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Studio Marlot & Chopard

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Thomas Houseago

Thomas Houseago

Chimères

présenté au Musée des Beaux-Arts de Rouen

au travers du regard d’Ariane Chopard-Guillaumot

L’exposition Chimères présente un ensemble de photographies autour des représentations du vivant, dont la série éponyme inédite, réalisée en 2019. Elle dialogue avec les collections du Musée des Beaux-Arts et celles du Muséum d’Histoire naturelle de Rouen où de nombreuses photographies ont été prises.

Les Chimères viennent s’inscrire dans la lignée des séries en noir et blanc réalisées depuis 2006 par le studio Marlot & Chopard. Mêlant des images argentiques et numériques dans des scènes fantastiques à l’aspect nocturne qui peuvent faire penser à autant de dioramas, cet ensemble poursuit les thèmes précédemment abordés avec les séries Black houses, Vitrines et Souvenirs d’Italie.

Elle trouve également son origine dans cinq photographies argentiques prises de nuit durant l’hiver 2011 à Paris, représentant des éléments d’architecture agrémentés d’un bestiaire fantastique et de figures inquiétantes dont la Faucheuse qui guette le jeune berger du Monument à Pasteur de Falguière, place de Breteuil et l’une des chimères ailées de Jacquemart qui crache de l’eau à la fontaine Saint-Michel.

Ces premières photographies ont donné lieu à l’élaboration d’un ensemble de 22 images entièrement recomposées à partir de prises de vue argentiques et numériques, puisées dans les archives du studio Marlot & Chopard parmi des milliers de photographies prises ces dernières années autour de thématiques récurrentes: l’architecture, le paysage et la représentation du vivant. Par cette re-construction fantasmagorique des espaces comme de ses occupants, chaque image de la série prend alors un aspect fantastique et devient elle-même, par son caractère hybride, une sorte de chimère photographique.

La série des Chimères joue sur la superposition et la juxtaposition de strates temporelles en mettant en scène dans une même image des photographies prises à divers moments. Celles-ci représentent des espaces urbains qui se trouvent recouverts par une nature qui aurait pu se trouver là avant l’urbanisation ou pourrait s’y trouver si ces espaces étaient abandonnés par l’homme, mais aussi des espèces animales, dont certaines éteintes, photographiées dans divers muséums. Mêlant le mort au vivant comme si toutes les époques qui constituent l’histoire d’un lieu se retrouvaient soudainement présentes au même moment dans une seule image, les Chimères opèrent une compression du temps en assemblant passé, présent et futur dans une même vision. Elles nous donnent alors une représentation visuelle de la transformation perpétuelle des espaces et du vivant.

Au-delà de la juxtaposition d’espaces et de temporalités, les Chimères mettent en jeu la coexistence de différents degrés de réalités en combinant diverses formes de représentation du réel. Le monde de l’imaginaire et du mythe se mêle alors au vivant pour recréer un microcosme, un petit théâtre dont les objets inanimés reprennent vie. Dans chaque image, la sculpture d’inspiration religieuse ou mythique côtoie des squelettes de muséum, des animaux empaillés imitant le vivant et des animaux vivants exposés dans des zoos comme des objets, ainsi que différentes formes de représentations humaines à travers la peinture et la sculpture.

Par sa mise en scène, chaque image donne vie à un univers recomposé qui vient interroger notre conception de la réalité dans le prisme de ses représentations, mais aussi ce qui fait qu’un lieu trouve son unité dans cet assemblage complexe alliant Histoire, réminiscences, croyances, mythes ou culture, tout ce qui fait sens et qui donne à un lieu son épaisseur, sa cohérence, son identité propre.

Pour autant, l’interprétation des images n’est pas figée, chaque Chimère regorge de détails plus ou moins visibles qui viennent incliner le sens de sa lecture dans des directions diverses, nous faisant ainsi emprunter le cheminement d’une logique propre aux rêves.

Images rêvées, recomposées, les Chimères nous offrent alors d’étranges dioramas, mais aussi une réflexion sur nos perceptions de la réalité, du temps, de la vie et de la mort.

Studio Marlot & Chopard Chimères (Port Royal) 2011

Photographie noir & blanc 76 x 100 cm © Studio Marlot & Chopard, ADAGP, Paris 2021

Studio Marlot & Chopard Chimères 2019

Photographie noir & blanc 50 x 61 cm © Studio Marlot & Chopard, ADAGP, Paris 2021

Studio Marlot & Chopard Chimères 2019

Photographie noir & blanc 50 x 61 cm (chaque) © Studio Marlot & Chopard, ADAGP, Paris 2021

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