paysages sans transition Bertrand Bodin photographies Pierre Vallet texte Michael Jakob
© TOUS DROITS RÉSERVÉS 2012, CAUE DE HAUTE-SAVOIE, ASTERS, LES PHOTOGRAPHES ET LES AUTEURS.
paysages sans transition Bertrand Bodin photographies Pierre Vallet texte Michael Jakob
ASTERS & CAUE DE HAUTE-SAVOIE
Paysages, pays sages ?
L
e Conseil d’architecture, d’urbanisme
commun et de cette expérience nouvelle, qui
et de l’environnement de Haute-Savoie
seront sans doute les premiers d’une longue
et Asters – Conservatoire des espaces
série, dans l’intérêt de notre Département et
naturels de Haute-Savoie, ont décidé de rap-
des personnes qui y vivent ou le fréquentent.
procher leurs réflexions et leurs travaux dans une exposition commune sur les paysages. Voilà un coup d’essai, sur un thème qui constitue, je crois, pour chaque structure, une approche peu fréquente de la perception que chacun a de l’environnement qui nous entoure. Le CAUE a sans doute une approche liée à la fois à l’urbanisme, à la culture et à l’esthétisme. ASTERS a plutôt une approche plus technique liée aux milieux, à leur modification et à leur évolution. Mais chacun a un intérêt à se pencher, à interpréter et à commenter les mêmes images, d’un œil différent mais tellement complémentaire. Et c’est là toute la richesse de ce travail
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Thierry Lejeune PRÉSIDENT D’ASTERS, ADMINISTRATEUR DU CAUE DE HAUTE-SAVOIE
Nature et mobilité
L
e territoire est une réalité matérielle
partie, du pittoresque du XIX e siècle et, sauf à
habitée, vécue, transformée par l’acti-
considérer que les paysages sont morts avec
vité humaine. Le paysage est l’inter-
l’avènement de la modernité, notre époque
prétation que chacun en fait en fonction de son
en crée de nouveaux autour des éléments
bagage culturel, des références qu’il s’est
constitutifs de notre société. Deux d’entre-eux
constituées. Le paysage en soit n’existe pas, il
sont traités dans cette exposition : la nature et
est une représentation subjective, un regard
la mobilité.
posé par une personne, une « artialisation »
D’une manière habituelle, il est convenu
de ce regard selon les mots du philosophe Alain
d’opposer le rural et l’urbain, l’étalement des
Roger. Il n’est donc pas une réalité physique
villes et le « mitage », maintes fois dénoncé,
mais il existe : la Haute-Savoie en fait la preuve.
qui a gagné nos piémonts. Poser la question
Notre métier d’accompagnement des décisions
du paysage en Haute-Savoie, c’est introduire
locales nous amène fréquemment à examiner
la place de la montagne. Dans notre imaginaire,
l’emplacement de tel ou tel équipement et à
elle est une expression forte de la nature,
chaque fois le paysage s’invite dans le débat.
attractive par les multiples activités qu’elle
La transformation rapide de notre départe-
permet, et inquiétante par les risques qui
ment, du fait d’un développement soutenu,
alimentent régulièrement les colonnes des
bouscule nos paysages de prédilection. Cette
journaux. Proche et lointaine, la montagne
instabilité dérange nos besoins de repères mais
suppose par tradition une marche d’approche.
elle nous invite à reconsidérer nos références.
La succession harmonieuse de la ville de fond
Notre culture du paysage est issue, en grande
de vallée, de l’espace rural qui la ceinture,
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préservation et aménagement, ASTERS et le
ponctué de hameaux, des alpages qui ouvrent
littérature et de la peinture pour, au lendemain
de grands espaces entre rochers et forêts, et
de la guerre, devenir une des grandes desti-
CAUE. Grâce au regard de ces deux photo-
des sommets, forme un motif de paysage qui
nations touristiques.
graphes et au texte de Michael Jakob, nous
parle d’une vision idéalisée au XIX e siècle par
La route est créatrice de paysage. Bernard
découvrons comment des territoires sublimes
le Genevois Albert de Haller dans le poème
Lassus, architecte-paysagiste, nous explique 3
deviennent des paysages surnaturels et
Die Alpen. Elle oppose les miasmes et la cor-
comment, à l’occasion de l’inauguration de
hyperactifs, à la fois œuvres photographiques
ruption de la ville à une sagesse agropastorale.
l’autoroute A410 entre Annecy et Genève, un
et marqueurs des questions qui nous habitent.
Bernard Debarbieux, professeur de géo gra -
nouveau référentiel de paysages était enre-
phie à l’Université de Genève, y voit surtout
gistré par des milliers d’usagers. Prisonniers
une réalité économique et une structure
de leur véhicule, ils découvrent les mêmes
urbaine polycentrique de petites villes spéci-
séquences selon les mêmes angles et la même
fique à la Haute-Savoie 1. Aujourd’hui, la
cinétique.
DIRECTEUR DU CAUE DE HAUTE-SAVOIE
confrontation ville-montagne tend à s’établir ///////////
directement sans espace intermédiaire. Les fonds de vallées sont urbanisés en continu, Ce mode de vie du déplacement, du flux, de la écartant l’espace agricole de son rôle de transition. C’est donc, suivant les termes d’Yves Chalas, sociologue, professeur à l’Institut d’urbanisme de Grenoble, une ville émergente qui se constitue 2. « … le fait même que l’on
vitesse, crée une communauté autour du paysage parcouru, une expérience partagée par le plus grand nombre. À l’opposé, les sommets inaccessibles, immobiles et inconnus de la plupart, ne sont vécus comme des pay-
retrouve dans la ville émergente des compo-
sages qu’au travers des publications, des repor-
santes de la ville d’hier, et sans doute de la ville
tages, des expositions et de notre imaginaire.
de toujours, telles la mobilité, la nature, la
Cette exposition semble jouer l’opposition des
polycentralité, mais aussi le libre choix, [… ]
démarches entre Pierre Vallet et Bertrand
cela prouve que l’on a affaire […] encore et
Bodin. En fait, assez rapidement, l’exacerbation
toujours à de la ville. »
de la nature et celle de la mobilité apparaissent
Mobilité, nature et polycentralité. Réservés
comme les éléments d’une même culture
autrefois à quelques aventuriers, érudits et
urbaine. Nous sommes face à deux expressions
artistes, les voyages ont inventé les paysages.
d’une même démarche qui explore l’état de la
Particulièrement la montagne qui a d’abord été
relation « homme-montagne ». C’est le sens de
découverte par des Genevois et des Anglais,
ce travail qui interroge paysage et géographie,
avant d’être popularisée au travers de la
biodiversité et développement économique,
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Arnaud Dutheil
1. « La Haute-Savoie en construction 1860-2060 – De la ville sarde au territoire transfrontalier », exposition réalisée à l’occasion du 150e anniversaire du Rattachement de la Savoie à la France. 2. Assemblée Générale 2004 du CAUE, aux haras nationaux d’Annecy, sur le thème de « la villenature ». 3. Assemblée Générale 2001 du CAUE, au téléphérique du Salève, sur le thème des « nouveaux paysages ».
Paysages, nature et territoire
A
griculteur, élu, artisan, forestier,
Après des décennies « d’aménagement sans
industriel, habitant, chasseur,
ménagement » de l’espace, dans un contexte
touriste, jeune ou plus ancien,
de modernisation économique et technique
chacun apprécie un paysage de son ou de ses
rapide, de nombreux territoires ruraux pren-
points de vue, en fonction de ses propres
nent conscience de l’importance du paysage.
perceptions, de ses centres d’intérêt et de ses
La qualité du paysage et du cadre de vie est
références culturelles.
devenue une aspiration sociale ; elle représente
Connaissances rationnelles et appréciations
aussi un atout indéniable de développement
subjectives du paysage doivent être partagées,
local.
discutées, réfléchies avec pour objectif de faire
« … Soucieux de parvenir à un développement
des choix pour améliorer les réponses aux
durable fondé sur un équilibre harmonieux
enjeux socio-économiques, écologiques et
entre les besoins sociaux, l’économie et l’envi-
culturels de notre époque, en s’appuyant sur
ronnement, le paysage participe de manière
la richesse de ce patrimoine commun.
importante à l’intérêt général, sur les plans
L’échange des savoirs, l’expression de nos
culturel, écologique, environnemental et social.
envies, l’attention accordée aux regards exté-
Il constitue un élément important de la qualité
rieurs, la recherche de cohérence, sont des
de vie des populations : dans les milieux urbains
préalables incontournables à la définition des
et dans les campagnes, dans les territoires
grandes lignes d’un parti d’aménagement du
dégradés comme dans ceux de grande qualité,
paysage qui puisse être reconnu par le plus
dans les espaces remarquables comme dans
grand nombre.
ceux du quotidien. 8
Persuadés que le paysage constitue un élément
Car ces paysages sont souvent des territoires
essentiel du bien-être individuel et social, et
riches en milieux très variés concernant aussi
que sa protection, sa gestion et son aména-
bien des lacs, des zones humides, des pelouses
gement impliquent des droits et des respon-
sèches que des milieux montagnards, sans
sabilités pour chacun… » comme le souligne la
oublier les glaciers et des espèces animales
Convention européenne du paysage.
remarquables comme le gypaète barbu par
Façonnés par les hommes ou restés naturels,
exemple ou des espèces floristiques moins
les paysages de Haute-Savoie sont incom-
connues comme le liparis de Loesel ou la
parables et diversifiés. La montagne en est
littorelle…
l’élément central omniprésent. Si, au fil des
La biodiversité est remarquable. Pourtant la
saisons, les paysages changent, évoluent et
cohabitation avec l’homme résulte d’un équi-
semblent se transformer, les hommes qui y
libre fragile qui requiert de tous une attention
Christian Schwoehrer
vivent s’adaptent à ces changements en
particulière !
DIRECTEUR D’ASTERS, CONSERVATOIRE DES ESPACES NATURELS DE HAUTE-SAVOIE
modifiant leurs activités principalement liées au tourisme et à l’agriculture. Ces fabuleux panoramas constituent une montagne singulière. Ils expriment ces paysages emblématiques ou « cartes postales » de la Haute-Savoie et des Alpes, nous emmenant du Mont Blanc aux Aravis en passant par les lacs d’Annecy ou du Léman. Ces paysages qu’il fait bon découvrir et redécouvrir forgent le sentiment d’appartenance au territoire. Ils suscitent souvent l’imaginaire parce qu’ils sont fortement culturels. Intervenir sur ces paysages répond, dans bien des cas, à un besoin local (une attente sociale). Ces attentes ne doivent cependant pas occulter une nécessaire réflexion sur les orientations à retenir, respectueuses notamment des caractéristiques patrimoniales et environnementales des sites.
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constructions du sublime Michael Jakob
V
ivant dans un monde de plus en plus construit, nous oublions parfois que, ce qu’il y a de plus construit, c’est notre regard. Regarder un objet en face, par exemple
ce paysage qui semble s’imposer « naturellement » à nous en cet instant, n’est point naturel ; il s’agit, au contraire, d’une projection culturelle aux origines et aux stratifications lointaines. Notamment les grands objets sublimes, et parmi eux l’élément sublime par excellence, la haute montagne, ne sont jamais « donnés », mais toujours constitués (certes, dans la plupart du temps, à notre insu). Nous avons, depuis plus d’un siècle, une approche du monde qui se fait à travers la carte postale. Nous opérons, sans même y penser, des cadrages, en transformant des impressions complexes en images. Ce procédé, présent dans nos « têtes » de façon automatique, aboutit à la production en série de paysages remarquables. La réalité est parfois, il est vrai, réfractaire : des nuages peuvent cacher la scène, la pluie métamorphoser l’ensemble en un paysage mélancolique et presque illisible, au point de nous décevoir si nous le comparons à l’image parfaite, lisse et lumineuse, que les médias, et notre attente de même, exigent désormais de la part d’un paysage authentique. Dans une civilisation où l’image est omniprésente, l’accès esthétique au réel apparaît à la fois préfiguré (nous pensons déjà tout 13
connaître) et difficile. Les icônes de la nature sublime – les montagnes, les ruisseaux, les abîmes, les précipices, la forêt, etc. – paraissent souvent galvaudées, du fait que nous les contemplons ainsi depuis presque trois siècles. Afin de pouvoir se les réapproprier dans toute leur puissance, afin de les faire émerger et de briser l’indifférence du cliché, un décalage s’avère nécessaire. La photographie peut, là où elle est attentive et réflexive (et non seulement acte de célébration), opérer cet écart fondamental apte à littéralement nous ouvrir les yeux.
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Prenons la série proposée par Asters, à savoir les « cartes postales » de Bertrand Bodin. Il s’agit, à première vue, d’un travail de « naturaliste » et d’amoureux des paysages alpins. D’une suite à l’enseigne de la beauté sublime des grandes perspectives panoramiques. Ces « vues » sont cependant, à bien y regarder, des impressions « naturelles ». Il y a, d’abord, l’artifice du panorama, qui – rappelons-le – est et à la fois n’est pas le paysage. Le paysage est le bout de nature qui se construit à partir d’un point de vue donné et qui peut être dominé entièrement à partir de cette perspective. Or, le panorama dépasse, brise, rompt la logique paysagère, obligeant le spectateur à se déplacer dans l’image. Le panorama dynamise la perception et exige un déplacement, en analogie avec ce que le promeneur fait in situ en déplaçant le regard. En tant qu’image, le panorama est donc un faux, une hyperbole visuelle. C’est aussi ce qui lui confère une force considérable, établissant de ce fait un rapport autre entre la photographie 14
(statique) et le spectateur (également immobile), un rapport somatique, mobile et phénoménologique. Les perspectives trop vastes de la série de Bertrand Bodin impliquent, en d’autres termes, une relation avec le corps, vu que la tentative de nous orienter aboutit ici à un effet de vertige, d’éblouissement devant la grandeur. L’autre aspect significatif des images de Bertrand Bodin consiste dans la manipulation constructive du point de vue. Qui ne connaît pas le Mont Blanc, décliné de mille façons dans les gravures, les tableaux et les photographies le célébrant ? Chez Bodin, c’est toutefois un Mont Blanc différent qui apparaît, surprenant et très loin du « déjà vu » iconique habituel. Car ici le lointain, la Gestalt bien connue de la montagne, sa forme individuelle, sont constamment présentés sur la base d’une confrontation avec le premier plan de la photographie. C’est ce qui transforme la carte postale, basée normalement sur le contrôle des plans successifs, en son contraire, en une image nouvelle marquée par la rupture d’échelle. Cette dislocation informe la réception de la photographie désormais non pas reconnue, mais encore à connaître.
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Chez Pierre Vallet, la surprise et la négation sont d’emblée présentes. Ses images interrogent, elles aussi, le sublime, mais en se basant sur l’infrastructure et non pas sur la monstration des formes de la beauté grandiose. Cette option est fondamentale, et elle ne se limite point à la thématique, c’est-à-dire au fait de montrer les infrastructures présentes dans les vallées alpines ou périalpines. Il y va, outre le sublime infrastructurel visible, surtout de l’invisible, 15
la manière dont cette technologie marque jusqu’à notre perception du monde. Ou encore autrement : Vallet nous fait voyager sur les routes, chemins, sentiers, téléphériques, lignes de chemin de fer, tunnels, etc., afin de nous faire voir, enfin, ce que nous ignorons habituellement. La technologie, omniprésente et étouffante, se meut ainsi en autant de dispositifs à cadrer différemment le monde. Cet autre sublime entrevu par Vallet, plus difficile à identifier, est aussi bien présent dans les éléments naturels que dans les moyens technologiques. La chaîne de montagnes, sauvage et froide, énorme et écrasante, se reflète dans les vitres du train, cette machine puissante qui génère des regards insolites. La féérie hivernale, le désert blanc de la nature, prend forme en dessinant les contours d’un pont ou d’un viaduc. Les constructions à côté des routes inscrivent la géométrie de l’ingénieur dans la nature, et elles nous confrontent avec deux formes également étranges : la nature illimitée et l’objet architectural marqué par la grandeur. La nuit, souvent présente, renforce encore le côté sublime, la disparition des certitudes au sein de ces vallées mystérieuses. L’une des interrogations qui se posent pour celui qui découvre les paysages de Vallet concerne l’opposition entre ordre et désordre. N’oublions pas que la montagne a été interprétée jusqu’au XVIII e siècle comme le terrain de jeu du désordre par excellence. La nature sauvage correspondait à un monde en ruines postdiluvien, et ce n’est que l’arrivée salvatrice de l’homme qui a soutiré enfin le bricà-brac confus de la nature alpine de son état de désordre perpétuel. L’esthétique du sublime a changé radicalement cette lecture : le désordre n’est qu’apparence et la nature bonne et suprêmement belle. Une fois la grandeur incomparable de la nature et ses formes 16
gigantesques domptées, c’est à l’homme-constructeur, à l’ingénieur de créer des artefacts sublimes : les ponts, viaducs, lignes de chemin de fer, barrages et ainsi de suite. La nature a donc transité du désordre à l’ordre, et l’homme a ajouté à tout cela un nouvel ordre – ce que nous appelons, assez bizarrement, les ouvrages d’art –, un ordre se présentant toutefois de nos jours comme une nouvelle étape du désordre.
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En nous exposant à ce genre de questions, les images de Bertrand Bodin et de Pierre Vallet ne cessent de nous rappeler que tout regard sur la « nature » est, en dernière conséquence, une construction non moins complexe que les objets représentés. Traverser avec eux ces territoires sublimes implique ainsi, au-delà du plaisir éprouvé lors du contact inhabituel avec les motifs identifiables, un parcours égologique : en regardant ces photographies, nous apprenons quelque chose d’essentiel sur nousmêmes.
paysages sans transition Bertrand Bodin photographies Pierre Vallet
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Bertrand Bodin
Pierre Vallet
« Le travail de Bertrand Bodin est entièrement consacré aux espaces :
Né à Lyon en 1953. Vit et travaille à Annecy.
espaces alpins plus particulièrement dont il observe inlassablement les
Boursier-lauréat de la Fondation nationale de la photographie en 1981.
variations sous le fond des saisons ou le subtil parcours de la lumière.
Lauréat du prix de la Villa Médicis hors-les-murs en 1990 (voyage d’une
Exigeant, passionné, artisan inlassable, ce gobe rosée des matins calmes
année entre Prague, Vienne, Budapest, sur le thème de la répétition dans
et des aubes flamboyantes, ce souffle bougie des couchants aux lumières
les opéras, théâtres, ballets) et 1993 (Mer Noire).
ténues, ce détrousseur de joyaux éphémères dort parmi les pierres, les
Outre différentes commandes (architecture, paysage, nu, reportages
herbes, les bêtes et les gens simples composant une texture nouvelle « Son
divers...), poursuit sa recherche photographique sur le paysage alpin, et
auberge est à la grande Ourse » aurait dit le poète.
principalement la haute montagne, ainsi que la transformation de l’Europe
Tout y est vu dans un cadre plus large, dans un temps plus universel dans
depuis la chute du mur de Berlin.
une perspective : celle d’un monde à vivre, à voir donc à comprendre.
A participé récemment à Ici et le monde, Musée suisse d’architecture, Bâle
Le travail de photographe est un travail de rémouleur, il faut avoir longtemps
– Dans l’œil du critique, Bernard Lamarche-Vadel et les artistes, Musée d’art
aiguisé son regard pour aiguiser celui des autres. Il y a toute la modestie
moderne de la Ville de Paris – Flux, regards par-dessus la frontière, exposition
artisane de ce travail entièrement consacré aux espaces, aux espaces
du Conseil du Léman – Mont Blanc Photo Festival (Prix du jury).
naturels alpins en particulier. Il y a toute la légèreté d’une émotion quand
Actuellement : Vallée d’Abondance, image, images, juillet 2011-2012 – Cristal
elle doit signifier la persévérance et tout l’insondable parcours de
de roche à 2883 m, commande sur la nouvelle cabane du Mont Rose –
l’intériorisation des choses vues, vécues, recherchées qui passent par cet
Polonaises, avec l’écrivain Christian Petr.
allégement de l’instant quand il se fait éternité. Il y a l’exigence qui prend
Auteur de En Vieille Europe, texte de Nicolas Bouvier – Kairouan, texte de
la nature à témoin, Bertrand Bodin peut continuer à la regarder en face.
Sapho – Le Mans, instants, textes de Jacky Ickx – Vallée d’Abondance, image,
Une quinzaine d’ouvrages réalisés à ce jour ainsi que de nombreuses
images.
expositions lui apportent une reconnaissance internationale.
Nombreuses expositions dans les principaux lieux montrant l’image, en
Le travail du photographe Bertrand Bodin, sur les matières du paysage,
France et à l’étranger, depuis une trentaine d’années : Musée de l’Elysée,
produit plus que jamais son pesant d’universel. » [Claude Dautrey]
Lausanne – Meisterhaus Kandinsky-Klee, Dessau – Musée Réattu, Arles – Musée des Beaux-arts, Dijon – Instituts français de Hanovre, Edimbourg, Hanoï – Cabinet des estampes, Genève – Leica Gallery, Tokyo…
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Michael Jakob
CAUE de la Haute-Savoie
Michael Jakob est professeur de littérature comparée à l’Université de
Le CAUE de la Haute-Savoie a pour objet la promotion de la qualité de
Grenoble 3 et professeur de théorie et histoire du paysage à la Haute école
l’Architecture, de l’Urbanisme et de l’Environnement. Plus de 200 communes
du paysage, d’ingenierie et d’architecture – hepia, Genève. Il est professeur
ou leur groupement font appel chaque année aux compétences du CAUE
invité à l’Institut d’architecture – BIArch de Barcelone et à la Graduate school
pour accompagner leurs projets. Lieu de rencontre et de concertation, il
of design – GSD de la Harvard University. Sa recherche porte principalement
facilite la prise de décision des élus par la coordination et la médiation entre
sur le paysage, l’esthétique, l’architecture et la perception. Il est le fondateur
les différents acteurs du cadre de vie. Il prépare la commande de maîtrise
et le directeur de la revue internationale Compar(a)ison ainsi que des
d’œuvre, par un apport pédagogique et technique indépendant.
collections Paysage (Infolio Editions) et di monte in monte (Tarara’ Edizioni).
Il promeut une architecture moderne, un urbanisme à l’échelle de l’homme
Parmi ses publications les plus récentes : Le Paysage (Infolio, Gollion 2008),
dans le respect du patrimoine et des paysages. Il développe la culture et la
Le jardin et les arts (Infolio, Gollion 2009), 100 Paysages (Infolio, Gollion 2011).
pédagogie, en éditant de nombreux ouvrages et anime le débat public par des expositions, des conférences débats et des visites. Il participe à la formation des élus et à la connaissance des territoires et de leur mutation.
Asters, conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie
Il accompagne les enseignants qui intègrent l’espace bâti et naturel dans leur projet pédagogique et anime les réseaux professionnels par des journées thématiques.
Depuis plus de trente ans, Asters a pour mission de préserver et partager, tout en le mettant en valeur, le patrimoine naturel de Haute-Savoie pour le transmettre aux générations futures et à la collectivité. Structure associative à vocation technique, Asters rassemble des connaissances et des compétences sur les milieux naturels pour réaliser des inventaires, des expertises et le suivi des milieux naturels et des espèces. Il élabore et met en œuvre des programmes de gestion des milieux naturels (plus de 40 sites dont 9 réserves naturelles pour un total de 22 000 hectares). Il accompagne et conseille les collectivités et les socioprofessionnels, accueille et sensibilise le public. Asters assure également la coordination du plan national d’action Gypaète barbu dans les Alpes françaises et le suivi des programmes de réintroduction et de conservation d’espèces (loutre, bouquetin...), et participe à des programmes internationaux.
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Bertrand Bodin Le Buet et la chaîne des Fiz, réserve naturelle de Sixt-Passy.
Réserve naturelle du bout du lac d’Annecy.
Refuge de la Pierre à Bérard, réserve du Vallon de Bérard. Linaigrettes et la chaîne des Fiz.
Réserve naturelle du bout du lac d’Annecy.
Publier, réserve naturelle du delta de la Dranse.
Pont naturel, torrent du Bon Nant.
Réserve naturelle des Contamines-Montjoie.
Réserve naturelle des Aiguilles Rouges, les Lacs Noirs.
Réserve naturelle des Aiguilles Rouges, cairn et vue sur le Mont Blanc.
Désert de Platé, réserve naturelle de Sixt-Passy.
Réserve naturelle des Aiguilles Rouges.
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Pierre Vallet Viaduc et autopont, Passy.
Autoroute 41N, Allonzier-la-Caille.
Autoroute 41N, tunnel du Mont Sion.
Route départementale 1205, Le Fayet.
Autoroute 41 en direction de Genève.
Viaduc Sainte-Marie, Les Houches.
Frontière franco-suisse depuis le Salève.
Paravalanche pour train, Argentière.
Train rapide, Les Tines.
Col des Montets, Aiguille Verte.
Dans le train Chamonix – Le Fayet.
Vieille micheline, Les Tines.
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Table des matières PRÉSENTATION Thierry Lejeune Paysages, pays sages ? ……………………………………………………………………………5 Arnaud Dutheil Nature et mobilité ………………………………………………………………………………… 6 Christian Schwoehrer Paysages, nature et territoire …………………………………………………………….. 8
CONSTRUCTIONS DU SUBLIME
Paysages sans transition s’inscrit dans la démarche préparatoire à la constitution d’un observatoire départemental du paysage, fruit de la volonté conjointe du CAUE et du Conseil général de la Haute-Savoie.
Texte de Michael Jakob ………………………………………………………………………… 13
PAYSAGES SANS TRANSITION Photographies de Bertrand Bodin et Pierre Vallet ……………………………………………………… 20
BIOGRAPHIES …………………………………………………………………………………… 44
LÉGENDES ………………………………………………………………………………………… 46
Ce catalogue accompagne l’exposition Paysages sans transition inaugurée le 31 janvier 2012 au CAUE de Haute-Savoie.
Mis en page par l’atelier le cicero et achevé d’imprimer au mois de janvier 2012.
ISBN 978-2-910618-25-4 DÉPÔT LÉGAL PREMIER TRIMESTRE 2012
paysages sans transition
L
es regards bien distincts des photographes Bertrand Bodin et Pierre Vallet
ont été volontairement mêlés pour l’exposition Paysages sans transition. Ces images aiguisent notre imaginaire, bousculent notre perception et nous
confrontent à des paradoxes : est-ce bien le territoire où nous vivons, cette nature sauvage est-elle la nôtre ? Voyons-nous réellement ce que nous traversons ainsi dans notre quotidien pendulaire ? Ces paysages fabuleux existent-ils vraiment ? La pensée critique de Michael Jakob apporte un troisième regard sur les représentations du paysage de montagne à travers l’Histoire et notre culture, il analyse ces images et décrypte pour nous ces Constructions du sublime. Le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Haute-Savoie et Asters, Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie, ont construit ensemble l’exposition Paysages sans transition. Choisissant chacun un photographe, ils mettent en commun des points de vue qui reflètent leurs missions respectives : maintenir la qualité ISBN 978-2-910618-25-4
de notre cadre de vie et protéger les espaces naturels en territoire de montagne. Un texte a été commandé à Michael Jakob qui apporte un éclairage à cette confrontation de la mobilité humaine et de la nature, représentées dans ces images.
Prix 15 euros