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Faire Fer

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Thomas Houseago

Thomas Houseago

Partenariat ESADHaR

Tom Sagit Porte amplifiée 2020 -

Deux plaques d’acier inox polies, sérigraphiées 135 x 90 cm Photographies de Yohann Deslandes

présenté au Musée Le Secq des Tournelles de Rouen En partenariat avec l’ESADHaR avec la collaboration des laboratoires de recherche « Currer Bell Collège » d’Edith Doove et « Le cabinet des écarts singuliers » de Jean-Louis Vincendeau.

au travers du regard de Yoann Groslambert

De jeunes artistes élèves à l’ESADHaR (École Supérieure d’Art et de Design Le Havre-Rouen) se sont appuyés sur les collections exceptionnelles du musée Le Secq des Tournelles pour y imaginer une dizaine de pièces et d’installations. L’institution muséale poursuit ainsi la mission que lui avait assignée son fondateur: inspirer la création contemporaine.

À l’ouverture du musée en 1921, Henri Le Secq des Tournelles (1854-1925) était encore vivant. Dans son esprit, l’immense collection d’objets en fer qu’il avait rassemblée à la suite de son père devait reconstituer de manière encyclopédique et didactique l’histoire complète de l’utilisation de ce matériau, dans toutes ses applications. Mais il souhaitait aussi et surtout que ces œuvres servent d’émulation à la création contemporaine, pour que les artisans et artistes y puisent leur inspiration.

À l’initiative de leur professeur JeanCharles Pigeau, une dizaine d’élèves de l’ESADHaR ont assidûment fréquenté les collections du musée de l’automne 2019 à l’été 2020. Avec pour sujet « De la pièce unique au multiple. Du multiple à l’installation », ils avaient une totale liberté pour imaginer des travaux dialoguant avec les pièces du musée. Réalisées dans les matériaux de leur choix – métal bien sûr, mais aussi plâtre, céramique, bois, installations vidéo, etc. –, ces pièces révèlent la variété des démarches et des personnalités artistiques de chacun. Installées au sein du parcours du musée, elles y forment des échos, des contrepoints, qui permettent d’éclairer les collections sous un jour nouveau.

Wenyu Zhang nous dit qu’il y a du métal dans le graphite; son dessin d’arbre à la mine de plomb est donc bien à sa place au musée de la ferronnerie, directement inspiré de l’enseigne À l’Arbre sec. Grand dessin sur papier froissé, arbre de guingois comme un pantin désarticulé, irradié par la force de son apparence, il est, de ce fait, très présent. Un arbre flottant dans l’air, à l’abri des tempêtes, suspendu sans ses oiseaux, arrivé là en plein jour, les branches tendues vers l’au-delà dans le labyrinthe des codes.

Tom Sagit s’est quant à lui inspiré de la grille d’Ourscamp, réalisée par un moine en 1200 de notre ère, à la force des bras et de beaucoup de patience. Ses deux vantaux faussement symétriques reprennent des motifs végétaux pour rappeler l’Eden et son jardin. Sérigraphiée sur deux plaques miroirs, l’œuvre invite le spectateur à jouer avec les reflets et à trouver sa place entre ses deux œuvres séparées par le temps. Si la grille d’origine représentait les portes de l’Eden, alors que se trouve-t-il derrière ces nouvelles plaques aujourd’hui?

À partir des objets du musée, Fleur Leclère a réalisé de grands dessins narratifs, imaginaires et oniriques. Ainsi une hache pour casser du sucre lui a fait imaginer un pain de sucre tel un mont, que l’on vient casser pour s’en saisir d’un morceau, le déposer sur la langue. Ce morceau de sucre devient alors une perle dans un coquillage, pour être ensuite saupoudré grâce au « pochoir » cœur de la hache pour décorer un « gâteau d’amour ». Ces objets dont l’usage nous semble souvent d’une autre époque et parfois mystérieux laissent un grand champ libre pour imaginer des fictions libérées d’une « vérité » d’usage et ou historique.

L’installation de Gabriella Viana, composée de sept cercles métalliques, stimule des sensations, des émotions, des perceptions suggérant la gamme colorée de l’arc en ciel. Giraviva suggère les notions du mouvement cyclique de l’Univers et de la spiritualité. L’artiste y rassemble deux mots; Gira, mot portugais qui vient du verbe GIRAR (tourner), utilisé pour un rituel spiritualiste dans la religion Umbanda au Brésil où les participants font un cercle pour chanter et ainsi invoquer les esprits. Ce mot fait référence à une idée qui transcende le monde concret. Et le mot VIVA signifiant le vivant.

Théo Pimare Only a nail 2020 -

Structure en métal et clous

Angelica De Sisto DOMMAGE(S) 2020 -

Plaques de zinc, environ 40 x 30 cm chacune

Gabriella Viana GIRAVIVA 2020 -

Sept cercles en fer plat colorés, 95 cm de diamètre chacun

« Only a nail » (juste un clou), de Théo Pimare, reprend l’idée du masque d’infamie, avec une fonction presque cathartique. Nous sommes ici et aujourd’hui tous confrontés à des normes sociales qui nous forment, nous caractérisent et nous définissent comme autant de masques que nous devons porter, comme autant de petits clous qui nous piquent et nous construisent, dualité d’un mal dit « nécessaire », tel un Janus à deux visages. À chaque époque son masque, son infamie. Pour incarner cette idée, l’artiste a choisi comme symbole le clou. Le clou, élément potentiellement dangereux, est ici apprivoisé, il ne prend qu’empreinte du visage. Il l’effleure, le caresse pour ne garder que son souvenir, sa trace, car finalement, seul reste le clou. La dimension joue un rôle primordial dans la constitution de cette pièce, car elle est à hauteur d’homme, cependant moins large, afin d’obtenir une forme rectiligne qui reste dans l’idée de schéma du corps et qui ne soit pas sa reproduction.

Le projet de David Mendy est inspiré de l’enseigne d’auberge Aux trois Rois mages qu’il utilise dans le but de créer une histoire avec, pour sujet, les prédateurs et ses proies. Un récit se crée liant l’histoire des Rois mages qui apportent des cadeaux à l’enfant Jésus et l’auberge accueillant les voyageurs. L’artiste a repris la structure des enseignes du musée pour suspendre sa réponse plastique polychrome. Sur la plaque de céramique émaillée, un bâtiment représente l’auberge et un oiseau symbolise l’esprit voyageur, c’est un prédateur qui se nourrit de poissons. La figure humaine protège ses moutons égarés et s’en prend de ce fait au monstre. Le monstre est un prédateur qui traque ses proies et les tue pour se nourrir, ici le prédateur est chassé, tel une proie. L’étoile guide tous les êtres vivants.

Angelica De Sisto propose quant à elle une plongée dans les détails de son quotidien, de son entourage, les petites choses qui semblent sans qualité

pour certains font entièrement partie de son travail consistant à les valoriser. Sa réponse plastique découle des heurtoirs, plus précisément des traces laissées sur leurs supports de présentation. Ces indices sont la matière intégrante de ses œuvres. Par le biais de ses productions, elle met en évidence des éléments que l’on souhaite oublier, qui peuvent parfois parasiter la lecture des objets. Les empreintes laissées par les heurtoirs, pour la plupart circulaires, lui sont apparues comme un ballet de valse qu’elle souhaitait absolument montrer et imprimer sur un matériau solide pour jouer avec le contraste de ces courbes et la froideur du fer.

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