Charles LHULLIER Conservateur du musée de Peinture et de Sculpture du Havre par Clémence Poivet-Ducroix Charles Marie Lhullier est nommé conservateur du musée de Peinture et de Sculpture du Havre le 3 septembre 18841. Il prend la suite d’AlphonseLouis Galbrund (1810-1885), un artiste lui aussi, qui était conservateur du musée depuis treize ans. Lhullier prend ses fonctions le 1er octobre2. Alphonse-Louis Galbrund, alors âgé de soixantequatorze ans et malade, est absent du musée depuis de longs mois. Avant même sa démission effective le 8 août 18843, les ambitions se sont échauffées et plusieurs candidats à sa succession, tous peintres, se sont fait connaître4. Mais la personnalité de Lhullier s’impose a priori sans débat, semblant pratiquement couler de source. Le choix de l’administration municipale, qui a pris conseil auprès de la Commission consultative d’achat du musée5, se porte à l’évidence sur une personnalité qui a déjà fait sa place dans le petit monde de la notabilité artistique du Havre, en tant que peintre d’abord et surtout comme directeur de l’École des beaux-arts6. En 1884, sur ces titres, il est aussi déjà membre du conseil d’administration de la Société des amis des arts depuis plusieurs années, où il participe aux sélections des artistes et aux installations, et il est membre de la Commission consultative d’achat des œuvres d’art instituée près du musée depuis 18827. Le nouveau conservateur est ainsi déjà familier de l’institution, de ses installations, de ses collections, de son fonctionnement et de son réseau.
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À cette époque, le musée du Havre, inauguré le 25 août 18458, existe depuis moins de quatre décennies, et il n’est ouvert effectivement au public que depuis trente-sept années9. Comme de nombreuses villes de France10, c’est en effet seulement au mitan du xixe siècle que Le Havre a voulu se doter d’un équipement culturel aux fins d’instruction et d’édification, réunissant en une même ambition encyclopédique11 et un même investissement12 la bibliothèque municipale déjà importante, les collections archéologiques et d’histoire naturelle de la ville13, et un embryon de musée de peinture et de sculpture, à cette époque surtout riche d’espoirs. Dressé à l’extrémité de la rue de Paris sur le grand quai qui borde l’avant-port, le Musée-bibliothèque a été dessiné par Charles Louis Fortuné BrunetDebaines, architecte de la ville. D’inspiration éclectique qui regarde vers la Renaissance14, et même si d’aucuns le trouvent « prétentieux15 », le Musée-bibliothèque du Havre est caractéristique, voire caricatural de l’architecture des musées de son temps : il assume son aspect palatial qui fait l’originalité des musées français du siècle16. En 1884, la place des espaces dédiés au musée de Peinture dans le bâtiment du Musée-bibliothèque est centrale mais encore limitée. Au rez-dechaussée, la collection de sculptures est disposée dans le grand vestibule monumental du bâtiment ainsi que dans les galeries latérales17 libérées des collections du Muséum depuis 1881. Un escalier