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Fête de la musique

revenir a été le moment où j'ai entendu pour la première fois le disque Folk Songs du groupe norvégien Trio Mediaeval, qui a été une sorte de retour aux sources et qui m'a fait tellement de bien. Ça a été ma thérapie, et ça l'est toujours. »

Claire : « Après avoir quitté Polhymnia, on ne se voyait plus et ça me manquait. J'avais envie de passer du temps avec mes copines et je trouvais chouette l'idée de faire quelque chose de différent, car le classique tout droit, c'était fini pour moi, je n'avais plus envie d'en faire. Contrairement à Hilde et Taina, je ne suis pas née dans les cultures nordiques, mais ces musiques m'évoquent plein d'images. C'est tellement multisensoriel, quand je les entends je sens l'odeur du lichen… Alors je vais surfer sur YouTube, je tombe sur Ievan Polkka, je me dis ”Ah tiens, ça a l'air d'être du finnois”, j'envoie le lien à Taina et elle me dit ”Oui, oui, on pourrait la faire.” »

Taina : « J'ai beaucoup chanté de musique folklorique finlandaise en étant jeune, ça m'a toujours nourri. J'habite ici depuis 30 ans et je rentre à chaque fois un peu chez moi avec ces chansons. Il y a aussi quelque chose d'empowering, comment dit-on en français, empouvoirant… »

Votre musique semble naviguer dans plusieurs univers à la fois : le folklore, mais aussi le classique, avec vos voix de soprano (Taina) et de mezzo-soprano (Claire et Hilde)… Où vous situez-vous ?

Hilde : « C'est essentiellement de la musique traditionnelles. On a aussi quelques compositions contemporaines, mais toujours dans la veine de la musique traditionnelle, et des ballades médiévales. Ce sont en général des chansons venues d'une tradition orale, pas des morceaux classiques qui doivent être respectés au soupir près : c'est très libre, on peut en faire ce qu'on veut… »

Taina : « … Mais souvent nos arrangements sont des reprises d'autres versions, par exemple celles de Värttinä, un groupe de folklore finlandais composé uniquement de femmes. Nous écrivons à ces groupes pour demander le droit d'utiliser leurs partitions, ça donne souvent des contacts très chaleureux. »

Claire : « C'est en tout cas de la musique très populaire, et c'est ce que j'aime. Ce n'est pas intello, pas le genre de répertoire à chanter dans une église en se gelant les pieds… »

Hilde : « En fait si ! On est souvent dans des églises à se geler les pieds, mais on ne fait pas la musique qui est prévue pour. Il faut d'ailleurs qu'on fasse attention à quelles paroles on chante lorsqu'on fait un concert dans une église… »

Justement, que racontent les textes des chansons ?

Hilde : « Il y a des chagrins de jeunes filles qui attendent leurs bien-aimés, souvent des marins, qui partent et qui ne reviennent jamais, ce qui est quand même une grande partie du destin des femmes du Nord. Je pense d'ailleurs qu'une partie de l'indépendance des femmes du Nord vient du fait que les hommes n'étaient pas là, donc on était obligées de se débrouiller par nous-mêmes, et on créait des sociétés qui, historiquement, étaient souvent conduites par des femmes… Sinon, il y a pas mal de choses assez coquines. Une des chansons suédoises qu'on chante dit : “Ah, si c'était le jour et tous les garçons étaient alignés, et je pouvais choisir celui qui me plaît… Ah, si c'était le soir et tous les garçons étaient suspendus, et je pouvais les allumer : ils brûleraient… Ah, si c'était la nuit et tous les garçons étaient couchés, et je me glisserais là-dedans, et personne ne me verrait…” C'est une chanson médiévale. Pas mal, non ? »

Taina : « On a aussi celle du petit caneton qui pleure au bord d'un étang, et puis une personne arrive pendant la nuit au bord de l'étang, voit le caneton et se sent comme lui, à cause de ses chagrins d'amour. C'est très finlandais, de pleurer un chagrin d'amour… Il y en a une autre encore qui est assez connue, Minun Kultani Kaunis, qui dit : “Mon amoureux il est beau, mais il est très maigre. Mon amoureux il a des yeux bleus, mais il louche. Mon amoureux il a une jolie bouche, malgré qu'elle soit très large. Et quand je l'emmène au marché, même les chevaux se marrent…” »

Un après-midi par semaine, vous vous retrouvez chez Hilde dans un village de la campagne genevoise pour répéter…

Claire : « Mais le travail musical ne prend pas toute la place. Un après-midi par semaine, c'est beaucoup, c'est carrément un 10%, mais sur ce 10%, il y a aussi des tisanes et du blabla… Et je pense que c'est ce qui fait notre force : il y a un truc hyper fort entre nous, ça se sent et on nous dit toujours que ça se voit sur scène. Ces après-midis sont un pilier dans ma vie. »

Hilde : « On se voit, on travaille, on papote, on pleure, on rigole, toute la vie y passe. »

Les Voix boréales en ligne

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