Choix d'albums de contes illustrés

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Le Chat botté

La Petite Sirène Le Petit Chaperon rouge

un choix d’albums de contes illustrés

Peau d’Ane

Il était une fois...

Blanche-Neige



Bibliothèques municipales Ville de Genève


p. 6

p. 32

p. 46

Peau d’Ane p. 30 Introduction au conte Albums p. 36

Le Chat botté p. 44 Introduction au conte Albums p. 50

Blanche-Neige p. 8 Introduction au conte p. 10 Albums p. 14

Introduction

Introduction éditoriale

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Table des matières


Index p. 128 auteurs, adaptateurs, illustrateurs

Notices biographiques et textes de référence Charles Perrault p.122 Jacob et Wilhelm Grimm p.124 Hans Christian Andersen p.124

Le Petit Chaperon rouge p. 82 Introduction au conte p. 84 Albums p. 94

La Petite Sirène p. 64 Introduction au conte p. 66 Albums p. 70



Introduction éditoriale Il s’agit ici de l’édition cumulative des six fascicules de contes édités entre 2004 et 2009. Auparavant, ces derniers étaient présentés sous forme d’un dépliant jouant plus largement avec les illustrations. Certains fascicules étant épuisés, il est apparu opportun de les rééditer pour les garder en mémoire et les réunir sous une forme nouvelle qui a l’avantage d’offrir une vue d’ensemble. Le choix des textes et des albums reste à l’identique : D’abord une présentation générale du conte choisi qui offre différentes pistes de lecture. Cette introduction est souvent prétexte à développer une réflexion plus globale sur les contes en fonction de leur thématique propre. Puis un choix subjectif d’albums sélectionnés en fonction de qualités formelles qui amènent un regard sensible, original, ludique ou nouveau sur le conte, c’est selon. Il est à noter le grand intérêt que les auteurs et illustrateurs accordent aux contes. Maintes fois ils s’amusent à les interpréter. Et, fait nouveau, ils sont de plus en plus nombreux à s’inspirer de la tradition orale des contes et brouillent allégrement les pistes ! Les cinq contes choisis, à savoir - Blanche-Neige, Peau d’Ane, Le Chat botté, La Petite Sirène et Le Petit Chaperon rouge – suivent l’ordre chronologique de parution des fascicules et permettent de suivre cette évolution. Les titres s’y référant sont classés par âge du lecteur auquel ils s’adressent.

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Les modes passent, le conte demeure Depuis quelques années, on assiste à une nouvelle vague de rééditions de contes, dans des versions revisitées. Venus du fond des âges, les contes - comparés par les frères Grimm à un cristal brisé dont on peut encore ramasser les fragments dispersés dans l’herbe - sont innombrables et universels. « Tous les contes de fées entreprennent de décrire un seul et même facteur psychique, mais un facteur tellement complexe et significatif, si difficile à se représenter sous tous ses différents aspects, que des centaines de contes et des milliers de versions (comparables aux variations d’un thème musical) sont nécessaires pour que ce facteur inconnu pénètre dans la conscience, sans que le thème en soit pour autant épuisé ». Marie-Louise von Franz. L’interprétation des contes de fées. La Fontaine de Pierre, 1987.

Il nous semble important de mettre en avant les albums car, à leur façon, ils contribuent à cette mosaïque qu’est le conte. L’illustration, plus ou moins marginale dans les siècles passés, a gagné de l’importance au fil du temps et contribue au récit, le prolongeant et lui donnant une dimension supplémentaire. Les nouvelles versions de contes peuvent être plus ou moins surprenantes, mais il ne faut pas s’offusquer du fait qu’elles prennent de la distance par rapport aux récits connus, souvent considérés comme classiques.


En effet, comme le suggère justement Bernard Colas, le conte ne doit absolument pas rester prisonnier d’une formulation écrite. Au contraire, on peut le réécrire, le pasticher ou le parodier. Un conte doit continuer sa vie : « Le travail savant – ou littéraire – sur le conte populaire n’est jamais achevé/épuisé. On a donc tout à fait raison de réécrire et de rééditer sans fin des contes nouveaux ou traditionnels ». Bernard Colas. De la réécriture des contes, paru dans Nous voulons lire no 150-151, 2003.

« Le conte est nomade par nature et s’adapte à l’esthétique de ceux qui l’accueillent. Cette plasticité est sa force, la source de son éternelle jeunesse ». Luda Schnitzer. Ce que disent les contes. Sorbier, 1985.

C’est dans ce renouvellement du conte que l’album prend sa place. Nous vous proposons dans cette bibliographie d’albums un choix d’éditions innovantes, soit par le texte soit par l’image.

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Blanche-Neige



Blanche-Neige

Introduction au conte Un conte des frères Grimm « Petit miroir, petit miroir chéri, quelle est la plus belle de tout le pays? » Alors le miroir répondit : « Madame la Reine, vous êtes la plus belle ici, mais Blanche-Neige, au-delà des monts chez les sept nains, est encore mille fois plus jolie ». Cette phrase fait écho et point n’est besoin de résumer le conte, tant celui-ci est connu de tous. Le récit des frères Grimm et, bien plus tard, le dessin animé de Walt Disney ont contribué à sa notoriété. Quelques détails piquants du conte des frères Grimm sont, cependant, moins célèbres. Ainsi, la reine, jalouse, a dû s’y reprendre à trois reprises pour arriver à ses fins et neutraliser sa rivale : une première fois, en cherchant à l’étouffer avec un lacet, une seconde fois en tentant de la tuer avec un peigne empoisonné. La troisième tentative sera apparemment la bonne avec l’aide d’une pomme empoisonnée. Mais si l’issue heureuse de l’histoire, qui s’achève sur le mariage de Blanche-Neige et du prince charmant, a marqué les mémoires, le sort funeste réservé à la reine est ignoré de beaucoup. En effet, la version originale des frères Grimm n’épargne pas la mauvaise marâtre : lors des noces, cette dernière devra chausser des mules de fer chauffées à blanc et danser jusqu’à ce que mort s’ensuive. Bon nombre d’éditeurs ont préféré taire cet épisode cruel.


Les belles-mères des contes se révèlent souvent bien menaçantes et, fait moins connu, parfois aussi les mères. En effet, dans la première édition des frères Grimm de 1812, le danger ne provient pas d’une marâtre, mais bien de la propre mère de Blanche-Neige. Dans la deuxième édition, « les auteurs s’autocensurent : ils font mourir la reine en couches et donnent le mauvais rôle à la marâtre ». Heinrich Dickerdoff. Paru dans le Courrier international no 675, 9-15 oct. 2003.

Ce conte s’ancre fortement dans la tradition folklorique européenne. Mais, comme le relèvent Iona et Peter Opie, dans leur ouvrage « The classic fairy tales », des influences littéraires ont probablement joué un rôle important dans l’élaboration du récit des frères Grimm. Ainsi, dans le « Pentamerone » de Giambattista Basile, écrit vers 1625, le 8ème conte de la deuxième journée, intitulé « La petite esclave », présente plusieurs passages similaires au conte de Blanche-Neige. Lilla met au monde une petite fille du nom de Lisa. Suite à une malédiction et bien malgré elle, la mère empoisonne avec un peigne sa fille, alors âgée de sept ans. Lisa paraît morte. La mère enferme son corps dans sept cercueils de cristal qu’elle dispose dans une pièce close dont elle confiera, plus tard, la clé à son frère. La femme de ce dernier, qui ignore l’identité de la jeune fille, ouvre la porte. Jalouse, elle saisit Lisa par les cheveux et la tire hors des cercueils. Le peigne tombe et Lisa se réveille. Le conte s’achève sur une fin heureuse pour l’héroïne.

p.10


Le conte de Blanche-Neige est au premier regard, l’histoire d’une rivalité entre mère et fille. Mais, comme souvent dans les contes, le thème apparent peut aussi être perçu à plusieurs niveaux. Dans « La petite fille dans la forêt des contes » (chez Laffont, 2002), Pierre Péju nous offre une lecture intéressante et interprète le récit de Blanche-Neige comme une « socialisation » de la jeune fille par sa mère ou sa marâtre, qui la prépare à accepter son destin de femme dans un rôle socialement préétabli. Menacée, Blanche-Neige s’échappe dans la forêt, véritable espace de liberté qui, plus qu’un refuge, est un lieu d’égarement riche d’expériences. Mais voilà, elle y est si bien qu’il faudra que la marâtre vienne la chercher. Finalement, l’héroïne sera « piégée, reprise, réinstallée, en un mot faite reine ». « C’est ici, suggère Pierre Péju, qu’on peut parler de deux sortes de beauté chez les filles : la beauté de la petite fille des bois n’est pas la même que celle qui rend la marâtre jalouse. Il y a une beauté de conformité à la féminité et une beauté d’expression de la liberté. Beauté de princesse ou de reine contre beauté de sauvageonne. Beauté arrêtée contre beauté en mouvement. Ainsi y-a-t-il une beauté propre à l’être-petite-fille, un charme physique réel lié à cette tendance à se soustraire aux façons adultes, masculines ou conventionnelles de voir qui exigent une beauté figée, enfermée dans une vitrine comme Blanche-Neige dans son cercueil ». Contrairement à la petite fille qui ne s’intéresse pas à son apparence, nous dit l’auteur, « la marâtre de Blanche-Neige est obsédée par son miroir, fascinée par le type de beauté que le miroir révèle ou refuse, beauté pour l’homme, beauté qui suppose le désir masculin, et s’épanouit dans le désir d’être désirée ».


Cependant, un jour, ce qu’elle redoutait arrive : sa féminité est remplacée par celle naissante de Blanche-Neige, qui apparaît dès lors dans le miroir à sa place. Ce jeu complexe de reflets, du double qui apparaît comme par magie, va faire le bonheur des illustrateurs.

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L’illustration, innovante elle aussi, transpose le récit dans un univers étonnant, peu fidèle à l’imaginaire du conte. Les personnages sont peu banals, voir fantaisistes : le roi est une sorte de maharadja enturbanné, la méchante reine un personnage de Picasso, Blanche-Neige une fillette à couettes et bottines, habillée années 50-60, le prince un jeune homme de couleur au costard orange. Les illustrations paraissent simples, presque enfantines parfois, et pourtant, elles sont plus complexes qu’il n’y paraît. Schématisation

Adaptation «modernisante», tant pour le texte que pour les images. Le récit, adapté pour les enfants d’aujourd’hui, est extrêmement synthétique. Le ton adopté, moderne et désinvolte, efface un peu la dimension du conte traditionnel qui, avec ses lourdeurs, ses redites, son sérieux et ses illogismes, permettait aux messages sous-jacents de passer. L’adaptation transforme le conte en histoire tout court.

Blanche-Neige D’après un conte de Grimm, adapté par Miquel Desclot ill. par Tom Schamp Epigone, 2000, 22x22 cm (Contes Epigones) Dès 3-4 ans


p.14

Tom Schamp est né en 1970 à Mortsel (Belgique). Il grandit à Bruxelles, où il fait ses études dans le graphisme. Il débute le métier d’illustrateur en 1993 et développe progressivement son propre style, optant pour la gouache acrylique sur carton. Ses illustrations s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Passé maître dans l’art de l’illustration à lectures multiples, Tom Schamp est surtout connu en France, aux Pays-Bas et en Belgique. Outre l’illustration jeunesse, il dessine pour différents magazines ou quotidiens et produit des affiches. La Poste belge a édité deux séries de timbres en 1999 et en 2003 dessinés par Tom Schamp.

du décor et des personnages, couleurs en aplat, cadrages insolites, souvent centrés sur un gros plan, angles de vue étonnants, en plongée…, les images se succèdent et éveillent la curiosité. Un regard attentif y découvrira tout un jeu de détails et de symboles qui multiplie les pistes de lecture. Ces images à lectures multiples se rapprochent de l’esprit des contes : sous la texture d’un texte ou d’un dessin que de messages ! De ce point de vue, une illustration, particulièrement intéressante, est celle de la reine interrogeant son miroir. Les détails des mains et des couettes mettent sur la piste. Qui est qui ? Jeu de reflets, les personnages de la reine et de Blanche-Neige se fondent, se confondent… Bref, beaucoup de plaisir pour cet album où il reste une multitude de détails et de clins d’œil amusants à découvrir.


Il était une fois…les contes de fées. Seuil/Bibliothèque nationale de France, 2001.

« […] Ce livre-objet marque une étape supplémentaire dans l’appropriation par des artistes des contes de fées. […] Véritable provocation pour un objet issu de l’oralité, l’ouvrage ne comporte aucun texte, hormis la légende. […] Une de ses originalités est de proposer une lecture continue, le livre n’ayant qu’une seule page de 4,74 mètres à déplier, ce qui permet d’appréhender toute l’intrigue d’un coup d’œil ».

Escales en littérature jeunesse. La joie par les livres/Cercle de la librairie, 2001.

«Sur une longue bande de papier pliée en accordéon, des taches de couleurs abstraites racontent. Le code annoncé au début permet au lecteur qui connaît déjà l’histoire d’identifier les personnages et de suivre leurs aventures».

Blanche-Neige Warja Lavater Une imagerie d’après le conte de Grimm Maeght, 1974, (dépl.) 16x474 cm Dès 4 ans


p.16

Warja Lavater, née en 1913 à Winterthur, a reçu une formation multiculturelle : enfance en Russie, en Grèce et en Suisse ; études en Suisse, en Suède, en France et en Angleterre, séjour d’une année à New York. Elle se place dans la postérité du Bauhaus et du Constructivisme russe.

Cette version amène l’enfant à voir le récit de façon abstraite, tout détail accrocheur étant absent. C’est une sorte de résumé graphique du conte. L’auteur retient une seule des visites de la reine à la maison des nains : celle de la pomme empoisonnée.


Adaptation réussie avec des raccourcis facilitant la lecture. La mise en page originale, propre à ce nouvel éditeur pour ses titres de contes, se prête à cette simplification, puisqu’elle se présente sous une forme entre l’album et la bande dessinée : sur une page on trouve plusieurs vignettes, chacune ayant un petit texte en dessous. Beau format oblong. Dans l’illustration de Marcelino Truong, les contrastes ombrelumière sont marqués ; les coups de pinceau visibles, épais de matière. Son illustration est parfois très stylisée, et quelques traits de pinceau suffisent à former une image. Cette technique très bien maîtrisée est au service d’une composition très fine. La représentation du conte qui en résulte, est poétique et délicate. Une belle édition.

Blanche-Neige D’après Jacob et Wilhelm Grimm, ill. par Marcelino Truong Tourbillon, 2003, 18x21 cm Dès 4 ans


p.18

Marcelino Truong est né en 1957 à Manille (Philippines) de père vietnamien et de mère bretonne. Il débute le métier d’illustrateur en 1983. Parallèlement à l’illustration de livres pour la jeunesse, domaine dans lequel il produit énormément, Marcelino Truong travaille pour la publicité et pour de grands journaux.

« Le fond préalablement coloré donne la tonalité, l’ambiance de la scène, les couleurs souvent vives et l’épaisseur opaque de la gouache ancrent profondément celle-ci dans la vie ; le réhaussage de jaune ou de blanc, parfois de gris ou de bleu, lui apporte une lumière unique, instantanée. Une illustration de Marcelino Truong est un tableau lumineux avec pour centre l’homme, les hommes en cours de vie. Au bout du compte, la nôtre. Marcelino Truong est un chantre de l’existence humain ». www.humanite.presse.fr


Présentation agréable, dessin doux, passages difficiles supprimés. Il s’agit d’une version très fidèle à l’original, à quelques détails près. Comme dans la plupart des versions reprises par l’édition jeunesse, la reine ne meurt pas de la façon cruelle du conte original ; ici elle meurt sur place prise de frayeur à la vue de Blanche-Neige. L’enfant qui ne lit pas encore peut suivre ou se re-raconter l’histoire tout seul, puisque les images l’illustrent fidèlement. Beaux dessins d’un graphisme assez simple mais avec un cadrage recherché. Parfois l’illustrateur rapproche certaines images de façon à suggérer d’autres lectures possibles du conte. Par exemple à la page 16, la proximité des vignettes n’est pas innocente. Même composition, même alternance des points de vue, les images se reflètent, se font écho : un véritable jeu de miroir.

Blanche-Neige et les sept nains D’après Grimm, ill. d’Hélène Moreau Flammarion, 1999, 18x21 cm (Albums du Père Castor. Secondes lectures) Dès 4-5 ans


p.20

Hélène Moreau est une illustratrice française née en 1970. Elle a fait ses études à l’Ecole supérieure d’Arts graphiques de Paris.

Belles couleurs lumineuses et utilisation d’une technique du pastel qui rend les images très douces. On peut regretter le petit format.


Ici, les images sont assez dépouillées. Fidèle à son style, Eric Battut peint de petits personnages perdus dans des décors immenses et très peu accueillants. La couleur tient dans cet album un rôle très important. Les frères Grimm introduisent d’emblée les couleurs du conte : Blanche-Neige est «aussi blanche que la neige, aussi rouge que le sang, et aussi noire de cheveux que l’ébène». Les auteurs vont jouer sur ces trois couleurs tout au long du récit, la dernière phrase du conte étant spécialement représentative: «Mais déjà on avait fait rougir des mules de fer sur des charbons ardents… alors il lui fallut mettre ces souliers chauffés à blanc et danser jusqu’à ce que mort s’ensuive».

Il est rare que les éditeurs publient des albums de conte en version intégrale. Cette édition est la seule qui reprenne fidèlement tous les épisodes du conte des frères Grimm.

Blancheneige Texte de Jakob et Wilhelm Grimm, ill. d’Eric Battut Didier, 2002, 32 cm Dès 5-6 ans


p.22

www.didierjeunesse.com

Eric Battut, né à Chamalières (France) en 1968, écrit et illustre depuis 1996, essentiellement des albums et des contes. Il a déjà publié une cinquantaine d’ouvrages. Le thème de l’arbre, cher à l’illustrateur, est omniprésent : « L’arbre […] tient une grande place dans mon travail et sert souvent d’élément fondamental de décor ». www.ricochet-jeunes.org Il crée des images intemporelles, sans connotations géographiques précises, et peint « de grands espaces qui s’étendent sur toute la page, de petits personnages, des épaisseurs qui donnent à ses couleurs une profondeur peu commune. […] De vrais tableaux à admirer dans les moindres détails ».

Les illustrations de l’album, à dominante rouge, noire et blanche, font écho au texte. Ainsi, le thème omniprésent du reflet dans les illustrations rappelle cet aspect du conte. En y regardant de près, on trouve dans les images d’Eric Battut des formes ou des détails qui prolongent le texte et ouvrent des pistes de lecture : « ses illustrations donnent de l’espace à l’imaginaire du lecteur ». www.didierjeunesse.com


L’auteur s’adresse visiblement à des lecteurs de notre temps. L’histoire est adaptée. Des passages, jugés aujourd’hui trop choquants ou cruels, ont été supprimés, la fin modifiée. Ainsi, dans cette version, la jalouse reine a préparé une rose empoisonnée à laisser sur l’oreiller de la jeune mariée. Mais, en voyant qu’il s’agit de Blanche-Neige, folle de rage, elle serre la rose dans ses mains et s’empoisonne bien involontairement. Le texte, de qualité, est clair et concis ; parfois étoffé de commentaires sur l’amour unissant les parents de BlancheNeige ou sur la vie quotidienne de la princesse, par exemple. En cela, il s’éloigne du style du conte traditionnel et le récit perd peut-être en puissance narrative.

Seuil/Bibliothèque nationale de France, 2001.

Superbe album reflétant une vision très personnelle du conte : « Un album typique de l’édition récente, livrant le texte dans une version déformée et synthétique, au profit d’une illustration dominante et très construite ». Il était une fois…les contes de fées.

Blanche-Neige Raconté par Josephine Poole, ill. par Angela Barrett Kaléidoscope, 2002, 25x27 cm Dès 6 ans


p.24

« Angela Barrett vit à Londres, où elle expose régulièrement ses œuvres. Elle s’inspire souvent des styles picturaux traditionnels tels que la tapisserie ». www.ricochet-jeunes.org

Il était une fois…les contes de fées. Seuil/Bibliothèque nationale de France, 2001.

« Illustratrice depuis la fin des années 1970, l’Anglaise Angela Barrett (1955-) a notamment illustré des contes d’Andersen […] et des lais de Marie de France. […] Ses illustrations sont souvent inspirées par l’art romantique ».

« Loin de l’atmosphère doucereuse qui règne parfois dans les contes illustrés pour enfants, Angela Barrett nous offre une vision plus sombre du conte, car sa peinture, qui s’inspire des grands maîtres romantiques du XIXème siècle, est empreinte d’une grande gravité : grandes plages de couleur sombre traitées de façon presque impressionniste, paysages de forêts profondes où l’on perçoit la menace. Cette version de Blanche-Neige est véritablement celle d’un peintre, qui parvient à nous donner une autre vision du conte, plus subtile et plus complexe, et pour cela on peut saluer le travail d’Angela Barrett ». www.ricochet-jeunes.org

Cependant, la force évocatrice des illustrations, images puissantes et belles, notamment la mystérieuse forêt, retrouve le souffle ancien du conte et nous replonge dans l’atmosphère romantique de l’époque des frères Grimm.


Dans cette transposition version polar années ’50, le décor et la représentation des personnages changent du tout au tout : la belle-mère est une belle guéparde, le roi un grand tigre, le chasseur un gorille, le majordome est utilisé comme miroir et Blanche-Neige - qui s’appelle ici Lilas - a un petit copain. Le dénouement de l’histoire est tout autre. On retrouve pourtant partout des références au conte des frères Grimm : le petit ami de Lilas s’appelle Leprince, il habite une cabane dans les bois, où Lilas se réfugie pour échapper à sa bellemère. Sur une petite table, on peut voir un peigne et une pomme, et à la fin John Chatterton reçoit de la part du père de Lilas une drôle de statuette… A noter que dans la version du conte de Giambattista Basile, la mère et la fille s’appellent respectivement Lilla et Lisa.

Lilas : une enquête de John Chatterton Par Yvan Pommaux Ecole des loisirs, 1995, 22x30 cm Dès 6 ans


p.26

Seuil/Bibliothèque nationale de France, 2001.

Yvan Pommaux est un illustrateur français, né en 1946. « Il commence à écrire et illustrer des livres pour la jeunesse en 1972 : albums, romans, bandes dessinées. Adepte d’une ligne claire, ronde et épurée, il réinterprète les contes de fées à la lumière du roman policier dans trois albums presque sans texte : « John Chatterton détective » (1993), variation sur Le Petit Chaperon rouge ; « Lilas » (1995), d’après BlancheNeige ; et enfin « Le Grand Sommeil », d’après La Belle au Bois dormant. Le personnage du chat noir narrateur, décalque de Marlowe, Spade ou Bogart, enquête sur de troublants faits divers, transposition en même temps libre et fidèle des schémas psychanalytiques des contes ». Il était une fois…les contes de fées.


dans Paroles, hiver 2001, no 50.

Il s’agit de «l’après-Blanche-Neige». Que deviennent les nains? C’est Stéphane, le plus jeune d’entre eux, qui raconte. Invités au mariage du prince et de Blanche-Neige, ils sont priés de rester à la Cour. Au début, ils ont beaucoup de succès, mais…? Accepteront-ils la proposition du roi? Pendant son récit, Stéphane reprend le conte des frères Grimm; cependant cette fois, il est raconté du point de vue des nains. Ces petits personnages perdent ici leur statut d’êtres féeriques et deviennent des personnages plus réels. « […] Ces petits êtres mâles, vieux et sans âge à la fois, doivent s’ennuyer de leur idole féminine; et, si nous nous mettons à leur place, […] nous devons nous rendre à l’évidence : cette relation de tendre compagnonnage n’aurait dû, en fait, jamais s’interrompre, ni à cause d’un mariage, aussi princier soit-il, ni par la mort ! ». Ulrike Blatter. As-tu lu ? Contes détournés, paru

Etienne Delessert Gallimard, 2000, 29 cm Dès 8 ans

duc de la forêt en l’automne 1613

Les sept nains raconté à Etienne Delessert par Stéphane,


p.28

« Etienne Delessert a certainement été l’un des illustrateurs qui a le plus profondément renouvelé l’esthétique graphique de l’édition pour enfants. […] La palette si personnelle d’Etienne Delessert et ses inventions d’un symbolisme jubilatoire […] sont constamment point de référence dans l’histoire contemporaine de l’illustration mondiale ». www.ricochet-jeunes.org

no 11, Bibliothèques Municipales de la Ville de Genève.

Etienne Delessert est un auteur-illustrateur suisse, né à Lausanne en 1941. « [Il] vit depuis 1985 aux Etats-Unis, dans le Connecticut, avec sa femme, directrice artistique d’une maison d’édition, et leur fils. Connu dans le monde entier, il a grandement contribué au renouvellement du livre pour la jeunesse et a reçu de nombreux prix […] ». Auteurs et illustrateurs en Suisse. Livre à toi

« La langue raffinée, les cadrages originaux et les couleurs somptueuses de certaines scènes […] créent une distance intéressante avec un épisode cocasse, parfois sentimental, le sauvant ainsi du danger de la mièvrerie ». Idem


Peau d’Ane



Peau d’Ane

Introduction au conte Rendu célèbre par le conte de Charles Perrault, Peau d’Ane se retrouve dans la tradition orale sous les noms de Pé d’Ane, Peau d’Anon, Peau d’Anesse, Peau-de-Mille –bêtes, Toutes-Fourrures… les sobriquets sont multiples. Des premiers témoignages écrits du récit, Giambattista Basile nous fait parvenir une version de ce conte sous le titre de « L’ourse » dans son « Pentamerone » rédigé vers 1625. Charles Perrault, quant à lui, présente en 1694 une version en vers. Plus tard, de nombreux éditeurs ont transcrit son conte en prose. A ce récit fait écho, au début du XIXe siècle, une version des frères Grimm qui s’intitule « Mille Fourrures » ou « Peaude-Mille-Bêtes». On trouve aussi chez ces derniers une variante masculine du conte, sans le thème de l’inceste : « L’homme à la peau d’ours ». Fait rare, Peau d’Ane traite de l’inceste ; un thème délicat qui ne se retrouve pas toujours de façon aussi explicite dans les récits de la tradition orale qui jouent de métaphores telles que revêtir robes et bijoux de la mère ou aimer le père comme le sel, alors que la jeune fille est encore « à graine »… Chez Perrault, nul doute cependant, l’héroïne doit bien déjouer l’amour incestueux du père. En effet, une reine sur le point de mourir avait fait promettre à son mari de n’épouser que plus belle qu’elle. Or, seule sa propre fille peut se prévaloir d’une telle beauté.


La princesse, conseillée par sa fée marraine, croit éviter le mariage avec son père en lui demandant l’impossible : trois robes, l’une couleur du temps, l’autre couleur de lune et la dernière couleur de soleil. Le roi réussit à accéder à ses souhaits. En dernier recours, elle exige qu’il sacrifie son âne magique, celui-là même qui chaque matin lui fournit des écus d’or. Contre toute attente, sa demande est exaucée. Alors, enveloppée de la peau de l’âne, la jeune fille s’enfuit et se cache dans une ferme qui l’emploie comme souillon. Un jeune prince l’y découvre et l’épouse à la fin du conte. Chez les frères Grimm, ni âne, ni fée marraine, mais l’histoire est quasiment similaire : même amour incestueux, même dissimulation sous une peau de bête et reconnaissance finale. Et le récit s’achève, de même, par un beau mariage... Par ailleurs, les contes de Peau d’Ane et de Cendrillon sont très proches et s’entremêlent dans la tradition orale. Les héroïnes sont, toutes deux, confrontées à un personnage abusif : le père incestueux pour l’une, la belle-mère pour l’autre. Toutes deux se présentent sous deux faces : la souillon humiliée ou la belle inconnue rayonnante de beauté. Et ces princesses seront reconnues, identifiées, grâce à un indice, un anneau pour l’une, une chaussure pour l’autre. « C’est bien lui, c’est bien elle » Cette phrase énoncée par François Flahaut nous donne ainsi une des clés de lecture de ces deux histoires : la reconnaissance, au-delà des apparences, de la véritable identité de l’autre, car l’amour exige du discernement.

p.32


« Peau-d’Ane et Cendrillon – suggère donc F. Flahaut – ne sont pas passivement élues par un prince charmant comme le voudrait un stéréotype familier. Car, si le prince teste leur identité, elles de leur côté, l’ont d’abord placé en position de leur donner la preuve de son discernement. » Francois Flahaut. L’interprétation des contes. Denoël, 1988.

Peau d’Ane ou « Mille fourrures » sont, toutefois, d’une nature plus aventureuse que Cendrillon, reléguée près des cendres de l’âtre. Et ces dernières - avant d’en repasser elles aussi par l’univers des cuisines - vont d’abord s’émanciper et s’aventurer hors de leur univers familier. En cela, les deux héroïnes se rapprochent de la figure indépendante de Blanche Neige, la petite fille aventureuse de la forêt des contes. En effet, menacées par le désir du père et pour échapper à l’inceste, elles aussi vont prendre l’initiative de la fuite et de l’enfoncement dans la sauvagerie sous leur peau de bête…véritable apprentissage de l’animalité féminine. Exclues, elles vont désormais mener une existence en rupture avec la société et ses normes, relève Pierre Péju qui constate cependant que les jeunes filles en fuite finissent toujours par épouser un prince ou un roi à la fin du conte… Les sauvageonnes sont donc finalement remises dans le droit chemin, « réinstallées » dans un rôle d’épouse et de mère. Voilà un point de vue fort intéressant qui révèle bien la nature ambiguë et contradictoire de « l’être jeune fille » !


Et Pierre Péju de conclure judicieusement : « Tout est question de lecture et d’écoute : on peut n’y voir que la confirmation ou l’imposition d’un ordre patriarcal et phallocratique (oedipien) qui conduit le féminin vers son statut de dépendance par rapport au masculin ; on peut y lire aussi les tentatives du désir de s’immerger dans d’autres façons de se réaliser (plus marginales, inhumaines ou « perverses ») » Pierre Péju. La jeune fille merveilleuse paru dans la Revue du Grape n°82. 2010, Les princes, les princesses et le sexe des anges.

p.34


« La princesse-enfant semble ici un jouet, à la merci d’un père vieilli et presque ogre, cerné par des conseillers. Le décor stylisé et épuré concentre l’attention du lecteur sur les rapports de force et de désirs des personnages ». www.expositions.bnf.fr

L’illustratrice a pris le parti de mettre en avant l’abus du père sur sa fille en jouant avec la taille des personnages. La princesse est minuscule face à son père ; la différence flagrante de taille entre le père et sa fille accentue l’inégalité de leurs rapports. Dans cet album, la princesse est une enfant face à un adulte ; non seulement la taille des personnages est disproportionnée mais aussi la taille des robes et celle de nombreux objets.

Ce magnifique album reprend la version des frères Grimm.

Mille fourrures Les Frères Grimm, ill. par Henriette Sauvant Nord-Sud, 1997, 30 cm Dès 6 ans


p.36

Henriette Sauvant est née à Bonn en 1967 et elle a étudié à la Fachhochschule für Gestaltung de Hambourg. Elle travaille depuis 1993 dans le domaine de l’illustration jeunesse, mais aussi pour des journaux et pour la publicité. Elle enseigne actuellement le design à Münster et Hambourg.

Les illustrations sont en double page, dans un style très épuré. Les formes sont duveteuses, les contours des objets et des personnages ne sont pas définis de manière précise. On a ainsi une impression de flou.


Ce splendide album place l’histoire de Peau d’Ane dans un Orient féerique. Les illustrations sont très raffinées. Les paysages, comme la majorité des dessins, sont en double page, ce qui leur permet de prendre toute leur ampleur. L’auteur joue avec les matières et les différents papiers, ce qui donne une édition luxueuse du conte. Les différentes robes, qui représentent un défi pour les illustrateurs, sont vraiment éblouissantes. La robe couleur soleil en est un magnifique exemple, on dirait l’astre lui-même. Les personnages tout autour ajoutent une impression de grandeur. Sur cette image comme sur beaucoup d’autres, on peut voir l’ombre d’une gargouille-diable, symbole du désir incestueux du père, dont l’ombre menace la princesse. Les ombres sont très importantes dans cet album, on y lit souvent une menace pour la pauvre Peau d’Ane. On peut aussi voir dans l’ombre du prince, désespéré de ne pas retrouver la jeune fille, des oreilles d’âne !

Peau d’Ane D’après Charles Perrault, ill. d’Anne Romby Milan, 2002, 33 cm Dès 6 ans


p.38

Anne Romby est née à Saint-Quentin, dans l’Aisne. Après avoir étudié aux Beaux-Arts de Reims et aux Arts-Décoratifs de Strasbourg, elle a obtenu son diplôme de gravure et d’illustration. Elle a travaillé avec des enfants sur plusieurs réalisations plastiques. Ses illustrations sont publiées en France ainsi qu’au Japon.

Les couleurs que l’on découvre tout au long des pages de ce livre sont pleines de contraste : du doré, accompagné de violet très foncé, du rouge sang mêlé au vert bouteille, du bleu canard. On trouve aussi des effets de transparence, pour les ailes de la fée, pour certaines parties des robes. Le texte se fond dans les dessins, il semble s’adapter aux formes, on le retrouve dans une fenêtre, dans un lac. Cet album d’une beauté à couper le souffle, illustre à la perfection l’univers magique de ce conte.


Les illustrations, en pleine page, permettent de s’imprégner de l’atmosphère du conte et de suivre sa progression dramatique. La féerie du texte est merveilleusement rendue par la mise en image. Le cadrage des illustrations est particulièrement intéressant, aucun personnage n’est mis en avant, le personnage principal se trouve même souvent de dos ou en travers de l’image. Les illustrations en pleine page sont complétées par un petit dessin sur la page contenant le texte, soulignant ainsi le propos.

Cet album se déroule comme une galerie de tableaux. Les dessins de Sibylle Delacroix se confondent avec des peintures brossées à grands traits.

Peau d’Ane Un conte de Charles Perrault, raconté par Gérard Moncomble ill. par Sibylle Delacroix Casterman, 2001, 31 cm (Les albums Duculot) Dès 8 ans


p.40

Sibylle Delacroix est née en 1974 en Belgique. Elle a étudié à l’Ecole de Recherche graphique de Bruxelles. Elle est infographiste.

Le texte de cet album peut paraître difficile d’accès pour les petits, en revanche, pour les parents c’est un réel bonheur. La langue est belle, pleine de poésie. On est totalement pris par le déroulement de l’histoire. Gérard Moncomble fait encore la démonstration de son immense talent de raconteur d’histoire.


Ce récit est en vers et son narrateur, un chandelier, est censé nous éclairer dans cet univers sombre, lourd de symboles, et surtout très déroutant. L’histoire s’arrête lorsque le prince souffle la flamme. Les rimes donnent au texte un rythme particulier, il est en plus entrecoupé de petites comptines dites par les personnages. On y trouve même des pointes d’humour qui sont appuyées par les sonorités des rimes.

Le duo Ikhlef-Gauthier nous a déjà fait partager sa vision du conte du «Petit Chaperon rouge», dans un album paru en 1998. Avec Peau d’Ane il nous offre une œuvre d’inspiration surréaliste. Il s’agit ici d’un album qui interprète le conte, tout en restant fidèle à l’esprit original du texte.

Ma Peau d’Ane Anne Ikhlef, Alain Gauthier Seuil, 2002, 34 cm Album à l’interprétation complexe qui s’adresse à l’évidence à un public adolescent


p.42

« Alain Gauthier est né en 1931 à Paris. Il étudie l’affiche dans l’atelier du célèbre affichiste Paul Colin, puis réalise plusieurs centaines d’affiches, avant de se tourner vers l’illustration. Il a travaillé dans la publicité, le dessin de presse, la peinture, il a été distingué par plusieurs jurys internationaux... On reconnaît les images d’Alain Gauthier à ses personnages de «craie», évoluant dans une atmosphère onirique de subtile coloration. Il pratique dans son dessin une fausse naïveté à la limite de l’hyper sophistication ». www.ricochet-jeunes.org

« …Le style d’Alain Gauthier, reconnaissable entre tous, sur deux grandes pages, s’affirme ici avec talent, entre rêve et réalité, entre anachronisme et surréalisme. Le conte célèbre y prend une nouvelle dimension, servi ici par une écriture poétique sensible et fidèle... On pourrait regretter un certain ésotérisme, peu accessible aux jeunes lecteurs. On se consolera avec ce symbolisme partout présent, qui donne au conte une autre façon d’aborder le merveilleux ». www.ricochet-jeunes.org


Le Chat bottĂŠ



Le Chat botté

Introduction au conte De nos jours, qui ne connaît pas le Chat botté ? Vous savez, ce chat malicieux, chaussé de bottes, comme un homme, et qui possède plus d’un tour dans son sac. Ce fieffé coquin est un beau parleur, drôle, à l’esprit vif. Il est plus malin que son maître et lui assure sa fortune grâce à des ruses et des mensonges éhontés. Son maître, devenu le riche marquis de Carabas, ne regrettera jamais la confiance accordée à ce chat reçu en héritage et qui se révélera finalement fort précieux. C’est en fait lui, la véritable vedette du conte. Connu surtout par la version de Charles Perrault, parue en 1697 dans son recueil des « Contes de ma mère l’Oye ou contes du temps passé avec des moralitez », ce Maître Chat devient une figure très populaire et nombreux sont les illustrateurs qui vont imaginer et croquer avec humour le personnage, à l’instar de Gustave Doré et son chat majestueux. Les contes se font souvent écho, et le thème de l’animal qui fait la fortune de son maître se retrouve dans la tradition orale des folklores de plusieurs pays, avec de nombreuses variantes bien sûr. Ainsi, dans un conte hongrois, un renard favorise le mariage d’un meunier et d’une princesse. Dans une version kabyle, c’est un singe, cette fois, qui aide un pêcheur à se faire passer pour un sultan. Dans un conte grec, c’est un lévrier qui est mis en scène. Le thème semble donc universel.


Toutefois, c’est en Italie que l’on retrouve les premières versions écrites de ce conte. En 1553, Straparola publie, dans un recueil, le conte «La chatte blanche ou Constantin le fortuné ». Puis, Basile, en 1636, raconte dans son « Pentamerone » l’histoire de Gagliuso qui doit aussi sa bonne fortune à un chat. Ainsi, Charles Perrault devait certainement bien connaître, outre la tradition orale, ces deux récits, quand il a créé son célèbre chat, chaussé de bottes - détail qu’il est le seul à dépeindre. Denise Escarpit, qui a écrit une thèse très fouillée sur le sujet, rapproche ces trois contes, comparant les textes, ligne par ligne, et confirme le lien étroit qui unit ces récits. La différence notoire se trouve à la fin du conte. Dans les deux premières versions, point d’ogre. Les deux héros se débrouillent chacun à leur façon pour trouver un château où habiter avec leur belle princesse. « Mais ce qui apparaît important - soulignet-elle - c’est chez Perrault une volonté déterminée d’un récit clair, direct, sans détours. Il n’a en effet repris que les épisodes qui contribuent à l’élaboration du récit en éliminant tout ce qui n’est pas directement nécessaire à son déroulement ». Denise Escarpit. Histoire d’un conte, le Chat Botté en France et en Angleterre. Didier-Erudition, 1985.

Dorénavant, le conte de Perrault s’imposera, remarque Jean Claverie : « Après 1697, dit-il, toutes les versions du Chat Botté prendront plus ou moins celle de Perrault pour référence, et les Frères Grimm, après l’avoir fait figurer dans la première édition en 1812 des « Contes pour les enfants et les parents », le suppriment en 1819, le jugeant sans doute trop français ». Préface de l’album : Charles Perrault, ill. de Jean Claverie. Le Chat Botté. Nord-Sud, 1982.

p.46


L’interprétation du conte permet de multiples pistes de lecture. Avec beaucoup de talent, Perrault fait jouer à son chat le rôle d’un homme. Et l’acteur se révèle doué : quelle verve, quel humour et quelle allure il a avec ses bottes ! Certes, des animaux aux comportements humains, il est sans doute le plus célèbre, le plus affirmé, le plus crédible de tous. En cela, c’est un personnage merveilleux et sa seule présence ajoute quelque chose de fantastique, de surnaturel au récit. Le matou n’a pas besoin de magie, comme tant d’autres, pour vaincre les obstacles, son astuce suffit. Et au final, petit clin d’oeil à sa nature animale, il ne fera qu’une bouchée de l’ogre prétentieux, métamorphosé en souris. Un chat reste un chat, parfois ! Par ses fourberies et son ingéniosité, notre coquin de matou se rapproche du renard, cet expert en ruse, dont la réputation n’est plus à faire. Mais, comme le dit justement René-Lucien Rousseau : « Le Chat botté n’est pas comparable aux animaux des fables : masques, mannequins et marionnettes ; il est la projection de son maître et, en conséquence, un être bien vivant. Mieux qu’une fable, il donne à penser sur la relativité des choses humaines, sur les méprises auxquelles donne lieu le monde des apparences et la facilité avec laquelle on peut faire prendre aux gens - fût-ce à des rois - des vessies pour des lanternes ». René-Lucien Rousseau. L’envers des contes. Dangles, 1988.

On a souvent reproché à ce récit une morale ambiguë, laissant entendre que l’escroquerie paie plus sûrement que le labeur et le talent. Or, beaucoup réfutent cette idée, affirmant que les contes n’imposent aucune morale. Ainsi dans son ouvrage sur la psychanlayse des contes de fées, Bruno Bettelheim suggère que


le Chat botté, qui triche pour assurer le triomphe du héros, ne propose pas un choix entre le bien et le mal, mais fait croire à l’enfant que les plus faibles peuvent réussir. Riche d’enseignements, le récit nourrit aussi notre imaginaire et permet de rêver. On est là dans la vaste nébuleuse du conte et du merveilleux. Or, les deux moralités, que Charles Perrault ajoute à la suite de l’histoire, ancrent le conte dans la réalité et procurent une lecture particulière, plus réduite, qui ne tient pas compte de l’élément surnaturel. La première leçon, qui est plus un conseil qu’un constat, vante l’esprit d’entreprise et le savoir-faire ; la deuxième souligne l’importance de l’apparence et de l’habit. Ce faisant, Perrault s’inscrit dans la philosophie bourgeoise de son époque et ramène le conte à des valeurs plus morales illustrant une sagesse, somme toute, assez banale. Bien sûr, des pistes nouvelles de réflexion peuvent s’ouvrir. Ainsi, le conte possède une dimension politique. La société ne semble plus immuable et une première mise en cause de l’ordre établi s’amorce peut-être sous la plume de Perrault. Mais le conte reste, cependant, plus profond, comme le rappelle judicieusement René-Lucien Rousseau : « Cet animal est son porte-bonheur, sa mascotte. Ainsi considéré, le conte n’a de sens que sur un plan surnaturel, il postule la part d’irrationnel que comporte toute existence. On méconnaît ses vraies dimensions en le ravalant à la philosophie utilitaire de la fable ». René-Lucien Rousseau. L’envers des contes. Dangles, 1988.

Dans les albums de cette bibliographie, notre vedette mascotte est dépeinte sous toutes les coutures... chaque illustrateur interprétant l’histoire à sa manière, avec beaucoup de fantaisie et de créativité.

p.48


Texte original de Perrault, sans moralités. Le dessin est très classique, la technique, probablement du crayon de couleur, crée des images très douces, aux tons pastel. La structure de la composition est extrêmement géométrique. Les cadrages et les perspectives - des plongées et des contre plongées - sont par contre étonnants, et contrastent avec le sérieux de l’image classique, en suggérant une vision ironique et burlesque qui correspond bien au conte du Chat botté.

Le Chat botté Texte de Charles Perrault, ill. par Fred Marcellino Gallimard, 1991, 29 cm Dès 4 ans


p.50

Fred Marcellino (1939-2001). « La formation d’illustrateur et de graphiste de ce grand artiste américain ( …) se déroule à New York et à Venise. Fred Marcellino se fait d’abord connaître par ses affiches, ses couvertures de magazines et ses pochettes de disques. De là, il passe tout naturellement aux couvertures de livres. (…) Le Chat botté de Charles Perrault est son premier album illustré tout en couleurs ; il constitua un véritable événement dans le monde du livre de jeunesse ». Tiré de l’album.


Le récit présenté ici est le texte original de Perrault, y compris les moralités. Cependant, pour des questions de commodité de lecture, certains passages ont été supprimés. Ils sont signalés par la graphie (…). Certains mots difficiles sont expliqués en pied de page. Une page de texte fait face à une illustration pleine page. Du côté texte, on trouve un petit dessin au trait noir, à la plume. L’illustration pleine page, en couleurs, est à la gouache ou à l’aquarelle. La technique est austère et classique, mais pas les traits. Les yeux du chat, les nez des personnages et le dessin plein d’humour en font une version rigolote. Voilà un petit Chat botté charmant. Beau format oblong.

Le Chat botté Texte de Charles Perrault, ill. par Jean-Marc Rochette Casterman, 2002, 26x22 cm Dès 4-5 ans


p.52

Jean-Marc Rochette (1956-) est un peintre et illustrateur français issu de la bande dessinée. Il a illustré de nombreux albums.


Le texte de Perrault est légèrement adapté pour le jeune public. Version sans les moralités de Perrault. Le seul et unique et véritable protagoniste ici, c’est le chat. Le marquis de Carabas est à peine visible sur une ou deux pages, et à la fête finale du conte, qui est assis à la table du banquet ? Qui danse au son de la musique ? Des chats ! L’illustrateur met d’ailleurs directement en avant les efforts et les mérites du chat, en nous livrant, sur des doubles pages et avec beaucoup d’humour, l’envers du décor : le chat qui apprend à mettre des bottes et à marcher avec, le chat qui veut séduire l’ogre… La légèreté et la souplesse du trait, proche de l’esquisse, renforcent la fantaisie du dessin. Il s’agit très probablement de lithographies, en noir, jaune, rouge et azur.

Le Chat botté D’après Charles Perrault, ill. et commenté par Hans Fischer, texte adapté par Géraldine Elchner Nord-Sud, 1996, 28 cm Dès 5 ans


p.54

Hans Fischer (1909-1958), est un illustrateur suisse. Il fréquente les écoles d’arts appliqués à Genève et à Zurich. Dessinateur publicitaire à Paris de 1931 à 1932, Fischer fréquente l’académie Fernand Léger. Entre 1932 et 1941 il est tour à tour créateur de dessins animés à Berne, décorateur de vitrines et graphiste pour différents journaux. Dès 1944, l’illustration de livres devient son activité principale. « Ses dessins pleins d’humour, à la ligne tourbillonnante, évoluant vers une abstraction croissante, évoquent un monde de contes de fées, comique et grotesque, presque surréaliste ». www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F22293.php

littérature Jeunesse. La joie par les livres/Cercle de la librairie, 2001.

« Un véritable événement que le retour de ce Chat botté publié pour la première fois par André Delpire en 1958. Hans Fischer, plein de malice illustre et commente Perrault de telle manière que petits et grands y trouveront leur compte ». Escales en


Extrêmement ludique et pleine d’humour, cette version va surprendre plus d’un lecteur et ne manquera pas de marquer les enfants. « Est-il possible que le Chat botté soit un VRAI chat ? Que son maître, le marquis de Carabas, soit un VRAI enfant… Que l’ogre, son château, le lion, la souris, la princesse soient VRAIS eux aussi ? » questionne le texte au dos du livre. Oui, tout semble possible dans cette véritable mise en scène du conte. En effet, en sélectionnant des fragments de photos, en les assemblant de manière insolite, les auteurs composent… et se jouent des époques et des réalités. Et la magie opère et donne naissance à un chat aussi fantastique que réel.

Il s’agit d’une adaptation du conte de Charles Perrault, mais le texte en est très librement inspiré. De même, les illustrations et la mise en page sont fort originales.

Le Chat botté Yao Textes extraits des contes de Charles Perrault, Frank Horvat et Véronique Aubry Gautier-Languereau, 1992, 28 cm Dès 5 ans Titre épuisé, déposé à la Réserve (Consultatif).


p.56

Frank Horvat est photographe de mode, de paysages et de reportages.

A cette fantaisie de l’image fait écho le ton donné au texte même. Les auteurs continuent à s’amuser et jouent non seulement sur les mots, mais aussi sur leur graphisme. Les lettres ne sont pas toujours alignées sur la gauche en lignes horizontales. Elles sont disposées parfois dans tous les sens. Les caractères ont des tailles variables, tantôt énormes, tantôt minuscules et le jeu continue sans fin.


Il s’agit du conte original de Perrault, avec les moralités. Ce récit demeure comme toujours intemporel, plein d’humour, indémodable. Les petits malicieux, qui roulent plus puissant qu’eux, séduisent encore… Toutefois, dans cette édition, le contraste est particulièrement marqué entre le texte d’autrefois, au vocabulaire parfois désuet, et l’illustration, radicalement novatrice qui renouvelle le conte. En effet, le dessin est résolument moderne. Les images drôles, naïves et enfantines, sont pleines de références à notre monde actuel – une cuisinière, un caddy, une moulinette ou une voiture à moteur en attestent. Elles évoquent un monde à la fois contemporain et imaginaire, complètement fantaisiste. Un style simple, aux traits anguleux comme mal assurés, un dessin surréaliste – un chat devient une casserole, la barbe du roi un escalier – tout dans l’image induit la réflexion, montre parfois le dessous des choses ; les coulisses ou l’envers du décor.

Le Maître Chat ou Le Chat botté Texte de Charles Perrault, ill. par Anne Herbauts Milan, 2002, 18 cm (Milan poche cadet ; 65. Aventure) Dès 5-6 ans


p.58

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Anne Herbauts, née en 1975, est de nationalité belge. « Lauréate de plusieurs prix en Belgique, elle a reçu une mention à Bologne en 1999. Elle anime également des stages et des cours en illustration et en bande dessinée ».

De ce point de vue, l’image de l’ogre, avec les masques de ses anciennes métamorphoses à l’arrière-plan, est fort intéressante. Côté technique, l’illustratrice mélange crayons de couleur, pastel de cire et aquarelle. Les couleurs sont douces. On peut regretter que le petit format de l’album ne fasse pas entièrement honneur à cette belle interprétation.


Il s’agit de peintures (mélange de techniques) sur toile. La trace du pinceau est visible, le support apparent, la couleur insolite comme souvent dans les albums d’Eric Battut. « J’aime aussi changer la couleur des choses : un ciel vert, de l’herbe rouge, un soleil blanc : une image multicolore…» confiet-il, en effet. Ainsi, l’image coloriée enrichit l’imaginaire du lecteur et peut surprendre, comme ici, où la dominance du rouge - mais un rouge sombre, intense - ajoute une dimension dramatique à un récit qui pouvait sembler, de prime abord, léger et drôle. Or, les couleurs, presque toujours obscurcies par du noir et souvent dissonantes, ainsi que les taches sombres et verticales des cyprès omniprésents, donnent une ambiance tendue, désagréable et inquiétante.

Texte original, moralités y compris. L’illustration, par contre, nous dévoile un chat botté bien surprenant. Sur la page de gauche : cartouche avec petite illustration en haut de la page et texte en bas. Sur la page de droite : image pleine page.

Le Maître Chat ou Le Chat botté Un conte de Charles Perrault, ill. par Eric Battut Bilboquet, 2001, 33 cm Dès 6 ans


p.60

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Eric Battut, illustrateur français né en 1968, a toujours aimé dessiner. « Il écrit et illustre depuis 1996, essentiellement des albums et des contes. Son œuvre s’impose de plus en plus dans le mouvement d’illustration contemporain et il apparaît comme un illustrateur de talent, novateur et audacieux ».

Le personnage du chat, de couleur turquoise - une couleur froide - et aux étranges yeux rouges, n’inspire pas la sympathie : plus que simplement rusé, il est inquiétant, ambigu. Des détails dans l’illustration suggèrent sa folie des grandeurs et son insolence. Il se croit tout permis, promène un chien en laisse, se repose sur la traîne de la princesse, se fait les ongles sur la nappe de l’ogre. Il se verrait bien une couronne sur la tête. Eric Battut désigne le chat comme le véritable maître du jeu : c’est lui qui distribue les cartes. Ce faisant, il s’amuse à illustrer au pied de la lettre un jeu de mot étonnant. Avoir la baraka, c’est à dire de la chance ; tenter sa chance au Baccara, un jeu de cartes : le nom de notre chanceux Marquis de Carabas semble judicieux. Et notre fameux Chat botté, figuré la plume à la main rédigeant le testament, se révèle bien être l’instigateur de cette bonne fortune. La dernière image nous le confirme : mais oui, il a tout organisé dès le début !


Texte original de Perrault, conforme à l’édition de 1697. L’illustration du conte est fort intéressante car elle ne reprend pas le texte mais le prolonge, en y ajoutant une autre dimension. Loin de la légèreté du conte de Perrault, l’artiste évoque un monde inquiétant, énigmatique, où les images, le plus souvent étranges, offrent différents niveaux de lecture et amènent une dimension onirique au récit. La technique utilisée contribue à renforcer cette ambiance. L’image oppose un fond sombre, et des figures aux contours à peine différenciés, à quelques touches de couleur vive qui s’en détachent pour souligner certains détails. L’artiste tire parti des différentes textures de la couleur. Le dessin est dans un style sombre et très graphique, assez typique des pays de l’Europe de l’Est.

Le Chat botté Un conte de Charles Perrault, dessins de Stasys Eidrigevicius Nord-Sud, 1990, 30 cm Dès 6-7 ans


p.62

Stasys Eidrigevicius est né en 1949 à Vilnius en Lithuanie. Il vit actuellement en Pologne, à Varsovie. « Son travail est multiforme. Peintre, et graveur, il est très connu pour ses affiches et posters, ainsi que pour ses ex-libris. Il connaît un remarquable succès dans tous les genres d’art. En 1977, il illustre son premier livre pour enfants. Il en réalisera ensuite plus de trente ». www.ricochet-jeunes.org

Escales en littérature Jeunesse. La joie par les livres/Cercle de la librairie, 2001.

« Le texte remarquablement bien mis en pages est illustré de manière étonnante. Les images nocturnes, grinçantes, mystérieuses donnent à cette histoire archiconnue une résonance étrange et fantastique. Un très beau livre ».


La Petite Sirène



La petite Sirène

Introduction au conte Un conte de Hans Christian Andersen Edité pour la première fois en 1835, ce célèbre conte de Hans Christian Andersen est fort émouvant: « c’est le seul de mes travaux qui m’ait ému moi-même tandis que je l’écrivais » confie-t-il. Et l’écrivain talentueux va mettre beaucoup de luimême dans cette belle histoire dépeignant une douce sirène peu conforme à la tradition. Certes, il n’invente pas totalement le personnage. Il s’inspire vraisemblablement de contes populaires, notamment « Le Chevalier Vert-Chapeau » qui raconte déjà l’amour malheureux d’une sirène pour le jeune homme qu’elle a sauvé des eaux. Une autre source est très certainement la nouvelle « Ondine » de l’écrivain allemand Friedrich de La Motte-Fouqué dans laquelle l’héroïne cherche elle aussi à obtenir une âme immortelle grâce à l’amour d’un humain. Fort de ces influences comme point de départ, Andersen va composer à partir de sa propre imagination un texte original, d’une grande force poétique qui nous entraîne dans un univers merveilleux. Et ce récit est à la fois un conte et un texte d’auteur. Cette nouvelle Petite Sirène qui apparaît dès lors, s’éloigne des sirènes ou autres ondines qui l’ont précédée et qui ont fini par se confondre dans l’imaginaire collectif. Image même de la séductrice, la sirène est d’abord connue dans l’Odyssée d’Homère comme un oiseau à tête de femme qui attire par


son chant les marins pour les tuer. Au Moyen-Age, elle va échanger ses plumes contre une queue de poisson et devient le symbole du péché par son corps séduisant. Une autre femme séductrice à queue de poisson est l’ondine, une déesse des eaux dans la mythologie nordique. Ces séduisantes et dangereuses figures marines se plaisaient bien dans la mer ; cette mer profonde et mystérieuse, peuplée d’êtres étranges, qui est devenue le symbole féminin par excellence. Et ces femmes qui attirent les hommes tout en les inquiétant... Jean Markale suggère que cette attitude ambivalente des hommes envers les femmes révèle une hantise ancestrale inconsciente qui fait de la femme un être mystérieux, dangereux. « Cette attitude humaine, telle qu’elle transparaît dans les textes traditionnels, qu’ils soient écrits depuis des siècles, qu’ils soient chantés par le peuple, cette attitude ambivalente à l’égard de la femme est cause de la richesse des légendes concernant les sirènes, les fées, les enchanteresses ». Jean Markale. La femme celte. Payot-Rivage, 2001. Dorénavant avec Andersen, la figure de la sirène ou de l’ondine change, comme le relève Catherine Sevestre : « Comme ils sont nombreux, les contes où une ondine attire au bord de l’eau un jeune homme fasciné par son chant et les profondeurs cristallines de son royaume ! Puis la sirène entraîne le malheureux au fond de l’eau... Avec sa petite sirène silencieuse et mélancolique, rêvant d’abord de la grande ville des hommes, puis se sacrifiant par amour, Andersen inverse le mythe. Et avec quel génie, quel talent ! ». Catherine Sevestre. Le roman des contes. Cedis, 2001.

p.66


En effet, l’héroïne est devenue sous la plume du conteur une figure romantique fort émouvante dans sa double quête de l’amour et de la vie éternelle : « Figure touchante, désespérée, la sirène d’Andersen est victime et non tentatrice. Elle ne séduit pas mais est séduite ; elle ne tue pas mais est tuée. Ce n’est plus le désir des hommes qui conduit à la mort mais celui de la sirène elle-même, attirée par un monde auquel elle ne peut pas prétendre ». www.bnf.fr Face à ce changement radical du mythe, on peut s’interroger : quel est cet exemple qui nous est donné ? L’image d’une femme victime, fidèle... jusqu’à mourir en se sacrifiant. Ce modèle semble improbable, impossible, et pourtant... C’est peut-être en cela que le récit d’Andersen reflète la morale protestante de son époque et témoigne aussi de sa propre vie, de son désir de changement. Marie-Louise von Franz nous rappelle que le conte inventé par un auteur reste un récit opaque, difficile à interpréter : « Un cas particulier est celui des contes élaborés par un écrivain, souligne-t-elle, car ils portent la marque des problèmes subjectifs de leur auteur. Ainsi, les contes d’Andersen reflètent le problème spirituel de son temps car, comme tous les artistes, il avait l’intuition des courants souterrains à l’oeuvre et le don de les exprimer ; c’est pourquoi ses contes se rapprochent des récits folkloriques ; ... mais, renchérit-elle, leur arrangement reflète son psychisme particulier. On peut en dire autant des rêves... ». Marie-Louise von Franz. L’ombre et le mal dans les contes de fées. La Fontaine de Pierre, 1980.


Ainsi, pense-t-elle, la fin ambiguë du conte où l’héroïne renonce à sa vie, devient écume et finit par se hausser jusqu’au monde des esprits aériens, n’amène pas de véritable solution existentielle pour l’enfant. Cette restriction faite, le conte n’en garde pas moins pour autant une grande force d’émotion et suscite la réflexion sur la vie, la mort... La Petite Sirène change de nature, se métamorphose. Elle chemine depuis les fonds marins, en passant par la terre, jusqu’à se dissoudre dans l’air de la voûte céleste en attendant une âme immortelle bien méritée ! Le conte est complexe et comme le dit judicieusement J. P. Taboulot : « la petite sirène n’en finit pas de nous échapper ». J.P. Taboulot. Andersen. Paru dans TDC, no 899, Sept. 2005.

p.68


Le tragique du conte est estompé par la douceur des formes rondes, omniprésentes et par le dessin à la fois naïf et moderne, à consonance orientale.

Le choix de l’illustratrice s’est porté sur une image légère, stylisée qui préfère le côté rêveur à l’illustration réaliste. Chaque page se lit comme un ensemble graphique, où texte et images forment un tout. Les petites perles blanches des lettres épousent les courbes du dessin et font écho aux perles, bulles, broderies ou pointillés d’écumes. Tout au long de l’album on assiste à un jeu graphique de motifs, de textures, de lignes… tout un langage de signes.

Voici une version profondément originale du conte, destinée aux plus jeunes, qui rompt avec l’imaginaire de la Petite Sirène traditionnelle.

La Petite Sirène Hans Christian Andersen, ill. par Charlotte Gastaut Flammarion, 2005, 18x21 cm (Les classiques du Père Castor) Dès 5 ans


p.70

Charlotte Gastaut est née à Marseille en 1974. Elle fait ses études à l’ESAG (Ecole supérieure d’arts graphiques et d’architecture intérieure). En plus de son travail pour diverses maisons d’édition, elle collabore aussi avec des magazines féminins.

Album attachant où l’on sent à la fois la fragilité, la force et la détermination de la Petite Sirène à atteindre son but.

Les personnages aux traits délicats évoluent dans des aquarelles aux tons gris-vert de paysages marins. La simplicité du trait laisse transparaître une grande émotion, sans se départir parfois d’une pointe d’humour, ainsi l’esquisse d’une Petite Sirène « écumant de rage »…


Elle nous dit d’ailleurs : « Les contes qui mettent l’accent sur les sentiments sont très difficiles à mettre en images. Ainsi, « La Petite Sirène » est très axée sur les émotions ressenties par le personnage principal, il y est question d’un amour malheureux, et l’approche est assez intellectuelle. Du coup, il est difficile de représenter de façon adaptée ces émotions très fortes. Par ailleurs, cette œuvre comporte des descriptions tellement merveilleuses que dans mes illustrations, je ne pourrai jamais les rendre avec une telle intensité ».

Le style de Lisbeth Zwerger se prête à merveille à l’illustration de ce conte tragique d’Andersen, grâce à ses aquarelles toutes en douceur et en tendresse. La palette claire aux tonalités dominantes vert-bleuté, les couleurs transparentes, limpides… tout ajoute à la poésie du conte.

La Petite Sirène Hans Christian Andersen, ill. par Lisbeth Zwerger Nord-Sud, 2005, 30 cm Dès 6 ans


p.72

Lisbeth Zwerger est née à Vienne en 1954. Elle suit ses études à l’Académie des Arts appliqués de Vienne. Elle commence ensuite une carrière de peintre. Un jour elle découvre un livre d’Arthur Rackham... et décide alors de se lancer dans l’illustration (1977). En 1990 elle reçoit le prix Hans Christian Andersen, une des plus hautes distinctions internationales en littérature de jeunesse. « Son style qui la rapproche des grands illustrateurs anglais du XIX° siècle est facilement reconnaissable : des lavis d’encre rehaussés d’aquarelle dans des camaïeux de brun et grisbleu… Lisbeth Zwerger n’aime travailler que sur des contes anciens connus, les histoires modernes lui semblant fades et ennuyeuses ». www.ricochet-jeunes.org

Les illustrations sont en pleine page et le texte est toujours accompagné d’un petit dessin. A chaque page une phrase du texte est écrite en couleur et l’image qui se trouve sur la page d’en face en est le miroir exact.


dans Paroles no 50, 2001.

Cet album revisite – le dramatique en moins – le conte d’Andersen : une sirène s’éprend d’un jeune adolescent solitaire. Cette histoire d’amour très tendre laisse place au rêve et au merveilleux sans pour autant tomber dans la mièvrerie. A la poésie du texte fait écho la douceur de l’illustration. Paysages de dunes, mer, ciel ou personnages croqués sur le vif, esquissés : les images sont fluides et légères, la palette claire, l’atmosphère mélancolique. « […] Cette nouvelle version de la Petite Sirène, qui met en scène un jeune Maghrébin très solitaire, est un moment de vie plein de retenue et de silence : l’histoire est belle, l’écriture l’est aussi, qui dit de si jolies façons les exigences muettes de la jeune fille, les pudeurs un peu brusques du garçon, leur façon enfin de ne pas se comprendre, de se manquer de peu et pourtant de ne plus s’oublier […] ». Sylvie Neeman. Contes détournés, paru

Bleu silence Marie-Sabine Roger, ill. par Nathalie Girard Casterman, 2001, 22x27 cm Dès 6 ans


p.74


Ces étonnantes gravures révèlent non seulement les qualités graphiques et l’imaginaire débordant de Boris Diodorov, mais enrichissent le récit. Et quand cette illustration fantastique, évoquant tout un monde magique digne des Mille et une nuits, prend place sur une grande page ou mieux sur une double page, elle donne à cette version une profondeur et un mystère qui font vivre le conte.

Boris Diodorov nous plonge d’emblée dans le royaume des mers, dépeint comme un monde luxuriant, foisonnant de vie et de fantaisie. Tout y semble serein. Mais cet univers merveilleux se révèle plus mystérieux et menaçant qu’il n’y paraît de prime abord. Ainsi, dès lors que la Petite Sirène rencontre le prince, son monde familier devient hostile. Pire, l’apparition de la sorcière, trônant dans son antre, entourée de squelettes, de serpents et d’une faune sous-marine inquiétante, semble terrifiante...

La Petite Sirène Hans Christian Andersen, ill. par Boris Diodorov Ipomée, 1998, 31 cm Dès 8 ans


p.76

Boris Diodorov est né le 21 novembre 1934 à Moscou. Il fait ses études entre 1952 et 1960 dans sa ville natale. Il est ensuite directeur artistique dans diverses maisons d’édition puis il se consacre à l’illustration. Il a remporté de nombreux prix pour ses illustrations et notamment la Pomme d’Or à la Biennale Internationale de Bratislava en 1981.

Le monde terrestre est par contraste plus fade et plus plat. L’illustrateur prendrait-il parti, à contre courant du texte, pour le monde sous-marin ?...


Les deux contes se font écho. Et si l’histoire n’est pas tout à fait identique, cette version nous présente les mêmes aventures… toutefois vécues de l’autre côté du miroir. Les rôles et les mondes semblent inversés. La vedette du conte est cette fois un héros masculin, qui n’a rien en commun avec la Petite Sirène d’Andersen. Il se nomme Sadko. C’est un musicien talentueux, dépeint comme un bon vivant, sûr de lui et satisfait de sa vie. Charmé par sa musique, le Roi des Mers va l’attirer dans son royaume sous les eaux et lui offrir en mariage une de ses filles. Mais s’il l’embrasse, il ne pourra jamais revoir sa ville. Aussi, finalement, le jeune homme va renoncer à l’amour de la princesse Volkhova pour regagner son monde ; le monde d’en-haut, celui de la raison,

Il s’agit ici d’un conte traditionnel russe, plus connu sous le titre de « Sadko» dont il semblerait qu’Andersen se soit entre autre inspiré pour sa Petite Sirène.

La fille de roi des mers Aaron Shepard, ill. par Gennadij Spirin Casterman, 1999, 31 cm (Les albums Duculot) Dès 8 ans


p.78

Gennadij Spirin est un illustrateur russe. Il est né en 1948, a étudié à l’Ecole d’Art de Surinov puis à l’Ecole des Arts Stroganov de Moscou. Il illustre des livres pour enfants depuis 1979. Connu dans le monde entier, il habite aux EtatsUnis depuis une quinzaine d’années.

Les illustrations somptueuses aux tons chauds et dorés, s’accordent à merveille à l’univers onirique de cette belle adaptation de style slave.

Ici, donc, point d’idée de sacrifice ! Mais le message reste pourtant le même : encore une histoire d’amour impossible entre un humain et une divinité aquatique. Les deux mondes sont bien inconciliables...

de la société des hommes. Et seul le souvenir de la femme rêvée subsistera de l’aventure.


A la manière d’un Gustave Doré, Ivan Bilibine nourrit notre imaginaire par ses illustrations puissantes qui marquent les esprits. Bien d’autres illustrateurs lui sont redevables.

Les images sont en pleine page ; elles alternent avec le texte sans l’interrompre. Elles sont parfois noir et blanc, parfois coloriées de façon délicate. Bien que le texte soit quantitativement prépondérant, l’image prend de l’importance par sa force et son impact.

Il s’agit du fac-similé de la première édition de ce conte mise en image par l’illustrateur mythique Ivan Bilibine, édition chez Le Père Castor-Flammarion en 1937. Les gravures d’Ivan Bilibine évoquent un univers délicieusement romantique et rétro. Il émane de cet album une force dramatique évidente. Le destin tragique de la Petite Sirène semble dès le commencement inéluctable.

La Petite Sirène Hans Christian Andersen, ill. par Ivan Bilibine Flammarion, 2005, 26 cm Dès 10 ans


p.80

Ivan Iakovlevitch Bilibine est né en 1876. Il a été un grand illustrateur du folklore russe. Il a travaillé plus particulièrement à l’illustration de contes, ainsi qu’à la création de décors et de costumes de théâtre et de ballet. En 1925, il s’installe à Paris. Il repartira dans son pays natal en 1936. Pendant son séjour en France, il aura publié trois contes chez LePère Castor-Flammarion, dont « La Petite Sirène ».


Le Petit Chaperon rouge



Le petit Chaperon rouge Introduction au conte

« Le conte est nomade par nature et s’adapte à l’esthétique de ceux qui l’accueillent. » Luda Schnitzer. Ce que disent les contes. Sorbier, 1985. Cette remarque, valable pour tout conte, s’adapte particulièrement bien à l’histoire du Petit Chaperon rouge et le nombre impressionnant d’albums qui lui sont consacrés. En effet, que de chemin parcouru par le Petit Chaperon rouge depuis les anciens récits jusqu’à nos jours. Sa notoriété dépasse dorénavant le conte et la petite fille est devenue si connue qu’il n’est souvent nul besoin de la présenter. Aussi, livres, jouets ou publicités, tous s’emparent de l’image du Petit Chaperon rouge, personnage identifiable entre tous. Et pourtant, l’héroïne du conte n’a pas toujours été en rouge… En réalité, c’est Charles Perrault qui prend la liberté d’affubler la fillette d’une coiffe rouge et invente son nom « Le Petit Chaperon rouge » avec le succès que l’on sait. Et, au fil du temps, le rouge deviendra un véritable code identifiable du personnage. Parfois même, cette seule couleur suffit pour reconnaître la fillette ; et en écho, le noir d’un loup tout aussi célèbre ! Ainsi, Warja Lavater pourra se permettre dans un album de conter l’histoire de façon abstraite par la simple mise en scène de points verts, noirs ou rouges. En définitive, le conte du Petit Chaperon rouge parle donc à tout le monde, du moins en Occident où il fait montre d’une grande vitalité, décliné en d’innombrables versions et si souvent pastiché, parodié.


Sont présentées d’abord les versions les plus enfantines, souvent pleines d’humour et qui s’attachent à une narration plus simple des récits. Mais encore faut-il les connaître, ces histoires… Le choix des albums privilégie les éditions les plus parlantes, les plus particulières et les plus diversifiées possibles, tant au niveau graphique qu’au niveau du texte. Viennent ensuite des versions du conte s’adressant plus clairement à des adolescents, voire à des adultes. Mais, il s’agit toujours d’albums, l’illustration bénéficiant d’une place de choix. Les contes aident à grandir… Aussi, l’intérêt de ces albums est de privilégier quelques aspects les plus troublants du conte, car le conte du Petit Chaperon rouge délivre bien des sens cachés.

Une multitude de récits Que de variations brodées sur le thème du Petit Chaperon rouge !

Comme les mythes, les contes se présentent en groupes de variantes. Le Petit Chaperon rouge en est un bon exemple. En effet, on ne connaît pas un récit unique, mais une multitude d’histoires racontant le drame d’une petite fille et de sa grand-mère menacées ou dévorées toutes crues par un méchant loup. Le thème est fort ancien et semble universel, comme l’atteste un vieux conte chinois, presque similaire, mettant en scène un tigre ressemblant fort méchamment au loup de notre histoire. Et les récits de se faire écho…

p.84


De nos jours, certes, les « Petit Chaperon rouge » de Charles Perrault et des frères Grimm sont les plus célèbres, connus d’un large public. Cependant, d’autres variantes du conte, jusqu’ici éclipsées, reviennent peu à peu à nos oreilles.

Une tradition orale quelque peu méconnue…

Depuis fort longtemps, de multiples versions du conte étaient racontées lors des veillées. Et ces histoires, sans cesse modifiées au fil du temps…des folkloristes les ont fidèlement recueillies et retranscrites, surtout au 19ème siècle en France. Aussi, quel plaisir, aujourd’hui, de redécouvrir ces récits fort surprenants qui éveillent la curiosité de tout auditeur ou lecteur. Car, comme le souligne judicieusement Yvonne Verdier : « C’est une toute autre histoire que nous ont transmise les traditions orales… Ces versions comportent des motifs qui ont été entièrement laissés de côté par la tradition littéraire ». Yvonne Verdier. Grands-mères, si vous saviez, paru dans Cahiers de littérature orale, IV, 1978. www. expositions.bnf.fr/contes/cles/verdier.htm

Alors, parmi ces épisodes, relevons, par exemple, le choix bien étrange qui s’offre à la petite fille. Ainsi, dans la forêt, le loup propose à la fillette de choisir entre deux chemins : celui des épingles ou celui des aiguilles. Et le Petit Chaperon va choisir tantôt l’un, tantôt l’autre selon les récits ; sa préférence allant le plus souvent, toutefois, aux épingles. Ce langage « couturier » est peu compréhensible de nos jours. Il se comprend mieux dans le contexte des anciennes sociétés rurales et symbolise le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Les épingles, qui attachent et avec lesquelles on peut « s’attifer », peuvent désigner la jeune fille


en quête d’un mari. Les aiguilles, avec lesquelles il faut travailler, peuvent symboliser la vie domestique et son cortège de contraintes. Mais les interprétations foisonnent… Et quel drôle de récit que ce repas cannibale, lorsque la petite fille, trompée par le loup, négligeant les avertissements d’un oiseau ou d’un chat, va dévorer sans le savoir les restes de sa grand-mère ! Mais encore, détail croustillant, quelle ruse notre héroïne déploie pour échapper au loup, invoquant un besoin urgent et se sauvant en dénouant la corde ou le fil que le loup lui avait attaché à la jambe. Ainsi, difficile de suivre « le fil » de l’histoire ou plutôt des histoires. Et, au final, les dénouements diffèrent. La fin sera parfois tragique - la petite fille est mangée - parfois heureuse - la fillette réussit à s’échapper et rentre chez elle saine et sauve. Plus tard, en oubliant ces motifs, Perrault et les frères Grimm semblent édulcorer le message du vieux conte pour privilégier un but : avertir l’enfant des risques qu’elle prend en s’éloignant du droit chemin. Mais, les apparences peuvent être trompeuses et les récits garder bien plus de mystères que l’on croit. Dorénavant, avec le conte littéraire de Charles Perrault, paru en 1697, le loup - éclipsant la grand-mère - devient le principal partenaire de la fillette. Il tient la vedette et gare à lui. « Ma mèregrand, que vous avez de grandes dents ! - C’est pour te manger ! Et en disant ces mots, ce méchant loup se jeta sur le Petit Chaperon rouge et le mangea ». C’est sur cette note tragique que s’achève le récit de Perrault.

p.86


Suit, alors, une « moralité » qui suggère - c’est une première l’interprétation du conte, une mise en garde des jeunes filles envers des loups séducteurs fort dangereux… Voilà une lecture plus restreinte. Mais, le conte est bien plus que cela ! Le conte des frères Grimm, paru en 1812, avertit aussi les petites filles de se méfier du loup qui pourrait les manger. Et c’est ce qui arrive à notre héroïne désobéissante ! Heureusement pour elle et sa grand-mère, un chasseur viendra les délivrer du ventre du loup, les y remplaçant par de gros cailloux. Cet épisode, ajouté par les Grimm, est un emprunt au conte du loup et des sept chevreaux. Il évoque en quelque sorte une renaissance. Voilà pour la leçon ! Et l’histoire continue dans une version plus longue où le Petit Chaperon rouge rencontre un deuxième loup. Mais, cette fois, l’héroïne va avoir raison de ce dernier. Avec l’aide de sa grand-mère, elle prépare un piège et fait tomber le loup dans une auge où il se noie. Le récit de cette renaissance introduite par les frères Grimm partage souvent les avis. Certains préfèrent cette fin moins dramatique et cruelle. D’autres la regrettent, présumant que cette volonté de préserver l’enfant et de le rassurer, manifeste d’une nouvelle culture bourgeoise qui privilégie l’enfant roi. Peut-être, mais il ne faut pas oublier les mythes et ces êtres dévorateurs. Ainsi, Cronos, qui a dévoré ses enfants pour finir par les recracher…


A chacun sa propre quête, à chacun son Chaperon rouge… Aujourd’hui plus que jamais, ce conte se métamorphose ; surtout ces toutes dernières années où les auteurs d’albums accordent un nouvel intérêt au thème et se le réapproprient. Il est à souligner que ces derniers sont de plus en plus nombreux - fait nouveau - à s’inspirer de la tradition orale du conte. Dorénavant, ils mettent en scène des personnages qui s’émancipent des versions les plus célèbres, à savoir celles de Perrault et des frères Grimm. Ces auteurs contemporains ne sont plus dupes de la morale traditionnelle et de sa célèbre mise en garde. Ils passent sur autre chose et s’emparent du conte, et de ses multiples variantes, pour créer une histoire nouvelle. Ils mélangent ainsi les pistes et s’amusent à perdre le lecteur dans un monde d’interprétations inédites qui renouvellent son plaisir et aiguisent son regard.

Une multitude d’interprétations La nébuleuse des contes… et ses mystères ! « Les contes de fées ont pour caractéristique de poser des problèmes existentiels en termes brefs et précis » suggère Bruno Bettelheim. Bruno Bettelheim. Psychanalyse des contes de fées. 1976.

Et la magie du merveilleux opère… Mais attention, si les contes nous racontent et délivrent des messages que toute personne, quel que soit son âge, perçoit inconsciemment, ils ne peuvent être dévoilés facilement.

p.88


« Ces choses interdites, inter-dites parce qu’elles ne peuvent être dites qu’entre les mots, des psychanalystes vont essayer de les désigner, à leur manière, jamais directe, car contrairement à Bettelheim, ils ne veulent pas réduire le conte à une seule interprétation ». Les contes, paru dans TDC no 832, mars 2002. Alors, prudence ! Les enfants n’ont pas besoin de ces explications, ils ne sauraient ni les voir ni les entendre. Seuls les adultes aiment savoir ces « sous-histoires » que véhiculent les contes. Et encore, il faut multiplier les écoutes et veiller à ne pas les enfermer dans une lecture trop précise. Riches d’enseignements, les contes doivent toujours garder une part de mystère et de merveilleux. Et Pierre Péju de mettre en garde : « J’aimerai sauver des ravages de l’interprétation, qui marche parfois si bien que cela paraît louche, de larges pans de l’univers des contes auxquels il restera toujours des faces obscures ». Pierre Péju. La petite fille dans la forêt des contes. Laffont, 2002.

Le Petit Chaperon rouge examiné sous toutes les coutures Ce faisant, ne dévoilons pas trop « les dessous » du Petit Chaperon rouge, car il n’est pas bon de trop effeuiller le sujet et nombre d’ouvrages, fort intéressants d’ailleurs, s’en sont déjà chargés pour combler le désir des plus curieux ! L’idée n’est pas de choquer, ni de trop révéler, mais juste d’évoquer quelques pistes que de nombreux auteurs d’albums ont exploitées, conscients des enjeux et jouant sur de multiples lectures possibles. Un regard averti en vaut deux. Alors, autant les comprendre et posséder quelques clés


de lecture pour profiter des nombreux clins d’œil que les illustrateurs ont mis en scène dans des albums s’adressant plus clairement à un public adolescent et adulte. Et le plaisir jubilatoire du jeu - entre interprète et auditeur - sera peut-être renforcé par l’impossibilité même d’obtenir une interprétation unique et définitive du conte. Avant toutes remarques, connaître et « reconnaître » les différentes variantes est indispensable pour démêler quelque peu les fils de cette histoire et se repérer parmi les nombreux récits.

« Petites filles, méfiez-vous du loup ! »

Cet avertissement est présent dans toutes les mémoires depuis que Charles Perrault, à la fin du XVII° siècle, met à l’honneur un loup représentant le séducteur – la moralité ne permet aucune ambiguïté sur ce point. Mais, est-il si dangereux ? Perrault laisse alors planer le doute. N’oublions pas qu’il s’adresse, à l’époque, à un public mondain capable d’apprécier les sous-entendus. Pour les enfants, c’est une autre histoire… Et désormais, le conte du Petit Chaperon rouge sera perçu comme un conte de mise en garde ; message repris, plus tard, par les frères Grimm avec la fin heureuse que l’on sait. Mais attention, jamais un conte ne se réduit à une morale ! Il n’a de sens que sur un plan surnaturel. Et c’est bien dans les forêts des contes que l’on rencontre ces monstres dévorateurs, « ces mangeurs d’âme », tel le loup vorace de notre histoire. Aussi, au-delà des allusions sexuelles du conte, bien des sens cachés se profilent…

p.90


« Grands-mères, méfiez-vous de vos petites filles ! »

… Et la fillette de la tradition orale de s’émanciper, parfois jusqu’à dévorer, sans le savoir, sa propre grand-mère. Ce repas cannibale est signifiant, si l’on comprend le conte originel comme une succession de rites de passage initiant l’héroïne aux différentes étapes menant de l’enfance à l’âge adulte. Evocation du destin féminin où tout se joue autour de trois personnages, la fille, la mère et la grand-mère, symbolisant les trois âges de la vie d’une femme. Acquisition de la fertilité des filles au détriment de leurs mères, cycle où la vie et la mort sont intimement liées : autant de lectures possibles. Quant au loup, travesti en grand-mère, prenons-le donc pour ce qu’il prétend être, propose Yvonne Verdier, qui nuance la morale du conte et suggère malicieusement : « S’il faut que les petites filles mangent leurs grands-mères, c’est que celles-ci veulent les manger ». Yvonne Verdier. Grands-mères, si vous saviez,

paru dans Cahiers de littérature orale, IV, 1978.www.expositions.bnf.fr/ contes/cles/verdier.htm

Ainsi, le « mangeur d’âme » pointe sous le masque des mères ou des grands-mères. Et, quel talentueux metteur en scène que ce loup, ce loup miroir, ce loup prétexte, interprète de tous les rôles… et révélateur de toutes les ambivalences ! Voilà un enjeu du conte qui témoigne de cette inquiétante étrangeté que dévoile François Flahault dans la scène intime du lit: « Ce lit …, lieu possible du croisement entre le trop proche et le trop étranger où la bonne distance d’un donner quelque chose à quelqu’un


risque de s’estomper au profit d’un ne plus faire qu’un avec l’autre» .

François Flahault. La gueule du loup au-delà du sexe, paru dans Cahiers de psychologie de l’art et de la culture n°10, 1984.

Alors, écoutons le conseil…

« Et Gare aux mères qui ont la dent si longue ! »

Eh oui, car parmi les mises en garde délivrées par le conte du Petit Chaperon rouge, il y a bien celui de l’excès d’amour… Et Anne-Marie Garat de conclure : « Enfants, rouges enfants, gardezvous de la souffrance et de la jouissance qu’il y a à sauver vos mères d’elles-mêmes, elles ont la dent si longue… » Anne-Marie Garat. Une faim de loup. Actes Sud, 2004.

p.92


Imprimées dans un grand format, sur un épais papier cartonné, les illustrations du conte occupent la pleine double page, ce qui représente une surface respectable.

TeIl s’agit de grandes images au crayon gris plus ou moins épais. La couleur, vive et brillante à dominante rouge, n’a été utilisée que pour quelques parties de l’image, afin de ne pas trop charger la page et d’attirer l’attention sur certaines parties de l’illustration seulement. Le dessin, enfantin, humoristique et léger, est complété par des petits collages qui tranchent par leur style sérieux, façon gravure naturaliste. Sont-elles là telles un petit rappel, pour faire à chaque page le lien entre la fiction et la réalité, et servir en quelque sorte de mise en garde, comme dans les moralités de Perrault ?

Le Petit Chaperon rouge Conté par Gilles Bizouerne, ill. par Barroux D’après la version complète des Frères Grimm Seuil, 2009, 35 cm (Petits contes du tapis) Dès 3 ans


p.94

Stéphane-Yves Barroux est français. Il a travaillé pendant dix ans comme directeur artistique de différentes agences de publicité. Ses illustrations sont gravées à la main en linogravure puis coloriées à l’acrylique.

Le texte se trouve sur un rabat à la fin de l’album, attaché de façon que le conteur puisse le lire à un auditoire placé devant, face aux illustrations, à la façon d’un Kamishibaï. Ici le conte, porté par un support livre, revient paradoxalement dans le domaine de l’oralité, le texte n’étant pas visible par le public, mais seulement entendu dans sa forme orale.


C’est un Petit Chaperon rouge réduit à sa plus simple expression narrative que nous livre ici Rascal. Un véritable exercice de style pour cette version « muette » du conte, dont le langage est uniquement visuel. Un dessin stylisé, des procédés graphiques qui tiennent du jeu d’ordinateur, conduisent le lecteur de façon astucieuse à travers le conte jusqu’à la scène finale de la dévoration. Très peu de couleurs : les classiques des contes, soit le rouge, le blanc et le noir. Tout contribue au récit, pages de garde et couverture comprises. D’ailleurs les scènes emblématiques de la rencontre entre le Petit Chaperon rouge et le loup dans la maison de la grand-mère, avec les questionnements de la fillette, n’apparaissent que sur la couverture (recto et verso).

Le Petit Chaperon rouge D’après Charles Perrault, ill. par Rascal Ecole des loisirs, 2005, 18x18 cm (Pastel) Dès 4 ans


p.96

Rascal est né à Namur, en Belgique, en 1959. Il est passé du monde de l’affiche à celui de l’album pour enfants. Il est à la fois auteur et illustrateur, mais écrit le plus souvent pour d’autres artistes.


Le trait épais, imprécis, les tâches de couleur, le coloriage partiel des surfaces, les mélanges de gouache visibles : tout ceci induit une certaine légèreté, de l’humour et une esthétique brouillonne, gaie et colorée. Cette première impression est à mettre en opposition avec la volonté de l’illustratrice de jouer sur les effets de suspense, une tension constante et un sentiment diffus d’inquiétude. Ces effets sont obtenus surtout par des cadrages particuliers : la scène est soit cadrée de très près, soit cadrée de façon légèrement décalée : les personnages en sont souvent absents ou représentés par des parties de leur anatomie (bras, pieds) ou encore par des « traces » (habits, ombres).

Dans cet album au format légèrement allongé, le texte - il s’agit de la version originale de Perrault - est mis en relation avec une illustration vivifiante, fraîche et particulièrement moderne.

Le Petit Chaperon rouge Texte original de Charles Perrault, ill. par Maud Riemann Bilboquet, 2006, 24x26 cm Dès 4 ans


p.98

Alsacienne née en 1981, Maud Riemann est auteurillustrateur indépendante. Depuis 5 ans, elle met son beau coup de crayon au service de l’édition jeunesse, de la presse en général et de la bande dessinée.

L’essentiel se passe donc hors cadre, ce qui laisse le lecteur dans l’expectative, en tension permanente. Les couleurs utilisées renforcent cette impression : froides et « coupées », elles suggèrent une ambiance inquiétante, angoissante même. Sans compter le traitement du pelage du loup, pareil à celui des buissons… bref, on est constamment sur le qui-vive ! Belle double page pour la scène finale de la dévoration : des tâches de couleur, presque un tableau abstrait.


Voici le dernier travail en date de Kveta Pacovska, artiste reconnue, qui a depuis toujours travaillé sur l’illustration des contes. Fidèle à elle-même, elle nous propose avec cet album sa version du Petit Chaperon rouge. Dès la page de garde, on retrouve son style à nul autre pareil : beaucoup de rouge, du noir et une gamme de couleurs bien à elle, de l’argenté, en miroir, en lignes lumineuses, des formes géométriques qui s’agencent, se détachent, se baladent. A la façon d’un jeu, tel un kaléidoscope, on découpe les formes, on mélange les couleurs, on tourne un coup et à chaque page, le résultat est là. Il ne s’agit pas d’une illustration narrative, parallèle au texte, mais plutôt d’une plongée dans un univers - celui de l’artiste - qui nous restitue le conte « passé à la moulinette » de sa sensibilité. On pourrait voir ces images comme les divagations de l’imaginaire d’un enfant qui écoute le conte.

Le Petit Chaperon rouge Kveta Pacovska, Grimm Minedition, 2007, 30 cm Dès 4 ans


p.100

Kveta Pacovska est née en 1928 à Prague. « Elle s’inspire dans son œuvre de la tradition esthétique d’artistes tels que Paul Klee, Vassily Kandinsky ou Joan Miró. Elle dessine, peint et crée des collages par lesquels elle expérimente le lien entre texte et image ». « Elle chérit les mots espace, architecture, contraste, rythme ». « En 1992, elle reçoit le « Prix Hans-Christian-Andersen » , la plus haute distinction internationale de Littérature pour la Jeunesse, mais aussi la « Lettre d’Or », un des prix internationaux les plus prestigieux de l’édition d’art ». Tiré du rabat de couverture.

Ce décalage, cette distance entre texte et image sont rendus par la mise en page où ces deux éléments occupent une place bien distincte. Le texte - il s’agit de la version des frères Grimm - prend place de façon compacte sur quatre pages, entrecoupées à chaque fois par plusieurs pages d’images à la suite, l’illustration prenant clairement l’avantage sur le texte. Il s’agit certes d’une version énigmatique, voire hermétique, mais l’artiste réussit pleinement son but : faire pénétrer les petits dans des dimensions de lecture et de découverte qui sortent de l’ordinaire.


L’album se présente sous la forme d’une longue bande en papier enserrée entre 2 plats de couverture : une seule page de plus de quatre mètres de long qui permet de faire défiler l’intrigue en continu, tel un petit film.

Voici le conte du Petit Chaperon rouge restitué sous une forme graphique et abstraite, sa structure mise à nu. De simples points de couleur pour raconter l’histoire ; une légende en fin de volume aide le lecteur à faire le lien entre les différents personnages et les codes graphiques qui leur ont été attribués. Aucun texte ne vient compléter les images, un comble, une « véritable provocation pour un objet issu de l’oralité » ! Il était une fois…les contes de fées. Seuil/ Bibliothèque nationale de France, 2001.

Pour les deux titres, il s’agit de la version des frères Grimm.

Le Petit Chaperon rouge Warja Lavater Maeght, 1965, 16x474 cm Dès 4 ans Album présenté dans un boîtier en plexiglas. Le Petit Chaperon rouge Warja Lavater, adaptation tactile de Myriam Colin


p.102

Warja Lavater, née à Winterthur, a reçu une formation multiculturelle : enfance en Russie, en Grèce et en Suisse ; études en Suisse, en Suède, en France et en Angleterre, séjour d’une année à New York. Elle se place dans la postérité du Bauhaus et du Constructivisme russe.

Premier d’une série d’adaptations par l’artiste de contes de Perrault, Grimm et Andersen, cet album est certainement le titre le plus réussi. Ce livre d’artiste, expérimental et luxueux - il s’agit de lithographies - a été publié pour la première fois par la Fondation Maeght, en 1965. Pas spécialement destiné aux enfants, il a rencontré un succès inattendu, notamment parmi le corps enseignant.

Une lecture plus « classique », par doubles pages successives est aussi possible grâce au pliage en accordéon de la bande en papier.


Version rétro dans sa modernité, avec un petit goût années ’50 de par la schématisation des personnages, la géométrisation des formes et les techniques de coloriage. En plus des traditionnels rouge, noir et blanc, l’illustrateur ajoute plusieurs tons de vert - du pistache au caca d’oie l’ensemble donnant un résultat plutôt mélancolique, typique du style. Le Petit Chaperon rouge parait partout très très petit : face à sa mère d’abord, face à la forêt, immense et sévère ensuite, puis face au loup, gigantesque. La fillette n’arrive même pas à la hauteur du lit de la grand-mère. La victime du jeu est donc une toute petite fille. Peut-être pour dédramatiser la fin cruelle, une issue du conte est donnée par les pages de garde, évoquant la texture d’un tissu élimé de fauteuil, le même tissu qu’on trouve tendu aux murs de la chambre de la grand-mère.

Le Petit Chaperon rouge D’après Charles Perrault, ill. par Christian Roux Seuil, 2007, 32 cm Dès 5 ans


p.104

www.ricochet-jeunes.org

« Né en 1952 à Calais, Christian Roux est auteur-illustrateur. Ses premiers dessins sont publiés dès 1971 sous le pseudonyme de Cathy Millet, dans les magazines Actuel, Charlie Mensuel et Hara Kiri. Depuis une dizaine d’années, tout en continuant à publier régulièrement dans la presse française et internationale, il écrit et dessine des livres pour enfants (publié aux éditions du Seuil) Après avoir illustré trois livres cartonnés pour tout-petits au Seuil jeunesse «Lune», «Maman !» et «Miam» (2005), il a illustré en 2007 Le Petit Chaperon rouge et en 2009 Le Petit Poucet. Il réalise aussi de nombreuses couvertures de romans ».

Une mise en abîme s’opère donc, grâce aussi à la toute dernière illustration, où on voit ce même livre de conte posé à côté des lunettes de lecture…Il ne s’agirait donc finalement que d’une histoire.


Belle interprétation basée, une fois n’est pas coutume, sur la tradition orale (notamment nivernaise). Toutefois, quelques modifications, concernant notamment le repas cannibale du Petit Chaperon rouge, ont été opérées. Des modifications « politiquement correctes » qui se font au détriment de la symbolique de la scène de la dévoration de la grand-mère par la fillette et des jeux de rôle entre personnages. Belle illustration innovante, qui mélange dessin au crayon, découpages et aplats de couleurs très géométriques. L’image joue d’une part sur la stylisation, la répétition de formes géométriques, qui produisent des pages presque abstraites, symboliques ; d’autre part sur les cadrages et les perspectives, qui dissimulent une partie de la scène ou centrent le regard sur l’essentiel ; ou encore sur les couleurs - noir, blanc, rouge qui ouvrent ou ferment la scène, jouent aux ombres et aux lumières.

Le Petit Chaperon rouge Chiara Carrer Joie de lire, 2005, 21 cm Dès 5 ans


p.106

De nationalité italienne, Chiara Carrer naît en 1958 à Venise. Elle vit et travaille à Rome. Auteur d’une centaine d’ouvrages, elle a souvent été récompensée pour son travail. Elle anime des ateliers de peinture, gravure et illustration dans les bibliothèques et les écoles. Son travail a donné lieu à d’importantes expositions notamment en Italie, au Japon, en République Tchèque, au Brésil.


Voici une version détournée du conte. Sur un petit format allongé à l’italienne, le Petit Chaperon rouge et le loup se rencontrent. Fausse naïve, la fillette saura se tirer d’affaire toute seule, sans qu’aucun chasseur ne vienne la secourir. L’humour de situation passe avant tout par l’illustration. Sobre et stylisée, celle-ci n’est servie que par des crayons de couleur rouge et noire, sur fond blanc. Aucun décor ne vient distraire le lecteur. Le texte, extrêmement bref, est constitué exclusivement des dialogues des deux personnages. Manuscrit, il fait partie intégrante de l’illustration, comme c’est le cas pour les bandes dessinées, la bulle en moins. Ici les répliques se relient aux personnages par la couleur du texte : rouge pour le Petit Chaperon rouge, noire pour le loup.

Le Petit Chaepron rouge Marjolaine Leray Actes Sud Junior, 2009, 13x21 cm Dès 5-6 ans


p.108

www.fnac.ch

« Marjolaine Leray est née en 1984 dans une petit village de Loire-Atlantique. Elle s’installe à Paris et fait des études de communication visuelle à l’école Duperré. Maintenant graphiste, on la confond encore avec les stagiaires ! Son premier livre illustré était déjà Le Petit Chaperon Rouge : la pièce de Joël Pommerat (Heyoka Jeunesse) ».


Album indémodable, cette version reste une pure merveille, renouvelant le charme à chaque lecture. Dans un décor de banlieue ouvrière en dehors du temps, l’artiste met en scène un seul et unique personnage, le Petit Chaperon rouge - le loup se limitant à une silhouette ou une ombre. La fillette nous entraîne du regard à travers les ruelles, à travers ses jeux d’enfant, nous défiant de la suivre, et fait de nous des spectateurs médusés, impuissants à la sauver de son destin vers lequel elle court avec une assurance effrontée. Décor, mise en scène… spectateurs… s’agit-t-il d’une mise en scène à notre intention ? On l’espère pour la fillette.

Le Petit Chaperon rouge Charles Perrault, ill. par Sarah Moon Grasset, 2002, 29 cm (Il était une fois) Dès 7 ans


p.110

Grande photographe de mode née en France en 1941, Sarah Moon a illustré plusieurs contes de ses photographies. Elle affectionne les ambiances désaffectées, inquiétantes, qui acquièrent à travers son regard quelque chose de magique, merveilleux et irréel. Le tragique est transformé en pure poésie, en « splendide noirceur ».


Il s’agit d’un album au format carré, au graphisme très sobre, à l’illustration en ombres chinoises, avec des figures pleines, sans détails et des silhouettes en noir, sur fond blanc. « Mes premiers albums sont habillés de noir et blanc. Ce contraste absolu permet une lecture immédiate, il n’y a pas d’échappatoire, l’émotion n’en est que plus forte ». « La simplicité et l’économie de moyens m’intéressent tout particulièrement ».

C’est une rencontre entre un loup et un Petit Chaperon rouge, qui débouche sur une relation complexe entre les deux personnages, évoluant au fil des pages. Apparences, idées reçues, à priori, préjudices, jeux de rôles… C’est une relation qui court sur un fil tendu, en équilibre précaire. Cet équilibre est entretenu avec beaucoup d’ambiguïté par la narratrice, qui « interprète » le personnage du Petit Chaperon rouge.

Mon loup Anne Bertier Grandir, 2000, 21 cm Dès 10 ans


p.112

Anne Bertier naît en France en 1956. Après des études de Lettres modernes et une formation de mime, elle se tourne vers l’illustration et l’écriture.

www.mediathequederoubaix.fr/fileadmin/user_upload/article/pedagogiques/expo_Bertier.pdf

Anne Bertier essaie de ne retenir que l’essentiel, avec une simplicité nourrie et sensible.


Parallèlement, l’album, selon les termes de l’auteur, « met la résistance du lecteur à l’épreuve ». Construit sur un rythme lent, constant, le livre fait alterner le dialogue entre la Mère-Grand et le mystérieux visiteur. Les doubles pages à dominante rouge-blanche - texte à gauche et image sur la droite - représentant Mère-Grand dans son lit, s’opposent aux doubles pages à dominante noire, texte à droite et image sur la gauche - représentant le visiteur dehors, dans la nuit.

Dans cette parodie du conte, le loup va sortir perdant au jeu du Petit Chaperon rouge. Feignant (ou pas) surdité et mauvaise mémoire, Mère-Grand ne lui ouvrira pas la porte et ne lui donnera pas la formule pour le faire. Elle va user et abuser de sa patience jusqu’au moment où, découragé, le loup abandonnera la partie.

La nuit du visiteur Benoît Jacques Jacques, 2008, 21 cm Dès 10 ans


p.114

Auteur et illustrateur d’origine belge, Benoît Jacques produit depuis 10 ans une œuvre particulière, au contenu et au graphisme toujours très soignés et esthétiques, forme et format compris. Depuis toujours, il est son propre éditeur. Avec ce titre, il a obtenu le prix Baobab.

www.dailymotion.com/video/x7rkoj_benoit-jacques-la-nuit-duvisiteur_creation

Utilisant la technique de la linogravure et à l’aide de quelques couleurs seulement (rouge, noir, blanc et gris) Benoît Jacques crée des images puissantes, très graphiques, « débarrassées de l’anecdotique » qui accompagnent parfaitement les textes. Dans la droite ligne de la tradition des contes, les textes se prêtent à une lecture à voix haute, qui fait résonner ici les rimes et les jeux de mots. Ensemble, images et textes portent un humour de situation, un sens de l’absurde chers à l’auteur.


Visuellement le noir va dominer la première partie de l’album. Equilibre, stabilité, solitude, les interprétations sont multiples, ambiguës…

Jamais album n’a joué autant sur le symbolisme des couleurs. Le noir, le rouge : un jeu subtil semble se développer entre le texte et l’image et ces deux couleurs. Et leur rôle n’est pas moindre. Ces deux couleurs vedettes deviennent même un véritable fil conducteur de l’histoire ; une histoire au climat fort inquiétant d’ailleurs !

Voilà un album surprenant à plus d’un titre et résolument énigmatique, malgré une apparence de prime abord conforme au conte. En apparence seulement ! Car le texte est totalement réorienté. Il s’agit toujours d’un Petit Chaperon rouge qui apporte galette et beurre à la Mère-grand et rencontre le loup dans une forêt ; mais d’un Chaperon rouge très particulier et doté d’un sacré caractère… Et cette version revisitée va réserver au final une surprise de taille !

Rouge, rouge, petit Chaperon rouge Edward van de Vendel, ill. d’ Isabelle Vandenabeele Rouergue, 2003, 25 cm (Varia) Dès 10 ans


p.116

Née en 1972 en Belgique, Isabelle Vandenabeele a étudié à l’Institut Saint-Lucas de Gand. Elle a illustré de nombreux albums pour enfants, travaille également pour la presse et réalise des affiches. Lithographie, gravure sur bois et eau-forte sont les principales techniques utilisées par cette illustratrice dont le travail est déjà reconnu dans l’univers de la littérature pour la jeunesse.

Suspens, retournement inattendu, humour noir et « tranchant» de la fin, au-delà d’une simple parodie du conte, les pistes se multiplient. Ironie, émancipation, jeu entre imaginaire et réalité, fantasme… et si tout cela n’avait été peut-être qu’un rêve de petite fille !

Réalité, désir, à la noirceur de l’illustration fait écho le terme «rouge» mentionné pas moins de dix fois déjà dans le texte de la première page. Rouge de la vie, rouge de la révolte, l’héroïne n’en finira pas de découvrir des sens différents… Et la fillette de rencontrer le loup, son loup, et la couleur de basculer au rouge. Violence, folie, le rythme s’accélère, les rôles s’inversent, le rouge devient omniprésent. Le récit devient elliptique et l’héroïne va s’affirmer comme le maître du jeu.

La fillette Rouge Rouge, semble bien seule dans cet univers sombre et les mères trop présentes comme le précise le texte : « Toute seule, comme toujours. Maman ici, Grand-Mère là - et entre les deux la forêt. »


Un des thèmes au centre de l’album est sûrement le passage de l’enfance à l’adolescence et à l’âge adulte, mais il s’agit d’un album énigmatique, à l’interprétation complexe. Dans un esprit ludique, les auteurs entremêlent des éléments peu connus de la tradition à leur propre fantaisie, et c’est volontairement qu’ils ne donnent pas au lecteur toutes les clés de lecture.

Il s’agit d’une version du Petit Chaperon rouge proche de la tradition orale du conte, qui comprend des épisodes et des symboles que ni Perrault ni les frères Grimm n’ont repris. Le ton est donné par une introduction en forme de poème ou comptine. Ensuite vient le récit : un soir, une mère raconte une histoire à sa fille pour l’endormir ; c’est ici que le conte du Petit Chaperon rouge commence, entrecoupé de temps en temps par la comptine. Et c’est la comptine qui prolonge le conte une fois celui-ci terminé, en lui donnant un sens nouveau.

Mon Chaperon rouge Anne Ikhlef, Alain Gauthier Seuil, 1998, 34 cm Dès 12 ans


p.118

www.ricochet-jeunes.org

Alain Gauthier est né en 1931 et vit à Paris. « Il étudie l’affiche dans l’atelier du célèbre affichiste Paul Colin, puis réalise plusieurs centaines d’affiches, avant de se tourner vers l’illustration. Il a travaillé dans la publicité, le dessin de presse, la peinture, il a été distingué par plusieurs jurys internationaux... On reconnaît les images d’Alain Gauthier à ses personnages de « craie », évoluant dans une atmosphère onirique de subtile coloration. Il pratique dans son dessin une fausse naïveté à la limite de l’hyper sophistication ».

Le texte comme l’illustration, d’inspiration surréaliste, jouent sur l’inconscient et fourmillent de symboles. Ensemble, ils rendent très bien cette ambiance onirique entre rêve, fantasme, peur, tentation, violence, doute et découverte - et qui correspond bien à l’état d’esprit des années de l’adolescence.


Le lecteur tombe au milieu d’un dialogue déjà amorcé entre le loup et le Petit Chaperon rouge, et d’emblée on est mal à l’aise. Une enfant - le P.C.R. - et un adulte - le loup - (ce qui définit les rôles respectifs) se rencontrent dans un rapport trouble, menaçant, plus qu’ambigu, où le loup exploite l’attente, la vulnérabilité et le manque de confiance de l’enfant pour la déséquilibrer, la déstabiliser, la tenir, exercer son pouvoir. Au lieu de l’aider à se construire, à se structurer, dans un rapport protecteur de confiance, il la décompose. L’enfant est livrée à la turpitude du monde et à ses côtés les plus laids, sans filet, sans ménagement. De lieu commun en fausse évidence, l’horizon se ferme, tout s’assombrit, tout parait sans issue. C’est une histoire d’abus de pouvoir, d’abus tout court. C’est une enfant qui ne s’en sortira pas, abusée dans tous les sens du terme, jusqu’au bout, anéantie par la dévoration finale.

P.C.R. cappuccetto rosso Clément de Gaulejac Passage piétons, 2003, 17x21 cm Dès 15 ans – public adulte


p.120

Cet album déroutant par le fond l’est aussi par son graphisme, peu abordable, qui ne le destine pas aux petits : une couverture énigmatique sans images, un texte manuscrit et des illustrations pratiquement en noir-blanc, au trait incertain, imprécis, façon gribouillage, posées irrégulièrement sur la page l’assignent plutôt à la catégorie « public connaisseur ».


Notes biographiques et textes de référence Charles Perrault (1628-1703) Ce nom désigne l’auteur de contes si célèbres qu’il est vraisemblablement connu de tous. Sa vie l’est peut-être un peu moins... Né à Paris en 1628, Perrault est issu d’une famille de la haute bourgeoisie. Après des études littéraires et une Licence en Droit, il devient, entre autres, homme de confiance de Colbert. En 1671, il est élu à l’Académie française. C’est entre 1688 et 1700 que, s’inspirant des contes populaires, il rédige ses contes de fées. On connaît - depuis 1953 seulement - une édition manuscrite anonyme des contes de Perrault, datée de 1695 et intitulée Contes de ma Mère l’Oye. L’édition originale imprimée paraît en 1697 et porte le titre de « Histoires ou contes du temps passé avec des moralitez ». Elle comporte huit titres, dont Le Petit Chaperon rouge. Charles Perrault ne l’a pas signée de son nom, mais de celui de son fils, Pierre. C’est pourtant grâce à ces contes, auxquels il ne semble pas attacher beaucoup d’importance, qu’il demeure célèbre aujourd’hui.


Contes de Charles Perrault Charles Perrault : Contes

Gravures de Gustave Doré, reproduction de la première édition Hetzel illustrée Hachette, 1978, 21 cm (Grandes œuvres) Exemplaire conservé à la Réserve. Le texte des plus anciennes éditions a été respecté, ainsi que la disposition des alinéas et la composition typographique. L’orthographe et la ponctuation ont par contre été revues. L’ouvrage contient la préface de l’édition Hetzel de 1861, signée par P.J. Stahl (pseudonyme de Pierre-Jules Hetzel). Il est illustré des gravures de Gustave Doré parues dans cette même édition et qui constituèrent une véritable révolution graphique. De cette rencontre entre Hetzel et Doré, Sainte-Beuve écrivit : « Cette merveilleuse édition qui a la palme sur toutes les autres et qui la gardera probablement ». Il était une fois… les contes de fées. Seuil/ Bibliothèque nationale de France, 2001.

Charles Perrault : Contes de ma mère l’Oye

Illustrations de Gustave Doré Gallimard, 2005, 18 cm (Folio junior, 443. Edition spéciale) Tous les contes, en prose et en vers. Même texte que l’édition précédente.

p.122


Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859) Grimm Ces brillants savants, nés tous deux à Hanau, en Allemagne, consacrent leur vie à l’étude de la langue allemande et entreprennent de rassembler et transcrire les contes populaires de la tradition germanique. Ils publient les résultats de leurs recherches dans plusieurs recueils de contes, dont la première édition paraît en 1812. «Si Jacob fut le philologue le plus éminent de son temps, c’est grâce au talent d’écrivain de Wilhelm que les Contes pour enfants et pour le foyer sont devenus une anthologie populaire. Mieux qu’aucun poète avant lui, Wilhelm sut retranscrire la naïveté de ton de la tradition orale ». Grimm, ill. par Susanne Janssen. Le Petit Chaperon rouge. Seuil, 2002.

Contes des frères Grimm Jacob et Wilhelm Grimm : Les contes = Kinder- und Hausmärchen Flammarion, 2001, 19 cm (Grand format Flammarion) Il s’agit de la seule édition complète en français des 211 contes des frères Grimm, traduits de l’allemand par Armel Guerne. Il s’agit également d’une des très rares éditions où le conte du Petit Chaperon rouge est présenté dans son intégralité, incluant à la fin la mort du loup, noyé dans l’auge.


Hans Christian Andersen (1805-1875) Hans Christian Andersen naît à Odense (Danemark) en 1805, dans une famille très modeste. A 14 ans, il part pour Copenhague chercher fortune. En 1822, grâce à l’amitié de Jonas Collin, directeur du Théâtre Royal, il reprend ses études. Il publie ses premiers écrits, avec une certaine réussite, aux environs de 1830. Les premiers contes, destinés principalement aux adultes, sont publiés entre 1835 et 1838, sous forme d’épisodes. Deux autres séries suivent (1843-1848 et 1858-1872) suite à la renommée grandissante de ces recueils. Au total, plus de 150 contes sont ainsi publiés, ainsi que des récits de voyages, des pièces de théâtre, des poèmes et des romans. A la différence de Perrault et des frères Grimm, Andersen n’a pas recueilli et retranscrit des contes populaires existants. « L’originalité du style d’Andersen repose sur son art de dessiner des variations nouvelles à partir de sources populaires diverses […], et en bon héritier de la tradition des anciennes sagas, de bien faire chanter ses contes. C’est pourquoi ces derniers apporteront d’emblée un succès considérable à celui qui fut considéré comme la plus pure incarnation du génie populaire nordique ». Hans Christian Andersen. La Reine des Neiges. Corentin, 1996.

p.124


Contes de Hans Christian Andersen Hans Christian Andersen : Œuvres, vol. no 1

Textes traduits, présentés et annotés par Régis Boyer Gallimard, 1997, 18 cm (Bibliothèque de la Pléiade ; 394) Ce volume no 1 traite, entre autres, des contes. Le deuxième volume concerne d’autres textes. Ensemble, ils forment les œuvres complètes. La « Bibliothèque de la Pléiade » est considérée comme « la » collection de référence par excellence. Elle réunit les éditions de référence des plus grandes œuvres du patrimoine littéraire. Prestigieuse, elle propose en format de poche les œuvres complètes des auteurs classiques ; élégante, elle est reconnaissable à l’utilisation du très caractéristique « papier bible » ainsi qu’à la reliure pleine peau dorée à l’or fin. Régis Boyer est l’auteur des volumes concernant Hans Christian Andersen. Passionné par la littérature nordique il est un spécialiste mondialement reconnu des civilisations de l’Europe du Nord.


p.126


ANDERSEN Hans Christian p. 72, 76 ANDERSEN Hans Christian (Auteur d’œuvres adaptées, utilisées, etc.) p. 70, 80 AUBRY Véronique (Ill.) p. 56 BARRETT Angela (Ill.) p. 24 BARROUX Voir sous : BARROUX, Stéphane-Yves BARROUX, Stéphane-Yves (Ill.) p. 94 BATTUT Eric (Ill.) p. 22, 60 BERTIER Anne p. 112 BILIBINE Ivan Iakovlevitch (Ill.) p. 80 BIZOUERNE Gilles p. 94 BOYER Régis (Ed.) p. 125 CARRER Chiara p. 106 COLIN Myriam (Adapt.) p. 102 DELACROIX Sibylle (Ill.) p. 40 DELESSERT Etienne p. 28 DESCLOT Miquel (Adapt.) p. 140 DIODOROV Boris (Ill.) p. 76 DORE Gustave (Ill.) p. 122 EIDRIGEVICIUS Stasys (Ill.) p. 62 ELCHNER Géraldine (Adapt.) p. 54 FISCHER Hans (Ill. et comment.) p. 54 GASTAUT Charlotte (Ill.) p. 70

Index alphabétique des auteurs, adaptateurs, illustrateurs

abc...


HERBAUTS Anne (Ill.) p. 58 HETZEL Pierre-Jules (Ed.) p. 122 HORVAT Frank p. 56 IKHLEF Anne p. 42, 118 JACQUES Benoît p. 114 LAVATER Warja p. 16, 102 LERAY Marjolaine p. 108 MARCELLINO Fred (Ill.) p. 50 MONCOMBLE Gérard p. 40 MOON Sarah (Ill.) p. 110 MOREAU Hélène (Ill.) p. 20 PACOVSKA Kveta p. 100 PERRAULT Charles p. 50, 52, 58, 60, 62, 98, 110

(Auteur d’œuvres adaptées, utilisées, etc.) p. 14, 16, 18, 20, 24, 94, 102

GAULEJAC Clément de p. 120 GAUTHIER Alain p. 42, 118 GIRARD Nathalie (Ill.) p. 74 GRIMM Jacob et GRIMM Wilhelm p. 22, 36, 100 GRIMM Jacob et GIMM Wilhelm

PERRAULT Charles (Auteur d’œuvres adaptées, utilisées, etc.) p. 38, 40, 54, 56, 96, 104 POMMAUX Yvan p. 26 POOLE Josephine p. 24 RASCAL (Ill.) p. 96 RIEMANN Maud (Ill.) p. 98 ROCHETTE Jean-Marc (Ill.) p. 52 ROGER Marie-Sabine p. 74 ROMBY Anne (Ill.) p. 38 ROUX Christian (Ill.) p. 104 SAUVANT Henriette (Ill.) p. 36 SCHAMP Tom (Ill.) p. 14 SHEPARD Aaron p. 78 SPIRIN Gennadij Voir sous : SPIRINE, Guennadi K SPIRINE, Guennadi K (Ill.) p. 78 STAHL P.-J. Voir HETZEL Pierre-Jules TRUONG Marcelino (Ill.) p. 18 VAN DE VENDEL Edward p. 116 VANDENABEELE Isabelle (Ill.) p. 116 ZWERGER Lisbeth (Ill.) p. 72



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Contenu : Anne-Hélène Sierro, Alessandra Bernasconi, Sarah Weissenbach Mise en page : Corinne Bosson Impression : (CMAI) Centrale municipale d’achat et d’impression de la Ville de Genève Tirage : 500 ex. Novembre 2011


Bibliothèques municipales de Genève

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