#8 l Février 2014 l édition de St Jean Pied de Port (64)
aide
à la personne et agriculture
Une formation, un métier Vivre avec l’incertitude © Frantsesenia
zOOms métiers - éleveur(s) - Auxiliaire de puériculture - Aide médico-psychologique - ...
Enquêtes réalisées par des lycéens !
p.04 : lycée et territoire (Frantsesenia) Construit en 2005, le 2e bâtiment pédagogique à ossature bois, avant un internat aux critères HQE en 2011. © Frantsesenia
p.06 : élevage et viticulture (Cave d’Irouléguy)
La cuisine pédagogique de la filière “Services aux personnes”. © Frantsesenia
p.11 : auxiliaire de puériculture (crèche d’Itxassou)
Les brebis laitières, l’un des cinq ateliers d’élevage au choix du bac pro CGEA. © Monaco
p.12 : élevage & para-agricole (EARL Baiguraikin)
p.14 : aide médico-psychologique (La Rosée, Banca)
Les lycéens bénéficient de plusieurs installations sportives, comme ici le fronton. © Frantsesenia
Eco-Reporters en Aquitaine Le Conseil régional d’Aquitaine soutient cet atelier de journalisme qui a ici permis aux élèves de 2nde CGEA du lycée Frantsesenia (St Jean Pied de Port) de partir à la rencontre des métiers auxquels prépare durablement leur établissement. Une manière originale de découvrir des professions et d’appréhender le tissu économique local. Encadrés par un journaliste, ces reporters en herbe se sont aussi initiés aux différentes étapes de la presse écrite : interview, rédaction et mise en page. Le journalisme comme vecteur, le développement durable comme thématique et notre région comme toile de fond, telle est la formule gagnante des Eco-Reporters en Aquitaine ! Eco-Reporters en Aquitaine, une réalisation des Ateliers ya’com : www.issuu.com/beniat
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UN METIER UN PROJET DE VIE DURABLES Pour vous présenter Frantsesenia, on aurait pu vous parler des installations modernes : cuisine pédagogique, salles de TP santé et d’informatique, complexe sportif et éducatif… Vous rappeler son engagement pour l’environnement : internat aux critères HQE, guide consom’acteur, visites d’installations agricoles bios… Vous vanter la réussite de ses élèves aux examens (100 % aux 2 bacs pro de 2013 !). Vous relater les stages hors du Pays basque voire les voyages d’études, destinés à s’ouvrir aux autres réalités socio-économiques et culturelles. Vous détailler le contenu de formations répondant ou anticipant les besoins économiques du territoire… Mais à l’occasion du 60e anniversaire du lycée (p.07), on a préféré vous faire découvrir les métiers auxquels préparent durablement ses deux filières : agriculture et services aux personnes. Et quitte à donner la parole, autant que ce soit à des diplômés de Frantsesenia ! Et quitte à les interviewer, autant que ce soit par ses élèves (lire encadrés ci-dessous) !
ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUALISÉ Outre ces exemples de débouchés, nous souhaitons dans cet édito mettre en avant l’accompagnement individualisé dont bénéficie chaque élève. Que ce soit pour le remettre sur les rails de l’école, comme ce jeune homme qui mettra à profit sa 2nde pro Services aux personnes pour préciser son projet ; il travaille aujourd’hui en maison de retraite. Que ce soit pour éviter une “année blanche”, comme cette jeune femme qui fera un BEP dans la même filière le temps de trouver une place en apprentissage coiffure… pour finalement se rendre compte qu’elle préférait le service à la personne ; elle est aujourd’hui
aide-soignante ! Que ce soit pour aider à faire d’une passion un métier -même s’il est loin d’être évident, comme ce jeune féru de moutons mais sans parent agriculteur ni exploitation ; il est aujourd’hui berger sans terre.
S’OUVRIR À TOUTES LES POSSIBILITÉS Accueillir des élèves, les faire “rencontrer” et aimer des métiers qu’ils n’avaient même pas envisagés, les accompagner dans la réalisation de leur métier rêvé… voilà l’un des buts de Frantsesenia. Sa directrice Cécile Crouspeyre (itw p.04) : « Ces jeunes sont souvent passionnés mais aussi incertains… Notre rôle : les aider à se construire, les aiguiller en étant au plus près de leurs souhaits et interrogations, les ouvrir à toutes les possibilités qui s’offrent à eux… » Car loin d’être un “entonnoir”, la filière professionnelle ouvre de nombreuses perspectives. Pas de sens unique mais un carrefour giratoire aux multiples sorties. Comme le parcours de cette collégienne “fragile” mais qui a réussi en passant par la voie professionnelle ; elle est aujourd’hui infirmière. Pas de voie de garage réservée aux mauvais élèves mais un itinéraire valorisant, comme ce fils d’agriculteur qui après une 2nde générale brillante optera pour un enseignement plus concret : bac pro, BTS, licence pro ; il occupe aujourd’hui un poste à responsabilité dans une association agricole de gestion et de compatibilité. Quelques exemples de réussite, il ne tient qu’à vous de vous engager pour construire la vôtre et celle du territoire !
La rédaction de Frantsesenia Éditeur : Lycée Frantsesenia, avec le soutien du Conseil régional d’Aquitaine Rédacteur en chef, SR, maquettiste : B. Portrat (ya’com : bportrat@yahoo.com) Éditorial cahier central : Anne Laborde Relecture : Gracieuse Halluin Charte graphique journal : pepeteprod.com
Graphisme Frantsesenia : okbgrafik.com Eco-Reporters en Aquitaine : X. Berhau, D. Bidegaray, D. Chaldu, P. Damestoy, L. Etchemaïte, S. Etchepare, L. Godel, S. Inçaby, M. Lauronse, A. Ruffin Photos : lycée Frantsesenia, M. Monaco, Videak, ya’com
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Frantsesenia un lycEe au service du territoire
Propos recueillis avec Margot Lauronse et Allyson Ruffin
Pourquoi avoir choisi d’enseigner l’agriculture au lycée Frantsesenia ? L’enseignement agricole est la raison d’être de notre établissement dont l’origine remonte à l’école d’agriculture fondée en 1953 (lire p.08). L’agriculture -et ses activités dérivées- reste aujourd’hui le secteur économique le plus important du Pays basque intérieur. En proposant cette filière agricole, nous participons à la préservation de cette tradition territoriale, à la culture de cette mémoire collective, et à la lutte contre l’exode rural. Le maintien d’une agriculture vivante nécessite une formation professionnelle de qualité et de proximité. Un apprentissage des techniques de travail, des règlementations en vigueur, des méthodes de gestion… Plus globalement, nous sommes là pour les amener à réfléchir au modèle qui leur permettra de vivre dignement de leur travail. Sur les cantons de St Jean Pied de Port, Baigorry et Iholdy, il s’agit de petites exploitations (environ 20 ha) qui doivent miser sur des produits de qualité à forte valeur ajoutée : lait de brebis pour fromage en AOP, porc Kintoa, vin d’Irouléguy… Par ailleurs, le lycée Frantsesenia accompagne ces futurs agriculteurs dans leur projet non seulement professionnel mais aussi de vie. Objectif : apprendre à organiser son activité pour se dégager un minimum de temps libre et ainsi assurer la pérennité du projet. Notre but est donc qu’ils créent à terme une exploitation à la fois viable (économiquement) et vivable (socialement). Bref qu’ils s’inscrivent dans une agriculture durable !
Pourquoi avoir ouvert une filière “Services aux personnes” en 2005 ? Parce qu’elle est étroitement liée au monde rural ! Ce dernier a énormément évolué depuis une cinquantaine d’années. Jusque
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© Videak
DéVELOPPEMENT DURABLE. Avec ses filières agriculture et services aux personnes, Frantsesenia soutient le dynamisme économique et social du territoire. Cet établissement a aussi mis l’environnement au cœur de son enseignement et de ses investissements. En ce sens, ce lycée participe au développement durable du Pays basque intérieur. Sa directrice, Cécile Crouspeyre, nous explique en quoi ses formations répondent à un besoin mais aussi construisent l’avenir professionnel de ces jeunes. Cécile Crouspeyre, directrice du lycée agricole Frantsesenia.
dans les années 70, l’homme et sa femme travaillaient tous deux sur l’entreprise rurale. Les grands-parents aidaient leurs enfants et gardaient leurs petits-enfants. Et quand ces personnes âgées devenaient dépendantes, leurs enfants prenaient à leur tour soin d’eux. Depuis, le schéma économico-social a changé. Les revenus ont augmenté (grâce aux produits à forte valeur ajoutée) mais les charges aussi… Et, comme dans le reste de la population, les besoins n’ont cessé d’augmenter : confort, loisirs, études supérieures des enfants… Ensuite, il y a eu un mouvement de décohabitation (les enfants n’habitent plus chez leurs parents). Enfin, la place de la femme dans la société mais aussi sur l’exploitation a elle aussi évolué. Quand elle décide de partager sa vie avec un agriculteur, elle souhaite garder son travail à l’extérieur ; par souci d’indépendance financière mais aussi pour se “réaliser” au niveau personnel et professionnel. Pour toutes ces raisons, vivre à deux sur une exploitation est devenu difficilement viable. Résultat : le schéma familial s’est profondément transformé. Avec une seule personne présente non-stop sur l’exploitation, s’occuper des grandsparents dépendants n’est plus possible et la garde des enfants pose problème. Cette filière “Services aux personnes” répond ainsi à un besoin grandissant sur notre territoire, et ouvre nos diplômés à un marché très porteur en termes d’embauches.
Justement, quels sont les débouchés ? En agriculture, tous nos diplômés sortent avec un projet d’installation en tête qu’ils vont nourrir avec le temps, l’expérience mais aussi de nouvelles compétences. Près de 40 % poursuivent leurs études en BTS, 20 % font une spécialisation (transformation, vente, mécanique agricole…), tandis que les autres expérimentent un emploi
Objectif de la filière agricole ? Que nos lycéens créent à terme une exploitation à la fois viable (économiquement) et vivable (socialement). » Le Journal des ECOREPORTERS EN AQUITAINE l Février 2014 l édition de St Jean Pied de Port
© ya’com
© Frantsesenia
Travaux pratiques à la ferme pédagogique pour les élèves de la filière agriculture et mise en situation de travail à la crèche pour ceux des services aux personnes.
salarié et s’émancipent financièrement (coopérative agricole, organisme professionnel, entreprise agroalimentaire…). Le retour à leur projet d’installation se fait progressivement, notamment via un GAEC1. Pour les services aux personnes, 40 % optent pour des études supérieures (BTS, DUT, concours infirmier, éducateur spécialisé, assistant social…) et 60 % pour une spécialisation dans l’animation/vente ou une préparation aux concours sanitaires et sociaux (aide-soignant, auxiliaire de puériculture, aide médico-psychologique…). 1
Groupement agricole d’exploitation en commun.
Votre enseignement se dit “au contact” des acteurs de notre futur environnement professionnel. Pouvez-vous nous en dire plus ? Tous les membres de notre équipe pédagogique connaissent l’histoire et le fonctionnement du territoire, soit parce qu’ils y sont nés soit parce qu’ils s’y sont intégrés. En section agricole, des professeurs sont poly-actifs : deux sont aussi agriculteurs, un autre accompagnateur en montagne. Surtout, Frantsesenia est en contact direct avec le tissu économique local de par son réseau construit avec les anciens élèves, parents d’élèves et maîtres de stage. En agriculture, nous avons passé des conventions avec une exploitation de Jaxu, qui sert de support à des travaux pratiques (manutention, pesée d’agneau, observation du maïs…). Nous réalisons aussi des TP d’entretien de matériel et de conduite d’engins agricoles à la Cuma1 d’Irissarry… Du côté des services aux personnes, nous avons noué des partenariats avec l’école maternelle de St Jean Pied de Port et des maisons de retraite (Ispoure, Garazi) pour que nos étudiants puissent parfaire leur formation en conditions réelles. Sur le terrain aussi, les stages2 sont l’occasion pour nos lycéens de découvrir les différents milieux professionnels et de préciser leur projet. Bref, nos élèves sont déjà bien en contact avec leur future vie active ! 1
Coopérative d’utilisation de matériels agricoles.
2 Jusqu’à 22 semaines en bac pro et de 14 à 16 semaines en CAPA SMR (Certificat d’aptitude professionnelle agricole, services en milieu rural).
En quoi le lycée Frantsesenia s’inscrit-il dans une démarche de développement durable ? Concernant le volet économique et social, nous y répondons par notre mission de formation des futurs acteurs de notre territoire. Notre lycée y prend également part avec la création de 20 emplois salariés directs. Sur le volet écologique, la notion du respect des équilibres naturels est au cœur de notre enseignement. Nous devions aussi montrer l’exemple : tri du papier, compostage des déchets, économies d’énergie… En 1999, notre 1er bâtiment incluait déjà des économies d’énergies. En 2005, nous avons poursuivi dans ce sens avec un 2e bâtiment à ossature bois et un système de gestion du chauffage. Le nouvel internat, ouvert en 2011 et répondant à plusieurs critères HQE1, nous a permis d’y adjoindre des panneaux photovoltaïques, un chauffe eau solaire, un chauffage par pompe à chaleur, l’emploi de matériaux locaux (bois de hêtre et pierres de façade), une orientation maximale au sud, des matériels hydro-économes… Notre objectif : que nos recettes (électricité photovoltaïque revendue à Edf) viennent équilibrer le budget énergétique de l’internat. Economie, social, écologie, Frantsesenia s’inscrit par nature dans le développement durable du Pays basque intérieur ! 1
Haute qualité environnementale.
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La filière “Aide aux personnes” répond à un besoin grandissant sur notre territoire. Pour nos diplômés, ce sont des débouchés à fort taux d’employabilité. »
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Vigne & elevage le bon assemblage
CULTURE. Certains éleveurs sont aussi viticulteurs pour compléter leurs revenus. C’est le cas de Pierre Laxague, président de la cave d’Irouléguy. Cet ancien élève de Frantsesenia donne aussi de son temps pour participer au développement économique et social de son territoire.
© ya’com
Propos recueillis avec Damien Bidegaray, David Chaldu et Sébastien Etchepare
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Pourquoi s’engager ? Pour s’intéresser à la vie locale, travailler pour les autres… »
Pouvez-vous nous présenter vos productions agricoles ? J’élève des vaches allaitantes (25 mères) et cultive de la vigne (7 ha en AOC Irouléguy) sur Ascarat. Je fais aussi un peu de maïs ensilage (3 à 4 ha). Avec les prairies, mon exploitation compte 25 ha. Sinon, ma femme s’occupe de 2 gîtes ruraux, dont le plus ancien a été ouvert en 1954 par ma mère.
Vous avez été élève, parent d’élève et administrateur à Frantsesenia. Vous êtes aussi président de la cave d’Irouléguy. Pourquoi cet engagement bénévole ? À Frantsesenia, j’ai fait un BEPA en 2 ans. Par la suite, je suis entré au conseil d’administration pour 35 ans. À l’époque, on était “SDF”, il fallait tout construire (notamment un nouveau bâtiment, cf. p.08). Je suis également conseiller municipal à Ascarat depuis 31 ans (il tire sa révérence le 27 mars). J’ai été entre autres délégué à la vallée (gestion des pâturages et bois du canton). Enfin, j’ai succédé à mon père en tant que membre du conseil d’administration de la cave d’Irouléguy en 1977, j’en suis actuellement le président depuis 6 ans. Pourquoi je m’implique ? Parce que j’aime le contact et que je ne sais pas dire non… C’est aussi s’intéresser à la vie
La cave d’Irouléguy… en bref ! 140 ha (sur 240 ha de vignoble -AOC, l’un des plus petits de France), 40 producteurs, 700 000 bouteilles par an, 60 % en rouge, 30 % en rosé et 10 % en blanc. Créée en 1952, cette coopérative
locale, travailler pour les autres… Une activité passionnante, non ? Pour la coopérative d’Irouléguy, c’est s’occuper également au plus près de son gagne-pain. Mon territoire, c’est entre St Jean Pied de Port et St Étienne de Baigorry, je fais beaucoup de navettes mais je ne sors que rarement d’ici…
Que représente la vigne sur ce territoire ? C’est une part importante de l’économie de Garazi et Baigorry. Les vignes entretiennent le paysage en valorisant des terres qui seraient restées des landes et fougeraies. C’est une activité complémentaire à l’élevage : à la cave seuls 3 membres sont viticulteurs à 100 %. En moyenne, ceux qui ont une double activité possèdent 2,5 à 3 ha, avec une recette de 9 700 € / ha (récolte 2012). Une production complémentaire au niveau du revenu mais aussi du temps de travail. En ovin lait, entre la traite du matin et du soir, il y a toujours un créneau en journée pour s’occuper des vignes. L’été, les brebis sont taries mais il faut aller effeuiller pour faire profiter les raisins. Et quand les agnelages tombent en novembredécembre, c’est en plein temps mort après les vendanges. Par contre au printemps, pas le temps de traîner ! a mis en place dans les années 2000 sa propre charte qualité, avec pénalités financières si non respect des critères. Projets : rapatrier le chai à barriques à la cave, réaménager la réception des vendanges… cave-irouleguy.com
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Frantsesenia
Spé cial 60 ans !
De l’héritage du passé à l’innovation. Ancien élève devenu président du conseil d’administration du lycée Frantsesenia, Jean-François Tambourin est éleveur de brebis et producteur de fromage à St étienne de Baigorry. Pour lui, la formation des jeunes est indissociable de l’engagement au sein de la collectivité.
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Nous avons en commun la fidélité aux anciens, créateurs de cet établissement à forte personnalité, et la volonté de nous développer pour assurer la pérennité de Frantsesenia. » Ici, la transmission n’est pas un espoir vain. L’épanouissement des élèves et l’adaptation permanente de l’enseignement sont les deux credo de l’établissement. Il est important de permettre aux jeunes de se former autour d’un projet personnel, et comme acteurs de la vie locale, car l’engagement quel qu’il soit est toujours source d’ouverture. « En tant qu’observateurs privilégiés des évolutions tant sociétales qu’économiques, nous savons aussi que nous devons adapter notre enseignement. Avec nos partenaires publics et privés, notre stratégie est d’être présents dans toutes les démarches de développement qu’il s’agisse de nouvelles technologies, d’aménagement territorial ou de filières nécessitant des emplois qualifiés comme celles des services à la personne. » Jean-François Tambourin fait le pari que les élèves de Frantsesenia, en se réalisant au sein d’exploitations agricoles de petite ou moyenne taille, s’engageront aussi socialement, permettant à cette région pyrénéenne de garder son beau dynamisme et son attractivité.
«Aimer son terroir et aimer l’agriculture me guident dans la formation des jeunes pour qu’ils gardent toujours quelque chose de leur Pays basque. »
Jean-François Tambourin, président du lycée agricole Frantsesenia. © Videak
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Une histoire en trois temps FLASH-BACK. De l’après-guerre à aujourd’hui, l’histoire de Frantsesenia s’est modelée au travers d’hommes fiers de leur région. Persuadés que l’avenir du territoire passait par la formation des jeunes et la transmission des valeurs basques, liées à la solidarité familiale et à l’empreinte des traditions agricoles.
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Rester au pays, pouvoir y vivre, contribuer à son évolution et s’ouvrir au mieux à de nouvelles perspectives comme le tourisme rural, sont parmi les paris tenus par Frantsesenia pour relever les défis de demain. »
Flash-back 1959… Au centre (assis) : l’abbé Lekuona, à droite Lou
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rantsesenia est délibérément un lycée agricole inscrit dans l’histoire du Pays basque. Mais la création d’un établissement privé comme celui-ci ne s’est pas faite sans le concours d’hommes et de femmes convaincus qu’un lieu de formation qualifiante était un corollaire nécessaire au maintien de la population sur place et au dynamisme territorial. Dans les années d’après-guerre, on prétend qu’il n’est pas nécessaire de suivre des études pour devenir agriculteur. Cependant, des curés organisent des sessions d’études agricoles par correspondance (EAC) pour les garçons de plus de 14 ans. L’abbé Mongaston, à Mayorga, pédagogue innovant, s’entoure de professionnels (éleveurs, arboriculteurs, ingénieurs). Ses successeurs décident de créer une école d’agriculture à plein temps, avec entre autres le concours de Louis Inchauspé, maire de Saint-JeanPied-de-Port et président du Conseil général, et des élus des cantons d’Iholdy, Baigorry et Garazi. C’était il y a 60 ans.
Naissance de Frantsesenia L’école portera le nom de Frantses Enia en hommage à François Xavier, saint navarrais. Mais, clin d’œil des édiles locaux, St François Xavier était aussi le nom, jusqu’en 1905, de l’école Mayorga au sein de laquelle est alors installée l’école agricole tout juste créée. Celle-ci fonctionne en alternance entre cours et formations sur les exploitations. L’enseignement suivra les évolutions du monde agricole et y évoque par exemple les lois sociales qui se mettent en place, comme l’assurance vieillesse agricole instaurée en 1952. Le financement provient de subventions communales et de la MSA, ainsi que de la contribution des parents.
De multiples adresses Après la construction d’un 1er bâtiment réservé à l’école d’agriculture en 1954, l’école devenue exigüe, élit domicile à Saint-Jean-le-Vieux en 1963. Mais en 1970, l’école doit encore se déplacer et revient à Garazi. De nombreux déménagements auront lieu jusqu’à la construction du lycée actuel en 1999.
La continuité et l’innovation Déjà, les membres fondateurs - comme émile Larre, ses successeurs les abbés Etchegorry, Oxarango, puis Marguerite Etcheleku (premiers directeurs), Alexis Inchauspé et Jean-Claude Luro (premiers enseignants)1- n’envisageaient pas un enseignement éloigné de la vie locale. Les évolutions sociétales et économiques, les évolutions des méthodes d’enseignement et des diplômes, la prise en compte d’un territoire spécifique de moyenne montagne ayant vécu des mutations démographiques importantes, ont toujours compté dans les orientations retenues. En négociant l’ouverture de la filière des services aux personnes, Frantsesenia s’inscrit dans une politique de revitalisation du territoire en tenant compte à la fois des besoins de la population et de l’activité agricole en adaptation permanente. Rester au pays, pouvoir y vivre, contribuer à son évolution et s’ouvrir au mieux à de nouvelles perspectives comme le tourisme rural, sont parmi les paris tenus par Frantsesenia pour relever les défis de demain. 1
Liste non exhaustive
uis Inchauspé maire de Garazi et conseiller général, Pierre Minjonnet maire de Baigorry et conseiller général, et bien d’autres (élèves, parents d’élèves, maires…) ! © Frantsesenia
Quelques dates
Spé cial 60 ans !
1953 : création de l’Association Frantsesenia par les prêtres et élus locaux pour former les jeunes gens et moderniser l’agriculture 16 janvier 1958 : reconnaissance officielle du centre d’apprentissage agricole Frantsesenia 1989 : BTA production 2005 : BEPA Services aux personnes 2007 : bac pro Services en milieu rural 2009 : rénovation du bac pro Conduite et gestion de l’exploitation agricole 2011 : nouveau bac pro Services au personnes et aux territoires, en 3 ans 2012 : CAPA Services en milieu rural
écial ! Sp ans 60
Frantsesenia ZOOMS 1. Cyberbase Le programme européen Leader+ prévoit le déploiement des technologies d’information et de communication partout. Ainsi, Frantsesenia héberge la cyberbase de Garazi-Baigorry ; salle informatique (investissement de la communauté de communes) ouverte au public. Un animateur y propose de l’initiation informatique ou des formations à thèmes. Ce projet de territoire permet au lycée agricole d’être un lieu d’échanges entre habitants et élèves.
2. Réussites 98% de réussite aux examens en moyenne sur les 15 dernières années. Pas de sélection à l’entrée au lycée, redoublement ou abandon d’études très rares. Des débouchés à l’issue de la scolarité : en filière agricole, les diplômés poursuivent leurs études ou occupent des emplois salariés agricoles ou para-agricoles pour -à terme- s’installer en agriculture ; en filière services, la moitié des élèves poursuivent leurs études dans le secteur sanitaire et social et les autres exercent une activité professionnelle dans le service à la personne (enfants, personnes âgées) ou dans l’animation rurale (tourisme, animation culturelle, loisirs). Ces bons scores sont la reconnaissance d’un accompagnement personnalisé de chaque lycéen.
3. D’une tannerie à un internat HQE Construit en 1999 sur le site d’une ancienne tannerie que les Garaztar appelaient “la verrue”, le lycée a enfin trouvé son site à St Jean Pied de Port. En 2011, il se dote d’un internat. Ce bâtiment bioclimatique est conçu selon les normes de Haute qualité environnementale (HQE). Impliqué dans une démarche de développement durable, le maître d’œuvre (atelier d’architectes Gauche’s Muru) a souhaité un internat aux volumes et aménagements adaptés au lieu, afin de consommer moins et mieux.
60e anniversaire : les rdv ! Pour ses 60 ans d’existence, Frantsesenia a prévu plusieurs manifestations au cours des premiers mois de 2014. Des journées Portes ouvertes ont inauguré ce programme en janvier dernier. 6 février : forum des métiers 8 février : journée ouverte au public dédiée à la prévention des risques domestiques... dans une Maison Géante 13 février : plateau TV “Services à la population et développement durable”, conçu et réalisé par les terminales en partenariat avec Kanaldude 14 & 21 mars : journée de prévention du suicide des jeunes, en partenariat avec le Réseau Santé Mentale Pays Basque, avec Mme Marie-Aude Gimenez (psychiatre) et M. De Gregorio (psychologue) 27 mars : conférence publique “Les jeunes et les écrans : intérêts – dangers” par Jérôme Gaillard 5 avril : matinée Portes Ouvertes, avec marché de produits locaux organisé par les élèves de CAP 12 avril : rassemblement des anciens. Point d’orgue du programme, cette journée anniversaire sera festive... avec les élèves et les personnels d’hier et d’aujourd’hui, les partenaires, les administrateurs, les enseignants... 16 mai : Course contre la Faim
D’une tannerie détruite par un incendie à un lycée intégré dans son environnement... avec des principes architecturaux conservés ! © Videak / Frantsesenia
Assurer la continuitE des parents
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AIDE À LA PERSONNE. Pour Gaëlle Croc, travailler avec des enfants a toujours été une évidence. Après un BEP à Frantsesenia, cette Izpurar a poursuivi ses études pour devenir auxiliaire de puériculture. Elle nous raconte son quotidien à la crèche d’Itxassou. Propos recueillis avec Laura Etchemaïte et Allyson Ruffin
Pouvez-vous nous parler de votre métier ? Je suis auxiliaire de puériculture à la crèche d’Itxassou. Mon métier consiste à prendre soin des enfants (jusqu’à 6 ans mais surtout de 0 à 3 ans). Mon rôle est non pas de me substituer aux parents mais d’assurer la continuité de ceux-ci. Par exemple, on n’initiera pas un enfant à un nouvel aliment s’il ne l’a pas déjà goûté à la maison. La crèche ouvre à 7h30, les transmissions avec les parents nous indiquent si la nuit s’est bien passée, à quelle heure leurs enfants ont pris le petit-déjeuner, s’ils ont été malades, qui viendra les chercher le soir… Pour les plus grands, voici la suite d’une journée type. 9h15, jus de fruits puis début des activités : peinture, puzzle, dessin, jeux en extérieur… 11h changement des couches, 11h30 repas, 12h15 lecture et musique avant la sieste. À partir de 15h réveil et jeux, 16h goûter puis préparation au départ jusqu’à 18h30.
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Il faut aimer travailler avec les enfants, être patient, dynamique… »
Quels conseils donneriez-vous aux personnes souhaitant exercer votre profession ? J’aime tout dans ce métier : la joie de vivre des enfants, leur franchise, nos éclats de rire… De plus, on les voit évoluer et progresser, de la marche jusqu’à la parole. Bref, on leur apporte et ils nous le rendent. Pour exercer cette profession, il faut avant tout aimer travailler avec les bambins mais aussi être patient, dynamique (journée de 7 h consécutives), et persévérer dans les concours1. Les auxiliaires de puériculture sont moins nombreuses que les CAP petite enfance et ont donc plus de chance de trouver un emploi. 1
Après une 2nde générale, j’ai participé à la 1re promotion du BEP Service à la personne de Frantsesenia. J’ai effectué 2 semaines de stage chez un ambulancier, autant dans une pharmacie, et 6 à la crèche d’Ossès. Cette dernière expérience a conforté mon orientation professionnelle. Au lycée, les travaux pratiques m’ont appris les gestes de base pour s’occuper des plus jeunes : bain, change… Quant aux cours de biologie, ils m’ont bien servi en école d’auxiliaire de puériculture ! Mais avant ça, il fallait que je décroche le concours1. J’ai dû travailler à côté pour subvenir à mes besoins et j’ai suivi une préparation spécifique sur deux mois. Au cours de celle-ci, j’ai fait un stage à la crèche d’UhartCize où j’ai été embauchée (en tant qu’aide-maternelle). Ce qui m’a permis de bonifier mon expérience et de gagner de précieux points pour l’obtention du concours de Toulouse. Dans cette école, sur un an, j’ai alterné un mois de cours et un mois de stage. J’ai ainsi découvert ce qu’était le métier à l’hôpital : maternité, hématologie-oncologie, urgences pédiatriques… Ce dernier stage m’a beaucoup plu mais il aurait fallu déménager sur Bayonne et je suis trop attachée à ma vie d’ici ! 1
80 places pour 1 800 candidats l’année où elle l’a obtenu.
© ya’com
Justement, quel a été votre parcours de formation ?
Les cours de biologie à Frantsesenia ont servi à G. Croc, 24 ans, en école “d’auxi”.
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Trouver son Equilibre éLEVAGE . Il est aujourd’hui difficile de vivre dignement à deux sur une exploitation. B ie n so u ve n t , l’u n de s de u x conjoints doit ( et p a r foi s s o u h a it e ) a u s si travailler “à l’extérieur”. Diplômés de Frantsesenia, Martine et Roger Monaco expérimentent avec succès ce modèle professionnel et familial à Irissarry, au sein de leur EARL Baiguraikin. Entretien avec Martine, la pluriactive. Propos recueillis avec Pierre Damestoy et Sébastien Inçaby
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Mon mari constamment sur la ferme et moi avec un pied “en dehors”, nous avons trouvé notre équilibre ! »
Roger Monaco devant ses têtes rousses, dans une bergerie mod
Pouvez-vous nous présenter votre exploitation ? Notre ferme est située sur la commune d’Irissarry, au pied du Baigura, avec 50 ha de terrains (30 de prairies et 20 de landes). Notre exploitation se caractérise par un système mixte de production : ovin lait (300 têtes rousses) et bovin viande (20 blondes d’Aquitaine). Nous valorisons notre lait en AOP Ossau-Iraty (www.ossau-iraty.fr). C’est en 2007 que j’ai repris l’exploitation de mes parents retraités, une tradition dans la famille ! Mon projet d’installation reposait sur la construction d’une nouvelle bergerie, plus moderne, avec tapis d’alimentation, nouvelle salle de traite… pour un coût d’environ 120 000 à 130 000 € HT. Le 1er janvier 2013, avec mon mari Roger, nous avons créé l’EARL1 Baiguraikin, avec comme nouvel investissement l’agrandissement de la bergerie : 312 m2 supplémentaires pour accueillir agnelles2 et fourrages (fenil). Mon mari, qui était jusqu’alors salarié agricole3, a pu se consacrer totalement à notre ferme. C’était un désir très fort chez lui car même si ses grands-parents étaient du métier, il n’avait pas d’exploitation à reprendre. Le hasard a bien fait les choses, car de mon côté je voulais aussi voir autre chose… Exploitation agricole à responsabilité limitée. L’agnelle est le petit d’une brebis et d’un bélier, âgé de moins d’un an et destiné à l’élevage (= agneau de renouvellement). 3 A cheval sur 2 exploitations qui avaient monté un groupement d’employeurs. 1
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Vous avez une double activité professionnelle ? Depuis plus d’un an, je travaille en effet “à l’extérieur”, dans une coopérative de producteurs laitiers (CLPB1). J’avais cette envie de voir du monde, de faire autre chose… Cet emploi administratif me
donne aussi la possibilité d’avoir une vision plus globale de la filière, depuis la collecte jusqu’à la vente en passant par la transformation. D’un point de vue financier, c’est aussi un filet de sécurité pour notre foyer : les revenus agricoles sont irréguliers sur l’année, avec notamment un creux d’août à décembre (pas de production laitière ni de vente d’agneaux). Et vivre correctement à deux sur l’exploitation nous semblait aussi difficile. Mon mari constamment sur la ferme et moi avec un pied “en dehors”, nous avons trouvé notre équilibre ! 1
Coopérative laitière du Pays basque.
Quels sont les points positifs et négatifs du métier d’exploitant agricole ? Dans les avantages, il y a le fait de travailler pour soi, en extérieur, au contact de la Nature… Surtout, cette profession propose des activités très variées : conduite de troupeaux, entretien de parcelles, sans oublier l’administratif. Ça ne sert à rien de bosser à fond dehors si on ne regarde pas les papiers… Côté inconvénients, il y a bien sûr le temps et les horaires de travail. Contrairement aux copains salariés, on ne peut pas partir comme ça en week-end… D’autant quand on s’occupe d’animaux : c’est du 7j/7 ! Il ne faudrait pas non plus diviser le revenu par le nombre d’heures travaillées, cela ne pèserait pas lourd… Bref, il faut être passionné pour faire ce métier !
Comment se porte votre profession ? De plus en plus, les subventions européennes équivalent ou dépassent les revenus des exploitations agricoles. Notre métier est ainsi très lié aux aides de la PAC1 et à ses contraintes. Le monde
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dernisée en 2007 (tapis d’alimentation, salle de traite 2 x 12) et aggrandie en 2013 (+ 312 m2).
agricole est aujourd’hui dans l’incertitude car beaucoup de choses devraient changer d’ici à 2015 (entrée en vigueur de la nouvelle PAC). Par exemple, même si nous ne sommes pas concernés, la PMTVA2 pourrait disparaître en-dessous de 10 vaches. Quant aux DPU3, ils devraient progressivement être harmonisés au niveau national, d’où des baisses pour certains… Mais, à 26 ans, je suis trop jeune pour être défaitiste ! Il faudra s’adapter à ces changements qu’on ne maîtrise pas, veiller à se mettre en conformité avec les nouvelles normes et règlementations… Mais je reste confiante ! La qualité de nos productions est valorisée avec l’AOP Ossau-Iraty. Des projets de transformation agroalimentaire existent comme la future fromagerie CLPB en vallée des Aldudes. De plus, les PyrénéesAtlantiques restent le 1er département français4 par rapport au nombre de jeunes agriculteurs qui s’installent ! Politique Agricole Commune. 2 Prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. 3 Droits à paiement unique, aides directes non liées à la production. 4 Installations aidées en 2012 (DJA), source : La République des Pyrénées. 1
Quelles études avez-vous suivies ? J’ai fait un BEPA conduite de production animale, puis un bac pro CGEA, à l’époque en 4 ans au lycée Frantsesenia. Les cours, ce n’est qu’une fois sur le terrain qu’on se rend réellement compte de leur utilité. Quant aux stages, 20 semaines en tout, ils m’ont beaucoup apporté : c’est toujours enrichissant de voir d’autres exploitations, d’autres modes de fonctionnement, de rencontrer d’autres personnes aux parcours différents… Il y avait aussi une très bonne ambiance dans ma classe, on s’entendait tous très bien !
Une des 20 blondes d’Aquitaine. En haut : M. Monaco, 26 ans, de retour à Frantsesenia.
Aujourd’hui, on travaille tous dans l’agriculture, on est restés en contact… on fait tous partie de ce monde-là.
Quel est votre meilleur souvenir de Frantsesenia ? Notre voyage en Argentine en 2005 ! Nous avions payé une partie du séjour en travaillant : ramassage de pommes, vendanges, organisation d’un repas d’anciens élèves… Sur place, nous avons visité un lycée agricole et -surtout- des exploitations surdimensionnées (un modèle qu’on ne pourrait reproduire au Pays basque faute d’espace). C’est un souvenir collectif très fort, d’ailleurs on en reparle encore aujourd’hui !
Et votre meilleur souvenir sur l’exploitation ? La mise en service de notre nouvelle bergerie en 2007 ! Ce bâtiment moderne a considérablement amélioré nos conditions de travail : ça redonne du cœur à l’ouvrage !
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaiteraient s’installer ? Faire ce métier par passion ! Ensuite, bien réfléchir aux investissements pour ne pas avoir de regrets… Pour ceux qui n’ont pas de ferme, ça reste possible. Mais, ils devront être très motivés et trouver un cédant qui le soit tout autant. Ce dernier, qui va vendre ou louer ses terres et bâtiments, doit avoir l’envie et la volonté de passer le relais pour que sa ferme vive et qu’un jeune puisse aussi en vivre. Les efforts doivent venir de chaque côté !
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On est lA pour eux © ya’com
AIDE à LA PERSONNE . Fille et sœur d’agriculteurs, Maider Laby n’a pas suivi la tradition familiale. Au plus grand bonheur des personnes qu’elle accompagne au quotidien, au centre La Rosée de Banca. Cette diplômée de Frantsesenia a repris ses études pour devenir aide médico-psychologique. Elle nous dévoile son parcours et les différents aspects de son métier. Propos recueillis avec Xabi Berhau et Luc Godel
M. Laby, 23 ans, AMP à La Rosée de Banca, ici à Frantsesenia.
Pouvez-vous nous expliquer votre métier ? En tant qu’Aide médico-psychologique (AMP), j’accompagne les enfants, adolescents et jeunes adultes1 handicapés. Ce sont des personnes polyhandicapées2 ou souffrant de troubles du comportement et du développement3. Mon rôle est de les aider dans les actes de la vie quotidienne (se lever, se laver, s’habiller, manger…) en favorisant le maintien de leur autonomie. Objectifs : stimuler et développer leurs potentialités, leurs fonctions cognitives4, motrices et sensorielles, tenter de préserver leurs acquis, favoriser un espace de communication et d’expression, maintenir un lien social et rompre l’isolement, participer au bien être physique et psychologique de la personne… C’est aussi mettre en place des activités éducatives, manuelles, d’éveil et de vie de groupe. Des ateliers éducatifs vont dans ce sens. C’est par exemple apprendre à (dé)visser un bouchon de bouteille, geste transposable pour déboucher/reboucher un tube de dentifrice. Jusqu’à 18 ans. Un polyhandicap provient d’une seule atteinte à expression multiple dans de nombreux domaines : moteur, mental, sensoriel… 3 Ils peuvent entraver le développement cognitif4 et perceptif, ainsi que la relation que l’enfant pourra établir avec son environnement physique et humain. 4 Langage, raisonnement, mémoire… 1
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Quelles activités proposez-vous à ces jeunes ? à l’EEAP1 La Rosée (Banca), il s’agit par exemple de balnéothérapie (au centre), de sorties poney (Anhaux), ski (La Pierre St Martin) ou voile (Soustons). Et trois fois par an (carnaval, Noël et fête de fin d’année scolaire), l’école primaire de Banca nous rejoint à La Rosée ou au mur à gauche du village pour nous proposer un spectacle. Toutes ces animations ont pour but de socialiser ces enfants, en partageant des activités avec d’autres personnes. Les intégrer à la société, c’est aussi changer le regard des autres. Il faut apprendre à comprendre le handicap, à les connaître. Le plus important, c’est de regarder d’abord la personne et non le handicap.
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établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés.
Quels sont les points positifs et négatifs de la profession d’AMP ? L’un des avantages, c’est qu’il n’y a pas de routine. Dans l’aide à la personne, chaque journée est différente ! Par ailleurs, le poste d’AMP est très polyvalent (éducatif, soin, social), ce qui peut l’amener à intervenir auprès de différents publics : enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, personnes en difficulté sociale, physique ou psychique. L’autre point positif, c’est le travail en équipe pluridisciplinaire1 dont l’objectif commun est de permettre à la personne de vivre au mieux sa vie. Chaque mois, on se réunit pour évaluer les projets d’accompagnement individuel. Si les objectifs ne sont pas atteints, on doit revoir notre manière de les travailler : une remise en question permanente ! C’est très enrichissant, ils nous apprennent beaucoup sur nous-mêmes : nos limites, nos peurs, notre vulnérabilité, notre vision de la vie, des moments de bonheur pour de petites choses, à relativiser certaines difficultés… Dans cette relation, nous donnons mais recevons aussi beaucoup. Pour ce qui est des inconvénients, les journées sont longues (10 h, à raison de 35 h/semaine en moyenne), on doit aussi travailler 1 week-end et 1 mercredi sur 2, de nuit. D’autre part, ce métier est très physique (transfert de personne, etc.). Enfin, ce n’est pas un point négatif mais une exigence : quand on est là (au travail), on est là à 100 % pour eux. Nous avons par exemple des jumeaux qui sont très sensibles à l’humeur des soignants, il faut donc toujours avoir le sourire et laisser ses soucis derrière la porte. 1 Composée de différents professionnels : aide-soignant, médecin, infirmière, aide médico-psychologique, moniteur éducateur, éducateur spécialisé, psychologue, kinésithérapeute, psychomotricien, orthophoniste…
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ? Déjà, j’aimais le contact humain et notamment l’aide aux personnes âgées. J’ai pu le vérifier en travaillant comme ASH1 dans une
Il faut apprendre à comprendre le handicap, à connaître les personnes. Le plus important ? Regarder d’abord la personne et non le handicap. » Le Journal des ECOREPORTERS EN AQUITAINE l Février 2014 l édition de St Jean Pied de Port
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Au lycée Frantsesenia, les élèves du CAPA “Services en milieu rural” et du bac pro “Services aux personnes et aux territoires” apprennent à prendre soin des personnes.
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Mon conseil ? Faire ce métier parce qu’on aime vraiment aider les personnes et non pas parce qu’il y a du travail dans ce secteur d’activité. » maison de retraite (Fondation Luro, Ispoure) pendant les vacances scolaires. Ensuite, dans un autre EHPAD2 (Adindunen Egoitza, St Jean Pied de Port), j’ai rencontré une collègue AMP qui m’a expliqué en quoi consiste ce métier. Je ne connaissais pas le monde du handicap, et j’ai été attirée par cette prise en charge spécifique. 1 2
Agent de service hospitalier. établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Quelles études avez-vous suivies ? J’ai passé un BEP Services aux personnes (2 ans) puis un bac pro Services en milieu rural (2 ans) au lycée Frantsesenia. La formation d’AMP, je l’ai passée en alternance (18 mois) avec La Rosée.
Que vous a apporté votre passage à Frantsesenia ? Quand je suis sortie du collège, je n’aimais vraiment pas l’école. à Frantsesenia, c’était déjà plus attrayant avec des cours professionnels et des travaux pratiques tels le nursing, les soins, la cuisine…
Ce BEP et ce bac pro m’ont aussi apporté une expérience sur le terrain avec 21 semaines de stages.
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui voudraient faire comme vous ? Mon 1er conseil porterait justement sur ces stages. Le but, c’est de s’y donner à fond ou tout du moins d’y faire bonne impression. Premièrement parce que si ça se passe bien, ça peut déboucher sur une embauche. Deuxièmement parce qu’il ne faut pas penser qu’à soi, d’autres élèves pourraient être intéressés par ce stage et il ne faudrait pas compromettre l’image du lycée. Troisièmement on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise ! Pour ma part, j’étais venue à Frantsesenia avec en tête l’idée de travailler en crèche. Mais un stage en BEP m’a fait découvrir le travail avec les personnes âgées et j’ai changé d’avis ! Mon autre conseil, c’est de faire ce métier parce qu’on aime vraiment aider les personnes et non pas parce qu’il y a du travail dans ce secteur d’activité. Il faut un réel intérêt personnel derrière chaque projet professionnel !
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LES FORMATIONS Services aux personnes Un bac pro “Services aux personnes et aux territoires” (SAPAT) est proposé en 3 ans. L’élève le personnalise en choisissant 4 modules pros et 4 stages (21 semaines) ou encore certains cours enseignés en basque. Le diplômé peut poursuivre ses études ou entrer dans la vie active, en santé/social (crèche, maison de retraite, hôpital) ou en animation/tourisme (centre de loisirs ou de vacances, association culturelle ou sportive, office de tourisme). Les élèves de 3e peuvent aussi intégrer un CAPA “Services en milieu rural” (sur 2 ans, avec 16 semaines de stages) qui prépare aux métiers de l’aide à la personne et de l’accueil/vente. > Les + de Frantsesenia : le certificat de Sauveteur secouriste du travail (SST) intégré dans l’enseignement et le Brevet d’aptitude à la fonction d’animateur (BAFA).
Agriculture Un bac pro “Conduite et gestion de l’exploitation agricole” (CGEA) se déroule sur 3 ans. L’enseignement s’organise en modules professionnels et visites de terrain (52 %), en modules généraux (29 %), en stages (19 % = 21 semaines). Plus des 2/3 de la formation sont ainsi professionnalisants. Cette formation est individualisée car il est possible de choisir son atelier d’élevage : brebis laitières, vaches allaitantes, vaches laitières, chèvres laitières, poulinières et chevaux. D’autres formations et stages sont en option selon le projet personnel : transformation fromagère (Ossau-Iraty), porcs basques (Kintoa), conduite d’engins agricoles, agriculture durable et biologique. Le bachelier peut poursuivre ses études (BTS production, gestion ou agro-alimentaire) ou travailler directement sur une exploitation agricole ou comme salarié qualifié d’entreprise para-agricole… > Le + de Frantsesenia : une formation de terrain “à la carte” !
… un lycée au service du Pays basque
frantsesenia...
C’est en 1953 que des élus locaux et le clergé créent cette école d’agriculture qui deviendra lycée agricole en 1989. Objectif : proposer une formation solide aux futurs agriculteurs afin qu’ils puissent bien gérer leur exploitation et bien en vivre. But : éviter l’exode rural. Aujourd’hui installé au cœur de St Jean Pied de Port et membre du Conseil national de l’enseignement agricole privé, Frantsesenia compte 135 élèves répartis en 2 filières : 1/3 en agriculture et 2/3 en services aux personnes. Installations modernes, partenariats forts, salariés motivés… Frantsesenia est à l’écoute du projet de chaque élève et des besoins de son territoire. > Lire aussi p.04 et 07. + d’infos : frantsesenia.fr ; 05 59 37 22 35.
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