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ALIA CARDYN Porteuse d’essentiel
Avec ce sixième roman, baptisé “Le Monde que l’on porte”, Alia Cardyn explore la notion d’héritage et les racines de la transmission, dans ce qu’ils ont d’intime autant que d’universel. Et, avec sa sensibilité et sa justesse coutumière, évoque le lien vital à l’enfance.
Votre nouveau livre “Le Monde que l’on porte” est une ode aux femmes. D’où est venu ce désir ? Je voulais évoquer deux destins de femmes qui ne sont pas tout à fait à leur place sur leur chemin de vie et qui dès lors sont poussées physiquement vers un ailleurs. Et en parallèle, je rêvais de créer un clan de femmes, porté par la sororité et la transmission, dans un univers où se mêleraient spiritualité ambiante, traditions et légendes. J‘aurais aimé vivre à une époque où il y avait plus de tribus. Nous sommes des êtres profondément sociaux, qui se construisent autour de l’énergie de leurs interactions. J’ai donc imaginé un clan fort de son authenticité, de son intimité mais aussi de son climat de fête. Une atmosphère que j’avais envie de ressentir et de me raconter.
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On y rencontre deux héroïnes. L’une, Ella, est enseignante, l’autre, Rose, sage-femme. Si vous aviez déjà abordé l’école en toile de fond de votre roman “Archie”, pourquoi avoir voulu évoquer la venue au monde d’un enfant ?
En plaçant Rose au sein de ce clan de femmes, faire d’elle une accoucheuse, s’est imposé à moi comme une évidence. Quant à l’école, c’est le fondement de notre société et l’on investit si peu en elle. Ces deux histoires se révélaient des miroirs l’une de l’autre, abordant l’égalité et surtout son absence. Lors d’un accouchement, c’est le médecin qui sait, du fait des enjeux, de l’obligation d’aller vite et du manque d’équipes et la femme doit s’y plier. Il en va de même à l’école où le professeur affirme et les élèves ont l’obligation d’écouter, de se soumettre au programme et à la discipline.
Vous ressentiez le besoin de continuer de questionner le système scolaire, ce qu’il peut avoir de normatif ou au contraire de porteur et d’inspirant ? J’estimais ne pas avoir eu l’occasion d’en dire assez. Je me rends chaque semaine dans des écoles, pour y parler de mes romans jeunesse. Cette année, j’ai vu 1000 enfants et je nourris une admiration sans bornes pour les enseignants, obligés de composer trop souvent avec une matière rigide et des classes en surnombre. Tout comme j’ai rencontré des enfants qui sont de véritables pépites qui s’ignorent, qui affrontent des difficultés avec la matière et qu’on ne sait pas aider correctement, par manque de temps et de moyens. Dans ce livre, j’évoque l’école démocratique, non pas car selon moi elle est la seule valable, mais car elle était symbolique et permettait d’interroger sur l’essentiel : l’amour de l’apprentissage et l’importance de surfer sur ce désir d’enfant de connaitre le monde, qui est tellement présent et qu’on met de côté dans l’enseignement classique.
Quelle est l’énergie, l’émotion commune à tous vos récits ? Le premier mot qui me vient c’est liberté. Mais aussi égalité, même si c’est intrinsèquement lié. Si l’on est égaux, on est aussi plus libres. La lumière et le renouveau également. J’aborde des thèmes durs, mais avec la volonté d’y ajouter une dimension résiliente et lumineuse.
Les deux histoires de votre roman se mêlent justement aussi autour de ces chutes qui changent l’existence, sont porteuses de renaissance, de reconnexion au monde et à soi-même. Sontelles, selon vous, en quelque sorte un cadeau que la vie met sur notre chemin ? L’on vit dans une société qui ne laisse pas toujours suffisamment de part à l’acceptation, notamment des émotions. Où l’on subit de nombreuses injonctions, comme celles de se réinventer, de considérer une chute comme l’occasion d’être plus fort. Mais tomber, c’est d’abord s’écrouler, simplement, en devant apprendre à accepter là où l’on est. Je suis convaincue que, plus que les épreuves qu’on traverse, la véritable chance est de voir se révéler les ressources que l’on porte à l’intérieur de soi.
Qu’abordera votre prochain livre ?
En octobre sortira chez Actes Sud un nouvel album jeunesse. Un roman jeunesse arrivera également en 2024, avec déjà une suite prévue. Écrire pour les enfants est tellement joyeux. Ce sont des formats courts, dans lesquels je peux insuffler sans limites humour et fantaisie. C’est une autre forme d’originalité, hyper créative et il est magique de voir ses écrits prendre vie en images grâce aux illustrations qui y sont apposées.