Alter Eco Reporters 2013 : l'équité est dans le pré !

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Le Journal

COMMERCE ÉQUITABLE “NORD-NORD”

L’équité

est dans le pré !

#2 l Juin 2013 l POITOU-CHARENTES


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Le Poitou-Charentes a vu nombre d’éoliennes pousser dans ses champs. Mais pour que la révolution verte soit complète, une autre conception de l’agriculture et une nouvelle

Alter Eco Reporters

Les Alter Eco Reporters sont une réalisation des Apprentis Reporters pour la Terre, un atelier de journalisme pour des jeunes de 11 à 25 ans, développé par ya’com. Sur ce 2e opus, deux jeunes volontaires d’Unis Cité (lire ci-dessous), Nicolas Ravenet (Île-de-France) et Pierre Lefebvre (Poitou-Charentes), ont coréalisé avec un journaliste les entretiens de ce journal. issuu.com/beniat

Le Journal des Alter Eco Reporters

Éditeur : Alter Eco (directeur de publication : Éric Garnier) Rédacteur en chef, SR, maquettiste : Bertrand Portrat (ya’com) Charte graphique : pepeteprod.com Reporters : Pierre Lefebvre, Nicolas Ravenet © Photos : Alter Eco, Corab, Fer Gregory / shutterstock, Fred H, ya’com

Unis CitE...

Les Alter Eco Reporters interviewant Bernard Ranaweera (coopérative Sofa, Sri Lanka).

Un engagement pour chacun et pour tous

Créée en 1994, Unis Cité est l’association pionnière du service civique. Cet engagement de 6 à 12 mois permet à des jeunes de 16 à 25 ans recrutés sur leur seule motivation de faire le

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l'equite est dans le pre Le principe de “l’émission” ? Oubliez le Tournez Manège des champs qui fait se rencontrer agriculteurs et téléspectateurs célibataires. Ici pas de télé-réalité ni de paysans à la recherche de l’âme sœur. L’amour, les membres de la Corab1 l’ont déjà trouvé et l’entretiennent au quotidien. Au foyer mais aussi aux champs. L’amour de la Nature, l’amour du métier. Des producteurs qui se sont unis pour défendre un modèle agricole respectant l’environnement et redonnant vie aux campagnes. Du bio, des emplois, des prairies, des arbres, des haies, du lien avec la société civile… Et ce projet de relocaliser la transformation de leurs graines dans une vallée économique et biologique dédiée (p.05).

NE PAS VIVRE “DE” MAIS “AVEC” LA NATURE Selon un sondage BVA 2012, 91 % des Français approuvent le commerce équitable2 mais seuls 30 % achètent ces produits. En tête des raisons invoquées : le prix jugé trop cher, un manque de confiance (les petits producteurs en profitent-ils ?) et une préférence aux produits français (repli protectionniste alimenté par la crise). Pour la 1re, question de priorités. Pour la 2e, les bénéfices pour ces petits cultivateurs (et leur communauté) sont par exemple visibles sur le site d’Alter Eco3 et vérifiables auprès de leurs fournisseurs. Lors de leur 1er reportage au Pérou, les Alter Eco Reporters (cf. encadré) ont pu constater que la coopérative Oro Verde avait investi entre autres dans un laboratoire qualité pour bonifier son café. Pour la 3e raison, ce 2e numéro au cœur du Poitou-Charentes rappelle que le commerce équitable profite aussi aux “Gaulois” et à leurs campagnes. La filière “Nord-Nord” d’Alter Eco, ce sont des produits bons et responsables que vous pouvez acheter lors de vos courses. Mais c’est aussi et avant tout une tribune nationale pour ces agronomes qui ne vivent pas de la Nature, mais avec elle. Et de faire des émules ! Bonne lecture et bonnes rencontres.

e vision de la vie rurale font surface, notamment avec la Corab.

Coopérative régionale d’agriculture biologique Centr’ Atlantique : corab.org Système ayant pour but une meilleure équité dans les échanges commerciaux mondiaux. Notamment en faveur des petits producteurs qui reçoivent une juste rétribution de leur travail, sont encouragés à pratiquer une agriculture respectueuse de l’environnement, et bénéficient de projets de développement social pour leur communauté. 3 Créée en 1998, Alter Eco est une entreprise qui produit et vend (notamment en grande surface) des produits garantissant un développement durable : agriculture biologique, commerce équitable et compensation carbone. Elle soutient 40 coopératives dans 25 pays du Sud, et a développé un partenariat avec des agriculteurs bios en France. Plus globalement, son but est de valoriser et préserver une agriculture à taille humaine, respectueuse de l’environnement. altereco.com 1

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Bien nourrir ses concitoyens, la richesse d’un métier à préserver.

point sur leur projet professionnel tout en menant des projets de solidarité. À Unis Cité, 2 000 jeunes s’investissent chaque année dans l’environnement, le lien intergénérationnel, une restauration scolaire de qualité… Ils reçoivent une indemnité

de l’État (jusqu’à 560 €) et bénéficient d’un accompagnement individuel pour leur recherche d’emploi ou de formation. uniscite.fr

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Garder nos campagnes en vie PROJET SOCIAL

La Coopérative régionale d’agriculture biologique Centr’Atlantique œuvre pour une production de qualité, respectueuse de l’environnement et des Hommes (consommateurs et producteurs). Environnement, santé mais aussi social puisque ses membres se fédèrent autour d’un projet solidaire de revitalisation rurale. Immersion au cœur d’un nouveau modèle agricole avec Edouard Rousseau, président de la Corab. E. Rousseau et le Silo Bio Ouest (projet de relocalisation “Vallée Bio”).

Comment a débuté l’histoire de la Corab ? La coopérative a été créée en 1998 par 18 agriculteurs bios qui commençaient à faire des émules dans le canton de St Jean d’Angély (17). Le contexte national était favorable car le ministère de l’Agriculture venait de lancer le plan Riquois pour encourager l’agriculture biologique. Après des débuts tumultueux, nous sommes aujourd’hui en pleine expansion : 130 membres (en Poitou-Charentes mais aussi Vendée, Dordogne et Haute Vienne) et une spécialité : 100 % bio et 100 % grains pour l’alimentation humaine. Comme le bio encourage la diversité (cf. encadré), nous produisons jusqu’à 32 espèces de céréales (blé, épeautre, orge, seigle, avoine…), légumineuses (pois chiches, haricots…), oléagineux (huiles) et protéagineux (lentilles corail…). Soit cinq fois plus de variétés qu’en conventionnel. Une richesse mais aussi un surcoût… D’où l’intérêt de cette coopérative ?

Elle permet de mutualiser les moyens nécessaires à la collecte et au stockage (bennes, camions, silos), qui sont d’autant plus chers qu’on ne peut mélanger les graines. Mais les règles d’une coopérative, les mêmes depuis la fin du XIXe, vont bien plus loin. On parle avant tout d’un principe d’engagement du producteur, dans la durée et l’activité. En contrepartie, la coop’ assure la commercialisation. Une vraie sécurité pour les agriculteurs qui bénéficient d’un prix unique par culture (quelle que soit la taille de leur exploitation), d’un volume annuel garanti et d’une valorisation de toute cette diversité !

«

Le tarif est aussi garanti ? Oui, pour certaines cultures : soja, lentilles, haricots… Comment ? En ne produisant que ce que l’on vend : on colle aux besoins du marché et on se répartit ensuite la production, ainsi pas de mauvaise surprise ! Fin août, après la 1re moisson, on verse 75 % du prix. En décembre, 2e acompte (25 %) puis fin juin, à la clôture des comptes, une assemblée générale décide de l’utilisation des excédents : une partie est injectée dans les projets de la coop’ et/ou reversée aux producteurs (compléments de prix ou parts sociales d’épargne). Ce mode de gouvernance démocratique (1 producteur = 1 voix) est propre au fonctionnement et à la transparence d’une coopérative. Enfin, notre conseil d’administration -avec l’aide de notre ingénieur agronome- a fixé des prix d’achat plancher à nos producteurs, en dessous desquels nous estimons qu’il n’est pas possible de vivre dignement de son travail : de 350 à 400 € la tonne de blé, autour de 1 000 € celle de lentilles…

Quelles autres missions remplit votre ingénieur agronome ? On n’achète pas seulement 1 tonne de lentilles, on s’intéresse à celui qui la produit, à ses difficultés, en le suivant toute l’année. Notre ingénieur agronome assure un rôle de conseil en organisant des formations techniques : quelles graines cultiver, quels matériels utiliser… C’est une partie du projet social de la Corab, où tous ensemble nous essayons de promouvoir une certaine vision rurale ! Une dimension plus humaine des échanges commerciaux agricoles, que nous partageons avec

La Corab n’achète pas seulement 1 tonne de lentilles, elle s’intéresse à celui qui la produit, à ses difficultés, en le suivant et conseillant tout l’année. »

corab...

... Centr’Atlantique

Basée à Saint-Jean-d’Angély (17), la Coopérative régionale d’agriculture biologique a vu le jour en 1998. C’est un projet basé sur un compromis culturel, alimentaire, territorial, social

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Grâce à une politique “durable” de prix d’achat et de rotation des cultures, les producteurs de la Corab bénéficient d’une meilleure et plus stable rémunération. (Marges nettes sur la rotation, prix et rendements sur 10 ans, ITAB Arvalis)

des acteurs du commerce équitable tel Alter Eco. De moins en moins d’agriculteurs en France* exploitant chacun de plus en plus de terres : veut-on continuer à voir se vider nos campagnes ? Le productivisme est né de l’autosuffisance alimentaire voulue après-guerre. Fin 60’s, le rendement de blé à l’hectare est de 40 quintaux. Fin 90’s, à coup d’engrais et autres intrants chimiques, il atteint 80 q pour s’ouvrir à l’exportation. C’est l’avènement de La Pallice, 2e port exportateur de céréales de toute la façade atlantique ! A la Corab, nous avons choisi une autre voie : une production de qualité respectant notre Terre, avec des exploitations à taille humaine maintenant nos emplois ruraux et préservant le lien de confiance avec les consommateurs. Nous sommes ce trait d’union entre la fourche et la fourchette !

pour être transformé en huile et son tourteau 500 km pour être valorisé (nourriture pour bétail). Ça permettrait donc de relocaliser la transformation de nos produits bios et ainsi de créer des emplois dans nos campagnes. Un village professionnel que nous essayons de faire sortir de terre avec l’association “Croissance bio en Poitou-Charentes” et le projet “Vallée Bio”. Une biscuiterie pourrait prochainement faire le lien entre l’amont (producteurs) et l’aval (consommateurs).

* Les agriculteurs représentaient 8 % de la population active française en 1980, ils ne sont plus que 3,4 % en 2007 et encore moins aujourd’hui (insee.fr). En 1955, ils étaient même 6,2 millions contre 716 000 en 2010 (Agreste). Quant au nombre d’exploitations, il a diminué de 26 % en 10 ans, passant de 663 000 en 2000 à 490 000 en 2010 (ministère de l’Agriculture).

Les circuits courts font partie de vos projets ? C’est, plus spécifiquement, la relocalisation des acteurs et savoirfaire dans l’élaboration des produits alimentaires bios au sein de la production régionale. C’est “l’essence” même de notre projet, dont la 1re pierre est Silo Bio Ouest, lieu de triage-séchage-stockage mais aussi de ventilation et d’analyses (certification “sans OGM”). Une installation de 2,7 millions d’euros, pierre angulaire entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Cet outil est un service pour nos fournisseurs car c’est nous qui stockons et livrons les productions commandées. L’idée à terme est de faire valoriser in situ nos productions locales en faisant venir les différents métiers du grain (de 1re et 2e transformation). Les intérêts ? Réduire les transports : à titre d’exemple, aujourd’hui, notre tournesol fait 600 km

et économique. Elle compte 130 adhérents diversifiés, qui produisent en bio plus de 30 espèces de céréales et légumineuses pour l’alimentation humaine. Biocoop distribue 25 % de ses volumes, surtout en céréales, légumes secs et huile

Jusqu’à 32 espèces !

Pourquoi bio rime avec diversité ? Par une rotation longue des cultures propre à son modèle agronomique : en bio, le sol n’est pas un support inerte mais un organisme vivant. On se sert du milieu ambiant pour autoréguler les besoins des cultures. Exemple : on fait pousser de la luzerne car ses racines vont fixer l’azote de l’air puis fertiliser la culture qui prendra le relais. Résultat : pas d’engrais chimiques et un large éventail de variétés cultivées ! En cassant le cycle d’une culture, on casse aussi la dynamique des parasites (champignons, insectes, mauvaises herbes). Sols préservés, biodiversité stimulée mais aussi alimentation diversifiée : la rotation des cultures, une technique à faire tourner !

de tournesol. Alter Eco soutient depuis 2011 ce modèle agricole familial à travers sa filière “Nord-Nord” de commerce équitable. corab.org

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« Les agriculteurs doivent redevenir des agronomes . » BIODIVERSITÉ

Militant sur tous les fronts ( L ar z a c, Pl o go f f, B laye …) , repreneur d ’ une exploitation familiale mais agriculteur autodidacte sur le tard, Pascal Biteau est un puriste du métier, un philosophe de la terre nourricière et partenaire. Un “insolent” qui sème l’agriculture de demain et récoltera les fruits d’une recherche participative et résistante.

«

Le chimique et le conseil extérieur ont pris le pas sur les décisions des agriculteurs, leur font appliquer des recettes toutes faites, les transforment en ouvriers spécialisés de la production végétale première. » Comment êtes-vous venu au bio ? J’ai repris la ferme familiale en 1992, une exploitation céréalière “chimique” et lassante. Le calendrier ne bougeait pas, pour le blé : semis le 25 octobre (statiquement la meilleure date), 1er coup d’herbicide anti-germinatif mi-décembre, 1re pulvérisation d’azote (engrais) au 15 janvier, 2e herbicide mi-février, fongicide début mars et mai, et récolte début juillet… Mais 1992, c’est aussi la nouvelle Politique agricole commune (PAC). Nouvelles aides, nouvelles contraintes. J’ai intégré des groupes de développement chapeautés par la chambre d’agriculture et j’ai travaillé sur la directive de réduction des pollutions aux nitrates. Cette logique économique de diminution des intrants chimiques nous a amenés à favoriser un système dit intégré, où on fait appel aux ressources naturelles. Tels les insectes prédateurs : la coccinelle pour lutter contre le puceron destructeur des céréales d’automne, le carabe pour contrer la limace mangeuse de colza et tournesol, etc.

Comment faire venir ces “insecticides naturels” ? En préservant la biodiversité ! C’est-à-dire en reconstruisant leur écosystème par le biais de bandes enherbées et de haies, en réduisant les dimensions des parcelles et en “allongeant” la rotation des cultures (alterner non plus 2 ou 3 cultures mais le double). Mais un système intégré, ce n’est pas forcément renoncer au chimique. Ce chimique et ce conseil extérieur qui ont pris le pas sur les décisions des agriculteurs, qui leur font appliquer des recettes toutes faites, qui les transforment en ouvriers spécialisés de la production végétale première ! Il faut aller plus loin, en n’utilisant plus aucun traitement chimique. Pour cela, il faut (re) devenir agronome, c’est-à-dire acquérir la connaissance globale des énergies naturelles disponibles afin de pratiquer une agriculture

« écologiquement intensive », dixit Marc Dufumier. Pour cet agronome et enseignant-chercheur (AgroParisTech), ça passe déjà par la mise en place d’un “couvert végétal”. C’est par exemple un champ où luzerne et blé vont cohabiter, la 1re apportant azote et carbone au 2e. C’est aussi opter pour des plantes et dates de semis qui soient adaptées au cycle climatique local, notamment pour les besoins en eau. Enfin, c’est 0 % chimique, soit 100 % bio !

À quand remonte le bio ? Historiquement, c’est une réaction à l’arrivée du chimique, que l’on doit au baron von Liebig (†1873) qui s’est rendu compte de l’intérêt de l’azote, phosphore et potasse dans l’amélioration des rendements agricoles. Dès 1924, le philosophe et père de la biodynamie Rudolf Steiner critique le recours aux engrais chimiques. Pour moi, le bio a commencé en 1998 avec la création de la Corab qui a permis de sortir de la marginalité les pionniers de l’agriculture biologique. Pour moi, cette coop’ reste l’union de tous ceux qui veulent changer de modèle agricole (et de société). D’autres coopératives avaient déjà vu le jour ailleurs en France, un retard à l’allumage qu’on a du mal à rattraper* car on a ici une forte tradition céréalière dont le bio est moins incitatif que celui de l’élevage. * En Poitou-Charentes, seuls 2,4 % de la surface agricole utile sont bios contre 3,5 % au plan national (source : Agence Bio). Le Grenelle de l’environnement avait fixé comme objectifs 6 % en 2012 et 20 % en 2020.

>>> (suite de l’itw en p.08)

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Pascal Biteau, dans son champ de blé “population” (lire p.9), peuplé de moutarde sauvage pour la diversité et nourri de Marc Dufumier pour les idées !

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(suite de l’itw p.06) >>>

Quelles sont les contraintes d’une production bio ? L’interdiction de tout produit chimique de synthèse ! Pour l’engrais, on va épandre du fumier (ou du compost) et/ou avoir recours au couvert végétal. Le seul traitement de semence autorisé, c’est pour lutter contre la “carie du blé” (qui peut condamner tout un champ sur 3 ans !) et il est minéral : bouillie bordelaise ou à base de moutarde. Toutes les contraintes sont définies par le cahier des charges de l’Agriculture Biologique, publié par le ministère de l’Agriculture en 1991 et matérialisé par le logo AB. Elles se sont assouplies quand ce cahier des charges est devenu européen. Le label continental permet aujourd’hui de pratiquer la mixité “conventionnel”/bio sur par exemple 2 blés, s’ils sont de variétés différentes (la Corab est plus exigeante : mixité interdite !). Par ailleurs, le seuil d’OGM toléré par le label français est de 0,1 % contre 0,9 % pour l’européen.

Le bio n’est pas plus cher et plus long à produire ? Si on reste sur le blé, c’est vrai que mon rendement est moitié moins élevé qu’en “chimique”. Je pourrais faire plus (aujourd’hui 30 à 35 q/ha) en enrichissant la terre de matière organique mais ce surcoût annulerait les quintaux gagnés. Sans compter le temps passé à l’épandre. La perte de temps est liée aux moyens mécaniques de production, à laquelle s’ajoute la pollution engendrée par le tracteur. Mais tout ça dépend de chacun… Moi je suis à 70 l de gasoil / an / ha, une consommation modérée avec un objectif à 50 l ! Pour ça, il faut se détacher de l’idée qu’un champ bio doit être “propre” à 100 % et qu’il faut gratter non-stop pour y arriver ! Ce n’est pas parce qu’on va passer trois fois le déchaumeur qu’on va se débarrasser des plantes vivaces (chardons, ortie). Il faut observer, comprendre et s’adapter, bref faire de l’agronomie ! Ici, c’est en les privant de ce dont elles ont besoin (lumière, azote, eau) qu’on en viendra durablement à

bout (et raisonnablement en temps de travail). On peut utiliser la luzerne pour concurrencer le chardon. Ou modifier la rotation des cultures pour la “folle avoine” : ce parasite germant d’octobre à mai, il faut semer en mai et donc reporter le blé (ce ne plus sa saison) au profit du tournesol ou de l’haricot.

Et au niveau des revenus ? Si le blé bio a un rendement bien moindre et n’est pas très valorisé (280 à 380 € / t contre 100 à 250 en conventionnel), le tournesol bio a une productivité quasi similaire et un prix 30 % supérieur au “chimique”. Pour les protéagineux, il n’y a pas d’écart de rendement et c’est bien plus rémunérateur en bio : + 2 000 € pour les haricots par exemple. Globalement, depuis que je suis passé en bio, j’ai de meilleurs résultats financiers notamment grâce aux économies réalisées sur les produits chimiques et matériels dédiés (ex. pulvérisateur).

Quels sont les enjeux du bio de demain ? Nourrir de plus en plus de personnes ! Le Grenelle de l’environnement avait pour objectif 12 % de production bio en 2012, on en est guère à plus de 3 %... Mais si on tend vers cet horizon, il faudra de plus en plus d’exploitants. Or, le frein invoqué à ce développement concernerait les contraintes du bio qui vont donc irrémédiablement être revues à la baisse. L’enjeu du bio de demain, c’est de sécuriser nos produits pour donner des garanties aux consommateurs. Nous voulons garantir un bio à 100 %, interdire toute mixité avec le “chimique”, revenir au seuil de 0,1 % d’OGM toléré, et exclure tout matériel organique issu du recyclage d’élevage industriel. Bref, nous voulons revenir à un cahier des charges plus exigeant, c’est le travail expérimenté par le label Bio Cohérence…

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«

Il faut se détacher de l’idée qu’un champ bio doit être “propre” à 100 % et qu’il faut gratter non-stop pour y arriver : polluant, chronophage et inutile ! Mieux vaut observer, comprendre et s’adapter, bref faire de l’agronomie ! »

La diversité de demain…

sont dans les semences d’aujourd’hui « Autrefois, les paysans étaient agriculteurs mais aussi semenciers. Aujourd’hui, ils dépendent essentiellement de semenciers professionnels et de graines qui répondent surtout à des critères de productivité, stabilité... Parfaites pour l’agriculture “chimique” ! Mais inadaptées au bio car inadaptables à un milieu géré naturellement. De plus, ces semences certifiées sont de moindre qualité, et pourraient être allergènes. Enfin, ce clonage aboutit à un effondrement du patrimoine génétique, jusqu’à - 80 % pour le blé ! Avec l’association “Cultivons la Bio-Diversité en Poitou-Charentes” (Réseau Semences Paysannes) et l’Inra, nous redéveloppons ces semences “population”, dont l’hétérogénéité permet de limiter les pertes en cas de maladie. » P. B.

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Retour au paradis CULTURE & ELEVAGE

Pour Luc Suret, le paradis agricole est d’abord devenu enfer. Il s’en est éloigné mais pour mieux y revenir et participer à un retour à l’essentiel. Une production amoureuse de la Nature qui nourrit le corps mais aussi l’esprit, entretient la vie rurale et l’espoir d’un lendemain qui chante. Cet éleveur, cultivateur et administrateur de la Corab défend mais aussi partage son “pré carré”, au quotidien, sur la ferme familiale de Migré.

L’agriculture, “c’était mieux avant” ? Quand j’étais môme, les fermes étaient formidables : de petites structures avec des troupeaux de bovins à lait, des prairies humides, des champs entourés de haies, des vaches qui se frottaient sous des frênes bicentenaires… La vie chez mes parents éleveurs laitiers était un petit paradis ! Sauf qu’à la fin des 70’s, notre campagne a été drainée : moins de crapauds pour plus de blé… Des plans d’investissement ont bénéficié à ceux qui arrêtaient l’élevage au profit de cultures irriguées… À tel point qu’au milieu des 80’s, la rivière de la Trézence était à sec ! Tout ce que j’aimais avait disparu, il n’était plus question que je fasse de l’agriculture mon métier.

Et le bio, pourquoi vous y être mis ?

Finalement, c’est bien le vôtre aujourd’hui : que s’est-il passé entre temps ?

* Et entretenir un système d’inégalité de revenus entre éleveurs et céréaliers (les premiers gagnant moins que les seconds par rapport au temps de travail).

Même si je voulais m’éloigner de cet avenir professionnel, j’ai quand même essayé une 2nde agricole. Mais je me suis vite aperçu que j’étais un peu “hors cadre” : j’avais des posters de Jimi Hendrix au mur alors que pour mes potes c’était des moissonneuses-batteuses ! Je me suis réorienté dans l’enseignement général, même si j’ai fini par un DEA de biologie cellulaire et physiologie végétale : j’avais la Nature dans le sang ! Et pour le service militaire, que j’ai fait en tant qu’objecteur de conscience, j’ai bossé dans une station d’expérimentation légumière à Saintes. Après, comme je n’arrivais pas à trouver un financement pour ma thèse (recherche sur le céleri-rave), j’ai fini par faire prof de biotechnologie. Pendant mes temps libres, j’ai toujours aidé mon père à la ferme. Et quand il a décidé d’arrêter en 2000/2001, j’ai mené les deux activités de front jusqu’en 2005 où j’ai fait le choix de la terre…

En 2004, deux jours après un traitement au fongicide sur de l’orge, j’ai eu des maux de gorge et des plaques sur tout le corps : purpura ! Même si je ne suis pas certain de la relation de cause à effet, après un mois au lit, principe de précaution : j’ai décidé de ne plus toucher un seul produit chimique -dont on n’ignore toujours 10 % des effets. D’où ma conversion au bio et mon arrivée à la Corab fin 2004. Du côté des cultures, je suis passé de 45 à 85 ha. Pour lutter contre les adventices (ex. chardons), j’ai commencé la rotation des cultures avec des prairies que je fauche. J’avais alors deux options : soit vendre mon foin* soit nourrir avec mon propre bétail.

Et vous vous êtes lancé dans l’élevage ? Oui, de Bazadaises, des vaches rustiques qui jouaient jadis le rôle de tracteur et qui aujourd’hui sont menacées (environ 4 000 têtes sur Terre). Je voulais participer à la sauvegarde d’une espèce protégée mais aussi avoir des animaux sur la ferme car ça “habille”… Je souhaitais que la mienne soit agréable à voir, prenne part à la beauté de notre campagne. Cela s’inscrit dans une démarche plus globale : un modèle agricole à taille humaine*, avec un certain équilibre entre les productions. Des cultures mais aussi de petits troupeaux qui redonnent vie aux prairies et donc aux arbres. Des vaches, des prairies, des arbres : un cadre de vie agréable et attractif pour tous ceux qui voudraient s’installer à la campagne et la faire vivre ! * Des exploitations d’une centaine d’hectares maximum, afin de maintenir les emplois.

«

Je me suis vite aperçu que j’étais un peu “hors cadre” : j’avais des posters de Jimi Hendrix au mur alors que pour mes potes c’était des moissonneusesbatteuses ! »

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Luc Suret a choisi d’élever des Bazadaises, des vaches rustiques en voie de disparition.

«

C’est d’une rééducation alimentaire que viendra la solution. Po u rquoi pas d es cours d e cuis in e à la f in d u p r im a ire e t a u d é bu t du secondaire ? Là où l’on se forge une identité, des convictions et un palais ! » En France, seuls 3,5 % de la surface agricole étaient bios fin 2011 (agencebio.org). Le match avec le “conventionnel” n’est-il pas perdu d’avance ?

« Ce n’est pas avec le bio qu’on va nourrir la planète ! », écoute-t-on comme contre-argument principal. Dans les 40/50’s, un modèle productiviste a instauré le blé comme base de nourriture principale. Et d’utiliser massivement en engrais de l’azote chimique, issu d’une énergie non renouvelable : le pétrole. Alors qu’un autre choix était

possible, par exemple une légumineuse comme la lentille qui fixe l’azote naturellement présent dans l’air. Un hectare de lentille bio, c’est moins cher à produire, ça pollue moins, c’est durable et ça nourrit davantage (riches en protéine et amidon) ! Sauf que la lentille n’est plus populaire du tout, c’est donc d’une rééducation alimentaire que viendra la solution. Pourquoi pas des cours de cuisine dès la fin du primaire et au début du secondaire ? Là où l’on se forge une identité, des convictions et un palais !

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AGRICULTEUR AU QUOTIDIEN APERÇU Loin de nous l’idée de vous dresser ici

la journée type d’un agriculteur, ce métier étant très large et les manières de l’exercer propres à chacun. Mais plutôt de vous donner un aperçu de ce que peut être le quotidien d’une personne dont l’activité a pour objet « l’exploitation du milieu naturel permettant la production des végétaux et des animaux nécessaires à l’homme » (Hachette). En l’occurrence celui de Luc Suret, éleveur et cultivateur bio, à Migré (Charente-Maritime), ce 7 mai 2013.

9h

« Ma journée commence avec un tour au champ pour vérifier que mes vaches ne manquent de rien (ex. point d’eau) et si elles se portent bien : si elles sont en train de bronzer et de ruminer, elles sont au top !

16h

Ma matinée se poursuit avec l’entretien des prés : par exemple les clôtures ou –comme aujourd’hui- la taille des herbes sous le fil électrique afin qu’il continue à remplir son rôle dissuasif.

Retour à la ferme pour changer d’appareillage. On installe et prépare le semoir : on retire les graines du précédent semis (ici des lentilles avec de la cameline qui sert de tuteur aux premières et dont on fera de l’huile). Puis on fait le “plein” (aujourd’hui un mélange pour prairie : moha de Hongrie, trèfle Alexandrie et fenugrec) et on calibre le débit de la semeuse. Le bio nous oblige à utiliser des semences elles-mêmes biologiques si disponibles, ou tout du moins non-traitées. Comme nous n’utilisons ni fongicides ni pesticides, nous compensons en utilisant 10 % de graines en plus et, surtout, en les semant dans les meilleures conditions possibles d’humidité et de chaleur. Bref, faut être réactif !

12h

C’est l’heure du déjeuner, un bon repas pour reprendre des forces !

16h30

14h

18h30

10h

Et c’est reparti ! J’attelle le déchaumeur et direction un champ où j’ai déjà passé la herse rotative pour arracher les herbes. Le déchaumeur à dents a trois fonctions : il coupe les herbes, ameublit la terre et l’aplatit.

Retour au champ pour tenter d’être le plus rectiligne possible en semant !

De nouveau un petit check des Bazadaises avant le retour aux pénates ! »

Le job par “saison”

Saisons pouvant légèrement différer du calendrier civil... > Printemps : dès mi-février à mi-mars (1er rush), désherbage mécanique des céréales d’hiver + semis de printemps (lentille, pois chiche, avoine, orge). Début mai, semis de tournesol suivi des haricots. Sans oublier les foins et la sortie des vaches ! > Été : 3 premières semaines (2e rush), les moissons des céréales (blé, avoine, orge, lentilles). Avant et pendant ces moissons, le binage permet de désherber entre les rangs pour laisser les plantes respirer. En août, c’est au tour des pois chiches puis début septembre du tournesol et des haricots. > Automne : préparation du lit de semences d’hiver (avoine, blé, épeautre), labourage et déchaumage. Semis à la Toussaint et rentrée du bétail au chaud ! > Hiver : Les Bazadaises sont bichonnées jusqu’aux beaux jours…

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10h 09h

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Le Journal des ALTERECOREPORTERS l Printemps picto-charentais 2013 (France)

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lien avec la sociEtE civile AGROÉCOLOGIE & PÉDAGOGIE Quand leur père agriculteur a parlé de retraite, Manu et Stéphanie y ont vu l’opportunité de changer de mode vie. À la fois pour donner du sens à leur activité professionnelle et pour repartir sur une dynamique familiale alliant emploi, bio(diversité) et lien social. Bienvenue à la ferme du Mont d’Or, un “laboratoire agricosocial” où paysans et consom’acteurs partagent idées et denrées.

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L’arbre, acteur de la biodiversité, est aussi un fabuleux vecteur de médiation. Scolaires, associations et fédérations viennent en planter, participant à un projet d’intérêt général. Pour nous, c’est l’occasion d’éveiller les consciences… » Manu Marchand

L’emploi est au cœur de votre projet ferme familiale, pourquoi et comment ?

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L’autre exigence de votre exploitation, c’est une production 100 % bio… mais pas seulement ?

Manu Marchand : Le but, c’est de relocaliser l’emploi à la campagne pour la faire vivre ! Diversifier les ressources de la ferme, en transformant une partie de la production, permet cet accroissement d’activités. Avant, la ferme faisait vivre un seul foyer (ses parents) avec un seul revenu. Maintenant, trois couples vivent au Mont d’Or (sa p’tite famille, celle de sa sœur, et toujours ses parents), avec deux revenus (sa sœur Stéphanie paysanne boulanger, et lui céréalier) ; avec l’objectif à terme de créer un 3e équivalent temps plein (réparti entre son beau-frère paysan meunier et sa “moitié” animatrice pédagogique).

Le bio était une condition sine qua non, mais nous avons voulu aller plus loin. C’est-à-dire prendre en considération la biodiversité sur l’ensemble de la ferme et de son environnement. Par exemple, nous sommes ici entre deux bassins versants, ceux de l’Adour-Garonne et de Loire-Bretagne. Nous avons souhaité participer à cette nécessité nationale de reconnecter les milieux naturels entre eux, grâce à des corridors biologiques. Par la trame bleue (fossés, mares, ruisseaux) et par la trame verte (chemins enherbés, bois, haies). C’est notre contribution à la reconnexion entre le marais rochefortais et le marais poitevin. À l’échelle de notre exploitation, cette réhabilitation de la nature sauvage -couplée à la mise en place de ruches, haies champêtres et zones d’agroforesterie- participe à une biodiversité fonctionnelle. Par exemple, les haies constituent des garde-mangers pour des insectes pollinisateurs ou des prédateurs de parasites (telle la coccinelle mangeuse de pucerons) ; pas besoin de traitements chimiques ! Mais c’est aussi un véritable outil de réaménagement du territoire, avec une embellie paysagère pour tous !

Promesses de campagne

Le programme en 10 points du Mont d’Or

Pas de promesses intenables. Mais d’ambitieux engagements comme pour mieux se rappeler les défis quotidiens à relever. De 2011 à 2020, 10 ans pour 10 objectifs : 10 cultures différentes,

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Vous sortez de la production 10 ha (sur 100) pour les consacrer aux bandes enherbées. Vous avez aussi planté des arbres, pourquoi ? L’arbre construit cette biodiversité mais c’est aussi un fabuleux vecteur pour faire de la médiation ! Entre décembre et janvier, on a planté quelque 3 600 arbres de 26 espèces différentes (chêne, frêne, noyer, tilleul… tous bien sûr adaptés à l’écosystème local). Mais “on”, c’est 320 personnes ! Des scolaires (de la maternelle au lycée agricole), des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) ou de protection des oiseaux (LPO), mais aussi la fédération locale de chasse… Ces volontaires, de tous horizons et de toutes générations, viennent participer à un projet d’intérêt général. Pour nous, c’est l’occasion de parler du projet global de notre ferme, d’éveiller les consciences… Et c’est incroyable de voir cette motivation, parfois malgré des conditions climatiques peu engageantes : grêle, pluie, 2°C… Et alors que c’est à nous de les remercier, c’est eux qui le font spontanément !

10 tonnes de pain produites et vendues en circuits courts, 10 groupes accueillis par mois pour une éducation à l’agriculture durable, 10 espèces à protéger, 10 km de haies, 10 réserves de biodiversité, 10 ha en agroforesterie, 10 interventions pour

Le dialogue “paysan-société civile”, c’est aussi votre pain quotidien ? Stéphanie Tourneur : Faire du pain n’avait de sens que si c’était pour valoriser notre propre production bio : cela nous permet une traçabilité du champ jusqu’au four ! Pour le blé, on travaille sur des variétés anciennes adaptées à la production bio (lire encadré “semences populations” p.09). On utilise une farine semicomplète qui est plus nutritive, une fermentation lente au levain plus digeste, et une cuisson à “énergie bois” plus “renouvelable” ! On vend en direct à la ferme ou en circuits courts (Amap, magasin de producteurs, collège et crèches). Pour les clients, cela donne un sens à leur acte de consommation. Pour nous, c’est un retour direct du consommateur sur nos produits, une reconnaissance encourageante de notre savoir-faire. Enfin ça humanise notre travail : je sais pratiquement pour qui je fais chaque pain !

valoriser ou conforter le paysage, 10 actions pour rendre plus pertinent l’usage de l’eau, et 10 initiatives pour diminuer les intrants de l’exploitation. Votez Mont d’Or ! lafermedumontdor.fr

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ET VICE VERSA

Nord <> Sud

En 2011, Alter Eco initiait un partenariat avec la Corab pour vendre des produits bios français selon les critères du commerce équitable. Une relation commerciale juste, sans oublier une aventure humaine. L’occasion d’une tribune nationale pour ces agriculteurs mais aussi d’échanges avec leurs homologues du Sud.

Et Alter Eco de continuer à faire le lien entre les différents acteurs du changement agricole planétaire. Ici la rencontre entre des agriculteurs picto-charentais de la Corab et le président de la coopérative sri lankaise Sofa, le tout en compagnie des deux Alter Eco Reporters !

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l y a deux ans, quand Alter Eco a lancé une gamme de produits bios équitables issue d’une filière “Nord-Nord”, l’objectif n’était pas tant commercial qu’idéologique. Commercialiser une part des productions de la Coopérative régionale d’agriculture biologique (Corab Centr’Atlantique), c’est donner à ses membres l’occasion d’une prise de parole sur le territoire national. C’est leur offrir une tribune pour faire passer leur volonté de changement de modèle agricole et de vie rurale. C’est les aider à promouvoir leur vision positive de l’agriculture française. C’est leur permettre de faire rayonner leurs valeurs et fierté d’être des paysans bios responsables. Par ailleurs, l’autre but de cette collaboration, c’est leur ouvrir les portes de rencontres avec des producteurs du Sud.

IMPORT-EXPORT D’IDÉES Une autre réalité, dont ils prennent conscience avec Alter Eco, en voyageant jusqu’en Inde l’an dernier* ! Ou bien en accueillant sur leurs terres picto-charentaises des “collègues” éthiopiens (2011), mexicains (2012), et cette année sri-lankais avec Bernard Ranaweera -président de la coopérative Sofa (thé et épices). Créée en 1998, cette Small organic farmers association regroupe 2 540 producteurs cultivant en moyenne moins d’un hectare chacun. Dans ce commerce équitable Nord-Sud, Alter Eco apporte cette fois-ci une aide à l’essor économique, en achetant au prix juste et en versant une prime de développement. Mais au-delà des

exigences du logo “Fairtrade”, il y a « surtout une entreprise qui s’engage durablement avec nos producteurs, s’intéresse à nos communautés sur le long terme, et pour qui les échanges humains priment sur le commerce de marchandise… » tient à préciser Bernard. Par voie démocratique, les bénéfices de la coopérative sont affectés pour aider les producteurs à cultiver bio (formations, plants), à protéger globalement la Nature (déchets, reforestation) et à développer la vie sociale de la communauté (éducation, culture, activités économiques complémentaires, etc.).

MÊME COMBAT De cette rencontre avec Bernard Ranaweera, les membres de la Corab auront retenu « des échelles différentes mais des enjeux identiques, bref une même approche holistique (globale) de l’agriculture ! » résume Pascal Biteau (p.06). De son côte, Bernard s’est dit « rassuré de voir que malgré des terres plus vastes, les producteurs français parviennent à faire du bio ! » Et de s’échanger des pratiques naturelles pour fertiliser les sols, et Alter Eco de continuer à faire le lien entre les différents acteurs du changement agricole planétaire. * À l’occasion de la plus grande marche non violente organisée dans toute l’histoire de l’humanité, pour l’accès des paysans et adivasis aux terres agricoles et ressources naturelles : “Un Nouveau Monde en Marche” !

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