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Fanny Ruwet se livre avec sensibilité
D’elle, on connaissait son franc-parler délicieusement mordant, baladé dans des chroniques et spectacles au ton décalé. C’est aujourd’hui loin des sentiers du stand-up que l’on retrouve Fanny Ruwet, avec un premier roman baptisé « Bien sûr que les poissons ont froid », entre tendresse et nostalgie.
Qu’est-ce qui vous a poussé à franchir le pas de l’écriture d’un livre ? Étant une grande lectrice depuis l’enfance, j’ai longtemps mis la littérature sur un piédestal. Je ne pensais pas être capable d’écrire un livre mais en parallèle l’idée me plaisait, la possibilité de prendre mon temps. Dans mes chroniques comme dans mes spectacles, je dois être brève, aller à l’essentiel, faire rire. En stand-up, il faut une chute qui permette de minimiser l’impact négatif. La règle de base est que le problème évoqué ait l’air d’avoir été réglé, pour que le public n’ait pas le sentiment que l’on est victime de l’histoire. Le roman n’était pas soumis aux mêmes obligations. Il me donnait la permission de ne pas être drôle ou du moins pas forcément.
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L’évocation des doutes et émois de l’adolescence, entre bienveillance et malice, est partie intégrante de votre ouvrage. Quelle adolescente étiezvous ? J’étais assez proche d’Allie, la narratrice de mon livre. Je ne me sentais à ma place nulle part. L’école ne m’intéressait pas. C’était très long. Réaliser à 18 ans que le lycée n’était pas la vraie vie, pas une fin en soi, a été un énorme soulagement.
On retrouve au fil des pages votre humour, tout à la fois piquant et confondant de spontanéité. Y compris lors de l’évocation de la peine, du deuil, de la séparation. Une part de résilience, de protection face au monde ? C’est comme cela que je fonctionne et mon personnage a repris mes tics, mes manières. Je cultive une forme d’humour du désespoir. C’est un bouclier, une manière de prétendre que vu que j’en ris, c’est que cela ne m’atteint pas vraiment.
Tout comme votre personnage, Allie, vous est-il plus facile de vous confier par écrit ? J’écris très peu à mes proches mais je me cache beaucoup derrière la fiction. Le livre contient énormément d’anecdotes, de souvenirs, de ressentis personnels, dont je n’ai jamais parlé à mon entourage. Il offre cette frontière floue, l’incertitude de ce qui est réellement autobiographique ou pas. Et de pouvoir se retrancher derrière si l’on ne souhaite pas se mettre véritablement à nu.
Qu’était-il essentiel pour vous de transmettre avec « Bien sûr que les poissons ont froid ? » Au début de l’écriture, j’avais noté cinq questions qu’il me tenait à cœur d’explorer. Le roman aide-t-il à se sentir moins seul ? J’avais cette volonté que ceux qui se ressentent étranges, différents, réalisent qu’une multitude d’autres vivent la même chose. Apporte-t-il de l’espoir ? Est-il drôle ? Amène-til à réfléchir autrement ? Je pense en tout cas qu’il fait résonnance. Et ai-je bien enlevé toutes les postures involontaires ? J’en ai beaucoup dans le stand-up, et j’avais peur malgré moi, de me retrancher derrière celles-ci. Lorsque j’ai commencé les spectacles, je me donnais le rôle d’une fille très froide, insensible. Je désirais retirer tout cela du livre, pour laisser pleinement place à la nuance.
Le roman évoque la difficulté d’oser aimer les filles, alors que l’on découvre à peine l’amour. Thème déjà évoqué dans votre podcast « Bisexualités », sorti en 2019. Était-il essentiel pour vous d’en parler en filigrane ? En l’occurrence cela faisait sens avec l’histoire. Globalement, cela revient très souvent dans mon travail car j’ai du mal à imaginer la vie autrement qu’en étant parfois attiré par des garçons et parfois par des filles. J’en parlerai d’ailleurs à nouveau dans mon premier court métrage, « Bingo » qui sortira dans les prochains mois. L’histoire d’une fille amoureuse d’une autre, qui elle est hétéro. Et dès lors aux prises avec le doute quant à lui avouer ses sentiments ou non. Fille, garçon, il s’agit tout simplement d’évoquer l’amour, sans que cela nécessite un débat.
Avec quel bagage aimeriez-vous que les lecteurs ressortent de la lecture de votre livre ? J’aimerais qu’ils l’achèvent en se sentant moins seuls. Qu’ils aient l’envie de conserver la narratrice avec eux. C’est ce que j’ai ressenti moi-même avec « L’Attrape-cœurs » de Salinger. Des années plus tard, je pense encore souvent à son héros, Holden Caulfield, avec l’impression qu’il est à mes côtés. C’est toute la magie de la littérature.
En travaillant sans relâche, il est sur tous les fronts. Sur Netflix, au théâtre et au sein du Canine Collectif créé par ses potes comédiens de l’IAD pour raconter des histoires. Trentenaire passionné, le Belge Emilien Vekemans mène bien sa barque.
Pour les lecteurs qui ne vous connaitraient pas encore, qui est Emilien Vekemans ? Comédien, j’ai 32 ans, suis né à Bruxelles et j’ai en poche un diplôme de l’IAD à Louvain-la-Neuve, en interprétation dramatique. Je bosse entre Bruxelles, Paris et Londres. Je fais également partie du Canine Collectif avec 10 autres potes. 11 têtes issues de la même promo qui ont décidé de travailler ensemble et de raconter des histoires.
Parmi ces histoires, on retient la série « La théorie du Y » sur la pansexualité et la web-série « Typique » diffusée en 2012 qui raconte la vie d’un jeune étudiant et de sa bande de potes … Oui, dans cette dernière, j’interprète Max, un doux rêveur. La série a remporté pas mal de prix, ce qui constitue un beau tremplin pour tous ceux qui y ont collaboré …
Chaque membre du Canine Collectif a évidemment le droit de s’investir ailleurs. Aussi vous retrouve-t-on en 2022 à l’affiche de la série « The Bastard Son & The Devil Himself » basée sur la trilogie « Half Bad » de l’auteure britannique de fantasy, Sally Green. La première saison est à voir sur Netflix. C’était une chouette aventure. Sally Green est très populaire en Angleterre, l’écriture de Joe Barton qui joue sur l’émotion et l’humour fait mouche, le personnage espiègle de Gabriel me convenait bien et j’adore le fantastique, un genre auquel j’adhère tout de suite. L’intrusion du surnaturel dans un cadre réaliste offre beaucoup de liberté à l’acteur. C’est un fan d’ «Harry Potter» et du « Seigneur des anneaux » qui vous parle. Rire.
Une suite en cours de préparation ? Malheureusement non, Netflix n’ayant pas souhaité une deuxième saison.
En 2023, on vous retrouve sur les planches. Avec la reprise de « Régis » au Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve, en avril. La genèse de cette pièce, c’est toute une histoire. Avec les 10 potes du Canine Collectif, nous nous sommes pointés à l’improviste chez quelqu’un que l’on ne connaissait pas, une soirée entière. On a tout filmé, créé une performance vidéo qui a servi de matériau pour écrire la pièce. L’idée étant de mettre en scène un individu seul face à un groupe, ainsi que onze individus face à eux-mêmes. Cette pièce, édifiante, a trouvé une belle résonance auprès des ados. En avril toujours, je joue à nouveau dans « Kill Fiction », au Théâtre Jardin Passion à Namur, une parodie délirante des codes du cinéma américain écrite et mise en scène par un membre du Canine Collectif. C’est une comédie d’action au théâtre, du Quentin Tarantino sur les planches !
En 2020, la RTBF s’est engagée à développer la série « Dopamine », la suite de « Typique », avec les mêmes comédiens dont vous, avant de se retirer du projet … Comment vit-on sa vie d’artiste en Fédération WallonieBruxelles ? Ce n’est pas facile ! Chaque projet nécessite beaucoup de paperasserie pour espérer une aide financière pour notamment couvrir l’écriture du scénario et le tournage d’un pilote. C’est fatigant. Quand on est artiste, on a envie de créer, de jouer. Mais avant, il faut convaincre à travers des dossiers chronophages, pour la constitution desquels nous n’avons pas été formés. La passion ne suffit pas. Des projets sont désamorcés avant d’être lancés, faute de financement. Ce qui engendre pas mal de frustrations…
Etes-vous un hyper actif ? Je suis d’un tempérament calme, passionné, et proactif plutôt qu’hyperactif… J’ai un agent à Paris et je viens de signer avec un agent en Angleterre il y a un mois. Une nouvelle corde à mon arc.
Que fait Emilien quand il ne travaille pas ? J’ai une vie normale. J’ai aménagé avec ma copine à Forest, je vois des amis, je me balade et je fais mes courses dans les magasins bio. On est ce que l’on mange.