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numérique

Photographe : Magali Girardin

Les

Travers Le Monde

Des services appelés « Empruntez un-e bibliothécaire » (avec ou sans le “-e” du langage épicène) ont commencé à se multiplier à partir des années 2010 dans les bibliothèques et médiathèques du monde francophone, de La Chaux-de-Fonds à Montréal, en passant par La Réunion et par la ville belge de Schaerbeek. La Scandinavie connaît ce genre de prestations depuis la décennie précédente. Les pays anglophones aussi : du Royaume-Uni à l'Australie, en passant par l'Amérique du Nord, on y trouve ce service depuis les années 2000 sous le nom « Borrow a librarian » ou (avec un jeu de mot sur book, qui ne désigne pas seulement un livre, mais aussi l'action de réserver), « Book a librarian ». Partout, ces « prêts » en chair et en os prolongent le travail de conseil habituel fourni par les bibliothécaires, proposant à chaque usager-e qui en fait la demande un moment privilégié, soustrait au va-et-vient et aux aléas du quotidien. La spécificité des Bibliothèques municipales de Genève dans ce cadre réside dans le fait que leur « Empruntez un-e bibliothécaire » est centré sur le numérique. D'autres institutions dans le monde (telles que la médiathèque François-Mitterrand — Les Capucins à Brest, ou la bibliothèque publique de Westerville dans l'Ohio…) ont fait ce même choix, qui poursuit la double mutation en cours dans l'univers bibliothécaire : le numérique prend plus de la place, oui, mais l'interaction humaine aussi.

Parfois, les questionnements sont angoissants, reflétant l'actualité anxiogène du monde numérique. « Une dame est venue me voir persuadée que quelqu'un avait piraté ses comptes et qu'elle était suivie à la trace. En réalité, les signes de piratage qu'elle croyait déceler sur son écran étaient le résultat de fausses manipulations et d'une multiplication de mots de passe, que je l'ai aidée à mieux gérer », raconte Antoine Schmitt, un « emprunté » de la Servette. Une autre utilisatrice « vient régulièrement avec des appareils qu'elle a dû acheter à l'aube du numérique », ajoute le bibliothécaire. Comment l'aider ? « Pas évident. Le plus souvent, ses machines s'allument à peine, mais elle ne veut pas s'en débarrasser, ni en acheter de nouvelles. Avec un peu de chance, je parviens parfois à lui trouver un logiciel qui permet de refaire tourner le lecteur DVD d'un vieil ordi. »

Les réponses se trouvent à deux

Comment font les « emprunté-e-s » pour avoir réponse à (presque) tout ? Les connaissances sont partagées au sein du groupe sous la forme d'une « foire aux questions » et les rendez-vous pris à l'avance permettent, s'il le faut, de se documenter. Mais l'essentiel se passe dans l'interaction. « Je demande à la personne si je peux utiliser son appareil devant elle, et on fait tout ensemble. On recherche des informations en ligne qui sont parfois difficiles à trouver. On déchiffre des marches à suivre qui sont souvent formulées de manière compliquée. Après, on suit les étapes, en découvrant ensemble comment il faut faire », détaille Anna.

Au moment où on l'observe pour rédiger cet article, Anna reçoit une dame aux prises avec le réseau social LinkedIn. « Je suis au chômage depuis quelques jours, j'ai mis mon CV mais je ne le retrouve pas », s'inquiète l'usagère. Sur LinkedIn, votre profil est votre CV, explique Anna. « Aussi, l'office de placement demande que le CV fasse une seule page plutôt que deux. » La bibliothécaire signale qu'un autre service proposé par les Bibliothèques municipales, celui des écrivains publics et écrivaines publiques, est le mieux à même de fournir ce genre d'aide. Elle donne néanmoins un coup de main en coupant quelques répétitions. « C'est nickel », s'exclame l'utilisatrice en contemplant sa page remise à jour sur le réseau social. Anna prend congé, et on en profite pour poser une question à l'« emprunteuse » : s'il n'y avait pas ce service, où iriezvous poser ces questions ? « Nulle part, ça n'existe pas ailleurs. »

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