Zoom sur la littérature francophone

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Introduction « Les quatre derniers écrivains de langue française ayant reçu et accepté le Prix Nobel de littérature sont des écrivains nés hors de la métropole (Camus en Algérie, Saint-John Perse en Guadeloupe, Beckett en Irlande et Claude Simon à Madagascar). Il faut désormais leur adjoindre Gao Xingjian, écrivain chinois de nationalité française, et Jean -Marie Gustave Le Clézio né à Nice, dont une partie de sa famille est originaire de l’île Maurice. Ces dernières années, plusieurs prix littéraires (Goncourt, Renaudot, Fémina, Médicis) ont été attribués à des écrivains venus du monde entier, de l’Ivoirien Kourouma au Congolais Mabanckou, de la Canadienne Nancy Huston à l’Afghan Atiq Rahimi, de l’Haïtien Dany Laferrière au Grec Alexakis… Ainsi, et depuis longtemps, des écrivains nés à l’étranger sont venus enrichir les lettres françaises, de la Comtesse de Ségur à Guillaume Apollinaire, d’Elsa Triolet à Cioran ou Ionesco. Certains, nés ailleurs, ont gardé la trace de cette naissance dans leurs œuvres (Camus, Duras). D’autres ont choisi le français après avoir écrit dans une autre langue (Milan Kundera, Hector Bianciotti, Agota Kristof, etc). Aujourd’hui, des écrivains d’origine africaine, maghrébine,caribéenne ou indo-océanique s’expriment à leur tour dans la langue qu’ils ont reçue en héritage de l’Histoire ». Bernard Magnier, éditeur et responsable du Festival « Les littératures métisses » Dans cette brochure, nous vous proposons une sélection non exhaustive permettant de revenir sur le parcours d’écrivains devenus des « classiques » (Duras, Ionesco, Semprun) mais aussi de découvrir de jeunes auteurs qui ont adopté le français comme langue d’écriture.

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Sommaire Espagne Michel del Castillo………………………..……..…………p 4 Jorge Semprun……………………..….……………….…..p 5 Italie Giulio Minghini…………………….………………….…..p 6 Grèce Vassili Alexakis…………………………..……………......p 7 Irlande Samuel Beckett……………………………….…………....p 8 Danemark Pia Petersen…………………………………………..…….p 9 Russie Andreï Makine………………………………………...…...p 10 Hongrie Agota Kristof……….…………………………….………..p 11 Slovénie Brina Svit…………………………………………………..p 12 République Tchèque Milan Kundera……………………………....……………..p 13 Roumanie Eugène Ionesco……………………….……………………p 14 Ile Maurice JMG Le Clézio……………….…………………………….p 15 Antilles Patrick Chamoiseau………………………………………..p 16 Maryse Condé……………………………………………...p 17

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Haïti Dany Laferrière…………………………………………….p 18 René Depestre……………………………………...………p 19 Algérie Yasmina Khadra………………………..…………………..p 20 Yahia Belaskri……………………………………………...p 21 Abdelkader Jemaï…………………………….…..………..p 22 Cameroun Léonora Miano……………………………………………..p 23 Congo : Wilfried N’Sondé……………………….………………….p 24 Alain Mabanckou…………………………………………..p 25 Liban Amin Maalouf……..……………………………………….p 26 Iran Chahdortt Djavann………………….……………………...p 27 Afganistan Atiq Rahimi………………………….……………………..p 28 Chine François Cheng………………………………………….….p 29 Dai Sijie………………………………………………..…..p 30 Vietnam Marguerite Duras……………………………….…….……p 31 Kim Thuy …………………………...……………….…….p 32 Linda Lê…………………………..………………….…….p 33 Canada Nancy Huston………………………...…………….………p 34

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Espagne

Michel del Castillo (né en 1933) « Je suis un enfant des livres, qui m’ont engendré, élevé, maintenu en vie » (Tanguy, 1995 p.9). Né à Madrid, del Castillo est plongé dans la guerre civile espagnole. Il part en France avec sa mère républicaine qui l’abandonne dans un camp de réfugiés. De cette trahison, jamais il ne se remettra. Son écriture s’ancre dans une blessure identitaire. L’écriture participe à sa reconstruction. L’Espagne est là en filigrane, la figure du père, de la mère. La France est le pays de la renaissance. Tanguy (1957) Premier roman. Dans la préface de l’édition de 1995, l’auteur revient sur la genèse de ce roman largement autobiographique. Il a retrouvé des notes rédigées en espagnol, alors qu’il pensait détester cette langue. Il hésite entre le « je » et le « il », opte pour ce dernier. Tanguy affronte la guerre civile, puis la Seconde guerre mondiale, il est déporté. Rapatrié en Espagne, il est interné dans un camp de redressement. Enfin il arrive dans la France rêvée. Que va devenir Tanguy, le narrateur-écrivain ? De père français et Rue des archives poursuivent cette quête autobiographique. Ce roman demeure bouleversant et parle à des milliers de lecteurs encore aujourd’hui.

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Jorge Semprun (1923-2011) Issu d’une famille républicaine de la grande bourgeoisie madrilène, Jorge Semprun arrive à Paris en 1939 pour fuir la guerre civile espagnole. Il s’engage dans la Résistance et est déporté à Buchenwald. Membre du parti communiste espagnol, il luttera clandestinement contre le régime franquiste avant de devenir ministre de la Culture en Espagne de 1988 à 1991. Ayant vécu une grande partie de sa vie à Paris, il a rédigé la plupart de ses romans en français (Prix Femina, Membre de l’Académie Goncourt). Ses œuvres les plus connues sont consacrées à son travail de mémoire des camps de concentration (Le grand voyage, L’écriture ou la vie) mais l’exil et le déracinement affleurent également, avec une réflexion sur les rapports entre langue maternelle et langue de l’exil. Pour lui, la langue française est comme une nouvelle patrie, celle de l’écrivain. Par son bilinguisme, il déclare avoir deux patries. A noter d’ailleurs que ses textes sont truffés d’expressions et de citations de poètes espagnols. Adieu, vive clarté (1998) Magnifique récit de son arrivée à Paris en 1939. Souvenirs d’enfance mais aussi découverte de la langue et de la littérature française. Il nous livre ainsi l’anecdote expliquant l’écriture de son premier roman en français : la réflexion d’une boulangère du boulevard Saint-Michel qui, à cause de son accent, l’a traité « d’espagnol de l’armée en déroute ». Depuis ce jour, l’adolescent s’est juré de maîtriser la langue française comme un autochtone…

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Italie

Giulio Minghini (né en 1972) Nous ne savons pas grand-chose de cet écrivain qui n’écrit pas beaucoup, comme il l’avoue luimême. Pourtant, deux courts romans à son actif et déjà un succès littéraire avec son premier roman écrit en français en 2009, Fake. Un narrateur multiplie, sous de fausses identités, les conquêtes féminines grâce aux sites de rencontre sur internet. Voici « un livre sur le sexe, la solitude, sur le désastre amoureux ». La question de l’identité et de la langue est au cœur du livre. « Fake, c’est vraiment un livre sur l’exil… D’un pays, d’une langue, de soi-même. Le narrateur se perd complètement, se falsifie, s’éloigne de luimême. Il devient un « fake », une contrefaçon ». L’auteur s’est servi de son expérience personnelle sur des sites pour la transposer dans une forme romanesque dans laquelle il garde une certaine distance. Distance qu’il maintient avec son pays d’origine. Depuis 1994, il s’est installé à Paris pour fuir « ce pays gouverné par le pire… ». Et l’auteur avoue que « depuis que j’ai quitté l’Italie, je me considère comme un exilé. Ce n’était pas facile pour moi d’abandonner mon pays, mais il est plongé dans une telle décadence ». Et d’écrire en français « pour apprendre à écrire en français et pour le plaisir d’être surpris par la langue française... par goût de l’expérimentation ludique... pour m’inventer un style français que l’écho de ma culture italienne ne saurait qu’enrichir ». Coupes sombres, paru en 2012, montre que l’auteur n’est pas un imposteur de la langue française.

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Grèce

Vassilis Alexakis (né en 1943) Vassilis Alexakis arrive à 17 ans à Lille pour y suivre des études de journalisme. Il rentre en Grèce puis s’installe en France en 1968, après le coup d’Etat des colonels. Il devient journaliste pour Le Monde et France culture et écrit son premier roman, en français, en 1974. Il reçoit le prix Médicis en 1995 pour La langue maternelle. Dans tous ses récits, affleure son identité duale : deux patries, deux langues. Après la chute de la dictature, Alexakis revient régulièrement dans son pays d’origine. L’expérience migratoire devient son sujet de prédilection. Ses personnages sont des exilés parfaitement intégrés en France qui ressentent soudain la nostalgie du pays de l’enfance. C’est alors qu’il prend la décision d’écrire le plus souvent en français et de traduire lui-même ses textes en grec. Sa quête identitaire multiculturelle fait de lui un écrivain doublement enraciné. Paris-Athènes (1997) Une autobiographie à écrire, mais dans quelle langue se demande l’auteur… « Comment peut-on choisir entre la langue de ses parents et celles de ses enfants ? ». Interrogation fondamentale pour celui qui se fait « l’effet d’un acteur qui se voit à l’écran en version doublée ». Alexakis, qui a l’impression d’être « son propre sosie » choisit ici certes le français, mais pour évoquer ses souvenirs d’enfance, son amour des deux villes chères à son cœur. L’ordre des mots qui composent le titre traduisent un désir profond de revenir au point de départ…

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Irlande

Samuel Beckett (1906-1989) Poète, écrivain et dramaturge irlandais, il est avec James Joyce, qu'il rencontra à Paris en 1928 et avec lequel il se lia d’amitié, l'un des écrivains les plus novateurs de la culture contemporaine. Il s'installa en 1937 à Paris et participa à la Résistance pendant la guerre. Après guerre, il publie Molloy, Malone meurt et L’Innommable. En attendant Godot est joué à Paris en 1953, à Londres et à New York. Dorénavant, Beckett se consacre entièrement au théâtre et accède à la notoriété. Ses écrits d’avant-guerre sont très érudits notamment ses essais en anglais sur Joyce et Proust… Il traduit Breton, Eluard, Apollinaire, Joyce… Après guerre, dans un souci de simplification et d’épuration de son style, Samuel Beckett commence à écrire directement en français. A partir de 1944, l’auteur utilisera les deux langues en assurant lui-même une grande partie des traductions. Considéré comme le principal représentant du « théâtre de l’absurde », terme qu’il rejette, Beckett met en scène dans tous ses écrits un univers qui se désagrège progressivement. L’aspect clownesque de En attendant Godot et de Fin de partie disparaît. Dans Oh les beaux jours les personnages sont enterrés jusqu’à la taille, dans Comédie des têtes sont fichées dans des jarres. Des agonisants d’une création ratée, pris dans un enfer répétitif d’un temps immobile. Comme si la connaissance de l’humain et du langage ne pouvait se faire que par le vécu de cette déchéance ultime.

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Danemark Grèce

Pia Petersen Née à Copenhague, ses parents vivaient en France quand ils divorcent. Elle a alors cinq ans et suit sa mère au Danemark. Mais elle ne s’y fait pas. Elle fait des « tentatives d’évasion », mais revient toujours au pays. « Je fais à nouveau une tentative d’adaptation à mon pays d’origine mais me trouve vite cernée par le principe de précaution et ses avalanches de lois ». Pia Petersen est une femme libre, qui refuse l’autorité. A 7 ans, elle avait annoncé qu’elle serait écrivain et qu’elle se libérerait « d’une langue très carrée ». Elle arrive en France sans parler quasiment la langue et commence son apprentissage avec Le Rouge et le Noir et un dictionnaire. Fascinée par la culture française, elle s’inscrit à la Sorbonne pour maîtriser son français et obtient un diplôme en philosophie. Puis ouvre une librairie à Marseille. En 2000, elle se lance à temps plein dans l’écriture de romans en français, qui est pour elle une « langue très ouverte et très riche ». Et le roman lui permet de jouir d’une certaine liberté. Cette « Danoise déracinée » qui dit ne plus très bien maîtriser sa langue, écrit sur les problèmes sociétaux et s’interroge sur le devenir de l’humanité. Elle écrit sur les licenciements dans Passer le pont, le monde de l’art dans Iouri, le monde de la finance et la crise économique dans Un livre de chair, les multinationales, les réseaux sociaux et les hackers dans Le chien de Don Quichotte. Cette « exilée spirituelle » a trouvé « son pays, sa maison, dans l’écriture ».

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Russie

Andreï Makine (né en 1957) Son enfance se déroule dans un orphelinat en Sibérie. Très tôt, il est en contact avec la langue française. Il arrive à Paris en 1987 et demande l’asile politique. En 1995, il obtient la consécration littéraire avec Le testament français qui obtient les prix Goncourt, Médicis et Goncourt des lycéens. Le testament français (1995) Charlotte, d’origine française, a émigré en Sibérie entre les deux guerres. Aliocha, son petit-fils, l’écoute. Charlotte lui vante le Paris de son enfance. Cette France prend de plus en plus de place dans l’imaginaire d’Aliocha et deviens un pays rêvé. Le français se mêle au russe et tisse un lien entre deux pays, deux langues. « Je me souvenais qu'un jour, dans une plaisanterie sans gaieté, Charlotte m'avait dit qu'après tous ses voyages à travers l'immense Russie, venir à pied jusqu'en France n'aurait pour elle rien d'impossible (...). Au début, pendant de longs mois de misère et d'errances, mon rêve fou ressemblerait de près à cette bravade. J'imaginerais une femme vêtue de noir qui, aux toutes premières heures d'une matinée d'hiver sombre, entrerait dans une petite ville frontalière (...). Elle pousserait la porte d'un café au coin d'une étroite place endormie, s'installerait près de la fenêtre, à côté d'un calorifère. La patronne lui apporterait une tasse de thé. Et en regardant, derrière la vitre, la face tranquille des maisons à colombages, la femme murmurerait tout bas : C'est la France... Je suis retournée en France. Après... après toute une vie. »

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Hongrie

Agota Kristof (1935-1991) La vie et l’œuvre d’Agota Kristof ont surtout été marquées par l’exil. Elle nait en 1935 à Csivand, en Hongrie, à la frontière austro-hongroise. La dernière année de la guerre, elle a 9 ans, ses parents s’installent à Köszeg, cadre de ses futurs romans. Elle se marie dès 18 ans et en 1956, fuit la Hongrie occupée par les troupes soviétiques avec son mari menacé et sa fille. A son arrivée en Suisse romande, à Neuchâtel, elle travaille durement dans une usine, le passage au français est difficile. Après l’écriture de deux pièces jouées sur scène et la reconnaissance comme auteur radiophonique, Agota Kristof, poussée par « une nécessité d’écriture implacable », se lance dans l’écriture de son premier roman : Le Grand Cahier (1986) est la première partie d’une trilogie qui décrit l’histoire de deux frères jumeaux et lui vaudra un succès mondial. Le texte est glacé, l’écriture minimaliste. L’auteur jette un regard froid sur la guerre et le totalitarisme. En 2004, l’auteure publie L’Analphabète, court récit autobiographique où elle revient sur les raisons qui l’ont amenée à changer de langue, sa séparation douloureuse avec sa famille, son pays : « cinq ans après mon arrivée en Suisse, je parle le français, mais je ne le lis pas, je suis devenue une analphabète… Cette langue, je ne l’ai pas choisie, elle m’a été imposée par le sort, par le hasard, par les circonstances » (p.52). Ce petit livre met en valeur le parcours d’une écrivaine dont le français n’est pas la langue maternelle et qui affirme : « Ce dont je suis sûre, c’est que j’aurais écrit n’importe où, dans n’importe quelle langue » (p.40).

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Slovénie

Brina Svit (née en 1954) Après avoir obtenu une maîtrise de littérature comparée et de français, elle qui ne s’est jamais sentie vraiment yougoslave, part s’installer en 1980 avec mari et enfants à Paris. Journaliste pour la presse slovène, scénariste et réalisatrice de courts métrages en France, elle est aussi écrivaine et écrit son premier roman en français en 2003. Moreno (2003) Ce court roman relate sa résidence d’auteurs en Toscane. L’auteure se pose la question de son identité et le fait d’écrire dans sa langue d’accueil, le français : « Je ne suis plus yougoslave, je ne suis plus une vraie slovène, je ne suis pas une vraie française non plus ». « Je suis une extracommunautaire ». La page devient le lieu de confrontation et de passage entre deux langues. Elle ne croit pas « au bilinguisme heureux » mais avoue vivre l’expérience d’écrire en français comme une libération, elle peut enfin parler de soi et des siens. Si elle écrit en français, « ça doit être aussi parce que je veux montrer mon vrai visage, celui d’aujourd’hui, celui qui a changé, qui est peut-être même en train de changer cette nuit ». Malgré l’angoisse de perdre sa langue d’origine, elle dit « avoir toujours été attirée et intriguée par les écrivains qui ont changé de langue ». Malgré sa difficulté à écrire en français, à mettre en mots sa pensée « cette langue est bien trop distinguée pour moi » Brina Svit fait preuve d’un certain brio dans sa narration.

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République Tchèque

Milan Kundera (né en 1929) Né à Brno en 1929 en Tchécoslovaquie, Milan Kundera est issu d’un milieu intellectuel. Son père est un musicologue et pianiste célèbre. Il commence sa carrière littéraire en publiant de la poésie et des pièces de théâtre. En 1967, il publie La Plaisanterie. Exclu du Parti communiste tchèque en 1970, il perd son poste d'enseignant à l'Institut des hautes études cinématographiques de Prague tandis que ses livres sont retirés des librairies et des bibliothèques. En 1975, il quitte la Tchécoslovaquie pour la France avec sa femme. Déchu de sa nationalité tchécoslovaque en 1979, il est naturalisé français par François Mitterrand. C’est pour suivre ses livres qu’il choisi la France. En effet, les seuls soutiens dans les années 70 viennent de son éditeur et d’amis français. En 1979, il découvre la traductions de La Plaisanterie et constate que le texte a été réécrit par le traducteur. Son style dépouillé était devenu baroque et fleuri. Il a depuis repris et contrôlé la traduction en français de tous ces textes jusqu’à écrire, à partir de 1997, ses romans directement dans cette langue. Trois titres clés : La Plaisanterie (traduction entièrement revue par l’auteur), L’insoutenable légèreté de l’être (son roman le plus connu explorant le thème nietzschéen de l'éternel retour : l'Homme ne vit qu'une fois et ne peut corriger ses erreurs et préfère donc vivre dans la légèreté) et La Lenteur (son premier roman écrit en langue française).

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Roumanie

Eugène Ionesco (1909-1994) Eugène Ionesco est né en Roumanie, d’un père roumain et d’une mère française. Il vit en France de 1913 à 1925. Il retourne en Roumanie de 1925 à 1938. La montée du fascisme en Roumanie le décide à s’installer définitivement en France. À partir des années 1950, il se fait connaître au théâtre d’abord avec La cantatrice chauve en 1950 puis avec La leçon. Ces pièces feront à elles seules la gloire de l’écrivain. De nombreux écrits suivent : Les chaises (1952), Amédée ou Comment s’en débarrasser (1954), Tueur sans gages (1957), Rhinocéros (1958), Le Roi se meurt (1962)… Ionesco fait partie avec Beckett, des premiers représentants du « théâtre de l’Absurde », qui rejettent le théâtre traditionnel et mettent en scène la parodie, la satire, la caricature et le « nonsense ». Ionesco préfère caractériser son théâtre plutôt comme « théâtre de l’insolite ». Son théâtre a pour thèmes principaux les conformismes et les dogmatismes, le langage, le couple, la culpabilité, la mort, l’enfermement, l’onirisme, l’idéologie et le pouvoir, la quête spirituelle et le tragicomique de la condition existentielle. Pour faire exploser le langage, l’auteur démonte peu à peu toutes ces structures sur lesquelles s’appuie le langage et joue de toutes les possibilités qu’offrent la grammaire et la linguistique : détruire pour restituer sous une autre forme. Son livre d’entretiens avec Claude Bonnefoy Entre la vie et le rêve est précieux pour comprendre la démarche créative novatrice de l’écrivain.

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Ile Maurice

Jean-Marie-Gustave Le Clézio (né en 1940 ) De nationalité française et mauricienne, Il connaît très vite le succès avec son premier roman publié, Le Procès-verbal. Jusqu’au milieu des années 1970, son œuvre littéraire porte la marque des recherches formelles du Nouveau Roman. Par la suite, influencé par ses origines familiales, par ses incessants voyages et par son goût marqué pour les cultures amérindiennes, Le Clézio publie des romans qui font une large part à l’onirisme et au mythe (Désert et Le Chercheur d’or), ainsi que des livres à dominante plus personnelle, autobiographique ou familiale (L’Africain). Lors de la remise du prix Nobel de littérature lui est décerné en 2008, en tant qu’« écrivain de nouveaux départs, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante. », il déclare : « La culture à l'échelle mondiale est notre affaire à tous. Mais elle est surtout la responsabilité des lecteurs, c'est-à-dire celle des éditeurs. Il est vrai qu'il est injuste qu'un Indien du grand Nord Canadien, pour pouvoir être entendu, ait à écrire dans la langue des conquérants – en Français, ou en Anglais. Il est vrai qu'il est illusoire de croire que la langue créole de Maurice ou des Antilles pourra atteindre la même facilité d'écoute que les cinq ou six langues qui règnent aujourd'hui en maîtresses absolues sur les médias. Mais si, par la traduction, le monde peut les entendre, quelque chose de nouveau et d'optimiste est en train de se produire ».

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Antilles

Patrick Chamoiseau (né en 1953) Né à Fort-de-France (Martinique) en 1953, Patrick Chamoiseau est révélé au grand public et sur la scène internationale avec Texaco, pour lequel il reçoit le prix Goncourt en 1992. Dans ce roman, il raconte l’histoire de la Martinique sur trois générations, dans une langue splendide matinée de créole. Travailleur social, ayant fait des études de droit et d’économie sociale en Métropole, Chamoiseau, dès son premier roman, va employer une langue où le créole tient une grande place. Son rapport au français, langue du dominant, langue de la police et de l’instituteur, est au cœur de son écriture. Il ne cesse, autant activiste qu’écrivain, d’évoquer la mémoire des Antilles en transformant, en créolisant, la langue française avec des termes créoles, un rythme et une construction narrative venant de l’oralité des contes antillais. L’Esclave vieil homme et le molosse (1997) L'hymne des douleurs et des héroïsmes qui manquait aux genèses des peuples caribéens dans la matrice de l'esclavage. Écrire en pays dominé (1997) Trajectoire d'une conscience, intime saga d'une écriture qui doit trouver sa voix entre langues dominantes et langues dominées, entre les paysages soumis d'une terre natale et les horizons ouverts du monde. L'empreinte à Crusoé (2012) Chamoiseau donne sa version de Robinson Crusoé, cette fois en quête de sa conscience humaine.

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Maryse Condé (née en 1937) Née à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, Maryse Condé part étudier au Lycée Fénelon, puis à la Sorbonne. Elle enseigne ensuite en Guinée, au Ghana et au Sénégal. Les romans de Condé explorent les questions de sexes, de races et de cultures dans différents lieux et époques historiques, dont les procès de sorcellerie à Salem, dans Moi, Tituba sorcière et le royaume bambara de Ségou (Mali) au XIXe siècle dans Segou. Elle s’intéresse tout particulièrement à l’émancipation de la femme noire et à l’Histoire de l’esclavage. Elle a présidé le Comité pour la mémoire de l'esclavage pour l'application de la loi Taubira qui a reconnu en 2001 la traite et l’esclavage comme crimes contre l’humanité. Ayant créé le département d’études francophones à l’Université de Columbia en 1985, elle déclare : « C’était une façon de faire connaitre une littérature francophone multiple, celle d’Haïti, très riche, de Martinique, de Guadeloupe, ou d’Afrique. Une littérature en français qui ne parle pas de la France, mais qui est aussi belle, je crois… J’écris en Maryse Condé, une langue qui n’est ni le français ni le créole. Quand je parle français, je parle une langue que j’ai gagnée de haute lutte. Mes ancêtres se sont battus pour posséder le français et me le donner, car on interdisait aux esclaves de le lire et de l’écrire ». Documentaire « Maryse Condé, une voix singulière » écrit par Françoise Vergès, réalisé par Jérôme Sesquin A lire : Moi, Tituba sorcière… (1986) Histoire de la femme cannibale (2003)

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Haïti

Dany Laferrière (né en 1953 ) Il a 4 ans lorsque son père, maire de Port-au Prince, opposant au régime dictatorial de François Duvalier , doit s’exiler à New York pour ne jamais revenir dans sa patrie, ni renouer avec sa vie antérieure. Il quitte Haïti pour Montréal en 1976, à la suite de l'assassinat d’un ami. C'est au Québec, en 1985, qu'il connaît le succès avec son premier roman Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer. Il considère son œuvre comme une autobiographie américaine. Ses romans ont été récompensés par de nombreux prix, dont le prix RFO. Le français et le créole « Avant d'aller à l'école, à Petit-Goâve où j'ai passé mon enfance avec ma grand-mère, j'ai surtout parlé créole. Toute la vie quotidienne se passait en créole. C'est la langue que je parle sans penser. Et c'est dans cette langue que j'ai découvert qu'il y avait un rapport entre les mots et les choses. Il me fallait aller à l'école. Pour apprendre ce que je sais déjà ? Oui, me répond-t-on, mais cette fois en français. Et c'est quoi le français ? C'est une nouvelle langue ? Mais j'en ai déjà une, il me fallait apprendre le français si je voulais être traité comme un être humain, car ceux qui parlent créole sont des sauvages, le français est une langue de civilisation, donc si tu veux sortir de la sauvagerie, il fallait parler français... Le français est la langue du gagnant, et le créole, celle du vaincu. » A lire : Je suis un écrivain japonais (2008) L’énigme du retour (2009) Tout bouge autour de moi (2011)

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René Depestre (né en 1926) Né à Jacmel en Haïti, la vie de ce grand poète et romancier, n’est qu’une suite d’exils. Il publie son premier recueil en 1945 avant d’être condamné à l’exil en 1946 pour s’être engagé dans le mouvement étudiant révolutionnaire. A Paris, à la Sorbonne, il fréquente les intellectuels de la Négritude et les surréalistes. Participant activement aux mouvements de décolonisation, il est expulsé du territoire français. A partir de 1959, il s’engagera ensuite dans la révolution castriste, avant d’être écarté par le pouvoir en 1971. Il revient alors à Paris où il travaille pour l’Unesco. Il vit désormais dans un petit village de l’Aude. En 1988, il obtient le Prix Renaudot pour Hadriana dans tous mes rêves, où il met en scène une belle zombie sortant de son cercueil… Loin de se considérer comme en exil, Depestre se voit plutôt comme un nomade aux racines multiples. Son œuvre joyeuse, regorgeant de couleurs et de fantaisie, empreinte de merveilleux, mêle politique, érotisme et vaudou. Il a été fortement influencé par le réalisme magique sud-américain et le surréalisme. Il use d'une langue foisonnante où il mêle mythes et souvenirs des Caraïbes, langue qu'il façonne à sa manière comme il le revendique dans Libre éloge de la langue française. Libre éloge de la langue française (extraits) De temps à autre il est bon et juste de conduire à la rivière la langue française et de lui frotter le corps avec les herbes parfumées qui poussent bien en amont de nos vertiges d’ancien nègre marron. Médiathèques d’Antony

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Algérie

Yasmina Khadra (né en 1955) Depuis Morituri en 1997, Yasmina Khadra rencontre un succès autant public que critique. En 2001, l’auteur révèle sa véritable identité dans son roman L’Écrivain. Il s’appelle Mohamed Moulessehoul, ex-commandant de l’armée Algérienne, en poste jusqu’en 2000. Il répondra aux critiques qui lui sont adressées sur son passé de militaire pendant la guerre civile dans L’imposture des mots. Installé en France depuis 2001, Yasmina Khadra (pseudonyme constituée des deux prénoms de sa femme) écrit en langue française, tandis que sous son vrai nom, c’est l’arabe qu’il utilisait. « Je n'ai pas choisi. Je voulais écrire. En russe, en chinois, en arabe. Mais écrire ! Au départ, j'écrivais en arabe. Mon prof d'arabe m'a bafoué, alors que mon prof de français m'a encouragé. » Voilà ce qu’il dit en guise de boutade quand on lui pose la question du choix de la langue. Mais c’est avec des emprunts au dialecte algérien et des tournures de phrases propres à l’arabe, traduit mot à mot en français, que son écriture, remplie d’images fortes, touche son public. Contrairement aux écrivains algériens d’expression française de la génération de Mohammed Dib qui virent leurs écrits enfermés dans les cercles des gens cultivés, l’écriture de Khadra est plus accessible, toujours en prise avec l’actualité, interrogeant le rapport qu’à l’Occident avec l’Orient. Les Hirondelles de Kaboul (2002) L’Attentat (2005) Les Sirènes de Bagdad (2006) Trois romans forts, humanistes et poignant sur le terrorisme. 22

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Yahia Belaskri (né en 1952) Né à Oran, Yahia Belaskri quitte l’Algérie après les émeutes d’octobre 1988 et s’installe en France. Sociologue, journaliste, essayiste et romancier, il participe aux travaux de recherche sur la Mémoire de la Méditerranée, posant un regard critique et humaniste sur l’histoire de l’Algérie, de la France et des rapports entre les deux pays. Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut (2010) Ce roman - prix Ouest-France/Etonnants voyageurs 2011 - met en scène l’extrême violence de l’histoire récente algérienne à travers le parcours de Dehia et Adel, deux exilés au passé saccagé, qui reprennent ensemble et malgré tout le chemin de la vie. Avec une écriture sobre et efficace, l’auteur dénonce la barbarie en décrivant sans ménagement les traumatismes en même temps qu’il met l’accent sur la douleur de l’exil et sur les processus de guérison. Une longue nuit d’absence (2012) 1936 : Le jeune Paco s’engage aux côtés des Républicains espagnols. 1939 : il est contraint de s’exiler à Oran où il tente de se reconstruire. Il rencontre Néhari, fils de nomades, qui lui révèle l'injuste condition du colonisé. Déraciné, humilié, Paco conserve pourtant intacte la force de s’indigner et prend part au combat lorsque la guerre d’Algérie éclate. L’auteur décrit magnifiquement le mélange des communautés qui vivaient jadis à Oran et montre que si aujourd’hui l’Algérie se barricade dans une identité figée arabo-musulmane, elle fut une terre ou se sont croisées les civilisations.

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Algérie

Abdelkader Djemaï (né en 1948) Né à Oran, Abdelkhader Djemaï vit en France depuis 1993. Ecrivain discret à l’œuvre importante, il a publié récits et romans dont une trilogie sur le monde de l’immigration Camping, Gare du Nord et Le Nez sur la Vitre (2002, 2003, 2004). Qu'il raconte l'histoire d’Abd el-Kader dans La Dernière nuit de l'émir (2012) ou suive les errances d'un homme perdu dans Un moment d’oubli (2009), son écriture ciselée vise à l’essentiel. Lauréat de plusieurs prix littéraires et chevalier des Arts et des Lettres, il se définit avant tout comme un observateur de vies. Gare du Nord (2003) Bonbon, Bartolo et Zalamite, arrivés à Paris dans les années 50, ont connu une vie difficile. Aujourd’hui à la retraite, ils vivent entre le foyer de l’Espérance, le bistrot de la Chope verte et la gare du Nord qui les attire irrésistiblement. L’auteur donne pudiquement et respectueusement la parole à ces trois vieux immigrés si peu habitués aux mots, restituant une autre mémoire, un autre visage de la France. Le nez sur la vitre (2004 ) Un père, Algérien immigré en France, prend l'autocar pour retrouver son fils qui ne répond plus à ses lettres. Ce voyage en redessine un autre, plus intime : le passé revient au détour d'une autoroute, revisite l'enfance du père, son parcours d'émigré à la vie modeste. Rien ne se passe dans ce court roman. Pourtant jusqu’à la dernière ligne la tension est continue et la douleur muette du père est remarquablement rendue par une écriture épurée.

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Cameroun

Léonora Miano (née en 1973) Leonora Miano est née à Douala au Cameroun où elle passera son enfance et son adolescence au milieu des livres, sa mère professeur d’anglais et son père pharmacien étant de grands lecteurs. Elle développera dès l’âge de 8 ans son goût pour l’écriture mais attendra d’avoir trouvé sa musique intérieure, sa voix authentique pour publier à l’âge de trente ans. A l’adolescence, elle tombe en littérature dans le chaudron afrodiasporique, pluriculturel qui l’enrichit et la mène à explorer les frontières des cultures subsahariennes et afropéennes. En 1991, elle s’installe en France où elle vit depuis. Ecrivaine révoltée puisant sa force et son lyrisme dans les terres brûlantes de son Cameroun natal, Léonora Miano s'est imposée en 2005 avec son roman, L' intérieur de la nuit dans lequel elle dénonce la barbarie qu'entraînent les guerres civiles d'Afrique, premier opus d’une trilogie qui se poursuivra avec Les aubes écarlates et Contours du jour qui vient (Prix Goncourt des lycéens 2006). Parlant des tabous d'une société désaxée, corrompue et de la souffrances des femmes de son pays, elle fait découvrir à l'occident les contradictions de l'identité africaine. Avec Tels des astres éteints, Blues for Elise et Ces âmeschagrines, l’auteure nous parle de ces visages d’ambre et d’ébène, faces méconnues de l’Hexagone, et crée un vocabulaire nouveau, indispensable pour dire la France de notre temps et les différentes populations qui la composent.

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Congo

Wilfried N’Sondé (né en 1969) Wilfried N’Sondé est né à Brazzaville au Congo, il émigre en France à l’âge de 5 ans. Après de brillantes études à la Sorbonne, la musique « afro-punk » qu’il joue avec son frère le conduit à Berlin en 1989, année de la chute du mur. Il y vit actuellement. Son premier roman Le cœur des enfants-léopards (2007) est rapidement reconnu par la critique. A travers le monologue du personnage principal, l’auteur fait le portrait d’une génération, la sienne, celle d’immigrés qui sont là depuis 25 ans ; il y décrit leur jeunesse, le processus de rencontre entre des gens, des cultures : « N’oublie pas l’histoire, d’où tu viens, où tu vas, rappelle-toi toujours la brousse, la jungle, les léopards, nos esprits qui appellent et agissent jusqu’au-delà des chaînes de la servilité » (p.14). En 2010 il publie Le silence des esprits, roman qui se situe également en France. C’est l’histoire de la rencontre d’un jeune clandestin, Clovis Nzila, qui a participé à la guerre civile dans un pays africain comme enfant soldat et d’une femme plus âgée, infirmière à l’hôpital : « Son cœur s’était ouvert à un monstre, bourreau et victime dans une même âme » (p.158). Ces deux histoires prennent place dans un contexte d’exil, de métissage et de chocs des cultures sur fond de banlieue parisienne. Si les mythologies du Congo servent encore de références magiques aux personnages, il leur faut faire le deuil des origines et prendre toute la mesure du réel. La passion, le désir, la violence des sentiments sont traduits dans une langue vivante et très imagée.

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Alain Mabanckou (né en 1966) Après avoir étudié le droit à Brazzaville, il arrive à Paris en 1988 et obtient un DEA en droit d’affaires pour travailler ensuite en tant que conseiller juridique pour la Suez-Lyonnaise des eaux. Quatre recueils de poésie puis premier roman en 1998, Prix Renaudot en 2006 pour Mémoires du porc-épic. Il devient ensuite professeur des littératures francophones aux Etats-Unis. Dans son œuvre, il mêle le français populaire du Congo, mais aussi l’argot parlé dans la région parisienne et quelques mots et citations en lingala, langue la plus utilisée au Congo. Une langue bigarrée, tragicomique, qui fait le bonheur du lecteur. A travers ses romans, il livre une sociologie de l’immigration, souvent assez pessimiste, qui considère la France comme un possible miroir aux alouettes. Mais Mabanckou n’est pas un écrivain de l’échec : son univers fourmille d’êtres picaresques englués dans des difficultés sans nom, mais qui tentent toujours de se tirer de leur marasme quotidien avec une bonne dose d’humour… Bleu, banc, rouge (1998) Premier roman d’Alain Mabanckou, qui a obtenu le Grand Prix littéraire de l’Afrique Noire. Il retrace l’histoire d’un jeune homme naïf qui raconte son périple migratoire dans une prison de la banlieue parisienne où il attend d’être expulsé de France. A l’origine de cet échec, une vente de faux tickets de métros pour s’acheter des vêtements de grands couturiers… A lire aussi sur le même thème : African Psycho (2003) Verre cassé (2005)

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Liban

Amin Maalouf (né en 1949) Amin Maalouf est né au Liban d’une mère catholique de tradition francophone et d’un père protestant, journaliste de langue arabe. Il suit sa scolarité en français chez les Jésuites. Il s’installe à Paris en 1976, fuyant la guerre civile. Il se fait connaître avec son essai Les croisades vues par les arabes (1983) puis obtient Prix Goncourt pour Le rocher de Tanios en 1993. Il est élu à l’Académie Française en 2011. Ses romans mettent en scène des voyageurs (Léon l’Africain, Mani, Baldassare) aux identités multiples, navigant entre diverses terres, langues et religions. Pour ces personnages en fuite, l’exil devient un chemin de connaissance vers soi. Ces héros, symboles de réconciliation entre l’Orient et l’Occident, s’opposent aux identités meurtrières (1998) qui n’engendrent que discriminations. A noter que sur son blog, www.aminmaalouf.net, il s’intéresse tout particulièrement à l’origine des mots français, les « mots voyageurs » qui sont nés en Orient. Il s’insurge contre le concept de « littérature francophone » employé en France pour désigner les écrivains des anciennes colonies : « prenons l’habitude de dire « écrivains de langue française », en évitant de fouiller leurs papiers, leurs bagages, leurs prénoms ou leur peau ! ». A lire, sur le thème de l’exil : Origines (2004) : l’histoire de la diaspora familiale de l’écrivain sur trois générations, entre New-York, Paris, le Liban et Cuba. Les désorientés (2012) : le roman du retour sur la terre natale…

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Iran

Chahdortt Djavann (née en 1967) Son arrivée en France en 1993 est une rupture radicale avec sa vie en Iran, qui se retrouve, avec son féminisme fondé sur les Lumières, au cœur de son œuvre. L’union de la langue française et de la liberté soulagent un peu les souffrances de l’exil et de la rupture avec ses origines.

Comment peut-on être français ? (2006) Une jeune femme évoque son départ d'Iran, sa nombreuse famille et son arrivée en France. Entre attachement au pays neuf et sentiment d'exil, elle dit la difficulté à s'intégrer et la nostalgie du monde perdu de la Perse de l'enfance. Une sorte de conte philosophique qui répond aux « Lettres Persanes » de Montesquieu avec un regard distancié mais affectueux sur la France. Bas les voiles ! (2003) Cette romancière qui a étudié la médecine et l'anthropologie a dû, contre son gré, porter le voile en Iran. Dans ce texte bref issu de son expérience personnelle et d'une enquête, elle donne son avis sur la question du port du voile, en particulier dans le contexte français

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Afghanistan

Atiq Rahimi (né en 1962) Romancier et réalisateur ayant la double nationalité, il a reçu le Goncourt en 2008 pour Syngué Sabour, Pierre de Patience. Vivant la guerre de 1979 à 1984, il obtient l’asile politique en France et son doctorat en audiovisuel à la Sorbonne. Contrairement à ses trois premiers romans écrits en persan, Syngué sabour. Pierre de patience est directement écrit en français : « Il me fallait une autre langue que la mienne pour parler des tabous ». Syngué sabour : pierre de patience (2008) Dans un contexte de guerre, un homme a reçu une balle dans la nuque et se retrouve immobilisé. Sa femme est auprès de lui, lui parle, et exprime ses émotions sans retenue, sans savoir si son mari l'entend et la comprend. Cette confession la libère de l'oppression conjugale, sociale et religieuse, l'incitant à révéler ses secrets dans le contexte d'un pays semblable à l'Afghanistan. Maudit soit Dostoïevski (2011) Ce roman, inspiré par Crime et châtiment, en reprend la trame pour l'adapter à l'Afghanistan contemporain. Rassoul vient d'assassiner une rentière pour la punir du sort qu'elle fait subir à Souphia, sa fiancée. Il lui dérobe ensuite son argent afin de venir en aide à Souphia et à sa famille. Rongé par le remords, il souhaite se rendre à la police mais personne ne s'intéresse à son cas.

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Chine

François Cheng (né en 1929 ) Issu d'une famille de lettrés et d'universitaires, François Cheng fait ses études secondaires à Chongquing entre 1937 et 1945. Il s’installe en France en 1948. Imprégné par une double culture, orientale et occidentale, il fait tout d'abord publier des études sur la poésie et l'art de la Chine après son doctorat. Naturalisé français en 1971, en 1974, il est nommé maître de conférences puis professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Dès lors, il poursuit simultanément carrières universitaire et littéraire. Son premier roman Le Dit de Tianyi obtient le prix Femina en 1998. Il reçoit également le Grand prix de la francophonie de l'Académie française en 2001 pour l'ensemble de son œuvre, avant de devenir membre de cette institution en 2002. A l’orient de tout (2005) Ce livre est un recueil de poésies qui reprend plusieurs livres de poésie déjà parus chez d’autres éditeurs. « Faim et soif nous déposent Sur la plage désertée. Rien sinon cendres mêlées De cailloux calciné ; Sinon roseaux courbés Sous la brise de l’oubli. » in Cantos toscans (p.128) Penser que François Cheng écrit de la poésie dans une langue qui n’est pas celle de sa naissance, force l’admiration. Il transmet sa culture chinoise à travers la langue poétique. A lire également : Le dit de Tianyi, 1998 L’éternité n’est pas de trop, 2002 Quand reviennent les âmes errantes, 2012 Médiathèques d’Antony

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Chine

Dai Sijie (né en 1954) Fils de médecins devenus ennemis du peuple en 1966 pendant la Révolution culturelle, il est envoyé en camp de rééducation dans les montagne du Sichuan de 1971 à 1974 et découvre la littérature occidentale. Après la mort de Mao, il obtient une bourse d’études pour l’étranger et vient à Paris en 1984 faire des études de cinéma. En 2000, après quinze ans en France, Dai Sijie écrit en français Balzac et la petite tailleuse chinoise pour « pouvoir se rendre compte qu’il pouvait raconter une histoire dans cette langue ». Ce roman, en partie autobiographique, raconte une histoire d’amitié et d’amour entre adolescents qui découvrent des livres interdits en Chine. C’est surtout une histoire sur l’amour du livre, un « hommage à la littérature qui a rythmé sa vie ». Le français reste pour l’auteur une langue d’adoption et lui permet de publier. Ecrire en français, selon lui, « c’est un jeu intellectuel, une compétition avec moi-même qui m’a fasciné ». Le complexe de Di, Prix Femina en 2003, manie références littéraires et freudiennes et est plein de poésie et d’humour. Dans Par une nuit où la lune ne s’est pas levée (2007), où il est question de la recherche d’un texte sacré à travers l’apprentissage d’une langue morte, l’auteur fait un gros travail sur les phrases, sur la langue. Dans ses romans, il porte un regard sur sa patrie, ses racines restent en Chine. En fait, l’auteur ne rompt jamais avec son pays. Et s’il écrit en français, c’est tout simplement parce que « c’est la meilleure langue pour écrire des histoires ». 32

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Vietnam

Marguerite Duras (1914-1986) Marguerite Duras a vécu pendant dix-huit ans en Indochine et restera partagée toute sa vie entre deux cultures. Ses parents, tous deux instituteurs expatriés s’installent en Indochine en 1909. Sa mère, devenue veuve, enseignante dans une école indigène, élève ses trois enfants seule, très simplement et se sent elle-même très proches des paysannes vietnamiennes. Duras et son jeune frère vivent comme des petits annamites : « On était plus des Vietnamiens que des Français, on vivait comme eux, on parlait vietnamien… on était de la brousse. Vous êtes nés dans le milieu et on vous apprend que vous n’êtes pas vietnamien » (Les lieux de Marguerite Duras, film de Michelle Porte 1976). Pourtant durant toute son enfance, elle s’appliquera à bien lire et écrire la langue française apprise avec sa mère. Le retour définitif de Duras en France date de 1932. Il sera vécu comme un arrachement identitaire et linguistique : « J’ai vécu à Sa Dec et à Vinh Long, sur le fleuve… 17 ans de voyage » (Les lieux de Marguerite Duras). L’auteur, grâce à l’écriture, essaiera beaucoup plus tard de réparer cette blessure et suggère dans plusieurs de ses œuvres sa double appartenance culturelle. On distingue : - Le cycle de l’Indochine qui regroupe les œuvres empruntant les éléments autobiographiques de sa jeunesse au Cambodge et au Vietnam : Le barrage contre le Pacifique (1950), L’amant (1984), L’amant de la Chine du Nord (1991). - Le cycle indien : Le ravissement de Lol V Stein (1964), Le vice-consul (1965), India Song (film 1974). L’Inde de Duras est imaginaire, les personnages traduisent les thèmes de la rencontre amoureuse, du désir, de la folie, de l’effacement. Médiathèques d’Antony

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Vietnam

Kim Thuy (née en 1968) Elle est née pendant l’offensive du Têt. Issue d’une famille aisée, à 10 ans elle émigre au Québec avec ses parents. Paru en 2009, Ru est récompensé par de nombreux prix au Québec en 2010 et 2011 et le prix RTL-Lire 2010 en France. Elle a étudié la linguistique et la traduction puis le droit. Elle a exercé en tant qu’avocate, puis a tenu un restaurant et pendant ses brefs instants de répit, a pris quelques notes qui sont devenues un livre, qu’un ami a passé à une maison d’édition… Affirmant avoir 2 langues maternelles, le vietnamien et le français, elle complète : «... Le français est la langue avec laquelle je suis devenue adulte. C'est ma deuxième langue maternelle. Je la sens, elle m'habite… Pour moi, écrire est une célébration des mots qui sous-tend notre chance d'être assez riche - et libre - pour pouvoir lire et écrire ». Ru (2010) Roman d'inspiration autobiographique et évocation nostalgique du Vietnam de la seconde moitié du XXe siècle. Retrace l'itinéraire d'une Vietnamienne ayant quitté Saigon après l'arrivée des communistes. Après une période d'internement en Malaisie, elle s'est exilée au Québec et a découvert lors d'un voyage dans son pays natal qu'elle y était devenue une étrangère. A toi (2011) Une correspondance entre Kim Thúy et Pascal Janovjak, deux écrivains en exil à Montréal et à Ramallah, où se raconte le multiculturalisme. Exploration des thèmes de la filiation et de la transmission, de l'appétit d'écrire et de l'ouverture au monde.

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Vietnam

Linda Lê (née en 1963) Fille d’une mère naturalisée française et d’un père vietnamien, elle apprend le français au lycée de Saigon; fuyant les bombardements du Vietnam, elle s’installe en France avec sa mère et ses trois sœurs en 1977. En 1995, elle retourne au pays natal pour les funérailles de son père. De retour en France, est confrontée à une grave crise intérieure qu’elle surmonte grâce à l’écriture. Son œuvre, souvent très noire, est marquée par l’abandon simultané du pays natal et du père, par la solitude, le deuil. Dans Au fonds de l’inconnu pour trouver du vivant, elle évoque un « transgresseur, rétif au mariage endogamique des mots », qui « apporte du sang neuf à la littérature fossile ». En effet, avouant elle-même être plus à l’aise avec le français qu’avec sa langue natale, elle utilise des mots rares et précieux, redonnant sa noblesse à une langue française oubliée. Lame de fond (2012) Van, le père, nous parle d’outre tombe : lui, le correcteur de manuscrits envoyés aux éditeurs, le puriste de la langue, se plaisait à dire qu’il ne se sentait « ni vietnamien, ni français, mais toujours dans une position ambigüe ». Il voulait que sa fille soit une dévoreuse de classiques, qui écrit dans un style châtié, ne trébuche pas sur l’imparfait du subjonctif . Alors, lorsqu’il reçoit une lettre de Ulma, sa demi-sœur, cela provoque une véritable « lame de fond » dans son quotidien bien morne. Une occasion de renouer avec une ailleurs plus agréable et de retrouver son identité perdue.

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Canada

Nancy Huston (1953) Née à Calgary au Canada, son départ en Europe pour ses études avec Roland Barthes et sa rupture avec une histoire familiale difficile ont été un révélateur pour l’écriture. Maintenant étrangère au Canada et en France, elle peut écrire indifféremment en français et en anglais et se traduit elle-même. Puisant en France l’histoire et la langue qui conviennentt à sa virtuosité de musicienne, elle ouvre au dialogue les histoires (inter)nationales et les mémoires individuelles de ses personnages. Nord perdu ; Douze France (1999) Aborde les difficultés et les défis que présentent l'expatriation et le bilinguisme. Elle se penche sur les différents problèmes que pose le fait de vivre dans un pays dans lequel on n'est pas né, d'en adopter la langue et les coutumes, d'y élever des enfants. Reflets dans un œil d’homme (2012) Nancy Huston explore les tensions contradictoires introduites dans la sexualité en Occident par deux phénomènes modernes : la photographie et le féminisme. Dans ce livre sensible et vibrant d’actualité, puissant et brillamment dérangeant, sur un ton personnel, drôle et pourtant informé, évoquant sans détours sa propre expérience comme celle de son entourage, Nancy Huston parvient à nous démontrer l’étrangeté de notre propre société, qui nie tranquillement la différence des sexes tout en l’exacerbant à travers les industries de la beauté et de la pornographie.

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Notes

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