DEssin : thomas du caju
scenario : Jean-Claude Van Rijckeghem
Selsey Bill, sud de l’Angleterre. 5 juin 1944, à 23 h 15. Nous avons reçu le briefing de l’opération Neptune. Demain, à l’aube, l’invasion de l’Europe commence.
Pour nous, “349 Belgian Squadron”, c’était le jour que nous attendions avec impatience depuis des années. La fébrilité des derniers jours nous y avait préparés : quelque chose d’énorme allait bientôt se produire.
C’est ainsi que, du jour au lendemain, nos zincs avaient été recouverts de rayures blanches et noires afin d’être facilement reconnus.
Enfin ! Après quatre ans, je commençais à en avoir assez de la cuisine britannique.
Tu parles ! Je rêve d’un bon moulesfrites, place Sainte-Catherine. Avec une bière bien mousseuse.
Deux bières bien mousseuses !
Le 6 juin, nous avons été réveillés à 3 h 45, au matin du “ jour le plus long ”. Encore que je ne pense pas que l’un d’entre nous ait réussi à fermer l’œil.
Nous avons avalé des sandwiches avec du thé et, après une dernière séance d’information, nous avons vérifié notre équipement : casque, gants, cartes et le gilet de sauvetage gonflable qu’on appelait “ Mae West”, parce que le renflement qu’il formait sur notre poitrine faisait penser aux appâts opulents de l’actrice.
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Guy et moi faisions partie des douze premiers avions qui ont décollé à 5 h 30 du matin, aux premières lueurs du jour. Nos “spits” devaient fournir une couverture aérienne aux bâtiments de la Navy.
Avant même d’avoir atteint les côtes de Normandie, nous étions pris pour cibles par la “Navy” que nous devions protéger.
Ces gars de la marine… Ils perdent les pédales au moindre bruit de moteur d’avion.
Arrêtez de tirer sur les Belges, Bon Dieu !
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On a mené trois autres missions ce jour-là.
Nous avons abattu deux Junker allemands et perdu un seul avion.
Mais, le jour du débarquement, nous avions le boulot le plus facile. Les gars au sol en ont beaucoup plus bavé.
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Ce n’est que les jours suivants, alors que les Alliés s’enfonçaient plus loin dans l’intérieur des terres, que les choses sont devenues sérieuses pour nous. Afin d’empêcher les Allemands de se regrouper pour contre-attaquer, nous devions détruire ponts, tunnels, carrefours et gares.
Les Allemands ont si peu de pilotes qu’ils ne pourraient même pas former une équipe de football. Mais cela ne signifie pas que la Luftwaffe a été totalement exterminée. Attention à leurs coups fourrés. Ils sont rusés !
Bruxelles. Deux bières.
Huit juin 1944. Un matin radieux. Nous avions le soleil dans le dos. Du gâteau pour les premiers avions. Les Allemands n’ont pas compris ce qui leur tombait dessus.
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Pour les vagues d’attaque suivantes, ça a été moins simple. Les canons antiaériens sont entrés en action de tous côtés.
Je devais détruire la gare. J’ai fait un “skip bombing” : j’ai largué ma bombe au ras du sol.
Elle a atteint son but. Exactement sept secondes après largage.
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Nous rentrions à Selsey Bill, lorsqu’un Messerschmitt a plongé sur nous. Il a touché deux Spitfire avant de s’enfuir.
Tu es à moi, enfoiré !
Guy, bon sang, pense à ton carburant. Il t’attire au loin. stupide Messerschmitt, tu es déjà mort. Tu n’as pas encore compris ?! Vous êtes en train de perdre la guerre.
Où vas-tu, salopard ?
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Le Messerschmitt nous avait attirés sur les canons antiaériens de Carpiquet. Un piège !
Ton parachute, Guy, ton parachute !
Bon Dieu, Guy !
J’ai été obligé de trouver un endroit pour atterrir, de préférence pas derrière les lignes allemandes.
English ?
Non, Belge. Belge, c’est bien aussi.
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Le 2 novembre, notre escadron a atterri à Bruxelles. On a fêté ça. On a pleuré. On a chanté... Le lendemain, je suis allé Place Sainte-Catherine.
Vous êtes bien matinal, pilote.
Je comprends. Dans ce cas, le repas est pour la maison, pilote.
Je voudrais un moules-frites. Et deux bières avec un joli col de mousse. Une pour moi et une pour mon pote qui n’a pas pu être là aujourd’hui.
On l’a fait, Guy ! Nous avons réussi.
fin de cette histoire
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