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envie de lire les coups de cœur des bibliothécaires

n° 26

été 08



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Vous tenez entre les mains un recueil éclectique de propositions de lectures concocté par vos dévoués bibliothécaires. Vous y trouverez aussi bien des nouveautés que des classiques, des essais que des bandes dessinées ou des romans, sans oublier la science-fiction ou les polars, bref, tout ce qui fait la diversité des collections que les bibliothèques municipales mettent à votre disposition. Nous, bibliothécaires passionnés de lecture, partageons avec vous nos coups de cœur dans ces petits textes que nous vous laissons découvrir et dont nous espérons qu’ils vous donneront envie de lire.


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ADAMO Christine Noir austral Paris, Liana Levi, 2006. 317 p. Disponibilité CIT • EVI cote R ADAM

Deux récits s’entremêlent dans ce roman de Christine Adamo, docteur en information scientifique, deux histoires sans aucun rapport apparent. D’abord celle des premiers habitants du continent australien. Au fil des pages une grande saga s’égrène sous nos yeux. Venus de Chine, chassés par un énorme cataclysme en Indonésie, les Aborigènes traversent un détroit et découvrent une terre des plus rouges peuplée par des méga-animaux. Leur vie simple de chasseurs-cueilleurs, leurs rêves d’archétypes ne les aura malheureusement pas préparés à l’arrivée d’hommes sauvages et sanguinaires: les «ventres de poisson», les Blancs aux pensées noires. Alors quel rapport avec l’histoire de Liz, qui vient de s’installer en Provence, à la recherche d’indices du passé de sa mère ? A priori rien… ce roman fourmillant de connaissances scientifiques et anthropologiques n’oublie pas que nos vies ne sauraient se passer des pensées magiques qui traversent nos esprits, les générations et magnifient nos existences coupées de nos rêves. MCM

AMBROSE David Coïncidence Paris, J’ai lu, 2004 (J’ai lu; 7332. Fantastique) 316 p. Disponibilité MIN • PAQ Cote R AMBR

George est un écrivain sans talent qui vit grâce à la fortune de sa femme, héritière d’une riche famille. Son prochain livre traite des coïncidences et de la synchronicité, mais il peine à avancer dans son travail. A la mort de son père, il va trier ses affaires personnelles et découvre dans une vieille malle une photo de lui enfant, avec un couple qu’il ne connaît pas et dont il n’a aucun souvenir. Après quelques recherches, il découvre qu’il s’agit d’un couple d’acteurs aujourd’hui décédés, mais que leur fils vit encore. Persuadé qu’il s’agit de son frère jumeau, George mandate une agence de détectives pour le retrouver et, à sa stupéfaction, apprend que la dernière adresse connue de cet homme et la sienne ne font qu’une. Plus étrange encore, ces deux hommes se rencontrent quelques jours après, dans un parc. Tout à la joie de leurs retrouvailles, ils décident d’échanger leur identité pour jouer un tour à un ami de George. Et c’est là que tout bascule pour George: comment retrouver son identité lorsque son double ne désire qu’une seule chose, s’approprier une nouvelle vie? FG


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ANDERSON Karen, ANDERSON Poul Le roi d’Ys Paris, Calmann-Lévy, 2006. 2 vol. Disponibilité CIT • PAQ cote R ANDE

L’empire romain vacille : les barbares tentent des incursions de plus en plus fréquentes et la guerre civile couve. Gratillonius, centurion de la 2e légion Augusta, est basé en Grande-Bretagne sur le mur d’Hadrien. Un jour, son chef, Maxime, qui envisage de se lancer dans la guerre civile pour conquérir le trône, lui confie un détachement et lui ordonne de se rendre dans la ville légendaire d’Ys, afin de contrôler l’Armorique et de s’assurer que cette région ne prendra pas part au conflit. A peine arrivé à proximité d’Ys, Gratillonius tue le roi au cours d’un duel et prend sa place comme le veut la tradition locale, réalisant en cela la machination ourdie par les neuf reines sorcières d’Ys. Durant deux ans, il arrive à se faire aimer de la population et de ses reines, tout en respectant les dieux et les coutumes de la ville d’Ys, et à gérer les affaires de la ville pendant que Maxime remporte la guerre civile. Appelé auprès de son empereur pour faire son rapport, il est immédiatement arrêté et torturé pour sorcellerie. Il réalise alors que son chef est devenu parjure, injuste, assoiffé de pouvoir, et que les vertus de l’empire qu’il a servi tout au long de sa vie ne sont plus qu’un souvenir. Après sa punition, Maxime le renvoie à Ys avec pour mission, cette fois, de faire cesser les cultes païens et de convertir toute la population à la nouvelle religion chrétienne, sous peine de terribles représailles… Mais Gratillonius ne croit plus aux vertus de la civilisation romaine. FG

ANDERSON Kent Sympathy for the devil Paris, Gallimard, 1993. 473 p. Disponibilité CIT • MIN • PAQ cote R ANDE

Hanson est un sergent des bérets verts qui sert dans une base avancée au Vietnam. Son univers se borne aux missions hors de la base avec ses collègues américains et les montagnards qui combattent le vietcong avec eux, ainsi qu’aux cuites prises dans le mess de leur base. Un jour, lui et sa patrouille sont pris sous le feu d’une unité de l’armée régulière américaine qui les prend pour des vietcongs. Seul rescapé, Hanson décide de mener désormais sa propre guerre et de faire payer aux « planqués » la mort de ses frères d’armes. Plus qu’un roman de guerre, Sympathy for the devil montre comment l’on peut faire d’un jeune étudiant américain une bête de guerre qui ne se sent vivre que dans le combat, quel que soit l’ennemi.


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L’auteur, sergent durant la guerre du Vietnam est aujourd’hui professeur à l’Université du Texas. FG

APPANAH Natacha Le dernier frère Paris, Olivier, 2007. 210 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ cote R APPA

Ce roman nous emporte bien loin de l’île Maurice de rêve que nous connaissons, de ses plages sublimes et de sa douceur de vivre. Raj est un petit garçon mauricien marqué par le malheur. Né dans une famille très pauvre, il vit dans un camp de travailleurs de canne à sucre avec ses frères adorés, sa mère aimante et son père alcoolique et violent. Un jour, alors que les trois frères marchent dans le lit de la rivière, un orage les surprend et tue les deux frères de Raj qui vivra ensuite en perpétuel état de culpabilité. La famille décimée quitte le camp maudit pour s’installer à l’autre bout de l’île. C’est là que Raj fera la connaissance de David, un petit garçon de son âge au destin tragique: parti d’Europe en 1940 avec 1’500 autres Juifs sur un paquebot à destination de la Palestine, il est refoulé et parqué avec eux dans un camp de l’île Maurice. C’est autour de ce fait réel que Natacha Appanah, jeune écrivain et journaliste mauricienne d’expression française, a planté ce magnifique récit primé par le prix FNAC 2007. J’ai été impressionnée par la force de ce roman, force de la nature destructrice, force des sentiments entre deux êtres que le malheur rapproche, force de l’écriture aussi. Voilà une auteure à découvrir! FB

ARDITI Metin La fille des Louganis Arles, Actes sud, 2007 (Domaine français). 237 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • PAQ • SER • STA cote R ARDI

«Dans la beauté solaire de son île grecque, la jeune Pavlina aime celui qu’elle croit son cousin, Aris. Elle ignore le secret qui dévastera pour longtemps la famille: Aris est du même père qu’elle. L’enfant qu’elle aura de lui, fruit d’un inceste, sera confié à l’adoption». Avant même d’avoir ouvert le livre, on sait déjà tout de son intrigue: la quatrième de couverture, en quelques lignes, dévoile tout, et j’aurais préféré qu’il n’en fut pas ainsi... Néanmoins je me suis plongée sans aucune résistance dans cette histoire comme dans ce fascinant petit coin de Grèce. Metin Arditi sait nous transporter de la petite


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île de Spetses, sur la mer à Egée, jusqu’à Athènes puis Genève avec le même talent. En quelques touches, l’atmosphère est rendue. Quant au personnage de Pavlina il hantera longtemps le lecteur: touchante, poignante, la jeune femme orpheline de son enfant, n’a plus d’autre raison de vivre que l’espoir de retrouver sa fille un jour et cette obsession douloureuse de mère blessée est superbement rendue. DM

AUDEGUY Stéphane La théorie des nuages Paris, Gallimard, 2007 (Folio; 4537). 319 p. Disponibilité CIT • EVI • STA cote R AUDE

Le roman commence le jour où Virginie Latour est engagée pour classer la bibliothèque personnelle d’un couturier japonais devenu à 70 ans un passionné et un collectionneur d’ouvrages de météorologie. Dans un superbe hôtel particulier de Paris, face au ciel, au milieu de ses trésors, Akira Kumo raconte les nuages à sa jeune bibliothécaire. Il lui apprend qu’en 1802, à Londres, Luke Howard est le premier scientifique amateur à éprouver le besoin de nommer les nuages. Au fil des jours, des pages, tel Shéhérazade, il raconte mille et une histoires de brumes et de nuée. Comme le roi qui attend son histoire, Virginie est sous le charme. Parallèlement au récit érudit et documenté, une relation particulière s’établit entre les deux personnages. Petit à petit, le passé du professeur resurgira sous la forme terrifiante du champignon atomique d’Hiroshima, le premier nuage qui l’aura marqué définitivement. Il serait indécent d’omettre de dire que Stéphane Audéguy a une plume fluide et douce comme une «boucle de cheveux»: cirrus en latin. RL

BAUPIN Denis Tout voiture, no future Paris, Archipel, 2007. 304 p. Disponibilité CIT • SER • STA cote 629.22 BAU

Pollution, bruit, insécurité routière, embouteillages, encombrement de l’espace public… après un siècle d’existence, l’automobile, érigée au panthéon de la liberté individuelle, voit ses jours comptés en milieu urbain. Sous la pression des lobbies du «tout voiture» pour qui il n’y a pas d’alternative viable, son règne n’a jamais été plus absolu. Des solutions de substitution pourtant très confortables existent et sont appliquées avec succès dans de nombreuses métropoles et agglomérations. Denis


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Baupin, adjoint du Maire de Paris Bertrand Delanoë, est le principal acteur du plan de réduction de la circulation automobile à Paris. Il s’inspire des réalisations les plus avant-gardistes en matière de circulation et de mobilité pour rendre la capitale de la France plus facile à vivre et plus agréable à habiter. Son ouvrage est une invitation à repenser la ville de demain. CL

BAUCHAU Henry Le boulevard périphérique Arles, Actes sud, 2008 (Domaine français). 254 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • SER cote R BAUC

Chaque jour, le narrateur emprunte le boulevard périphérique pour se rendre à l’hôpital où sa belle-fille mène un ultime combat contre le cancer. Au flot de voitures dans lequel il se sent oppressé, aux freinages intempestifs, aux accélérations subites, aux paysages austères qui défilent, l’auteur associe les métaphores liées à la maladie: répit, espoir de s’en échapper, brusque aggravation, passage de tunnel. Cette mort annoncée d’un être trop jeune lui rappelle celle de Stéphane, son ami de jeunesse qui lui avait appris l’escalade, à s’élever vers les sommets, à s’alléger, à prendre confiance en lui. La guerre coupa brutalement la corde de cette forte amitié. Le narrateur repense à ses rencontres en prison avec le colonel SS assassin de son ami. A 94 ans l’auteur a les yeux grands ouverts sur le monde qui l’entoure et c’est avec un talent incontestable qu’il nous embarque comme passager de son roman. On se laisse déplacer, déranger jusqu’au moment où il nous abandonne sur le trottoir de notre propre vie… RL

BERGER John La cocadrille Paris, Mercure de France, 1981. 245 p. Disponibilité CIT • PAQ cote R BERG

«L’origine de Cocadrille vient d’un oeuf de coq, éclos sur le fumier. Dès qu’elle sort de sa coquille, la Cocadrille se dirige vers l’endroit le plus imprévu. Si quelqu’un la voit, sans qu’elle l’ait vu d’abord, elle meurt. Autrement, elle peut très bien se défendre et tuer qui elle veut, excepté la belette...» Les trois vies de Lucie Cabrol, la Cocadrille, forment le coeur de ce livre où John Berger nous raconte l’histoire d’un village en Haute-Savoie. En récits de différentes personnes, en poèmes, de la vie quotidienne, du labeur, de l’amour, des liens avec la na-


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ture, des animaux et de la montagne. Une vie très dure et physique. De la naissance et de la mort, des rites, des habitants, obligés de partir pour la ville. C’est l’histoire d’un monde, celui des paysans, en voie de disparaître et la vie tragique d’une femme marquée par ce contexte rural. Un de ces personnages que l’on n’oublie pas. La cocadrille est le premier volet de la trilogie Dans leur travail qui traite de ce sujet. CG

BESSON Philippe Un homme accidentel Paris, Julliard, 2008. 244 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • SER • STA cote R BESS

La vie aurait pu être simple pour le narrateur, mais le hasard en a décidé autrement. Il aurait pu continuer son travail de flic, tranquillement, dans les beaux quartiers de Los Angeles, en se réjouissant du bébé que sa femme portait. Mais, au gré d’une enquête, sa vie va basculer, dévoilant sa face sombre, tout ce qu’il n’aurait même pas pu imaginer dans le délire le plus fou. Après le meurtre d’un jeune prostitué vendeur de drogue, il va trouver le nom et l’adresse de Jack Bell dans un carnet appartenant au défunt. Alors qu’il l’interroge, il se sent éperdument attiré par cet homme, par cet acteur, la nouvelle coqueluche d’Hollywood. Sur fond d’intrigue policière et avec une écriture incroyablement cinématographique, Philippe Besson plonge dans les sentiments de ces deux hommes, dans cette passion qui va les dévorer. PB

BISSEL Tom Dieu vit à Saint-Pétersbourg Paris, Albin Michel, 2007 (Terres d’Amérique). 211 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • STA cote R BISS

Ceux qui s’adonnent aux jeux virtuels n’auront aucune peine à s’enfoncer dans ces récits où des héros modernes sans foi ni beaucoup de lois traversent leur existence en modelant l’environnement et les autres à leur bon vouloir: eux ont la force, le pouvoir et les autres ne servent que d’utilités ou au mieux de partenaire éphémère. Les autres lecteurs se délecteront sans vergogne d’un style intègre soutenant posément les descriptions des situations et des personnages sûrs d’eux et arrogants. Voici un très beau livre, et du très bon travail d’écrivain. MCM


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BOYD William La vie aux aguets Paris, Seuil, 2007. 332 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R BOYD

Pendant l’été 1976 Ruth Gilmartin rend visite à sa mère Sally dans son cottage de la campagne anglaise. Celle-ci lui annonce tout de go qu’elle ne s’appelle pas Ruth comme elle l’a toujours fait croire, mais Eva Delectroskaya. Sally-Eva remet ses mémoires à sa fille abasourdie. Ruth en est persuadée: sa mère présente des signes de sénilité! Mais la lecture de ces mémoires lui révèle un incroyable secret: Sally-Eva était bel et bien une espionne russe de haut vol au service de la Grande-Bretagne durant la Deuxième guerre mondiale! Mais pourquoi tout révéler après tant d’années? Et comment régler ses comptes à un passé qui s’acharne à rattraper une existence habitée par la peur ? Espionnage, amour, trahison : le talent de conteur de Boyd nous livre un pan méconnu de l’histoire de la Grande-Bretagne durant la Seconde guerre mondiale. CLR

BRENNAN Maeve Les origines de l’amour Paris, Losfeld, 2006 (Littérature étrangère). 375 p. Disponibilité CIT coteR BREN

Maeve Brennan utilise ses propres souvenirs d’enfance dans le Dublin des années 1930 pour nourrir les premières nouvelles de ce recueil. Ensuite on rencontre le couple Derdon, et leur fils, devenu prêtre, qui feront l’objet de plusieurs autres récits. Puis Madame Baggott et ses deux filles seront les protagonistes des dernières histoires. En touches subtiles, plus que la vie de ses personnages, c’est la condition humaine qui est ici le propos, et particulièrement la place de la femme, qui ne remet jamais en cause sa servilité, sa soumission aimante au mari tout-puissant. Dans une Irlande écrasée par le poids de la religion, on se marie tôt, trop tôt, et les couples se désaiment très vite, les illusions de bonheur s’effondrent, les enfants restent le dernier ciment du couple avant de s’en aller servir Dieu, laissant des mères désoeuvrées. Les non-dits seuls finissent par tenir lieu de communication, les couples s’effritent, les vies se gâchent... C’est pourtant sans pathos ni lourdeur qu’on assiste à ce déclin inexorable, car l’écriture de Maeve Brennan, tout en subtilité, suggère plutôt que de décrire. Un vrai plaisir de lecture. DM


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BRUSSOLO Serge Ceux qui dorment en ces murs Paris, Plon, 2007. 341 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R BRUS

Sâo Carmino est une ville moderne, bâtie en pleine jungle amazonienne par un architecte visionnaire qui voulait réaliser la ville parfaite. La population est composée de vieillards riches qui ont pu s’acheter une retraite tranquille, alors que les ouvriers qui ont construit la cité n’ont eu d’autre choix que de s’entasser dans les bidonvilles qui jouxtent les beaux quartiers. Curieusement, à Sâo Carmino, les fins de mois se singularisent par une recrudescence d’accidents, mortels ou non, que les nouveaux habitants ne peuvent expliquer mais qui ne surprennent pas les tribus indiennes qui les précédaient. En effet, ils réprouvaient la morale des blancs et détestaient les prêtres, ils ne connaissaient pas de police: ils avaient le Diable en chapeau blanc. Ce comptable distribuait les bons et mauvais points et, à la fin du mois, punissait ceux dont les notes étaient négatives. Aujourd’hui, certains habitants de la favela le nomment le Maître d’école, et ses fins de mois sont très chargées… FG

CAPOTE Truman Un plaisir trop bref: lettres Paris, 10/18, 2007. 509 p. Disponibilité CIT • EVI cote 826 CAP

«Je suis aussi haut qu’un fusil et je fais au moins autant de bruit!» se présenta un jour T.C., aussi agile à la gâchette que cinglant à la réplique: nombre de ses contemporains s’en rendirent compte à leurs dépens. A trop avoir entendu ce T.C.-là, nous finirions presque par oublier qu’il fut d’abord connu comme un remarquable conteur au style impeccable et rare, plutôt absent de la scène littéraire américaine puisqu’il vécut et écrivit longtemps en Europe dans des lieux isolés où il s’agissait surtout de travailler très sérieusement et regretter sincèrement l’absence des proches et tout ce qu’un cercle d’amis peut procurer à un esprit vif et social. Le malheur des uns nous procure aujourd’hui un vrai bonheur de lecture grâce à ces lettres où T.C. parle de lui et de son travail, réclame des nouvelles de chacun et s’empresse de colporter auprès d’autres ce qu’il vient d’apprendre des premiers! Plaisir de ces messages d’avant le téléphone où la chaleur et l’amitié exsudent de la plume. Cette vie primesautière qui marivaude de capitales européennes en ports siciliens cède peu à peu à la gravité lorsque s’ouvre le chapitre majeur de T.C. qui commence son grand œuvre, De sang-


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froid, auquel il travaillera plus de six ans. L’homme change, s’assombrit et le lecteur de ces lettres soudain sérieuses prend la mesure de ce qu’est vraiment le labeur incertain, intangible de celui qui écrit et souffre pour rendre lisible une histoire qui horrifia ceux qui y furent impliqués. La suite et la fin sont moins drôles mais de cela nous sommes épargnés: le téléphone a remplacé la lettre! CM

CHARDIN Virginie Paris en couleurs : de 1907 à nos jours Paris, Seuil, 2007. 215 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • STA cote 779 CHA

A l’occasion du centenaire de la commercialisation de l’autochrome, premier procédé de photographie en couleur inventé par les frères Lumière, ce magnifique ouvrage nous fait découvrir des nombreuses et rares photographies de Paris prises de 1907 à nos jours. La plupart sont l’oeuvre de grands photographes, Robert Doisneau, Willy Ronis, Brassaï, Robert Capa pour ne citer que les plus connus. Il est passionnant d’explorer l’histoire de cette ville que l’on connaît bien par le noir-blanc et que la couleur nous rend tellement plus proche et vivante. TLa

CLAUDEL Philippe Le rapport Brodeck Paris, Stock, 2007. 400 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R CLAU

Miraculé d’un camp de concentration, de retour dans son petit village, Brodeck se retrouve au centre d’une sordide affaire où personne, dans cette communauté isolée, n’est innocent. Sommé d’écrire un rapport sur les faits, il remonte peu à peu aux racines qui ont mené à l’indicible, à l’irréparable, à la folie de tout un village. Ce village pourrait être ici ou ailleurs, l’histoire pourrait se passer après la Deuxième Guerre mondiale ou de nos jours. Cela importe peu car c’est finalement à la noirceur de l’âme humaine que l’on se heurte, de plein fouet. JM


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CONNELLY Michael Le poète Paris, Seuil, 2002 (Seuil policier). 481 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • PAQ • SER • STA cote R CLAU Titre original anglais: The poet Disponibilité BUS • EVI • JON • PAQ • SER cote R2 CONN Existe aussi en livre lu Disponibilité JON MED

Un policier est retrouvé mort dans sa voiture, apparemment suite à un suicide. Il se trouve que celui-ci avait un frère jumeau, qui ne peut absolument pas croire au suicide de son frère. Il décide alors de mener une enquête parallèle, bien que n’étant pas policier. Bien vite il trouvera d’étranges coïncidences entre le soi-disant suicide de son frère et d’autres suicides de policier dans d’autres états américains. En premier lieu ces suicides sont toujours accompagnés d’un poème et ces poèmes proviennent toujours du même auteur: Edgar Allan Poe. Se pourrait-il que tous ces policiers aient été tués par le même tueur et pour quelle raison? Connelly ne nous le révélera que dans les dix dernières pages et bien malin celui qui le devinera avant. TLe

CUSK Rachel Arlington Park Paris, Olivier, 2007. 291 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • PAQ • STA cote R CUSK

Bienvenue à Arlington Park, morne banlieue «middle-class» de Londres! Découvrez le quotidien apparemment sans histoires de cinq femmes que vous suivrez le temps d’une journée. Cabines d’essayage, courses au supermarché, chemin de l’école, cuisine, vous suivrez leurs faits et gestes mais surtout leurs pensées les plus intimes… Rancoeurs, frustrations et ambitions déçues semblent être le quotidien de ces femmes. Que sont devenues les années de luttes féministes? Les femmes seraient-elles toujours victimes du poids de la tradition? Enfin traduite en français et découverte lors de la dernière rentrée littéraire, Rachel Cusk a été présentée comme l’héritière de Virginia Woolf. Avec Arlington Park elle nous livre avec un talent prometteur une étude de mœurs lucide et grinçante sur les femmes d’aujourd’hui. CLR


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DELECROIX Vincent La chaussure sur le toit Paris, Gallimard, 2007 (Blanche). 217 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • STA cote R DELE

Dans ces courts textes qui composent le roman, plusieurs hypothèses sont proposées autour du comment, quand et pourquoi une chaussure se retrouve abandonnée sur un toit. L’auteur est philosophe et les références à Platon, Socrate ou d’autres penseurs ne manquent pas, sans pour autant rendre le texte illisible, au contraire. On est touché par l’enfant qui s’inquiète car il a vu l’ange s’envoler et oublier l’une de ses vieilles godasses ; on se moque de l’homme qui cambriole l’appartement de son ex-femme et qui, encore jaloux, lance rageusement par la fenêtre l’un des mocassins de celui qui l’a remplacé; on comprend le chien abandonné qui vole la chaussure de son maître pour aller tristement la mordiller sur un toit. Toutes ces histoires s’interpénètrent et sont liées par des lacets emmêlés dont les nœuds sont encore et toujours l’amour, l’abandon et la solitude. Ajoutons que l’auteur manie l’humour avec brio, ce qui augmente encore notre plaisir de le lire. RL

DE LUCA Erri Sur la trace de Nives Paris, Gallimard, 2006. 131 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • MIN • PAQ • SER Cote 858 DEL

Erri De Luca accompagne la célèbre alpiniste italienne Nives Meroi dans l’une de ses expéditions himalayennes. Sous tente en pleine tempête, ils engagent une conversation métaphorique et philosophique. Un lieu tendu entre ciel et terre, pour parler des Sisyphes qui sommeillent en nous! Silences, neige, vent, froid, gestes précis dictés par la survie, promiscuité du bivouac et sommeil inatteignable tissent un étonnant dialogue sur la connaissance de soi, sur l’écriture et sur la mémoire du monde. Un temps suspendu, condensé qui miroite encore longtemps après lecture. CD


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DIAMOND Jared Effondrement: comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie Paris, Gallimard, 2006 (NRF essais). 648 p. Disponibilité CIT • EVI • PAQ cote 909 DIA

Pour le biologiste-géographe, quatre facteurs entrent en jeu pour qu’une civilisation meure: un changement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, des voisins hostiles, une forte dépendance commerciale avec des voisins amis. S’y ajoute un cinquième élément encore plus important: la réaction de la société visée face à ces changements. Il choisit les Vikings comme exemple phare. Selon lui, les Scandinaves au Groenland ont commis l’erreur fatale de vouloir maintenir un élevage et une agriculture de pays tempérés alors qu’au 14e siècle ils subissaient un refroidissement climatique qui les éloignait de leur «mère patrie», tout en refusant de s’ouvrir aux techniques de chasse et pêche de leurs voisins Inuits. Diamond s’interroge aussi sur l’ «écocide» de l’Ile de Pâques, et la relative disparition des Mayas. La seconde partie du livre consacrée à nos sociétés actuelles, (dont la Chine), montre que l’effondrement n’est pas une fatalité: pourquoi sur une même île, la forêt ne représente plus que 1% du territoire en Haïti alors qu’elle est de 27% à St Domingue? Malgré des oublis de taille (l’empire d’Angkor est juste cité), des interprétations parfois discutables sur le Rwanda, le grand mérite de ce livre est de montrer qu’à l’image de l’ancienne île d’Hispanolia, nos civilisations ne peuvent pas laisser mourir l’une d’entre elles sans risquer de disparaître elles-mêmes. FA

DIDION Joan Maria avec et sans rien Paris, Laffont, 2007 (Pavillons poche). 231 p. Disponibilité CIT • EVI • STA cote R DIDI

Quatre-vingt chapitres composent ce court roman. Maria est une actrice ayant peu tourné, mariée à un réalisateur, mère d’une enfant de quatre ans retardée et placée en institution. Elle vit sous le soleil de Californie, entre cocktails mondains et futiles et longues courses au volant de sa Corvette sur les autoroutes chauffées à blanc, comme ses idées son existence vide. Elle a perdu l’appétit de vivre, même si elle reste debout par habitude. Attend-elle une rédemption, un petit quelque chose pour renaître enfin? Grâce à une écriture collant parfaitement à sa dépression et aux frasques de son entourage, l’auteur sait parfaitement faire ressortir le froid d’une femme qui se perd malgré la chaleur incandescente de la terre californienne des années septante. MCM


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DUCREY Pierre L’archéologie suisse dans le monde Lausanne, Presses universitaires romandes, 2007 (Le savoir suisse; 43). 148 p. Disponibilité CIT • EVI • MIN • PAQ • SER • STA cote 930.1 DUC

Afin de mieux mesurer la place de l’archéologie suisse dans le monde, l’auteur, professeur d’histoire, ancien recteur de l’Université de Lausanne et grand spécialiste de l’Antiquité classique, s’est attelé à l’immense tâche de répertorier les recherches des archéologues liés d’une façon ou d’une autre à la Confédération. Même confrontés aux problèmes des financements (fédéralisme, politiques aléatoires de la recherche), vingt missions sont en cours dans le monde entier: (Ecole suisse d’Archéologie en Grèce, au Soudan, en Sicile; la Fondation Suisse-Liechtenstein envoie, elle les meilleurs spécialistes en Sibérie, Syrie, Bhoutan, Equateur ou au Pérou). Ce domaine particulièrement affectionné du public ne saurait vivre ni se développer sans la détermination de ces hommes éminemment compétents et passionnés qui ne cessent de plaider pour une coordination au niveau national et surtout pour une meilleure information réciproque. Cet inventaire minutieux est une somme indispensable à tout amateur avide de connaissances sur les vestiges passés, témoins des temps disparus. MCM

DUONG Thu Huong Histoire d’amour racontée avant l’aube La Tour d’Aigues, Aube, 2007 (Regards croisés. De l’amour). 214 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN cote R DUON

Sinh est militaire et vit la plupart du temps loin de son domicile où habitent sa femme Luu et leurs deux enfants. Ils se sont rencontrés alors qu’ils étaient jeunes, naïfs, innocents... Aujourd’hui, ils ne s’aiment plus, mais se sont-ils jamais aimés? Sinh demande le divorce, que Luu accepte. Chacun de son côté tombe amoureux d’un nouveau partenaire et espère recommencer une nouvelle vie. Mais les membres de la section de l’Union des femmes que dirige Luu ne l’entendent pas de cette oreille, elles veulent faire de Luu un exemple et la persuadent de refuser le divorce, arguant que son mari l’a certainement trompée, voire maltraitée. On est au Vietnam, dans les années 60 et les femmes, malgré quelques velléités d’émancipation, sont soumises... Luu se laisse convaincre, pour une soi-disant dignité à laquelle elle n’aspire pas, et le prix à payer sera très lourd. Comme dans Terre des oublis, l’écrivaine vietnamienne raconte ici, dans une forme beaucoup plus brève, le récit d’un beau gâchis... DM


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ERNAUX Annie Les années Paris, Gallimard, 2008 (Blanche). 239 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • PAQ • SER • STA cote 848.03 ERN

Ce livre est probablement le projet le plus ambitieux de cette auteure à l’écriture si particulière. Son but est une fois de plus autobiographique, mais simultanément bien plus que cela. À partir de photographies ou de films de familles (qui ne sont pas reproduites), elle dresse un récit poignant de sa jeunesse à maintenant, de 1940 à l’heure actuelle, de son enfance aux prémisses de la vieillesse, fixant avec beaucoup de justesse le passage des années, des époques et du temps. Au fil des pages, sa mémoire personnelle devient collective, à la fois orale, matérielle, sociale, politique, culturelle ou féministe. En utilisant la troisième personne du singulier, Annie Ernaux semble prendre ses distances avec sa propre vie, la retraçant comme un spectateur, avec détachement, froideur parfois, tout en gardant force et justesse. Un cri qui semble essayer de répondre à la question fondamentale: Que reste-t-il de moi? PB

ETXEBARRIA Lucia Un miracle en équilibre Paris, Ormesson, 2006. 414 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R ETXE

Ce livre est une longue lettre d’Eva à sa fille qui vient de naître. Au fil des pages, il apparaît clairement des similitudes entre la narratrice et Lucia Etxebarria. Toutes deux sont écrivaines, toutes deux ont une fille, toutes deux sont sensibles à la cause des femmes. Eva nous dit d’emblée qu’elle veut dire la vérité à sa fille et dire sincèrement qui elle est, et qui elle a été. Eva parle de ses nombreux doutes et de ses quelques certitudes. Sans fard, sans tricherie, osant dévoiler ses faces obscures, elle raconte ses dépendances, ses errances amoureuses, ses questionnements sur sa maternité. Elle dit aussi sa souffrance face aux silences de sa mère et refuse, par cette lettre, les non-dits qui rongent. Avec beaucoup d’humour et de sensibilité, l’auteure brosse le portrait d’une femme d’aujourd’hui. Un livre qui gratouille et chatouille; un livre qu’on aurait bien voulu recevoir de sa maman… RL


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FLINT Jame Électrons libres Vauvert, Au diable Vauvert, 2006. 548 p. Disponibilité CIT • EVI • MIN • SER • STA cote R FLIN

Cooper James, informaticien dans un centre de recherches militaire, reçoit un jour à son travail un colis contenant les cendres de son père. Cet envoi lui vaudra quelques soucis avec sa hiérarchie, l’arrivée de cette «poudre» suspecte ayant placé le centre en état d’alerte. Ces problèmes restent toutefois bien peu de chose par rapport au traumatisme que représente l’irruption des restes de ce père qui avait quitté sa famille alors que Cooper était enfant et qu’il n’avait jamais revu. Il va donc partir sur les traces de son géniteur à travers les Etats-Unis ou celui-ci avait tenté de vivre de son art de sculpteur. Il finira son périple dans le Nevada, dans une communauté entièrement vouée au l’industrie de l’atome, son père ayant à la fin de sa vie le projet de créer des sculptures à base de déchets nucléaires... On notera au passage que ce personnage est inspiré d’un artiste réel nommé James Acord... Le roman est en outre illustré par des photos, ce qui donne un étrange réalisme au parcours du héros. Un curieux roman de filiation allié à une réflexion sur les rapports entre l’art, la technologie et la science. Drôle et incongru. FD

FOREST Philippe L’enfant éternel Paris, Gallimard, 1997 (L’infini). 369 p. Disponibilité CIT • EVI • JON cote R FORE

Ce livre est terrible car il raconte le cancer que Pauline, la fille de l’auteur, a contracté à l’âge de… 3 ans. Au début, personne ne peut imaginer que ses douleurs dans le bras vont s’avérer être les conséquences d’une tumeur osseuse. Personne ne veut croire au pire, même nous, lecteur, à qui l’auteur a pourtant laissé entendre qu’il allait écrire quelque chose de tragique; on se surprend à espérer sa guérison. Jour après jour, on suit l’évolution du crabe, le combat des médecins, l’angoisse des parents, l’éloignement des amis. La maturité soudaine de la fillette nous émeut. Face à ce mal, elle lutte et tente de rassurer sa famille. Seul le temps ponctue de ses flocons, de ses brouillards, de ses éclaircies les jours plombés d’angoisse et il déroule ainsi ses saisons jusqu’au retour de l’hiver. Une année s’est écoulée et alors… «Quelqu’un était vivant. Puis il n’y a plus rien. La vie s’est retirée. Ce qui demeure sur le lit n’est plus un enfant». RL


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GERMAIN Sylvie Magnus Paris, Albin Michel, 2005. 274 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R GERM

Qui est véritablement Franz-Georg alias Magnus du nom de son ours en peluche ? Un livre passionnant sur l’identité, la mémoire et la filiation car Magnus est un homme fragmenté, obsédé par le trou noir de sa mémoire. Sa vie tangue entre illusions, espoirs et incompréhensions. Comment grandir sereinement lorsqu’on est amputé de son passé ? Pourtant, un souffle fort lié à ce personnage court tout au long du texte ! Le roman se lit un peu comme une histoire à l’envers, un puzzle, une partition avec ses réminiscences. Le tout forme un ensemble magnifique, émouvant, envoûtant, d’une écriture toujours aussi chatoyante et exigeante. « Ecrire, c’est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au cœur des mots ». Sylvie Germain. CD

GERMAIN Sylvie Tobie des marais Paris, Gallimard, 1998. 221 p. Disponibilité CIT • EVI • SER • STA cote R GERM

Conte initiatique et roman inspiré, rythmé par le livre biblique de Tobie, ce texte est avant tout un parcours, celui de l’enfance à l’âge adulte et celui de l’obscurité à la lumière. L’auteure s’attache à un être, et tisse progressivement tout ce qui le rattache à ses racines. Ainsi est retracée la destinée d’une femme juive qui, ayant fui la misère de Pologne, s’est installée dans les marais de Vendée après avoir été refoulée à Long Island. Voici posée la généalogie chère à l’auteure. Le roman peut alors s’ouvrir sur Tobie, un enfant qui s’enfuit de chez lui après que son père, malade de douleur d’avoir perdu sa femme, l’en ait chassé. Bien des années plus tard, Tobie devra faire ses preuves en quittant le pays des marais sous prétexte de récupérer une somme prêtée par son père à un ami. Sur le chemin il rencontrera Sarah, elle aussi poursuivie par une malédiction. Afin de contrarier leurs destins Tobie et Sarah devront s’unir. Une écriture flamboyante d’un lyrisme exceptionnel, un imaginaire débordant et un mysticisme épuré sont au service de ce très beau texte qui fonde un univers étrange et envoûtant. Les pas résonnent encore longtemps une fois le livre fermé. CD


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GINDRE Philippe Pagaille temporelle Genève, éd. des Sauvages, 2008. 103 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • STA cote R GIND

Le narrateur du premier roman de ce jeune auteur genevois est un toxicomane sous traitement luttant contre ses démons. Noël, son colocataire, Carine, séropositive, Axel, Laurence et d’autres peuplent cette faune underground qui oscille entre défonce et rémission. Entre glauquitude et grâce, on assiste, médusés, à diverses scènes d’anthologie où les acteurs pathétiques et attachants se débattent avec leurs substances, tout à tour solidaires de leurs congénères ou centrés sur leur propre dépendance. Ajoutons à cela que le narrateur est devenu l’heureux propriétaire d’une machine à explorer l’espace-temps qui va lui permettre, entre autres, de rencontrer sa descendance, embarquant du même coup le lecteur dans une épopée délirante. Je me dois encore de préciser que le ton unique de ce roman vaut à lui seul qu’on s’y arrête: son écriture dynamique et pleine de trouvailles, son humour corrosif méritent qu’on rende hommage à cette nouvelle voix, et l’on remercie la toute jeune maison d’édition genevoise des Sauvages de nous l’avoir fait découvrir. DM

GIRAUD Brigitte L’amour est très surestimé Paris, Stock, 2007. 91 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R GIRA

Cet opuscule se décline à la manière des pointillistes: phrases courtes, simplifiées à l’extrême, alignées telles des parpaings et le mur–roman monte peu à peu, comme une évidence. Ces phrases rapides se présentent à nous telles des bulles remontant à la surface, l’une après l’autre, régulières, inexorables. Lire ce roman incantatoire apaise, on attend à peine le dénouement de cette histoire d’amour qui se finit - il y a si peu à dire - mais l’on comprend alors sans peine la signification de ce très beau titre: l’amour est très surestimé. MCM


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GORZ André Lettre à D: histoire d’un amour Paris, Galilée, 2006. 74 p. Disponibilité CIT • EVI cote 848.03 GOR

Voilà un magnifique témoignage d’amour de l’auteur à sa femme Dorine. Gorz est un philosophe et essayiste né en Autriche, mais exilé très tôt; il fait ses études à Lausanne avant de partir en France rejoindre la mouvance existentialiste de Sartre. En 2006, quand il publie ce livre, il a 83 ans, sa femme un an de moins. Ils se sont connus à l’âge de 24 ans et de suite, ils se sont aimés.: «J’ai trouvé des mots que je n’avais jamais su prononcer; des mots pour te dire que je voulais que nous soyons unis pour toujours ». Cet hymne à leur amour a pris encore plus de profondeur lorsque nous apprenions en septembre de cette année la mort des deux vieillards. Ils ont mis fin à leurs jours: on les a retrouvés couchés dans leur lit, main dans la main, liés jusqu’au bout. Dorine était atteinte depuis l’âge de 25 ans d’une maladie dégénérative, sa souffrance devenait insurmontable. On peut lire en dernière page de cette lettre: «Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l’autre». Tout était écrit… RL

HAMILTON Edmond Le dieu monstrueux de Mamurth Paris, Néo, 1986 (Fantastique/Science-fiction/Aventure; 176). 202 p. Disponibilité PAQ cote R HAMI

La nouvelle qui donne le titre de ce recueil est en fait la seule qui soit du registre du fantastique : un homme pris au piège d’un monstrueux labyrinthe dans le désert. Hamilton reconnaissait s’être inspiré d’un maître du genre : Abraham Merritt. Les autres textes relèvent de la science-fiction et des multiples disparitions possibles de notre planète. Celle qui m’a le plus touchée s’appelle Requiem. Un vieux capitaine au long cours est exaspéré d’avoir dû emmener une meute de journalistes venus commenter les derniers jours de la Terre, depuis longtemps abandonnée des hommes, et dont le soleil est sur le point de se transformer en super nova. Le capitaine garde jalousement sa découverte pour lui, celle d’une petite maison miraculeusement encore debout où habitaient un Ross et une Jennie… FA


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HARRISON Jim Retour en terre Paris, Bourgois, 2007 (Fictives). 323 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • MIN • PAQ • SER • STA coteR HARR

Retour en terre fait suite au précédent roman de J.H. De Marquette à Veracruz : David Burkett et ses proches se retrouvent évoqués ici par quatre voix différentes qui convergent pour évoquer un sujet a priori douloureux et triste: le déclin puis la mort de Donald, métis indien qui souffre à 45 ans d’une sclérose en plaques. Jim Harrison s’éloigne de la construction traditionnelle au roman d’aventures pour plonger toujours plus profondément dans des personnages très attachants par le biais d’une narration de plus en plus sensible aux «courants de conscience» des individus évoqués. Il n’est plus tant question de décrire un drame que de tenter d’exprimer comment celui-ci s’inscrit chez des individus qui rêvent souvent, se souviennent beaucoup et nous parlent avec empathie et sagesse de ce que pourrait signifier une vie réussie où son prochain est respecté, ainsi que la nature grandiose, souveraine mais blessée, évoquée ici en un hymne bouleversant aux paysages redoutables et farouches de la Péninsule Supérieure du Nord-Michigan. CM

HAYDER Mo Tokyo Paris, Presses de la cité, 2005 (Sang d’encre). 429 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • PAQ • SER • STA cote R HAYD

La jeune Grey est obsédée par l’histoire du massacre commis à Nankin par les Japonais en 1937. Elle est aussi persuadée qu’un film existe sur ce forfait, et que ce film est caché par un professeur chinois exilé à Tokyo. Dès lors, elle quitte l’Angleterre pour le Japon, se fait engager dans un bar à hôtesses pour survivre, et n’a de cesse de harceler le vieux monsieur qui a perdu sa femme et sa fille qui venait de naître lors du massacre. Entre les deux, un duel s’engage. Chacun a quelque chose à cacher et ce n’est pas forcément le vieux professeur qui a le plus lourd secret… FA


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HELIOT Johan La lune seule le sait Paris, Gallimard, 2003 (Folio science-fiction, 149). 367 p. Disponibilité CIT • JON • PAQ • STA cote R HELI

L’auteur ne le dit pas, mais toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. 1889: Louis Napoléon a pris le pouvoir. Les peuples de la Terre et de la Lune ont signé un traité d’alliance suite à l’exposition universelle de Monsieur Eiffel. Le grand Jules Verne est devenu capitaine au long cours et vit aux Antilles. Lorsqu’il reçoit un message d’un opposant au régime lui demandant d’aller sauver Louise Michel déportée sur la Lune, le vieil écrivain n’hésite pas et s’engage résolument dans un périlleux voyage sur le satellite terrestre, aidé par le fils de son fidèle éditeur Hetzel. Johan Heliot signe là une uchronie particulièrement réussie, et donne envie de relire Jules Verne! FA

HENRICHS Bertina La joueuse d’échecs Paris, Levi, 2006 (Piccolo; 41). 211 p. Disponibilité EVI cote R HENR

A Naxos, la vie d’Eleni est bien réglée: chaque matin, elle se rend dans un petit hôtel où elle s’occupe du ménage des chambres. Des touristes qu’elle côtoie, ce sont les Français qu’elle préfère: leur langue, leur façon d’être, Paris… toute cette culture la fascine. Un jour, en rangeant la chambre d’une de ces familles adulées, elle bouscule une pièce d’un jeu d’échecs, geste malheureux qui, se dit-elle, perturbera certainement une partie inachevée. Si désolée de ne savoir réparer sa maladresse, elle sera hantée par ce jeu qu’elle finira par offrir comme cadeau d’anniversaire à son mari. En cachette, avec l’aide de son ancien instituteur, elle va apprendre à jouer. De jour en jour, cette femme de quarante ans s’émancipera un peu plus grâce aux échecs. Elle prendra confiance en elle, s’autorisera des libertés, dérogera aux règles implicites d’une société patriarcale. Même sa meilleure amie ne la comprendra plus et la trahira… RL


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JACKSON Alisson Confidential Cologne, Taschen, 2007. 264 p. Disponibilité CIT • STA cote 779 JAC

Célèbre pour sa photographie de la reine Elisabeth II feuilletant un magazine assise sur les toilettes de Buckingham, Alisson Jackson s’est fait une spécialité dans le détournement des stars et des peoples en mettant en scène des sosies de personnalités dans des postures drôles, cocasses, parfois fâcheuses. Au-delà de l’apparente facilité de son œuvre, c’est à une critique des média, de la presse à sensation, des paparazzi et du voyeurisme dont nous nous repaissons quotidiennement qu’Alisson Jackson nous invite. Le doute qu’instillent ses clichés ne fait qu’amoindrir la frontière déjà ténue entre la fiction et la réalité, le vrai, le faux, l’information et le mensonge et pose la question de la force et de la place de l’image dans notre quotidien. Serions-nous en passe d’entrer dans l’ère du faux où la fabrique de l’information se substituerait à la réalité? CL

JODIDIO Philippe Ando: complete works Köln, Taschen, 2007. 500 p. Disponibilité EVI cote 720.9 AND

Tada Ando, né en 1941 à Osaka, découvre l’architecture à travers les livres de Le Corbusier, dont il recopiera les plans et les esquisses. Plutôt que d’étudier l’architecture, cet autodidacte fait de nombreux voyages, d’abord au Japon, puis en Europe, pour tenter de percevoir l’aspect physique de l’architecture, ce qui transparaîtra par exemple dans son approche de l’espace ou de la nature. A partir de 1969, il crée sa propre agence et commence à construire de modestes maisons. Au fil des réalisations, ses projets prennent de plus en plus d’ampleur. Il obtiendra en 1995 le Pritzer Architecture Prize, sorte de Nobel de l’architecture. L’ensemble de ses réalisations est représenté dans cet ouvrage qui permet de mieux comprendre son style, la synthèse entre la spiritualité japonaise et la modernité des techniques de constructions, en utilisant des matériaux innovants et en associant le béton, le métal, le verre et le bois. PB


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JULIET Charles Entretien avec Fabienne Verdier Paris, Albin Michel, 2007, 73 pages Disponibilité CIT • EVI • MIN cote 759.06 VER

Ce livre est un pur moment de bonheur. Après une introduction magistrale, Charles Juliet, poète du silence, s’entretient avec Fabienne Verdier pour essayer de percer le mystère de sa peinture et de sa manière de l’aborder. Pour mémoire, Fabienne Verdier est partie étudier en Chine, dans les années quatre-vingt. Elle a, durant dix ans, été initiée à l’art pictural et à la calligraphie. Elle est aujourd’hui l’une des rares détentrices de ce savoir, associant des techniques ancestrales dans un esprit pleinement moderne. Tout au long de cet entretien, Charles Juliet la questionne sur son approche, sa préparation personnelle avant de peindre, sa philosophie de vie, mais aussi sa technique ou les matériaux qu’elle utilise. Un petit livre rare et lumineux. PB

KENNEDY Douglas Cul-de-sac Paris, Gallimard, 2004 (Série noire; 2483). 260 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R KENN

Lorsque Nick, jeune Américain qui cherche un sens à sa vie, décide de traverser le bush australien en minibus, il ne se doute pas qu’il va avant tout découvrir le sens du mot cauchemar… Un stupide accident avec un kangourou va le contraindre à faire la route avec la robuste Angie… qui l’emmène de force à Wollanup, bled complètement coupé du monde en plein cœur du bush. Perdu au milieu d’une communauté d’allumés se nourrissant de carcasses de kangourous et de bières , Nick essayera de survivre et de s’enfuir alors que toute la communauté le surveille… Premier roman de Douglas Kennedy Cul-de-sac allie avec bonheur suspense haletant et comique burlesque. Il est impossible de lâcher ce livre à la fois drôle et terrifiant, véritable cauchemar éveillé! CLR


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KERTÉSZ Imre Etre sans destin Arles, Actes Sud, 1998. 366 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER cote R KERT

Budapest, 1944. Arraché à sa famille, le narrateur, 15 ans, se retrouve tassé dans un wagon à bestiaux. Depuis que l’étoile jaune a fait de lui un paria, le jeune garçon enregistre ce qui lui arrive avec minutie. Comment un adolescent peut-il brusquement se trouver confronté à cet univers-là? Comment un être humain peut-il être ainsi arraché aux siens, à sa propre vie, à sa propre identité sans devenir fou? Ces questions se bousculent au fur et à mesure de la lecture. Auschwitz, ce simple mot évoque l’horreur absolue, or dans ce témoignage il n’y a de place que pour le quotidien décrit comme la norme, pas de douleur exprimée mais une sobriété de l’écriture qui ressemble fort à un instinct de survie. Inutile d’ajouter que l’on ne sort pas indemne de cette traversée! CD

KRAKAUER Jon Voyage au bout de la solitude (Into the wild) Paris, Presses de la Cité, 2008. 248 p. DisponibilitéCIT • EVI • JON • MIN • PAQ cote 917.3 MAC

En avril 1992 un jeune homme quitte le territoire presque rassurant des Etats-Unis pour rejoindre l’Alaska en stop et tenter d’y vivre une expérience transcendante inspirée par la littérature qui le nourrit : Thoreau, London, A. Dillard, W. Stegner ou Tolstoi et Pasternak, loin de tout environnement domestique sécurisé. Le bouleversant récit de Jon Krakauer cherche à nous faire comprendre et à justifier la trajectoire et les choix de Chris MacCandless: après des études brillantes et engagées il quitte tout et laisse sa famille sans nouvelles. Il brûle ses papiers et ses possessions, donne tout son argent et prend la route. Il préfère l’errance et la précarité solitaire au confort et à la sécurité grégaire. Pendant deux ans il arpente l’Ouest et le SudOuest des Etat-Unis en quête des grands paysages et à la rencontre de communautés dispersées et attachantes dans leur refus des codes. Peu à peu il se prépare à affronter l’ultime frontière, cet Alaska fantasmé où il se rend seul, sans cartes, boussole ou moyen de rentrer en contact avec ceux qu’il laisse derrière lui. Solitude, beauté, silence et danger l’accompagnent et le rendent heureux pendant quatre mois au terme desquels il admet que le bonheur n’existe vraiment que si il est partagé. CM


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KUFFER Jean-Louis Impressions d’un lecteur à Lausanne Orbe, Campiche, 2007. 223 p. Disponibilité EVI • MIN cote 848 CH KUF

L’auteur, lui-même écrivain et rédacteur en chef de la revue du Passe-Muraille, se propose ici de tracer un tableau de la littérature vaudoise. Si Lausanne faisait figure pour Voltaire de «petite Athènes du Nord», Kuffer, s’attache, lui, à définir et commenter l’histoire de ce foyer littéraire, le cheminement de ces hommes cherchant à se dégager des inerties d’une société protestante si satisfaite d’elle-même, les questionnements de ces penseurs ou poètes sur l’identité de leur ville et sa campagne aux paysages lumineux et calmes. C’est ainsi que nous côtoyons le fameux docteur Tissot, participons aux séances de l’Académie vaudoise, vibrons à la création de Cahiers vaudois, passant des idéaux de la Guilde du Livre de Bertil Galland, à l’épopée de l’Age d’Homme pour en venir à la création des éditions d’En-Bas et celles de Bernard Campiche. A travers la (re)découverte de Juste Olivier, de Cingria ou du grand Ramuz, de Corinna Bille à Anne Cunéo, Jean-Louis Kuffer nous livre un très intéressant panorama contrasté des acteurs du milieu livresque et sociétal de Lausanne et sa contrée. MCM

LARSSON Stieg Les hommes qui n’aimaient pas les femmes Arles, Actes sud, 2007 (Actes noirs). 574 p. (Millenium; 1) Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER cote R LARS

Michael Blomkvist, journaliste talentueux, co-propriétaire du journal Millenium, vient d’être accusé de diffamation envers un des pontes de l’économie suédoise. Il décide de prendre de la distance non seulement avec le journal mais aussi géographiquement. Engagé par Henrik Vanger, officiellement pour écrire la chronique de la famille, l’une des plus influentes de l’industrie suédoise, mais surtout pour tenter de découvrir ce qui est réellement arrivé à Harriet Vanger, la nièce chérie d’Henrik, disparue 37 ans plus tôt et passée pour morte, Michael se plonge sans illusion dans une enquête mille fois reprise. Il se fera aider par une jeune femme de 24 ans au passé difficile, Lisbeth Salander. Asociale, caractérielle, elle n’en est pas moins d’une intelligence remarquable, et dotée d’un talent exceptionnel pour le piratage informatique. A eux deux, grâce à leur intuition, leur minutie et la maîtrise de moyens techniques et informatiques, ils vont découvrir la vérité, une vérité d’une noirceur presque insoutenable. La série Millenium est devenue un phénomène médiatique


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dans le courant de l’année 2007, deux autres titres suivent celui-ci, mettant en scène les mêmes personnages attachants et d’une remarquable épaisseur. Gageons qu’ils sont tout aussi excellents! DM

LEON Donna Sans Brunetti Paris, Calmann-Lévy, 2007. 239 p. Disponibilité BUS • CIT • JON • MIN cote 828 LEO

C’est à travers plusieurs petits essais écrits entre 1972 et 2006 que Donna Leon nous démontre qu’elle n’est pas uniquement l’écrivain de roman policier du commissaire Brunetti. C’est aussi une habitante de Venise depuis vingt ans qui connaît sa ville, ses habitants et ses coutumes sur le bout des doigts et qui est capable de les décrire avec un regard caustique et acéré. Mais ce n’est pas tout, elle use aussi de ses talents pour nous parler de la musique qu’elle aime, de l’Amérique, de l’écriture et des différents pays qu’elle a visités, et cela toujours sur le même ton, à la fois drôle et léger mais n’hésitant pas à aller à contre-courant. TLe

LESSING Doris Les grand-mères Paris, Flammarion, 2005 (Littérature étrangère). 127 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R LESS

L’amitié fusionnelle entre deux femmes, née dans leur prime jeunesse, perdure à travers les étapes de leurs vies. Cette force, proche de la gémellité, qui les unit, occulte les éléments qui les entourent, leurs époux notamment. Ce qui ne les empêchera pas de mettre, chacune, un garçon au monde. Avec le temps, ces deux fils noueront à leur tour une liaison forte entre eux mais surtout un amour interdit, chacun avec la mère de l’autre. Estce que la relation, presque ambiguë parfois, entre ces deux femmes se prolonge dans un rapport proche de l’inceste, la question pourrait se profiler. L’écriture paisible dénote avec un sujet dérangeant mais laisse la place au non-dit plus qu’à la provocation. En effet, passé le premier effet, nous pouvons nous interroger sur notre gêne avec un tel sujet. Certains, l’éditeur français en premier, parle d’un roman sulfureux. Parfois, le scandale est peut-être plus dans le regard que nous avons que dans l’objet en soi. PC


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Lettres de Stalingrad Paris, Buchet-Chastel, 1988. 116 p. Disponibilité CIT • MIN • SER cote 940.54 LET

Pendant la seconde guerre mondiale, des centaines de milliers de soldats allemands et russes on été tués lors de la bataille de Stalingrad. A cette époque une partie de l’armée allemande a été entièrement entourée par l’armée russe et totalement coupée de toute aide extérieure. Les affrontements ont été extrêmement violents. Mais les soldats allemands ont pu envoyer des lettres à leurs familles. On a retrouvé dans un sac 39 de ces lettres du dernier avion allemand qui a pu décoller de Stalingrad. Elles constituent un témoignage poignant de ce qui a été un véritable enfer pour ces soldats. Ils se savaient perdus, ils se savaient abandonnés par tous, la seule chose qui les raccrochait à la vie était de pouvoir écrire. C’est avec ce genre de documents qu’on peut véritablement comprendre comment sont vécus des faits historiques que l’on a souvent l’habitude d’apprendre de manière froide et académique. Dans ces lettres, au contraire, on a la vision de ceux qui, souvent très jeunes, ont été envoyés en enfer. TLe

LEVÉ Edouard Œuvres Paris, P.O.L., 2002. 205 p. Disponibilité CIT cote 848 LEV

Edouard Levé, décédé en octobre 2007, était un artiste français à la production variée. Depuis quelques années il se consacrait aussi à l’écriture. Ce livre est un catalogue d’œuvres « dont l’auteur a eu l’idée mais qu’il n’a pas réalisées ». Quoique, puisque ce concept est aussi la proposition n°1 des 533 que compte l’ouvrage… Mise en abîme donc, réflexion sur la place de l’artiste, la relation entre les différents arts, entre l’art et le réel, l’imaginaire et le réel : certaines descriptions rappellent des œuvres existantes. A l’inverse, dans quelque temps, nous serons persuadés d’avoir réellement vu certaines de ces œuvres… Un «musée imaginaire» contemporain. FD


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LEVISON Iain Tribulations d’un précaire Paris, Liana Levi, 2007. 186 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • STA cote 828.03 LEV

Attention, grands fatigués, s’abstenir ! L’auteur nous emmène avec lui d’un petit boulot à un autre aux quatre coins des Etats-Unis. Sa licence en lettres? Elle ne lui sert à rien et le handicape même parfois. Comme il le dit si bien, Tom Joad, des Raisins de la colère, lui, au moins, n’avait pas perdu 40’000 dollars pour obtenir un papier inutile! Et pourtant, l’auteur ne semble pas avoir perdu courage et relate ses multiples expériences sans une plainte et même avec un humour salvateur. Le constat est tout de même amer pour les «working poors» américains. Dans un pays riche et fier de l’être, des millions de salariés osent à peine espérer un emploi digne de ce nom. Dans la même veine mais en version féminine, on lira aussi avec stupeur L’Amérique pauvre: comment ne pas survivre en travaillant, de Barbara Ehrenreich. FB

LITTELL Jonathan Etudes Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 2007. 71 p. Disponibilité PAQ cote R LITT

Ecrit entre 1995 et 2002, ces quatre courtes nouvelles démontrent tout le talent que Jonathan Littell avait déjà avant d’écrire Les bienveillantes en 2006. Etudes c’est un peu Les bienveillantes sans la grosse thématique de la seconde guerre mondiale. Restent les thèmes chères à Littell: l’enfermement, l’impossibilité de fuir lorsque la guerre enferme le narrateur, des rapports amoureux difficiles, une sexualité trouble qui tend vers le sado-masochisme et, surtout, on trouve cette écriture propre à Littell. Ainsi dans la première nouvelle le narrateur se force à décrire un environnement banal alors que les bombes sifflent autour de lui et que, en plus, il attend un événement important qu’il ne révélera pourtant pas. Un autre exemple de son écriture est donné dans la dernière nouvelle où, cette fois, le narrateur passe en revue, jusqu’à la nausée et sans respirer, les solutions à une équation entre trois personnages (lui, elle et l’autre) et une situation: l’adultère. TLe


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LONDON Jack Le peuple d’en bas Paris, Phébus, 2000 (Libretto; 34). 252 p. Disponibilité CIT • EVI cote 828.03 LON

Des ouvriers qui travaillent mais ne gagnent pas assez pour nourrir leurs familles, des pauvres qui sont arrêtés pour mendicité, du chômage, des salaires qui chutent, des asiles de nuits pris d’assaut, un manque chronique d’appartements, des loyers hors de prix, le smog... Années 2008? Non, Londres 1902. Une société en pleine industrialisation qui utilise ses forces humaines pour les jeter ensuite dans les quartiers Est de la ville quand ils ne peuvent plus servir car trop usés, juste bons à finir leur vie à l’âge de 30 ans. «En Angleterre, chaque année 500’000 hommes, femmes ou enfants, employés dans diverses industries, sont tués ou rendus invalides ou bien blessés ou estropiés jusqu’à la fin de leur vie». Jack London, ce journaliste écrivain hors pair, compare cette hécatombe à une horrible guerre et cent ans plus tard, il est intéressant de lire ou relire ce livre et se demander alors si le monde a vraiment évolué … RL

LORUSSO Adriana Ta-Shima Paris, Bragelonne, 2007 (Bragelonne SF). 594 p. Disponibilité PAQ cote R LORU

Lara la rebelle a dû quitter sa planète Ta-Shima pour cause de comportement inacceptable de la part d’une Shiro lors de la Fête des Trois Lunes qui marque la fin de l’enfance. Elle a gardé le même compagnon, un Asix - pas même un Shiro! - pendant toute la nuit. Lorsque les membres du Conseil l’envoient chercher par son frère avec lequel elle n’a jamais vécu, Lara, devenue Suvaïdar, hésite. Pourquoi choisir une bannie? Qui a bien pu faire disparaître la dirigeante Haridar? Certainement pas un des Asix: jamais ils ne font de mal aux Shiros et leur obéissent aveuglément. Pourquoi la Fédération de l’Extramonde veut-elle absolument envoyer un représentant sur TaShima, réputée extrêmement dangereuse pour la santé de ceux qui ne sont ni Shiro ni Asix? Il est rare de trouver des auteurs de SF de langue italienne. Voilà une lacune comblée de très bonne façon et c’est l’auteure elle-même qui a assuré la traduction de son œuvre. FA


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MacLARTY Ron J’ai rêvé de courir longtemps Paris, Albin Michel, 2005. 395 p. Disponibilité BUS • CEN • EVI • JON cote R MACL Titre original anglais: The memory of running Disponibilité BUS cote R2 MACL

Entre Forrest Gump et les ouvrages de John Irving, ce roman remarquable est l’histoire de Smithson Ide, énorme, buveur impénitent, dépressif, bref un gros garçon de 40 ans qui s’est légèrement laissé aller. A la mort accidentelle de ses parents, il part sans se retourner de sa bourgade de Rhode Island, et haut perché sur la selle de son vélo, il met cap à l’ouest, direction San Francisco. Notre routard pédaleur peu commun roule, tombe, se blesse, affronte les éléments, les impossibles montées et les bienvenues descentes – enfin, quand on est en possession de deux bons freins – et au fil des kilomètres peu à peu il s’allège. Ses kilos fondent à l’instar de sa médiocrité passée. Ouvrez ce livre et plongez-vous dans cette histoire affectueuse et étonnante, doublée d’une délicieuse histoire d’amour : un très bon moment de lecture vous attend. MCM

MAHFOUZ Naguib Son excellence Arles, Actes sud, 2006 (La bibliothèque arabe. Les littératures contemporaines) (Sindbad). 175 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R MAHF

Ecrit en 1974, inédit jusqu’alors en langue française, ce récit nous conte la vie d’Othmân Bayyoumi, homme pieux et fonctionnaire zélé qui sacrifia toutes les joies de l’existence au profit de son obscure carrière. Gravissant pas à pas les échelons de l’Administration afin d’accéder au poste de directeur général «à la lumière divine», jamais notre pitoyable antihéros ne connaîtra le bonheur. C’est le portrait de l’ambition que nous fait ici le Nobel égyptien, mais aussi une furieuse caricature de la bureaucratie. TLa


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MAKINE Andreï La femme qui attendait Paris, Seuil, 2004. 213 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R MAKI

Véra, la quarantaine, vit retirée dans un hameau fantomatique au bord de la Mer Blanche, entourée d’une cohorte de vieilles femmes, des veuves pour la plupart. Le narrateur, un intellectuel progressiste, vient, lui, de Léningrad (St Petersbourg) afin d’enquêter sur les coutumes locales en matière de cérémonies nuptiales et funéraires. Le roman raconte la fascination du narrateur pour cette femme énigmatique. On ne connaît Véra que par le regard intrigué de l’auteur. On pourrait dire qu’il tente de décrire une ombre insaisissable! Le roman évoque avec force les contrées inhospitalières du Nord: ces régions fantomatiques, ces villages en ruines, désertés, dépeuplés par la guerre et l’exode rural. CD

MÁRAI Sándor Libération Paris, Albin Michel, 2007. 222 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • STA cote R MARA

Libération. Quel mot porteur d’espérances et de soulagement quand on est Parisien en août 1944. Quel mot plein d’incertitudes et d’effroi quand on est Budapestois en février 1945. Ce texte publié pour la première fois en 2007 a été écrit près de la capitale hongroise, quelques mois seulement après la Libération par un écrivain qui vécut de l’intérieur le siège de la ville par les troupes soviétiques, les rafles sauvages des hordes fascistes hongroises et allemandes et le confinement dans les caves des immeubles pendant les bombardements. Ce roman est une médiation sur «l’humanitude» qui ne se révèle jamais aussi nettement que dans les situations extrêmes, avec son lot de lumières parfois, de noirceurs souvent. Manifestement, Sándor Márai ne se fait pas beaucoup d’illusion sur celle-ci quand il se pose la question : la Libération est-elle vraiment une aube nouvelle, comme certains le promettent, ou la reproduction sous une forme à chaque fois renouvelée de ce qui fait le genre humain, de toute éternité. PK


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MAUMEJEAN Xavier Car je suis Légion Paris, Pocket, 2007 (Pocket; 5907. Fantasy). 421 p. Disponibilité PAQ cote R MAUM

Sarban, simple fils de paysan, doit quitter sa famille pour Babylone. Le Grand accusateur l’a choisi pour devenir membre de la prestigieuse Acadamie chargée de faire appliquer le code d’Hammourabi. Vingt-cinq ans plus tard, Sarban, devenu Accusateur, apprend avec effroi qu’après lecture d’auspices défavorables, le Temps et la Loi sont suspendus. Le roi Nabuchodonosor, représentant du dieu Marduk, ne peut pour l’instant rien contre le chaos provoqué par le retour de la mère des dieux Tiamat, que des siècles auparavant, ses propres enfants Marduk et Ishtar, ont dû combattre. Face au chaos, Sarban et son ami Casdim font de leur mieux pour défendre Babylone. Mais rien ne semble pouvoir arrêter le déferlement de violence. Par un malheureux hasard, Sarban découvre le cadavre d’un commerçant, dont le meurtre ne semble pas lié au chaos ambiant et décide de mener l’enquête envers et contre plusieurs personnages influents. Il est peu courant que la Fantasy s’intéresse à la mythologie du pays de l’Entre-Deux-Fleuves, c’est à ma connaissance le deuxième exemple après le Gilgamesh de Robert Silverberg. Mauméjean nous livre ici une relecture passionnante de la création du monde babylonien, tout en menant de main de maître une formidable enquête policière. FA

MENDELSOHN Daniel Les disparus Paris, Flammarion, 2007. 649 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER cote 940.547 MEN

Parce que pendant toute son enfance, «la simple vue de son visage faisait pleurer les adultes…», le jeune Daniel se lance à la recherche de l’aïeul auquel il ressemble tant: son grand-oncle Schmiel dont il sait seulement qu’il disparut avec sa femme Ester et leurs quatre filles, assassinés par les nazis. 98,2 % des Juifs de Bolechow, la petite ville polonaise berceau de la famille des Jägger furent exterminés et l’auteur n’aura de cesse de retrouver et d’interviewer la poignée de miraculés, les 48 survivants, les seuls, pense-t-il, en mesure de lui raconter la vie, les bribes de vie brisées de ses lointains parents à jamais perdus. Ce travail d’enquête minutieux dura cinq ans et permit au narrateur de définir les contours de la problématique de la mémoire familiale. Passant de froides précisions de la généalogie juive à l’analyse pointue des grands mythes et paraboles des écrits sacrés puis aux témoignages poignants des survivants qui, petit à petit rouvriront leur mémoire déchirée pour remplir les vides, les


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manques, les absences à la vie de ces six parmi six millions, Mendelsohn nous offre ici un livre unique, exceptionnel par sa synergie et son érudition qui longtemps encore me poursuivra, me hantera et s’incrustera enfin pour ne pas oublier, jamais. MCM

MODIANO Patrick Dans le café de la jeunesse perdue Paris, Gallimard, 2007 (Blanche). 148 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R MODI

Si nous ne devions retenir que dix écrivains contemporains, Modiano serait certainement parmi eux. Ce livre s’inscrit pleinement dans son œuvre car, une fois de plus, il se penche sur l’éternelle question de savoir qui est l’autre et par conséquent qui est «je». On croit connaître celles et ceux qu’on croise, jusqu’au jour où un événement (il s’agit ici de disparition) bouscule nos certitudes. Tout alors devient flou, même nos souvenirs. Dans ce roman, l’auteur donne la parole à quelques habitués du Condé, un café du quartier latin à Paris. Ils gravitent autour de la charmante et mystérieuse Louki qui a quitté son mari, trop vite épousé, pour «vivre la vraie vie». Un détective chargé de l’enquête ne va rien découvrir d’extraordinaire car ce que Modiano aime, c’est titiller la banalité afin de lui donner un petit air d’intéressante… RL

MOMPLE Lilia Neighbours Montréal, Allusifs, 2007. 171 p. Disponibilité PAQ cote R MOMP

Ce roman pourrait être une pièce de théâtre en temps réel car tout se joue entre 19h et 8h du matin du jour d’après, un malheureux jour de 1985. Trois familles au Mozambique: celle de Nargiss qui attend désespérément son mari pour fêter l’Aïd, mais ce dernier a trouvé une femme plus jeune et ne viendra pas. Celle de Januario et Leia. Januario a tout perdu dans les guerres civiles, ses parents ont péri dans les flammes de la guerre. Devenu enseignant, cela lui est égal de manger tous les jours la même chose : chou et farine. Les Mozambicains appellent ce « délicieux » repas «Ne me quitte pas». Mais sa jeune épouse n’en peut plus de cette odeur de chou, elle n’avale que du thé et des tartines. Pourtant elle est tellement heureuse d’avoir trouvé un logement même meublé de formica, d’avoir résisté au « monsieur » qui voulait la mettre dans son lit et d’avoir pu quitter la maison familiale où ni elle ni


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Januario n’avaient leur place. Et puis troisième famille, celle des tueurs: Dupont et sa femme Mena. Dupont est fasciné par deux types louches venus d’Afrique du sud Romuo et Zaluia. Il est engagé pour tuer, et malgré Mena qui se doute de ce qui va se passer, rien n’arrive plus à stopper l’engrenage. FA

MONTANA Cyril La faute à Mick Jagger Paris, Dillettante, 2008. 222 p. Disponibilité CIT • EVI • MIN • PAQ • SER • STA cote R MONT

Simon se dit hypersensible. On le serait à moins. Enfant d’un couple de babas, il a peu connu sa mère qui a préféré «tailler la route». Resté avec son père, il vivra d’abord dans des communautés dans le Morvan et le Lubéron puis à Paris dans une chambre minable où il assistera à la dégradation de son père malade et drogué. Seules éclaircies dans cette enfance ballottée, les séjours chez sa grand mère affectueuse et bienveillante dans un HLM de banlieue où tout est normal et raisonnable: les repas à heures régulières, Guy Lux et le patinage artistique à la télévision et des disques de Joe Dassin qu’on écoute sur le Teppaz. Devenu adulte, notre hypersensible est tiraillé entre deux amours, il doit souvent partir au secours de sa mère parano et fugueuse et sa propre vie n’est pas un chefd’œuvre. Ce récit coloré et déjanté séduit par son humour, sa légèreté, mais surtout nous fait réfléchir sur cette génération d’enfants nés à cette époque d’émancipation et d’excès en tous genres, confrontés à la vie moderne nettement moins rock and roll. MCM

MOORE Anthony Swap Paris, Liana Levi, 2007. 349 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • STA cote R MOOR

Après d’âpres négociations, Harvey et Charles, deux garçonnets, s’échangent une bande dessinée contre un collier de plastique. Trente ans après, Harvey est devenu propriétaire à Londres d’un commerce de BD d’occasions mais sa vie décousue et guère reluisante n’est éclairée que par l’espoir de retrouver le livre échangé jadis avec ce loser de Charley nommé à l’époque par ses charmants condisciples Bleedy, l’hémophile, le saignant. Car ce comic très rare est le Superman numéro 1, alors Harvey rêve souvent à la vie qu’il pourrait avoir avec 200 000 dollars… A l’occasion d’une réunion d’anciens élèves de leur collège, Harvey retrouve Charles qui ne se souvient


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plus vraiment de la transaction, mais peu à peu les événements vont se bousculer: la mère de Charley est assassinée, cambriolages et bagarres s’ensuivent et notre libraire sera pris dans un imbroglio où il s’enfoncera impitoyablement. Des Cornouailles aux quartiers populaires de la capitale anglaise, suivons cet antihéros et regardons-le dans ses démêlés endiablés avec son for intérieur. Aurions-nous fait mieux? MCM

MYFTIU Bessa Confessions des lieux disparus La Tour d’Aigues, Aube, 2007 (Regards croisés). 221 p. Disponibilité CIT • EVI • JON cote R MYFT

Bessa Myftiu, auteur albanaise vivant à Genève, se penche sur sa vie d’enfant et de jeune fille dans une Albanie communiste isolée du monde. Le dictateur Enver Hodja veille à ce que son peuple vive sans libertés ni biens… et bannit ceux qui osent élever une voix contraire, comme le père de la narratrice, contraint de quitter son poste d’enseignant pour celui de marchand de rue. Bessa Myftiu fait entrer en scène ses grands-parents, oncles et tantes, dans un défilé de figures souvent cocasses. Son propre personnage ne fait pas exception et dévoile une fille pleine d’humour et dotée déjà de verve littéraire. Car la poésie, si importante en Albanie, est présente d’un bout à l’autre du récit et forme, avec la nostalgie des lieux disparus avec la chute du communisme, un duo savoureux. Fraîcheur, spontanéité, voilà ce qui caractérise cette plongée au pays des aigles. FB

NIEMI Mikael Le goût du baiser d’un garçon Arles, Actes Sud, 2004 (Lettres scandinaves). 304 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • SER • STA cote R NIEM

Des aventures délirantes de Matti dans le grand nord suédois, un bout du monde où, si le soleil est rare, les anecdotes les plus drolatiques sont foison. Effectivement, dans ces grandes étendues blanches de la taïga, les personnages hauts en couleur ne manquent pas, donnant lieu à des scènes pour le moins décalées et souvent hilarantes. Entre cocasserie, vulgarité et cruauté, ce roman est une vraie bouffée de fraîcheur nordique! JM


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O’BRIEN Dan Les bisons du Cœur-Brisé Vauvert, Au diable vauvert, 2007. 363 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • STA cote 828.03 OBR

Dan O’Brien, l’auteur des magnifiques romans Rites d’automne et L’esprit des collines est aussi le propriétaire d’un ranch de plusieurs centaines d’hectares situé dans les Black Hills au Dakota. Mariage raté, dettes qui s’accumulent, économie agricole vacillante, Dan est au bout du rouleau, mais quand il rencontre au détour d’un chemin son premier bison, germe en lui l’idée d’abandonner l’élevage des vaches pour rendre à ces animaux sauvages leur habitat naturel, ces immenses plaines herbeuses, cette terre qui avait oublié depuis si longtemps le son des lourds piétinements. Des milliers d’heures de travail et de litres de sueur lui sont nécessaires avant de pouvoir enfin accueillir son nouveau cheptel de petits bisons, le «Gang de Gashouse» qu’il enrichira peu à peu de femelles portantes et d’autres bêtes achetées à l’encan. Dan O’Brien est un conteur hors pair et sa passion et son respect pour l’écologie unique de ces grands espaces, sa connaissance des psychologies animale et humaine font de ce récit plein d’enseignements et de courage une ode à la nature, une exhortation à nous défaire de nos richesses «matérielles» si éloignées d’une vie saine, sensée et librement choisie. MCM

OGAWA Yôko La formule préférée du professeur Arles, Actes Sud, 2005 (Lettres japonaises). 246 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R OGAW

Le professeur est un éminent connaisseur des mathématiques, spécialiste des chiffres et des nombres, il est capable de résoudre n’importe quel problème logique. Il est tellement doué qu’il gagne tous les concours de magazines auxquels il participe. Mais, suite à un accident, il est devenu amnésique et oublie totalement ce qui s’est passé au-delà de 80 minutes dans le passé. Pour s’occuper des tâches quotidiennes il a donc besoin d’une femme de ménage, mais toutes celles qui sont venues chez lui ont démissionné, le handicap du professeur étant trop difficile à gérer. Un jour pourtant, une aide ménagère se prendra d’une réelle affection pour cet étrange personnage avec lequel elle pourra longuement discuter autour des chiffres. La femme de ménage amènera également son fils et dès lors le professeur pourra leur apprendre toute la magie qui entoure certains nombres. Pourquoi par exemple 234 et


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220 sont des nombres amis et pourquoi 28 est un nombre totalement exceptionnel? Voila un livre vraiment attachant où l’amitié qui lie les trois personnages est chaque fois à reconstruire, en effet chaque matin quand la femme de ménage vient travailler, elle doit à nouveau se présenter au professeur qui l’a complètement oubliée. TLe

OMMER Uwe Transit Köln, Taschen, 2006 Disponibilité STA cote 910.4 OMM

A la fois carnet de route et album de voyage, cet ouvrage unique retrace le périple autour du monde du photographe Uwe Ommer pour la réalisation de son livre 1.000 familles: l’album de famille de la planète Terre qui regroupe une vaste collection de portraits pris dans plus de 130 pays au cours de 4 années de voyage. Naturellement, un voyage dans de telles proportions apporte son lot d’anecdotes, d’aventures et de souvenirs que Transit retranscrit en images et en texte. Frontières fermées, ponts cassés, saisons de pluie interminables, douaniers curieux, vols et coups d’état, épidémies de fièvre et une Land Rover loin d’être à toute épreuve ont permis à Ommer d’expérimenter les différents tracas possibles d’un voyage d’une telle ampleur. Ce rassemblement original et amusant donne une image vivante de ce à quoi ressemble un voyage dans les coins les plus reculés de la planète, les rencontres avec un nombre incalculable de gens, l’observation des similitudes et des différences sociales et culturelles qui font la race humaine. CL

PERRIN Jean-Eric Les 50 superstars du rap Paris, Fizzi, 2007. 155 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • SER • STA cote 782.421.649 PER

Voici une somme incontournable de références pour tout lecteur avide d’en savoir plus sur ce courant musical souvent conspué et dédaigné, mais tellement présent pour des millions de fans dans le monde. Dès le début des années 80, le rap semble brouiller les pistes des genres musicaux déjà en place, il menace par sa violence verbale, sa facture singulière de phrases rythmées soulignées par les poses provocantes des artistes, les puritains de tous bords accrochés à leurs certitudes. Mais le rap véhicule surtout la colère de jeunes gens qui peuvent enfin exprimer leur désenchantement, s’exposer pour


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crier leur impatience, leur impertinence devant notre société de plus en plus étouffante et absurde. De Fat Boys à Public Enemy ou NTM, de Diam’s à Beastie Boys, sans oublier le génial Eminem, ces chanteurs, nés pour la plupart dans les banlieues pauvres des mégapoles, crachent leur colère, jouent avec brio de leur haine de nos sociétés égoïstes qui les abaissent, les négligent ou les oublient. Et c’est cela que nous aimons: tels des griots modernes, ils nous touchent par leurs métaphores, leurs jeux de mots scandés, leurs jeux de scène provocants jusqu’à l’obscénité nous réveillent en inventant sans cesse une culture nouvelle et tellement dérangeante. MCM

PHILLIPS Arthur L’égyptologue Paris, Cherche midi, 2007 (Ailleurs). 556 p. Disponibilité PAQ cote R PHIL

Harold Ferrell, ex-détective privé australien, relate une enquête qui l’avait emmené dans les sables d’Egypte, durant les années 20, à la recherche du fils naturel d’un milliardaire anglais. Au cours de cette enquête, il a été confronté à un jeune et mystérieux égyptologue anglais, Ralph Trilipush, qui recherchait un pharaon inconnu d’une obscure dynastie grâce à l’aide financière de riches et peu recommandables hommes d’affaires de Boston. Or, cet égyptologue avait aiguillé la méfiance de Ferrel qui s’est mis à enquêter sur son compte en parallèle, persuadé qu’il était que la recherche de ce mystérieux pharaon n’était qu’un prétexte pour encaisser de grosses sommes d’argent. A travers le récit d’Harold Ferrell et du journal tenu à l’époque par Ralph Trilipush, les deux histoires convergent très vite et dévoilent une machination diaboliquement bien montée qui ne laisse entrevoir sa complexité qu’à la fin de l’histoire. FG


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POOL Hannah La fille aux deux pères Genève, Zoé, 2007 (Ecrits d’ailleurs). 293 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • PAQ cote 828.03 POO

Hannah est une jeune femme journaliste au Guardian. Bien dans sa peau noire tout en évoluant dans un monde blanc, elle s’estime heureuse d’être la fille adoptive d’un père anglais aimant. Lorsqu’elle reçoit une lettre d’Erythrée qui lui révèle qu’elle n’est pas du tout orpheline, que son père, ses frères et sœurs biologiques l’attendent, sa première réaction est de l’ignorer. La seconde, des années plus tard, est de partir dans son pays d’origine. L’arrivée à Asmara et l’accueil de sa famille la laissent désemparée: elle ne comprend pas la langue et a l’impression de toujours être en représentation. Puis, elle décide, malgré les craintes de ses frères et cousins, de quitter la capitale et de se rendre au village de son père et de sa mère, qui, elle, est bien morte en la mettant au monde. Avec beaucoup de sensibilité et d’humour, Hannah nous livre le passionnant récit de ce voyage pas du tout comme les autres. FA

POWERS Richard Le temps où nous chantions Paris, Cherche midi, 2006 (Lot 49). 765 p. Disponibilité CIT • EVI • JON cote R POWE

En musique, le contrepoint est la superposition de plusieurs mélodies ; chacune d’elles étant cohérente en elle-même. La superposition créera une musique encore différente, enrichie des voix qui la constituent. Dans le roman de Richard Powers, il y a cinq voix portées par les cinq membres de la famille Strom. La voix de Delia, la mère, est celle de l’amour: amour de la musique, de l’Homme, de la beauté. Puis la voix de David, le père; c’est celle de la physique nucléaire, de l’empirisme et de la raison. Tous les deux sont étrangers dans leur propre patrie, les Etats-Unis. Elle, parce qu’elle est noire dans un pays où la ségrégation raciale est omniprésente, lui parce qu’il est Juif allemand émigré de fraîche date. Leur mariage même est une transgression impardonnable. Jonah, l’aîné, deviendra chanteur «blanc» à force de porter la culture occidentale de la Renaissance à nos jours. Ruth, la cadette, deviendra «Black Panther»: Black is beautiful. Et enfin, Joseph le pianiste, véritable voix intermédiaire et narrateur, qui essayera toute sa vie de concilier les opposés, entre cultures blanche et noire. Ce madrigal à cinq voix est, au final, un roman d’une richesse exceptionnelle et une œuvre majeure de la littérature américaine. PK


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PRADA Juan Manuel de La tempête Paris, Seuil, 2000. 316 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • PAQ • STA cote R PRAD Titre original espagnol: La tempestad Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • SER cote R6 PRAD Existe aussi en grands caractères Disponibilité MIN

Alejandro Ballesteros est un obscur et jeune maître-assistant d’une université espagnole qui n’aura eu pendant 5 ans qu’une occupation: se consacrer à l’analyse d’un mystérieux et célèbre tableau de Giorgione, la Tempête. C’est en voulant le contempler à Venise où il est exposé, qu’il est témoin d’un meurtre, puis accusé d’en être l’auteur. Alejandro décide alors de mener l’enquête. Prada nous plonge alors dans une Venise méconnue, froide et inhospitalière, où les voleurs et les faussaires de tableau, les policiers corrompus, les directeurs de musée arrogants mais aussi les belles femmes se croisent à chaque coin de rue. Mais à côté de l’intrigue policière, ce roman nous apprendra beaucoup sur les mystères de Venise et surtout sur un de ses joyaux: Le Tempête, ce tableau peint au début du 16e siècle. TLe

PRATCHETT Terry La science du Disque-Monde Nantes, Atalantes, 2007 (La dentelle du cygne). 541 p. Disponibilité CIT cote R PRAT

A l’Université invisible d’Ankh-Morpok, les magiciens du Disque-Monde tentent une expérience hasardeuse qui va mener à la création d’un monde miniature sans magie, qui ressemble étrangement à notre Univers. Le prétexte est tout trouvé pour en apprendre davantage sur les origines de notre univers, l’apparition de la vie sur la terre ou la sélection naturelle. Un roman de vulgarisation scientifique passionnant - quoique parfois un peu hermétique pour les novices en physique quantique – coécrit avec deux éminents scientifiques, Ian Stewart et Jack Cohen. JM


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RICARD Matthieu Un voyage immobile Paris, La Martinière, 2007 Disponibilité EVI cote 915.496 RIC

Voici un merveilleux ouvrage réunissant des photographies prises d’un seul point de vue, un ermitage où l’auteur s’est retiré pendant une année pour y méditer, et des aphorismes qui nous rendent meilleurs et heureux à leur seule lecture. Matthieu Ricard est un scientifique français devenu moine bouddhiste, compagnon du Dalaï Lama. S’isolant dans un nid d’aigle népalais, il nous fait partager son émerveillement devant la magnificence de son environnement: les nuages, les sommets lointains de la chaîne himalayenne à l’horizon, l’envol soudain d’un oiseau. Précipitez-vous sur ce livre rare, vous tiendrez entre vos mains un morceau de pur bonheur. MCM

ROBINSON Marilynne La Maison dans la dérive Genève, Metropolis, 2002 (Les oublié.e.s). 252 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI cote R ROBI

L’histoire n’a que peu d’importance dans l’étrange roman de cette auteure américaine. Déposées chez leur grand-mère par leur mère qui se suicide quelques heures plus tard, deux petites filles se retrouvent dans une maison étrange et décatie située dans une petite ville de l’Ouest à proximité d’un lac gelé et brumeux. A la mort de l’aïeule les enfants seront prises en charge par leur tante, une semi-clocharde, et tout va se déliter: les personnages eux-mêmes deviendront fantômes, absents et errants, la maison sombrera dans l’humidité et le froid, et la ville de s’enfoncer encore plus dans un brouillard lointain. Il faut se laisser toucher par l’écriture de Marilynne Robinson, qui possède un savoir-écrire impressionniste rare et déguster ses descriptions lumineuses qui laissent au lecteur un goût de volupté. MCM


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ROSENTHAL Olivia On n’est pas là pour disparaître Paris,Verticales, 2007. 215 p. Disponibilité EVI cote R ROSE

« Le 6 juillet 2004, Monsieur T. a poignardé sa femme de cinq coups de couteau ». Pourtant, il ne s’agit pas d’un polar, mais d’un roman sur la maladie d’Alzheimer. Monsieur T. ne se souvient pas de ses actes, mais on comprend qu’il hait sa femme (qu’il ne reconnaît plus) car elle l’empêche d’aller où il veut. L’auteure nous introduit alors dans ce monde où les mots et les gestes ne sont plus reliés à la raison. Avec talent, l’auteure nous imprègne de ce malaise face à cette maladie, ceci grâce à son écriture adaptée aux circonstances. On est à la fois le malade qui monologue sans ponctuation, la fille qui est désemparée face au désir du père qui la confond avec sa femme. On est aussi l’épouse rétablie qui est malade de culpabilité. On est l’auteur qui nous teste avec ses exercices: «Choisissez la maladie dont vous voudriez mourir, en excluant toutes les morts brutales ». On est aussi le médecin qui ne peut que constater la dégénérescence. Apparaît de temps à autres Monsieur Alzheimer, ce chercheur qui n’a jamais voulu donner son nom à «ça». RL

ROTH Philip Un homme Paris, Gallimard, 2007 (Du monde entier). 152 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R ROTH Titre original anglais: Everyman Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • SER cote R2 ROTH

Dans ce roman on se retrouve dans la peau d’un homme ordinaire qui vit ses derniers jours. Le premier chapitre décrit son enterrement. Le ton est donné, le suspense n’est pas le propos. Ensuite, retour en arrière pour se retrouver à la veille d’une ixième opération du cœur (qui lui sera donc fatale) où il se souvient de sa vie. Il est beaucoup question d’amour, de son épouse actuelle, des autres femmes, de ses divorces et d’une jeune fille sur la plage à qui il ose donner un rendez-vous mais qui ne viendra pas. Il se souvient du temps où son corps était irréprochable. Il évoque son enfance quand il jouait avec les vagues sans jamais se fatiguer. Il jalouse son frère aîné en pleine santé, s’attendrit sur sa fille qu’il adore, se fâche contre ses fils qui lui en veulent encore d’avoir quitté leur mère. C’est un roman sur la nostalgie de ce qui n’est plus, ne sera plus jamais, sur la solitude


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dans la maladie, sur les questionnements face à la mort qui rôde. Et parler de Philip Roth sans évoquer son écriture si délicate serait un oubli impardonnable… RL

ROUGHAN Howard Un mensonge presque parfait Paris, Plon, 2005. 378 p. Disponibilité BUS • CIT • JON • MIN • PAQ • STA cote R ROUGH

Le narrateur de ce roman, David Remler, psychiatre new-yorkais qui jouit d’un certain prestige grâce au succès d’un livre qui contribua à asseoir sa réputation, reçoit un jour une nouvelle patiente, Samantha Kent, qui le charme d’emblée... Mariée à un homme qu’elle hait, elle dit ressentir une irrépressible pulsion de meurtre. La nuit où elle l’appelle pour lui déclarer qu’elle a passé à l’acte, David se rend immédiatement sur les lieux, pour découvrir en effet le cadavre du mari. Samantha, quant à elle reste introuvable... Cueilli par la police alertée par les alarmes de la maison, David tente d’expliquer sa présence et de nier sa culpabilité, tâche rendue difficile voire impossible lorsqu’il réalise que sa patiente n’est pas la véritable Samantha Kent... Alors que les indices s’accumulent contre lui, David se rend compte qu’il est tombé dans un piège machiavélique dont il lui sera difficile de sortir... DM

SALTER James Un bonheur parfait Paris, Olivier, 1997. 380 p. Disponibilité CIT • PAQ • SER • STA cote R SALT

Dans leur maison près de New-York, Viri et Nedra s’aiment et élèvent leurs deux filles. Viri rêve de devenir un architecte célèbre, Nedra veut donner une enfance de rêve à ses enfants. L’écriture de James Salter fonctionne telle une caméra qui surplombe ses personnages: les repas avec les amis, les verres de vin rouge, les discussions philosophiques et littéraires, la séduction qu’exerce la belle Nedra sur les hommes, la cellule familiale source de petits bonheurs fugaces, le temps qui passe, le désir qui s’en va malgré malgré la tendresse, les enfants qui deviennent des adultes, la solitude, la maladie, la mort. «Trouver le courage de vivre lorsque le meilleur est derrière soi». Toute la beauté et le drame de la condition humaine sont évoqués dans ce livre délicat et subtil. Un roman dont la musique ne peut que toucher et questionner profondément. CLR


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SARAMAGO José Histoire du siège de Lisbonne Paris, Seuil, 1992. 318 p. Disponibilité CIT • EVI • MIN • PAQ • STA cote R SARA

A cinquante ans, Raimundo Silva est correcteur dans une maison d’édition. Il fait son travail avec rigueur, application et même, dit-il, «avec volupté», ne laissant passer aucun anachronisme, tout en respectant exactement la pensée de l’auteur. Le jour où nous sommes invités dans sa vie bien réglée, Raimundo termine la correction d’un traité historique sur le siège de Lisbonne de 1147. Mu par une force inconnue, il décide de modifier le cours de l’Histoire. Il remplace un « oui…» par un «non, les Croisés du Nord n’aideront pas les Portugais à reprendre Lisbonne aux Maures». Ce «non» va modifier l’image de l’homme sérieux qu’on avait de lui mais surtout, il va lui donner l’envie de se remettre en question. Et puis, sans ce «non», peut-être n’aurait-t-il même jamais osé imaginer une histoire d’amour avec sa nouvelle cheffe d’équipe engagée pour surveiller les correcteurs. Voici un roman bourré d’humour et qui sent si bon les vieux quartiers de Lisbonne… RL

SCHENKEL Andrea Maria La ferme du crime Arles, Actes sud, 2008 (Actes noirs). 157 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • STA cote R SCHE

D’habitude, lors de l’éradication sanglante de toute une famille, les voisins s’étonnent d’un si cruel et inattendu destin. Mais pour cette famille-là, ce n’est pas vraiment le cas. Le vieux fermier Danner n’était pas apprécié. Son caractère brutal décourage les bons voisinages, les filles de ferme et les amoureux de sa fille. Mis à part le curé qui admire sa dévotion à Dieu, personne ne fréquente sa femme. Quant à leur fille Barbara, tout le monde se demande tout bas qui est le père de ses deux enfants. Des années plus tard, le narrateur interroge les habitants de ce petit village bavarois, encore sous le coup de cet assassinat. Presque à leur insu, ils nous livrent chacun une part du terrifiant secret qui a poussé le meurtrier à tuer tous les Danner, sans épargner les enfants, tout en prenant bien soin de nourrir les bêtes après son forfait. Bigoterie, lourds silences, souvenirs de la seconde guerre… Ce roman ne dépare pas la collection, effectivement c’est noir, noir, noir. FA


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SHARMA Bulbul Mes sacrées tantes Arles, Picquier, 2007. 233 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • PAQ cote R SHAR

Chaque nouvelle de ce livre évoque un voyage entrepris par des femmes indiennes et qui a changé leurs destins. Il y a cette vieille mère qui décide d’aller voir son fils à Londres pour lui faire la morale, le culpabiliser de n’être jamais revenu en Inde depuis son départ, 40 ans plus tôt. Dans un autre récit, une jeune fille accompagnée de ses trois tantes vont devoir partager un compartiment de train avec une veuve. Tout d’abord, les terribles tantes tentent de mettre mal à l’aise cette intruse - à la grande honte de l’adolescente - jusqu’au moment où elles comprennent que son ex-mari était médecin et qu’elle connaît un tas de détails croustillants sur les maladies. Il y a aussi l’épouse maltraitée car jugée trop grande par son mari et qui doit s’enfuir de la maison pensant avoir tué accidentellement cet époux tyrannique; la petite fille déjà mariée à sept ans qui fait connaissance de son tout aussi jeune mari sous un lit où elle s’était cachée pour échapper à sa nouvelle «grand-mère» qui trouve sa peau bien trop sombre. Un florilège de tendresse, drôlerie et émotion! Un portrait de l’Inde au féminin. RL

SHIMAZAKI Aki Mitsuba Arles, Actes sud, 2007 (Lettres japonaises). 155 p. Disponibilité CIT • EVI • PAQ • SER • STA cote R SHIM

Takashi Aoki a trente ans et travaille pour la compagnie d’import-export Goshima de Tokyo. Takashi est encore célibataire et refuse les «miai», mariages arrangés que son entourage lui propose. Quand il rencontre Yûko Tanase, réceptionniste dans la même compagnie, les deux jeunes gens tombent amoureux. Le bonheur de Takashi est complet quand il apprend qu’il va être muté à Paris: Yûko parle le français et désire partir vivre à l’étranger… Mais la société japonaise est régie par des règles impitoyables. La compagnie Goshima est soutenue par la banque Sumida et le fils Sumida souhaite épouser Yûko. Les amoureux pourront-ils résister aux pressions multiples de leur employeur? Au-delà d’une histoire d’amour Mitsuba dépeint avec justesse les rapports humains dans la société japonaise: la relation particulière que les Japonais entretiennent avec leur travail ainsi que la place que doivent tenir les hommes et les femmes. Si vous ne connaissez pas encore l’écriture poétique et subtile d’Aki Shimazaki, plongez sans tarder dans ce roman délicat et sensible. CLR


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SHIMAZAKI Aki Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru Arles, Actes sud, 1999-2004. 5 vol. Disponibilité Tsubaki CIT • JON • SER • STA Hamaguri CIT • PAQ • SER • STA Tsubame CIT • STA Wasurenagusa CIT • STA Hotaru CIT • SER • STA cote R SHIM

Voici un petit bijou littéraire, la pentalogie d’Aki Shimazaki intitulée Le poids des secrets composée de Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru. Dans le premier tome, Tsubaki, Yukiko, vieille femme mourante confesse par lettre à sa fille le meurtre de son père, 50 ans plus tôt, le jour où la bombe atomique fut lâchée sur Nagasaki. Les mensonges du père de Yukiko auront un impact dramatique sur le destin de ceux qui l’entourent. Dans chacun de ces courts romans chaque personnage révèle son histoire… et son secret. C’est avec une grande maîtrise que l’auteur déroule les fils de cette « saga » bouleversante, dans laquelle la « grande histoire » (la guerre, la bombe atomique, le tremblement de terre de 1923, les persécutions japonaises envers les Coréens) se mêle à celle plus intime des protagonistes. L’auteur qui vit au Québec depuis 1991 écrit directement en français et l’on ne peut qu’admirer l’écriture à la fois épurée et intense ainsi que la cohérence du Poids des secrets. CLR

TESSON Sylvain L’or noir des steppes: voyage aux sources de l’énergie Paris, Arthaud, 2007. 169 p. Disponibilité CIT • PAQ • SER • STA cote 665.5 TES

La région caspienne est le théâtre des nouveaux appétits pétroliers depuis que les gisements de cette mer fermée ont été reconsidérés à la hausse. La fièvre d’un nouvel eldorado s’est emparée de ses pourtours: Russes, Chinois, Américains, Azéris et Kazakhs y mènent la danse de la convoitise pour s’emparer de ses richesses. Là-bas, dans les steppes de l’Asie centrale, des compagnies internationales construisent des plates-formes pour puiser l’or noir. Des oléoducs strient le désert et courent à travers les steppes peuplées de nomades, les littoraux caspiens oubliés du monde, les montagnes caucasiennes et les plateaux anatoliens. Sur la route qui mène de la mer d’Aral à la Turquie se côtoient les hommes qui vivent de l’exploitation du pétrole et les autres, qui survivent sans en cueillir les fruits. Le grand jeu énergétique s’est emparé des pourtours caspiens, avec ses quelques gagnants et son gros lot de perdants. CL


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THURLER Anne-Lise Scènes de la mort ordinaire Carouge, Zoé, 1994. 119 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • SER cote R THUR

Voici le premier livre de cette auteure romande décédée cette année à l’âge de 48 ans. Anne-Lise Thurler nous peint au travers de treize nouvelles des petits morceaux de vie, de vie sur le départ. Sur son lit de souffrances, un chanoine se noie dans des rêves de papillons rouges voletant autour de geishas : ne devrait-il pas mieux se concentrer sur sa foi, se préparer à sa rencontre avec le Seigneur? Et cette mère pétrie d’angoisse qui attend avec crainte le retour du mari, cet homme qui rentre de plus en plus tard et finira par ne plus rentrer du tout. Ces morceaux d’existence, ces à-pics, ces souffles extrêmes nous empoignent, sans morbidité, juste des tableaux sobres et beaucoup de compassion et de beauté ultime. MCM

TRONCHET Didier Nous deux moins toi Paris, Flammarion, 2007. 222 p. Disponibilité CIT • JON • SER • STA cote R TRON

Le pathétique narrateur (en qui on reconnaît d’emblée Jean-Claude Tergal, personnage de BD créé par Tronchet) vient de se faire larguer par un message bref qui laisse peu de latitude à l’interprétation : « Je te quitte Jean-Claude ». De ce jour-là, pour tenter de survivre à son désespoir, Jean-Claude fait le tour de sa solitude et de tout ce qu’elle comporte comme souvenirs nostalgiques, nouvelles obligations, incontournables doutes et douloureux questionnements. Un constat lamentable, certes, servi par une langue propre à l’auteur, foisonnante et pleine d’humour, caustique et cynique... DM


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VÀMOS Miklòs Le livre des pères Paris, Denoël, 2007. 452 p. Disponibilités BUS • CIT • EVI • PAQ • STA cote R VAMO

La saga familiale est un genre qui se doit d’être ample pour nous consoler de la fugacité de notre existence face à l’infinité des destins. Lorsque, de surcroît, ce premier postulat fusionne avec une grande fresque historique, la richesse du contenu ne peut que nous enchanter. Tous ces éléments sont réunis dans ce roman qui retrace le parcours d’une famille sur 12 générations à travers trois siècles. L’ensemble, bien copieux, reste néanmoins souple, soutenu par la fluidité de l’écriture. Le rythme rapide de la narration, qui permet d’embrasser chaque époque avec l’aisance d’un cliché, nous permet d’avoir l’ensemble des générations en mémoire jusqu’à la fin. Ce procédé place la première figure paternelle comme un socle que chaque élément des descendances consolide, amenant sa propre pierre à l’édifice. Une construction, forcément fragile face au temps, où la fantaisie, l’art, le labeur et la violence se côtoient. La saga pittoresque des Csillag, se situant en Hongrie, permet de parcourir toutes les étapes de cette nation depuis 1706. PC

VARGAS LLOSA Mario Le paradis, un peu plus loin Paris, Gallimard, 2003 (Du monde entier). 531 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R VARG

La plume inspirée de Mario Vargas Llosa revisite les destins communs de Flora Tristan, militante sociale du 19e siècle et de son petit-fils le peintre Paul Gauguin. Entre Flora qui sillonna la France à la rencontre des ouvriers, les exhortant à s’organiser afin de lutter contre l’exploitation et la misère, et Paul, qui quitta femme et enfants pour vivre libre aux îles Marquises, on retrouve la même passion, la même soif d’absolu. Mario Vargas Llosa nous fait partager avec passion son admiration pour ses deux héros tragiques. Un récit dense et fort sur deux êtres pétris d’idéaux qui sont allés jusqu’au bout pour trouver leur paradis, toujours (trop) loin. CLR


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VARGAS LLOSA Mario Tours et détours de la vilaine fille Paris, Gallimard, 2006 (Du monde entier). 404 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote R VARG

Dans le quartier chic de Miraflores, à Lima, dans les années 50, les adolescents insouciants qui se retrouvent en bande font la connaissance de la «petite Chilienne». Ricardo Somocurcio, le narrateur, en tombe tout de suite amoureux, sans imaginer que cette jeune fille deviendra l’obsession et la raison de vivre de toute son existence. Il la retrouve à Paris, où il vit modestement de sa profession de traducteur-interprète. Son ambition sans limite la verra partir à Cuba où sa position de guerillera lui vaut le mariage avec un général, puis la voici de retour en France, mariée à un diplomate, puis à Londres et à Tokyo, chaque fois flanquée d’un nouveau mari de plus en plus improbable. Mais la vilaine fille entretiendra toujours épisodiquement des relations avec son amoureux transi qui passe sa vie à la rechercher pour mieux souffrir, à tenter de s’en détacher pour réaliser que sa vie sans elle n’a aucun sens... Récit d’une obsession amoureuse, ce roman décrit à merveille les affres de la passion et sait faire souffrir le lecteur avec son héros désespéré. Pourtant il ne manque pas de légèreté. DM

VITTACHI Nury Fatal fengshui Arles, Picquier, 2005 (Picquier poche). 380 p. Disponibilité EVI • PAQ cote R VITT

Si vous avez envie d’un bon polar bien ficelé et non terrorisant, alors les aventures de Maître Wong sont faites pour vous. Ce dernier est un disciple reconnu du fengshui et officie à Singapour. Moult gens haut placés d’Asie et d’Australie font appel à ses services pour résoudre des énigmes aussi complexes que la disparition de voitures de collection ou de vol de poissons de haut prix. Aidé par une voyante et un devin indien, Maître Wong, lorsqu’il est convaincu d’être payé à un juste prix, donne de sa personne pour élucider les mystères qui lui sont soumis. Seul problème, une énigme peut cacher un assassinat; et sa stagiaire australienne dont il a peine à comprendre le langage et le fonctionnement, a l’art d’intervenir souvent à bon escient mais contre son consentement, dans la délicate résolution de ces meurtres… FA


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WESTLAKE Donald Mauvaises nouvelles Paris, Rivages, 2002 (Rivages/thriller). 283 p. Disponibilité BUS • CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER cote R WEST

Dortmunder, le magnifique héros récurrent de Westlake, a besoin d’argent et il est prêt à accepter n’importe quel petit boulot. C’est alors qu’un de ses amis lui en propose un bien louche: déterrer le corps d’une personne morte depuis 70 ans, le remplacer par un autre, et ré-enterrer le premier corps dans un autre cimetière, le tout payé 1000 dollars par trois personnages assez étranges. Dortmunder aura envie d’en savoir un peu plus sur ce travail. C’est alors qu’il apprend que ses trois employeurs essaient d’arnaquer un casino tenu par trois tribus indiennes: en se faisant passer pour la dernière descendante de la tribu Pottaknobbee, copropriétaire du casino, Petite Plume espère pouvoir empocher une partie du bénéfice du casino. Ils échangent donc le corps d’un indien Pottaknobbee quelconque par celui du grand-père de Petite Plume. Cet échange devrait authentifier Petite Plume comme véritable Pottaknobbee si des mesures ADN était faites. Evidemment les gérants du casino ne sont pas du même avis, d’autant plus qu’eux aussi ont des activités illicites… TLe


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BANDES DESSINÉES

ABIRACHED Zeina Le jeu des hirondelles: mourir, partir, revenir Paris, Cambourakis, 2007 Disponibilité CIT • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote BD ABIR

Comment vit-on quand on est une petite fille et que la guerre fait rage autour de soi ? Vous le saurez en lisant cette bande dessinée autobiographique de Zeina Abirached, née à Beyrouth en 1981… Sa famille habitait tout près de la ligne de démarcation et subissait, en plus des privations, l’angoisse de perdre la vie sous les balles des francs-tireurs. L’auteur nous invite pour une soirée chez elle, avec son frère, avec les voisins, tous regroupés dans la pièce la plus sûre de l’appartement. Tous attendent le retour des parents de Zeina, qui sont bien en retard… J’ai beaucoup aimé ces pages en noir et blanc très riches de magnifiques détails décoratifs. On partage avec bonheur quelques heures de ces Libanais qui, malgré la précarité de la situation, n’ont pas perdu leur joie de vivre. FB

BALADI Alex Peine perdue Paris, Association, 2007 (Mimolette; 59) Disponibilité CIT cote BD BALA

Baladi se souvient d’une chanson qui avait marqué son enfance, sans se rappeler ni du titre, ni de l’interprète. En plus du souvenir il n’en conserve qu’une cassette, sur laquelle il avait enregistré cette musique ainsi que les pleurs qu’elle provoquait chez lui, pour garder trace de cette émotion. Un jour, il distingue la chanson à travers ses murs… Son voisin mélomane lui permettra ainsi de retrouver la référence. Bien entendu, le Baladi adulte n’aura pas du tout la même perception que l’enfant… Par une très belle mise en scène de cette anecdote, Baladi offre un magnifique livre sur le souvenir, les émotions, la nostalgie. FD


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BRAVO Emile, REGNAUD Jean Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill Paris, Gallimard, 2007 Disponibilité CIT • PAQ • STA cote BD BRAV

Le petit Jean vient de commencer la grande école... C’est une gouvernante qui s’occupe de lui et de Paul, son petit frère. Sur sa vie pèse une grande ombre, celle de sa maman, dont l’absence reste inexpliquée. Mais Jean n’est pas dupe du regard de certains adultes qui tournent vers lui des yeux remplis de compassion. Et puis le miracle se produit: la petite voisine de Jean, Michèle, recevrait pour lui des cartes postales de sa maman. De ses voyages, elle lui envoie quelques images, des bisous, des mots d’amour... jusqu’à ce que la vérité éclate par la bouche de la même jeune voisine. D’un seul coup le monde de Jean s’écroule, son enfance ne sera plus jeux et innocence et il se rendra compte que sa maman, c’est comme le Père Noël, il est devenu trop grand pour y croire. Un petit récit poignant, beau et triste, qui laisse un goût amer sur une partie de la vie qui ne devrait être qu’insouciance et joie de vivre... DM

BROWN Jeffrey Unlikely: une authentique histoire d’amour Angoulême, Ego comme X, 2007 Disponibilité STA cote BD BROW

Jeffrey Brown est un jeune auteur américain dont la plupart des œuvres sont centrées sur l’intime. Unlikely, par une succession de saynètes, explore les moments clés d’une histoire d’amour, des premiers moments à sa conclusion malheureuse et son après un peu amer. Il ne se passe pas grand-chose dans cette histoire, mais Jeffrey Brown sait capter les flottements, les hésitations des personnages, pour porter cette histoire au-delà de sa banalité et lui donner une épaisseur et une réalité touchante. Son trait hésitant, totalement assumé comme tel, rend la timidité de son personnage et la fragilité de ces moments entre deux jeunes adultes encore peu sûrs de leur choix. FD


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CHABOUTE Christophe Construire un feu Issy-les-Moulineaux, Vents d’ouest, 2007 Disponibilité BUS • CIT • JON • PAQ • STA cote BD CHAB

Un homme, en quête de fortune ou d’aventure, perdu dans l’immensité du Grand Nord canadien, tente de rejoindre ses compagnons. Dans ce désert de neige et de froid, il avance seul, accompagné de son chien. Confronté aux forces de la nature, sa vie dépend de quelques allumettes avec lesquelles il pourra faire un feu, pour survivre dans cet environnement hostile. Cette adaptation d’une nouvelle de Jack London est une réussite. Avec un grand dépouillement, de longues pages sans texte, des cases tantôt resserrées ou plus larges et l’utilisation de très peu de couleurs, Chabouté parvient parfaitement à retranscrire la beauté et la violence du Grand Nord, mais aussi la lutte entre l’homme et la nature. PB

CRUMB Robert Mes problèmes avec les femmes Paris, Cornélius, 2007 (Solange; 15) Disponibilité CIT • EVI • PAQ • STA cote BD CRUM

On ne présente plus Robert Crumb, maître de la bande dessinée underground américaine et créateur de Fritz the Cat. Dans ce recueil de courtes histoires, originellement parues entre 1967 et 1995, l’auteur nous fait part de son attirance obsessionnelle pour les femmes, mais aussi de ses doutes, ses inhibitions, ses difficultés relationnelles. Avec talent mais surtout avec énormément d’humour, il évoque son adolescence et, toujours nostalgique, nous fait revivre les années hippies vécues à San.Francisco. Toutefois, à ne pas mettre entre toutes les mains! TLa


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DELISLE Guy Chroniques birmanes Paris, Delcourt, 2007 (Shampooing) Disponibilité BUS • CIT • EVI • MIN • PAQ • SER • STA cote BD DELI

Après Shenzen (2001) et Pyongyang (2003), Guy Delisle poursuit sa série de récits autobiographiques à travers l’Asie avec Chronique birmanes. Durant une année, il s’est installé à Rangoon, suivant sa femme, administratrice de Médecins sans frontières. C’est principalement à pied qu’il découvre cette ville, en compagnie de son fils, dans sa poussette, dont il s’occupe. De ses pérégrinations, il dresse un portrait original de cette ville, de cette dictature : les problèmes pratiques, les constatations politiques, culturelles ou sanitaires. C’est la société entière qu’il tente de comprendre. Sur près de 300 pages, avec de courts chapitres, Guy Delisle parvient à tenir le lecteur en haleine, grâce à ses dessins simples et attachants et à un humour corrosif. PB

GOETTING Jean-Claude Happy living Paris, Delcourt, 2007 Disponibilité BUS • CIT • SER • STA cote BD GOET

François Merlot est un journaliste parisien qui écrit un livre sur les chansons les plus célèbres du 20e siècle, comme «My way» ou «Besame mucho». Son premier entretien se déroule à New York, avec le compositeur H.C. Slatters pour le questionner sur la genèse de «Happy living», troisième titre le plus joué mondialement. Lors de cette interview, le compositeur lui avoue sans détours qu’il n’a en réalité composé aucune note de ce chef-d’œuvre qui est né sous les doigts d’un certain Trevisio, un batteur doué mais alcoolique, qui avait joué la mélodie sur son piano, une nuit, avant de s’endormir complètement ivre. Slatters va demander au journaliste de retrouver Trevisio ou ses descendants afin de s’affranchir de cette dette qu’il ne supporte plus. Entre New York et L.A., Merlot plonge dans l’atmosphère du jazz des années 50, dans les souvenirs en noir et blanc des différents protagonistes qui pourraient bien cacher un secret. PB


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JUNG Couleur de peau, miel [S.L.], Quadrants, 2007 (Astrolabe) Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • SER • STA cote BD JUN

Jung Sik Jun est né à Séoul en 1965. A l’age de cinq ans, errant seul dans les rues, il est recueilli par un orphelinat américain. «Recommandé» pour l’adoption, le petit Jung part vivre dans une famille belge… Cette BD est un témoignage pas comme les autres sur le thème de l’adoption. Jung pose en effet un regard à la fois plein de drôlerie et de distance sur son abandon, son pays d’origine, sa nouvelle famille. Oscillant sans cesse entre émotion et humour franchement grinçant Couleur de peau, miel traite des thèmes de l’abandon et du déracinement de manière juste et profonde. Un dossier sur l’auteur en fin d’ouvrage nous rend celui-ci encore plus attachant. Un deuxième volume est en préparation où Jung relatera son retour en Corée à la recherche de sa mère. CLR

KIM Dong-Hwa Histoire couleur terre Bruxelles, Casterman, 2006 (Ecritures), 3 vol. Disponibilité CIT • EVI • PAQ • STA cote BD KIM

Ce manhwa plonge le lecteur dans le quotidien d’une famille rurale de la Corée du sud, dont la vie s’écoule au rythme des saisons. En trois volumes et sur près 1000 pages, le lecteur suivra deux femmes, une mère et sa fille. Namwon est une jeune mère, devenue veuve trop tôt, qui regrette l’absence d’un homme à ses côtés. Elle comblera partiellement cette absence en rencontrant un écrivain public, itinérant, qui laissera, à chacun de ses passages, un pinceau en gage de son amour. Ihwa, sa fille, a sept ans et commence à peine son apprentissage de la vie de femme, la découverte de ses premiers émois, de la sexualité. Histoire couleur terre retrace la vie de ces deux femmes, sur plus de 10 ans, leurs désirs, leurs secrets, leurs complicité. La nature, les fleurs et la pluie tiennent une grande place dans ce récit intimiste qui est aussi une méditation sur le temps qui passe. Avec un dessin parfaitement maîtrisé, qui évoque parfois des tableaux à l’encre de Chine, Dong-Hwa Kim signe une fresque magnifique, un chef-d’œuvre du genre. PB


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IBN AL RABIN L’autre fin du monde Genève, Atrabile, 2007 Disponibilité PAQ • SER • STA cote BD IBNA

Milch, le personnage principal, habite dans une maison isolée. Depuis la mort de sa femme, assassinée, il ne dort pas bien. Une nuit d’insomnie, alors qu’il se recueille sur la tombe de sa femme, au fond de son jardin, il croise un fantôme, le fantôme de sa femme. Pourquoi revient-elle? Que cherche-t-elle à lui dire? Pourquoi restet-elle muette? Milch tentera de répondre à ces questions en emportant avec lui une multitude de personnages qui le guideront dans sa quête de sérénité. Sur presque 1100 pages, cette bande dessinée minimaliste traite de la mort et de l’amour après la mort, thèmes chers à l’auteur. Le récit est drôle et tendre à la fois, chargé d’émotion et de sensibilité et teinté d’un humour corrosif. PB

MARTIN Jaime Ce que le vent apporte Paris, Dupuis, 2007 (Aire libre) Disponibilité BUS • CIT • EVI • PAQ • STA cote BD MART

En 1916, un jeune médecin est nommé dans un trou perdu de L’Oural. Là, où l’hiver dure neuf mois sur douze, les traditions et les peurs foisonnent: lorsque souffle le vent, personne ne doit sortir de sa maison, car c’est à ce moment que rôde la «bête». Bientôt plusieurs personnes sont sauvagement assassinées et les villageois n’hésitent pas à pendre le premier suspect venu. Seul le jeune médecin s’y oppose et tente d’expliquer les meurtres de manière plus rationnelle. TLe


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OKAZAKI Kyôko Pink Paris, Casterman, 2007 (Ecritures) Disponibilité BUS • CIT • EVI • PAQ • STA cote BD OKAZ

Pink est une jeune fille bien sous tous rapports. Si l’on omet le fait qu’elle fait de petits extras en tant que call girl pour pouvoir s’offrir la vie qui lui plaît. Si l’on omet le fait que son animal de compagnie est un énorme crocodile vorace qui ne dédaigne pas manger à l’occasion le caniche d’une voisine. Et enfin, si l’on omet le fait qu’elle est amoureuse du jeune gigolo de sa propre belle-mère! Tout un programme pour un manga tendre, drôle et décalé à souhait. JM

RASH, TAMADA Chroniques du proche étranger en Tchétchénie Paris, Vertige graphic, 2007 Disponibilité CIT • EVI • JON • PAQ • SER cote BD RASH

Juillet 2000: neuf mois après le début du second conflit tchétchène, un jeune médecin membre d’une ONG amène des clowns dans un camp de réfugiés en Ingouchie pour essayer de redonner le goût de rire aux personnes qui ont du fuir leur pays. Cette bande dessinée tente de raconter l’horreur vécue par les civils tchétchènes qui tentent de survivre comme ils peuvent dans un pays victime d’une guerre terrible qui n’est malheureusement que l’héritière de siècles de combats avec le voisin russe. Ces confrontations ont commencé au 16e siècle par des incursions cosaques et ne se sont jamais réglées pacifiquement. FG


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SATTOUF Riad La vie secrète des jeunes Paris, Association, 2007 (Ciboulette; 58) Disponibilité CIT • EVI • JON • MIN • PAQ • SER • STA cote BD SATT

Où qu’il aille, Riad Sattouf garde l’œil ouvert... il rapporte de la rue et du métro, des salons du livre et des fêtes auxquels il est invité des tranches de vie qu’il publie depuis plusieurs années dans le journal Charlie-Hebdo. L’Association a eu la bonne idée de les réunir dans ce volume qui ne nous révélera pas grand-chose de la vie des jeunes... et des moins jeunes car les personnes mises en scène ici ne sont pas toutes prépubères. Toutes ces anecdotes, aux dires de l’auteur et qu’on le croie ou non, sont vraies. Les interactions entre amis ou parents ou avec des inconnus dans la rue que l’on peut lire ici peuvent parfois sembler incroyables, mais nous pourrions sans doute assister aux même scènes si nous étions plus attentifs. Ici, Riad Sattouf a fait le boulot pour nous et nous poussera peut-être à davantage de curiosité envers nos semblables. DM

SERA Lendemains de cendres: Cambodge, 1979-1993 Paris, Delcourt, 2007 (Mirages). 105 p. Disponibilité CIT • EVI • JON • PAQ • SER • STA cote BD SERA

1978: Les Vietnamiens envahissent le Cambodge aux mains des Khmers rouges depuis 1975. Pour la population soumise à la loi de l’Angkar, c’est une épreuve de plus. Après le déplacement forcé des citadins à la campagne, la traque des supposés intellectuels, la séparation des familles, les Cambodgiens se trouvent pris en otage entre les Khmers rouges et les Vietnamiens. L’opinion internationale est indifférente. Le salut pour beaucoup d’entre eux se trouve dans la fuite vers la Thaïlande avec, à l’arrivée, une vie d’attente et de désespérance dans les camps de réfugiés. A travers les destins de Nhek et Chantrea, Sera rouvre les pages sombres de l’histoire de son pays. Il les habille de dessins en noir, en rouge et en ocre, auxquels répondent en écho les photographies des prestigieux temples d’Angkor et les terrifiantes citations de Pol Pot et du Kampuchéa. FA


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VILLIERS Karlien de Ma mère était une très belle femme Bussy-Saint-Georges, Ca et là, 2007 Disponibilité CIT • STA cote BD VILL

Dans ce roman graphique autobiographique, la narratrice, née en 1975, raconte sa jeunesse de petite blanche dans une famille d’afrikaners «bon teint», c’est-à-dire racistes. Elle dresse, avec beaucoup de précisions, le portrait de sa famille, déchirée par les conflits entre ses parents, qui d’ailleurs divorceront. Sans jamais prendre parti pour l’un ou l’autre, elle explique leurs vies, dans une Afrique du sud encore soumise à l’apartheid. Lorsque la narratrice décrit la société et les mécanismes du système organisé, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre le cancer du poumon qui ronge sa mère et cette société gangrenée par le racisme étatique et les violences intercommunautaires. Graphiquement, cette bande dessinée surprend avec des planches très stylisées, avec des personnages aux bords épais et noirs. PB


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VOS BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES: CIT

bibliothèque de la Cité 5 place des Trois-Perdrix 1204 Genève tél. 022 418 32 22

SER • bibliothèque de la Servette 9 rue Veyrassat 1202 Genève tél. 022 733 79 20

EVI

bibliothèque des Eaux-Vives 2 rue Sillem 1207 Genève tél. 022 786 93 00

STA • bibliothèque de Saint-Jean 19 av. des Tilleuls (entrée rue Miléant) 1203 Genève tél. 022 418 92 01

JON • bibliothèque de la Jonction 22 bd Carl-Vogt 1205 Genève tél. 022 800 13 61 MIN • bibliothèque des Minoteries 3-5 rue des Minoteries 1205 Genève tél. 022 800 01 31

BUS • service du Bibliobus 40 points de stationnement dans tout le canton, renseignements auprès de votre commune ou au 022 418 92 70 SPO • bibliothèque des sports 4 ch. du Plonjon parc des Eaux-Vives 1207 Genève

PAQ • bibliothèque des Pâquis 15-17 rue du Môle 1201 Genève tél. 022 900 05 81

Ces résumés vous ont été proposés par Françoise Aellen • Françoise Bonvin • Philippe Bonvin • Philippe Cosandey • Catherine Demolis • Florent Dufaux • François Gerber • Christian Gräser • Paul Kristof • Caroline Langendorf Richard • Tony Larsen • Roane Leschot • Thierry Leu • Christian Liechti • Marie-Claude Martin • Dominique Monnot • Charles Morisod • Joëlle Muster



Il en est des livres comme du feu dans le foyer. On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous.

Voltaire


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