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Merci monsieur Marquet

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Chronologie

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Bernard Plossu

Marquet en Normandie, Le Havre, Fécamp, Honfleur et la Seine, les ports, les bateaux, des quais, des voiliers, toujours avec cette sublime sobriété qui transcende tout discours esthétique : ainsi que je l’avais déjà écrit dans mon texte pour l’exposition Marquet au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 2016, « la force de la discrétion ». Là encore en Normandie, cette similitude avec la sobriété du 50 mm en photographie – mon credo. Donc, des tableaux en Normandie. Et je tombe sur deux toiles peintes dans le Cotentin… L’une en 1901, des collections du musée de Honfleur, une colline dans les tons brun-vert avec un chemin qui serpente, et l’autre en 1904, de la collection Peindre en Normandie, des falaises donnant sur une forte vague d’écume blanche : deux toiles sans aucun effet, mais avec, comme toujours chez Marquet, la force de la simplicité. On pense à Constant Permeke, à Gustave Courbet, à Emil Nolde aussi… Ces éléments simples, la terre, les plantes battues par le vent, la mer et le ciel, disent tout. En fait, cette simplicité ressemble au réel, à la sensation d’être vraiment là, avec le bruit et les odeurs… J’ai eu la chance de photographier plusieurs fois la Normandie, en noir et blanc : Honfleur, Le Havre et Rouen aussi. Mais là où j’ai vraiment communié avec cette région, c’était dans le Cotentin, sur ces sentiers sans fin où des arbres – rares – sont même inclinés par la seule force du vent. Là, j’ai pris le plus de photos, fasciné par cette ambiance qui me faisait tellement penser à Big Sur, cette superbe partie de la côte encore sauvage de Californie. Similitude inspirante et bouleversante. Là encore, Marquet, devant ces paysages de toute beauté, sait les traduire. J’oserais même qualifier sa force d’expressionniste, avec un aspect brut qui voisine avec certains expressionnistes allemands : plus proche d’eux que des impressionnistes. Qu’on me pardonne cette audace de dire cela, mais c’est ce que je ressens au plus profond de moi-même.

Mais la Normandie de Marquet, ce sont aussi les ports, les bateaux, les lignes de force, les quais, comme si tout était cadré avec l’évidence de la photographie. Fécamp et ses bateaux dont les mâts se reflètent tordus dans l’eau ; le Bassin du Havre (1906, collection MuMa) vertical, avec des personnages par-ci par-là ; Le Havre encore, juste un voilier à quai qui attend ; Le Havre à nouveau, le bassin du Roy et son ambiance silencieuse, mystérieuse d’ombre et de lumière, admirable tableau sur le temps et son odeur d’eau de mer ; puis Fécamp, avec ses petits personnages en noir sur la plage et des marins au premier plan assis sur un muret (1906, Centre Pompidou) : on dirait une photographie d’Henri Cartier-Bresson ! Puis Honfleur par beau temps (collection particulière), au calme métaphysique à la Carlo Carrà, en Italie : juste un petit voilier, un phare, une maison blanche, et tout est dit. Tout. Chef-d’œuvre sans aucun effet de séduction : Marquet n’est jamais tape-à-l’œil. Puis des tableaux des quais de Rouen (1912, collection particulière), plusieurs versions de ces embarcadères ou débarcadères, peu de gens, un petit remorqueur qui passe, des grues, là encore un silence métaphysique…

Que dire de plus ? Ce n’est pas seulement « la force de la discrétion », c’est même et aussi « l’évidence de la discrétion », cette fois-ci en Normandie, sur les quais des villes et le long des sentiers des paysages du Cotentin battus par le vent… Humblement, je dirais : « Merci Marquet », passionnément.

La Ciotat, janvier 2023

Le Havre. Mars 2014

Tirage argentique noir et blanc sur papier

1/30, 30 x 24 cm

Le Havre, MuMa

Acquisition avec l’aide du Fonds régional d’acquisition des musées (FRAM)

Bernard Plossu

Le Havre. Octobre 2013

Tirage argentique noir et blanc sur papier

1/30, 30 x 24 cm

Le Havre, MuMa

Don de l’artiste, 2015

Bernard Plossu

Le Havre. Octobre 2013

Tirage argentique noir et blanc sur papier

1/30, 30 x 24 cm

Le Havre, MuMa, Acquisition avec l’aide du Fonds régional d’acquisition des musées (FRAM)

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