2 minute read

ARMEL JOB ou l’appel de l’authenticité

« Le Meurtre du docteur Vanloo » partage avec vos autres romans cette sensation de microcosme, proche de huis clos, mais aussi une combinaison de faux semblants et de cas de conscience. L’intrigue est-elle le prétexte à une plongée au cœur de la nature humaine ? L’intrigue, est la première politesse du romancier pour son lecteur, sa façon de lui éviter l’ennui. Mais elle est aussi l’occasion de découvrir, par l’entremise d’un fait extraordinaire, les réactions des protagonistes. C’est ce qui me passionne. Depuis plus de 20 ans, je m’interroge sur les gens. Qui ils sont, ce qu’ils pensent et ressentent. Et c’est lorsqu’ils sont poussés dans leurs retranchements par une situation dramatique ou exceptionnelle, que les individus se révèlent vraiment.

Vos livres ont pour cadre la Belgique. Est-ce par attachement, notamment à la province du Luxembourg où vous avez grandi et vivez toujours ? Cette démarche m’a toujours semblé naturelle. Pour écrire, je me nourris de ce que je connais et vois autour de moi. Pourquoi dès lors situerais-je mes romans ailleurs ? Et je pense que son décor aide les lecteurs à ressentir d’autant plus de proximité avec les histoires que j’évoque.

Advertisement

Notamment ses villages et ses petites bourgades rurales ? Oui, même si certains de mes ouvrages se sont aussi déroulés à Charleroi ou Liège, le village a l’avantage d’une unité de lieu, d’un cadre réduit, où censément tout le monde se connait. Les relations et les liens, y sont donc extrêmement intenses, chacun ayant un passif avec les autres.

Vos personnages sont d’autant plus attachants de par leur troublante véracité, le sentiment qu’ils pourraient être ce voisin que l’on croiserait au détour d’une rue. Est-il essentiel pour vous de mettre en scène des individus du commun ? Je ne me retrouve pas dans cette forme de littérature bourgeoise qui se détache de la vie pratique pour se concentrer sur les états d’âme. Ce que j’aime, c’est mettre en scène des petites gens, si l’on peut dire, avec un quotidien ancré dans la réalité. C’est un type d’histoires qui m’a toujours attiré. Déjà à 14, 15 ans, j’étais passionné par Maupassant et ses contes. Leur langage me plaisait, tout comme les personnages issus de la Normandie profonde, des paysans, des gens du commun. Cela m’a marqué et certainement influencé.

Vous avez publié votre premier roman, « La Reine des Spagnes » en 1995, à 47 ans, après une carrière de professeur de latin grec puis de directeur. Pensez-vous que ces années d’enseignement habitent également vos écrits ? Certainement. Un professeur de latin et de grec cherche à mettre ses élèves en contact avec les racines de notre civilisation, de même qu’il essaye de piquer leur curiosité, de les faire réfléchir. Le travail de l’écrivain est au final assez similaire. Il s’agit d’exercer son esprit critique sur le monde qui nous entoure que nous percevons par le prisme des apparences.

En parallèle des romans, vous écrivez également des pièces de théâtre. Les deux exercices vous apportent-ils le même plaisir ? Ce sont des démarches très différentes. Par le biais du théâtre, son rythme, ses dialogues, j’essaye d’introduire avec une touche d’humour et de façon contemporaine, une réflexion sur des questions philosophiques ou théologiques. Par exemple dans « L’évasion de Socrate ». On sait que Socrate ne s’est pas évadé et qu’il a été condamné à mort. Mais aussi qu’il aurait pu fuir. Quelle raison pousse dès lors un homme à rester malgré tout en prison à y attendre son exécution ? Et puis, le théâtre ne s’encombre pas de cette obligation de devoir décrire le banal, là où le héros s’assied, lorsqu’il ouvre une porte… L’on peut se concentrer sur l’essentiel : la conversation.

Quel est le plus beau compliment qu’on ait pu vous faire à propos de vos écrits ? Sans doute cette femme m’ayant remercié, car les personnages de l’un de mes romans l’avaient aidé à vaincre sa dépression. C’est curieux et en même temps très touchant de voir l’attachement que peuvent susciter des êtres pourtant imaginaires. C’est tout l’intérêt du roman, aller au-delà du cas particulier pour rejoindre l’universalité. Et faire résonnance.

This article is from: