réfléchir aux choix qui, au cours des prochaines années, devront être effectués tout d’abord par les personnes et, de manière plus générale, par les acteurs du secteur alimentaire. Sans pour autant chercher à apporter des réponses ponctuelles à chacune des questions posées, nous souhaitons mettre l’accent sur le concept de « mesure », compris comme le balancement et le juste équilibre entre des tendances en apparente antithèse les unes avec les autres. Il s’agit de l’un des points cruciaux d’une approche équilibrée sur les thèmes de l’alimentation, aujourd’hui et dans l’avenir proche. Voici quelques-unes des questions qui, selon nous, sont les plus importantes. À l’avenir : 1 Comment concilier le sens de la frénésie de l’époque contemporaine avec le be-

soin d’un retour à la convivialité ? Dans un contexte défini par Bauman comme une « vie au pas de course »,1 nous avons assisté à un changement des règles et des modes de partage de la nourriture. En effet, il est de plus en plus fréquent pour les personnes de manger seules, dans des lieux différents des lieux traditionnels, et de consommer des aliments personnalisés, recoupés sur la base d’exigences nutritionnelles spécifiques. Le phénomène de l’individualisme est de plus en plus présent même à table, un phénomène défini par Claude Fischler comme « l’une des causes de la dissolution de l’identité collective »2. Ainsi, à l’avenir, les individus devront retrouver la valeur de la convivialité et élaborer de nouvelles solutions pour consacrer du temps aux repas consommés en compagnie d’autres personnes. Ces repas ne devront pas nécessairement respecter au quotidien les rituels du « slow food ». Cependant, ils viseront principalement à exploiter le moment consacré à l’alimentation pour créer des liens et communiquer avec autrui. 2 Comment la recherche du plaisir, c’est-à-dire du « goût », coexistera avec le

souci croissant du bien-être ? Souvent, l’attention prêtée à la santé via l’alimentation est perçue comme étant en contraste net avec la recherche du plaisir. Toutefois, dans certains cas, cette opposition n’est autre qu’un mythe à démythifier. À l’avenir, l’attention prêtée à la santé et à la consommation d’aliments capables de fournir un regain de bien-être physique ne constituera plus un obstacle à la satisfaction liée aux plaisirs sensoriels : dans ce sens, l’idée déjà mentionnée selon laquelle « ce qui plaît est bon pour la santé » coïncidera avec cette autre idée qui veut que « ce qui est bon pour la santé, plaît ». Par conséquent, le plaisir se

Nourriture et alimentation font de plus en plus l’objet de mises en scène médiatiques. Claude Fischler3 affirme qu’aujourd’hui « nous disposons d’informations, mais en trop grande quantité. Elles sont incohérentes, cacophoniques et sujettes à de perpétuels changement ». En outre, ces informations sont contradictoires car elles nous parviennent d’une multitude de sources différentes. Il suffit de penser aux publicités, aux blogs sur Internet mais aussi aux innombrables émissions télévisées, livres et revues qui offrent des conseils d’ordre alimentaire. Le trop-plein d’informations qui se crée de la sorte contribue à induire chez les personnes un sentiment d’anxiété en lieu et place de connaissances sur les caractéristiques réelles des aliments et est en partie responsable de choix alimentaires peu adaptés. En effet, à ce propos, il apparaît que les choix alimentaires sont, certes, l’expression de l’identité d’une personne, mais aussi le résultat d’un processus d’acquisition d’informations, souvent difficiles à digérer. C’est pourquoi, à l’avenir, il nous faudra savoir gérer cet excès d’informations afin de développer chez les personnes de meilleures compétences permettant d’évaluer les aliments à sélectionner. 4 Comment la tradition et la simplicité survivront face à l’impact des innovations

technologiques et des découvertes scientifiques répercutées dès à présent (et demain) dans le domaine alimentaire ? Comme nous l’avons déjà précisé, les progrès scientifiques actuels se dirigent également vers le développement de nouveaux aliments, auxquels se rapportent les innovations technologiques orientées vers la diffusion de nouveaux modes de production. Toutefois, pour ce qui est des nouveaux aliments, les ingrédients du futur nous sont encore inconnus : les scientifiques et les futurologues prévoient la commercialisation d’aliments à base d’algues ou d’insectes, voire développés en laboratoire. Dans un tel contexte, il faudra soutenir le consommateur tout au long du processus d’acceptation de ces nouveaux aliments (à condition que leur développement permette de garantir un bon apport nutritionnel), tout en essayant de préserver les traditions culinaires. En revanche, pour ce qui est des découvertes technologiques, on rappelle l’importance du sens de mesure vis-à-vis des modalités mêmes de production. L’opinion générale selon laquelle « ce qui est naturel n’a pas été manipulé par la technologie » doit être abolie au profit d’une idée de technologie responsable, pas excessivement sophistiquée et qui répond aux besoins avancés des consommateurs du futur. 5 Comment faire coexister le caractère d’authenticité avec l’intérêt et la curiosité pour

les nouveaux modes culinaires ? Si, d’une part, les goûts s’homogénéisent, d’autre part on redécouvre les produits locaux et régionaux pour ainsi dire en réaction à ce phénomène et par pure curiosité. L’homologation mondiale devra recouvrir une nouvelle acception. On ne parlera plus de mondialisation des saveurs et d’homogénéisation, mais de diffusion et de partage des cultures culinaires. L’authenticité ne se mesurera plus seulement en termes de proximité avec les lieux et les producteurs, mais en termes de connaissance de l’histoire et des traditions. 6 L’accès à une alimentation de qualité sera-t-il l’apanage des riches uniquement ?

À l’avenir, l’un des points auxquels nous devrons prêter une attention toute particulière

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

3 Qu’est-ce qui prévaudra dans les choix alimentaires : l’anxiété ou la connaissance ?

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dans le domaine de l’alimentation sera la qualité des aliments. Aujourd’hui, le consensus veut que, pour manger bien, il faut en avoir les possibilités économiques. Certains aliments, souvent considérés comme les seuls capables de répondre aux critères de naturalité et de bien-être, sont la plupart du temps chers et difficilement accessibles au plus grand nombre. Il conviendra de garantir à tous, y compris aux tranches de la population disposant de ressources moindres, le droit de choisir parmi une offre alimentaire élargie, de bonne qualité et abordable. En d’autres termes, il faudra inculquer de meilleures connaissances aux personnes afin qu’elles comprennent qu’il est possible de manger sainement en dépensant peu.

4.2 QUE POUVONS-NOUS ENTREPRENDRE AUJOURD’HUI POUR NOUS PRÉPARER AU SCÉNARIO DE 2030 ?

7 Le consommateur postmoderne saura-t-il concilier les choix individuels avec un

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

environnement durable ? La santé des hommes ne peut être dissociée de celle des écosystèmes. Pour faire face aux exigences alimentaires et nutritionnelles d’un monde plus riche, plus urbanisé et avec une population croissante, les habitudes alimentaires des personnes devront subir des transformations radicales, en mettant de côté le sens de déresponsabilisation typique du consommateur postmoderne. Dans ce but, l’unique action possible consistera à inculquer aux personnes une plus grande sensibilité envers l’environnement, en sachant que les ressources naturelles de la planète ne sont pas illimitées et que la population ne pourra pas, à long terme, maintenir les modes de vie les plus courants à l’heure actuelle, y compris dans le domaine alimentaire.

oncrètement, que doivent faire les acteurs du système agroalimentaire pour mettre en route la transition et donner jour à la réalité souhaitée ? Quelles sont les lignes directrices et les actions à lancer pour que les possibilités et les attentes des personnes se rejoignent ? Voici autant de questions qui servent de fil conducteur dans le scénario défini pour 2030. Les principales catégories d’acteurs auxquelles nous feront référence regroupent les institutions, les entreprises du secteur alimentaire, le secteur de la distribution et celui de la restauration. Nous proposerons ci-après plusieurs réflexions sur le rôle que chaque acteur pourra jouer dans ce scénario. À titre d’exemple, pour tenter avec un peu d’imagination de faire davantage le jour sur ce que pourraient être les principales sources d’inspiration pour les choix alimentaires, nous mentionnerons des initiatives que chaque catégorie d’acteurs pourrait entreprendre. Les initiatives proposées ci-dessous sont en partie issues des analyses et des activités de recherche réalisées par le BCFN au cours des quatre premières années suivant sa création.

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RETOUR À AUJOURD’HUI QUE DEVRAIENT FAIRE LES ACTEURS POUR FAIRE EN SORTE QUE LE SCÉNARIO D’AVENIR SE CONCRÉTISE ?

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SCÉNARIO ALIMENTAIRE ACTUEL

aujourd’hui

© Corbis

SCÉNARIO ALIMENTAIRE FUTUR

2030

Comme nous l’avons déjà largement traité dans le premier chapitre, la société postmoderne est caractérisée par l’incertitude, très souvent due à la profusion d’informations en partie à cause de la prolifération des canaux de communication. Dans un tel contexte, les institutions auront le devoir de favoriser une plus grande clarté des messages, afin que le consommateur soit informé et « s’éduque » aussi à travers des initiatives entreprises par lui-même de manière individuelle. Les institutions auront, en outre, pour tâche de susciter des choix collectifs cohérents avec le scénario esquissé, afin que l’alimentation retrouve son juste poids dans les comportements des personnes. Voici quelques exemples d’initiatives que les institutions pourraient entreprendre : utiliser de manière correcte et équilibrée le levier du prix pour décourager la consommation d’aliments qualifiés de malbouffe et encourager l’achat d’aliments sains. En effet, le recours au levier du prix sur certains aliments, sans toutefois mettre en oeuvre des

leS INSTITUTIONS DEVRONT INFORMER ET « ÉDUQUER » LE CONSOMMATEUR, EN INFLUENÇANT LES CHOIX COLLECTIFS AFIN QUE L’ALIMENTATION RETROUVE SA JUSTE VALEUR DANS LES COMPORTEMENTS DES PERSONNES


Greg Winston/National Geographic Stock

Étant donné les caractéristiques du consommateur postmoderne, qui attribue plus de valeur à l’apparence qu’à la substance et voit son temps se fragmenter en épisodes, si elle entend favoriser la réalisation du scénario futur défini précédemment, l’industrie alimentaire devra proposer des solutions accessibles, praticables et guidées par la valeur du bien-être individuel, collectif et environnemental. Les entreprises devront donc être en mesure d’adapter l’offre alimentaire aux bonnes pratiques dont nous avons parlé et, en même temps, être capables de les communiquer de manière efficace. En particulier, les entreprises du secteur alimentaire devraient : continuer à développer de plus en plus de formes de plats cuisinés, caractérisées par un niveau nutritionnel élevé ; proposer de nouvelles innovations en matière de formats d’emballage pour aller dans le sens de la personnalisation croissante de l’offre alimentaire. Dans ce cas, on fait référence non seulement aux emballages monodoses (dont la présence est actuellement marginale dans la grande distribution, et limitée à certains types de produits) en vue de répondre aux besoins des personnes qui vivent seules, mais aussi aux formats spécifiques pour les familles nombreuses. Parallèlement, l’offre de l’industrie alimentaire devra faire preuve d’innovations supplémentaires pour limiter l’impact environnemental des emballages alimentaires, et en particulier la quantité de matériaux requis à l’heure actuelle pour l’emballage des produits monodoses6. Ainsi, l’industrie devrait s’orienter vers un meilleur alignement entre la satisfaction des tendances actuelles de consommation et une gestion responsable des emballages ; aider les personnes à réduire au minimum les gaspillages, notamment grâce à l’engagement de toute la filière de production7 ; poursuivre leur activité de reformulation des produits déjà existants au vu des progrès technologiques croissants et développer de nouveaux produits permettant d’offrir un choix de plus en plus vaste pour faire face aux exigences nutritionnelles des personnes vivant seules ; promouvoir des habitudes alimentaires et de vie saines dès les premières années de la vie d’une personne, grâce à la définition et à la mise en oeuvre de stratégies de production (reformulation de produits existants et/ou de produits innovants aux contenus nutritionnels étudiés) et de communication toujours plus en ligne avec les indications provenant des études scientifiques les plus éminentes en matière de rapport entre alimentation, mode de vie et santé ; encourager de nouvelles formes de design de la communication. Dans ce sens se trouveraient modifiés non seulement les contenus véhiculés au moyen de la communication, mais aussi le ton et le style utilisés, afin d’exercer un plus fort impact sur les comportements.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

interventions spécifiques qui favorisent le choix d’alternatives plus saines et les rendent accessibles concrètement au consommateur, ne semble pas en mesure d’influencer de manière significative les comportements4 ; promouvoir l’adoption d’habitudes alimentaires et de vie qui privilégient la consommation des aliments ayant un plus faible impact sur l’écosystème de la planète ; encourager la création de ce qu’on appelle les « potagers urbains », qui existent déjà depuis plusieurs années dans de nombreux pays et représentent des initiatives allant dans la bonne direction en vue d’un retour au sens de la naturalité et d’un plus grand sens de convivialité. À l’avenir, on ne peut donc qu’espérer que les institutions s’engageront elles aussi pour une meilleure gestion des lieux permettant de faire redécouvrir la valeur de la naturalité et de la simplicité ; favoriser la diffusion d’informations et d’une éducation alimentaires correctes dans le but de promouvoir l’adoption d’habitudes alimentaires et de vie adéquates, afin que les individus prennent pleinement conscience de l’importance des modes alimentaires et disposent de connaissances plus complètes sur ce thème. Il est, en effet, nécessaire d’aider les personnes à choisir et à mettre en place un style alimentaire équilibré5.

l’industriE ALIMENTAIRE DEVRA PROPOSER DES SOLUTIONS VIABLES et ABORDABLES, GUIDÉES PAR LA VALEUR DU BIEN-ÊTRE INDIVIDUEL, COLLECTIF ET ENVIRONNEMENTAL

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la rEstAURATION DEVRA ÉLABORER DE NOUVELLES SOLUTIONS POUR AIDER LES PERSONNES À TROUVER DES MOMENTS CONSACRÉS AUX REPAS conviviaux

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Dans le monde actuel, caractérisé par la vitesse et la forte numérisation envahissant quasiment tous les aspects de la vie des personnes, le secteur de la distribution jouera un rôle clé dans la mise en oeuvre de solutions qui répondent à ces exigences. Cela consistera par exemple à : développer de nouveaux modes d’achat rapide, en augmentant leur numérisation. En effet, à ce jour, certaines de ces procédures semblent être encore peu diffusées, comme les caisses automatiques dans les supermarchés, le self-scanning8 ou les achats sur Internet. Un exemple évident démontrant que la technologie peut répondre à cette tendance (et à ce besoin) de frénésie est illustré, comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre, par la chaîne de magasins « do-ityourself dinner shop », qui offre la possibilité de préparer des repas de façon innovante ; mettre en place des actions et des stratégies susceptibles de diriger les choix alimentaires vers des produits sains mais aussi d’exercer un impact environnemental réduit. À l’avenir, la commensalité prendra une nouvelle dimension, générée par le mode de vie frénétique qui caractérise le consommateur : de nouvelles formes de convivialité verront le jour dans des lieux différents des lieux traditionnels. Par exemple, on mangera de plus en plus dans les rues. C’est pourquoi la restauration devra s’adapter aux nouvelles exigences, grâce notamment à l’introduction de formats innovants qui permettent de satisfaire ces nouveaux besoins. La restauration devra élaborer de nouvelles solutions pour aider les personnes à trouver le temps de partager leurs repas. Ces derniers ne devront pas nécessairement respecter les rituels traditionnels qui identifient la table comme lieu de partage, mais ils pourront se dérouler dans de nouveaux lieux de consommation. L’important est que les personnes puissent exploiter chaque jour le moment de l’alimentation pour interagir et communiquer avec les autres. En outre, dans le prolongement de telles réflexions, il convient de rappeler que famille et école sont, pour des raisons différentes, les principaux cadres d’une éducation efficace à une alimentation équilibrée, destinée aussi bien aux jeunes que, plus largement, aux adultes de demain. Si, d’une part, l’enfant « apprend » à manger en famille et intériorise les comportements alimentaires qu’il adoptera naturellement à l’avenir, d’autre part l’école (en vertu de sa présence de plus en plus importante dans le domaine alimentaire et de son potentiel à impliquer les familles) pourrait et devrait jouer un rôle réellement actif dans la promotion de styles alimentaires équilibrés, en invitant les familles à comprendre quels sont les choix alimentaires les plus adaptés et à s’allier à une proposition d’intervention unifiée.

velles logiques à l’intérieur du système ? À notre avis, un tel élément ne peut que résider dans la prise de conscience de l’impossibilité à maintenir la réalité actuelle générale, qui risque d’être ultérieurement aggravée par les développements futurs. Même si les personnes ont du mal à l’exprimer, elles souhaitent que la nourriture ait une valeur dans leur vie : elles aimeraient, pour une raison purement humaine, que la consommation alimentaire soit riche de sens, d’émotions et d’expériences. Par conséquent, les acteurs du système alimentaire doivent être capables de valoriser ce désir, pour reconstruire une approche plus équilibrée et positive de l’alimentation. Pour ce faire, il convient avant tout d’approfondir le capital culturel des personnes en matière d’alimentation, en favorisant le développement d’une nouvelle perception de la valeur intrinsèque de la nourriture. En effet, à ce jour, on semble manquer encore de capacité de jugement et d’un niveau suffisant de compétences spécifiques, indispensables à la composition de régimes alimentaires savoureux, sains et abordables, en vue d’une bonne évaluation de la valeur des offres alimentaires présentes sur le marché. Dans un tel contexte, on assiste à l’élargissement de l’écart entre les « offres premium » (par exemple, les aliments dits « biologiques » ou l’offre de la chaîne du « km zéro ») et la malbouffe. Cet écart de plus en plus grand semble sanctionner l’impossibilité de concilier goût, santé et moyens financiers. Pourtant, il existe des modèles alimentaires (comme le régime méditerranéen) capables de concilier sur le plan structurel ces aspects en apparence diamétralement opposés, sans renoncer à aucun facteur de l’équation. Il convient donc de continuer dans cette direction, bien entendu à condition de rendre de telles approches réalisables dans la vie de tous les jours, aujourd’hui et à l’avenir, en les soustrayant à la dimension du « mythe » afin qu’elles deviennent une possibilité concrète dans le quotidien des personnes.

IL CONVIENT D’APPROFONDIR la culture DES PERSONNES EN MATIÈRE D’ALIMENTATION

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Par ailleurs, le premier pas, et peut-être le plus important, vers un changement de mode de vie est incarné non pas par une révolution du style alimentaire de chacun, mais plutôt par la correction des habitudes alimentaires et de vie des individus les plus jeunes, de l’âge préscolaire jusqu’à l’adolescence. Cette période de la vie est absolument cruciale. En effet, les bonnes habitudes alimentaires et comportementales adoptées au cours des premières années après la naissance constituent un élément décisif aussi bien pour la santé pendant l’enfance et l’adolescence, que pour la santé et la qualité de vie par la suite. LA COOPÉRATION DE toutes les parties concernÉes EST NÉCESSAIRE

Même si chacun des acteurs joue bien son rôle dans la transition vers un nouveau modèle, c’est la coopération de toutes les parties prenantes impliquées à différent titre qui permettra d’obtenir le résultat voulu : l’inversion des tendances en marche ne pourra pas être réalisée par un seul agent de changement isolé ; de même qu’un seul individu ne pourra modifier un cadre qui lui inflige des influences souvent négatives, dans un contexte pratique ne favorisant pas le choix de styles alimentaires adéquats et positifs. Quel peut être l’élément capable de modifier les approches en cours et d’introduire de nou-

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DANS UN MONDE CARACTÉRISÉ PAR LA RAPIDITÉ ET UNE FORTE NUMÉRISATION, LE SECTEUR DE LA DISTRIBUTION JOUERA UN RÔLE CLÉ


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IL faut COMPRENDRE LE PRÉSENT POUR S’INTERROGER SUR LE FUTUR

l’objectif final EST D’OFFRIR AUJOURD’HUI DES PISTES DE RÉFLEXION UTILES AUX ACTEURS DU SECTEUR DE L’ALIMENTATION

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e parcours que nous avons entrepris a, avant tout, eu pour objectif de mettre en évidence les variables à surveiller afin de comprendre l’évolution des systèmes alimentaires, en mettant au centre de la scène la personne et ses comportements. La tentative de modélisation qui en est issue est imparfaite, comme le sont, du reste, tous les modèles. Toutefois, celui-ci tient compte des publications scientifiques les plus récentessur le sujet et offre un vaste cadre relativement approfondi sur le débat en cours, concernant les changements qui s’opèrent dans les comportements et dans l’attitude des personnes face à la nourriture. Nous avons utilisé ce modèle pour formuler une hypothèse de scénario « souhaité », autrement dit un scénario non seulement possible, mais aussi réaliste, constructif et durable. En effet, le but de nos travaux n’était pas d’esquisser des scénarios futurs, puisqu’il s’agit là d’une tâche qui incombe aux futurologues. Notre but recoupe, au contraire, une inquiétude qui porte avant tout sur le présent. L’exercice réalisé a eu pour objectif de fournir des pistes de réflexion aux divers acteurs du système alimentaire pour agir positivement dans la direction voulue. Pour ce faire, il nous a fallu comprendre le présent et nous interroger sur le futur. Cependant, il ne faut pas oublier que l’avenir que nous pouvons imaginer aujourd’hui dépend largement des images nous parvenant du passé ou de l’actualité. Comme Claude Fischler9 nous l’a souvent rappelé, le futur pourrait prendre des directions et des revers complètement inattendus : « Imaginons un congrès de futurologues à la fin de l’ère secondaire10, organisé dans l’objectif de discuter et d’anticiper de ce qui surviendra dans l’ère suivante, celle du tertiaire11. À la question « Que nous réserve l’avenir ? », les participants élaborent des prévisions sur la base des tendances et des éléments relatifs à l’ère en cours, lesquels dépeignent un scénario caractérisé par la présence de grandes espèces de prédateurs, à savoir les reptiles et les dinosaures. Il en découle la projection d’une ère future marquée par un nombre accru d’animaux de dimensions encore plus grandes par rapport à ceux existants. Mais personne ne prête attention aux animaux plus petits, en particulier aux souris, de minuscules créatures qui courent habituellement entre les pattes des prédateurs. Contrairement aux prévisions, ce sont bel et bien ces créatures qui, seules, survivront et deviendront les premiers mammifères, autrement dit les animaux du futur. La tâche d’un futurologue est donc particulièrement ardue, car elle consiste à « trouver la souris » dans chaque contexte d’analyse, en se référant uniquement aux tendances qui, par le passé et sur le moment, semblent le caractériser » 12. L’histoire de l’alimentation fourmille de « souris » : un bon exemple est celui de la tomate. La tomate est un des produits qui ont été découverts en Amérique centrale et introduits en Europe, suite aux explorations géographiques et à la création des premiers empires coloniaux au début du XVIe siècle.

Cette rencontre inattendue avec ce qui fut nommé le « Nouveau monde » déclencha une véritable révolution dans les cuisines de la Vieille Europe. Cette révolution donna lieu à une grande transformation qui, petit à petit, apporta en Europe des graines et des plantes jusque-là inconnues. Ce sont justement ces graines et ces plantes, découvertes dans le Nouveau monde, qui ont évolutionné la gastronomie européenne, à savoir le maïs, le cacao, la pomme de terre, le poivron, le piment et d’autres aliments parmi lesquels la tomate. Cette dernière (qui passa initialement inaperçue) modifia les couleurs, les saveurs et les arômes de la cuisine de nombreux pays, devenant l’un des éléments les plus caractéristiques du régime méditerranéen. Nous ignorons quelles seront les « souris » du futur. Malgré les analyses pointues menées par les plus grands experts sur la base des éléments et des expériences acquis au fil des ans, le futur demeure imprévisible et impossible à planifier, surtout si les comportements des personnes font l’objet de l’étude. Dans un contexte aussi marqué, cette étude n’a pas pour objectif ultime de prédire ce qui surviendra au cours des vingt prochaines années, mais plutôt d’offrir aujourd’hui des pistes de réflexion utiles ux acteurs du secteur de l’alimentation, afin qu’ils s’adaptent aux changements en cours, en essayant de valoriser les aspects les plus positifs des tendances alimentaires futures. En effet, il semble possible d’orienter dès à présent des initiatives et des activités vers la mise en oeuvre d’un scénario alimentaire le plus désirable et le plus durable possible, un scénario caractérisé par la prédominance d’effets positifs sur le comportement, préférables pour les personnes. Parallèlement, nous ne devons pas sous-évaluer la possibilité d’un imprévu capable de bouleverser le scénario défini comme probable. C’est bel et bien l’habitude de réfléchir de manière approfondie aux variables du scénario qui nous permettra d’être le plus prêts possible et à même de « débusquer les souris » du futur.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

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4.3 JETER UN REGARD SUR L’AVENIR


Ralph Lee Hopkins/National Geographic Stock

NOTEs Et réFéRences BIBLIOGRAFiques


NOTEs Et RéFéRences BIBLIOGRAphiques

18. Montanari M. (1989), Convivio. Storia e cultura dei piaceri della tavola, Laterza, Rome-Bari, p. VII-XXIV. 19. C. Fischler (2001), L’homnivore, Odile Jacob ; Pollan M. (2006), Le dilemme de l’omnivore : histoire naturelle de quatre repas. 20. Ambrosetti Club (2011), I nuovi megatrend che impattano sul business e sulle nostre vite.

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ChAPITre 1 1. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne. 2. BCFN (2009), La dimension culturelle. 3. Fredric Jameson est un critique littéraire et théoricien politique américain, connu pour ses analyses des mouvements culturels de l’ère contemporaine. Parmi ses oeuvres les plus récentes et importantes sur ce thème, on retiendra Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif (ENSBA, Paris, 2011). 4. Zygmunt Bauman est un sociologue et philosophe polonais. Deux de ses expressions sont devenues célèbres et il a comparé le concept de modernité et de postmodernité respectivement à l’état solide et à l’état liquide de la société. Parmi ses contributions sur le sujet, citons à titre d’exemple : Liquid modernity (Polity Press, Cambridge, 2000) et La vie liquide (Le Rouergue/ Chambon, 2006). 5. Ulrich Beck est un sociologue et écrivain allemand qui a publié plusieurs études sur la modernité et qui a introduit dans la sociologie des concepts comme l’idée d’une deuxième modernité et la théorie du risque. Parmi ses oeuvres, on retiendra : La société du risque : Sur la voie d’une autre modernité (Flammarion, 2008). 6. Anthony Giddens, sociologue et politologue britannique, soutient que la phase actuelle est une phase de radicalisation extrême de la modernité, dans laquelle les opportunités de vivre une existence sûre se sont développées, et ont augmenté en parallèle les risques et les dangers du « côté obscur » de la modernité. À ce sujet, on cite une oeuvre de Giddens : Les conséquences de la modernité (L’Harmattan, Paris, 2000).

22. Nous remercions Marco Croci (professeur et expert en management interculturel), Mitchel Davis (journaliste, écrivain et vice-président de la James Beard Foundation, une organisation à but non lucratif qui encourage les arts et la culture culinaires et organise tous les ans les « Oscars of the food world »), Fabio Parasecoli (professeur et expert en alimentation, médias et culture) et Richard Watson (écrivain et futurologue, auteur de Future files) pour leur précieuse contribution d’idées et de méthode. Un remerciement tout particulier à Massimo Montanari (professeur et expert en histoire de l’alimentation) qui a joué le rôle de conseiller du projet. 23. Les pays émergents parcourent des voies démographiques différentes par rapport aux pays développés. Les taux de croissance de la population, qui étaient bas par le passé, ont augmenté au fur et à mesure que la mortalité (surtout celle dans la première année de vie) s’est réduite − grâce à l’introduction des techniques modernes de la médecine et à l’amélioration de l’hygiène publique − et les taux de natalité n’ont pas diminué. 24. Fonds Monétaire International − FMI (2012), Global financial stability report : the quest for lasting stability – 2012. 25. BCFN (2011), Longévité et bien-être : le rôle de l’alimentation. 26. Kinsella K. et W. He (2009), An aging world : 2008. US Census Bureau. International Population Reports, US Gov Printing Office. 27. La définition de vieillissement actif utilisée le plus souvent est de l’Organisation Mondiale de la Santé, selon laquelle le vieillissement actif et en bonne santé est « un processus d’optimisation des opportunités liées à la santé, à la participation et à la sécurité, dans le but d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées ». 28. BCFN (2011), Longévité et bien-être : le rôle de l’alimentation. 29. On fait référence à ce que l’on appelle le « syndrome de Peter Pan ». Le terme est entré dans l’usage commun suite à la publication en 1983 du livre de Dan Kiley, Le syndrome de Peter Pan, Odile Jacob, 2010. 30. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne.

9. Alain Touraine est un sociologue français, connu pour avoir créé le terme de société postindustrielle (La société post-industrielle, Denoël, Paris, 1969).

31. À ce sujet, voir également : Montanari M. (sous la direction de) (2002), Il mondo in cucina. Storia, identità, scambi, Laterza, Rome-Bari. Et citons : « La cuisine constitue par conséquent un excellent moyen d’autoreprésentation et de communication : ce n’est pas seulement un outil d’identité culturelle, mais peut-être avant tout, un moyen d’entrer en contact avec des cultures différentes, puisque manger la nourriture d’autrui semble plus facile – ne serait-ce qu’en apparence – que codifier la langue. La nourriture, plus encore que les mots, joue le rôle de médiateur entre différentes cultures, ouvrant les façons de cuisiner à toute sorte d’inventions, de croisements et de contaminations ».

10. Bauman Z. (1999), La società dell’incertezza, il Mulino, Bologne.

32. Censis (2012), I valori degli Italiani, FrancoAngeli, Milan.

11. Bauman Z. (2001), The individualized society, Polity Press.

33. Tremonti G., Le cause e gli effetti politici della prima crisi globale, leçon tenue le 19 novembre 2009 à l’École Centrale du Parti Communiste Chinois de Pékin.

7. Castells M. (2000), The rise of the network society, Oxford. 8. Daniel Bell était un sociologue américain connu pour ses contributions importantes sur l’étude du thème du post-industrialisme. Parmi ses oeuvres les plus célèbres, retenons : The coming of postindustrial society : a venture in social forecasting (Basic Book, New York, 1973).

12. Bauman Z. (2000), Liquid modernity, Polity Press, Cambridge. 13. Bauman Z. (1999), La società dell’incertezza, il Mulino, Bologna, p. 101. 14. Bauman Z. (1999), La società dell’incertezza, il Mulino, Bologna, p. 99. 15. Freud S. (2010), Malaise dans la civilisation, Petite Bibliothèque Payot. 16. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles. 17. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles.

34. Les méga-villes sont des agglomérations de plus de dix millions d’habitants. 35. Perulli P. (2000), La città delle reti. Forme di governo nel postfordismo, Bollati Boringhieri, Turin. 36. Brinkhoff T. (2012), The Principal Agglomerations of the World (avril). En tête du classement des méga-villes se trouve Tokyo avec plus de 34 millions d’habitants ; ensuite, on trouve Guangzhou avec plus de 25 millions d’habitants ; Jakarta, Shanghai et Séoul avec environ 25 millions d’habitants ; Mexico et Delhi avec environ 23 millions d’habitants ; et enfin, avec plus de 20 millions d’habitants, New York, São Paulo, Karachi, Mumbai et Manille.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

21. Dans la bibliographie, vous trouverez la liste complète des sources utilisées pour définir le schéma conceptuel.

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37. Élaboration de The European House-Ambrosetti d’après des données des Nations Unies (Population Division − UN-Habitat) et de la Banque Mondiale. 38. International Communication Union, 2012. 39. Quinn C. (2009), Social Networking : Bridging Formal and Informal Learning, (23 février).

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64. Eurostat. 65. McKinsey Company (2012), Global forces : An introduction.

41. Le cas emblématique qui a remis le sujet sur le devant de la scène est celui d’un dirigeant de Lloyds qui, début 2012, a déclaré sans préavis être tombé malade et (temporairement) incapable de diriger le Lloyds Banking Group à cause de ce syndrome (tiré de Il supermanager che non riusciva a staccarsi dal lavoro, dans le journal « Corriere della Sera », 5 janvier 2012).

66. Michel Maffesoli, sociologue français, est considéré comme l’un des principaux représentants de la pensée post-moderne européenne pour sa thèse sur la crise de la rationalité moderne et pour avoir fait apparaître de nouvelles formes de socialité post-moderne.

42. BCFN (2010), La valeur de la méditerranéité, avec une introduction de C. Fischler.

67. Maffesoli M. (1988), Le temps des tribus : le déclin de l’individualisme dans la société de masse, Méridiens, Paris.

43. BCFN (2009), Changement climatique, agriculture et alimentation. 44. Pour avoir un cadre complet des problématiques liées à la durabilité des systèmes agricoles, nous vous renvoyons à : BCFN (2011), Nouveaux modèles pour une agriculture durable. 45. BCFN (2011), Nouveaux modèles pour une agriculture durable. 46. Par environnementalisme, ou écologisme, on entend l’idéologie et l’ensemble des initiatives politiques visant à la sauvegarde et à l’amélioration de l’environnement. 47. Inglehart R. (1977), The silent revolution, Princeton University. 48. Meadows D. L. et al. (2012), Les limites à la croissance, Rue de l’échiquier. 49. Carson R. (1968), Le printemps silencieux, éditions Livre de poche. 50. Commoner B. (1972), L’encerclement, Seuil. 51. Greenpeace naît au début des années 1970 au Canada, à l’occasion de l’opposition à un test nucléaire sur les îles Aléoutiennes. 52. Le premier à utiliser le néologisme GRIN fut le journaliste Joel Garreau dans son livre Radical Evolution : The Promise and Peril of Enhancing Our Minds, Our Bodies – and What It Means to Be Human (Doubleday, New York, 2005). Il existe toutefois d’autres acronymes pour exprimer des concepts similaires, parmi lesquels : NBIC (Nanotechnology, Biotechnology, Information technology and Cognitive science), GNR (Genetics, Nanotechnology and Robotics), GRAIN (Genetics, Robotics, Artificial Intelligence and Nanotechnology) et BANG (Bit, Atoms, Neuron and Gene). 53. www.efsa.europa.eu. 54. McKibben B. (2004), Enough : staying human in an engineered age, St. Martin Press, New York.

68. Pour Bernard Cova, l’un des plus grands experts sur le sujet, la néotribu est « un ensemble d’individus pas nécessairement homogène (en termes de caractéristiques sociales objectives), mais interreliés par une subjectivité, une affectivité ou une éthique unique, et capables de réaliser des actions microsociales vécues intensément bien qu’éphémères, le tout d’une façon très ritualisée ». 69. À ce sujet, on se réfère aux mouvements liés au concept de décroissance, d’après la théorie de Nicholas Georgescu-Roegen, fondateur de la bioéconomie, et aligné sur la pensée de Serge Latouche, l’un des principaux partisans de la décroissance, selon lequel le terme indique la nécessité et l’urgence d’un « changement de paradigme », d’une inversion de tendance par rapport au modèle dominant de la croissance et de l’accumulation illimitée (Latouche S. (2006), Le pari de la décroissance, Fayard, Paris). 70. BCFN (2010), La mesure du bien-être des personnes : l’indice BCFN. 71. Dans la liste des maladies les plus invalidantes au niveau mondial, la dépression est actuellement à la quatrième place, mais on prévoit que d’ici 2020 elle atteindra la deuxième place. 72. Fabris G. (2003), Il nuovo consumatore : verso il postmoderno, FrancoAngeli, Milan. 73. Schimtt B. H. (1999), Experiential marketing view consumer as rational and emotional human beings who are concerned with achieving pleasurable experience, Free Press, New York. 74. Caiazzo D., A. Colaianni, A. Febbraio et U. Lisiero (2009), Buzz Marketing nei social media, Fausto Lupetti Editore, Bologne. 75. Censis (2011), 45° Rapporto sulla situazione sociale del Paese/2011, FrancoAngeli, Milan. 76. Par « famille type » italienne, on entend un noyau familial composé en moyenne de 2,5 personnes (Coldiretti, 2011).

55. Kurzweil R. (2005), The singularity is near : when humans transcend biology, Viking, New York. 56. Bostrom N. (2002) Existential risks : analyzing human extinction scenarios, in « Journal of Evolution and Technology », 9, 1.

CHAPITRE 2

57. BCFN (2010), L’agriculture OGM est-elle durable ? ; BCFN (2011), Au-delà des OGM. Les biotechnologies dans le domaine de l’agroalimentaire.

1. Nous soulignerons les relations entre les variables à chaque fois que ce sera possible.

58. Dans la bibliographie, vous trouverez la liste complète des sources utilisées pour définir le schéma conceptuel.

2. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles.

59. À ce sujet, nous citons à titre d’exemple les nombreuses contributions de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, et de Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008.

4. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne, p. 45.

60. Sur les effets de la financiarisation, voir également : Tremonti G., Le cause e gli effetti politici della prima crisi globale, leçon tenue le 19 novembre 2009 à l’École Centrale du Pari Communiste Chinois de Pékin. 61. Bayon D., F. Flipo et F. Schneider (2010), La décroissance en questions, avec une introduction de S. Latouche, Asterios, Trieste. 62. OCDE (2011), Divided We Stand : Why Inequality Keeps Rising, (décembre).

3. www.slowfood.it.

5. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne, p. 46. 6. Watson R. (2012), Future files, Nicholas Brealey Publishing, Londres-Boston. 7. Intervention du professeur Massimo Montanari au cours du Conseil Consultatif du BCFN, 17 juillet 2012 ; Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles. 8. Pour une étude complète du rapport qui subsiste entre alimentation et santé, nous vous renvoyons à plusieurs articles rédigés ces dernières années par le BCFN : Alimentation et santé

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

40. Sécurité informatique : un regard sur le monde mobile, dans « Business Magazine », avril 2012.

63. À ce sujet, Colin Powell, ancien Secrétaire d’État des États-Unis, a déclaré en 2000 : « On parle beaucoup du Digital Divide. [...] Je préfère quant à moi utiliser un autre terme : l’apartheid numérique. Si l’apartheid numérique persiste, nous serons tous battus : les digital have-nots seront plus pauvres et ne deviendront pas ces travailleurs spécialisés et consommateurs potentiels nécessaires pour soutenir la croissance de la new economy » (in « Business Week », 18 décembre 2000).

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(2009) ; Longévité et bien-être : le rôle de l’alimentation (2011) ; Obésité : impacts sur la santé publique et sur la société (2012) ; Alimentation et bien-être pour une vie saine (2012).

26. Intervention du professeur Massimo Montanari au cours du Scientific Symposium BCFN, 5 mars 2012.

9. Commission européenne, Espace européen de la recherche - Nourriture, agriculture, pêche et biotechnologie. Puisqu’il n’existe pas de définition légale du concept, ni au niveau européen, ni au niveau national, la définition à laquelle on se réfère quand on parle de functional food remonte à 1999 et est le fruit du travail d’une commission de 100 experts européens en nutrition et médecine, qui ont travaillé pendant trois ans au projet Fufose (Functional Food Science in Europe). De la même manière, il n’existe pas d’avis unanime sur leur utilité et leur positivité. En tant qu’institution sous la garantie du consommateur, la European Food Safety Authority (EFSA) est chargée d’évaluer la crédibilité scientifique des nouvelles demandes d’autorisation pour des indications fonctionnelles sur la santé et pour des indications concernant la réduction du risque de maladie.

27. BCFN (2009), La dimension culturelle de la nourriture.

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11. Bratman S. et D. Knight (2000), Health food junkies, Broadway Books, Portland (O). 12. Culture Gastronomique Italienne (2007), I Musei del Gusto. Mappa della memoria enogastronomica, Carsa Edizioni, Pescara.

29. Johnston J. et S. Baumann (2010), Foodies. Democracy and distinction in the gourmet foodscape, Routledge, New York-Londres. 30. BCFN (2009), La dimension culturelle de la nourriture. 31. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne. 32. Johnston J. et S. Baumann (2010), Foodies. Democracy and distinction in the gourmet foodscape, Routledge, New York-Londres. 33. Ce terme a été créé en 2005 par Jessica Prentice, chef et auteur du livre Full Moon Feast : Food and the Hunger for Connection (Chelsea Green Publishing, Vermont, 2006).

13. Watson R. (2012), Future files, Nicholas Brealey Publishing, Londres-Boston.

34. Coen E., L’ora dei locavori, dans « L’Espresso », 17 septembre 2012 ; Johnston J. et S. Baumann (2010), Foodies. Democracy and distinction in the gourmet foodscape, Routledge, New York-Londres.

14. Watson R. (2012), Future files, Nicholas Brealey Publishing, Londres-Boston ; Rufus A. (2011), Explaining the Psychology of Comfort Food, in www.gilttaste.com.

35. Johnston J. et S. Baumann (2010), Foodies. Democracy and distinction in the gourmet foodscape, Routledge, New York-Londres.

15. « Hedgehog Review », V, 3, 2003.

36. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles.

16. Bauman Z. (2006), La vie liquide, Le Rouergue/Chambon.

37. Intervention du professeur Massimo Montanari au cours du Conseil Consultatif du BCFN, 17 juillet 2012.

17. En 2008, la FAO a organisé un atelier en Thaïlande pour attirer l’attention sur le potentiel des insectes comestibles comme source d’alimentation, documenter la contribution des insectes comestibles en tant que moyen de subsistance rurale et en évaluer le lien avec la durabilité de la gestion des forêts et de leur conservation. Suite à cette rencontre, en 2010, la FAO a proposé l’introduction des insectes dans le régime alimentaire humain pour leurs fortes valeurs nutritives. FAO (2010), Forest insects as food : humans bite back. 18. Dans les mers du globe, des milliers de types d’algues pourraient être cultivés dans les océans (remédiant ainsi au manque croissant de terres cultivables et d’eau) et elles se révéleraient utiles aussi pour la production de biocarburants. Les algues, au même niveau que les insectes, pourraient être intégrées aux régimes alimentaires, ce que les experts de la Sheffield Hallam University ont fait, remplaçant le sel dans le pain et dans des aliments industriels par des granulés d’algues (Winterman D., Future foods : what will we be eating in 20 years’ time ?, dans « BBC News Magazine », 29 juillet 2012).

38. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne. 39. Ministère italien du développement économique, Département des politiques de développement et de cohésion (Unité d’évaluation des investissements publics − UVAL), Consumi agroalimentari in Italia e nuove tecnologie, Cadre stratégique national 2007-2013. 40. BCFN (2011), Le coût de la nourriture et la volatilité des marchés agricoles : les variables impliquées.

20. Bauman Z. (2006), La vie liquide, Le Rouergue/Chambon.

41. Durant la période comprise entre juillet 2010 et février 2011, le FAO Food Price Index a augmenté de 38 %, atteignant un pic supérieur à celui enregistré pendant la crise alimentaire de 2008. En un an, de juin 2010 à juin 2011, le prix des céréales à lui tout seul a augmenté de 71 %. Parmi les causes de la montée des prix des denrées agricoles, on retrouve la transformation des modèles de consommation pour les tranches les plus riches de la population des pays émergents. Maintenant, sur leurs tables, la viande abonde et l’augmentation consécutive de la demande de volailles, boeuf, porc, etc. n’est pas sans conséquences. Élever cette grande quantité d’animaux requiert en effet une production importante de nourriture pour animaux, suivie par l’augmentation de la demande de blé et d’autres céréales.

21. Ministère italien de la santé, Relazione sullo Stato Sanitario del Paese 2009-2010.

42. Rapport Istat 2012.

22. Esposti R. (2005), Cibo e tecnologia : scenari di produzione e consumo alimentare tra tradizione, convenzione e funzione, Agriregionieuropa, Ancône.

43. Observatoire mobile de l’Internet, Content Apps, organisé par la School of Management du Politecnico de Milan en collaboration avec l’ICT Institute et le MEF.

23. Au niveau européen, la European Food Safety Authority (EFSA) applique des critères d’évaluation stricts pour définir la functional food, à tel point qu’aujourd’hui aucun probiotique n’a été jugé capable de supporter la demande de santé qui est liée.

44. BCFN (2009), La dimension culturelle de la nourriture.

24. Règlement (CE) N. 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, qui établit les principes et les qualités requises générales de la législation alimentaire, institue l’Autorité européenne pour la sécurité alimentaire et fixe des procédures dans le cadre de la sécurité alimentaire (article 18) ; FDA Food Safety Modernization Act – FSMA (SEC. 204. Enhancing tracking and tracing of food and record keeping).

46. Watson R. (2012), Future files, Nicholas Brealey Publishing, Londres-Boston.

19. Cassi D. et E. Bocchia (2005), Il gelato estemporaneo e altre invenzioni gastronomiche, Sperling&Kupfer, Milan.

25. Barba B. (2008), Tutto è relativo. La prospettiva in antropologia, SEID, Florence.

45. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne.

47. www.dreamdinners.com. 48. Niola M. (2012), Non tutto fa brodo, il Mulino, Bologne. 49. Observatoire FedeSalus (Fédération italienne qui réunit les entreprises productrices de produits salutaires).

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

10. Niola M., Quando il salutismo diventa una malattia, dans « Il Venerdì di Repubblica », 6 juin 2012.

28. BCFN (2009), La dimension culturelle de la nourriture.

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50. Fabris G. (2003), Il nuovo consumatore : verso il postmoderno, FrancoAngeli, Milan. 51. www.consumattori.info.

3. Fischler C. (interview), Con i cibi ufo annulliamo la nostra identità, dans « Corriere della Sera Sette », 19 octobre 2012. 4. À ce sujet, voir également : BCFN (2012), Obésité : impacts sur la santé publique et sur la société.

CHAPITRE 3

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2. Ici, nous faisons référence aux caractéristiques distinctives identifiées pour chaque tendance et nous indiquons en particulier les tendances alimentaires avec les caractéristiques distinctives relatives. Goût : plaisir. Attention à la santé : bien-être. Orientation vers le passé : mémoire. Orientation vers l’avenir : progrès. Technologie : innovation. Naturalité: simplicité. Mondialisation des saveurs : échange. Nourriture locale et régionale : territoire. Nourriture « de luxe » produite : exclusivité. Nourriture « bon marché » produite : accessibilité. Vitesse : temps. Individualisation : relation. Durabilité : environnement. 3. Dans la bibliographie, vous trouverez la liste complète des sources utilisées pour définir le schéma conceptuel. 4. Pour la liste détaillée des experts interviewés pour la réalisation de ce travail, nous vous renvoyons au chapitre 1. 5. Pour un cadre plus approfondi du périmètre d’analyse, nous vous renvoyons à l’introduction du chapitre 1, dans laquelle sont introduites les caractéristiques distinctives de la société post-moderne. 6. La définition utilisée pour chaque terme est présentée dans le schéma. 7. Fischler C. (interview), Con i cibi ufo annulliamo la nostra identità, dans « Corriere della Sera Sette », 19 octobre 2012. 8. Fischler C. (interview), Con i cibi ufo annulliamo la nostra identità, dans « Corriere della Sera Sette », 19 octobre 2012. 9. Parasecoli F., interview du 29 mai 2012. 10. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles. 11. BCFN (2012), Alimentation et bien-être pour une vie saine. 12. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles. 13. Fischler C. (interview), Con i cibi ufo annulliamo la nostra identità, dans « Corriere della Sera Sette », 19 octobre 2012. 14. Montanari M. (2010), Le manger comme culture, Université de Bruxelles. 15. BCFN (2009), Alimentation et santé. 16. Pour des informations plus détaillées, nous vous renvoyons à l’article de Tom Chatfield, Is the Web Driving Us Mad?, in « Newsweek Magazine », 9 juillet 2012. 17. Pour des informations plus détaillées sur le sujet, voir également : BCFN (2012), Double pyramide 2012 : favoriser les choix alimentaires conscients.

CHAPITRE 4

1. Bauman Z. (2009), Vite di corsa, il Mulino, Bologne. 2. Fischler C. (interview), Con i cibi ufo annulliamo la nostra identità, dans « Corriere della Sera Sette », 19 octobre 2012.

6. Il a en effet été calculé qu’une personne célibataire produit deux fois et demie plus de déchets d’emballage (11 kg contre 4 kg) qu’une personne qui vit dans une famille composée de quatre personnes (données Industry Council for Packaging and the Environment, Grande-Bretagne). 7. À ce sujet, voir également : BCFN (2012), Le gaspillage alimentaire : causes, impacts et propositions. 8. Il s’agit d’un système d’achat − adopté principalement par les supermarchés et les hypermarchés − qui a recours à l’utilisation de lecteurs portables de codes-barres et de boîtiers de self-scanning, utilisés par les consommateurs mêmes au moment des courses pour accélérer la phase de paiement en caisse. 9. Depuis 2010, Claude Fischler est membre du Conseil Consultatif du BCFN. 10. Le nom d’ère mésozoïque ou secondaire, appelée aussi ère des reptiles, dérive du grec mesos, « moyen », parce qu’elle se trouve à cheval entre l’ère antique (paléozoïque) et l’ère récente (cénozoïque) de la vie sur la Terre. 11. Le nom d’ère cénozoïque ou tertiaire dérive du grec kainòs, « vite récente ». 12. Intervention de Claude Fischler au cours du Conseil Consultatif du BCFN, 17 juillet 2012.

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

Alimentation en 2030 : tendances et perspectives

1. Nous voulons souligner qu’ici, seulement certains des éléments qui ont un impact sur la tendance ont été pris en compte. Par conséquent, l’étude exposée à grands traits ne peut pas être considérée comme exhaustive, mais représente le résultat de certains de nos choix.

5. À ce sujet, voir également : BCFN (2012), Alimentation et bien-être pour une vie saine.

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SITOGRAphie

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La mesure du bien-être et de sa durabilité : le BCFN Index 2011

Double Pyramide 2011 : alimentation saine pour tous et durable pour l’environnement

Mesure de la durabilité des modèles appliqués dans les différents pays, et par conséquent évaluation de la possibilité de garder ou de modifier son propre niveau de bien-être à l’avenir

Développement et évolution du modèle de la double pyramide alimentaire environnementale concentré sur l’enfance et l’adolescence, pour inciter à adopter de bonnes habitudes alimentaires dès les premières années de la vie

Au delà des OGM. Les biotechnologies dans le domaine agroalimentaire Á l’échelle mondiale, confrontation des différentes positions et écoles de pensée sur le thème de la durabilité de l’ingénierie génétique et des nouvelles biotechnologies appliquées à l’alimentation Le coût de la nourriture et la volatilité des marchés agricoles : les variables impliquées

Proposition d’un modèle interprétatif offrant une vision systémique des éléments qui déterminent la tendance des prix des denrées alimentaires Obesité et malnutrition : le paradoxe alimetaire pour nos enfants

Approfondissement du paradoxe qui voit augmenter aussi bien le nombre de personnes sous-alimentées que celui des personnes en surpoids, en particulier chez les enfants

Longevité et bien-être : le rôle de l’alimentation Étant donné le vieillissement constant de la population mondiale, évaluation du rôle d’un mode de vie plus sain et de bonnes habitudes alimentaires afin de garantir un allongement de la durée de vie dans de meilleures conditions de santé Nouveaux modèles pour une agriculture durable

Enquête sur les nouveaux modèles agricoles qui permettent de supporter l’impact des changements climatiques et de la croissance démographique tout en assurant une productivité suffisante pour tous


Alimentation et bien- être pour une vie saine

Obésité : les impacts sur la santé publique et sur la société

Pertes et gaspillages alimentaires: causes, impacts et propositions concrètes

Une étude des liens entre santé, habitudes alimentaires et mode de vie à chaque étape de la vie

Une présentation du phénomène et de ses principales causes, solutions et des possibilités pour combattre les pertes et les gaspillages alimentaires qui arrivent pendant la transformation industrielle, la distribution et la consommation finale

Obesité : les impacts sur la santé publique et sur la societé

Agriculture, alimentation durable et changements climatiques

Une étude sur le phénomène de l’obésité, désormais considéré comme une épidémie mondiale en rapide expansion, qui met en évidence ses causes environnementales, culturelles, économiques et quant à son impact direct et indirect sur la société

Analyse de l’impact des changements climatiques sur la production agricole, et donc sur la disponibilité de nourriture et d’eau douce, avec les recommandations des comportements individuels et collectifs à mettre en place.

Double Pyramide 2012: favoriser des choix alimentaires conscients

Analyser des choix alimentaires au moyen de la troisième édition de la Double Pyramide confirme que la santé des êtres humains ne peut être dissociée de la santé des écosystèmes

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