50 Suissesses sensationnelles: des histoires vraies à découvrir (exemples de pages)

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50 Suissesses sensationnelles NINA BURRI

La femme qui nous tord le cœur La femme qui est devenue médecin envers et contre tous

MARIE HEIM VÖGTLIN • ABASSIA RAHMANI

La première coureuse sur lames de Suisse

ANNEMARIE SCHWARZENBACH

La femme qui était une amazone

REGULA ENGEL-EGLI •

La femme qui a arbitré le football masculin

EMMA JUNG-RAUSCHENBACH

La femme qui était dans l’œil du cyclone

La femme qui sème des graines de joie

ÉLIZABETH KÜBLER-ROSS PETRA SPRECHER

La femme qui vaccinait les renards

MARIE-PAULE KIENY • NADJA SCHMID

La femme qui a osé être elle-même

La femme qui effraye les gangsters

CARLA DEL PONTE •

NICOLE PETIGNAT •

La femme qui a passé sa vie à s’occuper des mourant·e·s

La femme qui flirte avec le danger

SUSANNE BICKEL •

La femme qui est devenue une célèbre égyptologue La femme qui protège les animaux

CHARLOTTE BLATTNER

GERMAINE DE STAËL •

La femme qui s’en est pris à Napoléon Bonaparte

JACQUELINE URBACH

La femme qui était une vraie visionnaire

ÉLISABETH BAULACRE

La femme qui a bâti un empire

MARGRIT RUSTERHOLZ • TILO FREY •

La femme qui aime aller vite

La femme qui a brisé les barrières La femme qui a utilisé l’art pour lutter contre la guerre

SOPHIE TÄUBER-ARP • MARGRIT LÄUBLI •

La femme pour qui la vie est un cabaret

JOSÉPHINE CLOFULLIA • SIMONE SCHWEGLER •

La femme qui avait une barbe La femme qui a ouvert la voie aux actrices d’impro

CLOTILDE BRESSLER-GIANOLI • MARIE-CLAIRE GRAF

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La femme qui aimait chanter

La femme qui se bat pour la justice climatique

50 Suissesses sensationnelles

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MARTHE GOSTELI •

La femme qui a sauvé l’histoire des femmes suisses

ROCIO RESTREPO •

La femme qui s’est fait une place dans le monde

MARIA-THERESIA ZWYSSIG •

La femme qui a fait la Grande Traversée des Himalayas

KATHARINA SAMARA-WICKRAMA •

La femme qui aimait l’aventure

ELLA MAILLART • ANNA WECKERIN RUTH DREIFUSS EVA NIDECKER

La femme qui aide les femmes et les filles à trouver leur voix

La femme qui a osé écrire un livre de cuisine

La femme qui a été la première Présidente de la Suisse

La femme qui façonne l’avenir du fitness

MARGRITH BIGLER-EGGENBERGER

La femme qui est devenue la première juge fédérale

La femme qui s’est battue pour le droit de vote des femmes

ÉMILIE GOURD •

La femme qui a construit un empire de cire

MARIE GROSHOLTZ •

CATHERINE PERREGAUX DE WATTEVILLE • IRÈNE LIGGENSTORFER

ANGELA ZILTENER •

HÉLÈNE REY •

La femme qui plonge avec les dauphins

La femme qui est la reine du rock and roll La femme qui s’est bien défendue

ANGELIKA KAUFFMANN NADIA ISLER •

La femme qui conduisait des camions long-courriers

La femme qui a été Numéro 1 au tennis pendant 209 semaines

MARTINA HINGIS •

TINA TURNER

La femme qui espionnait pour la France

La femme peintre de renommée mondiale

La femme qui aide les personnes vulnérables

MANUELA OPPIKOFER •

La femme qui a appris à arrêter les brutes

FRANZISKA DOSENBACH

La femme qui a fondé un empire de la chaussure

SUSANNA ORELLI-RINDERKNECHT IRIS BOHNET •

La femme qui a rendu les cafés populaires

La femme qui promeut les femmes

CÉCILE BIÉLER-BUTTICAZ • ÉVELINE HASLER

La femme qui a été la première ingénieure de Suisse

La femme qui sauve les gens des poubelles de l’histoire 50 Suissesses sensationnelles

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Carla del Ponte La femme qui effraye les gangsters 1947

En 1989, la mafia italienne a planté une demi-

tonne d’explosifs à l’endroit même où Carla del Ponte allait rencontrer un juge en Sicile. Heureusement, les explosifs ont été trouvés juste à temps et ont pu être désamorcés. Carla et le juge n’ont pas été tués et s’en sont sortis indemnes. Mais de retour chez elle, Carla a reçu un appel téléphonique anonyme : « Vous avez vu ce qui vient de se passer », a dit la voix d’un homme, « maintenant, tenez-vous tranquille ! » Il est clair que cet homme ne connaissait pas très bien Carla. Carla a grandi dans le canton du Tessin avec trois frères qui partaient à la chasse aux serpents et mettaient des vipères sous son lit, dans l’espoir de lui faire peur. Mais le fait de savoir qu’il y avait un serpent sous son lit n’a jamais empêché Carla de dormir. Plus tard, elle a voulu faire des études de médecine, comme ses frères, mais son père pensait que des études aussi longues étaient une perte de temps et d’argent. Après tout, Carla n’allait jamais travailler comme médecin, elle allait se marier et avoir des enfants ! Finalement, Carla a choisi d’étudier le droit, car elle aimait l’idée de rendre justice aux victimes de crimes. Elle a étudié à Berne, à Genève et à Londres. En tant que procureure fédérale suisse, Carla a mené des enquêtes sur la mafia italienne. Plus tard, elle est devenue procureure générale de la Cour

pénale internationale à La Haye. Carla a enquêté sur des crimes de guerre en Yougoslavie, au Rwanda et en Syrie. Elle a écouté les récits de milliers de victimes, visité des fosses communes, lu des rapports détaillés sur la torture et les massacres. Carla a vu la mort et la souffrance tout autour d’elle, mais plus le crime était terrible, plus Carla se sentait poussée à rendre justice aux victimes. Elle s’est toujours intéressée aux grands criminels, les chefs, les généraux, les présidents, en insistant pour que ces personnes soient jugées et mises derrière les barreaux. Carla a toujours dit ce qu’elle pensait. Elle ne se souciait pas de ce que les gens pensaient d’elle, que ce soit des collègues ou des ennemi·e·s. Elle continuait à chercher des preuves et refusait d’abandonner, même lorsqu’elle recevait des menaces de mort. C’est pourquoi elle a été surnommée « Carla la peste ». « Carla la peste » se faisait de grand·e·s ennemi·e·s. Des criminel·le·s puissant·e·s, riches et ayant de bonnes relations ont tenté de l’arrêter. On a tiré sur Carla à Belgrade et elle a échappé à une tentative d’assassinat en Sicile. Elle a fait installer des fenêtres et des portes pare-balles chez elle et avait une voiture blindée. Elle ne pouvait même pas quitter sa maison sans gardes du corps. Mais, comme les vipères sous son lit, rien de tout cela ne l’a jamais empêchée de dormir la nuit : ni les crimes qu’elle poursuivait en justice, ni les criminel·le·s qui cherchaient à se venger.

« Je n’ai pas eu peur depuis longtemps. [...] Quand c’est l’heure de mourir, c’est l’heure de mourir, et c’est tout. » 50 Suissesses sensationnelles

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Regula Engel-Egli La femme qui était une amazone 1761–1853

Le soldat a tiré sur un ennemi au visage. Mais

d’autres ennemis arrivaient, et avant qu’il ait eu le temps de recharger, le soldat a été poignardé dans les côtes et a reçu une balle dans le cou. À l’hôpital de Bruxelles, les médecins ont retiré l’uniforme du soldat pour soigner ses blessures et ont découvert que le soldat... était une femme. Née à Zurich, Regula Egli a appris à se débrouiller seule dès son plus jeune âge. Après la séparation de ses parents, sa mère est retournée dans sa région natale des Grisons, sans Regula. Son père, un soldat mercenaire engagé pour combattre à l’étranger, a dû placer Regula dans un orphelinat pendant six ans. Quand son père s’est remarié, Regula se disputait souvent avec sa belle-mère, pour finalement s’enfuir à 13 ans afin de retrouver sa mère. Dans les Grisons, elle a rencontré Florian Engel, un officier suisse d’une armée de mercenaires combattant pour les Français, et l’a épousé à l’âge de 17 ans. Regula était maintenant la femme d’un officier mercenaire. Au cours des 37 années suivantes, elle a souvent marché avec les troupes et est restée aux côtés de Florian. Au moment de la Révolution française en 1789, elle avait déjà donné naissance à sept enfants. Quand Florian a été arrêté et emprisonné à Paris, elle a emmené leurs enfants avec elle pour demander grâce pour sa vie. Le chef français Robespierre a été tellement impressionné par les plaidoyers courageux de Regula, qu’il a accordé la libération de Florian. Partant pour la Hollande, Regula a alors donné naissance à un autre enfant, couchée sur le sol

entre deux canons. Le lendemain matin, elle marchait déjà avec les soldats, le bébé dans les bras et les sept autres enfants derrière. En 1798, Regula et Florian ont rejoint Napoléon dans son expédition en Égypte, où Regula a donné naissance à des jumeaux. Napoléon, l’heureux parrain, a lui-même baptisé les bébés. De l’Égypte, Regula s’est rendue avec les troupes à Gaza, à Jaffa et en Syrie. Lorsque les troupes étaient trop fatiguées, Regula assurait la relève, portant un uniforme de soldat et montant la garde. À partir de là, ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’elle et ses enfants plus âgés se joignent aux combats. Au total, Regula a eu 21 enfants, mais tous, sauf cinq, sont morts au combat pour la France. Napoléon l’adorait et l’appelait sa « Petite Suissesse ». En 1815, les troupes de Napoléon ont perdu leur dernière bataille à Waterloo, en Belgique. Regula a perdu son mari Florian, deux de ses fils, et s’est elle-même retrouvée à l’hôpital de Bruxelles. Une fois remise de ses blessures, Regula est partie à la recherche de ses cinq enfants restants, voyageant jusqu’aux États-Unis pour retrouver l’un d’entre eux. Elle l’a rejoint trois jours avant qu’il ne meure de la fièvre jaune dans ses bras. À 62 ans, Regula est retournée à Zurich écrire ses mémoires, que le public a adoré. Mais les droits d’auteure ne suffisaient pas. Elle est morte à 92 ans, seule, sans le sou, et presque totalement oubliée par son pays. Mais son histoire mérite de continuer à être racontée.

« Comme l’or est mis à l’épreuve par le feu, l’homme est mis à l’épreuve par la souffrance. » 18

50 Suissesses sensationnelles




Nicole Petignat La femme qui a arbitré le football masculin 1966

Quand la sœur de Nicole Petignat lui a dit :

« Je nous ai inscrites à un cours d’arbitrage », Nicole n’avait aucune idée qu’elle s’engageait sur un parcours qui deviendrait historique. Enfant, Nicole et sa sœur jumelle, Dominique, jouaient au football avec les garçons du quartier et regardaient les matchs avec leur père. À 16 ans, elles ont essayé de créer une équipe féminine de football dans leur ville natale d’Alle (dans le canton du Jura), mais cela n’intéressait personne. Elles ont donc suivi un cours d’arbitrage. Si elles ne pouvaient pas jouer de matchs féminins, elles pouvaient au moins arbitrer des matchs masculins. Elles ont arbitré des matchs amateurs dans le canton du Jura pendant environ cinq ans. Quand Dominique a fondé une famille, Nicole s’est installée à Lucerne, faisant de petits boulots pour payer les factures tout en arbitrant les week-ends. Au début, Nicole surprenait tout le monde lorsqu’elle mettait les pieds sur le terrain, le sifflet et le chronomètre à la main. Mais quand elle est passée de l’arbitrage des ligues amateurs à celui des ligues professionnelles, tout le monde a su qui était Nicole. C’était une femme dans un monde d’hommes, et c’était elle qui décidait des pénalités. Nicole a passé les mêmes tests écrits et physiques que les arbitres masculins, mais elle a fait l’objet d’un examen beaucoup plus minutieux. Quand Nicole faisait quelque chose qui plaisait au public, il lui donnait deux fois plus d’amour. Mais quand elle faisait quelque chose qu’il n’aimait pas, elle recevait deux fois plus de haine.

Son nom était cité dans des articles de magazines comme Le top des femmes qui énervent les hommes suisses. Le public criait : « Retourne à ton tricot, Nicole ! » Parfois, des gardes du corps l’accompagnaient à un match. Mais rien de tout cela ne l’arrêtait. Une fois qu’elle avait sifflé le coup d’envoi, tout le reste disparaissait et elle était prise par le jeu. Là, les émotions étaient fortes : de la frustration à la colère, à l’espoir, à l’exaltation ; tout cela bourdonnait sous sa peau comme un fil électrique sous tension. Nicole a arbitré des matchs dans le monde entier, de la Coupe du monde de football féminin de la FIFA, à l’Euro féminin de l’UEFA, jusqu’au tournoi féminin des Jeux olympiques. En 2003, Nicole est entrée dans l’histoire en étant la première femme à arbitrer un match international masculin lors de la Coupe de l’UEFA. Lors du match de l’UEFA, Nicole savait que le monde entier regardait. À peine 30 min après le début du match, l’électricité s’est éteinte dans le stade. Le jeu a continué à la lumière tombante du jour jusqu’à la mi-temps. Puis l’électricité est revenue... accompagnée d’une pluie torrentielle. Et là, Nicole ne pouvait plus communiquer avec ses assistant·e·s, car son équipement électronique était mouillé ! Malgré tous ces obstacles, elle a arbitré comme une cheffe, ouvrant la voie à d’autres femmes pour arbitrer au plus haut niveau. Nicole ne s’attendait pas à monter aussi haut. Pendant 24 ans, elle a simplement pris chaque match comme il venait, en faisant de son mieux. Et en le faisant pour l’amour du jeu.

« N’abandonnez jamais ! » 50 Suissesses sensationnelles

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Margrit Rusterholz La femme qui aime aller vite 1942

Tout le monde regardait la seule femme de la

course. Habillée de la tête aux pieds en cuir noir, Margrit a protégé ses yeux avec les vieilles lunettes de pilote de chasse qui étaient sur son casque. Accroupie sur sa moto, elle a fait tourner son moteur, mis les gaz et grimpé la colline comme une fusée. En 1942, près de Zurich, la famille Reiser attendait un petit garçon. À la place, Margrit est arrivée et on lui a donné le nom de la sage-femme ! Bien que sa mère insiste pour qu’elle « se comporte comme une fille », Margrit préférait grimper aux arbres, construire des villes miniatures à partir de jeux de construction et jouer avec sa maquette de train. Les poupées n’étaient pas son truc. La première fois que Margrit a fait de la moto, c’était comme passagère derrière son petit ami Fritz. Elle aimait la vitesse, alors Fritz l’a encouragée à apprendre à conduire une moto et à participer à des courses de côte en Suisse. Mais ses parents l’en ont empêchée : les filles ne faisaient pas de moto, c’était clair. Quand Fritz est mort dans un accident, Margrit a réparé toute seule sa moto endommagée et, sans prêter attention à ses parents, a commencé à s’entraîner pour la course. Un an plus tard, Margrit roulait comme une flèche sur des routes alpines qui serpentaient, testant à quelle vitesse elle pouvait aller. En 1962, à l’âge de 20 ans, elle a été la première femme à participer au championnat suisse de course de côte à Villars-sur-Ollon. En 1963, elle a battu 80 % des autres concurrents dans la catégorie 125 cm3, et

c’était encore la seule femme à concourir ! Elle est également devenue membre de l’équipe nationale d’Allemagne de l’Est et a participé à des courses au niveau national. À l’époque, les règles des courses de motos favorisaient les hommes. Pour faire démarrer une moto, le pilote plaçait son talon sur un levier et le poussait vers le bas. Comme le chronométrage commençait dès le premier coup de pied pour faire démarrer le moteur, plus le pilote était lourd et fort, plus il avait un avantage. Margrit a donc demandé à la Fédération nationale de Motocyclisme de modifier les règles. Contre toute attente, la règle a été changée pour que la course commence quand le moteur était en marche. Cela a permis d’égaliser les règles du jeu entre les concurrent·e·s. Margrit attirait beaucoup l’attention parce qu’elle était la seule femme sur une moto. Elle a été arrêtée par la police si souvent qu’elle a dit : « S’il y avait eu un prix pour avoir été arrêtée par la police, je l’aurais gagné ! » Alors Margrit roulait avec les cheveux détachés, une longue jupe flottante et des talons hauts, pour choquer encore plus. Toute sa vie, on lui avait dit de ralentir, d’être plus féminine. Mais Margrit ne s’est jamais laissée arrêter par les attentes des autres concernant ce que les femmes pouvaient ou devaient faire. Après avoir fondé une famille, Margrit s’est mise à monter des chevaux de course. Avec son mari Bruno, elle a créé un élevage de chevaux islandais, participé à des courses et enseigné l’équitation à des générations d’enfants.

« Si on ne peut pas aller vite, pourquoi s’embêter ? » 42

50 Suissesses sensationnelles




Tilo Frey La femme qui a brisé les barrières 1923–2008

A Neuchâtel, il y avait autrefois une place nom-

mée d’après un scientifique qui avait essayé de prouver que les personnes de peau blanche étaient supérieures aux personnes de couleur. Différents groupes à travers le monde avaient suivi ses théories racistes, causant énormément de souffrance. Mais aujourd’hui, cette place porte le nom de quelqu’un d’autre. Aujourd’hui, cette place s’appelle l’Espace Tilo Frey. Le père de Tilo Frey était suisse et sa mère était camerounaise. Quand elle a déménagé chez son père, à Neuchâtel, à l’âge de cinq ans, Tilo a immédiatement remarqué qu’elle était différente. Les gens l’appelaient « la négresse », un mot haineux qui la tournait en ridicule parce qu’elle était noire, et qui laissait même entendre qu’elle était moins qu’humaine. Le père de Tilo voulait qu’elle soit en sécurité et qu’elle s’intègre autant que possible. Il lui a conseillé d’être « blanche comme un lys », ce qui signifiait qu’elle devait se comporter comme les gens qui l’entouraient, qui étaient pour la plupart blancs. Tilo a toujours été très motivée. À la fin de ses études, elle a donné des cours de commerce et a même été directrice de l’École supérieure de jeunes filles. Mais elle s’intéressait aussi à la politique. Elle a été la première femme de couleur élue au Grand Conseil neuchâtelois en 1964. En 1971, elle a décidé de se porter candidate au Conseil national. C’était du jamais vu ! Une femme métisse

qui se présentait à l’un des plus hauts postes du pays ? Sa proposition était claire. Si elle était élue, elle défendrait les droits des femmes, mais elle aiderait également la Suisse à nouer des relations plus étroites avec d’autres pays, en particulier les pays en voie de développement. Malheureusement, les journalistes des journaux et de la télévision ne se sont pas soucié·e·s de ses propositions, mais l’ont plutôt critiquée pour ce qu’elle était. Elle avait la peau foncée. Elle n’était pas mariée. Elle était ambitieuse. Cela les effrayait. Tilo était tellement certaine qu’elle perdrait les élections qu’elle est rentrée chez elle tôt le soir de la votation. Elle n’a même pas pris la peine de rester pour entendre les résultats. Mais à la surprise générale, elle a gagné et a fait partie du premier groupe de femmes à être élues au Conseil national. Traditionnellement, il est recommandé aux membres du Conseil national de porter des couleurs sombres lors des sessions parlementaires. Mais pour une fois, Tilo voulait être blanche comme un lys, non pas pour s’intégrer, mais pour se démarquer. Tilo Frey a porté du blanc. Elle était l’une des premières femmes à être élue au Conseil national, et la première personne d’origine africaine. Elle était fière de ce qu’elle était et elle porterait ce qu’elle voulait. Et, en changeant le nom de la place en Espace Tilo Frey, la ville de Neuchâtel a montré qu’elle était aussi fière d’elle.

« Les femmes doivent en faire deux fois plus et ensuite sourire. » 50 Suissesses sensationnelles

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Marie-Claire Graf La femme qui se bat pour la justice climatique 1996

Quand Marie-Claire Graf a visité le glacier de

Morteratsch pour la première fois lorsqu’elle était enfant, elle avait imaginé une énorme et puissante bête blanche à flanc de montagne. Elle a été déçue. Ce qu’elle a vu était une triste plaque de glace grise et ratatinée. Marie-Claire a appris qu’au cours des cent dernières années, le glacier avait rétréci de plus de deux kilomètres et que, d’année en année, il rétrécissait encore plus. Bientôt, il ne restera peut-être plus rien de l’un des plus longs glaciers de Suisse orientale. C’était la première fois que Marie-Claire était confrontée aux effets du réchauffement climatique dans le monde. En grandissant, Marie-Claire a été inspirée par des personnes comme Bruno Manser, qui s’est battu pour sauver la forêt tropicale et ses habitant·e·s, et Ursula Brunner, qui a lutté pour établir le commerce équitable en Suisse. Marie-Claire voulait lutter contre le changement climatique, mais elle ne savait pas trop comment. Les gens autour d’elle ne semblaient pas très préoccupés par le sujet. Marie-Claire se sentait seule et frustrée. Cela a changé quand elle a déménagé à Zurich pour ses études. Soudain, elle a rencontré beaucoup de gens qui voulaient agir pour le climat. Dans leur université, Marie-Claire et ses ami·e·s ont mis en place une « Semaine de la durabilité », avec des ateliers portant sur des sujets allant des tortues et de la pollution plastique, aux cours de cuisine végétalienne. À la fin de la semaine, un énorme buffet « zéro déchet » a été servi. Le buffet était composé des restes de nourriture collectés dans les restaurants voisins en une seule soirée, de la nourriture qui aurait autrement été jetée.

La semaine a eu un énorme succès. Les étudiant·e·s de différentes universités du monde entier ont repris l’idée et organisent maintenant leurs propres semaines de la durabilité. Marie-Claire a participé à des conférences internationales sur le climat, mais elle n’avait encore que 22 ans. Beaucoup de gens ne la prenaient pas au sérieux. Comment pouvait-elle faire entendre la voix des jeunes ? Puis, début décembre 2018, Marie-Claire a rencontré Greta Thunberg lors d’une conférence. Six mois plus tôt, Greta n’était qu’une adolescente suédoise qui faisait la grève toute seule devant le Parlement suédois. Maintenant, elle avait pris la parole aux Nations Unies et était célèbre dans le monde entier. « Pourquoi ne faites-vous pas simplement grève ? » a suggéré Greta. Marie-Claire a décidé d’essayer. Elle a lancé un groupe « grève des écoles » sur son téléphone. En quelques heures, des centaines de personnes avaient rejoint le groupe et, quelques semaines plus tard, la première grève des écoles a eu lieu à Zurich. Marie-Claire savait maintenant que beaucoup de gens se préoccupaient de la situation et voulaient un changement. Il s’agissait simplement de rassembler tout le monde. C’est donc ce qu’elle a fait. En septembre 2019, six millions de jeunes dans le monde sont descendu·e·s dans la rue pour demander aux gouvernements de prendre des mesures contre la crise climatique. Rien qu’en Suisse, 100’000 personnes ont défilé. En tête, il y avait Marie-Claire Graf. 50 Suissesses sensationnelles

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Marthe Gosteli La femme qui a sauvé l’histoire des femmes suisses 1917–2017

Le père de Marthe Gosteli est mort quand elle

avait 40 ans, laissant Marthe, sa sœur et sa mère à la tête de la ferme familiale à Worblaufen, dans le canton de Berne. Le seul problème, c’est qu’on était en 1957. Même si les trois femmes étaient des adultes intelligentes, elles n’avaient pas le droit de garder leur maison sans le consentement d’un homme. Quand Marthe grandissait, les filles devaient apprendre le tricot, la couture et la cuisine, tandis que les garçons étudiaient l’histoire, les sciences et la géométrie. Les filles n’avaient pas besoin des mathématiques pour devenir des mères et des ménagères ! À l’époque, les Suissesses n’avaient pas le droit de vote. Les parents de Marthe, tous deux intéressés par la politique, pensaient que les femmes devraient avoir une voix au gouvernement. Quand Marthe a eu 11 ans, en 1928, ils l’ont emmenée au défilé de l’Exposition suisse du travail féminin, en 1928 à Berne. Sur l’un des chars du défilé il y avait un escargot géant, représentant la frustration des femmes face à la lenteur avec laquelle le gouvernement réagissait à leur demande de voter. En 1949, Marthe a rejoint l’Association bernoise pour le droit de vote des femmes (ASF), un groupe qui se battait pour que les femmes puissent voter. Elle a également travaillé pour l’ambassade américaine, et a été impressionnée par le fait que les femmes américaines avaient obtenu le droit de vote en 1920. Il y avait même une femme ambassadrice des États-Unis en Suisse ! C’était la première fois que Marthe rencontrait une femme qui occupait un véritable poste de pouvoir. En 1957, lorsque le père de Marthe est mort et que la ferme familiale a failli leur être enlevée, un 58

50 Suissesses sensationnelles

ami masculin a dû intervenir pour les aider. Marthe a su qu’il était temps de se lancer dans la lutte pour les droits des femmes. Elle a rejoint la Fédération des associations féminines suisses (FAS), à la tête du groupe consacré aux droits politiques des femmes. Marthe s’adressait aux gens de manière discrète : elle créait des brochures et faisait du porte-à-porte pour parler du droit de vote des femmes. Elle a encouragé les femmes à s’adresser aux mairies de leur village ou de leur ville pour s’informer sur le vote, et à s’impliquer dans le gouvernement local. Elle a fait en sorte que les femmes parlent aux hommes de leur vie, les encourageant à épingler des rubans verts sur leur veste pour montrer leur soutien aux droits des femmes. Finalement, ces tactiques silencieuses ont fonctionné ! Le 7 février 1971, les deux tiers des hommes suisses ont voté pour que les femmes aient le droit de vote. Cela a attiré l’attention sur les autres questions urgentes liées aux femmes : obtenir le droit de gérer leurs propres comptes bancaires, gagner un salaire égal, posséder des biens et bénéficier d’un congé maternité payé. Même après cette victoire, Marthe ne voulait pas que l’on oublie l’histoire du mouvement pour le droit de vote des femmes suisses. Elle savait que le gouvernement, dominé par les hommes, n’allait probablement pas s’occuper de collecter et archiver les documents, affiches, photos et histoires importantes liées à ce sujet. Marthe a alors fait don de la maison de la famille Gosteli et a commencé à la remplir d’objets historiques. Vous pouvez encore visiter la Fondation Gosteli aujourd’hui et découvrir toutes les Suissesses courageuses qui se sont battues si longtemps pour leur droit de vote.



Ruth Dreifuss La femme qui a été la première Présidente de la Suisse 1940

Ruth Dreifuss est née dans une maison pleine

d’amour, au milieu d’un monde plein de haine. La Seconde Guerre mondiale faisait rage. L’Allemagne nazie, dirigée par Adolf Hitler, massacrait le peuple juif. Les parents de Ruth étaient juifs et vivaient à Saint-Gall, près de la frontière allemande. La peur les a envoyés vers l’ouest, d’abord à Berne, puis à Genève. À la fin de la guerre, Ruth a vu ses parents boire leur « vin d’Hitler », une bouteille qu’ils avaient mise de côté pour ne l’ouvrir qu’une fois Hitler vaincu. Âgée de cinq ans, Ruth n’a pas bu ce vin. Pourtant, elle a pu goûter à l’espoir qui l’accompagnait. L’espoir que le monde serait désormais un endroit meilleur et plus juste. Enfant, Ruth rêvait de devenir archéologue ou historienne. Elle voulait comprendre le fonctionnement des anciennes sociétés. Mais en grandissant, elle a décidé qu’elle préférait aider à modeler sa propre société. Pour avoir un impact important, Ruth devait modifier les lois et les règles. Cela signifiait faire carrière au gouvernement. Elle est entrée au gouvernement en 1993, sur une « vague rose ». Les femmes de tout le pays avaient manifesté par milliers, exigeant d’être représentées au Conseil fédéral, le plus haut niveau du gouvernement, qui était composé uniquement d’hommes. Après de nombreux combats à l’intérieur du Parlement et trois tours de votations, Ruth a été élue. Elle a dirigé le Département fédéral de l’intérieur, qui s’occupe de beaucoup de domaines, de l’égalité à l’environnement, en passant par la culture. Ruth s’est notamment battue pour que tout le monde

ait accès à des soins de meilleure qualité, pour que les femmes mariées aient leur propre retraite et pour des programmes visant à mieux aider les personnes souffrant d’addictions. Il était difficile et lent de faire changer les choses. Mais elle y parvenait ! Au milieu d’un Conseil fédéral constitué d’hommes, Ruth n’a pas essayé de se comporter comme eux. Au contraire, elle est restée fidèle à ce qu’elle était : une femme forte et compatissante. Une fois, elle a tricoté des pulls avec Bruno Manser, un célèbre écologiste travaillant pour sauver la forêt tropicale, et les a offerts à ses collègues pour leur réchauffer le cœur. Ruth n’a jamais oublié ce qui l’a amenée à son poste. Sur un mur de son bureau étaient affichées des photos de la foule des femmes qui avaient manifesté en 1993. Chaque fois que Ruth hésitait, elle regardait l’espoir dans leurs yeux, et cela lui donnait de la force. En 1999, Ruth a été la toute première femme et la première personne d’origine juive à devenir Présidente de la Confédération. Ce fut une étape énorme, qui a été fêtée dans tout le pays. Ruth savait cependant qu’il restait beaucoup à faire. Elle s’est battue avec beaucoup de force pour les personnes que le gouvernement oubliait souvent : les réfugié·e·s, les immigrant·e·s, les femmes, les personnes souffrant d’addictions, les infirmes et les pauvres. Ruth s’est retirée du Conseil fédéral en 2002, mais elle travaille toujours pour faire du monde un lieu où l’espoir et l’égalité ne sont pas réprimés, comme s’ils étaient enfermés dans une bouteille, mais où ils s’écoulent librement, à chaque table, chaque jour.

« La démocratie souffre lorsque les gens vivent dans des conditions inégales... » 70

50 Suissesses sensationnelles




Catherine Perregaux de Watteville La femme qui espionnait pour la France 1645–1714

En décembre 1689, les autorités bernoises ont fait ir-

ruption chez Catherine Perregaux de Watteville et l’ont tirée hors de son lit. Accusée d’être une espionne, elle a été emprisonnée et interrogée. Lorsqu’elle a refusé de nommer ses complices, les bourreaux l’ont pendue par les poignets avec de lourdes pierres aux chevilles, enveloppée dans du fil de cuivre jusqu’à ce qu’elle saigne et lui ont écrasé les pouces avec un étau. Catherine a crié des noms, mais c’était surtout des mensonges. Cela a rendu les autorités furieuses et confuses. Catherine avait toujours rendu les gens furieux et confus. Elle ne se comportait pas comme une femme de la noblesse. En fait, elle ne se comportait pas du tout comme une femme. Catherine préférait les armes à feu à la couture, les défis équestres à la broderie. C’était une cavalière expérimentée et elle avait un jour gagné un pari en maîtrisant un cheval indomptable. Elle avait tiré dans l’épaule d’un homme qui l’avait attaquée. Elle avait défié une autre femme en duel après avoir été insultée. Catherine disait qu’elle était une amazone, et avait même fait peindre son portrait en tenue de reine guerrière ! Catherine était également passionnée par la politique. Berne gouvernait la région vaudoise par la force, et une grande partie de la population préférait la France. Catherine en faisait partie. Elle rêvait de servir Louis XIV, le roi de France, un personnage brillant et majestueux qu’on appelait le Roi Soleil, dans son armée ou à la cour.

Mais à mesure que le pouvoir de Louis XIV s’étendait à travers l’Europe, sa popularité en Suisse diminuait. Les partisan·ne·s de la France risquaient désormais d’être puni·e·s. Cela n’a pas empêché Catherine de poursuivre son rêve. Au début de l’année 1689, elle a enfin trouvé le moyen de servir Louis XIV. Elle est devenue espionne pour l’ambassadeur de France ! Elle recueillait des secrets politiques auprès de personnes qu’elle connaissait dans le gouvernement bernois et lui envoyait des messages codés. Puis l’un de ses messages a été intercepté. C’est alors que Catherine a été arrêtée et torturée. Elle a été condamnée à mort et traînée jusqu’à l’échafaud, où un bourreau avait préparé une épée pour la décapiter. La calèche de son frère était déjà drapée de noir, prête pour le voyage au cimetière. Mais Catherine venait d’une famille très respectée et, à la toute dernière minute, le Conseil municipal a modifié sa sentence : elle a été bannie du territoire bernois à jamais. Au cours des années suivantes, elle a compilé ses mémoires et les a dédiés au Roi Soleil. Elle a dû dicter le texte à son mari, car son corps et ses mains torturées étaient trop abîmées pour qu’elle puisse écrire. Mais elle a signé l’œuvre, pour prouver que les mots étaient bien les siens. Et en prouvant que, même si ses tortionnaires lui avaient écrasé les pouces, on n’avait jamais écrasé son esprit.

« Je n’ai jamais eu un penchant pour la coquetterie... mais pour les choses grandioses et nobles. » 50 Suissesses sensationnelles

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Irène Liggenstorfer La femme qui conduisait des camions long-courriers 1955

Irène était observée, une fois de plus. Cette fois-ci,

c’était cinq jeunes hommes, appuyés contre une clôture, convaincus qu’elle ne pouvait pas contourner le bâtiment en marche arrière avec son camion pour entrer dans l’aire de chargement. Et même si son camion avait 18 roues et qu’il était aussi gros qu’une baleine bleue, elle leur a facilement prouvé qu’ils avaient tort. Irène a commencé à conduire un camion à l’âge de 17 ans. Son ami, Ueli Liggenstorfer, l’avait invitée à se joindre à lui pour un voyage en Perse. C’était trop tentant pour dire non ! En cours de route, Ueli lui a demandé si elle voulait essayer de conduire. Irène a rapidement appris à manœuvrer l’énorme camion de 18 mètres de long dans les virages serrés des cols montagneux isolés de Turquie. Elle a ainsi parcouru ses 2’000 premiers kilomètres, sans avoir de permis de conduire ! Quand Irène est rentrée chez elle, elle a commencé l’école pour devenir infirmière, mais elle n’arrêtait pas de penser à ce voyage. Elle avait rencontré tant de gens intéressants et adoré ce côté aventureux. Déterminée à devenir chauffeuse de camion, elle a supplié son père de signer le formulaire d’autorisation pour qu’elle puisse obtenir un permis de conduire. Puis, quand il ne regardait pas, elle a changé le formulaire pour qu’il dise plutôt « permis de conduire pour camion » ! En 1977, Irène est devenue la première Suissesse à conduire des camions long-courriers. Elle a fait huit fois l’aller-retour de 10’000 km entre la Suisse et l’Iran, avec Ueli comme chauffeur de réserve. C’était un trajet dangereux, sur des routes isolées, étroites et risquées. On était confronté à des pannes mécaniques, des ponts branlants, des tempêtes de sable, des vols, des choffard·e·s et des retards à la frontière. 82

50 Suissesses sensationnelles

Personne n’avait de téléphone portable ou de GPS, alors les chauffeurs et chauffeuses se rassemblaient en convois, s’entraidant en cours de route. Au milieu du désert, la formation d’infirmière d’Irène a même sauvé la vie d’un collègue. L’homme était brûlant de fièvre. Sans glace pour le refroidir, Irène a dilué de l’alcool avec de l’eau, y a trempé une énorme serviette et l’en a recouvert, pour faire baisser sa température. Irène a fait son premier voyage en solitaire en 1979. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu. Lorsqu’elle est arrivée à sa destination en Allemagne, deux soldats américains en colère ont jailli de l’obscurité. Irène s’était accidentellement garée sur une base de l’armée américaine. Irène a commencé à faire régulièrement des voyages en solitaire de l’Allemagne vers l’Italie. Au fil des ans, elle a dû se montrer plus maline que la mafia italienne, qui essayait de voler son camion et sa cargaison. Elle a failli être emportée par une avalanche, a presque fait exploser son camion et a dû faire face à toutes sortes de pannes mécaniques. De 1990 à 1996, Irène a soutenu l’organisation caritative Thun helps Romania en transportant 17 fois des fournitures médicales et des vêtements dans son camion, L’Ange vert, vers la Roumanie. Son fils Christian avait deux ans la première fois qu’il a fait les 5’000 km aller-retour avec elle. Beaucoup de ses ami·e·s ont aussi aidé gratuitement à transporter des produits de premier recours. En 2019, Irène a pris sa retraite. Au cours de sa carrière, elle a parcouru plus d’un million de kilomètres, c’est-à-dire plus qu’un aller-retour entre la Terre et la Lune.




Cécile Biéler-Butticaz La femme qui a été la première ingénieure de Suisse 1884–1966

Lorsqu’elle a obtenu son diplôme de

l’université de Lausanne, Cécile Biéler-Butticaz savait qu’elle avait de la chance. Et même qu’elle était unique. Cécile avait pu entrer dans un monde professionnel qui était essentiellement fermé aux femmes. Mais Cécile ne voulait pas être unique ou chanceuse. Elle voulait que toutes les femmes puissent faire ce qu’elle avait fait. Cependant, ces possibilités n’existaient pas pour tout le monde. Cécile devrait les créer. En grandissant, Cécile avait reçu une bonne éducation et s’était intéressée à la technologie. Son père était ingénieur, un métier où l’on construit ou conçoit des moteurs, des machines ou des structures comme des ponts ou des tunnels, et Cécile voulait aussi le devenir. Avec le soutien de son père, elle s’est inscrite à l’université de Lausanne, où elle a étudié l’ingénierie électrique. En 1907, elle est devenue la première femme suisse à obtenir un diplôme d’ingénieure. Cécile avait compris que la seule façon pour les femmes de progresser était de se soutenir mutuellement. Cela signifiait qu’il fallait qu’elle utilise son succès pour aider les autres. Alors, deux ans seulement après avoir obtenu son diplôme, elle a créé sa propre entreprise d’ingénierie et a décidé de n’engager que des femmes ingénieures ! En 1910, Cécile a épousé un autre ingénieur et a continué à travailler sur de nombreux projets différents. L’un des plus importants était le deuxième tube du tunnel du Simplon, un tunnel ferroviaire de

plus de 20 km, creusé à travers les Alpes et reliant la Suisse à l’Italie. L’ingénierie n’était pas la seule chose qui intéressait Cécile. C’était aussi une mère dévouée et une écrivaine. À l’époque, certaines personnes pensaient que le cerveau des femmes très instruites était tellement détérioré par la pensée intellectuelle que cela ruinait toute possibilité qu’elles puissent être de bonnes mères ! Cécile a prouvé que c’était faux. Elle a élevé trois enfants avec amour et a régulièrement écrit des articles scientifiques pour la section jeunesse de La Gazette de Lausanne. Elle a également écrit des livres de poésie, des livres sur l’ingénierie et des livres sur la façon d’établir un foyer heureux. Elle écrivait aussi régulièrement des articles d’opinion dans les journaux. Elle avait une opinion sur à peu près tout ! Mais le plus grand objectif de Cécile a toujours été d’aider les femmes à progresser sur le plan professionnel et personnel, et elle a soutenu cette cause dans de nombreux groupes. Même à 65 ans, Cécile a contribué à créer la section lausannoise d’un groupe international de femmes appelé les Soroptimistes. Ce groupe réunissait des femmes et leur enseignait d’importantes compétences pratiques et de direction, pour les préparer à une vie professionnelle réussie. Cécile a été une inspiration pour les femmes partout dans le monde, grâce à ce qu’elle était, à ce qu’elle a fait et par tout ce qu’elle a aidé les autres à réaliser.

« ...c’était une vraie féministe. » – Philippe Biéler, son petit-fils 50 Suissesses sensationnelles

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Qui sommes-nous ? Alnaaze Nathoo a grandi à Calgary, au Canada, et après avoir vécu à Genève et dans le canton de Vaud, elle a aventureusement traversé la Barrière de Rösti, pour s’installer à Zurich. Le jour, elle travaille dans l’humanitaire, et la nuit, elle écrit des histoires et des essais, dont elle trouve l’inspiration partout. Basic Training, sa nouvelle publiée dans le Quail Bell Magazine, a été inspirée par un pigeon intrépide qui bloquait la circulation et l’avait mise en retard au travail. Elle aime les voyages, le beurre de cacahuètes et les siestes, mais pas nécessairement en même temps. Anita Lehmann a grandi à Berne, en Suisse, et vit aujourd’hui à Cambridge, au RoyaumeUni. Elle a toujours voulu être écrivaine, parce qu’elle aime plus que tout poursuivre des idées nouvelles et brillantes pour les transformer en histoires. Ses œuvres sont publiées en Suisse et au Royaume-Uni, et son dernier livre d’images, Slurp Slurp Smack Smack, a été sélectionné pour le prix allemand de littérature jeunesse 2020. Barbara Nigg est originaire de Calgary, au Canada, mais vit en Suisse depuis des années et s’y sent chez elle. Elle adore lire des histoires de fantômes, manger des M&M et apprendre à Fagur, son cheval islandais, des tours amusants comme jouer au football. Barbara est rédactrice et a écrit la toute première histoire de la biomécanique, pour un manuel universitaire à succès. Katie Hayoz est née aux États-Unis, mais elle a vécu à Genève la moitié de sa vie. C’est un oiseau de nuit. En secret, quand le reste de sa famille dort, elle se prépare un bol géant de pop-corn au beurre, s’installe avec ses chats et lit des histoires d’horreur. Les œuvres de Katie ont été nominées pour plusieurs prix et son premier roman, Untethered, a été sélectionné pour le concours de romans pour enfants Mslexia YA. Laurie Theurer a grandi en Californie, aux États-Unis, et a enseigné l’anglais pendant deux ans dans une école en Thaïlande, avant de s’installer en Suisse. Enfant, elle rêvait d’apprendre toutes les langues du monde. Jusqu’à présent, elle en a appris cinq, et il ne lui en reste donc plus qu’environ 6’495 ! L’histoire de Laurie, Swisstory : L’histoire inédite, sanglante et absolument réelle de la Suisse a remporté le Crystal Kite Award SCBWI 2020. Mireille Lachausse a grandi près de Delémont, dans le Jura suisse. Depuis qu’elle est toute petite, elle a toujours voulu être illustratrice. Entre deux croquis, elle aime jouer avec ses chats et s’occuper des oiseaux qui viennent se nourrir dans le jardin en hiver. Suite à un concours international organisé par Adobe, une de ses illustrations a été sélectionnée pour être exposée au musée Munch d’Oslo.

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