nota Le magazine des Bibliothèques municipales de la Ville de Genève
février—juin 2022
numéro 1
Pop ! → 1 _ Ma fabrique pop → 2 _ Comment la pop culture créa le monde (et vice-versa) → 10 _ Fukubukuro : l'archipel des surprises pop → 16 Maëlys, Fifi, Chien Pourri → 21 _ Retrogaming → 29 _ Calendrier → 31 Deux siècles de pop musique → 35 _ Les dilemmes d'Interroge → 39 Dai dai → 42 _ Caresses en rayon → 45 _ Histoires de bibliothèques → 49 Le jour où la bibliothèque était toute à moi → 55 _ Voyage d'un livre → 58 167 haltes en Pop cultures → 62 _ Trop pratique → 63
Les secrets des pop cultures
Au sommaire
nota n°1
Pop cultures
février – juin 2022
En rayon
1
Pop !
45 Caresses en rayon
2
Ma fabrique pop
10 Comment la pop culture créa le monde (et vice-versa) 16 Fukubukuro : l'archipel des surprises pop 21 Maëlys, Fifi, Chien Pourri — et aussi une femme entre deux chaises et une brodeuse d'ours
La BD érotique en liberté
Espaces
49 Histoires de bibliothèques Jonction et Pâquis
En lien
55 Le jour où la bibliothèque était toute à moi En coulisses
58 Voyage d'un livre
29 Retrogaming
Nostalgie de nos anciens futurs
31 Calendrier 35 Deux siècles de pop musique
D'une naissance ordinaire à une vie bibliothécaire
Tout vite
62 167 haltes en Pop cultures Trop pratique
En ligne
39 Les dilemmes d'Interroge 42 Dai dai, le tour d'un monde en 36 secondes
63 Des horaires, un joli plan et d'autres choses
Et plus, sur catalogue-bm.geneve.ch/ nota Nota est le magazine des Bibliothèques municipales de la Ville de Genève. Il paraît trois fois par an à la mi-janvier, la mi-juin et la mi-août.
Rue de la Tour-de-Boël 10 Case postale 3930 1211 Genève 3 webbmu@ville-ge.ch
N° 1, février-juin 2022
Directrice de la publication Véronique Pürro, directrice des Bibliothèques municipales
Comité éditorial : Florent Dufaux (responsable des ressources technologiques et numériques), Laura Györik Costas (responsable de la médiation culturelle), Jean-Pierre Kazemi (chargé de communication, responsable de la publication), Véronique Pürro (directrice des Bibliothèques municipales), Nic Ulmi (rédacteur responsable Nota)
Rédaction Nic Ulmi
Police de caractère Klarheit Grotesk, Alex Dujet
Conception graphique Atelier Delcourt
Impression Imprimerie du Moléson
Tirage 6'000 exemplaires Gratuit
Édito
Édito
Un nouveau magazine, vers de nouveaux horizons Depuis toujours, nous avons à cœur d’accompagner au mieux notre public en l’écoutant dans ses besoins et ses envies, en l’orientant dans l’univers riche et foisonnant de nos collections, en lui proposant de multiples moments d’échanges et de découvertes. Notre nouveau magazine s’inscrit dans cette tradition, avec le souhait de valoriser certains trésors de nos rayonnages et de vous permettre d’en mesurer la diversité documentaire. Au fil des pages, ainsi que dans sa version numérique augmentée, vous découvrirez de nombreuses références bibliographiques, autant de livres, DVD et CD musicaux qui vous attendent dans l’une ou l’autre des bibliothèques de notre réseau ou sur notre site s'il s'agit des livres numériques. Vous découvrirez également notre programmation d’évènements culturels imaginée chaque année, pour tous les âges de la vie, autour d’un fil rouge qui vous sera présenté et commenté toujours en regard de nos collections. Enfin, nos collections ne pourraient se passer de tou-te-s les passionné-e-s qui les sélectionnent et les gèrent au quotidien. Notre magazine entend vous présenter nos projets et vous faire découvrir les nombreux métiers, plus ou moins connus, plus ou moins visibles du public et sans lesquels nos bibliothèques ne seraient pas ce qu’elles sont. Ainsi, trois fois par an, notre magazine, que nous avons voulu éclairant et inclusif, ambitionne d’ouvrir de nouvelles fenêtres sur le monde et vous donner l’envie de faire des découvertes enrichissantes. Véronique Pürro, directrice
? a t o N
Nota ? C'est une note qu'on prend pour ne pas oublier et pour y revenir plus tard. C'est l'impératif de notare (« remarquer » en latin), qui pointe quelque part et attise l'attention. C'est une note de musique dans plusieurs langues, et carrément toute une chanson en hongrois. C'est un son qui évoque le monde nautique, les eaux marines ou lacustres, la navigation. C'est donc un mot qui invite à naviguer, entre pages et musiques, entre archipels de papier et courants numériques, un doigt sur la carte et le regard sur les horizons qui s'ouvrent au loin.
! p o P
D'où vient ce mot qui évoque l'explosion sautillante d'un pop-corn ? De « populaire », semble-t-il. Mais si on a gardé « pop » en enlevant « ulaire », ce n'est pas pour rien, car il ne s'agit pas de la même chose. Un pied dans la créativité du peuple, un autre dans une industrie qui fabrique des émotions à succès, un autre encore dans les cultures d'autrui qui s’approprient et se réapproprient, les pop cultures sont le thème de la programmation des BM en 2022. Une plongée en forme de grand écart, entre esthétiques pétillantes et terrains de conflit, sons et couleurs qui accrochent, visions du futur et vagues de nostalgie.
1
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022
Les pop cultures ont fabriqué la personne que je suis. Aujourd'hui, c'est moi qui les façonne en retour.
Ma fabrique pop Prenez la madeleine, objet magique surgi de la littérature et devenu une sorte de légende pop. Un jour du début du 20e siècle, un écrivain nommé Marcel Proust plonge ses dents dans ce petit gâteau moelleux, et le goût le transporte vers un temps et un lieu de son enfance (et c'est parti pour quelques milliers de pages À la recherche du temps perdu). On connaît cette histoire, on l'a peut-être entendue un million de fois, et la madeleine est devenue l'emblème de ce qui nous fait voyager par enchantement vers notre passé. Les pop cultures regorgent de ces objets, qui nous projettent comme des fusées vers notre vie antérieure. Mais lorsqu'on pense à tout cela, on oublie une chose : la madeleine elle-même. Si une seule bouchée suffit à Marcel pour plonger en pleine immersion dans la réminiscence, c'est qu'il a dû ingurgiter suffisamment de madeleines, lorsqu'il était petit, pour que les arômes et la pâte sucrée aient fabriqué, littéralement, la personne qu'il est. Pareil pour la pop. À combien de pourcent suis-je de la pop culture ? Dans quelle mesure cette culture dans laquelle je baigne depuis ma naissance (et même avant) a-t-elle forgé la personne que je suis, façonnant ma manière de ressentir, de m'exprimer, d'agir ? Et comment faire si je veux renverser cette mécanique et me mettre, aujourd'hui, à fabriquer la pop culture qui me chante ?
« Dans le mot pop, on entend par ailleurs le terme anglais pop up, c’est-à-dire surgir par surprise, comme cet élan qui va des marges vers le centre et qui finit par envahir la culture toute entière. »
2
Les invité-e-s des BM proposent un éventail d'explorations créatives qui invitent à nous immerger dans nos pop cultures intérieures, à nous approprier les codes pop et leurs canaux (karaoké avec Amal Alpha, romanphoto avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger, radio avec Chloé Hofmann, littérature de genre avec Anne Pitteloud), puis à mettre en route notre propre fabrique pop. Entre découverte, déconstruction, défoulement et délectation, on repérera au passage les traces et les souvenirs que les pop cultures ont laissés en nous. On identifiera les décalages entre les contenus pop ingurgités et les valeurs éthiques ou politiques que nous défendons aujourd'hui. Et on tentera de détourner la matière pop pour changer — un peu — nous-mêmes et le monde.
Dans les eaux troubles du « mauvais genre » — ateliers avec Anne Pitteloud Policier, de science-fiction, à l'eau de rose, fantastique, gore, du terroir : ces genres romanesques ont en commun d'avoir du succès et de paraître « mauvais » à côté de la « vraie » littérature. Responsable des pages littéraires du journal Le Courrier, auteure de nouvelles qui osent parfois tremper un pied dans ces eaux troubles, Anne Pitteloud propose des ateliers d'écriture qui invitent à fabriquer soi-même du mauvais genre. Quel est pour vous le lien entre les pop cultures et les « mauvais genres » littéraires ? « La pop culture, telle que je la comprends, a émergé comme une culture de masse en opposition à une culture de classe. Son étymologie renvoie à
Pop cultures
Atelier
Mauvais Genre
Atelier d'écriture avec Anne Pitteloud 7 séances entre février et décembre ○ Adultes Durée : env. 2h
1/7 — Le monde en noir
→ BM Cité /
Salle de conférence 2e Di 6 février à 14h30
2/7 — Esprit, es-tu là ?
→ BM Servette
Je 17 mars à 18h30
3/7 — Hémoglobine et humour noir
→ BM Jonction
Je 7 avril à 18h30
4/7 — Ma plus belle histoire d'amour
→ BM Eaux-Vives
Me 25 mai à 18h30
▷ Inscription animations.bmu@ ville-ge.ch
« Si la pop culture a pu se répandre autant, c'est entre autres grâce aux fameux magazines américains pulp, appelés ainsi en référence à leur papier bon marché. » i Detective Novel Magazine, juillet 1934, illustration de Harry L. Parkhurst. u Amazing Stories, mars 1945, illustration de Robert Gibson Jones (© CC)
3
Pop cultures
nota n°1
“populaire”, à l'idée qu'elle est née dans la rue, autodidacte, à l'inverse de la culture initiée par les élites intellectuelles. Dans le mot “pop”, on entend par ailleurs le terme anglais “pop up”, c'est-à-dire “surgir par surprise”, comme cet élan qui va des marges vers le centre et qui finit par envahIir la culture toute entière. Si la pop culture a pu se répandre autant, c'est entre autres grâce aux fameux magazines américains pulps, appelés ainsi en référence à leur papier bon marché. À partir du début du 20e siècle, les pulps ont commencé à diffuser massivement les premiers récits pop et à développer les genres qui deviendront la science-fiction, les comics, le polar, la romance, le western… Pas mal d'auteurs reconnus ont fait leurs premières armes dans ces magazines : on peut citer Arthur C. Clarke pour la science-fiction ou Dashiell Hammett pour le polar. Certains de ces genres, décriés alors par les milieux intellectuels, sont restés plus “mauvais” que d'autres. Le polar est aujourd'hui résolument littéraire, alors que le roman à l'eau de rose reste déconsidéré. » Y a-t-il des « mauvais genres » qui ont une résonance particulière en vous ?
t © Airam Dato-on / Pexels / CC
4
« Le roman noir, par sa capacité de dresser une fresque de nos sociétés, de pénétrer dans ses marges et de donner à voir, psychologiquement et socialement, ce qui ne fonctionne pas. La science-fiction, par son questionnement sur le futur à partir des inquié-
février – juin 2022
tudes du présent, sa manière de se demander “et si…”, ses intuitions sur les développements possibles de ce qui est en germe aujourd'hui. Le fantastique, par sa façon d'installer du mystère dans la réalité, de faire surgir le doute — y a-t-il un monde parallèle ? — et de susciter un trouble existentiel, mais aussi par son côté enchanteur. » Dans quelle posture imaginez-vous les participant-e-s à l'atelier : l'exercice de style plus ou moins parodique, la déconstruction de clichés, l'appropriation des codes pour se raconter… ? « Une proposition d'écriture, comme celle qui consiste ici à emprunter les codes d'un “mauvais genre”, vous emmène toujours ailleurs, hors de ce que vous écririez s'il n'y avait pas ce cadre. Ceci vaut même si vous pensez n'avoir aucune familiarité avec ces genres, car en réalité nous sommes tou-te-s infusé-e-s par leurs codes, ce qui rend tout à fait possible d'écrire une scène de polar sans jamais en avoir lu un… Ce qui est intéressant, c'est que la contrainte d'écriture fait découvrir de nouvelles facettes de soi. Pas besoin de savoir à l'avance ce qu'on a à dire, on peut se laisser surprendre par l'inattendu… et en même temps, c'est toujours de soi qu'il s'agit. »
Pop cultures
Mes souvenirs dans la Radioh ! —ateliers avec Chloé Hofmann Un pied dans le charme rétro d'une imagerie vintage, un pied dans un futur qui se réinvente au jour le jour à l'ère du podcast, la radio, sous ses formes anciennes et nouvelles, est en train de se répandre partout dans nos vies. Engagée dans ce mouvement, la Genevoise Chloé Hofmann — médiatrice culturelle, historienne du cinéma en pleine thèse de
Double mission : il s'agit à la fois d'apprendre à fabriquer de la radio et de chroniquer les traces que la pop culture — dans sa version en papier illustré — a laissées en nous doctorat et coordinatrice de l'association ParticiMedia — met son bagage radiophonique au service d'un projet de création participative avec le public des BM. Ouvert à tous les âges, Radioh ! invite à croiser les regards sur cinquante ans de littérature jeunesse, proposant aux participant-e-s de réaliser des émissions sur les albums qui les ont marqué-e-s, puis diffusant le résultat en ligne et dans l'espace physique des bibliothèques. Double mission : il s'agit à la fois d'apprendre à fabriquer de la radio et de chroniquer les traces que la pop culture — dans sa version en papier illustré — a laissées en nous. Quelle est votre histoire avec la radio ? « Je viens d'une famille où j'ai entendu lire beaucoup d'histoires, bien au-delà de l'âge où elles m'étaient adressées, car j'ai continué longtemps à écouter celles que mes parents lisaient à mon petit frère et à ma petite sœur… Je crois
que la radio a prolongé ce plaisir en reprenant un peu cette place dans ma vie : j'aime qu'on me raconte des histoires, et la radio m'en raconte plein, avec sa faculté particulière d'activer l'imaginaire d'une façon que la télévision ou le cinéma n'ont pas. Ensuite, dans mon parcours j'ai beaucoup pris de trains, et j'ai toujours beaucoup écouté la radio en voyageant. Je suis enfin passée de l'autre côté du miroir en 2018 en suivant une formation à la prise de sons et à l'écriture sonore et en croisant le chemin de l'association ParticiMedia, où je travaille aujourd'hui. » À quoi ressemble une radio participative ? « L'association ParticiMedia a un projet depuis 2014, appelé Culturadio, qui permet à des amateurs et amatrices de pratiquer la radio dans le cadre de plusieurs festivals romands. Nous proposons d'abord un week-end d'initiation au journalisme culturel et aux aspects techniques de base. Ensuite les participant-e-s reçoivent des pass de presse et ont carte blanche pour couvrir le festival en faisant des comptes rendus, des billets d'humeur, des interviews. Il ne s'agit pas d'en faire des expert-e-s d'un domaine, mais de travailler à partir de ce qu'on ressent face à une œuvre. Ce qui est très beau, et très décomplexant, c'est de savoir que c'est précisément ce ressenti qui va intéresser le public. Le projet se clôt par une émission en direct au cœur du festival, entièrement pensée, construite et prise en charge par les participant-e-s. » Qu'allez-vous proposer dans les ateliers Radioh ! ? « Je propose aux participant-e-s de partir du ressenti à la lecture d'un album, de ce que cela a provoqué chez elles et chez eux. Il y a une mise en mots qui passe par un travail d'écriture, puis une prise en main du micro : il s'agit à la fois d'apprendre comment il faut parler là-dedans et de trouver sa propre voix, avec ses singularités et ses manières de s'exprimer, sans
essayer de ressembler à une de ces chaînes de radio où tout le monde parle de la même façon… Nous allons également créer ensemble des jingles pour chaque bibliothèque, dans lesquels les traces enregistrées des fous rires ou des petits bégaiements qui se produisent inévitablement au micro peuvent être utilisées et devenir des éléments accrocheurs. » Radio, podcast… quelle est la différence ? « Si on dit “faire de la radio”, on pense avant tout au direct, qui a un côté très organique : il se passe ce qui se passe, et on l'accueille, même si ce n'est pas ce qu'on avait prévu… Sous le terme “podcast” on désigne aujourd'hui un faisceau d'objets qui sont en réalité très hétérogènes. Vous avez des podcasts de création très travaillés, avec une attention particulière donnée aux ambiances sonores, comme dans les émissions du Labo d'Espace 2. Mais on peut aussi podcaster une émission qui est diffusée en direct, en en faisant simplement une captation qu'on pourra ensuite écouter en différé. »
Ateliers
Radioh !
Atelier de création de podcasts radiophoniques avec Chloé Hofmann ○ Dès 9 ans Durée : env. 2 ✕ 2h30 → BM Jonction
Sa 5 et 26 février à 14h ▷ Inscription jonction-jeunes.bmu@ ville-ge.ch → BM Saint-Jean
Je 17 et 31 mars à 17h30 ▷ Inscription saintjean.bmu@ville-ge.ch → BM Servette
Sa 26 mars et 2 avril à 14h ▷ Inscription servette.bmu@ville-ge.ch Attention : pour participer, il faut s'inscrire pour les deux séances prévues dans un même lieu.
Les émissions de Radioh ! seront diffusées dans les bibliothèques via des postes de radio vintage. Pourquoi ? « On se demandait comment faire exister ces capsules sonores en dehors de l'espace numérique (elles seront sur les sites des BM et sur celui de Radio Django, la Webradio de ParticiMedia). L'idée est de les rendre disponibles pour les personnes qui n'y auraient pas accès sur Internet, mais c'est aussi une jolie manière de dire que tout part de là et que, même si la façon dont on consomme la radio a tellement évolué, dans le fond c'est peut-être toujours la même chose. Il y a un discours ambiant axé sur l'innovation, mais je ne suis pas sûre qu'on ait tant innové que cela… et ce n'est pas grave, l'important, c'est de faire de la radio. »
5
Pop cultures
Roman-photo entre rose et noir — ateliers avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger Prenez une bande dessinée, remplacez les dessins par des photos. Ou prenez les plans d'un film, faites-en des images fixes avec les dialogues écrits dessus. Ou plutôt, prenez un roman « de gare » (romance doucereuse, thriller bon marché) et déclinez l'intrigue en une série de répliques illustrées. Bref, prenez le romanphoto, enfant étrange d'un triangle amoureux formé du roman de genre, du cinéma populaire et de la BD. Couple d'artistes naviguant entre ces mondes (photo, film, écriture), Dorothée Thébert et Filippo Filliger l'ont fait, et nous proposent de nous y mettre à notre tour en une série d'ateliers. Y a-t-il des souvenirs de roman-photo dans vos histoires personnelles ? Filippo : « Pour moi, le photo-roman1 est un souvenir lié aux kiosques à journaux en Italie quand j'étais petit. Je consommais de la bande dessinée (Topolino, qui était l'équivalent du Journal de Mickey avec des scénaristes et dessinateurs italiens, plus tard Dylan Dog, Martin Mystère, Tex Willer), et à côté, il y avait le photo-roman, qui s'adressait aux adultes : photo-romans érotiques, thrillers, histoires d'amour à l'eau de rose… J'associais ces magazines à la BD, mais aussi à une version pauvre du cinéma, car ils racontaient des histoires avec les mêmes outils et suscitaient un star system assez semblable. » Dorothée : « Je viens d'une famille plutôt lettrée, et dans mon souvenir mes parents ont toujours considéré le photo-roman comme une culture de bas étage. Ce
6
nota n°1
février – juin 2022
n'était donc pas dans mon univers quotidien, mais j'ai le souvenir, à 12 ou 13 ans, d'être tombée sur un magazine de ce genre et de m'y être plongée, complètement absorbée, de la même manière dont j'ai pu l'être plus tard dans des romans de gare ou des polars, pas forcément hyper bien écrits, mais dotés d'une narration addictive. Je lisais ces histoires avec toujours cette arrière-pensée qui disait “ce n'est pas de la culture, ça n'a pas de valeur”… et le résultat était que j'étais encore plus absorbée, parce que du coup, ce n'était pas un devoir, mais une chose à côté. » Le roman-photo semble avoir une connexion particulière avec la culture italienne…
iu Roman-photo « Love in Portofino », 1965 (© Lancio)
Bref, prenez le roman-photo, enfant étrange d’un triangle amoureux formé du roman de genre, du cinéma populaire et de la BD
Dorothée : « Quand on regarde la qualité du photo-roman vintage italien (dont il existe aujourd'hui des rééditions), on voit que c'est le produit de toute une culture très impressionnante. Ce qui me frappe, c'est la complexité des histoires et de leur construction, et aussi la noirceur, souvent loin du récit à l'eau de rose. Le photo-roman français, comme celui de mon souvenir, est en revanche un peu cucul la praline, un peu TF1… On en trouve encore aujourd'hui à dans certains titres de la presse dite “féminine” française (par exemple Nous Deux), mais c'est un peu la queue de la comète. » Filippo : « En Italie, le photo-roman est né dans l'après-guerre en même temps que la bande dessinée, souvent dans les mêmes maisons d'édition. Le succès a été phénoménal et énormément de nouvelles maisons se sont créées, profitant du fait qu'il fallait très
Pop cultures
peu de moyens. Quelques unes ont survécu : Lancio avec Kolossal, Eura avec Lanciostory, Universo avec Grand Hotel… Mais ces magazines ont perdu en importance lorsque la télévision s'est généralisée, proposant des feuilletons du même type. » Comment le roman-photo vient-il s'inscrire dans vos trajectoires artistiques ? Dorothée : « Filippo est réalisateur, je suis photographe, nous écrivons les deux nos pièces de théâtre… Le photo-roman apparaît donc comme une chose à laquelle on devait finir par s'atteler à un moment ou à un autre dans nos parcours. D'ailleurs, lorsque les BM nous ont proposé cet atelier, nous étions en train de nous demander si nous n'allions pas emprunter la forme du photo-roman pour le rendu d'une résidence d'artistes à l'espace culturel Utopiana… Notre intérêt s'est encore renforcé lorsque nous avons commencé à regarder cette matière de près. Il y a un travail de montage incroyable entre les textes et les plans photographiques, qui se révèle très joyeux à retravailler. » Que proposez-vous au public des BM ? Dorothée : « Nous avons sélectionné des séquences dans des photo-romans existants et nous proposons aux participant-e-s de se les approprier en réécrivant les textes. Et puisqu'on se trouve dans des bibliothèques, nous suggérons que les déclencheurs de ces nouveaux récits soient à chaque fois un livre et une expérience particulière liée à ce livre. Par exemple : “Voilà pourquoi je n'aime pas Madame Bovary”… » Filippo : « Le fait d'effacer les dialogues et de les réinventer nous reconnecte à l'origine du photo-roman. Celui-ci est issu du cinéma italien de l'après-guerre,
où les dialogues étaient souvent écrits après le tournage, c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas enregistrés en prise directe, mais ajoutés après coup avec le doublage. Dans ce que nous proposons, on trouve donc l'héritage de la technique de production de l'époque, et aussi l'envie de détourner cette matière pour raconter autre chose. Deux aspects qui m'intéressent sont le fait que le photo-roman raconte implicitement la lutte des classes, c'est-à-dire des histoires de riches et de pauvres, et qu'il montre des rapports entre les sexes où le machisme prend toute la place. C'est incroyable à quel point les questions du consentement et du pouvoir de l'homme sur la femme ne sont pas problématisées dans ces récits. » Dorothée : « Ces dernières années, on a vu apparaître des réappropriations du photo-roman par des artistes (Clémentine Mélois est sans doute la plus connue en francophonie), qui subvertissent les valeurs véhiculées initialement par ces récits et les détournent en leur donnant un contenu politique. De notre côté, nous n'orientons pas les participant-e-s dans une direction ou dans une autre, mais nous proposons à chacun-e, à partir des images originales et de la diversité de documents qu'on trouve dans une bibliothèque, de chercher le mode de réappropriation qui lui convient. » 1
Atelier
Le mystérieux objet de l'amour
Atelier roman-photo avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger ○ Adultes Durée : env. 2h → BM Cité / Espace le 4e
Sa 26 février à 14h
→ BM Saint-Jean
Sa 30 avril à 14h
→ BM Servette
Sa 21 mai à 14h
→ BM Minoteries
Sa 18 juin à 14h
▷ Inscription animations.bmu@ ville-ge.ch
Moins courant que « roman-photo », le terme « photo-roman » (ou « photoroman » ) est pourtant également attesté en français, et plus proche du mot italien fotoromanzo.
7
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022
L'émancipation par le karaoké — ateliers avec Amal Alpha Pas facile de monter pour la première fois en solo sur la scène d'un karaoké, de se saisir du micro et de se lancer. Pas facile, même pour Amal Alpha, qui chante pourtant, depuis toute petite, dans des formations chorales. « Femme queer algérienne née en France et grandie au Mexique, chercheuse en neurosciences, actuellement en études de traduction », comme elle se résume en faisant le tour de ses identités, Amal a la révélation du karaoké aux États-Unis. Elle officie aujourd'hui comme KJ ou karaoke jockey sur les scènes genevoises, animant des événements queeraoké ou karaopo et des ateliers où on se réapproprie des tubes en réécrivant leurs paroles. Ouverts à tout le monde, le queeraoké et l'atelier d'écriture « Ah zut, c'est ça les paroles ? » aux BM proposent un cadre où on peut monter sur scène sans craindre le jugement d'autrui, ainsi qu'un moment de déconstruction et de réappropriation jubilatoire de la pop culture. Quelle est votre histoire avec le karaoké ? « Pendant mes études en France et en Suisse, il m'était arrivé de m'y essayer. C'était la situation typique, celle d'un groupe de potes ivres qui montent sur scène en bande pour se donner du courage et qui beuglent n'importe comment sur une chanson… Après, je suis partie vivre à Oakland, en Californie, où j'ai découvert une culture de la performance et un rapport au jugement très différents. Les gens n'hésitent pas à monter sur scène et à faire leur truc en sachant qu'ils auront le soutien du public et que tout ce qu'ils feront sera jugé super. C'est là que j'ai réalisé à quel point j'étais inhibée. Je n'arrivais pas à faire le pas, alors même que je chantais depuis toujours… J'ai commencé à fréquenter les karaokés animés par Dana, une femme trans qui en organise un peu partout dans la Bay Area (Oakland, Berkeley, San Francisco), et c'était génial. Elle réussit à créer un cadre où des personnes dont on sent qu'elles ne sont pas méga à l'aise socialement, un peu inhibées, anxieuses, ou à qui on ne donne pas de place dans la société en raison de leur identité queer, racisée ou neuroatypique1, montent sur scène et font des performances hallucinantes, indépendamment du fait qu'elles sachent chanter ou pas. Cette manière de créer de l'échange, de la communauté — celle que j'appelle affectueusement queerdos, à la fois queer et weirdos, c'est-à-dire atypiques, dans les interstices de nos mondes —, c'était assez merveilleux. »
i « Ce qui se passe dans un karaoké, c'est que tout le monde voit s'afficher les paroles à l'écran, et c'est souvent à ce moment-là qu'on réalise ce qu'il y a dedans ». Amal Alpha dans la peau de « Burney Spears » en 2020 (© Laxatif's)
8
Comment avez-vous développé votre façon particulière d'être karaoke jockey ? « De retour en Suisse, en 2016, je me suis dit que cette approche du karaoké comme espace de libération manquait par ici. J'ai commencé à animer des queeraokés avec un collectif appelé Queer Fish, mais
Pop cultures
Karaoké
Sa 5.3 / 17h
Queeraoké
Avec Amal Alpha → Lieu BM Cité / Le Multi ○ Adultes Durée : env. 3h ▷ Inscriptions bmgeneve.agenda.ch
Atelier
Di 6.3 / 14h
Ah zut, c’est ça les paroles ?
Réécriture féministe de chansons pop avec Amal Alpha → Lieu BM Cité / Le Multi ○ Dès 16 ans Durée : env. 3h ▷ Inscriptions bmgeneve.agenda.ch
i © Anna Pizzolante
aussi des ateliers qu'on a appelés karaopo, où l'on détourne des tubes en leur collant des paroles politiques pour les chanter en manif. On est là dans quelque chose de festif, qui amène de la joie, et en même temps il y a une interpellation, un message fort. Lorsque j'ai commencé à organiser des karaokés dans un cadre queer, ma première idée était de faire une liste de chansons safe, un répertoire où on ne risquerait pas de tomber sur des formules racistes, sexistes, homophobes, transphobes… mais j'ai vite réalisé que ce serait très compliqué. Les paroles peuvent être problématiques et les artistes aussi, donc qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on exclut par exemple les morceaux des artistes qui ont été condamnés "officiellement" pour crimes sexuels ? Qu'en est-il alors de tous ceux qui ont été accusés sans que ça aille plus loin ? Et des autres problématiques ? Je me suis dit que je ne pouvais pas, moi, décider de ces limites. Si j'enlève des morceaux, je cache tout un pan de la pop culture qui a bercé notre jeunesse et je restreins la possibilité pour les gens de monter sur scène en chantant quelque chose qu'ils connaissent. De plus, éliminer des morceaux revient à mettre la poussière sous le tapis, car ces chansons nous ont construit-e-x-s2, même si on ne se rendait pas compte de ce qu'elles disaient. Ce qui se passe dans un karaoké, c'est que tout le monde voit s'afficher les paroles à l'écran, et c'est souvent à ce moment-là qu'on réalise ce qu'il y a dedans. Parfois la personne sur scène n'a aucune conscience de l'aspect problématique du morceau qu'elle a choisi. Dans ce cas, j'essaie d'ouvrir une réflexion, sans (trop) exposer la personne qui chante. On peut donc avoir, collectivement, une prise de conscience du contenu de cette pop culture qui est à l'image de nos sociétés et
des formes de domination — patriarcale, blanche… — dans lesquelles on vit. Je trouve qu'il y a une forme de pouvoir à prendre là-dedans. » Quelle est la recette pour faire du karaoké, selon votre formule, un « dispositif d'émancipation » ? « Être sur scène en kiffant cet échange où il y a de l'amour qui vient, sortir sa voix et rendre son corps vulnérable dans un cadre qui le permet, s'autoriser à recevoir l'admiration des autres même si on chante comme une casserole… le but principal, c'est de créer un espace qui rend possible tout cela. Le deuxième aspect consiste à voir et à entendre la pop culture pour la confronter, en évitant de stigmatiser la personne qui aurait choisi sans trop s'en rendre compte une chanson problématique et en remettant le blâme là où il doit être. Enfin, troisième étape, on peut réécrire les paroles, faire nôtre cette pop culture, complètement, en y mettant les mots qu'on veut. » 1
« Une personne neuroatypique est une personne dont le fonctionnement neurologique est différent de la norme mentale dominante et ce de façon durable (exemple : une personne autiste, ayant un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, bipolaire, etc.) » (définition sur le site tapsychophobiemenvahit.wordpress.com)
2
Le « x » qu'Amal a ajouté ici en relisant son interview est un élément de l'écriture dite « inclusive ». Il a pour vocation d'inclure les personnes qui se situent en dehors de la dualité des genres féminin et masculin. C'est l'un des traits par lesquels l'écriture inclusive se différencie de la rédaction épicène, qui consiste à utiliser des formules neutres ou égalitaires entre le féminin et le masculin.
9
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022 u Bingo, jackpot, nirvana ultime de la pop culture : à tout le monde, elle propose de se réinventer dans un miroir déformant (ou avec un masque), qui dit à la fois des grands mensonges et de profondes vérités (© Stephanie Overton / Flickr / CC)
Évidemment, la pop culture est un reflet de son temps. Mais elle est aussi un miroir magique où se réinventent nos sociétés.
Comment la pop culture créa le monde (et vice-versa) Pop, la grande essoreuse qui change nos vies — conférence de Richard Mèmeteau Invité lors du week-end inaugural de l’année pop-culturelle aux BM (samedi 5 février), Richard Mèmeteau est l'auteur de Pop culture : réflexions sur les industries du rêve et l'invention des identités. Petite déambulation dans un livre tentaculaire où, entre beaucoup d’autres choses, on trouve ce qui suit. Pop, ça vient de populaire. C’est ce qu’assurent en chœur les dictionnaires et les encyclopédies. « Mais si la pop est ce qui est populaire, de quel peuple parlet-on vraiment ? ». Le peuple en tant que public, que foule de consommatrices et consommateurs d’une pop culture qu’on produit à son usage ? Il faudrait dans ce cas parler de culture mainstream, note Mèmeteau. Ou le peuple comme producteur de traditions populaires ? Il faudrait dire alors « cultures folkloriques ». En fait, « on ne sait peut-être pas de quel peuple on parle. Et c'est là que réside l'intérêt de la pop ». La pop culture, si l’on suit Mèmeteau, apparaît comme une gigantesque pochette surprise lors du « remplacement de la culture populaire par les médias de masse » au début du 20e siècle. Désormais, la culture du peuple ne sera plus faite de contes au coin du feu, de danses folkloriques et de chansons transmises au fil des générations. Les moments de loisirs seront 10
remplis dorénavant par les distractions produites par les industries culturelles et du divertissement : presse à sensation avec ses potins et ses faits divers sanglants, magazines pulp, cinéma, roman-photo, radio, télévision… Ces industries mixent et malaxent des ingrédients pris à la fois dans les cultures populaires traditionnelles et dans les cultures bourgeoises ou savantes. Et le processus fait surgir au passage un univers inconnu. Pop ! La guitare avec un couteau Comment se produit ce surgissement ? Tenter de répondre, c’est comme plonger dans un palais des glaces au Luna-Park. Mèmeteau trace quelques pistes dans ce labyrinthe et tombe sur l’acte fondateur au cœur de la pop culture : l’appropriation. Exemple frappant : au cours des années 1950, l’industrie musicale s’empare des musiques noires (blues, rhythm'n'blues), les blanchit et, pour les couper de leurs connotations raciales, les renomme en les appelant « rock’n’roll » (il y a même une date et un nom pour l’invention de ce terme : 1951, Alan Freed, DJ de radio à Cleveland). « La pop et le rock naissent de là, de l’idée qu’on peut décolorer et déracialiser une musique et en l'occurrence, le blues. On ne doit pas y voir que du cynisme », ajoute Mèmeteau, car pour les artistes qui s'y adonnent, comme Elvis Presley, l'appropria-
Dans le catalogue des BM Richard Mèmeteau Pop culture : réflexions sur les industries du rêve et l'invention des identités Paris : Zones, 2019
Pop cultures
Conférence
Sa 5.2 / 14h30
La pop culture peut-elle changer le monde ? Conférence de Richard Mèmeteau dans le cadre du week-end inaugural de la thématique Pop cultures ○ Adultes Durée : env. 1h30 → BM Cité / Le Multi ▷ Inscriptions bmgeneve.agenda.ch
tion est moins un opportunisme qu'une forme — prédatrice, certes — d'admiration. Ainsi, le « rock naît sur le fond d'une dépossession du blues noir par les Blancs », et la même histoire se répétera avec la récupération « de la soul par la disco, ou du R'n'B par les boys band » . Comment, à partir de cet acte si simple (la pop culture « commence toujours par un vol » ), aboutit-on à des univers si complexes ? Flashback : « En 1903, William C. Handy – dans l'ordre : charpentier, ménestrel, cornettiste, professeur de musique et autobiographe de sa propre aventure – entend pour la première fois à la gare de Tutwiler un homme jouer de sa guitare avec un couteau. (…) Qui est cet homme ou que devient-il ? On ne le sait pas », raconte Mèmeteau. Ce qu’on sait, c’est que William C. Handy, « l'un des rares Noirs à l'époque à pouvoir écrire de la musique », s’approprie ce bout de culture populaire, l'industrialise en en faisant des
partitions (il n'y a pas de disques à l'époque) et se désigne « père du blues » dans son autobiographie. Ce faisant, W. C. Handy entre en interaction avec une autre minorité, issue de l'immigration juive, qui forme une bonne partie de l'industrie de l'édition musicale concentrée sur la « Tin Pan Alley » (28e Rue ouest) de New York. Cette communauté, note Mèmeteau, introduit dans le paysage sonore un élément culturel bien à elle, celui du « schmaltz », style musical fortement sentimental qui contribuera, lui aussi, à donner à la pop une des couleurs… S’endormir en plein kung-fu Question brûlante : si l’appropriation commence au sein même de communautés opprimées ou marginalisées, cela justifie-t-il n’importe quelle autre appropriation dans son sillage ? Non, car ce n’est pas pareil si l’appropriation
est « hégémonique », c’est-à-dire commise par des forces appartenant au groupe social dominant. En gardant ce détail à l’esprit, on remonte avec Mèmeteau une autre racine pop, celle de la culture camp (mot anglais issu du français « camper un personnage ») et drag
« Depuis cinquante ans, la pop culture s'est installée dans le paysage médiatique et culturel, bouleversant les canons esthétiques et imposant le modèle économique du blockbuster. A-t-elle contribué à rendre le monde meilleur ? Beyoncé a-t-elle aidé le féminisme, Lady Gaga a-t-elle fait avancer la cause des minorités LGBTQIA+, Disney a-t-il sensibilisé à la souffrance animale ? Après avoir accompagné les rébellions de la jeunesse dans les années 60, la pop culture est devenue, aussi, un lieu de marchandisation, de perte d'identité et d'appropriation culturelle. Faut-il donner raison à ses détracteurs et détractrices, qui décèlent en elle le risque d'un populisme féroce ? Ou s'y joue-t-il autre chose, une façon de participer à la culture majoritaire et l'élaboration d'un idéal d'inclusivité plus exigeant ? »
« C'est ce mouvement d'ouverture aux déclassés, aux freaks, aux minorités et aux insultés qui constitue l'un des moteurs de la pop culture » (travestissement). On est dans un creuset de minorités : gay, noire, latina, asio-américaine, mêlées au début des années 1980 dans les drag balls (bals travestis). Les compétitions chorégraphiques qui marquent ces bals sont 11
Pop cultures
i © Ronald Woan / Flickr / CC
Rencontre
Sa 5.3 / 15h
Féminismes & Pop Culture
Rencontre avec Jennifer Padjemi → BM Cité / Le Multi ○ Adultes Durée : env. 1h30 ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch Dans le cadre de la Semaine de l'égalité
12
nota n°1
inspirées, dit-on, par les films de kung-fu et par les poses de l’actrice Audrey Hepburn dans Funny Face (Drôle de frimousse), une comédie musicale hollywoodienne de 1957, située à la fois dans les milieux de la mode et de la philosophie à Paris… Mais pourquoi le kung-fu ? Parce que, répond Mèmeteau en citant le DJ Daniel Wang, « il y avait alors à Time Square des cinémas ouverts toute la nuit qui projetaient des films de kung-fu. Ces endroits étaient plutôt sombres et douteux, mais pour un ou deux dollars, vous pouviez y dormir (…). Des homos noirs passant la nuit dans des cinémas, s’endormant et se réveillant sur les images d’aventures d’art martial de Hong Kong, c’est de là qu’est vraiment partie l’idée ». Ces chassés-croisés entre appropriations et réappropriations créent non seulement la galaxie en expansion des objets culturels pop, mais aussi un espace favorable à l’« invention des identités ».
Le ping-pong du féminisme pop — conférence de Jennifer Padjemi « Oui, mais… » C’est la réponse que Jennifer Padjemi apporte, dans son livre Féminismes & pop culture, à celles et ceux qui se demandent si la pop culture peut améliorer le monde. Journaliste et auteure française, née au Togo, elle focalise son regard sur l’un des axes de ce changement, celui qui touche aux inégalités de genre et de race (la notion d’« intersectionnalité » désigne ce qui se passe à partir du croisement de ces discriminations) et sur la pop culture des années 2010 entre les séries télé, les magazines et le Web. Plongée dans ses pages, avant sa conférence lors de la Semaine de l’égalité.
février – juin 2022
« C’est ce mouvement d'ouverture aux déclassés, aux freaks, aux minorités et aux insultés qui constitue l’un des moteurs de la pop culture ». L’univers pop devient ainsi « le refuge naturel des laissés-pour-compte », à qui il offre une légitimité qui s’acquiert, justement, en participant à créer cette culture. En même temps, en transformant les cultures des groupes dominés en culture pour tou-te-s, la galaxie pop « pourvoit à un public majoritaire le frisson de se sentir minoritaire » et offre « un petit tour de grand huit sur le manège de l'exclusion ». Bingo, jackpot, nirvana ultime de la pop culture : à tout le monde, elle propose de se réinventer dans un miroir déformant, qui dit à la fois des grands mensonges et de profondes vérités. Que faire ? Plonger, kiffer la pop culture, oui, sans jamais cesser de « chercher à comprendre les effets politiques qu’elle produit ».
1. Le changement est en cours L’explosion du féminisme intersectionnel dans la pop culture (et vice-versa) aura marqué la décennie 2010. Le phénomène s’observe dans tous les domaines. En musique, pour commencer : jamais aurait-on imaginé qu’un jour « une icône noire de la pop mondiale se déclarerait féministe ». Jamais, en fait, jusqu’au triomphe de Beyoncé… Le tournant se remarque également dans le territoire des séries télé, où Netflix « a normalisé un type de discours à l’écran qui plaît au grand public : progressiste, féministe, antiraciste, pluriel et contemporain ». Il se constate dans les magazines, où Teen Vogue est confié en 2016 à une rédactrice en cheffe féministe et métisse, Elaine Welteroth, et lance,
Pop cultures
Le monde découvrait qu'on pouvait superbement décortiquer la politique même dans un magazine féminin destiné à l'origine aux adolescentes
un mois après les élections américaines, l’idée que « Donald Trump is gaslighting America » (le gaslighting est une manipulation mentale qui vous conduit à douter de ce que vous percevez). « Le monde découvrait qu’on pouvait superbement décortiquer la politique même dans un magazine féminin destiné à l’origine aux adolescentes », commente Jennifer Padjemi. Les porteuses de ce changement, au confluent du féminisme intersectionnel et des pop cultures, sont souvent situées entre la création artistique et le business. Comme Shonda Rhimes, créatrice des séries télé Grey's Anatomy et Scandal, et Ava DuVernay, qui, en lançant la série Queen Sugar, « avait pour ambition de s’entourer uniquement de femmes réalisatrices », ancrant ainsi le regard féminin (female gaze1) dans une industrie profondément façonnée par et pour le regard mâle1. D’autres façonneuses de changement sont en coulisses. C’est le cas de la Britannique Ita O’Brien, « coordinatrice d’intimité » : « Son métier, auparavant inconnu, est devenu essentiel en quelques années, non seulement pour s’assurer que personne sur un plateau de tournage ne soit forcé à faire quelque chose qu’il ou elle ne souhaite pas, mais surtout pour que les scènes de sexe soient les plus justes et réalistes possibles. » Les résultats de son travail sont visibles notamment dans Normal People (« la première vraie série post-Me Too ») et dans I May Destroy You, « qui me semble, par son propos et son approche, être la meilleure série sur la culture du viol, et qui dépeint le mieux tous les aspects que ce système peut comprendre et qui nous échappent la plupart du temps ». Quels sont les ressorts de ce changement ? Comme pour tout ce qui touche aux pop cultures, c’est un mélange d’idées et de business. « Pour Shonda Rhimes, les questions de représentation, d’inclusivité et d’égalité à l’écran sont avant tout une affaire d’argent. (…) Quand elle parle des évolutions sociétales à l’écran, elle dit du tac au tac : “L’argent parle ! Au début, j’ai dû batailler pour des choses évidentes. Aujourd’hui, je suis la boss et j’ai mis en place, autour de moi, un véritable matriarcat !” Elle est surtout la showrunneuse [la personne qui supervise la réalisation des épisodes] la plus prolifique de la télé et rapporte énormément d’argent. » De manière générale, « les films dont la distribution est très inclusive – les films à majorité minoritaire – gagnent plus d’argent au box-office que les films à majorité blanche. Les émissions de télévision qui sont plus diversifiées et dont les acteurs sont plus inclusifs obtiennent des cotes plus élevées que les émissions qui n’en ont pas. Cela rapporte juste plus d’argent. C’est donc un moyen très simple de le faire accepter très facilement. » 2. Bien sûr, il y a des pièges… La fusion du féminisme intersectionnel et de la pop culture comporte aussi des pièges. L’un d’entre eux est mis en lumière par la série Orange Is the New Black, située dans une prison pour femmes. « C’était la première fois que je voyais une représentation aussi honnête et variée de
i © Lance Anderson / Unsplash / CC
Dans le catalogue des BM Richard Mèmeteau Pop culture : réflexions sur les industries du rêve et l'invention des identités Paris: Zones, 2015
Jennifer Padjemi Féminismes & pop culture Paris: Stock, 2021
Iris Brey Le regard féminin : une révolution à l'écran Paris: Points, 2021
13
Pop cultures
nota n°1
la sexualité et du genre ». Mais à partir de la 4e saison, « le désamour s’est installé » entre Jennifer Padjemi et la série, après un épisode traumatisant, où une détenue appelée Poussey meurt étouffée sous le genou d’un gardien qui la plaque au sol. « Certaines personnes diront que sa mort a permis de mettre le doigt sur le racisme des prisons américaines. Certes, mais à la télévision, ce sont régulièrement les mêmes qui perdent, comme si une loi invisible ordonnait de sacrifier toujours un type de femmes à la télé : les femmes lesbiennes, les femmes noires, les femmes grosses. Il y a pourtant mille façons d’évoquer le racisme et les violences policières sans en faire une course au voyeurisme. (…) Il faut le faire avec parcimonie, parce que cette violence-là est déjà perpétuée dans nos vies réelles », décortique Jennifer Padjemi. Clé de lecture de ce dérapage télévisuel : « l’équipe de scénaristes ne comptait aucune femme noire ». Moralité : souvent, qu’il soit sincère ou opportuniste (ou un mélange des deux), « le désir de représentation prend plus de place que le souci d’une représentativité juste et honnête ». Autrement dit, il ne suffit pas de représenter des femmes noires, il faut surtout qu’elles aient la parole, le plateau, la caméra.
Il ne suffit pas de représenter des femmes noires, il faut surtout qu'elles aient la parole, le plateau, la caméra Autre événement Conférence
Je 31.3 / 18h30
Une invisibilité choisie. Les luttes de visibilité dans les mouvements sociaux contemporains Conférence de Maxime Boidy → BM Cité / Le Multi ○ Adultes Durée : env. 1h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch Dans le cadre du Festival Histoire et Cité Que feriez-vous si vous souhaitiez devenir à la fois invisible et hypervisible, vous soustraire à la surveillance tout en vous plaçant au cœur des regards ? Réponse possible : vous vous cacheriez derrière un « masque Anonymous » (sur la photo). C'est ce qu'ont fait les militant-e-s qui manifestaient dans les rues lors du « Printemps arabe » et du mouvement Occupy, entre 2010 et 2012. Ce masque, lié à un attentat contre le parlement anglais en 1605, puis à une fête populaire qui met littéralement le feu à la rue, a été converti en icône pop par une série de BD et par un film hollywoodien appelé V pour Vendetta… Ce parcours en forme de mille-feuille est une des histoires qu'explore le chercheur français Maxime Boidy, spécialiste des cultures visuelles à l'œuvre dans les mouvements politiques, accueilli aux BM dans le cadre du Festival Histoire et Cité, dont l'édition 2022 se consacre au thème des « Invisibles » .
14
février – juin 2022
3. Alors… que faire ? « La plupart des médias ne se sont pas mis à aborder les questions féministes du jour au lendemain pour faire la révolution et éradiquer le sexisme et toutes les formes de violences qui peuvent exister dans une société patriarcale. Non, il y a eu, et il y a encore, un opportunisme évident impulsé par différentes industries culturelles, avec un jeu de ping-pong permanent. Parce que certaines célébrités surfent sur la “tendance” féministe, les médias en parlent, et parce que ces derniers ne cessent d’en parler, ces mêmes célébrités surenchérissent. Malgré tout, je suis persuadée qu’une découverte en amène une autre, et peut-être qu’une jeune fille curieuse qui verra inscrit sur un t-shirt un slogan féministe fera l’effort d’en connaître l’origine. (…) La pop culture a rendu le féminisme moins élitiste et a permis à des personnes hors circuit universitaire d’y avoir accès », écrit Jennifer Padjemi. Donc oui, comme l’écrivait la chercheuse afroféministe bell hooks dans Tout le monde peut être féministe (Feminism is for Everybody, 2020), « les chansons, la radio et la télévision sont autant de moyens de diffuser le savoir féministe. » Oui, comme l’affirmait l’écrivaine féministe nigériane Chimamanda Ngozi Adichie en 2020 : « La culture pop n’est pas forcément mon truc, mais elle a un pouvoir indéniable. Alors que Beyoncé fasse une chanson et que Rihanna porte un tee-shirt Dior avec l’une de mes phrases, c’est plutôt une bonne chose. »
t © Florian Glawogger / Unsplash / CC
Pop cultures
Des pouvoirs plus ou moins super — conférence de Camille Baurin Qu’est-ce qu’un super-héros, une super-héroïne ? Ça dépend de la période, répond Camille Baurin, auteur d’un essai sur le pote de Batman (Robin, enfances et super-héros Aedon, 2020) et d’une thèse de doctorat 2 sur le super-héroïsme dans le comic book américain. On parcourt un siècle de super-pouvoirs à travers son étude « L’envers du corps super-héroïque »3. Année 1930 — des muscles contre la crise Superman fait son apparition en 1938, Batman l'année d’après. Né au cours de la Grande Dépression, « le superhéros trouve place à l’origine dans un pays fragilisé par la crise économique. (…) Sa vie civile reflète la situation des Américains, tandis que sa croisade super héroïque lui permet de dépasser cette condition première pour sauver les victimes d’injustices sociales. (…) Accroître les capacités de l’individu, augmenter sa masse musculaire par le biais d’un artifice – que ce soit un sérum, une pierre magique ou encore une armure –, lui permet en effet de défendre un groupe de personnes défavorisées. » C’est souvent, comme Captain America, « un individu plus fragile que la moyenne et amené à se surpasser par des moyens virtuels ». Années 1960 — super-mal dans sa peau
ger la pérennité de leurs valeurs dans une société en constante évolution ». Années 2000 — l’ère de la super-inclusivité Des « justiciers rejetés pour leurs différences » : voici venu le temps des X-Men, qui n’ont parfois « plus rien de super-héroïque, subissant les mutations de leurs corps plutôt que de tenter de s’en servir. » Les voici dans « des postures de héros abattus, d’adolescents en déroute, tantôt rebelles, tantôt avachis, qui portent littéralement le corps augmenté comme un poids. La marginalité revendiquée des X-Men s’inscrit ainsi pleinement dans la continuité du mouvement underground, dans cette manière d’interroger, par le biais de l’outrance, l’isolement des individus ». Du coup, pas d’espoir ? Si, « la constitution de ces freaks en équipe » dans « une école ouverte à toutes sortes d’étudiants mutants ». 1
Sur cette question, voir Iris BREY, Le regard féminin : une révolution à l’écran, Paris, Points, 2021 . Dans le catalogue des BM
2
Camille BAURIN, Le metacomic : la réflexivité dans le comic book de super-héros contemporain, Thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2012. En ligne sur theses.univ-poitiers.fr
3
Camille BAURIN, « L’envers du corps super-héroïque », Captures, Vol. 4, N° 2, novembre 2019. En ligne sur revuecaptures.org
Conférence
Je 24.2 / 19h
Super-héros ! Toute une histoire
Conférence de Camille Baurin → BM Saint-Jean ○ Adultes dès 16 ans Durée : env. 1h30 ▷ Inscription saintjean.bmu@ville-ge.ch
t © Pxhere / CC
Finie, la « sublimation originelle » des personnages fondateurs du genre. Les super-pouvoirs deviennent au cours des années 1960 « une métaphore de la personnalité complexée des héros ». Figure la plus marquante de cette période, Spider-Man est ainsi « un jeune étudiant pétri de complexes (…), marqué par une dualité qui reflète les tourments et les échecs de ce héros en pleine croissance ». Le corps super-héroïque devient ainsi « une métaphore des affres de l’adolescence, à travers la question des métamorphoses physiques et des difficultés à s’y adapter ». Années 1980 — le justicier en peignoir 1980, c’est la décennie de la « mise en crise idéologique du superhéros (…) qui s’exprime, entre autres, par une altération du corps augmenté à travers le motif du vieillissement. La série Watchmen (Alan Moore, 19861987) est très représentative de ce questionnement, s’ouvrant sur le meurtre d’un justicier à son domicile, vêtu d’un seul peignoir ». Pareil avec The Dark Knight Returns (Frank Miller, 1986), « qui imagine le retour d’un Batman sexagénaire après une retraite de plusieurs années. Le corps altéré du superhéros se fait ainsi miroir d’une crise idéologique qui émane directement de la Guerre Froide et de l’échec des États-Unis au Vietnam, événements chaque fois explicitement mentionnés. Dans les deux cas, les auteurs ancrent la longévité des superhéros dans le réel pour interro-
15
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022
Fukubukuro L’archipel des surprises pop « Sac à bonheur ». C'est ainsi que se traduit, littéralement, le mot fukubukuro, qui désigne les pochettes-surprise vendues les premiers jours de l'an au Japon, remplies d'objets qu'on achète les yeux fermés à des prix cassés. C'est ainsi, aussi, que ce pays apparaît au reste du monde à travers ses pop cultures : comme un réservoir de trouvailles irrésistibles, avec lesquelles on s'éclate sur la Terre entière, même lorsqu'on ne comprend pas très bien de quelles histoires elles sortent et pourquoi elles nous font cet effet. Parmi les manières de plonger là-dedans, en voici trois (en ordre non chronologique) : une immersion dans le Japop'avec le journaliste français Mathieu Rocher, une exploration de l'univers Godzilla et de ses ramifications dans l'histoire du pays, et un atelier de création de personnages kawaii destinés — qui sait ? — à une trajectoire potentiellement planétaire, avec Luan Banzai.
Mathieu Rocher, plongée en « Japop »
i © Dylan Gonzales / Pixabay / CC
Dans le catalogue des BM Mathieu Rocher
Mathieu Rocher
Japop' : tout sur la popculture japonaise !
Le Japon raconté aux enfants
Paris : La Martinière Jeunesse, 2019
16
Paris : La Martinière Jeunesse, 2021
Une première façon de partir en immersion est celle de Mathieu Rocher, journaliste français qui atterrit, quelque part au cours des années 2010, dans l'agglomération de Tokyo, la mégapole la plus peuplée du monde. « Quand, pour la première fois, j'ai aperçu la ville au loin dans la voiture qui me conduisait depuis l'aéroport de Narita, je n'ai vu que d'immenses bâtiments gris rectangulaires qui s'apparentaient à des gaufriers géants. Où étaient les couleurs ? », se demande-t-il au début de son livre Japop'. Et puis ? « Et puis la voiture a plongé vers la rue, et le voyage a commencé. Un Kamé Hamé Ha de sensations pop s'est alors déchaîné », poursuit-il. (« Kamé Hamé Ha », au cas où, se traduit littéralement par « Vague destructrice de la tortue » et désigne une technique de combat inventée dans le manga Dragon Ball, consistant à faire des dégâts à l'aide d'une décharge d'énergie qu'on produit avec son propre corps.) Face à cette déferlante, Mathieu Rocher plonge, jubile, se pose des questions. Pourquoi, par exemple, Mario, le héros de jeu vidéo le plus connu, a-t-il une moustache ? Parce que lorsque le personnage est introduit, sous le nom de « Jumpman », dans le jeu
Pop cultures
Conférence
Ma 15.3/ 18h30
Godzilla, icône pop
Conférence de David Javet → BM Saint-Jean ○ Adultes dès 16 ans Durée : env. 1h30 ▷ Inscription saintjean.bmu@ville-ge.ch
Rencontre
Me 6.4 / 17h
Êtes-vous plutôt Shōjo ou Shōnen ?
Rencontre autour des mangas avec Mathieu Rocher → BM Saint-Jean ○ Jeune public dès 10 ans Durée : env. 1h15 ▷ Inscription saintjean.bmu@ville-ge.ch
Rencontre
Sa 9.4 / 14h30
Japop' avec Mathieu Rocher d'arcade Donkey Kong au cours de la lointaine année 1981, « la machine ne permettait de créer que des graphismes avec des gros pixels. Le mouvement des cheveux et de la bouche était trop difficile à animer. Il fut donc décidé d'ajouter une casquette et une moustache pour les cacher ». Voilà. Et pourquoi la profession attribuée à Mario est-elle celle de plombier ? Parce que dans le jeu Mario Bros (1983), « les ennemis arrivent par des tuyaux ». Tout s'explique. Les tuyaux, ces couloirs du monde souterrain, font peut-être écho à l'histoire personnelle du créateur de Mario, Shigeru Miyamoto. Le développeur est embauché en 1977 chez Nintendo, petite société spécialisée jusque-là dans les jeux de cartes, où il met au point les premiers jeux vidéo en mobilisant, parfois, d'anciens souvenirs. « Enfant, il adore explorer seul les alentours de la maison familiale. Le terrain de jeu est généreux en prés, lacs, forêts… Un jour, il découvre une grotte dans une colline voisine. Le voilà parti lanterne à la main et des frissons plein la nuque. L'exploration de cette grotte va le marquer durablement et lui donnera des idées quelques années plus tard », raconte Mathieu Rocher. Après la tuyauterie de Mario, l'imaginaire du sous-sol se déploiera largement dans un autre univers de jeu imaginé par Shigeru Miyamoto, celui de The Legend of Zelda, inauguré en 1986.
Avec sa « déambulation en zone “Japop” », Mathieu Rocher se donne pour mission de « faire expérimenter ce que le Japon a de plus distrayant… et de plus profond ». Comme les aventures des personnages dans ses jeux, l'histoire de la pop culture japonaise se déroule en effet sur deux niveaux, l'un à la surface, l'autre dans l'épaisseur du passé. Chaque chose, dans cet univers, a une racine plus longue qu'on ne le croirait, et il n'y a peutêtre pas de rupture entre les raffinements de la culture japonaise classique et les chatoiements de sa culture pop, entre l'ikebana (l'art traditionnel de la composition florale, introduit par des moines bouddhistes il y a un millénaire et demi) et le manga. Ainsi, « la première grande série de manga fut signée de l'artiste Katsushika Hokusai, à qui on doit la célèbre estampe La Grande Vague de Kanagawa. Dès 1814, Hokusai publie ses carnets de croquis, qui illustrent la vie quotidienne des Japonais (scènes de bains, lutteur de sumo etc.) », note Mathieu Rocher. La proximité entre le fantastique et l'ordinaire, le majestueux et le trivial, le naturel et le numérique… tout cela est peutêtre, notons-le au passage, une des caractéristiques frappantes et séduisantes de la culture japonaise, pop ou pas pop.
Tout sur la pop culture japonaise ! → BM Servette
○ Jeune public dès 10 ans Durée : env. 1h15 ▷ Inscription servette.bmu@ville-ge.ch
i © Mathieu Rocher
17
Pop cultures
i © Shadman Samee / Wikimedia Commons / CC
David Javet, enquête sur Godzilla Imaginez : vous êtes étudiant, vous avez quitté Lausanne pour vous installer pendant une année au Japon, vous suivez des cours dans une université à Tokyo et vous menez une enquête, en parallèle, sur la façon dont le gouvernement japonais a adopté la culture pop pour en faire un élément central de l'identité nationale1. En mars 2011, qui correspond pour vous à la mi-séjour, la terre tremble dans la région de Tōhoku, à 300 km de la capitale. C'est un séisme de magnitude 9,1, la plus élevée jamais enregistrée dans le pays. Le tremblement de terre déclenche un tsunami, qui atteint une centrale nucléaire dans la préfecture de Fukushima et provoque une catastrophe radioactive aux retombées mondiales. Que faites-vous ? Vous vous tournez vers Godzilla. C'est en tout cas ce que fait David Javet. Game designer, cofondateur du groupe universitaire d'étude sur le jeu vidéo GameLab UNIL-EPFL, chercheur en études japonaises et en cultures numériques, le jeune universitaire se lance alors dans une exploration au long cours de la science-fiction produite au Japon, entre utopie technologique et imaginaire catastrophique, qui sera le sujet de sa thèse de doctorat, achevée en 20202. L'enquête le met donc sur les traces de Godzilla, monstre colossal qui surgit de son oubli préhistorique pour venir piétiner Tokyo dans chaque film où il apparaît. En amont de cette créature, la piste le conduit également à l'un des tout premiers mangas modernes, Astro, le petit robot. Créé en 1951, ce récit « raconte l'inva18
nota n°1
sion de la Terre par des extraterrestres qui se trouvent être les exactes répliques — à l'individu près — de l'espèce humaine : chaque envahisseur possède en effet le même corps et les mêmes caractéristiques que son “correspondant” humain ». Le seul Terrien qui n'est pas dupliqué est Astro, « un enfant robot construit par le docteur Tenma à l'image de son enfant mort dans un accident », résume David Javet dans une étude intitulée « Manga et science-fiction au Japon » 3. Heureusement, Astro parvient à rétablir la paix et les aliens s'en vont. Mais un paradoxe se niche dans son cœur : « il est protecteur de l'humanité et de la Terre, mais son énergie, sa “vie”, provient du nucléaire. Le petit robot tire en effet sa force formidable d'un réacteur nucléaire logé dans son torse ». Astro — qui s'appelle d'ailleurs « Atom » dans la version originale — carbure donc à la même énergie que les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945, porteuses d'une destruction que personne sur Terre n'avait encore subie. Comme si une des manières de traverser le traumatisme cataclysmique de ces bombes consistait à se raconter des histoires où la puissance dévastatrice de l'atome se convertit en élan de vie. En ce sens, Astro remplit la même fonction que Godzilla, mais à l'envers. Qu'en dit David Javet ? « Gojira (Godzilla, 1954) des studios Tōhō peint sur grand écran la (re-)destruction de Tokyo, cette fois non plus sous les bombes mais sous les pieds d'un dinosaure géant, réveillé par des tests nucléaires. Le succès international du film et de ses suites va ouvrir la voie aux récits de monstres géants (kaiju) (…). La signification symbolique de tels récits est évidente : les séries de monstres et de robots géants permettent aux Japonais de “reprendre le contrôle” sur la destruction nucléaire qu'ils ont subie », analyse-t-il dans « Manga et science-fiction au Japon » . Ainsi, dans le Japon de l'après-guerre, les mangas et les films de science-fiction contribuent à façonner l'imaginaire qui est à l'œuvre dans les débats sur le futur du pays, entre terreurs technophobes bien compréhensibles et discours optimistes prônant la « reconstruction nationale par la technologie ». D'un côté, la menace Godzilla, celle d'une technologie qui réveille la monstruosité de la nature. De l'autre, la promesse Astro/Atom, celle d'une machine toute choue, d'un personnage mascotte qui incarne, selon les termes de David Javet, « le souvenir rêvé d'une technologie innocente et pure » .
février – juin 2022
Les pop cultures japonaises, le « cool Japan », comme on l'appelle dans les milieux politiques et économiques qui travaillent l'image de marque du pays, héritent ainsi à la fois des méchants monstres et des gentils robots, deux faces d'une même pièce. Les Godzilla, les Astro et leurs descendantce contribuent à faire rayonner le Japon dans le monde, consolidant le soft power du pays, comme on dit, c'est-à-dire sa puissance de séduction culturelle. Même si en réalité, comme le remarquait David Javet dans son mémoire de Master sur ce sujet45, « les cultures populaires à succès au Japon n'appartenaient en aucun cas uniquement à un pays mais étaient plutôt l'expression d'une globalisation des échanges particulièrement dans la zone de l'Extrême-Orient ». Autrement dit,
« La signification symbolique de tels récits est évidente : les séries de monstres et de robots géants permettent aux Japonais de “reprendre le contrôle” sur la destruction nucléaire qu'ils ont subie » le Japon cartonne en s'appropriant les cultures pop produites autour de lui. Un phénomène typique, probablement, des pop cultures en général, qui sont toujours le fruit de mélanges, d'appropriations, et de généalogies aussi étranges et compliquées que celles des monstres et des gentils petits robots. 1
David JAVET, L'idéologie du Japon cool dans les discours de la diplomatie japonaise du début du 21ème siècle : soft power ou « nationalisme soft » ?, Mémoire de Master à l'Université de Genève, 2013, en ligne sur academia.edu
2
David JAVET, « Projet de thèse : Le Péril chrome : Études des représentations populaires de la technologie dans les films et jeux vidéo japonais (1945-2014) », en ligne sur academia.edu. « Soutenance de thèse de M. David Javet », L'Agenda, Université de Lausanne, en ligne sur agenda.unil.ch
3
David JAVET, « Manga et science-fiction au Japon », in Pop Art, mon Amour : L'art de Tadanori Yokoo et du manga, Lausanne/Yverdon-lesBains, Presses polytechniques et universitaires romandes/La Maison d'Ailleurs, 2016, en ligne sur academia.edu
4
David JAVET, L'idéologie du Japon cool… (cf. note 1)
Pop cultures
ot © Luan Banzai
au Japon. Artiste visuel basé à Genève mais travaillant à l'échelle de la planète, Luan crée des images fixes et animées, parfois pour des projets purement artistiques, parfois pour des entreprises en phase avec son imagerie grouillante et colorée. Les BM l'invitent pour un atelier de chara-design, c'est-àdire de conception de personnages (characters), évidemment kawaii. Trois questions. Quels sont les liens entre votre univers visuel et la culture pop ?
Luan Banzai, le superpouvoir kawaii
Atelier
Me 2.3 / 14h30
Kawaii Chara-Design avec Luan Banzai
Comment créer des personnages attachants → BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 8 ans Durée : env. 2h30 ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch
Prenez Kirby : une boule rose avec vaguement des bras et des jambes, des grands yeux tout en longueur, une bouche, deux taches de rousseur. Autant dire trois fois rien en termes graphiques. Et pourtant, 38 millions de jeux se sont vendus dans le monde depuis 20 ans avec cette boule rose dans le rôle principal. Voilà donc une spécialité typiquement japonaise : la capacité de créer et de faire exister des personnages dont le superpouvoir et la force de frappe résident avant tout dans leur côté irrésistiblement kawaii (chou, mignon). Luan Banzai a assimilé ce trait lors de ses séjours
« Je viens du Brésil et j'ai beaucoup voyagé, en habitant à plusieurs endroits. Ces mouvements m'ont mis en lien avec une forme de globalisation qui est très présente dans l'univers pop, avec des éléments culturels qui tournent entre différents pays. Dans mon monde visuel on retrouve ainsi le Brésil, l'influence des États-Unis vécue à travers la culture brésilienne, le Japon où j'ai été plusieurs fois pour étudier et pour travailler… Avant de faire mes études à la HEAD, Haute école d'art et de design de Genève, j'ai co-créé au Brésil le Banzai Studio, qui produit des vidéos publicitaires et musicales, au sein duquel j'ai fait pas mal de travail pour MTV Brésil. J'ai donc toujours été immergé dans la culture pop, qui a une résonance très forte dans mon travail au niveau des formes, des couleurs, des moyens de diffusion. À un moment donné, je ne me sentais plus à ma place dans le monde du marketing et de la pub, où ce langage visuel et ces éléments culturels étaient exploités pour vendre des produits et faire du profit. Je suis passé par un rejet total, je ne voulais plus rien savoir des médias et je ne dessinais plus qu'au stylo noir… Heureusement, après cette réaction extrême, j'ai vu que des gens, dans le monde et autour de moi, continuaient à utiliser ces codes visuels pour faire des 19
Pop cultures
nota n°1
choses belles, qui avaient un sens. Lorsque j'ai décidé de transférer mes références pop dans un travail artistique, c'était donc un peu pour subvertir l'usage que j'en avais fait avant. Je voulais voir comment utiliser ce bagage culturel pour apporter quelque chose de positif, amener de la joie et aller dans la direction d'un monde meilleur, du moins dans un sens affectif, celui des liens entre les personnes et entre les gens et les choses. Dans le milieu de l'animation, où je suis actif, je retrouve beaucoup de gens qui ont ce point de vue, qui veulent améliorer notre connexion avec le monde émotionnel et qui pensent que c'est une chose très importante pour le développement de nos sociétés. Aujourd'hui, je peux à nouveau participer à des projets commerciaux, avec des critères pour les choisir. J'arrive à mieux négocier les contenus de mes mandats et à transformer ou influencer les propositions. Ici en Suisse, je fais pas mal de projets en lien avec la culture, l'art et l'éducation, ainsi que de l'illustration et de l'art urbain en duo avec l'artiste Noémie Creux, sous le nom de Hanazu. »
« Ce projet est en résonance avec ce que je perçois de la culture japonaise, où tout à coup une figure comme Kirby, une boule rose avec des yeux, peut devenir un élément important dans la culture et l'univers affectif de tout un pays. »
février – juin 2022
Quelles sont les résonances entre ce travail et la culture pop japonaise ? « Dans le projet qui est un peu à la source de cet atelier, j'ai créé le personnage d'une pomme dessinatrice appelée Pommo, qui poste ses propres dessins sur Instagram. Dans mon imagination, son univers pourrait se développer, devenir une série d'animation, un jeu vidéo… Ce projet est en résonance avec ce que je perçois de la culture japonaise, où tout à coup une figure comme Kirby, une boule rose avec des yeux, peut devenir un élément important dans la culture et l'univers affectif de tout un pays. En Occident, on n'imaginerait pas que la carrière d'un tel personnage puisse aller aussi loin, touchant aussi bien les adultes que les enfants, car on a tendance à dire que ce n'est pas sérieux. Au Japon, on laisse ce potentiel s'exprimer au maximum et on considère que créer de tels personnages, ça peut tout à fait être un vrai métier. Je me réjouis donc de partager un peu de ce que j'ai appris là-bas et de voir comment il se traduit dans des créations qui prennent place ici. »
Qu'allez-vous proposer dans l'atelier Kawaii Chara-Design ? « En cours de route, j'ai commencé à me dire que mon travail pouvait aussi consister à inspirer les gens à produire eux-mêmes quelque chose, à devenir acteurs et actrices de la pop culture en créant leurs propres éléments pop plutôt que de seulement suivre cette culture. L'atelier propose de faire un premier pas dans cette voie-là en créant des personnages. Il s'agit d'abord de se documenter sur ce qu'est un personnage de vidéo, de jeu ou de dessin animé qui vient habiter notre monde affectif, parfois de manière assez prenante, comme Totoro ou les personnages de Toy Story, parfois de manière très banale, comme les smileys qu'on utilise pour communiquer et qui sont investis de liens d'affection. Ensuite, chaque participant-e est invité-e à créer visuellement un personnage à partir d'un sentiment ou d'une chose qu'on aime — un fruit, un légume, une couleur, un bonnet qu'on a sur la tête… — et à développer l'univers de ce personnage : ce qu'il fait, ce qui le caractérise, ce qui lui donne une vie. » i © Luan Banzai
20
Pop cultures
« Délivre-moi tes secrets » : c'est la demande soufflée par les BM dans une série de rencontres autour d'albums jeunesse.
Maëlys, Fifi, Chien Pourri
— et aussi une femme entre deux chaises et une brodeuse d’ours
Avant les dévoilements attendus sur place, voici déjà deux ou trois choses qu'on sait à propos des artistes invité-e-s et de leurs personnages : Marc Boutavant (Ariol et Chien Pourri), Christine Pompéï (Les enquêtes de Maëlys), Magali Attiogbé (Rouli Rouli Roulette), Marie-Noëlle Horvath (L'Ours). Et Fifi Brindacier, qui vient se parachuter toute seule au milieu de cette brochette.
Christine Pompéï, un million de livres et 24 mystères Christine Pompéï est l'auteure des Enquêtes de Maëlys, romans illustrés qui explorent une série de mystères dans des villes suisses. Voici, en gros, ce qu'on sait d'elle… — Elle a commencé à écrire à 39 ans. Comment ? Elle l'a souvent raconté — c'est un peu son récit de fondation —, par exemple dans une interview pour la RTS, en juin 2017 1 : « Au départ, j'ai commencé à inventer des histoires pour mes filles : au lieu de leur lire un livre, je leur inventais une histoire où elles étaient les héroïnes. Puis elles ont commencé à me redemander des histoires que je leur avais inventées quelques jours avant. Je ne m'en rappelais pas toujours exactement, donc j'ai commencé à noter les histoires dans un cahier. Petit à petit, j'ai eu plusieurs histoires et je les ai proposées à des éditeurs. » — Sa maison d’édition, Auzou, compte atteindre le million d'exemplaires vendus en 2023. Le succès n'est pas arrivé d'un coup, explique-t-elle dans une interview au journal Le Temps en mars 2021 2. « Chaque semaine j'écrivais des textes et chaque semaine j'en envoyais à des éditeurs. J'avais toujours des refus ! Mais je me disais que ce n'était pas grave et que ça marcherait bien un jour. » Des centaines de milliers d'albums plus tard, sa réussite n'est pas tout à fait celle que les enfants imaginent…
21 u © Raphaëlle Barbanègre / Éditions Auzou
Pop cultures
Rencontre
Sa 12.2/ 10h30
Rencontre avec Christine Pompéï
Les rendez-vous « Délivre-moi tes secrets » → BM Minoteries ○ dès 8 ans Durée : env. 2h ▷ Inscription minoteries-jeunes.bmu@ ville–ge.ch
nota n°1
« Quand je vais dans des classes, ils ne s'attendent pas du tout à mon profil ! Ils ont une vision de l'auteur très âgé et même très riche ! Une fois, on m'a même demandé pourquoi je n'ai pas de chauffeur privé ! Ils comprennent alors que tout le monde peut écrire car je n'ai rien d'exceptionnel ou d'inaccessible. » — Christine Pompéï écrit ses livres à côté de son double travail de responsable du domaine « Éducation aux médias » à la RTS et de mère. Comment fait-elle ? « Je pense un peu comme toutes les mamans, j'écris beaucoup le soir quand tout le monde est couché et puis je fais des petites nuits », explique-t-elle dans l'interview à la RTS citée ci-dessus. — À côté des Enquêtes de Maëlys, elle a publié la série Mes p'tits contes et d'autres livres centrés sur le folklore et les légendes, suivant un goût qui lui vient, comme elle l'explique dans la même interview, de son origine bretonne : « En Bretagne, on nous raconte beaucoup de légendes, et quand je suis arrivée en Suisse — il y a maintenant presque 20 ans —, je cherchais des livres de légendes pour mes filles. Je n'en ai pas trouvé pour les enfants, j'ai trouvé des livres de légendes, mais plutôt pour les adultes, avec des
février – juin 2022
légendes qui étaient un peu horribles parfois, et donc j'ai fait des recherches pour en trouver d'autres, parce qu'il y en a plein, bien sûr… » — Ses livres ont un impact sur les relations parents-enfants dans la vraie vie : « Il y a beaucoup d'enfants qui lisent les histoires et qui après emmènent leurs parents sur les lieux. Je trouve ça assez incroyable qu'un enfant de 8 ans dise à ses parents “ce week-end, je veux aller au château de Chillon”, donc c'est l'enfant qui emmène ses parents », raconte-t-elle dans une autre interview RTS, cette fois radio, en novembre 2018 3. — La première aventure de Maëlys, L'Énigme de la cathédrale de Lausanne, paraît en 2013. Aujourd'hui, la série Les enquêtes de Maëlys compte 24 tomes (dernier en date : Vent de panique à Fribourg). Une adaptation en dessin animé est annoncée pour 2022. En l'espace de presqu'une décennie, la vraie Maëlys a grandi. Et celle des livres ? Christine Pompéï répondait dans le journal 24 heures en 2016 : « J'avais envie qu'elle vieillisse, comme mes filles de 11 et 9 ans. Parce qu'elles demandent des livres plus épais, et que je veux me renouveler. Mais l'éditeur préfère garder cette tranche d'âge. » — Le nom de famille de l'auteure semble évoquer un mystère, lui aussi. Pompéi, n'est-ce pas la ville près de Naples dont la population a été pétrifiée par une éruption volcanique à l'époque romaine ? D'où lui vient ce nom ? Elle répond dans une autre interview à 24 heures en 2015 : « Je l'ai gardé de mon ex-mari, en pensant à mes filles. Dans un petit village de Corse, d'où il vient, il y a tout plein de familles Pompéï, sans doute arrivées jadis à la suite d'une éruption et surnommées ainsi. Les Pompéï. » 1
« "Les enquêtes de Maëlys", une série de romans pour enfants à succès », RTS, 27 juin 2017.
2
Cédric GARROFÉ, « Christine Pompéï : “Un enfant qui lit, c'est un adulte qui lira” », Le Temps, 4 mars 2021.a
3
« L'invitée du 5h-6h30 — Christine Pompéï, auteure des enquêtes de Maëlys et Lucien », RTS, 21 novembre 2018.
o © Raphaëlle Barbanègre / Éditions Auzou
22
Pop cultures
Marc Boutavant, l'âne bleu et le chien qui pue Marc Boutavant est le dessinateur des séries Ariol et Chien Pourri. Que sait-on de lui, et surtout d'eux ? — Ariol est un petit âne (un ânon, comme on dit). Il appartient à une espèce animale qui, malgré sa présence importante dans la vie quotidienne de l'humanité, apparaît peu dans les histoires qu'on se raconte 4 et n'a presque jamais le rôle principal dans une bande dessinée. Son prénom est emprunté au mot arioul (ou aghyoul), qui signifie « âne » en berbère, un groupe de langues parlées depuis l'Antiquité en Afrique du Nord. — Signe particulier : Ariol est bleu, contrairement à un âne ordinaire, qui est généralement gris. Pourquoi ? Pour deux raisons, que Marc Boutavant explique dans une interview donnée en mai 2021 à des enfants dans une médiathèque de Bois-Colombes, dans la banlieue de Paris 5. 1) À cause du ciel : « Quelquefois le gris, sous le ciel bleu, un peu comme la mer, apparaît comme bleu, surtout que les poils des ânes sont soyeux, donc ils reflètent la lumière du ciel. » 2) À cause des Schtroumpfs : « J'ai énormément décalqué les Schtroumpfs, c'est peut-être pour ça aussi qu'Ariol est bleu. En CE2-CM1 [l'équivalent français de la 5e et 6e primaire en Suisse], je faisais des fausses BD de Schtroumpfs. » — Autre signe particulier : Ariol porte des lunettes avec des verres gigantesques. Résultat : « Parfois les enfants croient que c'est un moustique. » Malgré cela, Marc Boutavant se déclare « content de ses lunettes ». Et « content », chez lui, ce n'est pas courant. « Les premiers épisodes sont vraiment dessinés avec les pieds. J'ai mis quelques années avant que je sois assez content de mon travail comme aujourd'hui. Sur la vingtaine d'années qu'on produit Ariol, je trouve que dans les dix dernières, je m'en sors pas mal », déclarait-il en 2021 dans une interview au magazine Zoo6 à propos de ses premiers dessins pour Ariol, qui sont aussi ses toutes premières BD. — Ariol a 9 ans, l'âge où chez les humain-e-s, paraît-il, « on commence à comprendre que la vie réelle prend le pas sur l'imaginaire » 7. Entre la première histoire, publiée en 1999 dans le magazine J'aime lire, et le dernier album en date, La chouette classe verte, paru en 2021, Ariol a toujours 9 ans. Comme l'explique l'auteur des textes, Emmanuel Guibert, au magazine Zoo, « La règle que je me suis donnée pour Ariol
depuis le début, c'est que depuis plus de 20 ans, il ne vit qu'une seule année, son année de CM1 [la 5e primaire, donc]. C'est une source inépuisable. Un an de la vie de quelqu'un, c'est une collection infinie d'histoires. » Emmanuel Guibert a donc pioché dans ses propres souvenirs de cet âge-là. Ce qui amène Marc Boutavant, quelque part, à vivre dans l'enfance de son coéquipier lorsqu'il dessine Ariol : « Par exemple, quand on dessinait les vacances d'Ariol et son ami Ramono, j'avais l'impression d'être en vacances avec Emmanuel chez ses grands-parents. Emmanuel a eu des grands-parents très aimants, et moi, n'ayant pas connu ce lien, j'ai eu beaucoup de mal à le dessiner. C'est son histoire d'enfance, moi, j'essaie de me glisser dedans », déclaret-il dans la même interview. D'ailleurs, « depuis 15 ans, Emmanuel m'appelle Ram pour Ramono, le copain d'Ariol, et moi, je l'appelle Ariol » . 4
Dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia, on trouve une « Liste d'ânes de fiction » qui en dénombre 24 de l'Antiquité à nos jours.
5
« FESTIVAL BD 2021 — Interview de Marc Boutavant », Marie de Bois-Colombes (chaîne YouTube), 5 mai 2021.
Rencontre
Sa 14.05/ 14h30
Rencontre avec Marc Boutavant Les rendez-vous « Délivre-moi tes secrets » → BM Cité / Le Multi ○ Dès 7 ans Durée : env. 2h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch
i © Marc Boutavant
23
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022
Marc Boutavant. Celui-ci, note Colas Gutman, apporte « une tendresse à laquelle je ne croyais pas trop au départ ! Moi, j'imaginais des dessins à la Reiser, un truc pas convenable pour des mômes. Et lui l'a rendu très mignon, très attachant, avec une patte vintage qui me plaît beaucoup. Moi qui n'aime pas particulièrement les chiens, je m'y suis attaché à travers son regard. Il en a fait un vrai livre pour enfants ». Le premier album sort en 2013, le 14e et dernier en date, intitulé Chien Pourri et le gourou Toutou, en 2021.
i © Marc Boutavant
— L'âge du public d'Ariol est plus varié que celui du personnage. Les albums sont destinés avant tout aux 6-10 ans. La série existe depuis 22 ans, ce qui signifie que les enfants qui l'ont lue à ses débuts ont commencé aujourd'hui à devenir parents… En l'espace d'une génération, le monde a changé, mais l'enfance un peu moins, explique Emmanuel Guibert au magazine Zoo. « Jusqu'à 10 ans, même si aujourd'hui les enfants ont accès à pleins de nouveaux objets, je trouve qu'ils continuent à vivre exactement comme tous les enfants des générations précédentes et suivantes. C'est-àdire qu'ils ont une façon de jouer, de se comporter, qui globalement reste identique. Je pense que ce sont surtout les adolescents qui ont beaucoup changé, et Ariol n'en est pas un. Je pense que les enfants d'aujourd'hui regardent Ariol comme un copain qu'ils peuvent rencontrer dans la cour de récré, c'était le cas aussi il y a 20 ans. » — Et Chien Pourri ? C'est un chien errant qui vit dans une poubelle, avec un copain chat qui s'appelle Chaplapla parce qu'il a été aplati autrefois par un camion. « Comme Chien Pourri, je suis un peu une serpillière : j'attrape les travers de la société. Je parle de misère, d'exclusion, du fait que les gens ne sont pas tendres avec les pauvres », explique l'auteur des textes, Colas Gutman, dans une interview au magazine Le Point en 2020 8. Comment fait-on des histoires drôles et tendres avec tout cela ? En demandant les dessins à 24
— Et Marc Boutavant, que sait-on de lui ? Il vit à Paris mais il est né en 1970 dans un village de la région de Dijon, en Bourgogne, où il a grandi. « J'habitais près d'une décharge où j'allais avec mes frères et dans laquelle je trouvais énormément de Journaux de Mickey. Dans le village d'à côté, il y avait un marché d'occasion où j'ai acheté beaucoup de bandes dessinées américaines, de super-héros », raconte-t-il dans une interview au site Comixtrip 9. Il fait partie d'un groupe de bédéistes appelé Atelier des Vosges (avec David B., Christophe Blain, Frédéric Boilet, Émile Bravo, Marjane Satrapi, Joann Sfar et Lewis Trondheim). 1,6 millions d'Ariol et 1 million de Chien Pourri ont été vendus jusqu'ici dans le monde. Ariol, Mouk (dont le héros est « vaguement un ours » ) et Chien Pourri ont été adaptées en séries pour la télévision. 6
Dimitry JAFFRÈS, « Emmanuel Guibert et Marc Boutavant, une complicité lancée il y a plus de 20 ans avec Ariol », Zoo, 24 et 25 février 2021.
7
Comme le signale Mélanie Chalandon, animatrice de l'émission Culture BD sur France Culture, dans « Ariol, vingt ans d'un héros de la bande dessinée jeunesse » (en ligne).
8
Sophie PUJAS, « Colas Gutman, l'irrévérencieux maître de Chien pourri : “Il faut dépasser les bornes” », Le Point, 14 octobre 2020.
9
Damien CANTEAU, « Marc Boutavant, rencontre avec le dessinateur de Ariol », Comixtrip, 17 février 2018.
Pop cultures
Magali Attiogbé, la foultitude en images Un bout de racine au Togo où elle a passé le début de son enfance, un autre en France où elle vit, la tête dans le monde foisonnant qui remplit ses pages, Magali Attiogbé est en lice pour le Prix P'tits Mômes 2022 avec son album Rouli, rouli, roulette, déroulant l'histoire d'un petit pois en cavale. Questions-réponses. En vous présentant sur votre site Web, vous dites que vous avez « les fesses entre deux chaises ». Est-ce une manière de dire que vous êtes un peu nulle part, dans l'espace vide au milieu, ou alors que vous vous sentez assise sur les deux à la fois ? « Plus jeune, je ressentais en moi une sorte d'appel à être soit d'un côté, soit de l'autre. Je n'arrivais pas à faire exister les deux mondes en même temps et j'ai mis du temps à voir qu'ils pouvaient se mélanger. Aujourd'hui, dans mes dessins j'ai une façon de représenter les choses en deux dimensions qui s'approche de certaines approches picturales que j'ai pu voir en Afrique, notamment au Bénin. En même temps, j'intègre une culture de l'illustration et de la gravure qui sont typiquement de tradition européenne, avec par exemple une façon de placer des motifs ou de travailler le noir sur des aplats de couleur. » Il y a beaucoup de monde dans vos cases, dans lesquelles on voit une humanité plus vaste et aux couleurs plus variées que dans la moyenne des albums pour enfants. « Comme je suis un peu un trait d'union, ma vie et mon regard sont forcément empreints des deux continents. Et dès qu'on dit qu'il y en a deux — j'ai envie de dire —, on intègre l'idée qu'il n'y en a pas qu'un seul, et du coup on ouvre à une foultitude… Chez moi, dans mes dessins, il y a cette propension irrésistible pour les foules de personnes, d'animaux ou d'objets. C'est ma manière de répertorier le monde et de faire tenir dans mes livres cette diversité infinie, toutes ces façons de vivre, d'être, de se comporter, de s'habiller. Je trouve fascinant que le monde soit aussi riche et j'ai donc souvent envie de tout représenter. Mais comme le livre a un cadre et un bord, je dois m'arrêter à la limite de la page… » … et du coup, on dirait que, ne pouvant déborder vers l'extérieur, vous le faites vers l'intérieur des cases. Au passage, on voit souvent des animaux et des humaine-s ensemble dans vos images, alors que souvent ces mondes sont plutôt séparés. « À la base, ce n'est pas un choix volontaire de ma part, je dirais même que c'est plutôt le contraire. Il m'arrive de réfléchir à des projets en me disant : soit tu
i © Magali Attiogbé
fais un livre avec des humains, soit avec des animaux, tu n'es pas obligée d'avoir les deux. Mais quand je me mets au travail, ce sont systématiquement les deux qui me viennent. Je finis donc par me dire que c'est bien de les mélanger, parce que notre monde est fait de tous les êtres vivants. Les insectes, les êtres humains, on a plus d'interactions qu'on ne croit. » Comment se fait votre connexion avec l'enfance, par des souvenirs ou par le contact avec les enfants d'aujourd'hui ? « J'ai côtoyé beaucoup d'enfants depuis toute jeune, parce que ma mère travaillait comme infirmière dans ce qu'on appelle en France “Protection maternelle et infantile” (PMI), des structures sociales qui accueillent des mamans et des enfants en bas âge. J'accompagnais régulièrement ma mère au travail et j'ai appris très tôt à reconnaître quel âge avait tel enfant ou tel bébé en regardant sa taille, sa tête, son comportement… Ensuite, ma formation dans une école d'art à Paris s'est axée sur l'édition jeunesse, mais mon parcours professionnel est parti d'abord dans une autre
Rencontre
Sa 11.06/ 10h30
Rencontre / atelier avec Magali Attiogbé Les rendez-vous « Délivre-moi tes secrets » → BM Cité / Le Multi ○ Dès 3 ans Durée : env. 1h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch
25
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022
direction, celle des illustrations pour des organismes de santé ou médico-sociaux. Mon premier travail dans le domaine jeunesse a été pour la marque de jouets Djeco. C'est à force de faire des jouets que j'ai commencé à avoir un univers propice à une connexion avec l'enfance qui a pu inspirer des éditeurs à me confier des projets. Car avant cela, lorsque des éditeurs jeunesse voyaient mon travail, ils trouvaient que ce n'était pas assez affectif, pas assez affectueux. Avec Djeco, j'ai donc appris à créer de la tendresse, à installer un univers plus stable, plus réconfortant. Il y a en effet des codes dans ce domaine, qui sont parfois un peu cliché, le bon dosage n'est pas toujours facile. Il m'arrive encore que des éditeurs me disent ”il faudrait peut-être reprendre ce visage, parce qu'il est un peu dur, pas assez gentil”… » On a en effet l’impression, lorsque vous dessinez les corps de vos personnages, qu’ils ne suivent pas seulement des codes typiques « album jeunesse », mais qu’ils traduisent également un regard plus objectif, plus observateur, qui est peutêtre celui que vous avez développé dans l’illustration santé… « On est, aussi, ce dont on est issue… Mes parents n'étaient pas dans un domaine artistique, mais dans celui de la santé, du social et de l'engagement politique, qui sont donc mes terreaux. Je n'ai pas choisi une profession politique, mais je crois qu'il y a une certaine sensibilité qui se manifeste dans mon travail. Parce que la représentation d'un corps, c'est politique aussi. Elle traduit des choix sur comment on voit le monde, les interactions entre les gens. L'illustration permet tout cela aussi. »
26
Pop cultures
Marie-Noëlle Horvath, la brodeuse d'ours Elle a un pied dans le dessin, un autre dans le tissu, mais c'est par un ours que tout a commencé. Questions-réponses. Entre le monde de l'illustration et celui du textile, peut-on dire que vous avez choisi de ne pas choisir ? « J'ai suivi une formation de dessin textile et j'ai commencé à travailler dans ce secteur, surtout dans ce qu'on appelle le Do it yourself ou “loisir créatif” : on crée par exemple un motif brodé pour un coussin ou un T-shirt et on donne les explications pour que les gens puissent le reproduire à la maison. J'ai fait des créations de ce type pour le magazine Marie Claire Idées, pour la maison DMC dans le fil à broder, pour l'entreprise Phildar dans le fil à tricoter… Mais à côté de cela, depuis toujours, j'avais cette envie de faire de l'illustration pour enfants. Un jour, une amie illustratrice m'a aidée à rassembler un portfolio, composé de dessins que j'avais réalisés pour l'essentiel sur ordinateur. J'ai trouvé des clients réguliers dans ce domaine, et je me suis embarquée dans une période de plusieurs années où j'ai travaillé de cette manière, en laissant complètement tomber le textile. Pour finir, j'en ai eu marre de ne créer que sur un écran, et j'ai eu besoin de revenir vers quelque chose de plus manuel. C'est ainsi que je me suis mise à faire de l'illustration textile. »
o © Magali Attiogbé i © Marie-Noëlle Horvath
Est-ce que les enfants — et les adultes — ont des réactions particulières face à vos illustrations textiles ? « Ce que les parents me racontent, c'est que les tout petits grattent les images de mes livres parce qu'ils ont l'impression de pouvoir toucher les matières. Il faut dire que, pour convertir mes illustrations textiles en planches d'albums, je travaille avec un photographe qui vient de la photo d'œuvres d'art. Il parvient très bien à rendre les matières, avec ce qu'il faut d'ombres et de volume, d'où cet effet tactile, en tout cas chez les tout jeunes. À l'école maternelle, donc chez les 3-4 ans, ils se rendent bien compte en revanche qu'il s'agit des pages en papier d'un livre. En ce qui concerne les adultes, lors de mes premiers essais pour Marie Claire Idées, il y avait eu un sujet sur le thème des ours. En réponse à cela, j'avais fait un échantillon pour trois coussins avec l'histoire de Boucles d'or, et il y avait donc un ours brodé sur mon dessin. À chaque fois que je montrais cet objet, les gens semblaient interpellés, et me disaient qu'il fallait en faire quelque chose. Même si j'ai mis du temps à revenir à ce type de création, c'est donc parti de là. »
Rencontre
Sa 11.06/ 10h30
Rencontre / atelier avec Marie Noëlle Horvath
Les rendez-vous « Délivre-moi tes secrets » → BM Cité / Le Tronc commun (2e) ○ Dès 3 ans Durée : env. 1h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch
En vous présentant sur votre site Web, vous évoquez des années d'enfance passées en Uruguay… « C'est toujours une partie de ma vie, car j'ai une double nationalité, et c'est une partie de mon enfance, car j'y ai habité de 6 à 12 ans. J'allais très souvent chez une tante qui avait un jardin dont le souvenir m'influence encore aujourd'hui… Ceci dit, je suis née à Annemasse, où je suis revenue vivre après l'Uruguay et où je vais régulièrement voir mes parents, d'abord depuis Lyon, où j'ai fait mes études, et depuis dix ans depuis Paris. Pour vous, je suis donc une voisine. » 27
Pop cultures
Spectacle
Sa 2, Di 3.04/ 15h
Fifi Brindacier, d'après Astrid Lindgren Spectacle avec le Théâtre de la Vallée → BM Cité / Le Multi ○ Dès 4 ans Durée : env. 1h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch
nota n°1
Dans la peau de Fifi Brindacier Fifi Brindacier ? « Elle a un appétit d'ogre, une force surhumaine, un coffre rempli de pièces d'or qu'elle aurait ramenées de ses voyages avec son père pirate. Elle est orpheline (même si on n'en parle pas trop) et l'assistance publique ne s'occupe pas d'elle, mais elle se gère, et en plus elle gère les autres », résume en rafale la comédienne Marie Schmitt lorsqu'on l'interroge sur l'héroïne dont elle adapte et incarne les aventures dans un spectacle accueilli aux BM. Figure pop (par sa capacité à migrer entre romans, BD, chansons et séries télé, et à devenir une référence dans l'imaginaire collectif global), figure féministe (voire féminispunk, selon l'écrivaine belge Christine Aventin 10), l'héroïne aux tresses rousses est aussi un-e des ces enfants qui peuplent les romans d'Astrid Lindgren « souvent seule-s, exposé-e-s à de nombreuses difficultés, qui, grâce à leur imagination, parviennent à surmonter une réalité difficile ». Deux questions à la comédienne qui lui donne corps, seule sur scène avec un « vrai faux cheval » . Parmi les différentes Fifi Brindacier possibles, laquelle incarnez-vous ?
i © Pim GMX / Flickr / CC
28
« J'avais envie avant tout de mettre en avant une facette de l'enfance, celle de l'autonomie, le fait que les enfants sont capables de plein de choses par ellesmêmes et par eux-mêmes. Le spectacle montre donc ce qu'on peut être en tant qu'enfant, sans s'adresser aux petites filles en particulier, mais je trouve très bien, en l'occurrence, que l'enfant qui incarne ces potentialités soit une fille. J'ai vu apparaître les relectures récentes de Fifi Brindacier après avoir créé ce spectacle en 2019, et je trouve que oui, elle est, entre autres choses, une belle figure du féminisme. C'est un person-
février – juin 2022
nage pas du tout genré, on sait que c'est une fille par son prénom, mais elle n'est pas habillée comme une petite fille, ses ami-e-s sont une fille et un garçon, elle fait des choses qu'on qualifierait traditionnellement de masculines. Ce en quoi, par ailleurs, je lui ressemble un peu, ayant grandi avec des frères à la campagne… » Comment réagit votre jeune public ? « La façon dont nous avons adapté et mis en scène le texte vise à entrer en lien, c'est vraiment interactif. La plupart du temps, je joue ce spectacle dans des médiathèques et bibliothèques plutôt que dans des salles de théâtre, du coup je suis très proche, parfois à un mètre du public. Pour moi, la possibilité que le déroulement du spectacle change tout à coup par l'action des enfants dans la salle est assez jubilatoire. Et puisque pour incarner ce personnage je fais des bêtises, il y en a régulièrement qui me crient dessus : “Mais non, arrête, il faut pas faire ça, on a pas le droit, c'est n'importe quoi ! ”… L'insolence de Fifi Brindacier, c'est aussi de la culture pop. » 10 Christine AVENTIN, FéminiSpunk. Le monde est notre terrain de jeu, Paris, Zones, 2021. Dans le catalogue des BM (livre numérique).
Pop cultures
Retrogaming, nostalgie de nos anciens futurs Jeux vidéo avec le Musée Bolo Nostalgie d'un passé simple : celui où quelques traits colorés (et parfois même pas) suffisaient pour jouer sur un écran.
Cette expérience, et celles des mondes multiples créés au cours des 50 dernières années par les jeux vidéo, peuvent être retrouvées aujourd'hui grâce au Musée Bolo (Musée suisse de l'informatique, de la culture numérique et du jeu vidéo), qui part en tournée sur le réseau des BM avec des jeux d'un autre siècle et des machines d'époque. Voici donc Pong (1972), Space Invaders (1978), Pac-Man (1980), Donkey Kong (1981), Tetris (1984). Voici encore Sonic 2 (1992), Mario Kart (1992), Mario Tennis (1995), Super Smash Bros. (1999). Et voici enfin BlupiMania (1994) avec son personnage Blupi, surgi dans l'univers de l'ordinateur Smaky, une machine aussi futuriste que méconnue, développée à Lausanne sur le campus de l'EPFL. Tout ceci, en parfait état de marche sur ses écrans vintage, n'est pas seulement visible, mais également jouable avec l'assistance des équipes du Musée. Deux de leurs membres, Cédric Gaudin et Varen Casoli, répondent à nos questions avant l'immersion. Quel est, d'après votre expérience, l'attrait des anciens jeux vidéo ? « La nostalgie, bien sûr, mais pas seulement. Pour présenter notre collection, il nous est arrivé de recréer des espaces qui ramènent le public en arrière dans le temps, avec meubles, rideaux, lumières, télévisions
d'époque. Ce qu'on observe dans ces mises en situation, c'est que les parents, et même les grands-parents, se mettent à évoquer leurs souvenirs de ces jeux dans leur enfance, mais aussi que les enfants embarquent très vite dans ces jeux à leur tour. Si on prend Pong — le seul jeu, sans doute, où les grands-parents arrivent à battre leurs petits-enfants —, la jouabilité est suffisamment bien conçue, malgré un graphisme basique avec deux lignes et un petit carré, pour que les enfants qui s'y essaient crochent à chaque fois. » Les jeux vidéo sont-ils pour vous des objets pop ? « Une des caractéristiques des produits culturels pop, c'est le fait que les personnages et les univers s'exportent d'un support à un autre dans le cadre de ce qu'on appelle des “franchises médiatiques”. Le jeu Tomb Raider (1996) devient des films, les super-héros des bandes dessinées deviennent des jeux, des films tels que Ghostbusters aussi… Un pas plus loin, on trouve des éléments de l'univers des jeux vidéo qui deviennent des icônes dans le design d'intérieur, comme Pac-Man ou comme le champignon magique de la série Super Mario. Lorsque des jeux deviennent ainsi de la décoration d'intérieur, on peut dire que, dans un sens, on a vraiment fini par vivre dedans… »
Jeux vidéo
Pop-chrono avec le Musée Bolo
Gaming à remonter le temps ○ Tout public Durée de jeu libre dans les horaires indiqués: → BM Minoteries Samedi 9 avril, 10h-13h30 → BM Pâquis Samedi 23 avril, 13h-17h → BM Jonction Samedi 30 avril, 13h30-17h30 → BM Cité / Espace le 4e Samedi 7 mai, 13h-16h30 → BM St Jean Samedi 14 mai, 13h-17h → BM Eaux-Vives Samedi 21 mai, 13h30-17h30 → BM Servette Samedi 28 mai, 13h-17h
29
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022
Autres événements Jeux vidéo
Je 24.2 / 19h
L’histoire du jeu vidéo, en jouant ! Avec Jim Zbinden et son musée
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public Durée : env. 2h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch Jeux vidéo
Sa 26.3 / 14h
De Pong à Fortnite : une saga pas si accidentelle L’histoire du jeu vidéo par Jim Zbinden
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public Durée : env. 2h ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch Du Genevois Jim Zbinden, on a longtemps connu le musée du skate, appelé aujourd'hui The Geneva Skateboard Museum et installé au 20, avenue Henri-Golay, à Châtelaine. Les BM l'invitent en tant que collectionneur de jeux vidéo, partageant quelques consoles et beaucoup d'anecdotes pendant une soirée (24 février) et proposant sa lecture de l'histoire vidéoludique (26 mars) : « Traversons le temps ensemble afin de parcourir les bouleversements que ce divertissement a connus, qu'ils soient sociologiques ou technologiques. Et amusons nous à comprendre pourquoi et comment tout ceci a changé ! »
Et en fait, qu'est-ce que le Musée Bolo ? « C'est une des plus grandes collections en Europe de matériel informatique, allant des ordinateurs scientifiques et personnels aux jeux vidéo. Il existe depuis 2001, il est géré par une fondation, Mémoires informatiques, et fonctionne grâce au travail bénévole de l'association Les Amis du Musée Bolo. Nous avons un lieu d'exposition mis à disposition par l'EPFL, où on peut voir environ 3% de notre collection, alors que le reste se trouve dans un dépôt à Lausanne. La quantité d'objets est difficile à évaluer de manière précise. Lors du dernier inventaire, il y a 4 ans, on comptait plus de 5'000 machines, dont 500 à 1'000 consoles de jeu, ainsi que 8'000 logiciels et jeux. Un nouvel inventaire est en cours. Quand on sera au bout, on va probablement avoir peur… 95% des pièces sont des dons, le reste vient d'échanges et de quelques achats. La politique d'acceptation de dons consiste à prendre d'abord tout ce qui est suisse. Nous avons les Smaky — l'ordina-
teur développé à l'EPFL en 1974, qui avait 15-20 ans d'avance sur ce qui se faisait en informatique dans le monde, mais qui est resté très local — et tous les autres ordinateurs romands, ainsi que quelques machines alémaniques, comme les Lilith, développés à l'École polytechnique fédérale de Zurich dès 1977. L'autre partie de la collection, ce sont les objets rares. Côté jeux, nous avons ainsi des plateformes comme la Fish Life de Sega : c'est une console Dreamcast qui, pour tenter d'écouler le stock de ce support qui ne se vendait pas bien, avait été transformée en aquarium virtuel pour les lobbies d'hôtels et les restaurants, peuplé de poissons auxquels on pouvait parler. »
30 i © Sei / Unsplash / CC
uVotre agenda à détacher
Agenda
Agenda
Exposition
Jusqu’au 20.2
Donne-moi la main, on va traverser la rue Exposition de Zeina Abirached → BM Cité / Le Multi ○ Dès 9 ans Exposition
Sa 5.2 / 11h
Lire et relire
Pour le plaisir de partager → BM Cité / Le Tronc commun ○ Dès 3 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Réminiscences genevoises, photos de Patrick Jaquet
Jusqu’au 31.12
Histoire(s) et imaginaires de nos rues → En ligne (hypercity.ch) et dans les rues ○ Adultes
Atelier
Sa 5.2 / 14h
Radioh ! avec Chloé Hofmann
Atelier de création de podcasts radiophoniques
▷ Inscription
jonction-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Sa 5.2 / 14h30
La Pop Culture peut-elle changer le monde ? Conférence de Richard Meteau
Février Me 2.2 / 10h
Lecture des 4 albums et vote → BM Pâquis ○ Dès 2 ans
▷ Inscription
paquis-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Me 2.2 / 15h30
Apprendre à coder avec les lapins crétins → BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Rencontre
Je 3.2 / 17h
Et toi tu lis quoi ?
Rendez-vous entre jeunes avec livres, grignotage et canapé → BM Saint-Jean ○ Dès 12 ans
Je 3.2 / 18h
L’heure du coup de coeur L’autre club littéraire → BM Servette ○ Adultes Exposition
Di 6.2 / 13h-17h
Exposition de jeux vidéo de 1980 à 2000 → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public Concours
Di 6.2 / 14h
Quiz musical « Pop cultures » avec Youri Ortelli
Des années 50 à aujourd’hui → BM Cité / Espace Musique ○ Dès 16 ans
Me 9.2 / 10h et 16h
Sa 5.2 / 10h-17h
Exposition de jeux vidéo de 1980 à 2000 → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
→ BM Jonction ○ Dès 2 ans jonction-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Di 13.2 / 15h
Petites histoires et découverte de saveurs libanaises → BM Cité / Le Multi ○ Dès 9 ans bmgeneve.agenda.ch
Me 9.2 / 11h
Lecture des 4 albums et vote → BM Minoteries ○ Dès 2 ans
▷ Inscription
minoteries-jeunes.bmu@ ville-ge.ch
Numérique
Me 9.2 / 15h30
→ BM Cité / Espace le 4e ○ 8-12 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Rencontre
Je 10.2 / 19h
Rencontre avec Ryoko Sekiguchi
De l’art de traduire des onomatopées arabes en japonais et autres plaisirs de l’existence → BM Cité / Le Multi ○ Adultes
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Pop’scope (jeunesse) avec Déborah et Frédéric Landenberg
Pop culture, dessins animés & cinéma → BM Cité / Le Multi ○ Dès 7 ans bmgeneve.agenda.ch
Partageons nos lectures → Espace de quartier EauxVives, 46 Rue de Montchoisy ○ Dès 16 ans
▷ Inscription
eauxvives.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Me 16.2 / 15h
Atelier Stop Motion
Dans le cadre de l’exposition de Zeina Abirached → BM Cité / Le Multi ○ Dès 9 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Me 16.2 / 15h
Aimer lire… ensemble Les albums d’Antoine Guilloppé
servette.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Je 17.2 / 10h
Lire avec bébé
Atelier d’écriture avec Anne Pitteloud
Di 6.2 / 14h30
Ma 15.2 / 10h30
Autour des livres
▷ Inscription
Di 6.2 / 14h30
→ BM Cité / Salle de conférence 2e ○ Adultes
Rencontre
→ BM Servette ○ Dès 4 ans
Mauvais Genre 1 / 7 : Le monde en noir
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
▷ Inscription
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Projection
▷ Inscription
Lecture
▷ Inscription
animations.bmu@ville-ge.ch
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Rencontre
bmgeneve.agenda.ch
▷ Inscription
▷ Inscription
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
Rencontre avec Charbel El Feghali
Avec Futurekids
▷ Inscription
Atelier
Atelier de sensibilisation aux données personnelles et à la recherche en ligne
Rencontre
Kodu : mon premier jeu vidéo 3D
→ BM Cité / Le Multi ○ Adultes
Exposition
Sa 12.2 / 14h
Google Detox
Prix P’tits mômes 2022
→ BM Jonction ○ Dès 9 ans
Conférence
Numérique
▷ Inscription
Lecture des 4 albums et vote
hypercity
Numérique
Pop culture, dessins animés & cinéma
Prix P’tits mômes 2022
→ BM Saint-Jean ○ Tout public
Lecture
Di 6.2 / 15h30
Pop’scope (adultes) avec Déborah et Frédéric Landenberg
bmgeneve.agenda.ch
170 ans d’histoire en une image
Hors-murs
Projection
→ BM Cité / Le Multi ○ Adultes
Jusqu’au 3.3
Prix P’tits mômes 2022
février-juin 2022
Lecture
Des pages de plaisir partagé Concours
Ve 11.2 / 18h30
Quiz Pop culture → BM Saint-Jean ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Rencontre
Sa 12.2 / 10h30
Délivre-moi tes secrets
Avec Christine Pompéï → BM Minoteries ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
minoteries-jeunes.bmu@ ville–ge.ch
→ BM Saint-Jean ○ 0-2 ans
▷ Inscription
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Me 17.2 / 15h
Atelier Stop Motion
Dans le cadre de l’exposition de Zeina Abirached → BM Cité / Le Multi ○ Dès 9 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Agenda
Exposition
Di 20.2 / 15h
Finissage en musique avec Bongo Joe Records
Expo Donne-moi la main, on va traverser la rue de Zeina Abirached → BM Cité / Le Multi ○ Dès 9 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
nota n°1 Atelier
Ve 25.2 / 17h
Pop’broderie
Atelier créatif de broderies → BM Jonction ○ Dès 10 ans
▷ Inscription
à l’accueil de la bibliothèque ou au 022 418 97 10
Numérique
Sa 26.2 / 11h
Les super-pouvoirs de ma carte de bibliothèque
Atelier
Atelier en mouvements et lumières autour de Surprise de Joseph Haydn → BM Cité / Le Multi ○ Dès 5 ans bmgeneve.agenda.ch
Ma 22.2 / 19h30
Mars Lecture
Me 2.3 / 10h
→ BM Minoteries ○ Adultes
▷ Inscription
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Jeux vidéo
Me 23.2 / 15h30
Populaires !
Une découverte jeu vidéo → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Ciné-conf
Je 24.2 / 18h30
Cinéma et pop cultures avec Abderrahmane Bekiekh La Grande Vadrouille : analyse du film de Gérard Oury (1966) → BM Minoteries ○ Adultes
▷ Inscription
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Sa 26.2 / 11h
Pop’scope (jeunesse) Pop culture, dessins animés & cinéma → BM Pâquis ○ Dès 7 ans pâquis.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Sa 26.2 / 14h
Le mystérieux objet de l’amour 1 / 7
Atelier roman-photo avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger → BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
Radioh ! avec Chloé Hofmann
Atelier de création de podcasts radiophoniques
Sa 26.2 / 15h
De fil en histoires
Je 24.2 / 19h
L’histoire du jeu vidéo, en jouant ! Avec Jim Zbinden et son musée
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
▷ Inscription
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Sa 26.2 / 17h15
Film de Danny Boyle (2019)
saintjean.bmu@ville-ge.ch
bmgeneve.agenda.ch
→ BM Servette ○ Dès 12 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
servette.bmu@ville-ge.ch
Projection
Sa 26.2 / 17h
Pop’scope (adultes)
Pop culture, dessins animés & cinéma → BM Pâquis ○ Adultes
▷ Inscription
Me 2.3 / 15h
Just Dance !
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
▷ Inscription
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Je 3.3 / 10h
Prix P’tits mômes 2022
Lecture des 4 albums et vote → BM Cité ○ Dès 2 ans
Rencontre
Mon ami Kurt avec Jerrycan
Présentation ludique et chantée de Kurt Weill → BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 6 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Queeraoké
Karaoké avec Amal Alpha → BM Cité / Le Multi ○ Adultes
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Atelier
Di 6.3 / 14h
Réécriture de chansons féministes avec Amal Alpha → BM Cité / Le Multi ○ Dès 16 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Lecture
Ve 11.3 / 10h
Lire avec bébé
Des pages de plaisir partagé Je 3.3 / 18h
L’heure du coup de coeur L’autre club littéraire → BM Servette ○ Adultes servette.bmu@ville-ge.ch
→ BM Cité / Le Tronc commun ○ 0-2 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Jeux vidéo
Sa 12.3 / 14h
De Fortnite à Zelda : quand les jeux vidéo donnent le rythme ! Musiques vidéoludiques → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Le dîner de cons : analyse du film de Francis Veber (1998) → BM Minoteries ○ Adultes
▷ Inscription
minoteries.bmu@ ville-ge.ch
Atelier
Je 17.3 / 18h30
Mauvais Genre 2 / 7 : Esprit, es-tu là ? Atelier d’écriture avec Anne Pitteloud → BM Servette ○ Adultes
Projection
Sa 19.3 / 16h
Pop’scope (jeunesse) Pop culture, dessins animés & cinéma Rencontre
Ma 15.3 / 10h30
eauxvives.bmu@ville-ge.ch
Sa 5.3 / 17h
Je 17.3 / 18h30
Cinéma et pop cultures avec Abderrahmane Bekiekh
animations.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
Spectacle
Ciné-conf
▷ Inscription
→ Hors-Murs / Espace de quartier Eaux-Vives, 46 Rue de Montchoisy ○ Dès 16 ans
Ah zut, c’est ça les paroles?
→ BM MInoteries ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
▷ Inscription
pâquis.bmu@ville-ge.ch
32
→ BM Cité / Espace le 4 ○ Dès 8 ans
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Yesterday
▷ Inscription
e
▷ Inscription
→ BM Saint-Jean ○ Dès 5 ans
Projection
→ BM Saint-Jean ○ Dès 16 ans
Jeux vidéo
Balade de conte en conte
Di 13.3 / 14h
→ BM Cité / Le Multi ○ Adultes
Me 2.3 / 14h30
Comment créer des personnages attachants
Lecture
Performance
Rencontre avec Jennifer Padjemi
Kawaii Chara-Design avec Luan Banzai
Atelier
Sa 26.2 / 14h
▷ Inscription
Partageons nos lectures
Jeux vidéo aux Minoteries
animations.bmu@ville-ge.ch
→ BM Saint-Jean ○ Dès 8 ans
Autour des livres
Jeux vidéo
Contes
Conférence de Camille Baurin
Atelier
Atelier grainothèque avec Les Défricheuses
Sa 5.3 / 15h
→ BM Saint-Jean ○ Dès 2 ans
▷ Inscription
jonction-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Super-héros ! Toute une histoire
Lecture des 4 albums et vote
Sa 12.3 / 15h et 16h15
Fais pousser ta graine !
Féminismes & pop culture
saintjean.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
▷ Inscription
Je 24.2 / 19h
Me 2.3 / 10h30
Prix P’tits mômes 2022
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
→ BM Jonction ○ Dès 9 ans
Conférence
→ BM Cité / Le Tronc commun ○ Dès 3 ans
Rencontre
Lecture Projection
Pour le plaisir de partager
→ BM Pâquis ○ 0-2 ans pâquis-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Sa 5.3 / 11h
Lire et relire
Lire avec bébé
Atelier
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Lecture
▷ Inscription
▷ Inscription
Les coups de cœur des BM
Pop culture, dessins animés & cinéma
▷ Inscription
Des pages de plaisir partagé
28e sélection Lettres frontière
Ve 4.3 / 16h45
Pop’scope (jeunesse) avec Déborah et Frédéric Landenberg
jonction-jeunes.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
Rencontre
Projection
→ BM Jonction ○ Dès 7 ans
▷ Inscription
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes bmgeneve.agenda.ch
Di 27.2 / 14h et 15h
La symphonie en lumière
février – juin 2022
Conférence
Ma 15.3 / 18h30
Godzilla, icône pop
→ BM Servette ○ Dès 7 ans
▷ Inscription
servette-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Projection
Sa 19.3 / 17h30
Pop’scope (adultes)
Pop culture, dessins animés & cinéma → BM Servette ○ Adultes
▷ Inscription
servette.bmu@ville-ge.ch
Conférence de David Javet → BM Saint-Jean ○ Dès 16 ans
▷ Inscription
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Me 16.3 / 10h30
Prix P’tits mômes 2022
Lecture
→ BM Servette ○ Dès 2 ans
Prix P’tits mômes 2022
Lecture des 4 albums et vote
Lecture des 4 albums et vote
▷ Inscription
servette-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Jeux vidéo
Me 16.3 / 15h
Des supers-hérosïnes aux choix multiples !
Création d’un jeu vidéo narratif avec Marion Bareil → BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Atelier
Di 20.3 / 15h
Je 17.3 / 17h30
→ BM Cité ○ Dès 2 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Me 23.3 / 15h
Feuille caillou… ! Lecture d’albums → BM Servette ○ Dès 4 ans
▷ Inscription
servette-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Je 24.3 / 10h
Radioh ! avec Chloé Hofmann
Lire avec bébé
→ BM Saint-Jean ○ Dès 9 ans
▷ Inscription
Atelier de création de podcasts radiophoniques
▷ Inscription
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Des pages de plaisir partagé → BM Saint-Jean ○ 0-2 ans saintjean.bmu@ville-ge.ch
Agenda
Jeux vidéo
Je 24.3 / 19h
L’histoire du jeu vidéo, en jouant !
Avec Jim Zbinden et son musée → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Rencontre
Me 30.3 / 19h
→ BM Jonction ○ Adultes
Êtes-vous plutôt Shōjo ou Shōnen ?
▷ Inscription
Atelier
→ BM Saint-Jean ○ Dès 9 ans
▷ Inscription
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Pop’broderie
Atelier créatif de broderies → BM Jonction ○ Dès 10 ans
▷ Inscription
à l’accueil de la bibliothèque ou au 022 418 97 10
Numérique
Sa 26.3 / 11h
Les supers-pouvoirs de ma carte de bibliothèque
Conférence
Une invisibilité choisie. Les luttes de visibilité dans les mouvements sociaux contemporains
Conférence de Maxime Boidy → BM Cité / Le Multi ○ Adultes
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
Avril
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Jeux vidéo
Sa 26.3 / 14h
De Pong à Fortnite : une saga pas si accidentelle
L’histoire du jeu vidéo par Jim Zbinden → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Atelier
Sa 26.3 / 14h
Radioh ! avec Chloé Hofmann
Atelier de création de podcasts radiophoniques → BM Servette ○ Dès 9 ans servette.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Di 27.3 / 14h30
Auto-Tune, la voix d’aujourd’hui
Atelier musique avec Alain Frey → BM Cité / Le Multi ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Jeux vidéo
Me 30.3 / 15h30
Stratégie(s)
Une découverte jeu vidéo → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
Projection
bmgeneve.agenda.ch
Sa 1.4 / 18h
Pop’scope (adultes)
Pop culture, dessins animés & cinéma → BM Jonction ○ Adultes
▷ Inscription
jonction.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Sa 2.4 / 14h
Radioh ! avec Chloé Hofmann
Atelier de création de podcasts radiophoniques → BM Servette ○ Dès 9 ans servette.bmu@ville-ge.ch
Spectacle
Sa 2.4 / 15h
Fifi Brindacier, d’après Astrid Lindgren Avec le Théâtre de la Vallée → BM Cité / Le Multi ○ Dès 4 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Spectacle
Di 3.4 / 15h
Fifi Brindacier, d’après Astrid Lindgren Avec le Théâtre de la Vallée → BM Cité / Le Multi ○ Dès 4 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Lecture
Me 6.4 / 10h
Lire avec bébé
Des pages de plaisir partagé → BM Pâquis ○ 0-2 ans
▷ Inscription
pâquis-jeunes.bmu@ville-ge.ch
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
L’autre club littéraire
servette.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Je 7.4 / 18h30
Mauvais Genre 3 / 7 : Hémoglobine et humour noir Atelier d’écriture avec Anne Pitteloud
Jeux vidéo
Me 6.4 / 15h
Jeux vidéo aux Minoteries
Me 13.4 / 15h30
Danser entre les lignes → BM Saint-Jean ○ Dès 7 ans
Atelier
→ BM Cité / Le Tronc commun ○ 0-2 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Sa 9.4 / 10h-13h30
Pop-chrono avec le Musée Bolo → BM Minoteries ○ Tout public
Sa 9.4 / 11h
→ BM Eaux-Vives ○ Dès 12 ans
Bande dessinée du futur → BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
▷ Inscription
eauxvives.bmu@ville-ge.ch
→ BM Cité / Espace le 4e et hors-murs ○ Tout public Rencontre
Ma 19.4 / 10h30
Autour des livres
Partageons nos lectures → Hors-Murs / Espace de quartier Eaux-Vives, 46 Rue de Montchoisy ○ Dès 16 ans
▷ Inscription
Atelier
Me 20.4 / 10h
Projet Zéro avec Xavier Bouyssou Bande dessinée du futur e
→ BM Cité / Espace le 4 ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Je 21.4 / 10h
Projet Zéro avec Xavier Bouyssou
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Lecture
Je 21.4 / 10h
Lire avec bébé Japop’ avec Mathieu Rocher Tout sur la popculture japonaise ! → BM Servette ○ Dès 10 ans
▷ Inscription
servette.bmu@ville-ge.ch
Di 24.4 / 14h30
El Niágara en Bicicleta, con permiso queridísimo Juan Luis
Bande dessinée du futur
Sa 9.4 / 14h30
Musique
Balade à vélo en musique avec Arturo Corrales
Atelier
Me 6.4 / 15h30
bmgeneve.agenda.ch
▷ Inscription
Ma 19.4 / 10h
eauxvives.bmu@ville-ge.ch
minoteries.bmu@ville-ge.ch
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 8 ans
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
Projet Zéro avec Xavier Bouyssou
Des pages de plaisir partagé
▷ Inscription
Atelier jeu vidéo avec Marion Bareil
Sa 23.4 / 14h
Plates-formes
bmgeneve.agenda.ch
Lire avec bébé
Rencontre
Jeux vidéo
▷ Inscription
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Dès 8 ans
Création d’un jeu d’arcade
Gaming à remonter le temps
Une découverte jeu vidéo
Avec le Groupe Jeunes Danseurs du Projet H107
Ve 8.4 / 10h
→ BM Minoteries ○ Dès 8 ans
▷ Inscription
▷ Inscription
→ BM Pâquis ○ Tout public
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
animations.bmu@ville-ge.ch
Nintendo Labo
Jeux vidéo
Découverte jeux vidéo
▷ Inscription
Jeux vidéo
Sa 23.4 / 13h-17h
Pop-chrono avec le Musée Bolo
→ BM Jonction ○ Adultes
Lecture
Jeux vidéo
saintjean.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
Improvisation théâtrale autour des cultures pop
▷ Inscription
→ BM Cité / Espace Musique ○ Dès 16 ans
L’heure du coup de coeur
PopImpro avec Les Troubadours du Chaos
→ BM Cité / Le Tronc commun ○ Dès 3 ans
Années 50 et 60
Je 7.4 / 18h
Spectacle
Pour le plaisir de partager
Quiz musical « Pop cultures » avec Youri Ortelli
Rencontre
Gaming à remonter le temps
Sa 2.4 / 11h
Sa 2.4 / 14h
saintjean.bmu@ville-ge.ch
→ BM Servette ○ Adultes
▷ Inscription
Lire et relire
Concours
▷ Inscription
Je 31.3 / 18h30
Atelier
Di 10.4 / 14h
À deux, c’est mieux ?
Performance
▷ Inscription
Je 31.3 / 17h30
Jeux vidéo
bmgeneve.agenda.ch
→ BM Saint-Jean ○ Dès 10 ans
jonction.bmu@ville-ge.ch
Atelier de création de podcasts radiophoniques
Ve 25.3 / 17h
Me 6.4 / 17h
Rencontre autour des mangas avec Mathieu Rocher
Rencontre avec Philippe Battaglia et Olive
Radioh ! avec Chloé Hofmann
Atelier
Rencontre
Gore des Alpes
Des pages de plaisir partagé → BM Saint-Jean ○ 0-2 ans
Atelier
Me 27.4 / 15h
Super z’animos !
Atelier de linogravure avec Justine Garnier → BM Minoteries ○ Dès 7 ans
▷ Inscription
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Lecture
Me 27.4 / 15h
Ensemble
→ BM Servette ○ Dès 4 ans
▷ Inscription
servette.bmu@ville-ge.ch
Jeux vidéo
Me 27.4 / 15h30
Plates-formes
Une découverte jeu vidéo → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Rencontre
Je 28.4 / 17h
Et toi tu lis quoi ?
Rendez-vous entre jeunes avec livres, grignotage et canapé → BM Saint-Jean ○ Dès 12 ans saintjean.bmu@ville-ge.ch
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Sa 23.4 / 11h
Les supers-pouvoirs de ma carte de bibliothèque → BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
▷ Inscription
▷ Inscription
Numérique
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Agenda
Ciné-conf
Je 28.4 / 18h30
Cinéma et pop cultures avec Abderrahmane Bekiekh Astérix et Obélix, Mission Cléopâtre : analyse du film d’Alain Chabat (2002)
nota n°1 Jeux vidéo
Me 4.5 / 15h
→ BM Minoteries ○ Dès 8 ans
→ BM Saint-Jean ○ Tout public
Star Wars
▷ Inscription
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Je 28.4 / 19h
Sa 14.5 / 14h30
→ BM Cité / Le Multi ○ Dès 7 ans
San Antonio, héros de la pop culture
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Conférence d’Eric Bouhier autour de son Dictionnaire amoureux de San Antonio → BM Cité / Le Multi ○ Adultes
Inscription bmgeneve.agenda.ch
Ve 29.4 / 17h
Pop’broderie
Atelier créatif de broderies → BM Jonction ○ Dès 10 ans
Conférence
Me 4.5 / 18h30
La galaxie Star Wars: recyclage et expansion Conférence de David Boillat → BM Jonction ○ Dès 12 ans
▷ Inscription
à l’accueil de la bibliothèque ou au 022 418 97 10
Jeux vidéo Sa 30.4 / dès 13h30
Pop-chrono avec le Musée Bolo
Gaming à remonter le temps → BM Jonction ○ Tout public
à l’accueil de la bibliothèque ou au 022 418 97 10
Je 5.5 / 18h
L’heure du coup de coeur L’autre club littéraire → BM Servette ○ Adultes servette.bmu@ville-ge.ch
Sa 7.5 / 11h
Lire et relire Sa 30.4 / 14h
Le mystérieux objet de l’amour 2 / 7
Atelier roman-photo avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger → BM Saint-Jean ○ Adultes
▷ Inscription
animations.bmu@ville-ge.ch
Mai Lecture
Me 4.5 / 10h
Lire avec bébé
Des pages de plaisir partagé → BM Pâquis ○ 0-2 ans
▷ Inscription
pâquis-jeunes.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Me 4.5 / 15h
Dans la galaxie Star Wars Atelier créatif
→ BM Jonction ○ Dès 10 ans
Pour le plaisir de partager → BM Cité / Le Tronc commun ○ Dès 3 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Jeux vidéo
Partageons nos lectures → Hors-Murs / Espace de quartier Eaux-Vives, 46 Rue de Montchoisy ○ Dès 16 ans eauxvives.bmu@ville-ge.ch
Me 18.5 / 11h
Journée de la lecture à voix haute
Le moulin à histoires aux Minoteries → BM Minoteries ○ Dès 3 ans
Lecture
saintjean.bmu@ville-ge.ch
Je 19.5 / 18h30
Cinéma et pop cultures avec Abderrahmane Bekiekh
OSS 117 - Le Caire, nid d’espions : analyse du film de Michel Hazanavicius (2006) → BM Minoteries ○ Adultes minoteries.bmu@ville-ge.ch
Événement
Sa 21.5 / 10h-18h
Pop Fest : jeu de piste, retrogaming, fanfare, atelier dada… Réouverture festive de la bibliothèque → BM Eaux-Vives ○ Dès 1 an
▷ Inscription
Quiz musical « Pop cultures » avec Youri Ortelli Années 70 et 80
→ BM Cité / Espace Musique ○ Dès 16 ans
Me 18.5 / 16h15
Le petit rendez-vous et le livre Découvrir l’art au MAMCO au fil d’albums
▷ Inscription
Lecture
Lecture
Me 11.5 / 15h
Je lis, tu lis, il-elle lit : NOUS aimons lire Lecture d’albums → BM Servette ○ Dès 4 ans
Me 18.5 / 18h
Journée de la lecture à voix haute
Le moulin à histoires aux Minoteries (adultes) → BM Minoteries ○ Adultes
Ve 13.5 / 10h
▷ Inscription
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Ve 27.5 / 17h
Atelier créatif de broderies → BM Jonction ○ Dès 10 ans
▷ Inscription
à l’accueil de la bibliothèque ou au 022 418 97 10
Jeux vidéo
Sa 28.5 / 13h-17h
Atelier de sensibilisation aux données personnelles sur son smartphone → BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Atelier
Sa 21.5 / 14h
Le mystérieux objet de l’amour 3 / 7
→ BM Servette ○ Adultes
▷ Inscription
animations.bmu@ville-ge.ch
Ve 10.6 / 15h
Prix P’tits mômes 2022
Remise du prix, en présence de l’auteur-e primé-e → BM Cité ○ Dès 2 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Rencontre
Sa 11.6 / 10h30
Délivre-moi tes secrets
→ BM Servette ○ Tout public
→ BM Cité / Le Tronc commun ○ Dès 3 ans
Musique
Sa 28.5 / 16h
Sa 28.5 / 16h
Sa 4.6 / 11h
Lire et relire
Pour le plaisir de partager → BM Cité / Le Tronc commun ○ Dès 3 ans
▷ Inscription
cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
Ma 7.6 / 10h30
Autour des livres
Partageons nos lectures → Hors-Murs / Espace de quartier Eaux-Vives, 46 Rue de Montchoisy ○ Dès 16 ans
▷ Inscription
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Prix P’tits mômes 2022 — Le spectacle Avec Laure Isabelle Blanchet et Olivier Carrel → BM Cité / Le Multi ○ Dès 2 ans
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Numérique
Sa 18.6 / 11h
Les supers-pouvoirs de ma carte de bibliothèque
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
Juin
Rencontre
Avec Marie Noëlle Horvath
Spectacle Sa 11.6 / 14h30/15h30
Lancement en ligne et dans les rues
Lecture Sa 21.5 / 14h
Événement
Pop-chrono avec le Musée Bolo
Gaming à remonter le temps
→ BM Cité / Le Tronc commun ○ 0-2 ans cite-mediation.bmu@ville-ge.ch
animations.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Pop-chrono avec le Musée Bolo
Des pages de plaisir partagé
▷ Inscription
▷ Inscription
Sa 21.5 / dès 13h30
Un espion dans ma poche
servette.bmu@ville-ge.ch
→ BM Eaux-Vives ○ Adultes
→ hors-murs ○ Adultes
Numérique
▷ Inscription
Atelier d’écriture avec Anne Pitteloud
▷ Inscription
→ BM Eaux-Vives ○ Tout public
L’autre club littéraire
Mauvais Genre 4 / 7 : Ma plus belle histoire d’amour
Sampling the World – Genève avec Arthur Henry
Atelier roman-photo avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger
Lire avec bébé
Me 25.5 / 18h30
Les supers-pouvoirs de ma carte de bibliothèque
Jeux vidéo
→ BM Jonction ○ Dès 5 ans (accompagnés)
bmgeneve.agenda.ch
Sa 21.5 / 11h
bmgeneve.agenda.ch
Hors-murs
Atelier
→ hors-murs ○ Adultes
→ BM Cité / Espace le 4 ○ Adultes
Sa 7.5 / 14h
→ BM Servette ○ Adultes
Lancement en ligne et dans les rues
e
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
→ BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
Hypercity – Genève Pop
Numérique
Je 9.6 / 18h
Une découverte jeux vidéo
Musique
Le moulin à histoires aux Minoteries (dès 6 ans)
Rencontre
L’heure du coup de coeur
Gaming à remonter le temps
▷ Inscription
Me 18.5 / 15h
→ BM Minoteries ○ Dès 6 ans
Me 25.5 / 15h30
Explorez la nature !
Pop’broderie
▷ Inscription
Journée de la lecture à voix haute
Gaming à remonter le temps
Lecture
▷ Inscription
Ciné-conf
Jeux vidéo
bmgeneve.agenda.ch
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Pop-chrono avec le Musée Bolo
Concours
Rendez-vous entre jeunes avec livres, grignotage et canapé
eauxvives.bmu@ville-ge.ch
Sa 7.5 / 13h-16h30
servette-jeunes.bmu@ville-ge.ch
à l’accueil de la bibliothèque ou au 022 418 97 10
Autour des livres
minoteries.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
▷ Inscription
Ma 17.5 / 10h30
Lecture
Je 19.5 / 17h
Et toi tu lis quoi ?
▷ Inscription
▷ Inscription
Lecture
Rencontre
▷ Inscription
▷ Inscription
Rencontre
Atelier
Rencontre
Rencontre
→ BM Saint-Jean ○ Dès 12 ans
Rencontre avec Marc Boutavant
minoteries.bmu@ville-ge.ch
Atelier
Gaming à remonter le temps
Délivre-moi tes secrets
▷ Inscription
▷
Sa 14.5 / 13h-17h
Pop-chrono avec le Musée Bolo
→ BM Minoteries ○ Adultes
Conférence
Jeux vidéo
Jeux vidéo aux Minoteries
février – juin 2022
eauxvives.bmu@ville-ge.ch
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Numérique
Sa 18.6 / 14h
Des applications pour accompagner vos randonnées → BM Cité / Espace le 4e ○ Adultes
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
Atelier
Sa 18.6 / 14h
Le mystérieux objet de l’amour 4 / 7
Atelier roman-photo avec Dorothée Thébert et Filippo Filliger → BM Minoteries ○ Adultes
▷ Inscription
animations.bmu@ville-ge.ch
Jeux vidéo
Me 29.6 / 15h30
Créations
Une découverte jeu vidéo → BM Cité / Espace le 4e ○ Tout public
▷ Inscription
bmgeneve.agenda.ch
34
Pop cultures
Deux siècles de pop musique On dit « pop », on pense d'abord à des chansons. C'est peut-être par là que tout a commencé…
Comment Kurt Weill est devenu mon ami — Performance ludique avec Jerrycan Qui y a-t-il de commun entre la pop, le jazz et la musique classique ? Facile : c'est Kurt Weill. Compositeur d'opéras et de comédies musicales entre les années 1920 et 1940, créateur de chansons devenues des standards du jazz (Mack the Knife, September Song, Speak Low, déclinées en 500 versions chacune selon le site SecondHandSongs), cet artiste allemand, qui devient américain après avoir quitté son pays sous le pouvoir nazi, s'est approprié les musiques populaires de son époque (chansons de rue, cabaret, musichall) avant d'être approprié à son tour par la culture pop dès son décès en 1950. À la longue liste d'artistes qui lui ont repris des chansons (les Doors, Nina Simone, Lou Reed, PJ Harvey, Sting, Milva…) et qui ont parfois consacré des albums entiers à Kurt Weill (David Bowie, Marianne Faithfull, les Young Gods), vient s'ajouter aujourd'hui le Genevois Jerrycan, alias Christophe Balleys, qui choisit, lui, de plonger dans ce répertoire pour en révéler la joie. Artiste optimiste et musicien hors-piste — il a joué suspendu à des arbres ou déguisé en fusée —, remarqué dernièrement avec le spectacle La Barbe qui explore les joies de la paternité, Jerrycan relève le défi de présenter simultanément « son ami Kurt » aux adultes et aux enfants.
u photomontage © Christophe Balleys
Mon ami Kurt, c'est le titre de votre spectacle. S'agit-il d'un ami de longue date ou d'un nouvel ami ? « Un nouvel ami. En novembre 2021, dans une période pandémique a priori peu propice à faire des connaissances, j'ai rencontré Kurt Weill et je m'en suis fait un ami. Malgré nos 77 ans de différence, j'ai trouvé chez lui une chaleur, une manière de naviguer entre musiques savantes et populaires sans snobisme, sans retenue, sans cloisonnements… qui m'ont fait ressentir une grande proximité. Avec ses chansons, j'arrive très vite à ressentir le même plaisir et la même familiarité que si je les avais écrites moi-même. En cela, sa musique incarne un trait typique des pop cultures : il n'y a pas d'obstacle, tout le monde peut se les approprier. » Quelques exemples de morceaux que vous reprenez ? « Speak Low, dont j'adore la manière de jouer avec les mots (“Speak low when you speak love”, que je traduis par “Parle doucement quand tu parles de sentiment”…) et dont j'ai cherché à reproduire les harmonies jazz de façon brute, avec un résultat qui sonne très pop. September Song, où j'ai eu envie de m'amuser avec l'Auto-Tune en créant ma version à partir de celle de Pascal Comelade et Robert Wyatt, qui a une énorme force émotionnelle avec ses accords de blues. Ou Le
Atelier
13.3 /14h
Mon ami Kurt avec Jerrycan
Présentation ludique et chantée de Kurt Weill → BM Cité / Espace le 4e Dimanche 13 mars à 14h ○ Tout public dès 6 ans Durée : env. 40 min ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch
35
Pop cultures
nota n°1
On dit « pop », on pense d'abord à des chansons. C'est peut-être par là que tout a commencé…
Grand Lustucru, sur laquelle je suis tombé en cherchant à savoir si Kurt Weill avait composé des chansons pour enfants. À l'origine, ce morceau a été créé à partir d'une chanson folklorique bretonne autour d'une figure qui vient vous manger si vous ne dormez pas. J'ai évité pour ma part d'entrer dans cet aspect menaçant et je reprends la chanson sur un mode ludique et léger, au ukulélé, en la rebaptisant justement Lustukulélé… À ce propos, à part pour ce morceau et Je ne t'aime pas, composés par Kurt Weill à partir de textes en français, j'ai traduit moi-même les paroles à ma façon, pour me les approprier en français d'une manière aussi naturelle et sincère que possible. » Comment allez-vous partager « votre ami Kurt » ? « J'ai abordé cette performance/présentation avec l'objectif d'interagir avec le public, de découvrir ensemble les liens insoupçonnés que nous avons toutes et tous avec Kurt Weill et de m'adresser aussi bien aux adultes qu'aux enfants. Pour le jeune public, ma proposition est “chante avec Kurt, joue avec Kurt, dessine avec Kurt”… Il s'agit de ne surtout pas assimiler ce rendez-vous à un “moment chut ! ”, mais à un espace de liberté. »
Vidéo/hors-murs
Dès le Sa 28.5 / 16h
Sampling the World – Genève avec Arthur Henry
→ Dans l’espace urbain et sur les canaux numériques des BM Lancement : samedi 28 mai 2022 à 16h, plus d’informations sur catalogue-bm.geneve.ch/nota
36
L'échantillonneur du monde débarque à Genève — Création musicale et vidéo d'Arthur Henry La première fois où on tombe sur une vidéo d'Arthur Henry, ça ne s'oublie pas. Pour nous, c'était Sounds of Lausanne, deuxième épisode d'une série dans laquelle le musicien et vidéaste fabrique des chansons avec des sons qui lui sont donnés dans des villes du monde : La Chaux-de-Fonds, Bâle, Berlin, Kiev, Rome, Istanbul, et désormais Genève, fin mai 2022. Chaque personne — musicienne ou pas, contactée à l'avance ou embarquée alors qu'elle passait par là — a carte blanche pour livrer ce qui lui chante. Arthur s'en empare et, par la magie du montage, le résultat n'est pas une cacophonie mais un morceau pop, entraînant et atmosphérique, doté de la résonance puissante des créations qui semblent unifier les gens et le monde, tout en laissant à chaque contribution individuelle sa saveur et son identité. Appelé Sounds of, puis Sampling the World, ( « Échantillonner le monde » ), ce projet à la fois global et local, conceptuel et émotionnel, a noué un partenariat avec les BM pour se doter d'un volet genevois.
février – juin 2022
Avant tout cela, vous étiez connu comme un virtuose du beatbox. Y a-t-il un lien entre ce background et le projet Sounds of Sampling the World ? « J'ai commencé à faire des bruits avec ma bouche sans savoir que c'était du beatbox, c'est-à-dire qu'il y avait toute une technique et tout un art consistant justement à faire des rythmes et à imiter des instruments avec sa bouche. Malgré le fait que j'avais toujours eu des ami-e-s musicien-ne-s, que mes parents le sont aussi et que la musique avait été présente tout au long de ma vie, l'idée de jouer d'un instrument ou de chanter ne m'avait jamais effleuré. Il fallait que j'arrive là-dedans à ma façon, par une autre voie. Après la découverte du beatbox, il y a eu celle de la loop station, une machine qui permet d'enregistrer des sons, de les mettre en boucle et de les superposer en plusieurs couches. Avec cet appareil, j'ai pu commencer à créer des morceaux entiers à partir de ma voix et de quelques effets, ce qui a confirmé mon amour pour les sons organiques et suscité une nouvelle passion : triturer ces sons et les transformer en musique électronique. Depuis 8 ans, c'est ainsi que je vis de la musique, en faisant du beatbox et en utilisant ma loop station. Au fil du temps, j'ai commencé à avoir envie d'autres sons, qui ne viendraient pas de moi-même mais que je trouverais autour de moi. Ensuite, le Covid a joué un rôle important. J'avais tout un programme prévu pour mars 2020, que j'ai dû abandonner. Ne pouvant pas sortir, j'ai demandé à mes ami-e-s Facebook de m'envoyer des sons filmés avec leur téléphone. Comme les gens s'ennuyaient, j'en ai reçu beaucoup, et c'est là que j'ai eu un déclic : j'ai réalisé que j'avais envie de créer de la musique avec des sons que des gens me donneraient sans s'imaginer quel serait le résultat final. » Ce moment d'enfermement, restitué dans Sounds of the Lockdown, se prolonge en un périple de ville en ville au cours duquel, au passage, vous devenez vidéaste… « J'ai décidé d'abord d'aller voir les gens qui m'avaient envoyé des vidéos pendant le confinement, dont beaucoup vivaient dans ma ville natale, La Chaux-de-Fonds. Lorsque j'ai été les filmer, c'était la première fois de ma vie que je tenais une caméra. En fait, je n'avais jamais été quelqu'un d'observateur, la vue était même un sens qui m'était complètement étranger, mais là, je voulais qu'on puisse voir comment chaque son était produit. Dans ce sens, Sounds of m'a appris à regarder. Et après ma ville, j'ai eu envie d'aller en voir et en entendre d'autres. À chaque fois, je commence par contacter des gens à travers mon réseau de connaissances, ou en écrivant à des parfait-e-s inconnu-e-s que je trouve via des hashtags sur les réseaux sociaux. Une fois sur place, je leur demande de me jouer un son ou de faire un bruit de leur choix, que je filme dans un coin pas
Pop cultures
o Musicien et vidéaste, Arthur Henry fabrique des chansons avec des sons qui lui sont donnés dans des villes du monde : La Chauxde-Fonds, Bâle, Berlin, Kiev, Rome, Istanbul, et désormais Genève, fin mai 2022 © Stan of Persia
Autres événements Concours
Quiz musicaux Pop cultures avec Youri Ortelli
○ Adultes dès 16 ans Durée : env. 2h
Des années 50 à aujourd’hui
→ BM Cité / Espace Musique
Dimanche 6 février à 14h
Années 50 et 60
→ BM Cité / Espace Musique
Samedi 2 avril à 14h
Années 70 et 80
→ BM Cité / Espace Musique
Samedi 7 mai à 14h
Savons-nous reconnaître un morceau en un instant, deviner – au choix – le titre, le nom de l’album, l’artiste ou le groupe qui l’interprète ? Les équipes les plus rapides gagnent des CD issus de la collection des BM. Quiz animé par le comédien et musicien Youri Ortelli.
Atelier
Sa 12.3 / 14h
De Fortnite à Zelda : quand les jeux vidéo donnent le rythme ! Musiques vidéoludiques
→ BM Cité / Espace le 4e
○ Tout public Durée : env. 2h ▷ Inscription : bmgeneve. agenda.ch Un concert live dans Roblox ? Un orchestre symphonique pour Metal Gear ? La Gaming Federation, association romande pour la promotion et le développement de la culture du jeu vidéo, propose une conférence sur la place du son dans les univers vidéoludiques, suivie d’un moment de jeu centré sur la musique (Just Dance, Cadence of Hyrule…)
37 o © CC
Pop cultures
nota n°1
février – juin 2022 Atelier
Di 27.3 / 14h30
Auto-Tune, la voix d’aujourd’hui Atelier musique avec Alain Frey
→ BM Cité – Le Multi ○ Dès 8 ans Durée : env. 1h30 ▷ Inscription bmgeneve.agenda.ch L’Auto-Tune est un logiciel correcteur de voix servant, à la base, à ne pas chanter faux. Mais lorsque l’on pousse les réglages à l’extrême, le traitement prend un caractère artificiel et donne à la voix une sonorité robotique. L’Auto-Tune est passé ainsi du statut d’outil à celui de véritable instrument, permettant d’imaginer de nouvelles formes d’expression musicale. L’artiste et musicien genevois Alain Frey (Aloan, Elvett, Le Bruit) propose un atelier pour écouter, identifier et s’initier à cet effet.
Parcours audio
i © Arthur Henry
trop moche de la ville. Je rentre chez moi avec les téraoctets de vidéos et de sons capturés, et j'arrive ainsi au moment de la création. Pour ça, je choisis une séquence que j'ai eu un plaisir fou à filmer, je la prends comme base et je place tout le reste là-autour, même si en général ce noyau finit par disparaître au profit d'autre chose. Pour créer une mélodie à partir de ce qu'on m'a donné, je dois évidemment pitcher les sons (c'est-à-dire modifier leur tonalité), même si en fait j'en reçois beaucoup qui s'accordent d'eux-mêmes, car il y des gammes qu'on utilise spontanément plus que d'autres, telles que do majeur ou do mineur… Le fait que je sois obligé de trouver des solutions pour faire fonctionner une matière qui n'a pas été conçue pour tenir ensemble, ça produit des résultats qui sont une suite de sur-
prises pour moi-même comme pour les personnes qui regardent. » La musique de ces vidéos à une dimension émotionnelle très forte. S'agit-il d'un élément de votre identité d'artiste, ou de quelque chose qui a surgi par surprise dans ce projet ? « Les deux premières séquences que j'a mises ensemble, c'était un accordéoniste professionnel et et un bébé qui joue avec une casserole en faisant un petit bruit. On les voit au tout début de Sounds of the Lockdown. Lorsque je les ai assemblées, j'ai eu une montée d'émotions folle, c'était trop beau voir ces deux personnes qui font chacune de son côté, à distance, quelque chose qui finit par aller à merveille ensemble. Depuis ce moment-là, je recherche à chaque fois cette émotion, à la fois pour mon simple plaisir personnel et, par extension, pour la transmettre. »
Dans le catalogue des BM La playlist « Jazz, rock, chanson : reprises de Kurt Weill » en ligne sur catalogue-bm.geneve.ch
Une biographie de Kurt Weill : Bruno Giner Kurt Weill Paris : Bleu nuit, 2019
L’album de reprises September Songs, 1997 Avec Nick Cave, PJ Harvey, Elvis Costello, Lou Reed…
38
L’album The Young Gods play Kurt Weill, 1991 L’album Kurt Weill, die Musik zum Film, 2001 Avec Blixa Bargeld, Udo Lindenberg, Milva…
Dès le 28.5
hypercity–pop Genève hypercity — histoire(s) et imaginaires de nos rues est un réseau de parcours et de récits déployés en ligne (hypercity.ch) et dans l’espace urbain. Dehors, avec écouteurs et smartphone, ou dedans, en cliquant et naviguant depuis chez soi, on plonge dans le fourmillement narratif qui fait les identités singulières de notre ville, porté par des voix de comédiennes. En 2022, hypercity se dote d’un volet Pop Genève : une nébuleuse de morceaux de musique liés (par leur titre, leurs paroles, leur imagerie ou leur processus de création) à des emplacements du territoire genevois. Dès le samedi 28 mai 2022 sur les canaux numériques des BM Lancement en ligne et dans les rues : samedi 28 mai 2022 à 16h, plus d’informations sur catalogue-bm.geneve.ch/nota
Exposition
Dès septembre
L’exposition liée à la thématique annuelle, dès septembre 2022 à la BM Cité, explorera le versant sonore des Pop cultures, en lien avec la collection musique des BM
En ligne
Qui l'eût cru ? Le service bibliothécaire qui a réponse à tout se pose, lui aussi, des questions En juin 2019, une personne lambda se rend sur la page Web d'Interroge, le service de questionsréponses créé par les BM avec les autres bibliothèques de la Ville de Genève, et formule une pensée qui la travaille :
?
Les dilemmes d'Interroge
« Je cherche à comprendre l'attirance, en particulier des jeunes, pour la musique rap et hip-hop ». Une année plus tard, en avril 2020, un enfant de 11 ans se rend sur la même page, clique sur le grand bouton rose « poser une question » et tape :
« Pourquoi aimet-on certains types de musique et pas d'autres ? ». L'année d'après, en février 2021, un-e internaute emprunte le même chemin et formule à son tour un questionnement sur l'insondable mystère des goûts : « Y a-t-il une réponse anthropologique au fait que les gens aiment tant le reggaeton ? ». (Le reggaeton, si jamais, est une musique née à l'aube du 21e siècle entre le Panama et Porto Rico, mêlant influences reggae, rap et calypso). On imagine les têtes du duo qui coordonne Interroge depuis sa création en 2013, Susana Cameàn et Jürgen Haepers, face à ces questions. On les imagine, à vrai dire, aux prises en général avec des questions plus factuelles, parfois triviales ( « Combien y a-t-il de poubelles publiques à Genève ? Serait-il possible d'obtenir un plan les localisant ? » ), parfois aventureuses ( « A-t-on découvert toutes les îles de notre monde et existe-t-il encore des îles désertes ? » ),
souvent liées à ce champ à la fois local et illimité qu'est le passé genevois ( « Calvin était-il franc-maçon ou rosicrucien ? » ). Que faire, en revanche, lorsque l'une ou l'autre des quelque 10'000 questions reçues et traitées à ce jour pousse Interroge vers les terres mouvantes des jugements de valeur, des préférences, du décalage parfois déconcertant qu'on peut ressentir entre le goût des autres et ses propres prédilections ? Sans s'écarter de leur cahier de charges habituel, Susana et Jürgen se trouvent confronté-e-s alors à une facette particulièrement délicate de leur mission. Il ne s'agit plus seulement de mobiliser des ressources pour expliquer un élément micro ou macro de notre monde, mais aussi, tout à coup, de livrer des clés pour comprendre la subjectivité d'autrui, et au passage, sans doute, pour se comprendre un peu plus soi-même. Comment faites-vous lorsqu'on vous sort de la zone de confort (toute relative) des faits et qu'on vous entraîne sur les terrains de la subjectivité, du jugement esthétique, des opinions ? « Dans l'exemple du reggaeton, la question semblait posée par quelqu'un qui jugeait cette musique comme étant de qualité inférieure, et qui se demandait pourquoi autant de gens aiment un genre qui apparaissait à ses yeux comme fondamentalement pourri. Ce qu'on nous demande dans des cas comme celui-là, c'est dans le fond qu'on donne un avis objectif, ce qui est souvent impossible dans des domaines tels que les arts ou les croyances. Notre charte indique par ailleurs clairement que nous ne fournissons pas d'opinion ou de prise de position. 39
En ligne
nota n°1
Pourquoi se déguise-t-on à la fête de l'Escalade ?
Donc, en effet, que faire ? Comme pour n'importe quelle autre question, nous faisons des recherches documentaires et nous transmettons les informations. Certaines de celles-ci conforteront les opinions de la personne, d'autres la pousseront peut-être à se dire : “ah voilà, j'avais un peu de préjugés”… Ce sont donc les sources qui apportent des éléments de réponse pour que la personne puisse se faire sa propre opinion. Pour le reggaeton, par exemple, on remontait à ses origines (dans le creuset de différentes migrations antillaises au Panama) et on expliquait comment il s'est mondialisé (parmi les vingt artistes qui ont généré le plus de vues sur YouTube en 2019, six sont des stars du reggaeton). » Y a-t-il des dilemmes face à certaines questions ?
iu photo : © Guillaume Mégevand design : © Superposition
40
« La première décision à prendre au sujet d'une question est : allons-nous la traiter nous-mêmes ou la transférer à nos répondant-e-s dans les autres bibliothèques de la Ville ? Il y a des domaines ou l'aiguillage est facile : les questions animalières ( « Comment une araignée parvient-elle à tisser une toile entre deux objets éloignés, sans appui au milieu ? » ) sont pour le Muséum d'histoire naturelle, celles sur l'histoire genevoise et le patrimoine pour la Bibliothèque de Genève. Si le sujet de la question est délicat, nous aurons tendance à la garder pour nous, car c'est nous qui sommes en première ligne pour le contact avec le public. C'est le cas, par exemple, des questions touchant à la religion ( « Marie, mère de Jésus, a-t-elle eu une grossesse de neuf mois ? Et a-t-elle allaité son fils ? ), surtout si nous percevons, à travers la formulation, que la personne qui nous l'adresse est croyante. Les cas délicats sont une des raisons qui nous conduit à échanger entre nous tout au long de la journée, pour nous concerter, affiner une formulation, nous relire mutuellement… et pour soupeser l'opportunité
février – juin 2022
de rendre la réponse publique ou pas. En effet, publier les réponses (dans nos archives ou dans le répertoire des questions récentes) n'est pas une obligation. Nous décidons de ne pas publier lorsque nous jugeons que la question manque d'intérêt général, lorsqu'elle ferait double emploi par rapport à une réponse déjà publiée, ou lorsque nous estimons qu'il s'agit d'un sujet à controverse qui susciterait trop de polémiques ou de complaintes. À ce propos, il y a aussi, à l'inverse, des questions potentiellement polémiques que nous décidons sciemment de publier. Un exemple typique est celui des questions sur la franc-maçonnerie, que nous recevons en moyenne tous les 3 mois. À un moment donné, nous avons publié une réponse qui tenait bien la route et vers laquelle maintenant nous renvoyons systématiquement ( « Sait-on pourquoi l'on associe souvent la franc-maçonnerie au satanisme ? ). Les questions sur les Illuminati, c'est un peu pareil ( « Que sait-on sur les Illuminati et leurs buts ? » ). Une chose que nous ne faisons jamais, en revanche, c'est de ne pas répondre à la personne qui a envoyé une question. Répondre à tout ne signifie pas répondre à chaque question de la même manière, mais en tout cas nous ne laissons pas une personne dans le silence. » Vous promettez au public une réponse en moins de trois jours. On vous imagine en pleine course contre la montre, dans une ambiance « 72h chrono » … « Franchement, il ne nous est jamais vraiment arrivé d'éprouver du stress sur ce mode-là. Plus que le poids de l'heure butoir à laquelle nous devons livrer, nous ressentons la quantité des questions. Il y en a toujours, ça ne s'arrête jamais, il n'y a pas un moment où on peut se dire : ouf, plus que 4 et c'est fini… Dans ce sens, c'est clairement plus un marathon qu'un sprint. Jusqu'ici, on y arrive, même si la quantité moyenne de questions par mois a pratiquement doublé depuis début 2021, passant de 100 à 200, en conséquence directe d'une amélioration du référencement sur Google. La plupart du temps, les gens découvrent en effet Interroge en faisant une recherche sur le Web et en tombant sur une de nos anciennes réponses. Avec 10'000 questions publiées depuis 2013, dont plusieurs qui ont été lues plus de 30'000 fois, nous commençons à avoir une vraie masse critique. » Vous êtes un service en ligne dans un univers de livres imprimés. Quelle est l'articulation entre le numérique et le papier dans vos recherches ? « Nous utilisons en fait très peu de papier. Il y a beaucoup de questions sur les services de l'administration publique, pour lesquelles l'information se trouve en ligne. Pour les questions historiques, très nombreuses, pas mal de sources sont désormais numé-
En ligne
risées, des archives de la presse quotidienne à celles des revues scientifiques qu'on trouve par exemple sur le site E-Periodica. Ceci dit, le papier est lent à utiliser lorsqu'on doit chercher une aiguille dans une botte de foin, mais il reste rapide lorsqu'on sait où se trouve la bonne information. Ce matin, il nous fallait une référence du “Grevisse” (Le Bon Usage, la bible de la grammaire française) : nous avons écrit à nos répondant-e-s à la bibliothèque de la Cité, qui ont consulté le volume papier et pris en photo le passage en question pour nous l'envoyer. Il y a par ailleurs énormément de documents qui ne sont pas numérisés, notamment dans les magasins de la Bibliothèque de Genève, dont les collègues sont les seul-e-s qui peuvent répondre si l'information se trouve là-dedans. Le problème que pose le numérique, c'est parfois sa mémoire relativement courte. Si l'info que vous cherchez figurait dans une page Web des années 1990, il y a des chances qu'elle ait disparu, et allez-y pour la retrouver. En définitive, qu'il s'agisse de numérique ou de papier, les paramètres sont donc les mêmes : les contenus sont-ils conservés, accessibles, indexés… ? Des critères, dans tous les cas, typiquement bibliothécaires. »
En chiffres
(état au 31 décembre 2021) Questions posées depuis la création du service (2013)
12'500
Question posées au cours des 12 derniers mois
2'323
Réponses publiées depuis la création du service
7'250
Vues sur le site au cours des 12 derniers mois
2'267'259
Genève et Suisse
Pourquoi 15 En ligne
se déguise-t-on lors de la fête institutions.ville-geneve.ch/fr/bm/interroge de l’Escalade ?
41
Sur le site officiel de la Ville de Genève consacre une page à la Fête de l’Escalade sur laquelle nous pouvons lire :
En ligne
nota n°1
Dai dai, le tour d’un monde en 36 secondes Tu écoutes quoi ? « Super Somali Sounds from the Gulf of Tadjoura de 4 Mars, Un groupe de 40 membres, ils sont somaliens, ils mélangent des synthés turcs, des flûtes chinoises, les voix de Bollywood »
u Un premier épisode de Dai dai est visible sur la page YouTube des BM en saisissant le code QR dans l'image. Les autres épisodes seront mis en ligne à partir de mars 2022. © Marco Gianfarelli / Bibliothèques municipales
42
À quoi jouent, que lisent, qu'écoutent les bibliothécaires ? Réponses express en une série de vidéos
Un défi se propage au sein des équipes des BM. Son nom : Dai dai, expression italienne ( « Allez allez » ou « Vas-y vas-y » ) devenue une exclamation mondiale. Dai dai, c'était jusqu'ici le nom d'une pizzeria à Paris, d'une friandise toscane, d'une bière japonaise, d'une équipe brésilienne de jeu vidéo compétitif. C'est désormais aussi une formule vidéo dans laquelle un-e bibliothécaire se pose face caméra, simule un clap de cinéma avec ses mains et restitue, en 36 secondes au maximum, son expérience d'un livre, d'un film, d'un disque, d'un jeu vidéo ( « ou d'autre chose : son métier, une expo, une prestation des bibliothèques », précise Marco Gianfarelli, qui filme et monte tout cela). Dai dai prend le relais de la série Le Boudoir (près de 250 vidéos depuis 2016, toujours en ligne sur la chaîne YouTube des BM), en divisant par trois la durée d'un épisode. Et c'est parti. À quoi tu joues ? À Donut County, répond Anna Leckie : « C'est un jeu un peu particulier parce qu'on incarne un trou dans le sol. Le but du jeu, c'est qu'un raton laveur nous a dit qu'il fallait tout avaler sur son passage. » Tu lis quoi ? Un destin d'exception, de Richard Yates, signale Dominique Monnot : « C'est l'histoire de Robert Prentice qui était élevé seul par sa mère, une artiste en mal de reconnaissance. Elle
février – juin 2022
est sûre qu'un jour elle va briller dans la lumière. » Tu écoutes quoi ? Super Somali Sounds from the Gulf of Tadjoura de 4 Mars, mitraille Katia Savi : « Un groupe de 40 membres, ils sont somaliens, ils mélangent des synthés turcs, des flûtes chinoises, les voix de Bollywood. » Objectif de ces capsules, diffusées à partir de mars 2022 sur tous les canaux numériques des BM : donner envie. Pourquoi si bref (une minute grand maximum, générique compris) ? Et pourquoi 36 secondes pour la partie « résumé » ? « Aujourd'hui, on trouve souvent sur un même média en ligne, tel que Brut, des formats à la fois longs et courts. Le long fonctionne pour du reportage, où on embarque à fond dans un sujet. Pour présenter un objet culturel, ce sont en revanche de plus en plus les formats courts qui sont proposés et regardés », répond Salomé Jaton, responsable de la médiation documentaire aux BM. Quant au 36, « nous avons testé plein de longueurs différentes et nous avons remarqué qu'il y a un seuil au-dessus duquel on se met automatiquement dans un état d'esprit différent, qui n'est plus celui du résumé : on entre dans les détails, on va moins à l'essentiel » . Ajoutons que les vidéos Dai dai sont au format vertical, calibrées pour les smartphones et pour les stories sur Facebook et sur Instagram. Que des sous-titres générés par une intelligence artificielle permettent de les regarder sans le son, dans les transports publics ou en secret dans des réunions. Qu'il n'y a pas de ligne éditoriale ou de style Dai dai, mais plutôt le souhait que « chaque participant-e ait sa touche, comme si on se croisait entre ami-e-s, qu'on se demandait “Tu lis quoi ? ” et qu'on répondait en trois phrases de manière spontanée », note Marco Gianfarelli. Signalons enfin, pourquoi pas, que 36 Seconds est aussi le titre d'une chanson de Bob Lenox, musicien new-yorkais entre rock, jazz et blues : « 36 secondes pour se dire au revoir. »
En ligne
À quoi tu joues ? « À Donut County. C'est un jeu un peu particulier parce qu'on incarne un trou dans le sol. Le but du jeu, c'est qu'un raton laveur nous a dit qu'il fallait tout avaler sur son passage »
43
En rayon
Caresses en rayon la BD érotique en liberté
Une étiquette avec une plume et l'inscription « 16+ » est aujourd'hui le seul signe distinctif des BD érotiques, qui font leur retour en se fondant désormais librement dans le reste de la collection, à l'étage Adultes de la même bibliothèque. Comment l'érotisme dessiné est-il passé ainsi de la planque à l'intégration tranquille au sein des BM ? Les réponses de Cathy Gasser, bibliothécaire en charge de la bande dessinée, artisane de ce retour qui, à côté des classiques du genre, fait place aux jeunes auteure-s, affichant autant de signatures de femmes que d'hommes et explorant le nuancier des identités et des orientations sexuelles. Des bandes dessinées érotiques aux BM… d'où vient l'idée ? « Il y a une vingtaine d'années, il y avait déjà un petit fonds de bandes dessinées érotiques à la bibliothèque de la Cité, gardé en un lieu qu'on appelait, en référence au terme utilisé autrefois pour désigner les rayons interdits des bibliothèques, notre “enfer”. C'était en l'occurrence une armoire derrière un bureau de prêt, les gens devaient nous demander expressément les documents, on allait les chercher et il fallait faire une manipulation particulière pour les emprunter, parce que le processus ordinaire du prêt était bloqué. Rien n'incitait le public à emprunter ces albums, la plupart des gens ne savaient même pas qu'ils existaient, ou alors n'osaient pas les demander. Au bout d'un moment, la personne en charge de la BD a décidé de les éliminer, en tant que documents fortement sous-utilisés, lors d'un de ces processus de tri qu'on appelle “désherbage”. J'étais déjà là à l'époque, et cet épisode est resté dans un coin de ma tête. Je trouvais que c'était vraiment dommage, et au fil du temps, de plus en plus, je me suis dit qu'il y avait un manque à combler à ce niveau-là. »
Pourquoi maintenant ? La BD érotique vit-elle un moment particulier ?
Une armoire sous clé appelée « L'Enfer » abritait il y a deux décennies une maigre collection de bandes dessinées érotiques à la bibliothèque de la Cité. Des ces albums, qui ne sortaient presque jamais de leur cachette, il ne reste rien.
« On voit depuis quelques années un regain d'intérêt pour tout ce qui est littérature érotique, qui émerge de manière croissante et dont l'usage devient plus décomplexé. Il y a sans doute plusieurs facteurs : la mode des littératures de genre ; le succès des romans — Collages : D. Delcourt / S. Czich franchement pas terribles mais très remarqués — de la série Cinquante nuances de Grey ; ou encore le fait que, dans la BD érotique comme ailleurs, les femmes s'expriment beaucoup plus qu'avant, parlant entre autres de leurs corps 1. On a également vu apparaître pas mal de récits où l'auteur-e raconte son expérience de la sexualité en l'inscrivant dans son histoire personnelle, touchant à quelque chose que chacun-e de nous peut avoir vécu 2. Avec tout cela, on peut parler d'un boom, qui se manifeste également sur le plan commercial. Désormais, la plupart des maisons d'édition de BD traditionnelles s'y essaient, créant des collections spécialisées ou introduisant l'érotisme dans leurs collections existantes 3. Ce territoire a donc beaucoup évolué et j'avais envie d'en rendre compte. » Quel a été le processus pour constituer ce fonds ? « En premier lieu, il fallait discerner clairement ce qui relève de l'érotique, qu'on incluerait dans ce fonds, et du pornographique, qui en serait exclu. Dans les faits, la frontière est floue, et il s'est révélé impossible de trouver une définition qui fasse l'unanimité. Vous lisez 50 essais, vous avez 50 visions différentes de ce qu'est l'érotisme et de ce qui le distingue de la pornographie. Il a donc fallu que je fasse appel à ma propre
45
En rayon
sensibilité, alimentée par ma documentation personnelle, car c'est un sujet sur lequel je collectionne depuis plus de 20 ans. J'ai donc défini une série de critères. Le premier est celui de la loi, qui pose des limites qu'évidemment, nous ne franchissons pas. Ensuite, pour qu'un album soit retenu, il faut qu'il ne soit pas juste une suite de gros plans insistants et répétés d'actes sexuels autour d'un scénario prétexte, avec pour seul but d'exciter la personne qui lit. Il faut, au contraire, un bon scénario qui inscrive ces images dans une histoire qu'on a envie de lire du début à la fin et un dessin de qualité, par des artistes reconnu-e-s. Enfin, il ne doit pas y avoir d'images dégradantes de la femme, de violence, de sado-masochisme, d'humiliation, de bondage (usage de cordes pour ligoter), de situations où une personne, femme ou homme, est réduite au statut de pur objet. À l'arrivée, j'ai veillé à ce qu'il y ait autant de classiques (Manara, Crepax, Serpieri, Varenne) que d'auteur-e-s d'aujourd'hui (Ulli Lust, Aude Picault, Bastien Vivès, Nine Antico…), autant de femmes que d'hommes et aussi — même si cet aspect sera surtout développé par la suite — une représentativité large des identités et des orientations, lesbienne, gay, bisexuelle, trans… afin que chacun-e puisse y trouver un lien avec son propre vécu. Nous démarrons avec 80 titres et chaque année nous allons en ajouter une vingtaine. Je signalerais encore que, pour cette année, le manga n'est pas inclus, parce que c'est un monde complexe, ramifié d'une manière très pointue selon les catégories de public et les préférences, et qu'il nécessite donc une réflexion spécifique. » Comment ces albums vont-ils être mis dans les rayons ? « Pour prendre ces décisions, j'ai commencé par aller regarder ce qui s'est fait ailleurs. La première question était celle de l'espace. À la Ville de Paris, la bibliothèque Charlotte Delbo (anciennement bibliothèque Vivienne), présente un fonds de littérature et BD érotiques et pornographiques qui va très loin dans le choix de ce qui est montré, car elle dispose d'une salle dédiée et clairement identifiée, dans laquelle on sait à quoi s'attendre. Chez nous, un tel espace n'existe pas, les albums sont en libre accès dans la section BD de l'Espace adultes à la bibliothèque de la Cité. À remarquer qu'un tel choix serait impossible dans certaines de nos bibliothèques qui mélange les collections de BD jeunesse et adultes.
46
nota n°1
février – juin 2022
Deuxième question : comment classer et présenter ces documents dans les rayons. À la bibliothèque de la Ville de Lausanne, où un fonds de BD érotique a été créé il y a plus de 5 ans, tous les albums sont identifiés par une cote commençant par “BD EROS”, qui les regroupe de fait au même endroit. Aux BM, j'ai pris au contraire l'option de fondre complètement ces albums dans le reste de la collection, suivant simplement le classement alphabétique par dessinateur ou dessinatrice. Pour retrouver l'ensemble de ce fonds, il faut faire une recherche dans le catalogue avec le mot clé “BD érotique”. Autre exemple, la médiathèque André Malraux de Strasbourg a intégré 300 BD érotiques dans son espace adultes sans les identifier par un quelconque logo ou par une cote particulière. De mon côté, je préfère que le public soit prévenu, ce qui rejoint d'ailleurs les dispositions de la loi suisse, qui interdit d'exposer à des représentations sexuelles quelqu'un qui ne l'aurait pas souhaité. Pour identifier ces albums, il y a donc un logo sur la couverture, avec la mention “16+”, qui correspond à l'âge de la majorité sexuelle en Suisse. Le choix du logo a pris du temps : on voulait qu'il ne soit ni genré, ni trop explicite, puisqu'il fallait justement prévenir le public, plutôt que le confronter sans préavis à une représentation sexuellement chargée. Finalement, nous avons retenu l'image d'une plume, qui renvoie à la sensation, à la caresse, et qui peut convenir à toutes les préférences et identités sexuelles. » Avec ces choix, la bande dessinée érotique aux BM est donc à la fois visible, car elle est là, en libre accès, et invisible, car elle est dissoute dans la collection de BD… « L'idée est de dédramatiser, de dire simplement : voilà, les BM ont comblé une lacune dans leur collection de BD en intégrant un fonds érotique. Il s'agit ainsi de souligner que oui, la sexualité est un élément important de la vie, qu'on cache souvent, comme la mort, alors qu'il faudrait au contraire en parler, à condition d'en parler bien. » 1
Des exemples : Aurélia AURITA, Fraise et chocolat : l’intégrale !, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014. CY, Le vrai sexe de la vraie vie. Volume 1 et Volume 2, Villeurbanne, Lapin, 2016 et 2018).
2
Exemple : Jean-Louis TRIPP, Extases. Volume 1. Où l’auteur découvre que le sexe des filles n’a pas la forme d’un x et Volume 2. Les montagnes russes, Bruxelles, Casterman, 2017 et 2020.
3
Des exemples : les collections Erotix chez Delcourt, Porn’Pop chez Glénat, BD Cul chez Requins Marteaux.
47
Inspiration
48
nota n°1
février – juin 2022
Espaces
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il fut un temps où les bibliothèques du réseau BM n’existaient pas. D’où sont-elles sorties ?
Histoires de bibliothèques Jonction : en surplomb au bord d'une cité Quel a été son premier jour ? Le 23 novembre 1970 (c'était un lundi). D'où sort son bâtiment (au 22, boulevard Carl-Vogt) ? « Au bord de l'Arve, dans le quartier de la Jonction, le Service immobilier de la ville de Genève réalise (…) le plus vaste ensemble de logements sociaux qu'il ait jamais entrepris », annonce une revue d'architecture. L'ensemble Cité-Jonction, qui a déjà fait surgir 480 logements et une école, s'achève en 1970 par ce bâtiment destiné à abriter une bibliothèque, une maison de quartier et un supermarché. Tout cela participe à la « prodigieuse évolution de ce quartier », qui passe par la reconversion d'un terrain occupé autrefois par les abattoirs (en service de 1877 à 1938). Les étapes précédentes de Cité-Jonction (1961-1967) étaient signées par les architectes Raoul Engeli et René Pahud, celle qui inclut la bibliothèque (1968-1970) par Albert Cingria et Georges Taramasco.
o © Laura Zbinden / Bibliothèques municipales u L’emplacement de la future BM Jonction (et de la Maison du Quartier et le supermarché), juste avant qu’elle soit construite, complétant l’ensemble CitéJonction (© Bibliothèque de Genève)
De quoi se souviennent les bibliothécaires ? D'un mur… « Nous avons toujours travaillé avec la Maison du Quartier, qui s'est ouverte en même temps que nous au sein de la Cité-Jonction. Nous avons un mur mitoyen avec elle. Si on le perçait, on arriverait dans la loge des artistes de leur salle de spectacles, L'Étincelle », raconte Laura Zbinden, bibliothécaire responsable à la BM Jonction. … et d'une porte : « Il y avait une petite porte entre les espaces Jeunes et Adultes, on se disait qu'il fallait l'agrandir, on en a fait une porte double. C'est ainsi qu'ont commencé les discussions qui ont conduit à la décision de réunir les deux fonds en un seul, en 2011. Nous avons été, plus ou moins en même temps que les Pâquis, la première bibliothèque à introduire cette nouvelle approche du “site unique”. C'était véritablement la fusion de deux bibliothèques distinctes qui cohabitaient jusque-là sous le même toit. Il y avait même deux
49
Espaces
cartons différents de décorations de Noël à la cave, c'est dire à quel point les deux étaient séparées. Au passage, la fusion a permis de dégager des ressources pour diversifier davantage les collections au lieu de doublonner : plus besoin d'avoir la totalité des Astérix des deux côtés… » De quoi se souviennent les archives ? En 1968, le Conseil administratif propose au Conseil municipal de voter un crédit « pour la construction, à la Cité Jonction, de la bibliothèque de quartier, du centre civique et de loisirs et de locaux commerciaux ». Ce sera la quatrième et dernière étape de la réalisation de cette cité urbaine, décidée en 1959 et commencée en 1961. Avec cette ultime pièce du puzzle, la Ville « achève son œuvre dans ce secteur, procurant aux habitants qu'elle a réunis sur sa propriété comme à ceux de tout le quartier avoisinant, les éléments culturels, sociaux et commerciaux, indispensables à l'agrément de vivre ». Pourquoi cette position surprenante, au premier étage, au-dessus d'un supermarché ? « Il est démontré que la construction du centre socio-culturel sera rentabilisée par le loyer des locaux commerciaux », note la commission des travaux après avoir examiné la proposition. Un « garage des bibliobus » complète l'installation. Lors de l'inauguration, le conseiller administratif en charge du département immobilier de la Ville, Claude Ketterer, souligne « l'utilité de ces vastes locaux dépourvus de luxe superflu » et ajoute que « le crédit alloué avait été respecté (fait somme toute assez rare et qui mérite d'être signalé) ». Le Centre civique et de loisirs, qui se rebaptisera « Maison du Quartier », est inauguré trois semaines après la bibliothèque, le 14 décembre 1970. À quoi sert, aux yeux de l'époque, une bibliothèque municipale ? « Les bibliothèques vont devenir ou sont en train de devenir des centres culturels et des lieux de rencontre », note la conseillère municipale Jacqueline Berenstein-Wavre en 1971. « Nous aimerions beaucoup que ces centres deviennent des lieux où les gens puissent créer des activités culturelles », ajoute Lise Girardin en 1972. Fin 1977, la bibliothèque de la Jonction accueille une exposition autour de l'écrivaine Simone Rapin, qui vient de recevoir le Prix des écrivains Genevois pour ses mémoires Une longue marche et qui passe « un après-midi à la Bibliothèque pour y rencontrer les lecteurs ». Lire des livres, se rencontrer, participer soi-même à créer de la culture, échanger avec des personnalités du monde culturel… Au cours de cette décennie, comme on le voit, les différentes couleurs de la palette bibliothécaire actuelle se mettent en place. 50
nota n°1
février – juin 2022
« C'était véritablement la fusion de deux bibliothèques distinctes qui cohabitaient jusque-là sous le même toit. Il y avait même deux cartons différents de décorations de Noël à la cave, c'est dire à quel point les deux étaient séparées »
La Jonction élargira encore ce nuancier en ouvrant, en 1985, les bibliothèques municipales à la bande dessinée, avec une première collection de 500 albums. « Ce stock couvre la production la plus récente, favorisant tout particulièrement les nouveaux créateurs », note la presse. Six ans plus tôt, dans une enquête du Journal de Genève, la BD apparaissait encore comme « un genre délibérément délaissé par les bibliothécaires », à la fois pour des raisons financières ( « une fois acquis les bons ouvrages, romans ou livres techniques et scientifiques, les ressources manquent pour se consacrer sérieusement à la bande dessinée » ) et littéraires ( « la priorité sera toujours donnée aux bouquins participant d'une littérature digne de ce nom. Ce n'est pas tant l'intérêt de la bande dessinée qui est nié, que son intérêt proprement littéraire » ).
Pâquis : le souvenir des Alpes, un labyrinthe et un feu Quel a été son premier jour ? Le 22 mai 1981 (c'était un vendredi). Mais il s'agit en fait du premier jour d'une deuxième vie, car en réalité la bibliothèque des Pâquis existe déjà, logée jusque-là au premier étage du 10, rue des Alpes, dans le bâtiment qui sera occupé ensuite par l'AMR (Association pour l'encouragement de la musique improvisée). Installée là en 1880, après une brève étape à la rue de Berne la même année, elle est alors une succursale des « Bibliothèques circulantes », appelées ainsi car leurs livres s'empruntent et circulent, ce qui au 19e siècle représente encore une nouveauté. Elle sera rattachée aux Bibliothèques municipales à la création de celles-ci, en 1941, et on l'appellera souvent « Bibliothèque des Alpes ». À la fin des années 1970, un déménagement s'impose, à la fois car on songe à démolir son bâtiment et car on constate que sa situation « entre deux rues à grand trafic relativement bruyantes et dangereuses pour les enfants incite certainement beaucoup de lecteurs à renoncer à bénéficier de ses services ». D'où sort son bâtiment (au 17, rue du Môle) ? Il a été auparavant une école, bâtie dans les années 1870 et vouée à la démolition dans le cadre de l'opéra-
Espaces
ut Une colonne flotte au premier étage, un enfant lit dans le grenier, les murs s’ouvrent de manière imprévue dans une bibliothèque des Pâquis évoquant à la fois un labyrinthe et un cocon… (© Richard Quincerot, images extraites des articles cités, publiés dans les revues Werk, Bauen + Wohnen et Architecture suisse)
51
Espaces
nota n°1
tion « Pâquis-Centre » qui fait surgir en 1979 le groupe scolaire voisin. En 1978, la Ville change d'avis, découvrant que le bâtiment est en bon état, décidant qu'il mérite d'être conservé et jugeant que son emplacement central « permettra certainement d'augmenter la fréquentation de la bibliothèque qui, actuellement, est stationnaire ». De plus, comme le fait remarquer un architecte, son look 19e siècle introduit une diversité de styles dans un complexe « dont on commençait à redouter l'homogénéité » et permet « de retrouver un peu de cette épaisseur, cette complexité caractéristique des villes traditionnelles » . De quoi se souviennent les bibliothécaires ? Marie-Claire Mamboury, bibliothécaire responsable à la BM Pâquis : « Ce matin-là, 4 juin 1997, lorsque je suis arrivée au travail, il y avait un Securitas devant la porte : “Vous ne pouvez pas entrer, il y a eu un incendie.” Quelqu'un avait essayé de m'appeler pour me prévenir, mais j'étais sur Internet : c'était encore l'époque où on ne pouvait pas être au téléphone et sur le Web en même temps… Toute l'équipe s'est retrouvée au bistro à côté pour essayer de reprendre ses esprits. Lorsque nous avons enfin pu entrer, il y avait de la suie partout, les murs étaient tout noirs. On avait l'impression d'être dans une discothèque. Ce qui a suivi s'est passé dans une bonne ambiance. Le public nous amenait des livres, on a posé une table pour l'accueillir dehors pendant tout le mois de juin et de juillet, des gens passaient nous voir pour nous remonter le moral. Tous les livres du rez-de-chaussée ont dû être jetés, ils étaient couverts d'une substance qui noircissait les mains. Dans ceux du premier et du deuxième étage, l'odeur est restée pendant quelques années, l'escalier avait provoqué un effet cheminée en faisant monter la fumée. La fermeture a duré 14 mois. Lorsqu'on a rouvert, on avait de fait une collection neuve. Entre-temps, la police nous avait appris que le feu était criminel : quelqu'un avait jeté une bouteille enflammée à travers une vitre. Qui et pourquoi, on ne saura vraisemblablement jamais. »
1
René VINCENT, « Cité-Jonction un exemple de restructuration urbaine entreprise par le Service immobilier de la ville de Genève », Habitation : revue trimestrielle de la section romande de l'Association Suisse pour l'Habitat, Vol. 37, N° 5, 1965. En ligne sur www.e-periodica.ch.
2
« On a inauguré hier le groupe scolaire CitéJonction », Journal de Genève, 30.01.1969. En ligne sur www.letempsarchives.ch.
3
Mémorial des séances du Conseil municipal de la Ville de Genève (MCM), 1967-1968, p. 1720-1721. En ligne sur www.ville-ge.ch/archivesenligne.
4
MCM, 1968-1969, p. 247. En ligne sur www.ville-ge.ch/archivesenligne.
52
février – juin 2022
De quoi se souviennent les archives ? À Genève comme sur la scène architecturale internationale, la rénovation marque les esprits. L'extérieur du bâtiment reste tel quel à part l'ajout, sur le toit, de deux lucarnes en verre fumé. À l'intérieur, l'agencement donne à l'espace « la profondeur d'un labyrinthe » et suscite « l'expérience singulière d'un univers à la fois intime et vaste, petit et généreux ». On dirait que le lieu joue avec l'esprit de son public. « Ainsi des deux portes symétriques du rezde-chaussée, l'une donne sur l'enfilade de l'entrée, mais l'autre reste une énigme : seuls les initiés savent qu'elle donne sur un escalier de secours, dont le volume forme sculpture dans la salle de lecture ». Et au premier étage, une colonne de temple grec flotte à côté d'une colonne technique devant une colonne peinte en trompe l'œil par l’artiste Pierre Montant. Ainsi, comme une collection de livres qui « rassemble des ouvrages de provenances très diverses », le bâtiment « réunit une collection hétérogène d'objets, qui conservent leur signification d'origine, et que leur mise en contexte charge de significations nouvelles ». Dans cette veine, les portes de l'ancienne bibliothèque à la rue des Alpes sont récupérées et insérées dans le nouvel espace. Le résultat n'est pas seulement intrigant et ludique. Il vise aussi à « décloisonner les espaces, créer une fluidité visuelle et une atmosphère de contacts ; renforcer tout ce qui peut faire de la bibliothèque un lieu de rencontres et d'échanges, à la manière d'une place publique. » On doit tout cela à l'architecte Ugo Brunoni, qui signe là son premier travail remarqué après un parcours atypique : il a été maçon, dessinateur d'architecture et sculpteur au Tessin, avant de devenir architecte à Genève sans passer par la case université. Après la BM Pâquis, il réalisera, entre autres, l'église-boule de la Sainte-Trinité derrière la rue de Lausanne (1994).
« Lorsque nous avons enfin pu entrer, il y avait de la suie partout, les murs étaient tout noirs. On avait l'impression d'être dans une discothèque »
5
MCM, 1970-1971, p. 2414. En ligne sur www.ville-ge.ch/archivesenligne.
10 MCM, 1978-1979, p. 888. En ligne sur www.ville-ge.ch/archivesenligne.
6
MCM, 1972-1973, p. 2414. En ligne sur www.ville-ge.ch/archivesenligne.
11 Ibidem.
7
Compte rendu administratif — Ville de Genève, 1977, p. 85. En ligne sur www.ville-ge.ch/archivesenligne.
8
« Les dernières bandes dessinées à la Bibliothèque municipale », Journal de Genève, 30.04.1985. En ligne sur www.letempsarchives.ch.
9
Antoine JÉQUIER, « À Genève le livre se porte bien », Journal de Genève, 10.12.1979. En ligne sur www.letempsarchives.ch.
12 Richard QUINCEROT, Luigi SNOZZI, « Bibliothèque des Pâquis à Genève : architecte Ugo Brunoni », Werk, Bauen + Wohnen, Vol. 68, N° 10, 1981. En ligne sur www.e-periodica.ch. 13 Ibidem (également pour les citations suivantes). 14 « Bibliothèque des Pâquis 1201 Genève », Architecture suisse, N° 49, décembre 1981. En ligne sur architecturesuisse.ch.
Espaces
53
En lien
54
nota n°1
février – juin 2022
En lien
Qu'est-ce qui se passe lors des « accueils de classes » ? Récits croisés, à travers trois succursales, de l'immersion des enfants dans un monde de papier Photos : Frank Mentha
Le jour où la bibliothèque était toute à moi
Moment suspendu : la classe s'est d'abord mise en cortège devant la porte, elle a franchi le seuil de la bibliothèque, elle a découvert que ce lieu est ouvert en ce moment rien que pour elle. On lui a expliqué « les superpouvoirs de la carte de bibliothèque » : dégainez cet objet, et tous les trésors qui remplissent ce lieu peuvent être à vous gratuitement pendant un mois. Le groupe a ensuite écouté une histoire, ou peut-être joué à la « chasse aux livres », ou aux « histoires dans le désordre » que leur propose Morgane Kozuchowski, en charge de ces accueils à la BM Servette : « Je mélange les illustrations d'un album et les enfants reconstruisent le récit d'origine ou le réinventent autrement, ce qui encourage leur imagination ». Maintenant, le moment de liberté : celui où on laisse les élèves évoluer pendant un temps dans ce microcosme sans leur dire quoi faire. Que va-t-il se passer ? « On les sent pressé-e-s d'aller vers les livres au plus vite, de se précipiter véritablement là-dessus. Pour les plus petit-e-s, le plaisir consiste à les attraper l'un après l'autre, à les ouvrir vite fait, puis à passer au suivant. Je dirais que c'est vraiment la masse qui leur plaît, pouvoir fouiller, le côté multitude. Chez les plus grand-e-s, c'est la ruée sur les mangas », raconte Morgane. On découvre, au passage, que les enfants se jettent autant sur des séries de leur temps (My Hero Academia, Assassination Classroom, The Promised Neverland) que sur les mangas devenus des classiques (Naruto, One Piece, Dragon Ball). « Il y en a aussi qui lisent Petzi, Yakari, Les Schtroumpfs, Barbapapa. Ces BD-là traversent facilement trois générations », note Aurélie Gindre, qui accueille des classes à la BM Saint-Jean.
Dinosaures et policier-e-s Quoi d'autre, quels pôles d'attraction ? « Les dinosaures pour les plus petit-e-s, l'espace et les planètes un petit peu, les animaux forcément », détaille Morgane. « Lorsque les enfants partent sur les thématiques qui les intéressent et sur leurs sujets de prédilection personnels, c'est beaucoup le métier de policier-e, les bateaux, les trains, la préhistoire. Et les Pokémon, Star Wars, les super-héro-ïne-s, les véhicules en général. Les monstres, aussi : des choses avec lesquelles on aime se faire un petit peu peur », énumère Aurélie. Remarque-t-on autant de différences qu'autrefois entre les choix des filles et des garçons ? « Ça change un peu. Les dinosaures intéressent autant les unes que les autres Les mangas — One Piece, Naruto — aussi. Un garçon de la classe tout à l'heure s'intéressait à la série Cœur grenadine. Le fait qu'une collection cible un sexe plutôt que l'autre ne constitue plus forcément un blocage pour les enfants à l'heure actuelle. Il y a un gros travail dans ce sens au sein des écoles, pour que tout le monde trouve sa place indépendamment de son sexe. Et la production sur le marché du livre jeunesse a tendance à devenir moins genrée », analyse Morgane.
Écrire, c'est se souvenir Quelle est, en fait, l'intention derrière ces visites ? « Il s'agit de faire connaître, dès le plus jeune âge, un lieu de culture gratuit et accessible à tout le monde », répond Christelle Voser, bibliothécaire responsable de la BM Saint-Jean, qui décrit un accueil essentiellement « axé lecture-plaisir ». À la Servette, Morgane entend « aider les enfants à s'approprier un peu la bibliothèque 55
En lien
et les rendre progressivement autonomes dans leur manière de l'utiliser », proposant des activités en résonance avec les axes pédagogiques du Plan d'études romand. À la BM Cité, la médiatrice culturelle Elena Gilardoni propose, elle, des accueils construits autour des thématiques annuelles des bibliothèques municipales. En 2021 (thème : « Fenêtre sur rue » ), les visites commençaient par l'exposition de Zeina Abirached, où la dessinatrice franco-libanaise tissait les souvenirs urbains de sa Beyrouth natale. « Avec les enfants, je parlais alors d'autobiographie, de pourquoi on ressent tout à coup la nécessité de mettre noir sur blanc son histoire. On parlait de la guerre, aussi — avec des élèves de 9 ans, on peut l'évoquer — et de comment pendant un conflit, les espaces de la vie se rétrécissent. Ce qui nous amenait à évoquer le vécu du confinement en temps de Covid et la créativité avec laquelle on se réinvente pour traverser de tels moments de galère. Pour finir, je leur parlais de l'écrivain Georges Pérec et de son énumération “Je me souviens”, que Zeina a reprise et que je leur proposais de reprendre à leur tour pour se rendre compte d'à quel point on est, à ces âges-là, en pleine construction de souvenirs. » Quelles étaient les réactions ? « Je les voyais parfois rester en silence et je savais que c'était là que des souvenirs aller sortir : 56
nota n°1
“Je me souviens que je détestais les brocolis, je me souviens quand mon papa et ma maman se sont disputés très fort, et puis après mon lapin a fait caca dans la cuisine…”. Pour moi, c'est ce qui donne le plus de sens au fait d'être médiatrice : je ne suis pas seulement dans la transmission d'un contenu, ce sont les enfants elles-mêmes et eux-mêmes qui apportent quelque chose », répond Elena. (L'expo, appelée Donne-moi la main, on va traverser la rue, est ouverte jusqu'au 20 février 2022 au rezde-chaussée de la bibliothèque).
Comment un livre fabrique du lien Moments privilégiés, dans tous les cas. « À la différence de ce qui se passe pendant les heures d'ouverture, les bibliothécaires sont là pour offrir son temps à ce groupe », relève Christelle. Lors des accueils de crèches, les enfants en profitent, se collant parfois, à la bibliothécaire en mode câlins, se faisant lire des albums à la demande, brodant sur les histoires lues collectivement : « Les enfants interrompent souvent pour s'approprier le récit en racontant des choses qui leur passent par la tête, en lien avec un détail de l'histoire, ou parfois sans aucun lien apparent, juste pour le besoin de l'échange… » . Après une dernière histoire, le groupe se remet en cortège et le voilà repartie. Mais si un
février – juin 2022
En lien
lien s'est créé avec les enfants, il y a de fortes chances qu'il aille plus loin. « Les jeunes sont des moteurs, on les voit revenir en entraînant leurs parents pour pouvoir s'inscrire et commencer à emprunter », remarque Christelle. « On a des classes avec une grande mixité de population, beaucoup de familles qui viennent d'arriver à Genève et qui ne savent pas encore qu'il y a ce service gratuit. Dans la semaine qui suit une visite de classe, on observe régulièrement une vague d'inscriptions », ajoute Morgane. Découvrir ces lieux, c'est donc souvent les adopter. Et retourner dans une bibliothèque en petite lectrice ou en petit lecteur après une visite de classe, c'est y revenir avec un lien particulier. « J'ai croisé une petite fille qui était venue avec sa classe, et qui en me voyant s'exclame : “Je me souviens de toi, tu m'as raconté l'histoire avec les crottes de nez, elle est où ? ” Euh, oui, c'était bien moi, je vais te chercher le livre… », raconte Aurélie. Si l'objet-livre fascine, c'est en effet parce qu'il est aussi un objet-lien, un vecteur d'interactions. « On tourne les pages, on leur raconte des histoires, c'est plus qu'un livre, c'est un moment particulier. Pour cette raison, même si les enfants utilisent aujourd'hui des tablettes numériques, il y a toujours un engouement pour ce médium en papier. »
2019 348 accueils de classes (6305 élèves) 157 accueils de crèches (1802 enfants)
2020 179 accueils de classes (3667 élèves) 55 accueils de crèches (630 enfants)
auxquels s'ajoutent
auxquels s'ajoutent
372 « accueils libres » (sans médiation en accompagnement) de classes et de crèches (3473 enfants)
128 « accueils libres » (sans médiation en accompagnement) de classes et de crèches (1521 enfants) (accueils réduits en lien avec les mesures anti-Covid)
57
En coulisses
nota n°1
février – juin 2022
Voyage d’un livre d’une naissance ordinaire à une vie bibliothécaire Photos : Nicolas Righetti
1. Présélection : un nuage de possibilités Le périple débute en haute mer. En moyenne, 1'400 nouveaux livres sont mis chaque semaine sur le marché en francophonie. Pour naviguer dans cet océan de sorties, les BM s'appuient sur Électre, base de données qui renseigne les professionnel-le-s sur l'ensemble de cette production. Chaque lundi, l'équipe de l'UGESCO plonge dans ces titres, parcourt l'information, fait un premier tri en tâchant à la fois de refléter l'actualité éditoriale et sociétale, de répondre aux besoins exprimés par le public et de prolonger des lignes de sélection déjà tracées. Une présélection de quelque 770 ouvrages émerge de ce choix, qui est envoyée aux bibliothécaires du réseau pour que chacun-e fasse sa sélection dans ce nuage de possibilités.
2. Sélection : un archipel de trouvailles Certains livres ont la vie facile : les bibliothécaires les piochent dans la présélection sans hésiter. « C'est ainsi, par exemple, qu'on commandera huit exemplaires du nouveau Amélie Nothomb », note Valérie Bonferroni, responsable de la gestion des collections (huit, oui : un par succursale fixe, un pour la succursale roulante qu'est le bibliobus). D'autres titres nécessitent en revanche une rencontre et un feuilletage rapprochés, physiques lorsque tout va bien, virtuels en temps de pandémie. Les responsables des succursales, réuni-e-s une fois par mois « à Frontenex » — comme on dit dans le service — désignent ces « documents candidats aux chariots d'examen ». Pour qu'un « exemplaire témoin » atterrisse sur ces chariots (qui sont 58
des étagères bonsaï avec deux roues), il faut qu'une succursale se mouille en décidant de l'acheter. À partir de cet instant, la destinée d'un livre est en partie scellée : même s'il n'est sélectionné par aucun-e des collègues qui viennent le voir de près, le spécimen atterrira à coup sûr dans le catalogue et dans les rayons des BM.
3. Acquisition : un marché de proximité Chez qui les BM achètent-elles leurs livres ? Le chemin choisi est le plus respectueux de l'écosystème éditorial local : les titres sélectionnés sont commandés auprès des librairies genevoises. « Notre principe, comme d'ailleurs celui des bibliothèques romandes en général, consiste à respecter ce qu'on appelle la “chaîne du livre”, celle qui va de l'édition à la diffusion, puis aux librairies et enfin au public », commente François Gerber, responsable des acquisitions.
4. Catalogage et indexation : les facettes de l'identité « Le catalogage, c'est la carte d'identité d'un livre : auteur-e, titre, édition, lieu et année de publication. Avec l'indexation, on entre dans l'analyse de contenus. Si on parlait d'une personne, ce serait son caractère, ses valeurs », explique Isabelle Marchini, responsable de la section en charge de ces opérations. Comment cerne-t-on tout cela ? « Pour les livres documentaires, c'est assez simple, c'est leur sujet. Pour la fiction, on fait d'abord une indexation de genre : policier, fantastique, du terroir, feel-good… »
En coulisses
59
En coulisses
Pour aller plus loin, on utilise des « mots matière », équivalent bibliothécaire des hashtags sur les réseaux sociaux. L'exercice est funambule : plus un livre est riche en mots matière, plus son contenu est détaillé sous toutes ses facettes, plus son thème principal se retrouve noyé. « Cela crée du bruit dans le catalogue, comme on dit : une situation où, en faisant une recherche sur un sujet tel que “solidarité”, on obtiendrait des milliers de résultats, mais où les livres traitant véritablement de ce thème seraient perdus là au milieu. » Comme sur Google, en gros. Pour les albums jeunesse, une liste de mots matière est établie pour répondre aux demandes des parents. « Sous “déménagement” ou ”arrivée d'un bébé”, on regroupe des histoires imagées qui permettent d'expliquer aux enfants ces chamboulements. Mettre un mot comme “mort” en indexation matière demande en revanche des précisions : nous ajoutons “MORT grand-parent”, ou “MORT parent”, parce que les problématiques ne sont pas du tout les mêmes », reprend Isabelle Marchini. Ce travail se fait dans le catalogue professionnel, celui que les bibliothécaires utilisent dans leur arrière-boutique numérique. Sur le catalogue public des BM, ces mots peuvent s'afficher comme des suggestions lorsqu'on choisit l'option « sujet » dans la « recherche avancée » . Avec plusieurs dizaines de nouveaux mots-clés par an, l'indexation est l'une des voies par lesquelles les questionnements collectifs et le changement sociétal s'introduisent dans le catalogue. C'est le cas par exemple de catégories telles que “étude sur le genre” ou “role selon le sexe”, qui viennent compléter et affiner l'indexation de base, faite à l'aide des « indices Dewey ». Car oui — notons-le 60
nota n°1
pour terminer cette étape et enchaîner sur la suivante —, le système nommé, de façon assez intimidante, « classification décimale Dewey », développé en 1876 à Amherst, Massachusetts, par un bibliothécaire de 25 ans appelé Melvil Dewey, est toujours utilisé à travers le monde (et aux BM pour les ouvrages documentaires) pour classer des livres en désignant à la fois le sujet dont ils parlent et l'étagère où ils résident.
5. Ventilation : comment un livre devient unique Jusqu'ici, les huit exemplaires du dernier Amélie Nothomb acquis et catalogués par les BM sont tous pareils, rien ne permet de les distinguer. Un processus de différenciation commence alors, appelé « ventilation » ou « exemplarisation ». Des aides-bibliothécaires et des agent-e-s en information documentaire (AID) se rendent à l'UGESCO, saisissent les livres destinés à leurs succursales, leur collent une étiquette d'identification qui désigne leur futur lieu de résidence et un code barre par lequel chaque livre accède à l'individualité. À partir de là, les huit Amélie Nothomb gardent le même domicile virtuel — leur notice dans le catalogue —, mais chaque exemplaire dispose là-dedans d'un espace qui n'est qu'à lui. Dès que cet enregistrement individuel est fait, le livre apparaît sur le catalogue public et peut être réservé. L'exemplarisation comprend parfois, au passage, une « sous-localisation ». « Celle-ci permet de regrouper des livres en dehors de leur classification de base en indiquant physiquement où ils sont rangés, par exemple dans les pôles “ma ville” ou “cinéma” de la bibliothèque de la
février – juin 2022
Cité. Un peu comme dans les magasins d'alimentation qui sortent des produits de leurs rayons habituels pour le réunir autour d'un thème », note Valérie Bonferroni. Cette étape du processus comprend enfin la pose d'une puce électronique, qui sert de protection anti-vol, mais qui ne permet pas de localiser les livres dans l'espace. Un livre mal rangé, même à l'âge numérique, est un livre introuvable. Inclus dans une « liste des perdus », il ressurgira parfois, lors des journées annuelles d'inventaire, à l'emplacement où une main farceuse ou distraite l'avait égaré.
6. Équipement : une parure personnalisée Le livre quitte l'« exemplarisation » accompagné d'une liste de « consignes d'équipement ». Celles-ci décrivent l'assortiment d'étiquettes qui complèteront sa parure, incluant parfois un logo qui désigne son appartenance particulière (telle que « BD érotique », présentée à la p. 45 de ce magazine). Une tenue en plastique, transparente et autocollante, complète l'habillage. Elle est posée manuellement, en contournant parfois les obstacles physiques posés par des albums pour enfants dont les couvertures jouent avec le relief, les matières, les trous. Une bonne centaine de livres par jour passent par l'atelier de l'« équipe équipement ». Deux fois par semaine, l'« équipe logistique » vient les chercher et les transporte vers les rayons auxquels ils sont destinés. La vraie vie d'un livre commence ici. [ Ont également fourni des informations pour cet article : Miriam Mathez, Pantelis Vervatidis ]
En coulisses
Nombre d’exemplaires
31'861 exemplaires acquis en 2020
16'710 (52%) pour les collections imprimés Adultes (parmi lesquels 9.8% de réassorts)
Nombre de titres
12’416
titres ajoutés au catalogue en 2020
15'151 (48%) pour les collections imprimés Jeunesse (parmi lesquels 25.5% de réassorts)
7’260 (58%) pour les collections imprimés Adultes
5’156 (42%) pour les collections imprimés Jeunesse
61
Tout vite
nota n°1
Morceaux choisis d'une bibliographie thématique Qu'est-ce qui est pop ? Les bibliothécaires réuni-e-s pour préparer la bibliographie thématique 2022 ont sillonné en long et en large le territoire qui s'ouvre dès qu'on pose cette question. Le résultat est un petit volume rassemblant 167 références, réparties par décennies, des années 1950 aux années 2010. Alors, qu'est-ce qui est pop ? « La thématique était large, la définition unanime difficile à trouver, les références innombrables… de toute évidence un choix s'imposait. Séance après séance, nous, bibliothécaires, avons déroulé le fil de nos souvenirs, de nos coups de cœur… et telles des fenêtres pop-up, les idées ont jailli pour faire ressurgir ce qui nous a marqué-e-s au fil des années. » En voici quelques morceaux choisis, un par décennie, explorant les frontières des pop cultures.
167 haltes en Pop cultures
Années 1960
Années 1990
Hitsville USA : the Motown singles collection 1959-1971, vol. 1
Set
Motown, 1992 Musique — CD
« En 2017, la plateforme de streaming Spotify a révélé, pour chaque décennie depuis les années 50, les vingt titres les plus écoutés. Et là, surprise : pour les années 60, en effet, aucun titre des Beatles, aucun titre des Rolling Stones ou de Dylan, mais quasi exclusivement des morceaux de soul : dixsept sur vingt, dont un bon nombre d'artistes labellisés Motown (Marvin Gaye, Temptations, Isley Brothers, Mary Wells, etc.). Des artistes que l'on retrouve, bien sûr, sur cette passionnante anthologie. » (Frédéric Sauge)
Années 1970 Aja
Steely Dan / MCA, 1999 Musique — CD « Un album que j'écoute depuis tellement d'années sans aucune lassitude. Sorti en 1977, Aja, il faut bien l'admettre, devait représenter un peu tout ce que les punks détestaient : un son ultra léché, des compositions à tiroirs, des musiciens virtuoses. En bref, l'horreur. Et pourtant, comment résister à ces harmonies miraculeuses ? A cette voix de laquelle sourd une mélancolie si profonde ? A ces textes aussi, d'une délicieuse ironie ? Avec sa sorte de jazz-pop, Steely Dan représente toute une époque. » (Frédéric Sauge)
Années 1950
Années 1980
Adagio for strings
Rubberband
Samuel Barber / Sony, 1997 Musique — CD « L'adagio pour cordes de Samuel Barber pourrait être le cliché de la “musique triste”. Lent, douloureux et dans l'élévation, il a été maintes fois repris dans des œuvres cinématographiques (Platoon, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain), des jeux vidéo (Homeworld), durant les funérailles de personnages célèbres (J. F. Kennedy, Einstein) et même au théâtre ou dans des sketches ! Mélodie classique ayant intégré la culture populaire, cet adagio pourrait être le symbole de la tristesse musicale. » (Natacha Bossi)
février – juin 2022
Miles Davis / Rhino, Warner, 2019 Musique — CD « En 1985, le légendaire trompettiste Miles Davis compose l'album Rubberband. Warner, son label de l'époque, le refuse et il ne sort qu'en 2019 avec, entre autres, son neveu à la batterie. Comme souvent, Miles cherche de nouveaux sons, il innove et aime dépasser les frontières du jazz. Avec cet enregistrement très rythmé, plutôt commercial, il crée une ambiance soul-funk. A la fin de sa vie, Miles était même considéré comme une vraie pop star ! » (Anna Maffia Frei)
Youssou N'Dour / Virgin, 1990 Musique — CD « Le “roi du mbalax” débute en 1979 avec le Super Etoile de Dakar. Il se fait connaître avec ses tournées au Sénégal et dans toute l'Afrique. Il éclot hors des frontières au début des années 90 avec son excellent album Set. Mais c'est en 1993 qu'il explose mondialement avec Seven seconds en duo avec Neneh Cherry. Il chantera même l'hymne de la Coupe du monde de football en 1998. Il a marqué les années 90 de son empreinte sénégalaise et est devenu l'un des plus grands ambassadeurs de la musique africaine dans le monde. » (Katia Savi)
Années 2000 Barrio fino
Daddy Yankee / Machete, 2004 Musique — CD « Début 2000 débarque un nouveau son venu des Caraïbes : le reggaeton. Mélange de reggae dancehall et de hip hop, sur des rythmes sud-américains, il fait mieux que la salsa, le merengue, la bachata et va trouver une faveur sans précédent dans une culture américaine dominante. Sa popularité explose, il enflamme jeunesse et dancefloors et il va devenir la nouvelle musique latine dans le monde. Daddy Yankee, l'un de ses précurseurs, sort cet album qui est l'un des meilleurs et plus représentatifs de la décennie. » (Katia Savi)
Années 2010 New Soul
Caro Mélu / Plume de papier, 2019 Livre — roman dès 15 ans « Un très beau roman destiné aux adolescent-e-s et jeunes adultes. Clara est une jeune fille pas à l'aise : ni dans sa peau, ni avec les autres. Son goût pour la musique va lui permettre de prendre de l'assurance et de trouver sa place. Chaque chapitre du roman s'appuie sur un tube tiré de la pop culture. Les paroles des chansons sont habilement intégrées au texte, ce qui donne à ce livre une grande originalité. Suggestion : lisez ce livre tout en écoutant la playlist ! » (Elsa Carloni)
La bibliographie Pop cultures sera disponible à partir du mois de mars 2022 dans les bibliothèques du réseau BM, ainsi qu’en ligne à l’adresse https://bit.do/bibliopop 62
Trop pratique
Les bibliothèques municipales
Un réseau de 7 bibliothèques ouvertes du mardi au samedi offrant plus de
Des bibliothécaires qui vous orientent dans vos recherches d’informations et vous conseillent selon vos envies ou vos besoins. Des espaces conviviaux de lecture, d’écoute et de consultation, un espace pour découvrir le numérique, des zones de travail, du wifi, des postes internet et des iPads en consultation, l’accueil de groupes, de classes et de crèches.
700’000
documents et de nombreuses prestations entièrement gratuites pour tous les publics.
Des événements culturels, rencontres avec des auteur-e-s, expositions, concerts, lectures, conférences, ateliers et formations. De nombreux livres, revues et journaux, films, albums de musique… disponibles en plusieurs langues.
S’inscrire
Emprunter
Prolonger
Réserver
L’emprunt de documents à domicile ainsi que l’accès aux ressources numériques à distance nécessitent une inscription préalable dans l’une de nos bibliothèques (voir conditions sur notre site internet).
Empruntez jusqu’à 20 documents et 10 magazines sur l’ensemble du réseau pour une période de 28 jours.
Prolongez jusqu’à 3 fois vos emprunts auprès des bibliothécaires, par téléphone ou via votre espace personnel en ligne.
Réservez des documents auprès des bibliothécaires, par téléphone ou via votre espace personnel en ligne.
63
du i d r a m au Trop pratique
Bibliothèque de la Cité & Espace musique
La bibliothèque vous accueille !
Place des Trois-Perdrix 5 1204 Genève 022 418 32 00 Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
10h 10h 10h 10h 10h
— — — — —
19h 19h 19h 19h 17h
Tram : 12, 14 / Arrêt Bel-Air Bus : 2, 10, D, 4, 5, 7, 19, 36 / Arrêt Bel-Air
Bibliothèque des Eaux-Vives Bibliothèque hors murs — Bibliobus 022 418 92 70 (répondeur 24h/24) Info auprès des communes ou sur www.bm-geneve.ch
Fermée pour travaux, réouverture prévue le 2 mai
Rue Sillem 2 1207 Genève 022 418 37 70 adultes 022 418 37 72 jeunes Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
14h30 — 10h30 — 14h30 — 14h30 — 13h30 —
18h30 18h30 18h30 18h30 17h30
nota n°1
février – juin 2022
Bibliothèque des Pâquis
Rue du Môle 17 1201 Genève 022 418 37 50 adultes 022 418 37 52 jeunes
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
64
18h30 18h30 18h30 18h30 17h
Tram : 15 / Arrêt Môle Bus : 1, 25 / Arrêt Navigation
Bibliothèque de la Jonction
Bibliothèque de la Servette
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
Boulevard Carl-Vogt 22 1205 Genève 022 418 97 10 adultes 022 418 97 12 jeunes 14h30 — 9h30 — 14h30 — 14h30 — 13h30 —
18h30 18h30 18h30 18h30 17h30
Tram : 14 / Arrêt Jonction Bus : 4, 11, D / Arrêt Jonction Bus : 2, 19, 35 / Arrêt Sainte — Clotilde
Bibliothèque des Minoteries Parc des Minoteries 5 1205 Genève 022 418 37 40 Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
14h30 — 10h — 14h30 — 14h30 — 10h —
18h30 18h30 18h30 18h30 13h30
Tram : 12 / Arrêt Augustins
samedi Bus : 2, 6, E, G / Arrêt Vollandes
14h30 — 10h — 14h30 — 14h30 — 13h —
Rue Veyrassat 9 1202 Genève 022 418 37 80 adultes 022 418 37 82 jeunes 15h 10h 15h 15h 10h
— — — — —
19h 18h 19h 19h 17h
Tram : 14, 18 / Arrêt Servette Bus : 3, 11 / Arrêt Servette
Bibliothèque de Saint-Jean & Espace Sport
Avenue des Tilleuls 19 1203 Genève 022 418 92 01 adultes 022 418 92 02 jeunes 022 418 37 66 sport Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
14h30 — 10h — 14h30 — 14h30 — 13h —
18h30 18h30 18h30 18h30 17h
Bus : 7, 11, 9 / Arrêt Miléant Bus : 6, 10, 19 / Arrêt Charmilles
La Bibliothèque de la Cité est aussi ouverte le dimanche de novembre à avril, de 13h à 17h.
Trop pratique
Bibliothèque des Pâquis
Bibliothèque de la Servette
Bibliothèque de St-Jean Bibliothèque des Eaux-Vives
Bibliothèque de la Cité Bibliothèque de la Jonction
Bibliothèque des Minoteries
Retrouvez les Bibliothèques municipales sur les réseaux sociaux
Retrouvez les Bibliothèques municipales près de chez vous
Youtube
facebook.com/genevebm youtube.com/genevebm instagram.com/genevebm
Blog, vidéo, playlists des bibliothécaire sur notre catalogue catalogue-bm.geneve.ch
Le site de la médiation culturelle numérique numeriquebm.ch
numeriquebm.ch En raison de l'évolution constante du contexte sanitaire, le programme pourrait subir des modifications. En cas de doute, n’hésitez pas à consulter le programme en ligne sur www.bm-geneve.ch
Plus de contenus en ligne sur catalogue-bm.geneve.ch/nota Genève, ville de culture www.ville-ge.ch