Rédaction et photos : Prof. Em. Dr. Ir. Hubert Paelinck – KU Leuven, Bertrand Vande Ginste – Professeur honoraire Ecole de Boucherie-Traiteur de Dixmude, Norbert Van Speybroek – Pilote R & D Rejo
Si l’américain préparé est un produit délicat, qu’il s’agisse des aspects bactériologiques ou de la stabilité de couleur, servi avec des frites, une petite salade et une bonne bière fraîche, c’est également un plat savoureux, bien frais et typiquement belge…
L’AMÉRICAIN PRÉPARÉ, Bon mais délicat Bien que le steak tartare ait encore du succès dans pas mal d’établissements, le temps où le garçon préparait un américain devant le client avec tous les ingrédients classiques nécessaires, est révolu depuis quelques temps. Il est fini le temps où on hachait la viande à la table du client, avant d’ajouter tous les accompagnements requis: jaune d’œuf, moutarde, oignons hachés, persil, câpres, sauce anglaise, anchois, ail, sel, … Joseph Niel, qui exploitait une tavernerestaurant au boulevard Emile Jacqmain à Bruxelles, a ajouté pour la première fois de la mayonnaise aux ingrédients traditionnels: c’était en 1926. Il a obtenu ainsi un produit plus homogène et onctueux, qu’il a appelé « filet américain ». La préparation a remporté un énorme succès en cuisine puis plus tard dans les boucheries traditionnelles, sous le nom d’ « américain préparé », avec ses nombreuses variantes, toutes aussi fraîches qu’appétissantes. De nos jours, l’américain préparé est une préparation de viande légalement définie, à base de viande de bœuf (ou de cheval) et assaisonnée au moyen d’une sauce spéciale, dans les proportions 70% de viande de bœuf et (maximum)
30% de sauce. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas utiliser d’autres espèces de viande, p.ex. du porc, dans la préparation, mais bien qu’on ne peut pas l’appeler ‘américain préparé’. Il faut utiliser ‘préparé du chef’, ‘préparé maison’ etc. et l’indiquer sur l’étiquette avec la viande utilisée et les ingrédients et additifs présents dans la sauce. Les additifs autorisés sont fixés par le Règlement n° 1333/2008 de l’U.E. et il n’y en a pas tellement que cela! (cfr numéro d’avril 2016 de La Boucherie Belge). Remarquez qu’on utilise encore toujours les ingrédients d’origine, dosés et combinés selon la créativité du boucher artisanal, dans un cadre légal défini, en respectant l’hygiène la plus stricte et en utilisant avec savoir-faire les auxiliaires technologiques nécessaires, pour obtenir un produit de couleur stable et bactériologiquement sûr. Ce n’est pas simple! Ni pour la stabilité de couleur, ni pour la sécurité bactériologique, ni pour la durée de conservation. On part en effet de viande fraîche, ne subissant aucun procédé de conservation pendant la préparation, contrairement aux charcuteries, où c’est même l’essence de la préparation.
STABILITÉ DE COULEUR En soi, la couleur est un stimulus visuel et une donnée subjective, sans rapport avec la qualité intrinsèque du produit de viande. Subjective peut-être mais quand même très importante, parce que le consommateur associe la couleur de la viande et des produits de viande à leur qualité. En d’autres termes, le client achète avec ses yeux! Les tons roses et très rouges sont associés à la fraîcheur et à la saveur et invitent à l’achat, alors que les tons gris ou irisés sont perçus négativement et n’encouragent pas à acheter. La couleur de la viande et des produits de viande doit donc à tout prix être en ordre et le rester jusqu’au moment de leur consommation. Ce qui pour la viande hachée devient vite un problème et vaut évidemment aussi pour l’américain préparé et produits dérivés. Dans la viande fraîche – hachée ou non – la couleur est déterminée par la quantité de myoglobine présente dans les fibres musculaires et l’état dans lequel cette protéine se présente. La myoglobine peut en effet se présenter sous plusieurs formes: l’oxymyoglobine (O2Mb), la (deoxy)myoglobine (Mb) et la metmyoglobine (MMb). L’O2Mb est rouge cerise et la Mb pourpre. La MMb est incolore et donne à la viande une couleur brun terne (cfr fig. 1). Dans l’O2Mb et la Mb, la couleur rouge/pourpre est associée à la présence d’un ion fer (Fe2+) dans le groupement prosthétique de la protéine, dans la MMb il s’agit d’un ion Fe3+. Ce qu’il est important de savoir pour la pratique, c’est que les différentes formes – en fonction des conditions de l’environnement – peuvent s’interpénétrer. Ce qu’on peut observer visuellement, c’est la lumière réfléchie par un mélange d’O2Mb, de Mb et de MMb. Dans des conditions physiologiques normales, la ferromyolobine peut lier l’oxygène (O2) dans la viande fraîche. S’il y a beaucoup d’oxygène présent dans l’environnement, la myoglobine se présente sous la forme d’O2Mb et la viande est attrayante et rouge cerise. Si la quantité d’O2 diminue, on passe à la Mb pourpre. Un morceau de viande qu’on vient de trancher est donc rouge cerise à la surface et pourpre à l’intérieur. En contact avec l’air/
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