Vladimir Zeev Jabotinski : Histoire de ma Vie

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HISTOIRE DE MA VIE



VLADIMIR ZEEV JABOTINSKY

Histoire de ma vie Traduite par Pierre I. Lurรงat


Š Les provinciales, 2011.

En couverture : Aquarelles de GĂŠrard Breuil.


Ce récit est abrégé et amputé à plusieurs égards. Tout d’abord, parce que je n’ai même pas essayé (sinon à un ou deux endroits) d’y décrire les personnages liés à ma vie, même ceux qui ont joué un rôle considérable dans leur génération et dans notre histoire nationale. Ce faisant, j’ai évidemment diminué la valeur et l’intérêt de mon récit, car l’aspect principal de toute autobiographie n’est pas tant l’image qui en ressort du narrateur lui-même, que celle de son prochain. Mais que faire ? Le temps dont je disposais ne me permettait pas d’exploiter tout le riche matériau conservé dans ma mémoire ; et d’autre part, je n’aime pas juger une personne, vivante ou décédée, et il ne peut y avoir de description fidèle d’un être humain qui ne comporte pas de jugement. Et pourtant, même le récit de ma propre vie est relaté ici de manière partielle seulement : il s’agit de la vie de l’écrivain et de l’homme politique, et non de celle de l’homme privé. Ces deux domaines de la vie sont séparés chez moi par une barrière infranchissable ; je me suis toujours efforcé, autant que possible, de ne pas mélanger ces deux choses. En tant qu’homme, j’ai eu et j’ai encore des amis, des relations, des expériences, des souvenirs, dont l’influence n’a jamais atteint et n’atteindra jamais mon activité publique. Et même si dans ma vie véritable, c’est-à-dire ma vie intérieure, le poids de ces choses l’emporte sur celui de toutes les autres impressions, et si le roman personnel est plus profond et contient plus d’intrigues que le roman public, – vous ne le trouverez pas ici.



Première partie



Mes origines Ma mère est née à Berditchev, il y a près de cent ans. Elle est la fille de Meir Zack, d’une famille de commerçants ; et pour autant que je sache, il n’y a pas dans mes origines, des deux côtés, de rabbins ni d’autres ministres du culte ; je me console par cela du fait que la famille de ma femme, quant à elle, descende du Maguid de Doubno 1. Je n’ai jamais entendu de détails concernant l’enfance de ma mère, mais il me semble, d’après le peu qu’elle nous a parfois raconté, que sa famille faisait partie des notables de la ville. Plusieurs images sont restées gravées dans ma mémoire à partir de ses récits, en particulier celles de la majesté du chabbat et du rituel de Pessa’h dans la maison de son père. Je me suis rendu à Berditchev au début de ce siècle, et j’y ai encore rencontré à la gare des portefaix chrétiens qui parlaient un yiddish bien plus limpide que le mien, et dont même le parler russe contenait une mélodie juive – à cette époque, c’était encore la ville la plus juive de toutes celles d’Ukraine ; et à plus forte raison lorsque ma mère était enfant. Et pourtant, il ne fait aucun doute que mon grand-père était un Juif éclairé et progressiste, et peut-être même un hérétique, de l’avis de ceux qui l’entouraient, car il avait envoyé maman étudier au « nouveau Heder 2 » pour y apprendre l’allemand et les bonnes manières occidentales. On enseignait les bonnes manières au moyen de vers ; ainsi, par exemple, si 1. Rabbi Yaakov Krantz, dit le « Maguid de Doubno », rabbin hassidique fameux (N.d.T.) Toutes les notes sont du traducteur, sauf indication contraire. 2. Le Heder désigne l’école juive traditionnelle. Le « nouveau Heder » est une école juive moderne créée par le mouvement de la Haskala, dans laquelle on étudiait quelques matières profanes.

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on vous présentait à une dame importante, il fallait lui dire – « Bonjour Madame charmante 3 » et lui faire le baise-main. Ma mère parlait allemand, avec des fautes toutefois, mais on reconnaissait aux expressions qu’elle employait qu’elle avait appris la langue littéraire, et les écrivains favoris de sa jeunesse étaient Schiller et un autre, aujourd’hui oublié même en Allemagne, Zschokke. Elle n’avait appris le russe, par contre, qu’après son mariage, apparemment pour pouvoir parler aux domestiques, et bien qu’elle eût parlé uniquement dans cette langue avec ma sœur et avec moi durant toute sa vie, elle massacrait la grammaire russe. Elle comprenait l’hébreu, celui de la Bible et des prières, et elle était instruite et assez stricte pour tout ce qui touchait aux rites religieux. Un jour, je demandai à ma mère : « Sommes-nous des ‘hassidim ? » – et elle me répondit, presque avec colère : « Et que croyais-tu, des mitnagdim 4 ? » Depuis ce jour je me considère moi aussi comme étant un ‘hassid de naissance. Il y a encore une chose capitale que j’ai apprise de ses réponses succinctes : j’avais alors environ sept ans, ou peutêtre moins, lorsque je lui demandai : « Est-ce que nous aussi, les Juifs, nous rétablirons dans l’avenir notre royaume ? » Elle me répondit : « Bien entendu, nous le ferons – petit idiot ! ». Depuis ce jour je n’ai plus jamais posé cette question, car sa réponse m’avait suffi. Outre ma sœur Tamar, j’avais aussi un frère aîné, Miron, ou « Mitya », dont je n’ai aucun souvenir, car il disparut lorsque j’étais encore un bébé. Tant que mon père était en vie, nous étions riches, mais il mourut lorsque j’avais six ans et nous laissa démunis de tout, jusqu’à ce que ma sœur eût grandi et commencé, à partir de l’âge de seize ans, à donner des leçons – nous sauvant ainsi de la misère. Mes souvenirs sont ceux d’une vie de gêne ; nous habitions une mansarde, et les parents de mes amis riches, avec lesquels je jouais dans la cour, ne leur permettaient pas de me rendre visite, par crainte qu’ils soient contaminés par la misère... Ma mère, de son côté, ne me permettait pas non plus de franchir le seuil de leur maison. 3. Sic, en français dans le texte. 4. Littéralement « Opposants », terme désignant les Juifs opposés au mouvement hassidique.

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Ma mère était considérée comme très intelligente. Après la mort de mon père, alors qu’elle rentrait à Odessa avec deux orphelins, le conseil de famille se réunit dans la maison de son frère, Abraham Zack, pour décider ce qu’il fallait faire de nous. Un de mes cousins, un avocat prospère, exprima son avis de la sorte : « Nous avons suffisamment d’intellectuels, envoie ta fille apprendre la couture, et ton fils apprendre la menuiserie ». C’était peut-être un bon conseil, mais l’idée de la « Umschichtung 5 » n’avait pas encore pénétré les cœurs de la classe moyenne – et depuis ce jour-là, nous ne nous rendîmes plus jamais dans la maison de ce conseilleur, ni lui chez nous, et lorsque je rencontrais sa femme ou ses fils dans la rue – alors qu’ils étaient mes parents les plus proches – je ne savais pas qui ils étaient. Une vingtaine d’années après ce fâmeux conseil de famille, ce même cousin aborda ma mère dans la cour de la synagogue, lui demanda pardon et expliqua qu’elle ne l’avait pas bien compris. Elle lui répondit : « Je ne t’en veux pas. Au revoir », et elle monta dans la section réservée aux femmes. Je ne fais pas partie des disciples de « Japhet » (ni même de ceux de Sem…), mais il y a une qualité des peuples nordiques devant laquelle je me prosternerais : leur estime pour les femmes. Je suis persuadé que toute femme moyenne est un ange, et aucune ne fait exception ; si elle ne s’est pas encore dévoilée, c’est qu’elle n’a pas été obligée de le faire, mais lorsque l’occasion viendra, tout le monde le verra. Trois femmes m’ont été proches durant ma vie, et j’ai constaté le même caractère chez les trois ; et pour ce qui concerne la première d’entre elles – ma mère – je ne me rappelle pas un seul jour de sa vie où elle n’a pas été contrainte de se battre, de se renforcer et de surmonter des obstacles. Des années où mon père était malade, je ne connais que quelques fragments, mais ces fragments sont une véritable épopée : non pas, certes, au sens d’événements exceptionnels – mais au contraire, d’un chapitre ressemblant à des milliers d’autres chapitres dans l’histoire de milliers de femmes, dont la vie est une entreprise héroïque quotidienne. Elle était née dans l’opulence, avait vécu dans l’opulence, hier encore elle avait une maison regorgeant de richesses, son mari était un dirigeant et presque un roi dans son domaine, et elle était sa reine ; et d’un seul coup tout cela a été détruit : statut, richesses, avenir, et elle s’est retrouvée avec un 5. Mutation sociale.

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vieillard malade sur les bras, qui avait vieilli en l’espace d’une nuit et était déjà condamné. Elle nous a tous réunis, nous a emmenés à Berlin où elle a convoqué les meilleurs médecins : ceux-ci ont ausculté mon père, ont hoché leurs têtes chauves, ont chuchoté des mots en latin l’un à l’autre, puis ont déclaré dans un allemand obscur : le traitement va durer longtemps… Elle nous a laissés pendant deux mois, est retournée à Odessa, a vendu ou gagé les meubles et les pierres précieuses, et est revenue se battre pour sauver la vie de mon père. Pendant deux ans, les professeurs tentèrent de s’autopersuader qu’il n’y avait pas de cancer : mais en fin de compte ils durent se soumettre et s’avouer vaincus. Ma mère, elle, refusa de capituler : en Russie aussi, il ne manquait pas de chirurgiens fameux – qui sait ? Elle nous emmena à Kiev, puis à Kharkov ; de Kharkov, on voulut nous expulser, car mon père avait cessé de s’acquitter de ses cotisations à la « guilde » des marchands et il n’avait plus le droit de séjourner dans cette ville – ma mère se présenta devant le gouverneur du district et obtint le report de l’expulsion jusqu’à l’opération ; mais cela ne servit à rien. Je ne sais pas pourquoi nous nous rendîmes de là-bas justement à Alexandrovsk, petite ville sur le Dniepr – peut-être mon père voulait-il mourir dans sa région natale, sur les rives du fleuve qu’il aimait, qui l’avait vu grandir et qui avait été témoin de sa grandeur passée. Après sa mort, nous retournâmes à Odessa. Je me souviens des chambres minuscules et du pain frais que ma mère nous donnait tous les matins, à ma sœur et à moi, se contentant pour elle de celui de la veille. Mais elle rejeta énergiquement le conseil de mon cousin : elle nous envoya tous les deux au lycée. Je n’ai aucun souvenir de mon père, ou presqu’aucun, mais j’ai entendu à son sujet de nombreuses histoires et légendes. C’était l’époque où se construisait la richesse commerciale d’Odessa, capitale des céréales de l’Ukraine tout entière, et mon père était apparemment un des commerçants les plus doués. La « Société russe des navires à vapeur et du commerce » (« Ropit », en abréviation russe) détenait la part du lion du marché des céréales, et elle fit de mon père un de ses principaux agents. Selon certaines sources, il était l’agent principal pour l’achat du grain dans toutes les provinces au-delà du Dniepr, sur les deux rives – région qui nourrissait l’Europe tout entière à cette époque. On pourrait écrire un roman entier, et cela serait utile (mais 14


il n’y a aucun risque que je trouve le temps nécessaire) au sujet des voyages de mon père dans les bateaux de la « Ropit » le long du fleuve, de Kherson jusqu’aux rochers des chutes appelées « Porogui » (les « seuils ») en russe et « hirla » (la « gorge ») en ukrainien, accompagné d’un bataillon considérable d’adjoints, d’assistants, de spécialistes de l’examen des semences, de comptables et de personnes dénuées de toute utilité et de spécialité qu’on appelait à Odessa du nom bizarre de « Laptout » – mot qui n’a pas d’équivalent ou de traduction, sinon peut-être celle de fainéants. Mon père était quelqu’un d’important aux yeux de la direction de la « Ropit », apparemment, car plusieurs années après son décès, je voyais encore chez nous, dans notre mansarde, un des directeurs qui venait rendre visite à ma mère à chacune de ses visites à Odessa : je me souviens même de son nom – Pachelnikov – il buvait du thé et faisait l’éloge de mon père. Les Juifs appelaient mon père « Yona », les Russes « Yévguéni ». Il était né à Nikopol, petite ville sur le Dniepr ; son père possédait sept « stations » le long d’une des routes principales, car à cette époque les voies de chemin de fer ne parvenaient pas jusqu’à cette partie de l’Ukraine ; ces stations étaient tout à la fois des auberges, des bureaux de poste et des écuries pour les chevaux de poste. Un de mes amis a trouvé le nom de mon grand-père sur la liste des premiers abonnés du premier journal juif publié en Russie – Hamelitz, si je ne me trompe pas. L’amiral Chikhatchev, patron de la société Ropit, dit un jour à mon père : « Ton nom est Yévguéni et tu es un génie » – peut-être exagéraitil, ou peut-être disait-il vrai. Lors de chacune de mes visites dans les provinces du Dniepr, j’entendais la même chose de nombreuses personnes. Un jour, à Alexandrovsk, une dizaine de notables, anciens commerçants en céréales, se réunirent autour de moi et tentèrent de m’expliquer, jusqu’à minuit, le secret du charme de mon père ; je n’ai pas vraiment compris, mais il m’est resté l’impression très forte d’une ramification de liens, de réseaux et d’influences reliant l’Ukraine et l’Argentine, la Mer noire et les trois océans, le Ballplatz de Vienne, l’appartement du ministre des Affaires étrangères d’Autriche Hongrie et le café Roubina où se réunissaient les commerçants en blé à Odessa… Il y a une chose que j’ai comprise : ils m’ont raconté que mon père faisait tous ses calculs de tête – « jusqu’au huitième de centime » (je n’ai pas hérité cela de lui, pour moi la table de multiplication est demeurée un 15


mystère). Et aussi cela : à plusieurs reprises, mis en garde contre ses assistants qui le « volaient », il a toujours répondu : « Celui qui me vole est plus pauvre que moi, et peut-être la justice est-elle de son côté ». Sans doute est-ce cette philosophie qu’il m’a transmise en héritage. Mon père avait apparemment hérité ses aptitudes de sa mère, au sujet de laquelle j’ai aussi entendu de nombreuses histoires, mais ce n’est pas l’endroit pour les relater. L’héritage spirituel, du côté de mon grand-père, avait un caractère différent – une dose de nervosité excessive, frisant l’hystérie, dont j’ai retrouvé les manifestations chez de nombreuses personnes de ma famille. Un d’entre eux, un des jeunes oncles du côté de mon père, de l’espèce bizarre des méchantsgentils, menteur génial de grand talent, possédant un don particulier pour la musique – il savait siffler comme un rossignol, et la moitié des habitants de la bourgade de Nikopol se réunissaient devant la fenêtre de sa maison pour écouter ses trilles – fut frappé de folie dans sa vieillesse et m’envoya des lettres signées « Jésus le second ». Mais mon père l’aimait plus que tous ses autres frères ; un jour il lui confia un poste de responsabilité – surveiller l’expédition des céréales en partance pour l’étranger – et lui-même voyagea pendant deux semaines ; lorsqu’il revint à Odessa, il trouva ses affaires sens dessus dessous et les directeurs de la Ropit en colère. Deux jours après son retour, mon père ressentit une douleur interne suspecte, les médecins diagnostiquèrent un cancer et l’envoyèrent en Allemagne. Nous y passâmes deux ans, l’hiver à Berlin et l’été à Ems sur le Rhin. À Berlin, je fréquentai un jardin d’enfants allemand, et à Ems je vis un jour le vieil empereur Wilhelm, qui retira son chapeau en réponse à ma révérence – à cette époque il y avait encore des bonnes manières, dans cette partie du monde aussi. Mon père ne se rétablit pas. Le troisième facteur qui laissa son empreinte sur mon enfance est Odessa. Je ne connais aucune ville au climat aussi agréable et je ne dis pas cela comme un vieillard qui croit que le soleil s’est éteint, parce qu’il ne le réchauffe plus comme autrefois… J’ai passé les plus beaux jours de ma jeunesse à Rome, j’ai aussi habité, étant jeune, à Vienne et j’ai pu comparer leur « climat » spirituel à la même aune : il n’y a aucune ville comparable à Odessa – je parle d’Odessa à cette génération – pour la douceur joyeuse et l’exaltation qui flottent dans l’air, sans la moindre trace de complication de l’âme ou de tragique 16


moral. Je ne dirai pas, à Dieu ne plaise, que j’ai trouvé dans cette atmosphère une grande profondeur ou de la noblesse – car sa légèreté caressante provient de l’absence de tradition. Cette ville a été créée de toutes pièces cent ans avant ma naissance, ses habitants bavardaient en treize langues différentes sans en connaître une seule parfaitement, et parmi mes nombreuses connaissances, il n’y en avait qu’une seule dont le père était lui aussi né à Odessa : or il ne peut y avoir de noblesse sans tradition et sans tragique. Cette ville – le ricin du prophète Jonas, et toutes les plantes qu’elle renferme – matériellement, moralement et socialement – est elle aussi un ricin, quelque chose d’éphémère, une plaisanterie, une aventure. Il faut évidemment respecter la vérité ; mais le mensonge n’est pas un crime, car votre interlocuteur possède lui aussi une imagination débordante et capricieuse… Et à côté de tout cela, une curiosité avide pour tout ce qu’apporte chaque jour qui commence : la moindre nouvelle est un événement considérable, qui émeut les foules, les mains s’élancent dans les airs, les tables du café tremblent dans le tumulte des cris. Les baisers aussi y sont bon marché : voire même gratuits (et pourtant ces jeunes filles, pour autant que je m’en souvienne, se sont toutes mariées par la suite, et chacune d’entre elles devint une bonne épouse). L’enfant qui grandit dans un tel environnement peut être influencé pour le bien et pour le mal : cela ne dépend pas tant de son entourage, que de ses propres qualités. L’un s’imprégnera de la médiocrité (Polonski, poète russe, a écrit un roman décrivant la vie à Odessa, qu’il a surnommée la « ville médiocre ») ; tandis que l’autre s’imprégnera au contraire du tumulte, de la curiosité, de l’audace, de la fraîcheur éternelle qui est chaque matin un sujet d’émerveillement, et du sourire absolu et méprisant envers le malheur comme envers le bonheur. Bizarrement, c’est précisément dans les livres d’un poète anglais, élevé dans la tradition la plus fantastique du monde qu’il a défendue toute sa vie, que j’ai trouvé l’écho de cette psychologie. Kipling a écrit (les mots exacts m’échappent) : « Victoire ou catastrophe – sois capable de les mépriser toutes deux, car toutes deux sont trompeuses ». Et dans sa vieillesse il résuma l’expérience de sa vie en s’adressant ainsi au Créateur : « Mon Dieu, j’ai parcouru toute la terre que Tu as créée et je n’y ai rien vu de banal ; tout ce que j’ai vu est une merveille ». Je suis peut-être de la deuxième espèce. 17



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