PRINTEMPS / ÉTÉ 2012
ENVIE DE LIRE
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Vous tenez entre les mains un recueil éclectique de propositions de lectures concocté par vos dévoués bibliothécaires. Vous y trouverez aussi bien des nouveautés que des classiques, des essais que des bandes dessinées ou des romans, sans oublier la science-fiction ou les polars, bref, tout ce qui fait la diversité des collections que les bibliothèques municipales mettent à votre disposition. Nous, bibliothécaires passionnés de lecture, partageons avec vous nos coups de coeur dans ces textes que nous vous laissons découvrir et dont nous espérons qu’ils vous donneront...
Dominique Monnot Bruno Fernandes / bpoeta.net Centrale Municipale d’Achat et d’Impression Ville de Genève
AMEUR, Farid
Cote 973.7 AME
La guerre de Sécession, images d’une Amérique déchirée Paris, Bourin, 2011. 178 p.
A peine Abraham Lincoln élu, une guerre fratricide dévasta le continent nordaméricain. Durant plus de quatre ans, deux idéaux, deux politiques, deux économies antagonistes s’affrontèrent dans un conflit qui fit plus de 600 000 morts. La guerre de Sécession fut également la première à être couverte par des reporters-photographes, dont les clichés révélèrent sans fard la cruauté des batailles ou les conditions de vie des troupes. Ils purent saisir tant des paysages dévastés, les corps humains disloqués, broyés, que des scènes de mobilisation ou de bivouac à l’arrière, tableaux d’une presque normalité. Ces portraits d’officiers, de simples soldats ou de civils rendent encore plus vibrante l’humanité de ceux qui vont peut-être mourir, les photographies des lieux de conflits, d’escarmouches nous saisissent d’effroi. Ce livre est un témoignage important, indispensable pour mieux comprendre les causes et origines de la ségrégation qui suivit, quand bien même. MCM
APOLLINAIRE, Guillaume Lettres à Lou Cote 846 APO Paris, Gallimard, 1990 (L’imaginaire ; 228). 526 p. « …Mon amour adoré, je te prends toute dans un grand spasme. Je t’embrasse, je baise tes chers petits seins roses et insolents qui semblent des brebis broutant des lys et des violettes et j’embrasse éperdument les douces et infiniment précieuses toisons d’or pâle qui sont celles qu’Argonaute sans vaisseau et devenu équestre je veux conquérir à jamais pour notre bonheur sans fin, ma chérie. » Entre les mois de septembre 1914 et janvier 1916, Guillaume Apollinaire, alors mobilisé, écrira des lettres passionnées à Marie-Louise de Pillot de Coligny Châtillon qu’il surnomme Lou. Ces lettres agrémentées de poèmes et de dessins qu’Apollinaire appelle calligrammes révèlent un homme transi d’amour et de désir, fasciné par la beauté et la personnalité indépendante de sa maîtresse et volontiers dominateur. Ces écrits amoureux et érotiques sont aussi un témoignage sur le quotidien des soldats séparés de leurs proches. CLR
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L’artillerie, les canonniers et les Vingt d’infanterie, aux passages à niveau sur le radeau. 1863
© name,©2011 MoMA Georgio, 2007
BACHELARD, Gaston Cote 194 BAC
L’intuition de l’instant Paris, Stock, 1992. 152 p.
Une méditation pétillante sur le temps, celui linéaire qui passe et celui jaillissant, discontinu, qui inaugure la présence. Il s’agit le long de ces pages de notre manière d’habiter le temps et de le vivre. A partir d’une lecture de Siloë de son ami Gaston Roupnel, Bachelard va nous emmener dans un voyage poétique à rebours du temps linéaire de Bergson. Vivre pleinement et simultanément les contradictions du temps nous offre comme un supplément d’être. Pour le mot de la fin, je lui cède la parole : « Si notre cœur était assez large pour aimer la vie dans son détail, nous verrions que tous les instants sont à la fois des donateurs et des spoliateurs et qu’une nouveauté jeune ou tragique, toujours soudaine, ne cesse d’illustrer la discontinuité essentielle du temps. » CD
BEE, Harriet Schoenholz Moma highlights Cote 708.73 MOM New York, Museum of modern art, 2004. 380 p. Difficile de visiter New York sans s’attarder ne serait-ce qu’une après-midi au MOMA, le Museum of Modern Art. Plus difficile encore de détourner les yeux des murs, tant la collection qu’il recèle est riche et variée. Dans les larges salles épurées de cet espace gigantesque se côtoient en effet Van Gogh, Hopper, Malevitch, Warhol et autres Picasso. Moma highlights, publication officielle du musée, nous propose de découvrir ou de redécouvrir à chaque page les innombrables chefs-d’œuvre ayant marqué le lieu depuis de nombreuses (ou moins nombreuses) années. De la France du dix-neuvième aux Etats-Unis des « seventies », c’est à un voyage à travers l’art moderne que nous invite ce livre très agréablement présenté. Une publication qui réjouira les amateurs d’art, mais aussi les autres. LF
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BEIGBEDER, Frédéric Cote 809.3 BEI
Premier bilan après l’apocalypse Paris, Grasset, 2011. 429 p.
Après son Dernier inventaire avant la fin du monde, Beigbeder nous livre une fois de plus, à l’heure où, prédit-il, le livre en papier va mourir de sa belle mort, laissant sa place au livre numérique, les cent livres que l’on devrait sauver pour les générations futures. On peut détester Beigbeder, ce dandy chic et bien né qui passe ses nuits avec la jet-set, n’empêche que c’est un lecteur compulsif, éclectique, et qu’il possède une solide culture littéraire. Ses critiques ici réunies sont tout simplement passionnantes à lire et, si certaines se réfèrent à d’incontournables chefs d’œuvre (Sur la route de Kerouac, L’écume des jours de Boris Vian ou Le maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, pour n’en citer que quelques-uns) j’y ai découvert plusieurs auteurs jamais lus ou de titres inconnus, comme Paul-Jean Toulet, Pierre de Régnier ou Jean-Pierre George. Chaque critique est accompagnée d’une courte biographie de l’auteur. S’il est vrai que mon appréciation sur les ouvrages connus n’est pas toujours la même que celle de l’auteur, j’ai découvert dans ce livre un grand nombre de suggestions de lecture. DM BELLAGAMBA, Ugo ; DAY, Thomas Le double corps du roi Cote R BELL Paris, Gallimard, 2007 (Folio science-fiction ; 278). 393 p. Le général en chef des armées du royaume de Déméter assassine le roi et se proclame régent. Il veut rétablir une royauté basée sur la force des armées et la conquête, mais pour asseoir définitivement son autorité il a besoin de l’armure sacrée, symbole de la monarchie, l’Hérakléion. Or cette armure, l’amant du roi est allé la cacher dans la Canopée, un royaume de forêts si denses qu’il est réputé inviolable, dans lequel vivrait une héritière du vieux roi. La lutte contre la tyrannie s’engage, mais elle semble tellement désespérée au vu de la disproportion des forces en présence que seule l’arrivée des habitants de la Canopée, résolument pacifistes et qui vivent en accord parfait avec la nature, et le retour de l’Hérakléion peuvent encore donner des espoirs de victoire. FG
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BIZOT, Véronique Cote R BIZO
Un avenir Arles, Actes sud, 2011. 103 p.
Paul reçoit une lettre de son frère jumeau Odd qui l’informe qu’il va disparaître pendant quelque temps et lui demande de se rendre à sa maison pour vérifier si il a bien fermé le robinet d’un lavabo. Paul prend donc sa voiture et roule sur 300 kilomètres au milieu d’une neige qui ne cesse de tomber et en proie à un rhume qui lui étouffe le cerveau. Coincé dans cette maison, qui fut celle de leur enfance, Paul trouve prétexte à se remémorer les événements liés à sa famille. La mère, d’origine norvégienne, qui succomba à un accident de cheval, les trois sœurs : des jumelles qui trouvèrent contre toute attente un mari en même temps, et une petite sœur un peu demeurée, le grand frère, Harald, et Odd, bien sûr. Ce court roman nous entraîne dans un nombre étonnant de directions, et nous sommes portés par l’écriture subtile, délicate, teintée d’humour de Véronique Bizot. DM
© dieraecherin
BLIXEN, Karen Contes d’hiver Paris, Gallimard, 2009 (Folio ; 1411). 409 p. Cote R BLIX On ne présente plus Karen Blixen. Chacun, chacune, se rappelle l’histoire de cette femme blessée, mariée à un homme syphilitique, tombée amoureuse dans sa ferme africaine d’un bel aventurier. Ces contes d’hiver mêlent légendes nordiques et marines, odeurs et couleurs de la terre danoise. Il y a beaucoup de grâce et de gravité dans ces textes qui illustrent à merveille le délicat passage entre les rêves d’enfance, de jeunesse, et la réalité de l’âge adulte. Certains pourraient être des contes populaires, comme l’histoire du petit mousse et de la femme faucon. D’autres sont plus sombres. Le champ de la douleur raconte l’amour d’une mère pour son fils, Peter et Rosa l’amour impossible, et L’enfant rêveur est d’une extrême mélancolie. Avis aux âmes romantiques… FA
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BODARD, Aliette de D’obsidienne et de
sang
Paris, Eclipse, 2011 (Les chroniques aztèques ; 1). 411 p. Cote R BODA Au 15e siècle, en plein cœur de Tenochtitlan, la capitale aztèque, une prêtresse qui se préparait à être nommée à un poste très important disparaît. Le grand prêtre des morts, Acatl, est appelé pour mener l’enquête car tout laisse croire qu’elle a été attaquée de façon violente et est probablement morte. En effet, lorsqu’Acatl arrive sur les lieux, il découvre son frère, un guerrier jaguar très renommé, couvert de sang et dans un état d’hébétude. Alors Acatl va tout faire pour retrouver cette princesse et innocenter son frère mais ce faisant, il va devoir plonger dans une lutte de pouvoir au plus haut niveau de l’Etat et affronter des forces surnaturelles qu’il n’imaginait pas, ce d’autant plus que le temps lui est compté... Il n’aura pas trop de sa magie et de son courage pour arriver à démasquer ce complot et éviter une catastrophe à l’Empire aztèque. FG
Guerrier aztèque © Ray_from_LA, 2009
Ford Thunderbird Š pyntofmyld, 2008
BLONDEL, Jean-Philippe Et rester vivant Paris, Buchet-Chastel, 2011. 244 p. Cote R BLON A vingt-deux ans, le narrateur apprend que son père vient de se tuer dans un accident de voiture. Quelques années auparavant, il avait perdu sa mère et son frère dans des circonstances similaires ; son père conduisait. Jean-Philippe Blondel dit qu’il lui a fallu vingt-cinq ans pour écrire ce livre, pour relater ces décès qu’il a réellement vécus, vingt-cinq ans pour trouver le ton juste dépourvu de pathos. Le père ne supportant pas ce fils « resté vivant », leurs relations furent très mauvaises. Cette haine du père pour son fils (et vice versa) ne facilitera pas pour autant le deuil qui débute juste après l’enterrement sur les routes américaines avec ses deux meilleurs amis, Laure et Samuel. Sur les traces de sa chanson fétiche « Rich » de Lloyd Cole qui les emmène jusqu’à Morro Bay en Californie, ce voyage initiatique l’amènera à rencontrer des personnes marquantes. Entre temps, au volant ou sur la banquette arrière d’une grosse Thunderbird, il se questionne sur sa légitimité à (sur)vivre… RL
BLONDEL, JeanPhilippe G229 Paris, Buchet-Chastel, 2011. 239 p. Cote R BLON Classe 229, bâtiment G, c’est le lieu où le narrateur enseigne l’anglais depuis 20 ans à des jeunes de 17 ans. Il aime son métier mais surtout ses élèves. On sourit quand il écrit rageusement en rouge « as-tu lu la consigne ?? » et que, lors d’un exercice de sécurité, il se moque de lui-même car il a également oublié les consignes si souvent répétées par le proviseur. En grand amateur de musique, il demande à ses élèves de choisir un extrait d’une chanson qu’ils aiment et de l’expliquer en quelques minutes. Une élève d’ordinaire très réservée casse la baraque en hurlant du death-trash. Un autre jour, il convoque une mère car les notes du gamin baissent dangereusement. La jugeant « goguenarde », il hausse le ton jusqu’au moment où cette maman lui touche le bras pour lui murmurer qu’elle a un cancer et va mourir bientôt. Avec tendresse, humour, autodérision, nostalgie et passion, l’auteur (également enseignant) nous montre dans ce « roman » qu’il croit encore aux vertus de l’Ecole et au rôle fondamental du prof. RL
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BORIS, Hugo Cote R BORI
Je n’ai pas dansé depuis longtemps Paris, Pocket, 2011 (Pocket ; 14537). 441 p.
Février 1991. Ivan le cosmonaute va décoller pour rejoindre la station Mir, où il doit rester 400 jours, nouveau record de durée dans un vaisseau spatial. Au fil des jours, nous suivons Ivan, nous pénétrons ses pensées, des pensées de plus en plus bizarres. Orbite après orbite, son corps change, s’allonge, sa colonne vertébrale devient inutile, le sommeil le fuit. Toujours en apesanteur, sa psychologie subit le décalage entre son extrême solitude et la visite des différents équipages qui lui apportent vivres et carburants. Tel un parcours initiatique, Ivan le cosmonaute dérive physiquement et psychologiquement et il n’attend plus qu’une chose, son retour sur terre. Mais la station a des pannes techniques, le régime communiste est tombé, les rations de nourriture qu’il reçoit sont de plus en plus petites… Livre étrange que ce roman en orbite que l’on lit comme si l’on était en apesanteur soi-même, une expérience de lecture incroyable. MCM
BRAGI, Olafsson Cote R BRAG
Les animaux de compagnie Arles, Actes sud, 2011 (Lettres scandinaves). 238 p.
Emil Halldorsson est un jeune trentenaire de retour à Reykjavik après un séjour de shopping à Londres. Alors qu’il vient de retrouver son chez-soi, il voit, horrifié, un ancien camarade sonner à sa porte et se planque, courageux, dans sa chambre. C’est sans compter avec la ténacité de Havardur qui, voyant une casserole d’eau bouillant sur le feu, en conclut qu’Emil ne s’est pas absenté bien longtemps et décide d’entrer par la fenêtre pour l’attendre. De sous son lit, Emil assiste donc, impuissant, à la prise de son territoire par celui qui, il y a quelques années, dans des accès de folie, avait tué méthodiquement les animaux qu’ils étaient censés gardienner ensemble en l’absence de leur propriétaire. Havardur prend ses aises, répond au téléphone, et invite divers personnages (Armann Valur, le voisin d’avion d’Emil qui, par mégarde, a emporté ses lunettes), Greta, la femme qu’il aime depuis longtemps et qu’il a enfin retrouvée, ses potes pour qui il a ramené des CD de Londres, etc. Tout ce petit monde boit le cognac et fume les cigares d’Emil sans aucune gêne en discutant, et le pleutre ne se montre pas… Un roman délirant et original à découvrir, malgré sa fin un chouïa décevante… DM 14
forgetful dream Š Robert Couse-Baker, 2011
Photo : Š Julia Freeman-Woolpert, 2007
BUBER, Martin Cote 181.3 BUB
Je et tu Paris, Aubier, 2011. 154 p.
Un livre découvert il y a longtemps et qui ne m’a plus quittée depuis. Pourquoi ? Un livre essentiel qui parle de notre être au monde et des relations que nous y tissons, de notre rapport à nous-mêmes, à l’autre, ce dernier entendu comme être humain, animal, végétal ou tout Autre. Martin Buber met en lumière deux couples le Je/Tu et le Je/Cela. Le premier est un état de présence où la causalité se dérobe, c’est un temps novateur. Le deuxième raconte notre rapport aux choses et à l’autre lorsqu’il est instrumentalisé c’est-à-dire réduit à une chose et par conséquent lié à la causalité. Toute vie réelle est chez Buber une rencontre au sens fort de ce terme. Cette exigence morale, empreinte à la fois de légèreté intuitive et d’apesanteur propre à notre condition donne sens. Comme Bachelard plus tard, Martin Buber exalte les instants hors de toute causalité. D’ailleurs la première traduction de Ich und Du offre une préface admirative de Bachelard. CD
CARRERE, Emmanuel Cote R CARR
Limonov Paris, POL, 2011. 488 p.
Un nouveau roman d’Emmanuel Carrère est toujours un événement, impossible donc que quiconque n’en ait pas entendu parler, d’autant plus que celui-ci a raflé le prix Renaudot 2011. Carrère est un conteur hors pair, et il faut l’être pour retracer la vie d’Edouard Limonov, un personnage étrange et antipathique, bien réel, né en Russie en 1943. Ambitieux, il sera toute sa vie un modèle d’opportunisme, bad boy dans son adolescence, puis idole de l’underground moscovite, avant de partir aux Etat-Unis où, de SDF, il deviendra le majordome faussement servile d’un milliardaire. Arrivé à Paris, il est écrivain, collabore à l’Idiot international avec Jean-Edern Hallier, côtoie ses pairs (Besson, Sollers, etc.). La suite de sa vie est plus ombrageuse : improbable soldat dans les Balkans aux côtés des Serbes, puis leader en Russie du Parti national-bolchevique, il perd son aura en France et n’est plus réédité. Cette biographie haletante et impartiale a le mérite de nous montrer non seulement toutes les facettes de ce drôle de bonhomme, mais aussi de nous faire revivre l’histoire récente de la Russie avec un regard de spécialiste. N’oublions pas que Carrère, fils d’Hélène Carrère d’Encausse, historienne, est tombé dedans quand il était petit… Tout simplement brillant ! DM 17
CHAINAS, Antoine Cote R CHAI
Versus Paris, Gallimard, 2010 (Folio policier ; 547). 645 p.
Nazutti est un misanthrope raciste homophobe qui hait le monde entier, à commencer par lui-même. Son lieutenant Andreotti, petit flic trop intègre, s’est fait jeter comme un malpropre après avoir voulu enquêter sérieusement sur le meurtre d’un SDF. Les deux sont aux prises avec une enquête bizarre où des pédophiles se retrouvent assassinés à côté de leurs victimes. Or Nazutti, malgré sa vie en lambeaux, ne s’est jamais résigné à classer sans suite tous les meurtres des petites victimes. Il garde précieusement en mémoire leurs noms et leurs doudous. Nazutti le haineux est aussi détesté par ses pairs, et Andreotti ne sait plus à quel saint se vouer : son collègue est-il encore flic, justicier, ex-employé d’une drôle de maison où des gens bien assouvissent leurs pires instincts ? Fasciné, Andreotti oublie sa femme, sa possible réhabilitation, et plonge dans le monde noir, très noir de son co-équipier. FA
CHAMOISEAU, Patrick Cote R CHAM
Le papillon et la lumière Paris, Rey, 2011. 109 p.
Patrick Chamoiseau nous offre à travers un conte qui s’ouvre sur le dialogue entre deux papillons, un âgé et un jeune, une réflexion sur le sens de la vie. Le livre est illustré par les dessins à l’encre de Chine par Ianna Andradis. Quel est le sens d’une vie où l’on ne se met pas en danger ? tisse le fil d’Ariane de ce conte. Un jeune papillon de nuit se protège des réverbères pour ne pas abîmer ses ailes. C’est alors qu’il remarque un vieux papillon aux ailes intactes. A la manière des moines zen le vieux va d’énigme en énigme entraîner le jeune vers sa propre vérité. Le tout à travers des envolées aux descriptions très poétiques du monde nocturne, surtout urbain. CD
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CISSOKO, Aya ; DESPLECHIN, Marie Cote 796.83 CIS
Danbé Paris, Calmann-Lévy, 2011. 182 p.
Arrivés en France dans les années 70, les parents de la petite Aya lui transmettent le Danbé qui signifie « dignité » en malien. Même si leurs conditions de vie sont difficiles, l’enfance de la petite fille est pleine de bons souvenirs jusqu’au jour où l’immeuble de Ménilmontant prend feu. C’est un incendie criminel et son père décède ainsi que sa soeur. Sa mère décide de rester en France avec ses enfants et de travailler, quitte à se mettre la communauté malienne sur le dos : une femme veuve doit retourner au pays. On lui prédit d’autres malheurs… Son plus jeune fils, trop pauvre pour être bien soigné, décède brutalement. C’est dans la boxe qu’Aya trouvera la force de continuer à vivre. Sa mère, malade des reins, n’abandonne pas la partie. Elle pousse ses enfants à étudier, à faire le sport de leur choix et leur donne tous les moyens pour sortir de leur condition sociale. Marie Desplechin a été touchée par l’histoire d’Aya et grâce à son talent d’écrivain, le témoignage est percutant et toujours d’actualité. RL
© baronsquirrel, 2005
CLEAVE, Chris Incendiaire Paris, Librairie générale française, 2010 (Le livre de poche ; 30808). 310 p. Cote R CLEAV Ce roman est une longue lettre que la narratrice écrit à Oussama Ben Laden suite à la mort de son mari et de son fils âgé de 4 ans ; ils étaient parmi les 1000 victimes des bombes terroristes explosées dans le stade de foot de Londres. Dans ses mots, il y a toute sa révolte, sa détresse, son incompréhension face à cet acte. Comment Oussama peut-il en vouloir à ce point à tout Londres ? Même à sa famille « middle class » qui n’a « ni les jolies incisives, ni les molaires pourries » écrit-elle. Le roman s’étire sur une année qu’elle passe à essayer de s’en sortir. Après un long séjour à l’hôpital, une tentative de suicide, elle se relève tranquillement. Elle trouve même un petit job à la police de la ville qui employait son mari comme démineur. Le lecteur pense que ça y est, qu’elle va y arriver… jusqu’au jour où une amie la trahit pour sa carrière. Confrontée à sa propre violence, à l’irréparable, elle écrira : « Sors de ta grotte Oussama et viens chez moi je n’arrive plus à te détester. La haine s’est évaporée… ». RL
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COLLINS, Wilkie Sans nom Paris, Phébus, 2006 (Libretto ; 25). 829 p. Cote R COLL Avec Sans nom publié en 1862, Wilkie Collins dénonce sans concessions une société victorienne corsetée dans des principes aussi injustes que discriminatoires. Deux jeunes filles, Norah et Magdalen Vanstone coulent des jours heureux et insouciants dans le domaine de leur père. La famille est aisée et Magdalen annonce ses fiançailles avec son jeune voisin. Mais un drame vient endeuiller la famille Vanstone : les parents de Norah et Magdalen décèdent et les sœurs se retrouvent suite à une disposition légale inique dépouillées de leur maison, de leur fortune et même de leur nom ! Les projets de mariage de Magdalen s’envolent et les deux jeunes filles deviennent des parias. Si Norah se résigne douloureusement à son triste sort, Magdalen elle, va se battre sans relâche perdant jusqu’à la raison pour retrouver ce qui lui est dû et n’hésitant pas à s’associer à des personnages peu recommandables. Ce récit haletant, véritable thriller victorien, est aussi un très beau portrait de femme. CLR
Très populaire pendant l’ère victorienne il a écrit 30 romans, plus de 60 nouvelles, 14 pièces de théâtre, et plus de 100 essais.
Wilkie Collins © National Portrait Gallery, London: NPG 3333
© US Army Africa, 2010
COOPER, Helene La maison de
COULON, Cécile Le roi n’a pas
Genève, Zoé, 2011 (Ecrits d’ailleurs). 364 p. Cote R COOP
Paris, Hamy, 2012. 141 p. Cote R COUL
Sugar Beach
Helen Cooper est une journaliste américaine. Des Etats-Unis à l’Irak, elle a couvert de nombreux reportages et a pris soin d’oublier le pays de son enfance. Le Liberia a été créé en 1847 suite à une utopie, celle du retour à la terre africaine des esclaves américains. Les « congos », les descendants des esclaves, ignorent les ethnies locales. Helen est l’une de ces « congos ». Son enfance est dorée et protégée : demeure luxueuse, domestiques nombreux, école plus que privée, vacances en Europe. Parce qu’elle a peur du noir, ses parents adoptent une petite fille « locale », Eunice. En 1980, la situation bascule avec l’assassinat du président Tolbert, prélude à une longue guerre civile. La mère d’Helen est violée par des soldats. La famille Cooper, Helen et sa « vraie » sœur quittent le pays pour les Etats-Unis, Eunice reste. Avec acharnement, Helen bâtit sa vie en Amérique. Vingt-trois ans après, elle retourne au Liberia pour se souvenir, et retrouver Eunice. Malgré un petit côté Scarlett O’Hara, Helen Cooper fait preuve de beaucoup de sincérité et d’humour. Son témoignage offre un autre regard sur un pays dont on parle peu, sauf en cas de massacre. FA
sommeil
William est habité par la violence et qui a peur de ses réactions. Il rêve pourtant de se marier, d’avoir un enfant, de vivre comme tout le monde. Thomas sera le fils tant attendu de ce père hanté par l’angoisse de déraper. Les gènes ? Le milieu ? Qui peut vraiment savoir pourquoi Thomas héritera de ce même sentiment que quelque chose ne va pas bien se passer dans sa vie. Il est pourtant bon élève, attentif aux autres, serviable et semble assez bien se remettre de la mort accidentelle de son père. Quand il décidera de reprendre avec sa mère l’exploitation forestière, tout le monde pense que son avenir est assuré. Sauf qu’il se met à fréquenter les bistrots, à jouer au poker et à boire beaucoup. Il devient sombre et repousse avec brutalité les avances d’une jeune fille. Un premier geste annonciateur de la chute ? Cécile Coulon est une jeune auteure prometteuse qui ne nous lâche plus jusqu’à la fin de ce court roman. RL
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DESCOSSE, Olivier Cote DESC
L’ordre noir Paris, J’ai lu, 2010 (J’ai lu ; 8624. Thriller). 532 p.
Luc Vernon est avocat d’affaires, l’un des meilleurs, et travaille dans le cabinet de son père qu’il hait pour le mépris qu’il lui témoigne depuis son enfance. Lorsque son père tombe mystérieusement malade, les meurtres et attaques s’enchainent autour de Luc, lui-même agressé. En se plongeant dans le monde des marchands d’art, l’un des dadas de son père, Luc va vite être entraîné dans des périls de plus en plus grands en remontant une piste qui date du 17e siècle et devoir survivre face à des ennemis implacables. Il va passer de Paris à New York, des montagnes suisses aux forêts d’Amazonie, du monde des collectionneurs d’art à celui des banquiers internationaux, et ce ne sont pas ses contacts dans la haute société qui pourront l’aider cette fois… FG
DE FILIPPO, Francesco Cote R DEFI
Le naufrageur Paris, Métailié, 2007. 211 p.
Sous forme de journal, Pjota raconte ses années de jeunesse dans l’Albanie misérable des années 1980. Adolescent, il se fera embaucher par Razy, un chef de mafia fasciné par ce tout jeune garçon qui se montre déjà grand connaisseur de la mer, des vents, des instruments de bord, qui lit énormément et apprend tout seul l’italien. On l’engage pour couler des pneumatiques chargés de drogue dans les hauts-fonds où il sera ensuite facile d’aller les récupérer. A 17 ans, il décide de partir en Italie. Il va tout tenter pour s’en sortir, pour apprendre le métier de journaliste et gravir les échelons, devenir « quelqu’un » mais la désillusion est totale quand il s’aperçoit qu’il est marqué par ses origines : il sera toujours l’Albanais inférieur à qui on demande de rester à sa place. Pas d’avenir pour celui qui est né au mauvais endroit ! Un roman plein d’émotion écrit par un connaisseur de la question de l’immigration italienne. RL
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CURTIS, Edward Sheriff Scènes de la vie indienne en Amérique du Nord Cote 909.049.7 CUR Paris, Albin Michel, 1977. 176 p Voir aussi : Les Indiens d’Amérique du Nord. Cote 909.049.7 CUR
Observez ces clichés bouleversants : geste fondamental du potier qui travaille la terre, peau plissée et ridée. Silhouettes paisibles de deux femmes qui contemplent la surface d’un lac. Quelques cavaliers Navaho semblent disparaître dans le lointain d’une perspective. Visage fier et farouche d’un chef Pregan ou regard aveugle et fermé de Red Cloud. Et que dire de celui de Princesse Angeline, comme tourné vers une éternité antérieure ? Ces magnifiques photographies, Edward S. Curtis les réalisa durant une trentaine d’années pour témoigner d’une culture dont nous aurions beaucoup appris si nous ne l’avions pas détruite. Il visita en tout plus de quatre-vingts tribus et réalisa plus de quarante mille photographies. Au cours de ses recherches du réel il connut bien des histoires envoûtantes. Il vécut avec les Indiens, discuta autour de leur feu de camp en fumant comme eux la pipe qui circulait de bouche en bouche, les vieillards disaient de lui qu’il était comme eux et qu’il connaissait le Grand Mystère. Sa vison fut imperturbablement romantique tout comme la vie des Indiens elle-même. Sa décision de fixer à jamais la beauté et l’étrangeté de cette vie vint à un moment décisif lorsqu’il comprit que la disparition de chaque vieillard, homme et femme, risquait d’être aussi celle d’un rite ou d’une tradition sacrés et que ce monde allait mourir avec eux. ChM
© Mound City Relics
DICKENS, Charles Cote R DICK
Un chant de Noël Paris, J’ai lu, 1996 (Librio ; 146). 121 p.
Titre original anglais : A Christmas carol. cote R2 DICK
Le Noël de Monsieur Scrooge connu aussi sous le titre Un chant de Noël est sans doute l’un des récits les plus célèbres de Charles Dickens. Traduit en de nombreuses langues, porté maintes fois à l’écran sous forme de film et dessins animés plus où moins réussis, ce conte fantastique (à Noël tout peut arriver, même les miracles !) raconte l’histoire de l’affreux Ebenezer Scrooge, un marchand avare et sans cœur. La veille de Noël, Scrooge rentre chez lui et est surpris par le spectre de son associé Marley, mort il y a sept ans. Marley était une fripouille et porte maintenant l’éternel poids de ses péchés. Il vient prévenir Scrooge que durant la nuit trois fantômes vont se succéder auprès de lui : ceux des Noëls passés, présents et futurs. Avec eux Scrooge revisite sa triste enfance, est témoin entre autres des conditions de vie misérables de son employé et assiste horrifié à sa propre mort, seul et haï de tous…On retrouve dans ce conte les thèmes chers à Dickens : l’enfance bafouée, les injustices sociales, la pauvreté, mais également sa foi en la capacité de chaque être humain à devenir quelqu’un de meilleur en faisant preuve de compassion, de générosité et d’empathie envers son prochain. Ce texte a été magnifiquement réédité en automne 2010 avec les très belles illustrations du dessinateur Arthur Rackham (1867-1939). CLR DORRESTEIN, Renate Cote R DORR
Un cœur de pierre Paris, Belfond, 2001. 253 p.
« Personne n’a envisagé que je puisse avoir des tas de bonnes choses à me remémorer. Aux yeux des autres, mon passé n’est fait que de l’unique et suprême tragédie qui s’est jouée ici. De ce jeu unique où la vie nous a explosé au visage comme une bombe ». Ellen, la quarantaine, a décidé d’assumer seule sa grossesse et attend patiemment dans la maison de son enfance que sa petite Ida-Sophie vienne au monde. Pour tromper l’attente et pour se libérer, elle feuillette l’album-photo de sa famille. Son enfance commence sur des airs de petite maison dans la prairie : deux parents aimants et amoureux, trois frères et sœurs, le bonheur jusqu’à l’arrivée de la petite dernière. Peu à peu, Renate Dorrestein nous montre le basculement d’une famille en proie aux tourments d’une mère que personne ne reconnaît comme tourments. L’adolescente Ellen n’est pas crue, la jeune adulte non plus, même des années après le drame. Alors elle parle avec les fantômes de ses frères et sœurs, et à sa petite fille bien au chaud dans son ventre. FA 26
Š Wikimedia Common
girl with book Š Tom Martin, 2006
DYENS, Dominique Cote R DYEN
Intuitions Paris, Ormesson, 2011. 186 p.
Chez les Royer, tout semble parfait. Une maison cossue, deux beaux enfants presque adultes, un garçon et une fille. Il est avocat spécialisé dans les affaires matrimoniales, elle s’occupe d’une agence immobilière. Mais le couple de Nathalie et Patrice n’existe que lorsque l’on invite d’autres bourgeois pour partager un repas et du bon vin. Et certainement que personne ne soupçonne l’existence de cette chambre secrète où l’on n’entre jamais (ou alors, en cachette). Lorsque Grégoire, le fils aîné, qui travaille dans une banque à New York, annonce qu’il va rentrer en France pour présenter à sa famille celle qu’il veut épouser, personne ne sait que tout va être bouleversé. La jeune femme vient d’une bonne famille qui a des manières et des biens. Mais Nathalie a de fortes intuitions… Un roman sur les secrets de famille, qui, même s’il paraît un peu tiré par les cheveux à certains moments, tient son lecteur en haleine. DM
EUGENE Cote 848 EUG
Dans un livre j’ai lu que… Paris, Autrement, 2011. 100 p.
« Dans un livre, j’ai lu qu’interrogé sur ses lectures, George W. Bush répondit : " Je lis le journal ". Ce qui est digne d’un homme affirmant par ailleurs qu’ " on l’avait mal sous-estimé " ». « Dans un livre j’ai lu qu’il existe 5193 mots d’origine française dans la langue turque ». « Dans un livre j’ai lu que selon Pascal Quignard, " celui qui écrit se tait ". Depuis trente ans, Pascal Quignard ne répond jamais aux interviews, ne passe pas à la télévision et s’exprime très rarement à la radio. Il écrit ». « Dans un livre, j’ai lu que Borges trouvait les dernières pages de Cent ans de solitude plus faibles. " La solitude n’aurait pas dû dépasser quatre-vingts ans… " ». Voici quelques extraits de l’abécédaire d’Eugène, qui se réclame du Je me souviens de Georges Perec, une mine de notes intéressantes, cocasses ou étonnantes sur tout ce qui concerne la langue, le livre et la littérature. Un délice à déguster pour tous les amoureux des mots. DM
29
FRANZEN, Jonathan Freedom Paris, Olivier, 2011. 717 p. Cote R FRANZ
FRIOUX, Dalibor Brut Paris, Seuil, 2011. 490 p. Cote R FRIO
Titre original anglais : Freedom. Cote R2 FRANZ
2050. La Norvège, riche de ses fonds souverains issus de l’exploitation pétrolière est devenue un havre de démocratie, dans un monde chaotique, terriblement pollué. Elle n’a cependant pas gardé sa fortune pour elle. Elle se porte au secours de pays moins chanceux et s’oblige à rester vertueuse et altruiste. Las ! Malgré la création d’un conseil d’éthique qui traque les affaires illicites, certains cherchent encore à gagner plus, ou à contourner les lois sociales et environnementales… Tandis que Kurt Jensen complote pour finir sa carrière dans le jury du Prix Nobel, au prix de trahisons et d’agissements malhonnêtes, sa nièce Sigrid cherche à comprendre et dénoncer les malversations de certains investisseurs. Eternel antagonisme entre morale et esprits pernicieux, éternel dilemme de l’être humain. Ce livre remarquable et complet est servi par une écriture vigoureuse, non exempte d’humour, à la pointe acérée et vive. Absolument nécessaire pour ce genre de sujet. MCM
Roman très attendu après le succès sans partage des Corrections paru il y a dix ans, Freedom fut une des sensations de la rentrée 2011. On retrouve les thèmes chers à l’auteur, la famille et la société dans laquelle elle évolue, ici entre 1970 et 2010 dans une petite ville des Etats-Unis. Walter Berglund a toujours aimé Patty, alors qu’elle s’amourachait de son meilleur ami, un bad boy prénommé Richard. Mais c’est avec Walter qu’elle va finir par se marier, avoir des enfants et faire sa vie. Evidemment, c’est un peu plus compliqué que cela, parce que Freedom, c’est la vie qui passe avec ses interrogations, les dépendances entre les personnages, la vie politique (une critique du comportement américain, du capitalisme et de la course effrénée au profit), la vie familiale avec ses amours qui vont et viennent, que ce soit entre parents, entre enfants ou entre générations, la compréhension d’une société à travers la connaissance intime de ses individus. Franzen est très fort dans l’art de créer et décrire des situations, de transcrire des dialogues. Grâce à une grande prodigalité de moyens, il nous fait entrer dans l’intimité de ses protagonistes, que le lecteur connaît de mieux en mieux (sans pour autant les trouver toujours sympathiques) et c’est avec une certaine frénésie qu’on lit ce long roman impossible à lâcher. DM 30
FUENTES, Carlos En inquiétante
compagnie
Paris, Gallimard, 2007 (Du monde entier). 310 p. Cote R FUEN Titre original espagnol : Inquieta compañia. Cote R6 FUEN
Voici cinq histoires plutôt inquiétantes en effet. On s’y attaque l’âme sereine, comme dans La chatte de ma mère : Leticia est une jeune Mexicaine. Elle vit avec sa mère, une vieille dame acariâtre qui menace de la déshériter si elle n’épouse pas un avocat libidineux beaucoup plus âgé qu’elle. Heureusement, elle fait la connaissance in extremis du bel et adorable Florencio… heureusement… vraiment ? Dans toutes ces nouvelles décapantes le grand auteur mexicain flirte avec la mort et le surnaturel. A condition d’apprécier quelque peu le fantastique, elles vous raviront. FB
Vampires need to eat also! © Troy Newell, 2006
GOLDMAN, Francisco Cote R GOLD
Dire son nom Paris, Bourgois, 2011. 422 p.
Titre original anglais : Say her name. R2 GOLD
Comment décrire, mettre en mots le désespoir ressenti après la perte d’un être cher ? En écrivant Dire son nom, c’est ce qu’a décidé de faire Francisco Goldman. Ouvrage présenté comme fictionnel de par son rythme narratif, il relate pourtant des faits bien réels ayant touché l’auteur en 2007. Lors d’un voyage au Mexique, il perd en effet sous ses yeux sa femme, Aura, 29 ans. Dès lors, meurtri, fou de chagrin, il se réfugie dans son petit appartement de Brooklyn et sombre dans une dépression qui lui fera frôler la folie, et dont l’écriture sera le seul exutoire. Sans jamais tomber dans le mélodramatique, il décrit les sentiments contradictoires du deuil, mais aussi l’amour sans bornes voué à cette jeune épouse qu’il ne reverra plus, et qui au fil des pages et des anecdotes nous apparaît de plus en plus familière. Entre New York et Mexico, c’est tout un pan émouvant de leur passé commun qui nous est remarquablement narré. Une fois le livre refermé, on ne peut s’empêcher de regretter l’injustice du sort ayant brisé cette union, mais une certitude magnifique nous apparaît tout de même : le véritable amour existe encore. LF GREENLAND, Seth Cote R GREE
Un bouddhiste en colère Paris, Liana Levi, 2011. 413 p.
A Palm Springs, en Californie, Randall Duke et Mary Swain s’affrontent pour l’élection au Congrès. Elle est une dame très séduisante, mère de quatre enfants, épouse de milliardaire et prône des valeurs traditionnelles et républicaines. Quant à lui, il remet en jeu son mandat, n’hésitant pas à faire sortir de prison son frère paraplégique pour poser avec lui sur des photos à la gloire d’une toujours possible rédemption. Mais dans un camp comme dans l’autre, il y a des choses à cacher. Le directeur de campagne de Swain, le chef de la police Harding Marvin, tente de se défaire de Nadine, une jeune femme avec qui il a eu une liaison. Nadine a de quoi le faire chanter… et pas seulement lui. N’a-t-elle pas passé une semaine torride avec la femme de Randall Duke au Mexique ? Maxon, le chef de campagne de celui-ci, est prêt à effacer tous les obstacles pour que Duke gagne l’élection. Dans cette atmosphère sous haute tension, tous les coups sont permis. Une critique acerbe des Etats-Unis, de ses manies et de ses obsessions, exacerbées en temps d’élections. DM
32
shadows of lovers Š fa snail, 2006
HANDKE, Peter Cote R HAND
La nuit morave Paris, Gallimard, 2011 (Du monde entier). 395 p.
Titre original allemand : Die Morawische Nacht. Cote R3 HAND
Dans un pays indéfini, les Balkans ?, un vieil homme raconte son long voyage devant ses amis-disciples convoqués sur une vieille péniche amarrée, pour l’écouter. L’homme autrefois était écrivain, mais il a renoncé à écrire. Et il parle, il conte, il raconte son voyage, les contrées traversées, les hommes et femmes rencontrées. Il se perd dans son voyage, prolonge à l’envi les descriptions. Apparaissent à ses invités, les épreuves, les défis et les mystères intérieurs du conteur. Et surtout son désenchantement… Servi par une des plus belles écritures de la littérature contemporaine, ce roman bouleversant figure un tableau de l’humanité acerbe et précis, où le lecteur part à la quête du sens, problématique chère à l’écrivain autrichien. MCM
HANSEN, Ron Cote R HANS
Une irrépressible et coupable passion Paris, Buchet-Chastel, 2012. 347 p.
Voici raconté par Ron Hansen un fait divers qui défraya la chronique aux Etats-Unis en 1927 et qui fit l’objet de plusieurs adaptations littéraires ou cinématographiques, notamment celle du Facteur sonne toujours deux fois. La sublime Ruth Snyder est mal mariée avec Albert, un type ennuyeux et droit. Elle s’amourache d’un représentant en lingerie féminine, Judd Gray, lui-même marié, qui va éprouver une passion dévastatrice pour Ruth. Peu à peu, elle lui fait part de son projet : se débarrasser d’Albert pour pouvoir enfin vivre leur amour en plein jour. Le plan va bien évidemment tourner de manière catastrophique, amenant rapidement les deux protagonistes à un jugement pour meurtre. Ron Hansen choisit de montrer Ruth comme une femme manipulatrice, certes, mais amoureuse, alors que tout un chacun peut se poser la question : a-t-elle seulement jeté son dévolu sur le pauvre Judd dans le but de la débarrasser de son terne mari ? Passionnant récit d’une histoire intime, ce livre est également le portrait d’une société dans le contexte de la Prohibition… où l’on passait pratiquement son temps à boire. DM 35
HASZ, Pavel Cote R HASZ
Le jardin de Diogène Paris, Viviane Hamy, 2001. 184 p.
Le narrateur, un intellectuel slovène émigré en Hongrie à cause de la guerre civile, atterrit avec sa femme et sa petite fille dans un immeuble sordide. Insidieusement il glisse dans un no man’s land tant intérieur qu’extérieur, l’un étant le reflet de l’autre. Le narrateur, lors d’une de ses errances dans des hangars désaffectés, rencontre trois étranges clochards qui l’entraînent dans leur monde. Diogène, Doc et Papa sont des êtres retranchés dans leur imaginaire et totalement étrangers au monde. Le décalage petit à petit s’installe entre la vie à l’extérieur et la vie avec les trois compères qui dévoilent un peu de leur mystère, lequel fait écho aux textes du XVIIème siècle que le narrateur s’est attaché à traduire. Le lecteur est alors aspiré dans un lieu imaginaire, hors du temps et de l’espace. Il est question ici d’une aventure initiatique presque à rebours et il serait dommage d’en dévoiler plus. CD
JACOBSON, Howard Cote R JACO
La question Finkler Paris, Calmann-Lévy, 2011. 381 p.
Titre original anglais : The Finkler question. Cote R2 JACO
Au départ, il s’agit d’une amitié entre trois hommes, Libor Sevcik et Sam Finkler, tous deux juifs et veufs et de Julian Treslove, pas juif et jamais marié. Mais ce dernier ne rêve que d’une chose : être juif. En sortant d’une soirée passée avec ses deux amis, il est agressé par un inconnu et a cru entendre des insultes antisémites. L’aurait-on pris pour un juif ? Sam Finkler lui, intègre le groupe des Juifs honteux, honteux du mal que fait subir Israël à ses ennemis. Roman jouissif, pétri d’humour noir et intrigue peu banale, ce récit nous porte à réfléchir sur les grands thèmes de la vie, l’amour, la mort, nos recherches ininterrompues pour comprendre le monde, les autres et leurs particularités. A reçu le Man Booker Prize en 2010. MCM
36
JAENADA, Philippe Cote R JAEN
La femme et l’ours Paris, Grasset, 2011. 310 p.
Mariée à Anne-Catherine, « une femme unique et merveilleuse, mais dérangée », père d’Ernest, écrivain au succès mitigé, Bix Sabaniego est sur le point de recevoir de la part du maire du 13ème arrondissement qui, pas une seule fois lors de son discours ne prononcera son nom, un prix littéraire qui, s’il manque de prestige, égaie tout de même le quotidien. Un quotidien d’autant plus terne que Bix a vécu une jeunesse de folie et de fête à côté de laquelle sa vie actuelle est à peu près celle d’un moine trappiste. Un soir où sa femme est particulièrement hystérique (et Dieu sait combien il la pratique et sait attendre que l’orage passe), elle lui envoie un « Dégage, connard ! » qu’il prend au mot. S’ensuivront plusieurs jours de beuverie et d’errance, une odyssée alcoolisée et désespérée autant qu’hilarante. Inutile de donner les détails de cette épopée, motif à de multiples parenthèses, histoires, descriptions et anecdotes, et peu importe que les faits en soient réels ou non (les prénoms d’Anne-Catherine et d’Ernest sont vraiment ceux de la femme et du fils de l’auteur), ce roman est un bonheur de lecture tout à fait unique. DM
Unhappy marriage - Vision and scenes of Hell! © Roger Price, 2008
JAUFFRET, Régis Claustria Paris, Seuil, 2012. 535 p. Cote R JAUF
JANKELEVITCH, Victor Le paradoxe de la
morale
Paris, Seuil, 1981. Si Jauffret aime les faits 187 p. divers, comme il l’a déjà Cote 194 JAN prouvé dans Sévère (le « Plus il y a d’être, (l’être roman sur la mort du de l’ego) moins il y a banquier Stern), le voici d’amour. Moins il y a pourtant ici embarqué d’être, plus il y a de dans une entreprise d’une l’amour. L’un compense tout a ut r e a mp leur. l’autre. Le problème Claustria (contraction scabreux de la vie morale entre claustrophobie et ressemble à un tour de Austria) aborde ici le thème d’un fait divers apparu force, mais on réussit ce tour de force presque sans en 2008, que vous n’avez certainement pas oublié : y penser quand on aime : c’est, répétons-le,... » dans une petite ville d’Autriche, Josef Fritzl a enfermé ou l’éternel problème de l’équilibre entre être et sa propre fille âgée de 18 ans, dans une cave sous avoir entre le regard neuf, gratuit, innocent hors de sa maison, durant 24 ans, la violant sans répit et lui toute causalité (on y revient) et l’acte qui attend sa faisant sept enfants. Régis Jauffret a enquêté, s’est récompense comme englué dans la durée. Une belle rendu sur les lieux, a questionné des témoins, pour méditation sur le temps, celui qui nous traverse et écrire ce roman de l’horreur. Comment se peut-il que celui que nous traversons presque sans le savoir car personne n’a pu, durant aussi longtemps, voir Fritzl l’intuition est toujours brève. Ainsi par intuition je peux amener de la nourriture dans la cave, en sortir des être dans le jaillissement du temps - mais qu’une petite poubelles, y amener des meubles ? Comment voix vienne m’applaudir en catimini et voici mon se peut-il que personne n’ait entendu une femme geste déjà fané, perverti. Un livre bien roboratif, qui accoucher seule à six reprises ? Une machine à ébouriffe, ouvre toutes grandes les fenêtres sur une laver tourner ? Des enfants pleurer, rire et crier ? Au- exigence morale qui nous renvoie à notre fragilité, delà de l’horreur de la situation, c’est la durée de notre altérité et nous met face à face. CD l’enfermement (24 ans !) qui est intolérable, et cette indifférence de l’entourage… A quel moment la cécité devient-elle complicité ? Jauffret, qui aime par-dessus tout la noirceur des âmes, nous plonge pour longtemps dans une des histoires les plus effroyables qu’il nous ait été donné d’entendre. Et il le fait avec son talent unique et incontestable, dans ce livre foudroyant, qui fait frémir longtemps. DM 38
Š John Sabalis, 2006
JON KALMAN STEFANSSON Entre ciel et terre Paris, Gallimard, 2011 (Folio ; 5212). 252 p. Cote R JONK Il est temps de prendre la mer. Six hommes portent l’embarcation jusqu’au rivage et se hissent à bord. Mais l’un d’eux retourne en courant vers la maison. Il veut juste relire encore quelques vers du chef d’œuvre de Milton, avant de partir sur la mer glacée d’Islande. La pêche est bonne ce jour-là, mais bientôt le temps devient mauvais et le capitaine décide de revenir à terre. L’amateur de poésie va cependant mourir. Sa vareuse de peau est restée dans la cabane, près du livre de poèmes. Dans une agonie affreuse, son âme se retire, son corps capitule face au froid arctique. A peine descendu de la barque, son jeune ami s’enfuit dans la lande en emportant l’ouvrage de Milton, qu’il veut restituer à un vieux capitaine aveugle. Le recueil de John Milton s’appelait… Le paradis perdu. Jon Kalman Stefansson est l’un des plus grands auteurs vivants d’Islande. A lire absolument. MCM
JONES, Thom Sonny Liston était
mon ami
Paris, Albin Michel, 2011. 385 p. Cote R JONE La lecture des nouvelles de l’écrivain Thom Jones nous emporte vers le côté noir des âmes humaines. Les héros souvent jeunes sont boxeurs, anciens soldats au Vietnam, des abîmés de la vie. Pour s’en sortir, ils creusent tout au fond de leurs forces pour un dernier combat, un dernier baroud d’honneur. Existences tragiques et banales que ces parcours de vie de déglingue et de malheur. L’environnement familial, social n’a pu en faire que des perdants. Mais l’auteur, dans ces récits poignants, parvient à les faire exister dignement, à sublimer leurs actions, à leur rendre toute leur noblesse. Du grand art. MCM
41
KASISCHKE, Laura Cote R KASI
Les revenants Paris, Bourgois, 2011. 587 p.
Titre original anglais : The raising. Cote R2 KASI
Un nouveau Kasischke, ô bonheur ! En guise de préambule, un accident de voiture qui a pour victime un jeune couple et pour témoin une certaine Shelly, première arrivée sur les lieux. Nous voici ensuite sur le campus d’une université américaine. Craig, fils de bourgeois qui a dû son admission aux relations de son père, fait la connaissance de son compagnon de chambre, Perry, étudiant brillant et sage issu d’une petite ville nommée Bad Axe, tout comme la magnifique Nicole Werner, dont Craig tombe immédiatement amoureux. Nicole fait partie d’une sororité qui s’adonne à certains rites étranges, et, contrairement à ce que laisse suggérer sa réputation, elle se comporte comme une oie blanche avec son petit ami. Ajoutons à cela qu’après sa mort accidentelle, elle réapparaît régulièrement. Perry, à force de la voir partout, va se rapprocher de Mira Polson, professeure spécialisée en folklore de la mort, pour tenter d’y comprendre quelque chose. Ajoutons que Shelly, dont personne n’a voulu entendre le témoignage, et Mira, à être malgré elles trop proches de la situation, se feront discrètement évincer de l’université. Le mystère plane, de plus en plus opaque et le lecteur tourne frénétiquement les pages… Après le décevant En un monde parfait, enfin un grand Kasischke ! DM KESSLER, Brad Cote R KESS
Hôtel des adieux Paris, 10/18, 2011 (Domaine étranger ; 4468). 317 p.
Traschis Island se prépare à hiberner. Les derniers estivants partis, Douglas et Kevin s’activent pour la fermeture de leur hôtel. Mais une nuit, Kevin assiste au crash d’un avion près de l’île. Il n’y aura aucun survivant. Leur hôtel est réquisitionné afin d’accueillir les familles des disparus. Peu à peu arrivent des êtres broyés par le chagrin, torturés par l’incompréhensible. L’Iranien Pars, l’oncle d’une jeune victime qui se replie dans le silence, des parents taïwanais qui pleurent la perte de leur fille et aussi Ana, qui recherche vainement des traces de son compagnon. Inlassablement, Kevin leur parle, les nourrit, il essaie de les arracher un peu à leur infinie tristesse. Beaucoup d’émotions dans ce roman bouleversant, mais jamais pathétique : seulement des hommes et des femmes confrontés à la solitude, la perte et cela dans un écrin naturel presque magique, où le ressac de l’océan joue sa partition mineure, comme pour accompagner chaque personnage délicatement. MCM 42
Š motograf, 2007
KEROUAC, Jack Cote R KERO
Sur la route : le rouleau original Paris, Gallimard, 2010 (Du monde entier). 505 p.
Titre original anglais : On the road. Cote R2 KERO
J’ai repris la route. Je me demandais si ça tiendrait encore comme lorsque j’avais l’âge des protagonistes. Je voulais peut-être me prouver quelque chose mais surtout je voulais goûter ce diamant brut : le rouleau original qui est ce tapuscrit insensé que rédigea Kerouac enfiévré de caféine durant une vingtaine de jours et nuits d’un printemps new yorkais : 125 000 mots sur un rouleau de papier long de quarante mètres. Pas de paragraphes ni de chapitres mais une ponctuation et un admirable sens du rythme et de la narration donnent à ce texte son étonnante lisibilité envoûtante et magnétique. J’étais si captivé par cette lecture que je me suis senti comme un chauffeur ivre de route incapable de relâcher l’accélérateur. A toute vitesse - et pourquoi dormir ? – Jack poursuit Neal, le frère inconnu, le père jamais trouvé, l’ami idéal, d’est en ouest et retour. San Francisco, Denver, Chicago, New York, le jazz, le bop, le thé, l’alcool, les filles, les compagnons de route et la route ! Et la vie. Et la nuit, ses étoiles, sa lune merveilleuse, triste et seule. Lorsque le jeune Kerouac présenta son tapuscrit fou aux vieux éditeurs sages il y eut des rires gênés dans les salons feutrés. Six ans de désespoir, dèche, corrections et suppressions s’ensuivirent qui donnèrent en 1957 le livre qui rendit son auteur célèbre. Aujourd’hui, le rouleau original est enfin publié tel qu’il fut fantasmé et, oui, il est urgent de reprendre la route ! ChM KHAZANOV, Boris Cote R KHAZ
L’heure du roi Paris, Viviane Hamy, 2011. 126 p.
Telle une fable pour adultes, ce merveilleux récit nous conte une histoire presque vraie ! Un matin, un minuscule royaume est envahi par l’armée allemande. Chars, jeeps, bataillons entiers, hauts-gradés déferlent sur la Principauté, sans violence, presque sans bruit. Sans heurt, sans opposition, la cohabitation imposée s’installe. Quelques désagréments tout au plus que le bon Roi Cédric X et son peuple supportent. Mais un jour, suite à un incident – un citoyen juif n’a pas mis son étoile jaune –, le roi décide lui aussi d’épingler le signe distinctif sur sa redingote. La riposte allemande sera cinglante et impitoyable. Parodie de l’histoire, ce texte ironique et bon enfant invite à nous pencher sur la responsabilité de chacun d’entre nous face aux évènements de toute la collectivité. L’auteur-trublion, né en 1928 à Leningrad, fut condamné à huit ans de travaux forcés pour « propagande anti-soviétique ». MCM
45
LAGAYETTE, Pierre Cote 820.9 LAG
Histoire de la littérature américaine Paris, Hachette, 2011 (Les fondamentaux ; 88.
Langues). 159 p.
La plupart des lecteurs le savent, il est parfois bon de s’arrêter entre deux lectures, deux récits, deux romans, de souffler pour mieux comprendre, mieux situer ou mieux appréhender un auteur et son œuvre. Quels sont les inspirations de l’écrivain, son style peut-il être comparé, fait-il ou faisaitil partie d’un mouvement, d’une école ? Tel est le travail effectué par Pierre Lagayette, professeur de littérature et civilisation américaines à La Sorbonne. Il explore et repère les points les plus importants de l’art littéraire aux Etats–Unis, depuis ses débuts avec les récits des pères fondateurs jusqu’aux œuvres plus contemporaines du vingtième siècle. Vaste panorama, vaste travail très complet d’une des littératures les plus riches du monde. A lire et relire. MCM
LAURRENT, Eric Cote R LAUR
Les découvertes Paris, Minuit, 2011. 173 p.
Lire Eric Laurrent est toujours une expérience. Son écriture est si particulière que c’est peut-être lui (lors du discours consécutif à la remise du prix Wepler qui lui a été décerné) qui en parle le mieux : « […] conscient que je suis (et ce discours en offrira une nouvelle fois l’illustration) du caractère bien souvent rébarbatif de mon écriture précieuse et contournée, qui réclame sans doute au lecteur plus d’efforts qu’il n’est accoutumé à en fournir en règle générale et en a exaspéré, en exaspère et en exaspérera sans aucun doute encore plus d’un, et que, me disais-je tout au long de sa rédaction, rendrait davantage exaspérante, car plus saillante, le sujet très personnel, intime même, de l’ouvrage […], soit l’éducation plus sexuelle que sentimentale d’un jeune garçon qui emprunte beaucoup à mes traits […] ». Une éducation sexuelle, donc, abordée avec un tableau de David et l’affiche du film Emmanuelle, les magazines pornographiques dérobés au kiosque à journaux n’apparaissant qu’ensuite. On est loin de l’accès à tout par le truchement d’internet. Quel que soit le sujet de ses romans, en ce qui me concerne, je suis toujours sous le charme de l’écriture de Laurrent, et d’exaspération, que nenni… DM 46
LECOMTE, Moïse Cote R LECO
Attention gastéropodes Paris, Chambre d’échos, 2011. 74 p.
Un drôle de livre, un livre à part, singulier avec des mots-valises, des mots mille-feuilles pour raconter une fête qui se révèle être une fête initiatique, un véritable éloge de la lenteur en totale contradiction avec la frénésie du monde. Le narrateur récemment installé avec sa famille en campagne dans un lieu retiré se rend à une fête locale… et tout se délie, se révèle, s’annonce. Un livre étrange à la très belle écriture à la fois dense et légère qui est aussi une réflexion sur le temps, celui qui passe et celui qui jaillit. CD
© Satendra Mhatre, 2008
LODGE, David MacMURTRY, Larry Un homme de La dernière séance tempérament Paris, Gallmeister, Paris, Rivages, 2011. 2011 (Totem ; 13). 321 p. 706 p. Cote R MACM Cote R LODG Titre original anglais : A man of parts. Cote R2 LODG
Après la biographie de Henry James (L’auteur ! L’auteur !) qui ne fut pas très connu de son vivant, Lodge s’en prend aujourd’hui à son voisin, le romancier anglais Herbert G. Wells qui fut l’un des écrivains les plus importants et les plus prolifiques de son époque, même si aujourd’hui on ne le connaît plus guère que pour une poignée de romans dont La machine à explorer le temps, L’homme invisible ou La guerre des mondes. H.G. Wells fut un homme engagé politiquement, membre de la société fabienne qui fut à l’origine du parti travailliste. Ce fut aussi, et c’est sous cet angle principal que Lodge le dépeint, un don juan notoire, qui épousa en secondes noces une femme très ouverte d’esprit qui connaissait et tolérait ses incartades. Il eut de nombreuses longues liaisons, notamment avec de très jeunes femmes qu’il attirait comme un aimant. Il eut deux enfants hors mariage, une multitude de femmes dont il fut sincèrement amoureux, faisant scandale à de nombreuses reprises. En plus de nous faire découvrir un auteur trop mal connu, Lodge nous fait plonger dans une époque et sa société, et c’est tout simplement passionnant. DM
48
Duane et Sonny sont en dernière année au lycée de Thalia au Texas. On est en 1951. Pour gagner quelques dollars, l’un travaille de nuit au forage pétrolier et l’autre livre du butane avec une camionnette qu’ils se partagent. Ils vivent dans une sordide pension mais que ne supporteraient-ils pas pour être indépendants. Aux confins du désert, dans cette bourgade balayée par les vents, les jeunes ont peu de loisirs. Il y a le billard tenu par Sam le Lion, le café où l’attirante Genevieve travaille dur en attendant que son mari se remette d’un grave accident. Parfois, ils vont au bal, aux matches de foot, aux soirées nudistes dans les piscines des riches ou au bordel le plus proche. Mais c’est au cinéma qu’ils préfèrent se rendre pour voir s’embrasser les stars hollywoodiennes. Ces scènes émoustillent les couples blottis dans les derniers rangs où ils apprennent à aimer. RL
Š East Liverpool Historical Society
Š realbollywood.com
MAKINE, Andreï Le livre des brèves
MAM, Somaly Le silence de
Paris, Seuil, 2011. 194 p. Cote R MAKI
Paris, Carrière, 2005. 212 p. Cote 306.74 MAM
amours éternelles
Huit tableaux dans la vie d’un homme en ex URSS, des années 60 jusqu’à l’effondrement du régime soviétique, tissent la trame de ce livre. Par touches impressionnistes Andreï Makine nous introduit dans un paysage inconnu, nous brosse un portrait très sensible d’un monde, d’un peuple et, en même temps, comme en contrepoint, nous offre huit histoires d’amour qui sont en décalage parfait avec la brutalité du régime. Comme toujours cet auteur est attentif aux choses ténues des vies souvent trop hâtives, aux moments de grâce qui peuvent les éclairer, à la beauté des instants humbles et essentiels. Andreï Makine en transcrit ici avec talent la mystérieuse symphonie. Inutile d’ajouter que ce livre fut un véritable coup de cœur et qu’il restera longtemps à portée de main ou plutôt à portée de cœur. C’est trop rare de trouver un livre écrit avec tant d’intelligence, celle du cœur, bien sûr, mais pas seulement. CD
l’innocence
Un petit village de la province de Mondulkiri, au Cambodge, dans les années septante. La jeune Somaly Mam connaît, à l’instar de nombre de ses compatriotes, une enfance des plus difficiles. Orpheline, elle est recueillie par un étranger qu’elle appelle « grand-père », battue régulièrement puis mariée de force à un homme alcoolique et violent qui décède peu après. S’ensuivent alors pour Somaly des années de cauchemar : elle est ballottée de bordel en bordel, vendue, rachetée, frappée, terrorisée. C’est après avoir traversé l’inimaginable qu’elle fait la connaissance de son mari, Pierre Legros, un « français pauvre » passionné du Cambodge. Il décide de l’aider et parvient à lui offrir une nouvelle vie à ses côtés, à Paris. Plus que tout, la jeune femme désire profiter de cette opportunité pour aider celles qui n’ont pas eu sa chance. Avec Pierre, elle crée l’AFESIP (Agir pour les femmes en situation précaire), une ONG présente au Cambodge, mais aussi au Vietnam et au Laos, proposant des solutions aux victimes de la violence et de la prostitution. C’est des actions de cette association que parle ce livre, mais également des destins touchants de ces jeunes filles à l’enfance volée auxquelles elle vient en aide. Un témoignage poignant. LF
51
MANI, Stefán Cote R MANI
Noir océan Paris, Gallimard, 2010 (Série noire). 474 p.
Amis des grands océans et de la noirceur voici un effrayant huis clos parfaitement réussi! C’est une dernière campagne, de l’Islande au Surinam, sur un cargo de 4000 tonnes. Les marins savent qu’ils risquent le licenciement et veulent se mutiner. Il y a un homme criblé de dettes qui a accepté de dealer de la drogue, un homme qui vient de tuer sa femme, un beau-frère qui n’en est pas un, un capitaine désespéré qui sait qu’il mène son dernier combat et qui ne sait plus si sa femme va le rejoindre. Un monstre, un vrai, qui en est réduit à protéger les hommes du bateau en acceptant d’être un vrai faux beau-frère. Bref, vous l’aurez compris, rien n’est simple dans cette histoire, on est juste emporté par les flots tumultueux de Mani et c’est très bien ainsi. FA
MARECHAUX, Laurent
Cote 809.93 MAR
Ecrivains voyageurs, ces vagabonds qui nous disent le monde Paris, Arthaud, 2011. 190 p.
On a envie de les suivre, ces voyageurs magnifiques, ces bourlingueurs solitaires, ces aventuriers célestes. On s’attacherait à leurs pas, on recueillerait leurs impressions, on soignerait leur plaies… leurs récits nous éblouiraient ou nous effraieraient. On a envie de les accompagner, ces écrivains voyageurs, ces itinérants inspirés, ces arpenteurs lettrés, ces intellectuels curieux de tout l’univers, on partagerait leurs émotions, on porterait leurs cahiers, on écouterait leurs doutes et leurs enthousiasmes. Laurent Maréchaux l’a fait pour nous. Dans un très beau livre, il nous fait découvrir ou redécouvrir ces marcheurs qui ont voulu voir si c’était vrai, si c’était aussi dur ou aussi beau que dans leurs rêves. Une très belle iconographie accompagne les chapitres de chaque auteur, devenant à leur tour des personnages très attachants. MCM
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MARTIN, George R.R. La glace et le feu Cote R MART Paris, Pygmalion, 2008 (Le trône de fer ; 1). 12 Vol. Robert Baratheon, roi des Sept Couronnes, mande Eddard Stark au poste laissé vacant de Main du roi. Au nom de leur indéfectible amitié mais contre son gré, ce dernier accepte pour se voir aussitôt plongé au cœur des intrigues et des violences de la cour. Stark découvre rapidement que la mort de son prédécesseur n’est pas aussi naturelle qu’on a bien voulu le faire croire. Son destin ainsi que celui de toute sa famille s’en retrouvera dès lors irrémédiablement bouleversé. Quant à son fils naturel, Jon Snow, il est appelé à rejoindre la Garde de nuit sur le mur du nord, une construction colossale destinée à protéger le royaume des forces obscures. Et justement, la menace conjointe des peuples sauvages et de ces êtres mythiques que l’on nomme les Autres se fait de plus en plus pressante. A l’est, Viserys et sa sœur Daenery, derniers représentants de la lignée royale des Targaryen, s’allient avec les puissants Dothrakis, un peuple guerrier nomade. Leur objectif avoué : reprendre possession du trône qui leur avait été arraché par Robert Baratheon quinze ans plus tôt... Le Trône de Fer est une incroyable saga de fantasy qui mêle, dans une complexe et violente alchimie, intrigues politiques, mensonge, guerre, trahison et sang (...beaucoup de sang !). JM Photo : © Mark Hardie, 2007 / Photomontage : bpoeta.net
MARTINEZ, Carole Cote R MART
Le Cœur cousu Paris, Gallimard, 2007 (Blance). 432 p.
Dans un village du sud de l’Espagne, une lignée de femmes se transmet depuis la nuit des temps une boîte mystérieuse... Frasquita y découvre des fils et des aiguilles et s’initie à la couture. Elle sublime les chiffons, coud les êtres ensemble, reprise les hommes effilochés. Mais ce talent lui donne vite une réputation de magicienne, ou de sorcière. Jouée et perdue par son mari lors d’un combat de coqs, elle est condamnée à l’errance à travers une Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang. Elle traîne avec elle sa caravane d’enfants, eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels. L’histoire est racontée par Soledad, la dernière de ses filles. Prix Renaudot des lycéens 2007, ce livre est à mi-chemin entre conte et roman, oscillant sans cesse entre rêve et réalité, entre fantastique, magie et vie réelle. Après quelques lignes, on se laisse convaincre et emporter par l’histoire. GS
MENGESTU, Dinaw Cote R MENG
Ce que l’on peut lire dans l’air Paris, Albin Michel, 2011. 368 p.
Jonas, le narrateur, se souvient de son enfance dans le Sud des Etats-Unis. Ses parents, des Ethiopiens immigrés, ne se sont jamais entendus, mariés trop jeunes, avant de vraiment se connaître. Jonas lui-même est sur le point de se séparer de sa femme, rencontrée dans une association d’aide aux réfugiés à New York, où ils travaillaient tous deux. Enseignant l’anglais dans un lycée, peu à peu, il se met à relater à ses élèves l’histoire de son père qui a dû fuir l’Afrique, mais son récit devient conte, fable, il invente de plus en plus. Le voyage de son père se transforme en une formidable légende, un périple digne d’Ulysse. La fiction n’est-elle faite que de mensonges, la réalité se désintègre-t-elle toujours face à l’imaginaire ? Le flou amène-t-il à la compréhension de nos passés ? A méditer. MCM
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Š Advanced Source Productions, 2005
Š the, 2006
Cote 398.2 CON
Le miroir de Matsuyama Arles, Picquier, 1993 (Contes du Japon ; T2). 22 p.
Voici bien longtemps au Japon, un homme vivait avec sa femme et leur petite fille à Matsuyama dans la province d’Echigo. Un jour le père dût se rendre à la capitale. Il partit plusieurs jours et à son retour rapporta un miroir en cadeau à son épouse. Celle-ci ne comprit pas tout de suite que la belle jeune femme qui s’y reflétait n’était autre qu’elle-même. Les années passèrent et la petite fille devint une fort belle jeune fille, portrait craché de sa mère. La mère tomba malade et avant de mourir légua le miroir à sa fille… Ce très beau conte qui nous parle d’un Japon ancestral évoque de façon très touchante la transmission entre générations, ainsi que la force et la beauté de l’amour entre une mère et sa fille. Un court récit très joliment illustré qui malgré sa brièveté touche l’âme et le cœur durablement. CLR
MOHAMED, Nadifa Cote R MOHA
Black Mamba boy Paris, Phébus, 2011 (Littérature étrangère). 276 p.
Jama est né en Somalie dans les années 1940, dans un pays déjà en guerre. Lorsqu’Ambaro était enceinte, un serpent s’est approché de son ventre et l’a épargnée. Depuis, pour elle, son enfant est béni. L’enfant s’appelle Jama, c’est le père de l’auteure. Jama grandit près de sa mère, bonne à tout faire au Yémen. A la mort d’Ambaro, il part à la recherche de son père parti au loin gagner sa vie. Sa quête le conduit à toutes les errances, et à tous les boulots. Il est transporteur de charogne, éclaireur pour les Italiens, épicier, marin. Finalement, après un périple qui l’emmène jusqu’en Palestine en passant par le Soudan et l’Egypte, Jama s’en retourne vers sa femme car il ne veut pas faire subir à son enfant l’absence d’un père. A l’exception d’un officier, le comportement des soldats italiens est terrifiant : je ne pense pas pouvoir relire de sitôt la scène de la mise à mort de Shidane, compagnon de galère de Jama. Malgré une profusion de termes qui pourraient mériter une explication, j’ai été emportée par la quête de cet enfant-adulte, et par la découverte de l’histoire méconnue de l’Afrique de l’est. FA 57
MOUCHARD, Christel OATES, Joyce Carol Doña Isabel ou La Nous étions les
véridique et très mystérieuse histoire d’une Créole perdue dans la forêt des Amazones
Paris, Laffont, 2011. 346 p. Cote R MOUC
Une jolie famille : Michael, le père, parti de rien et devenu patron d’une entreprise de toiture. Corinne, sa femme, toujours gaie et optimiste. Leurs enfants : Michaeil Jr, champion de football, Patrick, passionné de science, Marianne, l’une des filles les plus populaires du lycée, et Judd, le petit dernier, le narrateur. On vit dans l’amour et l’harmonie. Jusqu’au jour de la Saint Valentin 1976 où le grain de sable vient enrayer la machine… Ce n’est pas tant l’événement en lui-même, certes traumatisant, qui va bouleverser le destin des Mulvaney que la manière dont chacun va réagir. Michael, assoiffé de vengeance, va se ridiculiser, voir ses amis se détourner de lui, et sombrer inexorablement dans l’alcoolisme. Corinne va tenter de garder tout ce petit monde uni, prétendant que tout va bien, mais personne n’est dupe, et chacun à sa manière va s’éloigner de sa famille. Malgré sa dureté, c’est un magnifique roman qu’on dévore d’une traite et je ne peux que vous conseiller de vous y plonger. DM
Mariée très jeune à un aventurier français, Godin des Odonais, dont elle est sans nouvelles, Doña Isabel décide de le rejoindre avec armes et bagages, famille et domestiques. Las ! Pour ce faire, elle doit traverser une grande partie de la forêt amazonienne. De péripétie en péripétie, elle se retrouve seule et parviendra miraculeusement à rejoindre un petit monastère où elle sera recueillie à moitié morte, exsangue, dévorée par toutes sortes d’insectes et méconnaissable. Combien de jours a-t-elle pu survivre, deux, trois ou quarante, comme elle le prétend ? A soixante-treize ans, le sieur Charles de la Condamine en doute toujours. L’ancien chef d’expédition dont Godin était le factotum, s’emploie à faire surgir la vérité, au-delà des années et des mémoires oublieuses. D’un fait réel, Christel Mouchard nous offre un merveilleux livre, où aventures, passion amoureuse et histoire scientifique nous charment, étonnent. En fin d’ouvrage sont indexées toutes les références des archives utilisées par l’auteure. MCM
58
Mulvaney
Paris, Stock, 1998 (Nouveau cabinet cosmopolite). 605 p. Cote R OATE
MUÑOZ MOLINA, Antonio Fenêtres de
Manhattan
Paris, Seuil, 2008 (Points ; 1889). 370 p. Cote R MUNO Titre original espagnol : Ventanas de Manhattan. Cote R6 MUNO
Solitaire, désorienté, ivre de découvertes, Antonio Muñoz Molina erre dans Manhattan. A travers ce roman, il nous invite à nous promener avec lui, à nous imprégner peu à peu des impressions que lui laisse la Grosse Pomme. Flânant le long des rues, il relève tout ce qui lui semble intéressant, beau, tragique. Personnalités marquantes croisées au coin d’une avenue, tableau accrocheur déniché au fond d’un musée désert, paysages irréels et scènes de vie lui rappelant la peinture de Hopper ou de Katz, tout est pour lui source de curiosité. Dès sa première visite de la métropole où, maladroit et honteux, il n’ose demander son chemin, il naît en lui une passion pour New York. Il y retourne plusieurs fois, avide d’ambiances et de nouveautés, notant sur son calepin ce qui lui semble digne d’être écrit. C’est lors de l’un de ces voyages qu’il assiste malgré lui à la tragédie du 11 septembre 2001. Il en brosse un compte-rendu personnel, intime, et raconte pas à pas la renaissance de la ville après le chaos. Fenêtres de Manhattan est un livre d’atmosphères, de descriptions captivantes, destiné à quiconque aime New York (ou désire apprendre à l’aimer). LF © Wally Gobetz, 2001
ONFRAY, Michel Cote 109 ONF
L’archipel pré-chrétien Vincennes, Frémeaux, 2004 (Contre-histoire de la philosophie ; 1). 12 CD
La série Contre-histoire de la philosophie est constituée d’un ensemble de cours dispensés par Michel Onfray à l’Université populaire de Caen. Le philosophe, bien connu des médias, s’attache tout particulièrement à proposer une vision différente de la philosophie occidentale en montrant qu’elle est issue d’une construction historique très loin d’être neutre. Il s’attardera ainsi sur des courants et des philosophes largement passés à la trappe de l’histoire ou du moins souvent déconsidérés. Hédonisme, matérialise, athéisme ou sensualisme trouveront une bonne place au travers de ces cours passionnants et, cela mérite d’être souligné, dispensés dans un langage compréhensible par tous. A écouter en livre-audio. JM
ORVES D’ESTIENNE, Nicolas de Je pars à l’entracte Cote R ESTI Villeneuve-d’Ascq, Nil, 2011 (Les affranchis). 72 p. Ce livre est l’un des trois premiers de la nouvelle collection Les affranchis chez Nil. Le propos est de demander à un auteur d’écrire la lettre qu’il n’a jamais écrite. Dans cette lettre, Nicolas d’Estienne d’Orves écrit à son ami d’enfance Nicolas, son meilleur ami qui, on l’apprend au fil de la lecture, s’est suicidé. Au cours de cette longue lettre il lui parle de lui, de leur relation, de tout ce qu’ils ont vécu et partagé, mais peut-être aussi de ce qu’ils n’ont pas osé partager. Nicolas parle, chuchote, parfois s’énerve comme si son ami était encore là et qu’il pouvait l’écouter. Il brosse ainsi le portrait de leur relation, de cet entredeux à la fois fragile et fort. L’auteur parle de ce qu’il a capté de l’autre tout en s’adressant à un absent, au scandale de cette absence. C’est aussi là l’occasion de régler de vieux comptes, de parler des malentendus, incompréhensions qui ont émaillé le chemin de leur relation. Il peut ainsi fermer la page d’une amitié aussi intense qu’encombrante, presque envahissante. L’écriture, fluide, arpente le mystère du disparu. CD
60
Š Mattox, 2009
Š N. C. Wyeth ~ Frederic Remington, 1925
OVALDE, Véronique Cote R OVAL
Des vies d’oiseaux Paris, Olivie, 2011. 235 p.
Attention, ce livre n’est pas un polar. Bien sûr, vous y rencontrerez un policier, une énigme, petite, l’énigme, des personnages qui se découvrent peu à peu. Un paysage où chaleur, langueur et atmosphère nonchalante et poussiéreuse forment un chœur muet. Un amour qui prend son temps, des personnages qui se cherchent pour mieux deviner l’autre. Une femme qui s’ennuie près de son mari fortuné, des squatteurs qui empruntent les demeures des habitants partis en villégiature, un village perdu où un inspecteur cherchera à connaître des choses enfouies dans les mémoires. Et tout cela génère un roman à l’écriture aérienne, avec un soupçon de romantisme, entre précision de la langue et alanguissement. MCM
PARKMAN, Francis Cote 917.3 PAR
La piste de l’Oregon Paris, Payot, 1993 (Petite bibliothèque Payot ; 153. Voyageurs). 366 p.
Hurlement du coyote ou du loup dans la nuit ; son du sabot qui heurte le sol ; hennissement étouffé d’un cheval qui rêve dans la brume matinale peu avant l’aube, les hommes sommeillent encore, allongés autour des braises qui ne rougeoient plus guère, leur fusil dans l’alignement de la jambe. Car il y a du danger sur la piste de l’Oregon, l’une des quelques pistes sécurisées qu’empruntaient les premiers pionniers au départ de Saint-Louis, Missouri, pour l’Ouest indompté, sauvage et inconnu. Au printemps 1846 un jeune bostonien de santé fragile l’emprunta avec une toute petite équipe. Il voulait traverser les grandes plaines, océan d’herbe moutonné de buffles préhistoriques qui y paissaient par milliers. Surtout il souhaitait rencontrer amicalement ces tribus primitives, les Indiens des plaines, entendre leur langue, vivre leurs coutumes ancestrales, les suivre sur leurs sentiers de guerre. Il voulait les connaître mieux. Il pressentait avec nostalgie et crainte que ces jours de quiétude pérenne étaient comptés et qu’une civilisation allait y rencontrer sa fin. F. Parkman est ce jeune homme et il écrivit ce somptueux récit peu après son retour à l’aide des carnets de route qu’il rédigea scrupuleusement à la lueur des feux de camp. ChM 63
La reine du sud
PEREZ-REVERTE, Arturo Cote R PERE
Paris, Seuil, 2003. 575 p.
Titre original espagnol : La reina del sur. Cote R6 PERE
A la suite d’un coup de téléphone, Teresa Mendoza doit fuir Culiacán, province du Mexique, au plus vite. En effet, son mari pilote d’avion vient d’être assassiné par le cartel de Juarez pour lequel il travaillait et le même sort lui est réservé. Elle parvient à négocier sa liberté en échange de documents compromettants et est envoyée à Melilla, en Espagne. Sur place, elle rencontre Santiago Fisterra, un contrebandier qu’elle accompagne lors de ses voyages en mer et avec qui elle vit une histoire d’amour passionnelle, jusqu’au moment de son arrestation. Emprisonnée pour complicité de trafic de drogue et de stupéfiants, elle doit purger une peine de quelques mois de prison. Sa compagne de cellule, Patricia O’Farrell, bien décidée à refaire l’éducation de Teresa, lui fait découvrir les joies de la lecture, méconnues pour cette fille pauvre, douée en mathématiques. A leur sortie de prison, les deux femmes s’associent et créent Transer Naga, officiellement une société de transports maritimes, officieusement une entreprise de transports de stupéfiants. Teresa Mendoza parviendra tout au long du roman à se frayer un chemin dans un monde réservé aux hommes, tout en planifiant sa vengeance. AM POTOK, Chaïm Je m’appelle Asher Lev Paris, 10/18, 2006 (10/18 ; 4076. Domaine étranger). Cote R POTO
400 p.
Depuis tout petit, il dessine et il peint tout ce qu’il voit. Entre son père qui passe presque tout son temps en voyage pour sauver des juifs de la répression soviétique, et sa mère, sujette à de grosses crises de dépression, Asher Lev est un petit garçon solitaire. D’occupation, le dessin devient vite une nécessité, sans laquelle Asher Lev ne pourrait tout simplement plus vivre. Mais chez les juifs hassidiques, on ne rigole pas avec la religion, et l’art n’y trouve pas sa place. Jusqu’à l’âge adulte, Asher vit un déchirement insupportable : peut-il vraiment continuer à peindre au risque de meurtrir les êtres qu’il aime le plus au monde ? Ou doit-il se faire violence et renoncer à ce don sans lequel il ne peut exister ? Confronté à ce choix impossible à faire, Asher Lev est un être tiraillé en permanence. Ce roman magnifique est poignant, mais, il faut bien le dire, d’une tristesse infinie. DM 64
POUY, Jean-Bernard Cote R POUY
Nus Paris, Fayard, 2007 (Fayard noir). 227 p.
Chaque année, les représentants du collectif libertaire ZO se réunissent pour une université d’été, histoire de bâtir les fondements d’une future contre-société alternative. Une des règles essentielles de la communauté est la transparence : rien ne doit être caché aux autres membres du groupe. Quel meilleur endroit qu’un camping naturiste pour incarner au mieux cette idée ? Harrar, gérant du lieu et sympathisant accepte de troquer l’emplacement contre des légumes, conserves et autres préparations bio. Quand sa femme de ménage, une retraitée nommée Rosa, est assassinée, le groupe anarchiste réalise qu’elle était en réalité la fille de Durutti, célèbre combattant républicain durant la guerre d’Espagne. Trouver son assassin devient par conséquent une affaire d’honneur. Mais comment enquêter alors que l’on méprise les méthodes policières et comment faire justice, quand on refuse par principe toute autorité ? PH
© Yukon Harbor Road, 1940
PUCHNER, Eric Famille modèle Paris, Albin Michel, 2011 (Terres d’Amérique). 522 p. Cote R PUCH Warren Ziller a convaincu sa femme et ses trois enfa n t s d e q uit t er le Wisconsin pour la Californie où se profilait un juteux marché immobilier. Mais le rêve a mal tourné : comment convaincre de futurs propriétaires alors qu’une décharge s’installe sur le terrain qui jouxte la résidence ? Bref, Warren est ruiné, et il tente de le cacher à sa famille. La Chrysler a été saisie ? Un vol. Les meubles ont été saisis ? On les a débarrassés pour les remplacer par des neufs. Mais on ne tient pas longtemps à ce petit jeulà, surtout quand la situation est loin de s’améliorer et que chaque décision du père de famille semble être immédiatement suivie d’une catastrophe. Voici un roman haletant, plein de rebondissements, dont la psychologie des protagonistes est très fine, un livre qu’on ne lâche pas, drôle et cynique, mais en fin de compte pas si léger que ça. Pour moi, un grand coup de cœur. DM
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QIU, Xiaolong La bonne fortune de
monsieur Ma
Paris, Levy, 2011 (Piccolo ; 78). 59 p. Cote R QIU Monsieur Ma est libraire dans la cité de la Poussière Rouge. En 1962, il est condamné à 30 ans de prison pour « activités contre-révolutionnaires ». Huang dit avoir une dette envers le libraire qui lui a permis de lire toutes les traductions en chinois de Sherlock Holmes sans en acheter une seule. Il mène l’enquête et apprend que c’est un roman russe à propos d’un docteur du nom de Zhi Vag qui est responsable de cette condamnation. Un policier, client assidu de sa librairie, va réussir à le faire libérer en 1982. En prison, on lui a permis de posséder un unique ouvrage de son choix (ou presque !). Il a choisi un dictionnaire dont je ne dévoile pas le sujet. Il l’a lu et relu et, à sa sortie de prison, il se sentait prêt à changer sa vie et celle de sa femme aimante qui l’a fidèlement attendu en balayant la cité… Un petit texte sur la révolution culturelle chinoise mais aussi sur l’objet livre qui peut faire basculer un destin d’un côté ou de l’autre… RL
Photo des livres : Š Evan Bench, 2007 / Photomontage : bpoeta.net
© Alex Española, Death of Birth: Rainer Maria Rilke (14dec1875-29dec1926), 2010, acrylic on paper
RILKE, Rainer Maria Les cahiers de
Malte Laurids Brigge Paris, Seuil, 1980. 223 p. Cote R RILK
Titre original allemand : Die Aufzeichnungen des Malte Laurids Brigge. Cote R3 RILK
Jeune poète danois, Malte découvre Paris et se découvre. L’angoisse et la peur sont au rendezvous car la sensibilité exacerbée de Rilke qui parle à travers la voix de Malte nous restitue les violences inhérentes à toute métropole. L’innocence de l’enfance protégée est bien loin, le choc, on ne peut plus rude. Malte écrit pour conjurer ses angoisses. Son regard à la fois incisif, intuitif et très empathique se pose sur la misère, l’injustice, la fragilité de l’existence et la cruauté. Il se laisse traverser sans résister afin de restituer au plus près le vécu de ce séjour par l’écriture. Le texte pose donc la question du risque encouru par tout poète qui transcende la brutalité de ce qu’il voit, ce qu’il sent, ce qu’il vit tout simplement au hasard des rencontres et des dérives. CD
ROTH, Philip Le rabaissement Paris, Gallimard, 2011 (Du monde entier). 121 p. Cote R ROTH Ce trentième livre de Philip Roth a reçu un accueil plutôt mitigé de la critique. Mais qu’importe : un « mauvais » Philip Roth reste tout de même bien meilleur que bon nombre de romans ! Le rabaissement nous conte l’histoire de Simon Axler qui fut le plus grand comédien de sa génération. Axler a soixante ans passés et se considère comme fini. Il est incapable de mémoriser un texte et d’entrer dans la peau d’un nouveau personnage. Sa femme le quitte et Simon est interné dans un hôpital psychiatrique. A sa sortie il rencontre Pegeen, jeune quarantenaire. Une passion sexuelle très intense va se nouer entre eux et Simon reprend goût à la vie, s’emballe, refait des projets et va jusqu’à consulter un spécialiste de la fertilité masculine en cachette, au cas où sa maîtresse lui demanderait d’avoir un enfant. Ces pages sont parmi les plus bouleversantes du livre et la fin abrupte de leur relation replongera Axler dans un inconsolable vide. Véritable fossoyeur de nos pathétiques illusions, Philip Roth reste un très grand écrivain. CLR
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ROY, Claude Cote 841 ROY
Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ? Paris, Gallimard, 1999 (Poésie ; 177). 126 p.
Sous-titré : épopée cosmogonique, géologique, hydraulique, philosophique et pratique en 12 chants et vers. Claude Roy, comme peu savent le faire, nous restitue sous forme poétique son extrême attention, sa tendresse à l’égard de la vie, des éléments, des animaux et de l’homme. A la fois dépouillée et nourrie d’une grande érudition, l’écriture ressemble à un murmure qui nous souffle à l’oreille ce que nous ne voyons pas toujours de prime abord. Ajoutons à cela un humour toujours à l’affût, un humour tendre bien sûr qui, pour notre plus grand bonheur, s’amuse avec les mots. Ce long poème a le goût de l’aube, du monde qui s’éveille et en même temps nous montre les temps forts de la vie de l’auteur avec en leitmotiv une méditation sur le temps, sur la mémoire et sur l’eau, omniprésente. J’y devine une exigence mais aussi une gourmandise de vivre, de rencontrer, avec toujours plus d’intensité et de dignité, l’autre qu’il soit humain, animal, végétal ou minéral. CD SEPULVEDA, Luis Cote R SEPU
Le vieux qui lisait des romans d’amour Paris, Métailié, 1992. 130 p.
Titre original espagnol : Un viejo que leia novelas de amor. Cote R6 SEPU
Antonio José Bolivar Proaño connaît bien la forêt amazonienne. Il l’a d’abord détestée, lorsqu’elle lui a enlevé tout ce qu’il avait, puis a appris à vivre avec et même à en faire partie. Grâce aux avisés conseils de ses amis les Shuars, peuple indigène resté fidèle à la nature, il a compris les mille et une ruses nécessaires pour survivre dans ce magnifique mais terrifiant « enfer vert ». Installé dans le hameau d’El Idilio, dont le maire opportuniste ne songe qu’au profit, il coule une existence paisible et retirée. La solitude de ses vieux jours ne le gêne pas, car il détient un secret : il sait lire. Debout devant la petite table de sa maison, face à la fenêtre donnant sur le fleuve Nangaritza, il aime lire de jour comme de nuit des histoires d’amour, des vraies, de celles qui font pleurer à la fin. Une série d’attaques perpétrées par un fauve va cependant troubler la quiétude du vieil homme : étant le plus expérimenté d’El Idilio, il sera obligé de reposer ses romans et de se munir d’un fusil pour partir à la chasse au félin… Le vieux qui lisait des romans d’amour est un livre touchant, prenant, qui nous fait remarquablement voyager à travers l’Amazonie. Une histoire d’amour y est bel et bien dépeinte, celle qu’entretient Antonio José Bolivar Proaño avec « sa » forêt, trop souvent victime des injustices des hommes. LF 70
SEPULVEDA, Luis L’ombre de ce que nous avons été Cote R SEPU Paris, Métailié, 2010 (Bibliothèque hispano-américaine). 149 p. Trois anciens militants de gauche, revenus au Chili après trente-cinq ans d’exil suite au coup d’état de Pinochet, se retrouvent dans un entrepôt à attendre un homme nommé le Spécialiste afin de préparer une dernière action révolutionnaire. Seulement voilà, le Spécialiste meurt en se rendant au rendez-vous. Celui-ci est tué d’un coup de tourne-disque sur la tête. Etrangers aux événements, les trois sexagénaires se remémorent leurs souvenirs et idéaux tout en attendant le Spécialiste qui n’arrivera jamais. Dans ce roman, Luis Sepúlveda nous raconte sur le ton de l’humour l’histoire de son pays et rend un bel hommage aux exilés politiques chiliens rarement évoqués dans les romans. Ce livre est sûrement l’un des plus personnels de l’auteur qui fut lui-même un exilé. AM
© Rogan Josh
SILLIG, Olivier Cote R SILL
Skoda Paris, Buchet-Chastel, 2011. 101 p.
Skoda ! Deux syllabes qui claquent pour ce prénom inhabituel ! Celui d’un nourrisson survivant à un raid aérien et trouvé par un soldat lui aussi rescapé de l’attaque aérienne. Chez Olivier Sillig l’être humain est souvent face à un choix moral au sens fort du terme. Le soldat ne veut d’abord rien voir et rien savoir de ce nourrisson encore accroché au sein de sa maman, morte. Deux survivants, un soldat et un bébé perdus au milieu de nulle part et très vite Stjepan, le soldat, revient sur ses pas et prend l’enfant sous son aile. Se tisse alors un lien à la fois fragile et fort entre l’homme que l’on devine très jeune et ce nourrisson inconnu. En toile de fond des couleurs sombres. Nous sommes en guerre, le contraste entre la violence et l’arbitraire inhérent à tout conflit et la tendresse, l’attention qui lie le soldat au bébé nous explose au visage. Le roman, dense, épuré, noir et solaire nous raconte, nous fait et nous défait tout à la fois, un très beau roman sur la condition humaine qui ne peut laisser indifférent. CD
SIMON, Sophie Cote R SIMO
American clichés Paris, Lattès, 2011. 219 p.
Voici une nouvelle venue dans le paysage de la nouvelle française. Sophie Simon déclare qu’elle se sent mieux de situer ses récits en Amérique, dans le pays des excès et de tous les possibles mais à mon avis, leur qualité n’en aurait pas souffert si ils s’étaient déroulés en France et que leurs protagonistes se fussent appelés Christophe ou Nicolas, Sophie ou Isabelle. Car, à vrai dire, à mon sens en tout cas, le lieu importe très peu. Onze histoires plutôt courtes, qui mettent en scène un accident bête et comment celui-ci y réagit. Le rêve caché de cet homme un peu fade de devenir chanteur d’opéra et comment il a changé de vie. Des trahisons, de l’adultère, des rêves, qui se réalisent, ou pas… Le tout servi par une voix qui sonne juste et n’en fait pas trop. Ma préférée est la première et j’aurais voulu qu’elle dure le temps du livre… A vous de trouver la vôtre. DM
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Š puravida
STEGNER, Wallace La vie obstinée Cote R STEG Paris, Phébus, 1999 (D’aujourd’hui étranger). 341 p. Sur les collines dominant San Francisco dans une nature sauvage et généreuse, Joe Allmen et sa femme Ruth coulent une retraite paisible. Les journées de Joe sont principalement occupées à jardiner ou plutôt à dompter mauvaises herbes envahissantes et bestioles nuisibles. Les rapports avec les voisins sont polis et ce fragile équilibre va voler en éclats avec l’installation sur leurs terres de Peck, un jeune hippie. Très vite Joe Allmen ne parviendra pas à comprendre les valeurs du jeune homme qui lui rappelle son fils décédé. Mais la rencontre qui va bouleverser Joe et le sortir de son état de « gel émotionnel » est celle d’avec Marian Caitlin, une jeune femme qui emménage dans la maison d’à côté avec son mari et sa petite fille. Une forte amitié se noue entre les deux couples malgré les divergences de point de vue entre Joe et Marian qui veut préserver toute forme de vie et s’insurge quand Joe détruit les mauvaises herbes. Lorsqu’elle apprend que son cancer récidive, elle refuse les traitements pour mener à terme sa grossesse. Grâce à la lucidité et au courage de Marian, Joe réalisera que la souffrance fait partie de la vie, que rien ne sert de l’éluder et que les chagrins vous rendent plus riche… Un roman porté par une écriture dense et magistrale, profond et poignant qui nous renvoie à notre condition éphémère d’être humain. CLR STEINBECK, John Cote R STEI
Les raisins de la colère Paris, Gallimard, 2009 (Folio ; 83). 639 p.
Titre original anglais : The grapes of wrath. Cote R2 STEI
Parfois il est bon de se (re)plonger dans un classique, un de ces livres qui traverse les époques sans perdre de sa saveur ; c’est le cas pour Les raisins de la colère. Pendant la Grande Dépression, des milliers de paysans endettés de l’Oklahoma (les Okies) prennent la Route 66 pour la Californie, cette région vantée par les prospectus distribués à tout vent. Là-bas, on leur promet du travail dans un décor paradisiaque. C’est à bord d’un vieux camion que toute la famille Joad embarque pour un voyage si pénible que le grand-père y laissera sa peau. La déception est immense quand ils découvrent la réalité. Il n’y a pas de travail pour tout le monde, les salaires sont dérisoires, les fermiers locaux ne les respectent pas, les haïssent même. Exploités, affamés, parfois révoltés, les émigrés vivent dans des camps de fortune en attendant les récoltes de fruits ou de coton qui les occuperont quelques semaines. La scène finale où une femme ayant perdu son bébé donne le sein à un vieillard en fin de vie restera longtemps gravée dans ma mémoire. RL 75
VARGAS LLOSA, Mario Les chiots Paris, Gallimard, 2002 (Folio ; 3760). 83 p. Cote R VARG
VARGAS LLOSA, Mario Le rêve du Celte Paris, Gallimard, 2011 (Du monde entier). 521 p. Cote R VARG
Titre original espagnol : Los Titre original espagnol : El sueño cachorros. Cote R6 VARG del celta. Cote R6 VARG
Les chiots est une nouvelle dure et réaliste tirée du recueil Les caïds. Cuéllar a tout pour lui, doué à l’école et en football, il est entouré de 4 amis fidèles, Lalo, Ouistiti, Marlou et Fufu. Sa vie bascule le jour où il est attaqué par Judas, le chien propriété de son école catholique. C’est à la suite de cet accident que lui viendra le surnom de PetitZizi. Cuéllar essaiera désormais de grandir avec sa différence qui deviendra dure à accepter le jour où ses amis laissent tomber le football pour les filles. Tout au long du livre, on ne fait que deviner le problème de Cuéllar, mais cela ne nous empêche pas de comprendre sa souffrance et espérer une fin heureuse pour cet enfant qu’on voit grandir. AM
76
C’est en prison qu’on découvre Roger Casement (1864-1916) au début de ce livre, en isolement total, comme le pire des assassins, se demandant si son recours à la peine capitale a une chance d’être accepté. Lui, Roger Casement, l’homme de bien, l’humaniste… N’est-ce pas grâce à lui que l’on a découvert comment les colons de Léopold II traitaient les travailleurs indigènes dans la récolte du caoutchouc ? N’est-ce pas lui qu’on a envoyé en Amazonie rendre compte des horreurs commises sur les pauvres employés indigènes de la Peruvian Amazon Company ? Pauvre Roger Casement qui, de retour en Europe a une idée fixe : l’émancipation de l’Irlande, elle aussi opprimée par la couronne britannique. De mauvaises décisions, un mauvais timing, et le voici soupçonné de haute trahison. Et ce n’est pas la découverte de son journal intime qui va l’aider : il y consigne ses aventures homosexuelles et clandestines, lui dont le plus grand regret sera de n’avoir jamais connu l’amour… Un grand livre pour un grand homme, droit et attachant. DM
VIGAN, Delphine de Rien ne s’oppose à
la nuit
Paris, Lattès, 2011. 436 p. Cote R VIGA « Un soir mon fils m’a demandé sans préavis et sans que rien dans la conversation qui avait précédé, n’ait pu l’amener à cette question : Grandmère…elle s’est suicidée en quelque sorte ? … Encore aujourd’hui quand j’y pense cette question me bouleverse, non pas son sens mais sa forme…Je ne sais plus à quel moment j’ai capitulé, peut-être le jour où j’ai compris combien l’écriture, mon écriture était liée à elle, à ses fictions, ses moments de délire où la vie lui était devenue si lourde qu’il lui avait fallu s’en échapper…» Dans ce roman autobiographique, Delphine de Vigan raconte la vie de sa mère. Lucile était la troisième de neuf enfants. C’était une petite fille lumineuse et belle, que la mort tragique de trois de ses frères et le comportement de son père ont fragilisée. Ce fut une mère aimante et pourtant très inquiétante, mère internée et mère aimée. Au fil de ce livre dont la gestation fut si difficile, l’auteure raconte son enquête auprès de la famille restante, et met à nu ses sentiments. Au final, elle surmonte sa « honte d’avoir eu honte » de sa mère, accepte sa douleur et son héritage. Ce magnifique roman a reçu le prix Fnac et le Renaudot des lycéens. FA © Kenn Kiser
Les couples mythiques de l’art
VIRCONDELET, Alain Cote 709.2 VIR
Paris, Beaux-arts, 2011. 212 p.
Ce livre propose un choix d’une trentaine d’artistes et créateurs et s’intéresse plus spécialement à leur vie intime. Camille Claudel et Rodin, Aline Charigot et Renoir, Frida Kahlo et Diego Rivera, Annabel et Bernard Buffet, les Lalanne et bien d’autres, sont autant de manières de conjuguer création et vie de couple. Chez certains la femme est une muse qui soutient discrètement son compagnon, d’autres n’envisagent la création qu’à deux, chez d’autres encore la compagne ou l’épouse est une rivale qu’il faut écraser. Quelles soient tendres ou passionnelles, harmonieuses ou destructrices, ces dynamiques de couple remarquablement évoquées par l’auteur se révèlent véritablement passionnantes. Un bel ouvrage à la riche iconographie qui propose un autre regard sur les artistes et leurs œuvres. CLR
WALKER, Alice Cote R WALK
La couleur pourpre Paris, Laffont, 1999 (Pavillons). 261 p.
Titre original anglais : The color purple. Cote R2 WALK
Géorgie, dans les années trente. La jeune Célie, quatorze ans, survit dans une famille pauvre et illettrée. Confrontée à la mort prématurée de sa mère, violée par celui qu’elle pense être son père, contrainte de perdre les enfants que celuici lui aura donnés, elle ne trouve de sens à sa vie que grâce à la présence de sa sœur, Nettie, confidente et amie de toujours. Lorsque cette dernière lui est également enlevée par un mari violent, Célie décide de trouver son salut dans les mots qu’elle livre à son journal intime, sous la forme de lettres maladroites et sincères adressées au « Cher bon Dieu ». Ces échanges épistolaires à sens unique, accompagnés du soutien de Shug Avery, chanteuse en vogue dotée d’un pouvoir de fascination indéniable, permettront à la jeune fille de trouver le chemin du bonheur et du pardon dans une Amérique encore ségrégationniste et misogyne. La couleur pourpre, magnifiquement adaptée au cinéma par Steven Spielberg en 1985, s’avère être un roman simple et touchant, transmettant une poignante leçon de force et d’humilité. LF 78
Š Paul Moore
Š name, 2011
WELCH, JAMES Cote R WELC
Comme des ombres sur la terre Paris, Albin Michel, 2010 (Terre d’Amérique). 394 p.
Ce roman est une épopée. Celle d’une tribu indienne, les Mangeurs Solitaires, installée dans le territoire des Deux Médecines qui borde la frontière du Montana et du Canada, à l’est de l’Epine Dorsale du Monde. Dans cette géographie grandiose la ronde des jours et des années est alimentée des rêves prémonitoires et coutumes transmises par les anciens, rythmée par l’immuabilité des tâches, rites et fêtes qui ponctuent les saisons. Trompe le Corbeau, jeune guerrier audacieux et sage a ”vu” le futur et il perçoit le destin funeste qui attend son peuple. Face à l’intrusion de plus en plus agressive des Pileurs qui s’arrogent le droit d’occuper ces terres il n’y a pas d’alternative : guerre forcément inégale, cruelle et futile ou abandon des territoires où son peuple a vécu depuis si longtemps, absorbé ces paysages depuis tant de générations successives que l’instinct même de propriété lui est étranger : il est cette terre. James Welch, écrivain amérindien, connait ce sujet de l’intérieur. Il transmet au lecteur cette histoire simple, âpre et tragique grâce à une prose riche nourrie par une sagesse ancestrale. ChM WESLEY, Mary Cote R WESL
La resquilleuse Paris, Ormesson, 2011. 285 p.
Cette chère Mary Wesley a l’art de distiller des horreurs avec suavité. Adultère, inceste, mensonge, rien ne lui fait peur. Dans ce roman, l’héroïne est une belle cinquantenaire. Cette Matilda a décidé de se suicider après un bon piquenique au brie et au beaujolais. Elle n’a plus de mari, plus de chien, plus de chat, et vient de donner son jars. Elle prétend préférer les animaux aux humains. Elle dit qu’elle et son mari ne voulaient pas connaître la décrépitude de la vieillesse. Cette recherche de la mort n’est peut-être qu’une pirouette, pour oublier que son bel époux l’a trahi, et que ses enfants ne viennent jamais la voir. Manque de pot, la portion de plage qu’elle avait choisie pour sa noyade est envahie par des jeunes gens. Matilda doit surseoir à son projet. Sur son chemin de retour, puisqu’il faut bien tuer le temps, elle tombe sur le fameux matricide que toute l’Angleterre recherche. Lui aussi voulait se supprimer. Décidemment, ce n’est pas le bon jour pour mourir ! Ce dangereux jeune homme a occis sa mère avec un plateau à thé en argent, et Matilda ne peut s’empêcher de l’héberger… FA
81
WILSON, Robert Charles Cote R WILS
A travers temps Paris, Denoël, 2010 (Lunes d’encre). 370 p.
Tom, quitté par sa femme, a plongé dans l’alcool et la déprime. Poussé par son frère qui lui a trouvé un emploi de vendeur automobile, il revient sur les lieux de son enfance et fait l’acquisition d’une maison dont le dernier occupant a mystérieusement disparu. Tom ne craint pas la solitude et se sent relativement bien dans ces murs. Pourtant, petit à petit, certains détails l’intriguent. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il laisse comme nourriture, lorsqu’il rentre le soir, la maison est d’une propreté impeccable. Puis il se met à rêver d’insectes, à entendre des petits bruits… Et un soir, sur l’écran de sa télé, apparaît le message suivant « Aide-nous ». Sur le thème archi rebattu du voyage dans le temps, Wilson a composé un roman très original et attachant. FA
ZADOORIAN, Michael Cote R ZADO
Le Cherche-bonheur Paris, Fleuve noir, 2010. 249 p.
La route 66 en camping-car, c’est le voyage qu’Ella et son mari, ces « vieux débris » comme elle dit, ont décidé d’entreprendre. Elle a un cancer qui la ronge et lui perd la mémoire, mais à eux deux, ils s’en sortent pas mal. Contre l’avis des médecins et de leurs enfants, ils ont décidé d’aller jusqu’à Disneyland à bord de leur « Cherche-bonheur ». Ella veut vivre pleinement leurs derniers moments de liberté et a confiance en John qui est encore bon conducteur s’il suit ses indications. Elle lui prête sa tête, pendant que lui, encore fringant, l’aide à se mouvoir. Avec humour, Ella décrit toutes leurs péripéties (contrôles de police, braquage, crevaison), leurs moments tendres mais aussi ceux remplis de peurs de voir John partir sans elle ou fuguer quand elle s’assoupit. Au fil des kilomètres, sa souffrance qu’elle nomme « gêne » grandit. Les pilules lui permettent à peine de tenir et de cacher son état à son mari qui, de toute évidence, l’aurait très vite oublié. Un superbe roman qui questionne sur « l’après », sur ce qu’ils vont trouver au bout de cette route mythique. RL
82
haunted Š Maria Kaloudi, 2004
BANDES DESSINÉES
La cote des BD étant variable d’un site à l’autre, nous ne l’avons pas mentionnée. Vous pouvez vous renseigner auprès de votre bibliothèque.
BLUTCH
Blotch : œuvres complètes Paris, Audi, 2009
Blotch, dessinateur dont la vanité est inversement proportionnelle à son maigre talent s’imagine déjà célébré par le Tout-Paris de l’entre-deux guerres. Travaillant pour le magazine conservateur Fluide Glacial, il ne manque pas une occasion de se faire bien voir du rédacteur en chef, Monsieur Delapiche, même s’il doit pour ce faire effectuer quelques crocs-en-jambe à ses collègues et amis. Une des grandes satisfactions de son existence est de médire sur Jean Bonnot, son vieux rival qui travaille pour Le Rire populaire que l’on imagine aisément proche du Front populaire de Léon Blum. Ce bijou de second degré où Blutch démontre son grand talent pour le comique de situation a gagné le grand prix de la Ville d’Angoulême en 2009. PH
CHAPPATTE, Patrick
BD reporter Nyon, Glénat, 2011
On imagine bien Chapatte, le dessinateur de presse, croquant l’actualité en quelques coups de crayon, assis à son bureau. On sait peut-être moins que l’homme, devenu reporter dessinateur, est envoyé aux quatre coins du monde par le journal Le Temps. Ces six récits à la croisée du dessin de presse et de la BD racontent six reportages, des bidonvilles de Nairobi au faste de l’Elysée, de l’abandon de l’Ossétie du Sud à celui de Gaza, en passant par le printemps arabe tunisien. Le journaliste, en principe caché derrière sa plume, se met ici en scène. On se sent privilégié de le suivre partout jusque dans l’intimité des maisons. Les cases en noir et blanc s’autorisent parfois la couleur ou la photo et heureusement, les situations les plus noires sont souvent éclaircies par un humour salvateur. Ceux qui voudront aller plus loin partiront à la découverte de reportages animés et de reportages BD sur : www.bdreportage.com. FB
85
DELISLE, Guy
Chroniques de Jérusalem Paris, Delcourt, 2011 (Shampooing)
Après la Birmanie, Guy Delisle et sa petite famille se retrouvent à Jérusalem. L’épouse de Delisle est déléguée pour Médecins sans frontières et pendant que sa femme travaille le dessinateur part explorer son nouvel environnement. Il découvre rapidement que rien n’est simple à Jérusalem ! Le fonctionnement des transports, commerces, sites touristiques, cafés et autres lieux est calqué sur les stricts préceptes religieux juifs, musulmans et chrétiens. Certaines situations semblent totalement absurdes et prêtent souvent à rire, d’autres sont beaucoup plus dramatiques. Guy Delisle possède un grand talent d’observateur et porte un regard à la fois neutre et curieux sur la situation tendue et très complexe de ce pays. Roman graphique formidablement bien construit Chroniques de Jérusalem relate avec finesse et humour une année en immersion. CLR
MATHIEU, Marc-Antoine
3’’ Paris, Delcourt, 2011
Mettre en scène 3 secondes de la vie de plusieurs personnages à la fois, dans des endroits différents, et en plus créer du suspense, c’est la prouesse technique et artistique réalisée par Marc-Antoine Mathieu. D’un miroir on passe à une fenêtre d’immeuble, puis le cadre se resserre sur la pupille d’un homme qui reflète un téléphone dans lequel on distingue son propriétaire dans une sale posture (pistolet braqué sur lui). A coups de zooms et de reflets, on sort de la pièce pour aller surprendre sur un toit voisin, un autre tireur, la main sur la gâchette. Plus tard, notre œil est expédié vers le ciel sur des visages apeurés aux hublots d’un avion Entre les surfaces réfléchissantes, sur le chemin de notre regard, le dessinateur essaime des bouts d’articles ou des manchettes de journaux, des couvertures de livres, des sms, toutes sortes d’informations pour nous aider à comprendre le pourquoi du comment de ces drames qui se déroulent pendant ces 3 secondes. Sur le site des éditions Delcourt, il est possible de « lire » cette même BD en vidéo. RL
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3" – MarcAntoine Mathieu © Guy Delcourt Productions – 2011
Portugal par Pedrosa Š Dupuis 2012
Portugal
PEDROSA, Cyril
Marcinelles, Dupuis, 2011
Simon Mucha, dessinateur trentenaire vivant à Paris traverse depuis deux ans ce qu’on appelle communément une période creuse : il ne dessine plus, n’a goût à rien, ne fait aucun projet et encourage implicitement sa compagne à prendre ses distances. Une invitation à un petit festival de BD à Lisbonne va lui donner l’occasion de renouer avec le pays de son grand-père Abel qui a émigré en France dans les années 30. L’accueil chaleureux de son cousin, les sonorités de la langue portugaise et les atmosphères rencontrées vont peu à peu raviver ses souvenirs d’enfance et l’amener à se pencher sur son histoire familiale. Grâce à son trait délicat et ses couleurs à l’aquarelle, Cyril Pedrosa croque avec brio personnages, paysages, ambiances et objets du quotidien. Il signe avec ce monument graphique de 260 pages une œuvre très personnelle, fruit de deux années de travail. PH
PRALONG, Isabelle
Oui mais il ne bat que pour vous Paris, Association, 2011 (Eperluette ; 57)
Dans le précédent livre d’Isabelle Pralong, L’éléphant, il était question du rapport au père. Ici ce sera la mère. La filiation entre les deux albums est forte, dans la thématique mais aussi dans son traitement. L’univers graphique et narratif d’Isabelle Pralong donne une ampleur et une densité d’émotion peu communes à la galerie de personnages qu’elle nous présente. Autour de la narratrice, entre scènes oniriques et épisodes du quotidien, elle tisse une tapisserie dont les fils sont les liens entre les femmes et le motif la maternité. L’écheveau du drame est serré - la perte et le deuil ne sont jamais loin - mais les scènes de rêve, peuplées d’animaux volubiles et le dessin très libre permettent à l’auteur de conserver un ton léger. Une étape importante dans l’œuvre de bande dessinée intimiste que construit Isabelle Pralong, justement récompensée par le Prix Töpffer 2011. FD
89
SEMPE, Jean-Jacques UENO, Kentarô Enfances : entretien Sans même nous
avec Marc Lecarpentier Paris, Denoël, 2011 «… J’ai eu une enfance pas drôle du tout. C’est sûrement pour ça que j’ai aimé les choses gaies ». Dans ce livre d’entretien et de dessins, le discret Sempé évoque son enfance. Né à Bordeaux en 1932 le petit JeanJacques n’a pas la vie facile : ses parents se disputent sans cesse et la tendresse fait cruellement défaut. L’enfant se réconforte en écoutant les émissions de jazz à la radio… et en dessinant. Sempé raconte avec une grande pudeur et une délicatesse touchante l’enfant qu’il était et le dessinateur qu’il est devenu. Un bel et passionnant ouvrage qui permet de se plonger dans l’univers tendre et drôle d’un très grand monsieur. CLR
90
dire au revoir
Bruxelles, Kana, 2011 Ce manga reste le seul titre de Kentarô Ueno traduit en français à ce jour. L’auteur y délaissait un temps son genre habituel, le manga comique, pour une autobiographie poignante. Il y fait le récit de la disparition subite de son épouse et du deuil qui l’a suivi. De manière assez étonnante, le mangaka nous laisse entrer dans son intimité, tout en gardant une retenue émouvante et en nous offrant un aperçu du rapport que les Japonais entretiennent avec la mort. Ce moment intense lui permet aussi de faire ressortir les difficultés du quotidien d’un auteur de manga et peut être plus généralement de beaucoup de ses compatriotes qui travaillent d’arrache-pied, en presque toutes circonstances, pour faire vivre leurs familles. FD
TRONDHEIM, Lewis
Bludzee Paris, Delcourt, 2010 (Shampooing)
Pendant toute une année, Lewis Trondheim a publié un strip de six cases par jour, chacun d’eux constituant une entité en soi. Toutes ces petites histoires lues l’une après l’autre forment une grande histoire, celle de Bludzee, un chat noir adorable, que son maître a laissé seul à son domicile, un appartement dans ce qui semble être un gratte-ciel. Bludzee arrive à court de nourriture, s’arrange pour sortir de l’appartement, rencontre un poisson rouge puis des monstres, chatte sur internet avec un certain Doodaï, et finit tueur à gages… Une longue BD pleine d’humour aux multiples rebondissements pour confirmer une fois de plus, si besoin était, le grand talent de Lewis Trondheim. DM
Bludzee – Lewis Trondheim © Guy Delcourt Productions – 201
VOS BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES : bibliothèque de la Cité place des Trois-Perdrix 5 1204 Genève 022 418 32 22
bibliothèque de la Servette rue Veyrassat 9 1202 Genève 022 418 37 80
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Tous les documents présentés ici se trouvent en un ou plusieurs exemplaires dans les bibliothèques municipales. Vous trouverez leur disponibilité dans votre bibliothèque ou en consultant notre site internet : http://collectionsbmu.ville-ge.ch/
CES RÉSUMÉS VOUS SONT PROPOSÉS PAR : Anabel Matute • Caroline Langendorf Richard• Catherine Demolis • Charles Morisod • Dominique Monnot Florent Dufaux • François Gerber • Françoise Aellen • Françoise Bonvin • Gaëlle Said Joëlle Muster • Laetitia Freuler • Marie-Claude Martin • Pascal Hauenstein • Roane Leschot DISPONIBILITÉ DES DOCUMENTS : Existe en gros caractères Existe en livre lu 92
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Dominique Monnot Bruno Fernandes / bpoeta.net Centrale Municipale d’Achat et d’Impression Ville de Genève
“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer. On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ” Voltaire