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00 PRINTEMPS 2017

Arts et Essais

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“CROYEZ-LE OU PAS, JE PEUX EFFECTIVEMENT DESSINER”

BASQUIAT L’ÉTOILE DE LA RUE


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édito JEAN-MICHEL BASQUIAT EST NÉ IL Y A CINQUANTE ANS. À L’OCCASION DE CET ANNIVERSAIRE (LOUPÉ), LE MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS PROPOSE UNE RÉTROSPECTIVE MAJEURE D’UN ARTISTE IMMENSE, MAL CONNU CAR TROP CONNU, DONT LES ŒUVRES RÉSONNENT ENCORE D’UNE RAGE INTACTE, NÉE DE LA FUSION ENTRE NÉO-EXPRESSIONNISME ET CULTURE HIP HOP.

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« Si vous ‘’lisez’’ à voix haute les toiles... la répétition, le rythme... vous pouvez entendre Jean-Michel penser ». C’est ainsi que Fab 5 Freddy, graffeur et figure historique du hip hop naissant de la fin des années 70, définissait quelques jours après sa mort les œuvres de son pote Jean-Michel Basquiat, avec lequel, à l’époque des ghetto blasters et du graff sauvage, il taguait les murs de l’East Village et enregistrait des disques de rap. Basquiat aurait eu cinquante ans cette année, si une overdose ne l’avait pas emporté à l’âge de 27 ans, celui-là même auquel disparurent d’autres artistes martyrs — Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain...

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STREET LIFE

SOHO VILLAGE

ENTRE MUSIQUE ET PEINTURE

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sommaire MON FILS CE GÉNIE

CULTURE ADDICT

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AGENDA EXPOS / SORTIES

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STREET LIFE

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GRAY ET JEAN-MICHEL BASQUIAT: ENTRE MUSIQUE ET ART La Nordisqueon 10 février 2017 0 comments

AU TOURNANT DES ANNÉES 1980, LA VILLE DE NEW YORK CONNAÎT UNE RÉVOLUTION CULTURELLE TOTALE. LES CRISES DES ANNÉES 1970 ONT MARQUÉ LA VILLE, ET PLUS PRÉCISÉMENT À DOWNTOWN MANHATTAN (SUD DE L’ÎLE) OÙ NAISSENT LES NOUVELLES TENDANCES. Les artistes arrivent de toute l’Amérique pour tenter leur chance et se faire un nom. Ces artistes touchent à tout : ils sont musiciens, poètes, peintres, photographes, sculpteurs, cinéastes, écrivains … et tout cela à la fois. Downtown était alors le terrain de jeux de 500 – 600 artistes, les « 500 de Downtown », qui créaient le jour et sortaient la nuit. Cette communauté en pleine effervescence voit alors fleurir des graffitis signés SAMO sur les murs de SoHo. Elle est intriguée par les poèmes et les lignes simples de SAMO, sans encore savoir qu’elle a devant elle les premières œuvres de JeanMichel Basquiat.

jean-michel basquiat ernok prints and multiples serigraph

A son arrivée à Manhattan, Jean-Michel Basquiat (1960-1988) est à la rue. Il vient de quitter le foyer paternel à Brooklyn pour s’épanouir artistiquement. Depuis tout petit déjà, il fait preuve d’une grande créativité et ne cesse de peindre ; il cherche alors le moyen de s’en sortir par la peinture. Très vite, sa renommée en tant que SAMO lui permet de s’intégrer aux « 500 de Downtown ». Basquiat devient l’artiste incontournable de l’époque. Il collabore avec les plus grands (Haring, Warhol) et est admiré de tous. Mais cela ne lui suffit pas. Il multiplie les œuvres (cartes postales, t-shirts, graffitis, peintures) et les performances (défilé de mode, rôle dans plusieurs films …) et devient la quintessence même de l’artiste complet de l’époque. Il n’est donc pas surprenant de voir que Basquiat s’est aussi tourné vers la musique. Quelques-unes de ses peintures mettent explicitement en scène des musiciens (voir le tableau Miles Davis cidessus par exemple), et Basquiat était un habitué des clubs de l’époque (Club 57, Mudd Club) où il dansait et écoutait de la musique avec ses amis.

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En 1979, lors d’une soirée dans ces clubs, Basquiat rencontre Michael Holman, Shannon Dawson et Vincent Gallo. Ils décident de former un groupe : Bad Fools. Le nom changera deux fois (Channel 9 et Test Pattern) avant que Shannon Dawson quitte le groupe et que Nick Taylor et Wayne Clifford arrivent, pour finalement devenir Gray. A l’image des œuvres de Basquiat, l’œuvre de Gray est le fruit d’une étrange alchimie entre les sensibilités de ses différents membres et d’une mixture de multiples styles musicaux (jazz, punk, synth-pop, hip-hop). C’est ce mélange improbable d’influences qui aboutit au son si particulier, qu’on ne peut que définir comme étant de la « noise music ». Dans un premier temps, il n’était possible

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de les entendre qu’en performance live dans les clubs huppés de Manhattan : leur unique album Shades Of… est une compilation de morceaux enregistrés au tournant des années 1980, sortie en 2010. Leurs lives prennent la forme de séances d’improvisation: on y voyait alors les 5 hommes créer et expérimenter, danser et s’amuser sur scène. Basquiat récitait des poèmes, jouait du synthé et de la clarinette (bien que celui-ci n’ait jamais appris à en jouer réellement). A ses côtés, Michael Holman jouait de la batterie et de diverses percussions créées à partir d’objets industriels ou de la vie quotidienne, et Nick Taylor utilisait sa guitare de toutes les façons possibles et imaginables.

« IT WASN’T ABOUT THE LEVEL OF PLAYING, IT WAS ABOUT THE SOUND » MICHAEL HOLMAN

Le but premier du groupe était de déconstruire une approche rationnelle de la musique, s’éloignant des formes traditionnelles, pour n’en garder que la composante de base, le bruit. La principale source d’inspiration du groupe est John Cage, un compositeur de musique contemporaine expérimentale surtout connu pour son morceau intitulé 4’33’’ (consistant de 4 minutes et 33 secondes de silence). Son approche de la musique passe essentiellement par l’expérimentation avec la frontière entre le bruit et la musique. Il réalise une performance avant-gardiste, Water Walk, durant laquelle il crée un morceau en claquant des couvercles, en faisant bouillir de l’eau et en renversant des objets.

De la même manière, Gray n’arrêtait pas d’expérimenter avec de nouvelles sonorités. Lorsqu’une sonorité leur plaisait, elle devenait la base d’un morceau où chaque membre pouvait rajouter sa touche. Gray arrivait à tirer une troublante harmonie du moindre bruit. Au centre de cette harmonie se trouvait en permanence JeanMichel Basquiat, dont la créativité bluffait sans cesse ses compagnons. Par exemple, le morceau Drum Mode est centré sur sa performance. Dès les premières secondes, un son strident éclate dans vos oreilles. Il s’agit de Basquiat qui joue du triangle. Le son a été modifié de sorte à faire écho pendant plusieurs secondes. Derrière, résonnent la batterie de Michael Holman étouffée par du scotch placé sur les caisses et divers sons d’instruments à vent.


De manière générale, la musique de Gray est totalement déconnectée des canons de l’époque. L’unique album du groupe, Shades Of … mélange des musiques quasi-chaotiques (Figure it out) avec des sons presque hip-hop (Cut it up High Priest). Certaines notes sont nettes, d’autres sont plus floues, hasardeuses, incohérentes et modelées par une réverbération constante. Chaque note est enveloppée d’une sorte de voile qui rend parfois les mélodies oniriques. Ces mélodies sont répétées. A chaque répétition, la mélodie est contrastée par un bruit cru, blanc, métallique, voire même par des voix formant une chorale (Eight Hour Religion). Plusieurs lignes de rythmes se superposent, plus ou moins lentes et définies. Tous les ingrédients d’une musique presque aléatoire sont réunis : Shades Of … est bien un album de noise music. Cet album trouve une deuxième dimension artistique par le morceau Suicide Hotline. Jean-

Michel Basquiat y incarne Gray et appelle un opérateur de hotline, vraisemblablement pour les personnes voulant se suicider. Le dialogue est improductif, les interlocuteurs ne se comprennent pas. Gray aurait dans un sac plastique des Marlboros de contrebandes, et la police le rechercherait pour cela. L’opérateur ne comprend rien à cette histoire et a du mal à saisir ne serait-ce que le prénom de Gray. Finalement, ce qui semble être une fusillade éclate. Comme dans certains autres titres de l’album, la confusion règne et deux bruits (les voix des interlocuteurs) se superposent plus en dissonance qu’en harmonie. Durant ce titre, aucune note n’est jouée si ce ne sont celles du téléphone au début. L’équation artistique est totale : des voix, des souffles, des grésillements, des bruits … Tout sauf des notes de musique forme un morceau.

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Au début des années 1980, Gray enchaine les performances dans les clubs de la ville. Basquiat gagne peu à peu en popularité, ses peintures plaisent. Il rencontre les galeristes de l’époque, Haring et Warhol. En 1981, l’article de René Ricard The radient Child est un tremplin pour Basquiat : il est reconnu comme un artiste à part entière. Il prend alors la décision de quitter le groupe. Gray lui survit quelques temps, mais privé d’une telle force créatrice, le groupe se sépare. En 2010, Gray se reforme pour jouer quelques performances lives, mais cela n’a rien à voir avec le groupe des années 1980. L’effervescence fertile new-yorkaise n’est plus la même. Basquiat quant à lui se révèlera être l’un des artistes les plus complets de ce siècle. Il restera un amateur de musique, passant pendant des heures le Boléro de Ravel dans son atelier. Il aura su mélanger les arts et se démarquer par une peinture sombre mais puissante. Il s’éteindra en 1988, à l’âge de 27 ans.

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SOHO VILLAGE Des squats et du graff à l’explosion picturale, le parcours fulgurant d’un surdoué de l’avant-garde américaine. Rétrospective choc à Paris.

C’était une journée pluvieuse de novembre 1997, trois semaines après l’inauguration du musée Guggenheim de Bilbao. Une tempête balayait la côte basque espagnole et éteignait le bâtiment de l’architecte américain Franck Gehry, dont les parois de titane ne reflétaient plus que la grisaille du ciel obscur. Pour son ouverture, l’institution avait rapatrié quelques merveilles de la maison mère de New York, prenant bien soin de faire la part belle à l’art contemporain américain l’industrie culturelle n’est pas qu’une formule. Au deuxième étage, une salle présentait les oeuvres de deux peintres new-yorkais : sept toiles de Julian Schnabel et quatre de Jean-Michel Basquiat. De ce dernier, mort en 1988 d’une surdose d’héroïne à l’âge de 27 ans, le musée montrait de très grands formats rarement vus en France, qui écrasaient les tableaux pourtant très théâtraux de Schnabel et sortaient définitivement leur auteur de l’univers exotique des graffeurs afro-américains pour le plonger dans celui, plus exigeant, des grands peintres - un choc, donc.


Gageons que Schnabel accepta de bonne grâce la supériorité des oeuvres de Basquiat lorsqu’il vit la présentation du Guggenheim. Sans doute la savait-il depuis longtemps, puisque les deux artistes se rencontrèrent au tout début des années 1980. Le jeune Jean-Michel, fils d’un Haïtien et d’une Portoricaine, né à New York en décembre 1960, venait alors de se faire remarquer

lors d’une exposition collective (New York/ New Wave) organisée en 1981 par un satellite du MoMA, le PS1, où figuraient aussi le graffeur Keith Haring et le photographe Robert Mapplethorpe. A 20 ans, le succès, inespéré pour un fils d’immigrés antillais, lui tombait sur la tête : invitation à la Documenta de Kassel l’année d’après, article élogieux dans Artforum, intérêt de nombreuses galeries pour son oeuvre naissante. Auparavant, Basquiat squattait, dormait dans l’appartement de copains dont il s’amusait à repeindre la porte du frigo ou la housse du canapé, bombait les murs avec son ami Al Diaz sous le pseudonyme de Samo (acronyme de « same old shit » - « même vieille merde »), jouait de la clarinette et du clavier dans un groupe (Gray) avec l’acteur Vincent Gallo, poussait la chansonnette avec David Byrne ou Blondie, vendait des tee-shirts et des cartes postales, participait à des émissions de télé et faisait l’acteur occasionnel dans une curiosité underground (Downtown 81, d’Edo Bertoglio). Ne manquait à ce tableau du New York chaud-bouillant des années 1980 que son égérie culturelle : ANDY WARHOL.

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CE QUE SENTIT SCHNABEL EN 1982, lors de leur première exposition commune, c’est que le squat, le graff, l’origine et la couleur de la peau, ne faisaient pas pour autant de Basquiat un artiste brut : le jeune homme est sensible et cultivé. S’il n’a pas fréquenté l’université, comme tous les enfants révoltés de la bourgeoisie américaine traînant dans les boîtes branchées de Manhattan, il s’est passionné très tôt pour l’anatomie (un livre offert par sa mère lorsqu’il avait 8 ans), l’art (toujours sa mère, qui l’emmenait au musée), le dessin (il s’y montre doué très jeune) et la musique (le jazz et le hip-hop naissant). Demeure le mystère de la puissance du don et du désir d’un enfant d’immigrés, mystère qui entraîna Schnabel, en 1996, à réaliser son premier film sur le jeune prodige, Basquiat, une biographie filmée (un biopic, dit-on maintenant), avec Jeffrey Wright dans le rôle du jeune peintre et David Bowie, plus vrai que l’original, dans celui d’Andy Warhol.


Warhol,

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donc. Le grand blond peroxydé apparaît en 1982 dans la vie de Basquiat - le marchand suisse Bischofberger aurait organisé la rencontre officielle. A partir de l’année suivante, ils ne se quittent plus - c’est sans doute la seule véritable fidélité du jeune homme, qui, tant avec les galeries qu’avec les femmes et ses amis, s’autorise, la notoriété venant, une grande légèreté et de vilaines trahisons. Mais si l’on en croit le film de Schnabel, Basquiat en rêvait : non pas tant de rencontrer Warhol que de mener, comme lui, une vie de star. Lorsque le marché de l’art les réunit, vers la fin de l’année 1982, le peintre, malgré son très jeune âge, entame ce que l’on considère comme sa troisième période. La première couvre grossièrement le passage du graff à la peinture, de la fin des années 1970 à 1981, lorsqu’il conserve la spontanéité et la hâte que réclame l’art de la rue - Warhol préférait dire qu’il écrivait des poèmes sur les murs de la ville. La deuxième période, 1981-1982, est plus peinte. L’artiste y expérimente sur toile les superpositions, les aplats et les transparences, donnant l’impression de vouloir recouvrir l’ancien procédé graphique (les mots, les pictogrammes, les graffitis) par la peinture elle-même. Quant à la troisième période (1982-1983), elle se caractérise par un retour à une certaine sauvagerie : Basquiat peint sur des toiles sans châssis, qu’il fixe ensuite sur n’importe quoi (des palettes en bois), et privilégie le polyptyque utilisé comme un rébus, se développant de panneau en panneau. Sur ce, apparaît donc Warhol - et avec lui la quatrième période.


C’est une période, comment dire ?, plus commerciale. Basquiat, devenu la coqueluche du ToutNew York, reprend la peinture sur toile et s’adonne, initié par Warhol, à la sérigraphie. A l’instigation de Bischofberger, il réalise des oeuvres collectives avec son mentor et le peintre napolitain Francesco Clemente. Puis, durant deux ans (1984-1985), Basquiat et Warhol produisent ensemble plus d’une centaine d’oeuvres - dans le même temps, Basquiat, seul, en crée près d’un millier. Une fascination réciproque les unit : le jeune Noir est séduit par l’intelligence et le pouvoir de la star du pop art, tandis que Warhol est captivé par le talent, la puissance et, bien sûr, le physique du jeune homme - mais puisque, avec Warhol, les questions d’ordre sexuel viennent toujours sur le devant de la scène, la gazette laisse entendre qu’ils n’ont jamais couché ensemble, au grand dam d’Andy. La période warholienne se termine sur un échec : en 1985, leurs oeuvres communes, les Collaborations, exposées dans une galerie new-yorkaise, sont durement critiquées par la presse. Basquiat quitte Warhol ;

et avec cette rupture, purement professionnelle, débute la cinquième et dernière période de son oeuvre, qui s’achève par une méchante piqûre d’héroïne le 12 août 1988. Elle se partage elle-même en deux sous-périodes : avant et après la mort d’Andy, survenue le 22 février 1987 à la suite d’une banale opération de la vésicule biliaire. Avant, ce sont des oeuvres foisonnantes de signes et de mots ou, au contraire, très dépouillées, sur un fond monochrome, toujours inspirées par l’art populaire, auquel viennent se mêler quelques admirations bien digérées (Goya, Picasso) et le fantasme d’une origine africaine. Après, ce sont des oeuvres obsédées par la mort, comme le célèbre tableau Riding with death (1988), très belle peinture épurée où, sur un fond crémeux, une sorte d’ectoplasme rouge chevauche un squelette désarticulé. Si l’on se réfère à ce tableau, on voit que Basquiat s’imaginait une fin baroque et grandiose. Julian Schnabel, lui, montre dans son film un homme fantomatique détruit par la mort de Warhol, défoncé, errant dans les rues de New York jusqu’à la dose finale - plus romantique, donc. Il n’y manque que la pluie

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ENTRE MUSIQUE ET PEINTURE


352 000 VISITEURS ONT EU LE PRIVILÈGE DE DÉCOUVRIR JUSQU’AU 30 JANVIER 2011 L’EXPOSITION BASQUIAT AU MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS ORGANISÉE À L’OCCASION DU CINQUANTENAIRE DU PEINTRE NEW-YORKAIS DÉCÉDÉ EN 1988. POUR TOUS CEUX QUI N’ONT PAS PU S’Y RENDRE, PÉBÉO A CHOISI DE DONNER LA PAROLE À CHRISTIAN LASSALLE, EXPERT AUPRÈS D’ENTREPRISES POUR L’ANALYSE DE L’IMAGE ET DE LA PEINTURE, ÉGALEMENT INGÉNIEUR D’ÉTUDES À L’UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE. IL EXPLIQUE LES RAISONS D’UN TEL SUCCÈS AUSSI POPULAIRE QUE DURABLE !

Christian Lassalle: Basquiat est l’un de ces artistes

qui représente la peinture à une époque où celle-ci disparaît. Basquiat dans sa courte vie est un très bon peintre. Il connaît parfaitement l’histoire de la peinture et de sa technique. Il la défend à une époque où justement celle-ci n’est pas le fer de lance de l’art d’avant-garde, et en particulier avec des artistes plasticiens de la génération précédente tels que Rauschenberg et Jasper Johns. Je propose 4 croisements pour le comprendre : entre des faits biographiques, de société, d’intérêts et de thèmes.

LE PREMIER CROISEMENT EST UN RAPPORT À LA PEINTURE. Basquiat joue un rôle important, il sait très bien d’où il vient ; il n’est ni conceptualiste, ni abstrait. Mais il connaît bien ces tendances. Il cherche à les rendre moins intellectuelles, moins universitaires et plus vivantes. C’est pour cette raison qu’il va bénéficier d’une très grande aura et d’une très grande écoute.

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LE DEUXIÈME CROISEMENT, C’EST SON ÉNERGIE ET SA SITUATION AVEC L’ART. Il a une très bonne connaissance des Arts Premiers et en particulier des Arts africains vus au musée de Brooklyn depuis son enfance. C’est fondamental parce qu’il est Noir et que cette connaissance lui fait prendre une place majeure. Comme celle qu’a pu tenir Picasso au début du siècle. D’ailleurs, il est évident que Picasso a joué un rôle dans son évolution. A New York, il pouvait également voir de très grandes œuvres de Picasso dont “Les demoiselles d’Avignon” et puis “Guernica”.


LE TROISIÈME CROISEMENT CONCERNE SA RÉFLEXION SUR LE RAPPORT AUX NOIRS ET À LA NÉGRITUDE. Son art est naturellement “de rue” par rapport à un art installé dans des circuits commerciaux. Basquiat est pourtant un très grand commercial au sens étymologique du terme (échanges avec les autres). C’est pour cela qu’il dit ne pas être un grapheur ou un tagger ordinaire. Il ne se limite pas aux mots, ni au dessin, ni à une peinture de mots (même s’il a une très grande exigence sur le vocabulaire employé). Chaque œuvre de Basquiat est un véritable rébus en fonction des 3 langues qu’il pratique, l’anglais, l’espagnol ainsi que le français par ses origines haïtiennes. Il faudrait lire ses œuvres comme des poèmes. C’est un remarquable coloriste. Il a une grande admiration pour Andy Warhol, d’un point de vue plastique et humain ; il apprécie le Warhol commercial, dans les 2 sens du mot. Commerce dans les sens “relation avec les autres” et “souci de relation économique”. Dans ce sens, Basquiat va devenir important

d’un point de vue du mythe américain ; il comprend Andy Warhol, dans ses milieux “underground”, un monde de la nuit, des clubs. Tous les deux se rejoignent par une très grande interrogation sur la vie et sur la mort. L’art de Basquiat comme celui de Warhol est hanté par ces questions de la mort, de la maladie, de la drogue, de l’alcool. Il n’y a pas d’invention véritable chez Basquiat, c’est un grand classique. Il promeut des gens comme Warhol. Il possède une énergie folle peut-être due en partie à son accident de voiture qu’il a eu enfant et qui a nécessité l’ablation de la rate ; je ferais un vilain jeu de mot en disant que c’est “un dératé” ; ce “dératé” finalement peut avoir une relation à son corps et à son énergie qui vient d’une pulsion libidinale et érotique plus ou moins exploitée. Il se peut qu’il existe une grande sublimation dans son travail qui demeure démesurée.

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LE QUATRIÈME CROISEMENT : IL DÉFEND SA CULTURE


Basquiat est facile d’accès pour beaucoup de jeunes car sa peinture est classique, figurative. On est facilement en phase avec ses tableaux qui représentent la musique, l’énergie, une certaine jeunesse, la négritude, le “borderline“, une vie accidentelle. Une vie qui ressemble à celles de nombreux jeunes ou de plus âgés qui restent jeunes. Il mélange dynamisme, souffrance mais aussi joie de vivre qui est bien le propre de cette génération, d’où le succès de cette exposition avec une forte majorité de jeunes. Il va chercher à défendre cette culture noire comme ont existé dans les années 1900-1920 des mouvements de revendication Noire et des écoles de peinture Noire aux États-Unis, comme le surréaliste métis Wilfredo Lam ; ou le Dr Barns qui recommandait aux jeunes Noirs de venir voir son musée et n’acceptait que des Noirs. Dans cette évolution de la place du Noir dans cette société américaine, il joue un rôle très important avec les jazzmen, Michael Jackson ou d’autres figures Noires issues du sport et naturellement de la politique comme Martin Luther King ; finalement, il précède et rend, d’une certaine manière, possible l’arrivée d’Obama.

Dans une production d’une vie aussi courte, il est difficile de distinguer une période mais quand la maladie le gagne, il va s’intéresser davantage à l’ethnologie et à l’anthropologie. Et avec pertinence, il va chercher à guérir ou au moins à s’alléger devant la mort par les moyens spirituels qui viennent d’Afrique, de Cuba, des îles, par sa connaissance des griots et du Vaudou. Il ne tenait pas à une guérison physique mais plutôt à préparer son esprit à sa mort. Dans ces années là, le sida apparaît, il voit certains de ses amis disparaître. Il vit une évolution plus “spiritualiste“, s’intéresse davantage à Léonard de Vinci et à ses connaissances anatomiques, donc à l’évolution et à la souffrance du corps. D’un point de vue musical, pour se faire plaisir et écouter quelques morceaux de musique appréciés par Basquiat, on peut relever son admiration pour Charlie Parker dont “Cherokee” et l’album “26 novembre 45”. Il avait aussi fondé un groupe de musique, baptisé “Gray” du nom de cet anatomiste dont sa mère lui avait offert le livre alors qu’il était à l’hôpital après son accident.

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FILS CE GÉNIE MON FILS CE GÉNIE MON FILS CE GÉ


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ean-Michel Basquiat est né il y a cinquante ans. À l’occasion de cet anniversaire (loupé), le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris propose une rétrospective majeure d’un artiste immense, mal connu car trop connu, dont les œuvres résonnent encore d’une rage intacte, née de la fusion entre néoexpressionnisme et culture hip hop. « Si vous ‘’lisez’’ à voix haute les toiles... la répétition, le rythme... vous pouvez entendre Jean-Michel penser ». C’est ainsi que Fab 5 Freddy, graffeur et figure historique du hip hop naissant de la fin des années 70, définissait quelques jours après sa mort les œuvres de son pote Jean-Michel Basquiat, avec lequel, à l’époque des ghetto blasters et du graff sauvage, il taguait les murs de l’East Village et enregistrait des disques de rap. Basquiat aurait eu cinquante ans cette année, si une overdose ne l’avait pas emporté à l’âge de 27 ans, celui-là même auquel disparurent d’autres artistes martyrs — Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain...

ÉNIE

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Vingt-deux ans après sa mort, le 12 août 1988, les œuvres de l'artiste américain d'origine haïtienne n'ont rien perdu de leur rage urbaine. Trempant leurs racines dans l'histoire de l'esclavage, elles jaillissent hors du bitume de Brooklyn et de Spanish Harlem, où éclosent au même moment deejaying, emceeing et graff. Dans l'excellent catalogue de la Fondation Beyeler, Glenn O'Brien, ex de la Factory de Warhol reconverti en présentateur télé people dans les années 80, rapporte que

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« le New York dangereux était bien paternel et signe ses graffs du pour les artistes ». Comprendre pseudo de SAMO© (comme

: la ville de toutes les mixités aux loyers dérisoires, zone franche d'alors où comme au supermarché on fait la queue pour sa dose d'héro, cité maudite que n'avaient pas encore colonisée les futurs Yuppies. C'est là que naît l'œuvre de Basquiat, qui à défaut de toiles commence à peindre sur les façades d'immeubles, les portes de W.C. des boîtes, les fenêtres, tout ce qu'il trouve — supports pauvres qu'il adoptera à nouveau quelques années plus tard, en plein succès. 1978 : à 18 ans, l'ado quitte le domicile

Same Old Shit). Rapidement l'acronyme devient célèbre dans le Lower Manhattan, au point que le Village Voice consacre un article à ce mystérieux artiste. Grâce aux proto-people (Madonna, Blondie, David Byrne...) qu'il croise dans les spots à la mode, le jeune métis à belle gueule fait connaître son vrai nom, jusqu'à ce qu'il tombe sur l'homme providentiel, Diego Cortez, qui l'introduit résolument dans le monde de l'art, avant Warhol et en même temps que Keith Haring.


SCRATCHING, SAMPLING, PAINTING L’art de Jean-Michel Basquiat va alors prendre toute son ampleur, et la célébrité vient vite, trop vite. A 21 ans, il participe à la Documenta 7 de Kassel aux côtés d’artistes majeurs tels que Joseph Beuys ou Gerhard Richter. On a beaucoup parlé au sujet de sa peinture de néo-expressionnisme, de l’héritage de Picasso, De Kooning et Dubuffet pour le dessin rapide et les formes libres, et de celui de Cy Twombly pour cette manière d’« action compulsive en devenir ». Comme le souligne l’historien de l’art Robert Storr, « le dessin est pour lui quelque chose qu’on fait plutôt quelque chose de fait, une activité plutôt qu’un médium ». Peintre en action dansant devant ses toiles comme le graffeur face au mur ou le boxeur sur le ring, sans cesse le pinceau à la main, Basquiat est dans la constante reprise de ses œuvres, empruntant à la culture hip hop les modes du scratching et du sampling. Se nourrissant de la réalité qui l’entoure et décryptant ainsi le monde, il répète sur le support les mots qui lui traversent la tête ou la vue, comme le toaster qui improvise :

« Hollywood Africans / Pop Corn / Sugar / Movie Star / Seven Stars / Tax Free / Gangsterism... »

La culture noire est l’une des inspirations majeures de l’artiste. Fier de ses origines, il célèbre dans ses œuvres les grands boxeurs afro-américains (Sugar Ray Robinson, Cassius Clay, Jack Johnson), les musiciens de jazz (Miles Davis, Max Roach, Charlie Parker, qu’il nomme CPRKR ou « Charles the First ») ou les anciens esclaves, héros qu’il auréole d’une couronne d’épines ou dorée. Sans être victimaire, Basquiat emploie l’iconographie du martyr dans ses portraits et autoportraits : crânes, flèches, anges blessés. La musique tient une place prégnante, non seulement le rap naissant, mais aussi le jazz, en particulier le be bop. Le peintre va jusqu’à reproduire intégralement sur toile le dos de pochettes de disque de Charlie Parker et Miles Davis, inscrivant la liste des morceaux et des musiciens participant à l’enregistrement.

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JEAN-MICHEL BASQUIAT, NÉ À BROOKLYN LE 22 DÉCEMBRE 1960 ET MORT LE 12 AOÛT 1988 À SOHO, EST UN ARTISTE PEINTRE AMÉRICAIN. IL DEVIENT TRÈS TÔT UN PEINTRE D’AVANT-GARDE POPULAIRE ET PIONNIER DE LA MOUVANCE UNDERGROUND.

CULTURE ADDICT


ENFANCE

Jean-Michel Basquiat naît à New York, à Brooklyn, le 22 décembre 1960. Sa mère Matilde est new-yorkaise d’origine portoricaine, et son père Gérard est d’origine haïtienne. Jean-Michel a deux jeunes sœurs : Lisane, née en 1964, et Jeanine née en 1967. Enfant précoce, il apprend à lire et à écrire à quatre ans et parle couramment trois langues à l’âge de huit ans. Sa mère, qui est sensible à l’art, emmène régulièrement le jeune Jean-Michel au MoMA et l’encourage à développer ses talents de dessinateur. En septembre 1968 — il a sept ans —, Jean-Michel est percuté par une voiture alors qu’il joue dans la rue avec ses amis. Blessé au bras, il souffre aussi de lésions internes qui nécessitent l’ablation de la rate. Pendant sa convalescence à l’hôpital, sa mère lui fait cadeau d’un livre d’anatomie intitulé Henry Gray’s Anatomy of the Human Body (ou plus communément Gray’s Anatomy). Cet ouvrage influencera fortement l’artiste dans la première partie de son œuvre ; il s’en inspira aussi plus tard pour nommer son groupe de musique Gray.

Ses parents se séparent la même année. Ses deux jeunes sœurs et lui partent vivre chez leur père pendant 5 ans, puis la famille déménage en 1974 à Porto Rico. Après deux ans à San Juan, ils regagnent New York ; Basquiat a alors 16 ans. Par la suite, il est envoyé dans l’école privée Saint Ann, établissement huppé de Brooklyn dont l’enseignement tourné vers les arts privilégie l’apprentissage pratique. Il y rencontre Al Diaz, un graffeur avec qui il se liera d’une profonde amitié. En décembre 1976, il fugue dans Greenwich Village, errant une semaine autour du Washington Square Park, avant d’être arrêté et ramené à son père. Il abandonne l’école secondaire avant la fin de ses études, quitte la maison paternelle d’où il est définitivement banni et part s’installer avec des amis. Il subvient à ses besoins en vendant des T-shirts et des cartes postales de sa fabrication dans la rue, et en travaillant dans une boutique de vêtements.

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CARRIÈRE ARTISTIQUE En 1976, Jean-Michel Basquiat et ses amis Al Diaz1 et Shannon Dawson commencent à graffer à proximité des galeries de Manhattan des messages qu’ils signent sous le pseudonyme de SAMO2, pour « Same Old shit »3. À la même époque Keith Haring recouvre les murs de Radiant Babies. SAMO intrigue et finit par se faire une réputation au sein de la scène d’art d’East Village. Il est invité à une émission de télévision de Glenn O’Brien, et un article lui est consacré en 1978 dans The Village Voice.

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Il continuera à graffer en solo jusqu’en 1979, signant la fin du projet par l’inscription SAMO IS DEAD sur les murs de SoHo. La même année, il fonde le groupe de noise rock Gray avec Shannon Dawson, Michael Holman, Nick Taylor, Wayne Clifford et Vincent Gallo. En 1980, il joue son propre rôle dans le film indépendant Downtown 81 d’Edo Bertoglio, écrit et produit par Glenn O’Brien. O’Brien présente Basquiat à Andy Warhol, avec qui il collaborera plus tard. En juin, Basquiat gagne en notoriété grâce à sa participation au Times Square Show, une exposition collective d’artistes commanditée par Colab and Fashion Moda.

La même année, la manifestation New York / New Wave le conduit à exposer auprès de Keith Haring, Andy Warhol et Robert Mapplethorpe. Encouragé par ce succès, il quitte le groupe Gray. En 1981, René Ricard publie un article élogieux intitulé The Radiant Child (l’enfant radieux) dans le magazine Artforum, propulsant la carrière de Basquiat. Annina Nosei organise la première exposition personnelle de Jean-Michel Basquiat à New York. La galeriste Annina Nosei lui propose de s’installer dans le sous-sol de la galerie, le finance pour qu’il achète des toiles grand format, et organise sa première exposition personnelle. Il collabore à l’exposition du groupe Transavanguardia Italia / America organisée par Achille Bonito Oliva, qui expose ses travaux aux côtés d’artistes néo-expressionnistes tels que Keith Haring et Barbara Kruger, Julian Schnabel, David Salle, Francesco Clemente et Enzo Cucchi. Basquiat quitte la Galerie Annina Nosei en mai 1982, après avoir passé un mois d’avril mouvementé à Los Angeles où il fait l’objet d’une exposition personnelle à la galerie Larry Gagosian. Bruno Bischofberger devient son marchand exclusif.


COLLABORATION AVEC ANDY WARHOL Au début des années 1980, Basquiat commence à exposer ses toiles à New York principalement, grâce à plusieurs galeristes. En 1983, il rencontre Andy Warhol. Basquiat voulait devenir célèbre et a tout fait pour réussir. Warhol était la clé de la stratégie de Basquiat. Il cherche à le rencontrer et « possède même une photo de lui au-dessus de son lit. » Il l’aborde tout d’abord dans un restaurant pour lui proposer ses cartes postales puis se rend dans l’atelier de l’artiste. Petit à petit, ils s’attachent très fortement et deviennent bons amis. Il commence à s’afficher dans des lieux publics à la mode. Ils finissent par créer plus d’une centaine de toiles ensemble. Basquiat représente d’ailleurs son

ami sous la forme d’une banane, Brown Spots (Portraits of Andy Warhol as a Banana). Les deux artistes possèdent un style qui leur est propre et sont deux légendes de l’art contemporain. À deux, ils donnent le résultat d’une collaboration pleine de succès et d’originalité. Pour Warhol, Basquiat était « un miroir reflétant ce qu’il a été, ce qu’il est et aurait rêvé d’être. » Leur rencontre fut donc marquante sur le plan artistique mais également personnel. En 1985, ils réalisent ensemble des toiles qu’ils exposent à Zurich, mais qui sont très critiquées. Warhol serait accusé d’exploiter et de « manipuler » son ami. Cela est censé marquer la fin de leur amitié sincère tant les critiques sont mauvaises.

DÉCÈS Profondément affecté par la disparition d’Andy Warhol le 22 février 1987, Basquiat commence à mener une existence recluse et produit peu. En 1988, après une année et demie d’absence, il expose à nouveau. Malgré le succès de son exposition, il se rend à nouveau à Hawaï au mois de juillet, afin de se défaire de sa toxicomanie. Il rentre à New York le 2 août et déclare être guéri de son addiction. Dix jours plus tard, Jean-Michel Basquiat est retrouvé mort dans son appartement de Great Jones Street d’une overdose d’héroïne et de cocaïne. À 27 ans, il laisse derrière lui une œuvre de plus de huit cents tableaux et mille cinq cents dessins.

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