2022
On a tous un disque « refuge », un morceau ou un disque cent fois remis sur la platine ou dans les oreillettes, lié à un moment fort de notre vie. Et si on les mettait en partage?
une play-list gervaisienne.
Talkin’Bout
Arcade - Duncan
Ma liberté - Serge Reggiani:
Les Filles de l’auroreWilliam Sheller:
The Sugarhills Gang - Rapper’s
Tu m’oublieras - Larusso:
Keep On - Alfa
Jersey - Granville: https://www.youtube.com/ watch?v=Lo7BYF_q9Ys
Green grass - Tom Waits: https://www.youtube.com/ watch?v=KRfNj2njwTg
La Groupie du pianiste - Michel Berger: https://www.youtube.com/ watch?v=hFCYZ4ViQDY
Dirty Old Town - The Pogues: https://www.youtube.com/ watch?v=pupVjQBwASo
Chanchan - Compay Segundo & Buena Vista Social Club: https://www.youtube.com/ watch?v=o5cELP06Mik
Je suis de celles - Bénabar: https://www.youtube.com/ watch?v=jwcmsz3xibg
Sweet Home AlabamaLynyrd Skynyrd: https://www.youtube.com/ watch?v=ye5BuYf8q4o
Qu’est-ce qu’on attend?NTM: https://www.youtube.com/ watch?v=duZh2lOgl5s
Is there anybody here that love my jesus - Medeski, Martin & Wood: https://www.youtube.com/ watch?v=lXCdo0hHKTk&list =PLF39728D2006C8CA1
Tostaky
Let’s
Les
Les tubes de l’été
2022:
On a tous un disque « refuge », un morceau ou un disque cent fois remis sur la platine ou dans les oreillettes, lié à un moment fort de notre vie. Et si on les mettait en partage?
Nous sommes allés à la rencontre des habitant(e)s de toutes les générationsenfants, adolescent(e)s, mamans et papas, grands parents parfois - aux quatre coins de la Ville du Pré Saint-Gervais afin qu’ils nous racontent et nous fassent entendre leur album «doudou». Tous les formats ont été explorés: 33 tours, Compact Disc, streaming audio.
Pourquoi cet attachement? Comment le décrire? Nous avons recueillis ces paroles intimement liées aux mélodies et aux rythmes pour constituer cette play-list gervaisienne de l’été 2022. L’ensemble des participant(e)s ont apporté leur album fétiche et ont livré leurs témoignages et souvenirs, ont décrit les circonstances de vie qui s’y réfèrent. Ces récits de vie, intimes et sonores, sont restituées dans ces quelques pages. Ils sont comme des cartes postales, des instantanés où l’on retrouve le portrait de l’habitant(e), petit(e) ou grand(e), portant la pochette du disque ou son image, avec en regard sa prise de parole. Chacun de ces récits est une petite perle de mémoire, de vie, et de plaisir. Une invitation au partage. À la fin de l’ouvrage, vous pouvez retrouver un lien pour accéder à la playlist ainsi constituée.
Bonne lecture et belles découvertes musicales!
une play-list gervaisienne.
Cette proposition s’est déroulée du 6 au 13 juillet 2022 dans le cadre de «L’été au Pré ».
-Le mercredi 6 juillet au Jardin des Copains
-Le jeudi 7 juillet au Jardin des Senthes
-Le vendredi 8 et le mercredi 13 juillet à la Bibliothèque François Mitterrand
-Le lundi 11 juillet au Programme Réseau Éducation (séance annulée pour cause de Covid19)
-Le mardi 12 juillet à la Terrasse du restaurant Le Préautot
écouter la
vous
Wor(l)ds Cie...
L’équipe.
Projet conçu et réalise par Philip Boulay (entretiens et photographies) et Giovanni Ambrosio (graphisme).
Avec le soutien. Ville de Pré Saint-Gervais (L’été au Pré),
En partenariat avec Est-Ensemble, Les Copains d’abord, Le Jardin des Senthes, Le Préau, La Bibliothèque François MItterrand, le Programme Réseau Éducation.
Remerciements.
L’ensemble des participant(e)s et également Jeremie Benoliel, Lisa Barachain, Hélène Mamberti, Sully, William et Elyna. www. worldscie.com - contact@worldscie.com
Ce choix parce qu’en fait dans les chansons « doudou », c’est l’une des plus anciennes dans la chronologie des hésitations que j’avais. Une des plus anciennes donc une qui m’accompagne depuis longtemps.
Tracy Chapman en général, et cette chanson en particulier. « Don’t you know? They are talking ’bout a revolution ». C’est l’histoire des plus démunis, des plus discriminés, des plus à la marge, tôt ou tard ils vont dire non, en fait. J’ai longtemps cru au Grand Soir! Depuis l’adolescence, à partir du moment où j’ai eu une conscience politique, pendant très longtemps, j’ai souvent cru que de mon vivant je verrai une grosse révolution. Style révolution française ou Indépendance du Congo avec Lumumba qui prend a parole à la Table Ronde. J’ai toujours été fascinée par ses moments là. Ce n’est pas que je n’y crois plus. C’est compliqué. Je pense qu’aujourd’hui, l’ère des très grandes révolutions fracassantes avec un nouvel ordre, ce n’est pas que c’est passé… Le problème c’est qu’entre-temps j’ai lu, j’ai étudié, et je sais que toute révolution est suivie d’une période de restauration. La grande révolution est finalement suivie d’une grande période de restauration. Ce qui compte c’est comment chacun, localement, individuellement, résiste. Aujourd’hui, je suis plus une résistante du quotidien, sur le très long terme que quelqu’un qui se prépare à prendre le maquis. Mais à l’époque où j’ai découvert cette chanson j’avais treize ans. Je pense que l’album est sorti en 1988, quelque chose comme ça. J’habitais à Kinshasa. Je suis la quatrième d’une famille de huit enfants. Autant dire que ce n’est pas moi qui choisissait quel morceau passait dans la maison. En plus, je partageais la chambre avec mes grandes soeurs donc je ne décidais pas non plus quelle musique passait. On avait un petit poste dans lequel on mettait des K7. Dans le salon, dans la maison familiale, il y avait la chaîne hifi avec CD, la totale, et dans la chambre on avait une tout petite radio-K7. Dans la maison mes parent mettaient leur rumba la plupart du temps. Ou de la musique
classique, un peu de chanson française. Mais surtout de la rumba. Dans la chambre, c’est là que mes grandes soeurs ramenaient des K7, parfois enregistrées, parfois achetées, parfois des bouts de radio enregistrés. C’étaient elles qui décidaient. Un jour, un garçon qui s’appelait Florian, ou Florent (on l’appelait Flo), amoureux de ma grande soeur Clémence, lui a enregistré cet album là. En lui disant « voilà, aux États Unis, et partout dans le monde, c’est ce qu’on écoute en ce moment ». Il faut dire qu’à l’époque on était sous Mobutu, il n’y avait pas internet, MTV n’était pas encore totalement arrivée je crois, en tous cas pas au Zaïre. En conséquence, on avait la musique congolaise, on avait ici et là quelques petits trucs qui venaient d’Europe. Tous ce qui venait des États Unis, on l’apprenait par ceux qui avaient voyagé et qui revenaient, ou alors par des K7. Donc il lui offre cette K7 parce qu’il était fou amoureux d’elle. Et je me rappelle encore: « Ouais… Flo, il m’a encore fait un cadeau, de toute façon je ne suis pas amoureuse de lui! Viens! On va écouter ce que c’est ». Elle met la K7 de Tracy Chapman. En fait, on l’a écoutée en boucle pendant des années. Tout simplement. J’ai cru pendant un long moment (parce qu’on avait pas la tête de Tracy Chapman puisque c’était enregistré - je n’avais pas la pochette de l’album) que c’était un homme. Peut-être pendant deux ans. Et j’adorais. Je me suis amusé à recopier les paroles; ayant treize ans, je commençais à apprendre l’anglais, pour comprendre ce que cela voulait dire. J’étais déjà dans une crise d’adolescence, avant même l’adolescence j’étais très rebelle. Tout de suite je me suis dit c’est parfait pour moi. La petite histoire, cela me revient maintenant, à propos de la révolution, c’est que moi j’allais la faire dans la maison! Contre mes parents, contre mes grandes soeurs. Je voyais cette révolution à mon niveau. Je me considérais comme une opprimée en fait… C’est une chanson que j’ai beaucoup, beaucoup ré-écoutée, j’ai écouté tous ses albums ensuite. Cela me donne du courage.
C’est une chanson un peu comme celle de Bob Marley, Get up Stand up. Puis, ses albums se sont espacés, elle s’est retirée. C’est quelqu’un qui n’aime pas la tapage de l’univers médiatique. Elle aime sa guitare, elle est très en retrait. Sa voix est devenue grave, comme si elle-même était devenue encore plus profonde. Avec le temps, elle est allée vers des choses de plus en plus intimes, introspectives. Je dois dire que les premiers mots de ma fille ont été « tachi mamane » parce qu’on l’a souvent écoutée, à la maison, avant d’aller à la crèche, ou pendant les trajets, en voiture, en famille.
Albertine Talkin’ Bout a Revolution
Alma: Mes goûts musicaux sont très variés. Des fois j’ai envie d’écouter quelque chose de plutôt triste, d’autres fois plus dansant. On va dire ça dépend de mes humeurs, des périodes, de ce que je fais aussi. Quand je veux me détendre, j’écoute juste de la musique. Quand j’écris une leçon ou fais un devoir (trop long) je mets une musique de fond, ce ne sera pas les mêmes.
Clara: C’est pareil. Quand par exemple je dois faire le ménage, je vais mettre quelque chose de rythmé, cela me donne plus envie de faire le ménage! C’est différent si je suis un peu triste ou en colère. Et si j’ai envie de me détendre je vais mettre des musiques un peu chill, plus tranquilles.
Alma: Cette chanson est très connue. Parfois, par rapport à ce qu’on écoute, il y a des recommandations. Les algorithmes nous suggèrent d’écouter telle ou telle musique, en fonction de ce qu’on a l’habitude d’écouter.
Clara: Moi je l’ai écoutée parce que d‘autres gens l’écoutaient. Et puis sur YouTUbe, tu peux voir des vidéos de musiques qui te plaisent. Du coup j’ai découvert ce morceau comme ça.
Alma: Ou à la radio aussi, par exemple. Quand je tombe sur une musique qui me plait, je vais chercher ce que c’est et puis après je la mets dans ma playlist.
Alma: Moi mes musiques, ça ne prend pas beaucoup de place sur mon téléphone. Sauf si je les télécharge.
Clara: Ma playlist de 2020-2021, elle durait plus de trente heures! Certains ont 1500 chansons. Moi je dois en avoir 400, ou 450. Ce n’est pas beaucoup. Je garde juste les chansons likées, c’est à dire celles que j’écoutais beaucoup beaucoup, à certaines périodes. Mais cela change, il y en a que j’écoute tout le temps sur une durée d’un mois, puis à un moment, je ne vais pas m’en lasser mais je vais passer à autre chose.
Alma: Je ne connais rien de ce chanteur.
Clara: En ce moment je cherche des musiques, quand il y en a une que j’apprécie, je la rajoute à ma playlist. J’en rajoute en ce moment à peu près dix par jour.
Clara: Mis à part ceux que j’adore, je ne vais pas regarder leur date de naissance ou autre chose d’eux. Je ne connais rien sur ce chanteur moi non plus.
Alma: Je ne connais que cette chanson de lui! Certains artistes peuvent avoir fait beaucoup de chansons, mais moi c’est un titre que je vais écouter. Mon coup de coeur!
Clara: Un coup de coeur c’est une chanson que tu aimes beaucoup et que tu ne peux pas t’empêcher d’écouter. Après, cela te rentre dans la tête. T’apprends les paroles par coeur. Je vais alors chercher si l’artiste a fait d’autres chansons qui ressemblent. Dans ce cas, je vais découvrir certaines choses sur l’artiste. À la première écoute de cette chanson, c’est waaaouhh! Un déclic! On ressent des émotions.
Alma: Dans ce cas, je la fais écouter à mon petit frère. Moins à mes parents parce qu’on n’a pas vraiment les mêmes goûts. Ou à des amis, je renvoie le lien, on en parle au Collège, à la récréation.
Clara: Ma soeur est plus grande que moi, c’est aussi grâce à elle que je connais beaucoup de musiques. La majorité des chansons que j’écoute, ma soeur les connaît aussi. Elle a 15 ans et demi. Quand on va au Collège, on choisit des morceaux qui vont bien avec la marche.
Alma: Le matin, à 8 heures, c’est pas toujours facile! Pour se motiver, on avait appelé une chanson « chanson qui marche ».
Clara: Ça devait réveiller un peu le voisinage. À 7h30 du matin! On criait sur la chanson tout en marchant!
Alma: Nos parents n’aiment pas forcément ce qu’on écoute mais ils découvrent. Mon père un jour a écouté une chanson. Il n’a pas arrêté de l’écouter pendant un mois! Il était encore plus fan que moi.
C
lara: Moi c’est plutôt mes parents qui essaient de me faire écouter leurs chansons. Dans la voiture, quand on va quelque part, chacun met une chanson. Parfois mon père me dit « enlève-moi ce bruit » quand on en met une des miennes.
Alma: Ah oui, ou « c’est quoi cette soupe? », « Mets de la musique! »
Alma & Clara
J’ai choisi cette chanson pour sa poésie, et aussi parce qu’il évoque la souffrance que nous sommes malheureusement obligés de subir. Il parle de cette liberté, sans haine. Cela me touche. Il dit par exemple « je t’ai trahie pour un prison d’amour ». C’est beau, ça. Il dit aussi « toi qui m’a fait aimer même la solitude ». Tous ces mots me touchent. La chanson est optimiste en fait. Ma liberté c’est optimiste. Ma mère l’écoutait beaucoup cette chanson. Quand il dit « ma liberté je t’ai tout donné, ma liberté je t’avais prêté ma dernière chemise, et combien j’ai souffert pour satisfaire tes moindres exigences, j’ai changé de pays, j’ai perdu mes amis pour gagner ta
confiance », eh bien, j’ai l’impression que c’est ma mère quand elle est partie d’Algérie. C’est le déracinement, c’est l’arrachement, le départ. Je trouve qu’elle se prête à beaucoup de situations de vie. Qui qu’on soit. Africains, européens, américains. Quand on doit partir, il faut se réadapter. Ça demande beaucoup, quoi. Elle me touche beaucoup, je la trouve assez universelle.
Et en plus, il a une très belle voix!
Ammaria Ma liberté
D’un coup, cela m’est venu parce qu’on est début juillet. C’est un peu triste ce que je vais raconter. Mais j’ai perdu il y a deux ans mon amie d’enfance, par féminicide. Quand c’est proche comme ça… Et c’était cette période là, c’était début juillet. Quand j’ai appris son décès dans le journée, je partais travailler au Théâtre Gérard Philipe. En vélo, je longeais les quais et cette chanson me revenait. Mais pourquoi cette chanson me revenait en boucle? Cela m’est revenu comme une madeleine de Proust. Je replongeais. En fait, on avait un moniteur de colonie qu’on trouvait hyper ringard, on se moquait de lui, il écoutait tout le temps William Sheller en boucle, il était un peu spécial. Ce n’était pas très sympa, c’était l’adolescence mais on se payait des barres de rires. Sauf que j’ai vraiment écouter les paroles de cette chanson un peu plus tard, avec un copain, un amoureux, c’était celle qu’on chantait tout le temps. Cette chanson a voyagé dans le temps. Ce n’est pas simplement une chanson refuge, mais c’est une chanson qui a repris force il y a deux ans, très curieusement. Qui m’est revenue fortement, qui l’était dans mon adolescence, d’abord pour rigoler. Et puis après, j’aimais beaucoup cette chanson avec un amoureux. Et puis après, j’ai repensé à la mort de Céline. Cela m’a marquée. Je repensais à ça. J’ai écrit un texte là-dessus, j’écoutais cette chanson en écrivant ce texte.
J’ai hésité parce que chaque chanson, chaque chanteur correspond à une période. Enfant, j’aurais pris Renaud Morgane de toi, Hubert Félix Thiéfaine à l’adolescence, toute une période l’Italie à fond: Gaetan, Franco Battiato…
Annabelle Les Filles de l’aurore
C’est une chanson qui a marqué ma jeunesse.
Je devais avoir une dizaine d’années je crois quand la chanson est sortie. Je me souviens de la chanter et même de la danser chez moi. J’avais le single en CD quand ils ont commencé à la sortir. J’avais un disc man. Je ne sais plus si c’est pour un anniversaire ou à Noël que j’ai eu ce single. Je ne me rappelle plus. En tout cas, je l’ai eu comme cadeau. J’étais jeune. Mais même encore aujourd’hui quand je la mets… C’est une chanson qui m’a beaucoup marquée étant jeune. Pourquoi? Je ne pourrais pas dire. Je ne sais pas, ce n’est pas une question d’identification ou autre chose, je ne sais pas. J’avais l’impression que cette chanson était du baume. C’était tellement pétillant. Je n’aime pas quand c’est monotone. J’aime quand il y a du soleil, quand c’est festif. Cela l’était pour moi, à l’époque, en tout cas. Et encore aujourd’hui. Et du coup, ben voilà… Je ne sais pas. Il y en a plein, mais je pense que c’est l’une des chansons qui revient en soirée chez moi. Mes enfants la connaissent, elle est dans ma playlist! Oui, oui! Sous la douche. Je ne
sais pas, quand je la mets, je me sens bien, je me sens heureuse. C’est une chanson bonheur, une chanson plaisir. Je suis là, je danse, comme une folle. Mon fils parfois me dit mais tu es folle maman! « Mais tu imagines? C’est quand j’étais jeune! J’étais plus petite que toi. C’était trop cool ». Il est là, genre, « Ouais, siècle dernier, quoi ». Mais je m’en fous! J’ai vécu en Angleterre, j’avais un ami là-bas, qui était français. Mon pote Sébastien. Il avait fait une soirée, et on mettait un peu de tout sauf de la variété française. Il a mis une chanson de Gilbert Montagné. Et tout de suite après il y a eu celle là. Et j’étais là, genre, « Non! Tu ne me peux pas me faire ça! ». Tout de suite, ça ma transporté à nouveau, je me suis sentie comme quand j’étais un peu plus gamine. Je dansais alors tout le temps sur cette chanson. Je voulais aller voir « Le Tour des années 80 », mais je n’ai pas trouvé de place. Pour le temps de la tournée, des groupes de cette époque se reformaient. Je savais qu’elle allait chanter. J’étais déçue. Après, il y a eu aussi des documentaires sur certains artistes de ces années 80 et 90, dont Larusso fait partie. Cela fait drôle de se dire que fut une époque où elle était toute rousse avec des cheveux très bouclés et qu’aujourd’hui elle n’est plus du tout comme ça, des cheveux noirs et très courts. Tu es là, elle a vieilli, j’ai vieilli, je n’ai plus dix huit ans, elle n’a plus vingt ans. On n’entend plus beaucoup parler d’elle, mais cette chanson là est une de celles qui est ancrée dans la variété française. Quand je sors ou que je vais chez des amis, c’est sûr qu’il y a cette chanson. Je ne vous montre pas les vidéos! Ce sera toujours sur Larusso ou sur certaines chanson de Céline Dion. Et Gilbert Montagné. Des artistes qui ont marqué notre enfance.
Bri Tu m’oublieras
LA fête! C’est mettre le feu sur le dancefloor!
Voilà. Comment lancer la grosse fête? Tu mets ce titre, et c’est parti! Tout le monde suit. Le rythme, le tempo. Ça met en joie. Ça fait guincher, ça fait danser. C’est ça. Si j’écoute la radio et qu’elle passe à ce moment là, je monte le volume, et je me l’écoute pour moi. Toute seule dans mon Atelier, en dansant. Ce qui m’est arrivé il n’y a pas longtemps. C’est pourquoi je l’ai shazamée dans mon téléphone, du coup elle fait partie de ma playlist « shazama ». J’ai besoin de circonstances particulières pour l’écouter (en dehors du cadre de la fête). Par exemple dans l’Atelier c’est pour me redonner un petit coup de boost, en travaillant. Sinon, je ne crois pas que je l’écoute à d’autres moments. C’est surtout hyper festif. Je ne connais même pas ces artistes, ce groupe. C’est dingue. C’est purement un plaisir musical, auditif. Je ne sais pas du tout ce qu’ils ont fait d’autre, ces gars là. Aucune idée. Ils sont américains. Je pense que c’es les années 80. Depuis l’âge de 16 ans, disons que cela fait 25 ans que c’est mon tube de soirée. Quand ce n’est pas Whitney Houston (I Wanna Dance With somebody)! Mais bon, cette chanson a déjà été prise! Dans mes années lycées, les fêtes étaient avec des thèmes: années 70, disco… C’était déguisé et costumé. J’ai pas de souvenirs précis parce que c’est loin. Il y a un moment, dans une soirée, je sais que je vais mettre ou proposer ce morceau, et je sais que tout le monde va démarrer. Dans ce moment, je frémis, je vibre. En plus, elle est hyper longue, donc tu sais que tu vas avoir un temps de chorégraphie de dingue.
Dans une fête, les gens qui sont dehors et qui entendant même au loin le rythme arrivent et rejoignent ceux qui sont déjà en train de danser. Moi cela me fait jubiler. Je sais que ça va marcher. Ça marche à tous les coups! Et ça ne vieillit pas en plus. Du tout. C’est ça aussi la joie: je sais que je vais pouvoir le partager.
À l’époque, c’était des chorégraphies collectives, t’es pas toute seule à faire ton truc. Enfin si… Aussi… Mais ce qui est bien, c’est quand tu as des échanges. C’est jouissif! Et puis il y a la jubilation d’être déclencheur de ça! Donc, il faut trouver aussi le bon moment dans la soirée, le mettre ni trop tôt, ni trop tard. Et à un moment, là c’est le moment juste! Et ça marche!Mais c’est vrai que quand j’ai eu une vingtaine d’années, je l’ai vraiment écouté. J’ai arrêté de l’entendre et je l’ai écouté. Et j’ai découvert un discours de romance, une façon de considérer l’amour qui m’a plu. J’ai considéré que c’était très proche de ce que moi je ressentais. Du coup, je me suis beaucoup projeté dans cet homme qui n‘arrive pas à dire qu’il aime. Et en même temps qui a tous les mots pour le dire. Ouais… qui est trop timide, pour le dire. J’ai souvent ressenti ça dans mes premières amours, mes premières relations, mes premiers émois où vraiment au début je n’arrivais pas à aller vers les filles, j’étais complètement prostré. Je pense qu’on est tous un peu passés par là.
La première fois que j’ai entendu cette chanson, c’était ado, à une fête. Une soirée, j’étais lycéenne. Je ne l’ai jamais oubliée depuis parce que c’est
Caroline The Sugarhill Gang
J’ai pensé à Alfa Mist déjà parce que c’est instrumental. Souvent il y a des choses dans le chant que je n’apprécie pas trop. En revanche, dans un instrumental, cela me parle parce que je peux m’identifier. Cela laisse la place aux rêves, à la personnification, à des choses que j’aurais pu savoir faire. Dans ce morceau en particulier, il y a des solos, chacun est parlant, il se passe quelque chose. Le morceau lui-même dure presque dix minutes, ça raconte une histoire, il y a un début, une intrigue, une fin. Il y a toute une vie là-dedans et c’est super, j’adore l’idée. Je le réécoute tout le temps et j’entends une autre chose. Je l’écoute comme un cheminement que j’essaie d’apprendre par coeur. Pour moi, les notes sont comme un chemin, parfois complexe, il faut tourner à droite, puis à gauche, puis revenir, ça monte ou ça descend, hop! Du coup j’écoute ce chemin et j’aime bien l’emprunter à nouveau; et je me rends compte tiens! je n’avais pas vu qu’il y avait ce magasin là, ce panneau là, cette roche là, cette fleur là. Et quand je l’écoute alors que je suis occupé, cela fait comme un fil directeur qui me permet de faire les choses de manière automatique, étendre le linge, faire une lessive, une vaisselle, des choses comme ça. C’est sympa. Je l’ai découvert je crois grâce à un
proposition de YouTube, j’écoutais les Chill Hop qui dure une heure, tantôt c’est des musiques qui te permettent de bosser, ou pour te coucher, qu’importe, du fait de mon profil et de mes choix, ce sont les algorithmes qui m’ont ramené vers ça. Ils m’ont glissé ça un beau jour… Et voilà, c’était parti, en cliquant et en cliquant. J’ai trouvé ainsi d’autres choses, comme Kokoroko. Je me demande si ce n’est pas parti avec le groupe Meute (la fanfare techno) que c’est arrivé, je ne sais plus quel groupe a ramené l’autre.
Charles Keep On
Je ne suis jamais allée à Jersey mais je suis déjà allée sur l’île de Chausey qui est en face de Granville. En Normandie, dans le département de la Manche. À Granville, il y a des départs de bateaux pour Guernesey et Jersey. Et Chausey. J’y étais allée avec une amie pour se balader sur cette île assez sauvage. Et on s’est perdues. Le ciel commençait à noircir. On s’est perdues sur la plage avec des sables mouvants, j’ai perdu une chaussure, enfin bref, le mini-cauchemar des vacances. On a fini par retrouver le bateau. Tout s’est bien fini. Après, cette amie m’a fait écouter cette chanson, au retour, dans son appartement (c’était il y a 7-8 ans). Depuis, on a beaucoup raconté cette anecdote. Elle a vécu en Normandie, je ne sais plus comment elle est tombée sur ce morceau. je l’ai découvert après cette épopée. Le groupe Granville vient de… Caen, mais ils connaissent Granville. Ils sont français. Je pense que c’est pour ça qu’elle y a pensé. C’est un morceau très entrainant, rythmé, un peu rock; un morceau d’été. Ou quand on fait des plans pour la rentrée et qu’on envie de tout changer. J’écoute toutes sortes de musiques, et je fais de la flûte traversière et du piano, en amatrice. J’aime bien mélanger les genres. Même si j’écoute moins de rap par exemple. Ou de hard-rock
C’est un morceau que j’écoute plutôt l’été ou quand je suis de bonne humeur
J’avais emprunté le CD dans une bibliothèque pour écouter les autres chansons du groupe mais elle m’ont moins marquée que celle là.
Claire Jersey Granville
J’aurais pu choisir plein d’autres titres de Tom Waits. J’ai pas mal de ses albums, en CD. J’ai eu une période où je n’écoutais que ça, beaucoup, très fort. J’adore sa voix, j’adore l’ambiance. Déjà, j’adore le jazz, le blues. J’aime ce côté un peu sale, mais hyper beau, un peu garage, le son est travaillé. Je chantais beaucoup cette chanson. Juste à la guitare, comme ça. Et je l’ai chantée à l’enterrement de ma grand mère. Dans une église. Avec Sam (son mari) au saxophone pour l’occasion parce qu’il en faisait avant. On a fait un petit arrangement. Le texte, je le trouve très beau. Après je ne sais pas si cela parle spécifiquement de la mort, mais moi j’y vois un peu ça. En fait il dit « allonge-toi à côté de moi, dans l’herbe tendre ». Pour moi, on comprend qu’il n’est plus là mais que… Il parle des oiseaux, du ciel, c’est un recueillement, ce n’est pas triste. Alors que cela parle de quelque chose qui pourrait être angoissant ou anxiogène, cela ne l’est pas du tout. C’est très reposant.
Même s’il a la voix pétée,
sa whisky voice, les cigarettes… Cela me procure du bien être de l’écouter. Dans le court métrage Coffee & Cigarettes, il est trop bien, avec Iggy Pop. La rencontre improbable. il est d’ailleurs ambulancier, à ses heures perdues.
Entre deux concerts, il va sauver des gens. J’adore ce personnage, il est très théâtral. Il a une gestuelle, il a tout un univers. Je le trouve très beau. J’avais même à un moment écrit un court-métrage - en fait je fais du dessin animé avec Sam - autour d’une de ses chansons. J’habitais à Barbès à l’époque, un truc qui se passait à Paris, dans un environnement un peu crado mais que je trouve beau aussi. Il y avait quelque chose que j’aime bien làdedans. Ce n’est pas les bas-fonds, mais un peu la marge. Ça fait longtemps que je ne l’ai pas écouté. Quand j’ai pu le voir en concert, j’ai trouvé ça incroyable. Au Grand Rex, en 2000 et quelques. Je crois que c’est un des derniers qu’il a dû faire, il n’en fait pas beaucoup. Il n’en fait pratiquement plus. J’avais eu du pot, j’avais réussi à récupérer une place sur Le Bon Coin parce que tout était partit; donc j’y avais été avec un gars que je ne connaissais pas du tout. On ne se connaissait pas mais on a passé la soirée ensemble. Tous les deux, nous étions à fond. Le groupe est génial. Il y avait son fils qui jouait, qui faisait les percussions, un gamin, un petit blondinet qui arrivait sur scène, haut comme trois pommes. Je ne sais pas quel âge il avait, peut-être 8-9 ans. Tout maigrichon. Il a commencé à taper sur les percussions, et tous les autres rockers l’ont rejoint.
Coline Green grass
On l’écoutait en boucle, on la chantait, on la dansait sur une petite route où seule une voiture pouvait passer. Nous avions 15, 17 et 16 ans. Mon père nous a emmenées en voiture dans le petit camping, en bas de a montagne. Mon père avait une Ford blanche. Il n’avait pas de musique dans sa voiture. Ma tante aussi avait un café. Et il y avait surtout un petit café qui s’appelait « Chez Léon » quand on campait. Elle y était aussi dans le juke-box, on pouvait l’écouter. On avait aussi des copains qui avaient une autoradio pour l’écouter. Parfois, sur la route, on l’entendait, d’autres gens l’écoutaient. C’était le tube de l’été 80. Avec ma fille on fait un jeu, enfin maintenant on ne le fait plus parce qu’elle est grande, tu me fais écouter une chanson, je te fais écouter une chanson. Je lui ai donc fait écouter les musiques que j’aimais bien, dont La Groupie du pianiste. Je ne l’ai pas en disque. Je vais la chercher sur internet. J’aime bien ce jeu où chacun fait écouter sa chanson, ou sa musique. On découvre plein de choses. Il y avait aussi Il jouait du piano debout chantée par France Gall. Il n’y avait pas de musique chez moi, pas de tourne disque. Mes parents n’écoutaient pas de musique. Seul le juke-box me permettait d’en écouter, de la variété. Après, quand on eu 13 ans, on allait dans un autre café, toujours en Ardèche, dans une ville ouvrière, là où j’ai grandi, en face de Montélimar, Le Teil. C’est les Usines Billon, le textile, les cartonnages, Lafarge, Rasurel / Lejaby… Ce ne sont que des
petits quartiers, La Violette, La Mélasse… Une immigration italienne, maghrébine. Mes copines étaient toutes italiennes. Après mes 13 ans, on a déménagé et on est allé dans un village viticole, dans le Vaucluse, côtes du Rhône. Rien à voir. Autre ambiance. Assez fermé. FN maintenant… Ma chambre donnait à côté de la chambre du pion de mon Collège. Lui écoutait énormément de musique. C’est lui qui m’a fait écouter pour la première fois du blues, du rock, John Lennon, Patty Smith… Il y avait aussi un magasin de disques, à Orange. Pour moi c’est aussi là où j’ai rencontré ma première bibliothèque. FN aussi maintenant… Je prenais le car pour faire 15 kilomètres. J’allais chez le disquaire. Grandiose! La Mecque! Un autre monde! J’y cherchais les disques que ce pion me conseillait. C’est lui qui a fait ma culture musicale à cette époque. D’autres personnes ensuite m’ont fait connaître la musique classique , Glenn Gould, « Bon là tu vois tu vas écouter les Variations Goldberg… », puis le jazz, le free-jazz, j’ai découvert Miles Davis… l’album dont la pochette est bleue, Kind of blue je crois. Mais au départ tout démarre avec le juke-box. En ce sens, j’ai été privilégiée! Même si t’étais variétoche ou Johnny Halliday avec Ma Gueule… Mais aussi Petite Fleur de Sydney Bechet.
Je suis fille de cafetier. Donc les juke-boxelle était dans le jukebox. On la mettait tout le temps. C’est aussi parce que c’était la première année où je suis allée camper avec ma soeur et une amie, en Ardèche. Nous étions libres, toutes seules.
Evelyne La Groupie du pianiste Michel Berger
Ce morceau, à chaque fois que je l’écoute, me donne la chaire de poule. Je ne sais pas, c’est la voix, c’est le son…
Le nom du chanteur est Shane McGowan, aujourd’hui décédé. The Pogues est un groupe punk irlandais, je les écoutais dans les années 90 quand j’avais vingt ans. Je suis d’ailleurs allé en Irlande plusieurs fois. C’est ce pays en même temps. Il y a de ça aussi. Je ne connaissais pas ce morceau quand j’étais gamin. J’écoutais surtout un autre album. Avec C., on est allé se faire une semaine de balade dans le Cantal. On est allé à un vide grenier, il y avait un petit bar, un hôtel restaurant, vraiment de village, qui nous a paru chouette et dans lequel on serait bien allé. Mais l’hôtel était fermé. En tous cas il faisait bar. Un tout petit endroit. Le mec écoutait de la super bonne musique sur son ordinateur. À un moment il a diffusé ce morceau. Il était sur YouTube, il avait une espèce de playlist qui tournait. Je ne suis pas quelqu’un qui écoute énormément de musique. Je peux connaître un album sans forcément connaître tous les autres qu’a réalisé l’artiste. Mais celui-là… je ne sais pas… il y a un truc… dans la voix… En plus, dans cette version live, ce que j’aime, justement, c’est que c’est la fin de sa vie. Mort d’overdose. Il était aussi alcoolique - de toute façon ils picolent depuis qu’ils sont gamins. C’est des punk, quoi! Ça s’entend dans cette version. C’est aussi cela qui amène cette force. On entend les gens qui reprennent le chorus. Ils sont populaires, ils étaient très populaires. Je crois qu’ils le sont encore… Ils ont continué un petit peu sans lui. Mais c’est comme tous ces groupes. Un peu comme Les Négresses vertes:
ça continue sans le chanteur qui était en fait le leader charismatique. Ça continue, mais ce n’est plus la même chose. En fait, l’idée, c’est la bande (comme les Négresses vertes d’ailleurs): ils sont 10, 15 sur scène, plein d’instruments différents qui au final vont très bien ensemble. On ne les imagine pas réunis. L’accordéon, la trompette, l’harmonica. Il y a un vrai parallèle. Les Négresses vertes sont les Pogues français! Même destin, les deux chanteurs sont morts d’overdose, les deux. Ce qui est bizarre, c’est que je découvre ce morceau tardivement! Il y a 10 ans, même moins, il y a 6 ans, enfin je n’en sais rien. Je peux me l’écouter en boucle, plein de fois de suite. Je suis même allé chercher les paroles. Peu de chansons me font cet effet là. Des morceaux qui m’ont vraiment touché, il n’y en a pas tant que ça. Vraiment très peu. Je ne sais pas pourquoi, celui-là… y’a quelque chose, quoi. Peut-être du fait qu’ils représentent les milieux ouvriers populaires de l’Irlande des années 80 et 90. C’est l’Irlande. Là-bas, beaucoup de gens sont assez pauvres. Mais ce n’est pas que irlandais. Ils sont punk et en même temps c’est traditionnel, ils perpétuent la musique irlandaise traditionnelle, c’est un mélange. Old Dirty Town, c’est leur ville, laquelle, je ne sais pas, des bribes de souvenirs, par exemple le coin où il a embrassé sa première fille, à côté de la station essence, l’odeur du printemps qui arrive dans l’air des docks… des petits bouts d’existence qui font la vie et la chanson. Il n’y a pas d’histoire, mais à la fin, il dit qu’il va quand même détruire tout ça à grand coup de hache. Comme pour un vieil arbre mort.
François Dirty Old Town
J’ai découvert ce titre tout simplement après avoir vu le film avec des collègues et des amis. J’ai acheté l’album à la suite du film d’ailleurs. Je l’ai ré-entendu récemment, il y a deux ou trois jours peut-être, je ne sais plus.
Tout le monde a des CD, on écoute pas forcément toujours les mêmes.
Celui-là est repassé à la radio il n’y a pas très longtemps. Peut-être était-ce une rétrospective? Je ne sais pas. Toujours est-il que je l’ai ré-entendu; et je savais que vous alliez venir à la Bibliothèque! Ce qui me touche, c’est deux choses: soit la musique, soit la voix. Après, quand je comprends, il peut y avoir peutêtre les paroles. Mais là, comme je ne comprends pas, il y a un peu des deux. Mais peut-être plus la musique. Ou plutôt les instruments. En fait je dirais que c’est l’étranger, c’est l’ailleurs. L’espagnol je ne le comprends pas, je ne l’ai pas appris à l’école. Là, je suis en vacances pendant une semaine, je vais le réécouter! Je me souviens, l’album est cartonné, comme si il y avait un livret avec le disque. Et je vais essayer aussi de me trouver le film! cepte de se montrer fragile. Paix à son âme!
Françoise Chanchan Compay Segundo & Buena Vista Social Club
Je suis étrangère. Si j’étais née ici, peut-être que ce serait ma chanson. Je suis née dans un pays très catholique où l’éducation est très stricte, le Pérou. Après mon divorce, je me suis demandé comment pourrait être la vie d’une fille d’ici? Je n’ai pas été adolescente ici, je ne sais pas comment cela se passe. Mais j’ai pensé que cette chanson, en l’écoutant, pouvait représenter beaucoup de femmes. La première fois que je l’ai entendue, c’était par YouTube. Bénabar est auteur - compositeur - interprète. Je le connais, nous ne sommes pas amis, mais je le croise régulièrement. Parce que je fais beaucoup de la télé. J’applaudis. Je le croise souvent. C’est la chanson que je préfère. Il y a beaucoup de chansons qui me plaisent, il y aurait une liste exhaustive… J’écoute une chanson très longtemps jusqu’à la mémoriser, puis après je passe à une autre. De temps en temps, je reviens. Pour les cadeaux, j’envoie des chansons. Celle-là je ne l’ai pas envoyée beaucoup. Je les partage avec des personnes, en les envoyant au Pérou, toujours par YouTube. Cela fait 24 ans que je suis en France. Vers 2005, j’ai arrêté de travailler, j’ai demandé le divorce, et on m’a donné le statut de travailleur handicapé, j’avais beaucoup de temps libre.
La Bibliothèque Georges Pompidou a débuté avec les ordinateurs, c’est devenu gratuit. C’est là que je l’écoutais souvent. C’est des histoires ses chansons. J’ai commencé par une, puis une autre, et une autre… Quand c’était fini, c’est comme si j’étais allée à la discothèque. J’envois donc ces chansons à des amis, à des proches. Une à la fois. Je peux en envoyer une aujourd’hui, et une autre dans quatre jours. Deux ou trois seulement parlent le français. En ce moment, là-bas, je ne sais pas pourquoi, Aznavour est très à la mode. Peut-être parce qu’il est décédé, je ne sais pas. Alors j’ai envoyé une échanson triste, Comme ils disent. Pour moi, le chanson a été une façon d’apprendre la langue française. En arrivant, j’ai fait deux ou trois cours de formation, quelques mois à l’Alliance Française à Lima, mais j’ai d’abord beaucoup appris avec les chanson des films. Celui qui me touche aussi c’est Jean-Jacques Goldman. Si j’étais né en 17 à Leidenstadt. Je me suis posée la question, si j’y étais née, qu’est-ce que j’aurais fait? Je me suis éloignée du Pérou et de son actualité. C’est un pays qui en ce moment est dans une période très chauvine: on sort sa petit chanson patriote et la plupart des gens qui font ça sont justement des enfants d’immigrés. Jean Marco est italien, Kristian Mayer est allemand, etc.. La chanteuse préférée de mon frère est Tania Libertad, elle est très connue, pas très acceptée chez nous mais plutôt à l’étranger. Et bien sûr il y a Susana Baca!
Isabel Je suis de celles
J’ai eu un frère aîné qui ramenait de l’école tous les tubes.
Tous les copains qui avaient les moyens et qui achetaient des 45T, tout revenait à la maison; nous avions que ça. On n’avait qu’un tourne disque que mes parent avaient gagné la Loterie. Vous imaginez? C’était notre seule source pour découvrir des musiques. Après, il y avait Europe 1 et « Salut les copains » qu’on écoutait le soir, en rentrant de l’école. T’écoutais le dernier truc qui sortait. J’ai une oreille pour cette chanson, je l’écoute, la musique est très bien, c’est pas très compliqué. Enfin, je ne pense pas… comme accord. Le piano ressort, puis la guitare. Ça me parle à l’oreille. J’ai entendu ça il y a trente ou quarante ans. Et là, avec votre matériel, voilà que je revis ça! Quand il y a un tube, cela reste un tube. Même Sheila quand elle va chanter un tube, ou Mireille Mathieu, quand la chanson est belle, elle est belle, point final. Cette chanson est une réponse à deux chansons de Neil Young Southern Man et Alabama, où celui-ci dénonçait le racisme des États du Sud des États Unis. Bon… enfin l’histoire est un peu plus compliquée, je vous invite à regarder, à vérifier. Mais pour en revenir au son, quand on est gosse, l’anglais est formidable pour ça, on ne sait même pas ce que cela veut dire. L’autre jour j’écoutais - parce que je suis aussi fan des Rolling Stones - les paroles de Brown Sugar, bon… eh bien, une personne de défense des droits des femmes disait il y a des mots aujourd’hui qui ne passent plus. Mais là aussi, c’est leur son que j’aime. Les guitares qui se chevauchent. Des virtuoses ces mecs! Pour écrire ça! Le seul groupe que je suis allé voir dans ma jeunesse ce sont les Who. À Cambrai en plus! Une petite ville de 20 000 habitants. À l’époque ils avaient une salle où se déroulait pas mal de concerts. Je suis allé voir également un groupe français, Ange. Je me rappelle qu’ils m’avaient déçu, il ne se passait rien…
Mais je me souviens de ce début de concert avec les Who, le noir, puis l’entrée de Pete Townsed avec le mouvement circulaire de son bras sur sa guitare, et le chanteur Roger Daltrey, avec le mouvement de son micro, virevoltant, à bout de mains, hop, comme ça, en arrière, et d’un seul coup cela monte en puissance avec l’orgue Hammond, ils sautent en l’air…
Bon, habituellement, à la fin de leur concert, ils cassaient les guitares. Là, à Cambrai, ils ne l’ont pas fait! Il ne faut pas exagérer… Après, j’étais à l’Armée dans l’Armée de l’air. J’étais avec un fils de Roi, calédonien, kanak. Il jouait de la guitare. Lui, à l’oreille il jouait ce que tu voulais. Il ne buvait pas d’alcool. Il m’avait dit qu’il serait un futur roi au sein de sa communauté. Donc lui ne buvait pas d’alcool, au contraire de ses copains, souvent bourrés. Je l’ai invité à voir un groupe, c’était un blond, à longs cheveux, il jouait de la guitare: Alvin Lee des Ten Years After. Un guitariste phénoménale! On était troufion, hein! Voilà. J’ai donc vu trois choses, vous tombez bien!
C’est une des premières chansons qui m’a marqué et touché, que j’ai découvert, on va dire, par moi-même. Je devais avoir 14-15 ans
J’étais déjà dans l’ambiance rap, mais au-delà de l’ambiance rap, ce morceau m’a beaucoup touché par ses paroles. Cela raconte le moment où on a envie de tout envoyer au « bûcher » parce qu’il y a un épuisement dans le combat, dans la justice; et donc il va dans une extrémité forte à travers les mots - il y a des paroles hyper violentes - il envoie la police, l’État au bûcher dans ce morceau. Des paroles qui aujourd’hui auraient d’ailleurs du mal à sortir, c’est intéressant. Mais c’est amené, ce n’est pas simplement balancé ça pour de la violence. Tout cela est amené dans le cheminement, cela se ressent dans le morceau, dans les mots qui sont choisis. On ressent ce besoin de lutter, de tout renverser pour redistribuer les cartes. En fait, cela correspond au début de mon engagement, un engagement global, associatif, pour des causes militantes ou politiques. C’est vrai que cela correspond à cette période où j’ai commencé ce type d’engagement. Ce morceau est resté parce qu’il donne une force à ce qu’est s’engager. Quand il y avait des choses que je ne comprenais pas ou pour lesquelles je n’étais pas d’accord. Il a toujours été présent et il l’est encore. Je le ré-écoute très facilement. C’est souvent un morceau que je prends plaisir à écouter seul. Et souvent quand je suis dans une impasse dans mes réflexions. C’est pour cela que c’est un morceau qui m’aide dans mes combats. Cela peut être des sujets complètement différents. Un engagement politique ou quelque chose de très personnel. Il va me redonner de la force. Même s’il envoie quelque chose d’assez négatif. Cela va me redonner une force. Aujourd’hui, c’est la première fois que je le fais découvrir à mes enfants. J’ai vu qu’ils étaient assez intrigués. Bon, je considérais qu’ils étaient un peu jeunes; comme je dis, il y a des paroles assez fortes, et qu’il faut avoir une compréhension complète, savoir le remettre dans un contexte. 95, c’est les années où les cités sont en feu, en France.
Il faut contextualiser ce morceau. Aujourd’hui, il ne pourrait sans doutes pas sortir. Avec MC Solaar, ce sont mes premières découvertes musicales, ce ne sont pas celles que l’on m’a apportées, je les ai découvert par moi-même. Les premiers sons de rap je les ai écouté dès l’âge de 10-11 ans, c’était avec son deuxième album Prose Combat. A l’époque il y avait aussi Raggasonic, en raggae, qui faisait des sons avec NTM aussi. J’écoute beaucoup de musique, en son français. Finalement, j’aime beaucoup la chanson française, globalement. Pour ses textes, pour ce qu’elle représente et pour ce qu’elle me procure. Ma musique américaine ou anglaise va me toucher par la musique, moins par les paroles parce que je vais avoir un petit souci parfois de compréhension. Cela est peut-être plus profond, plus fort encore parce que c’est vraiment la musique qui vient me chercher, mais dans la musique française, je suis très attentif au texte. J’aime beaucoup la chanson à texte. Cet album de NTM, je me le suis racheté il y a quelques années, en cadeau, mais l’album original que j’avais moi à mes 14 ans était en CD. Que j’ai encore, mais je l’ai tellement écouté qu’il est pas mal rayé. Aujourd’hui je l’ai en vinyle et je prends souvent plaisir à l’écouter en vinyle, et il est aussi dans ma playlist sur mon téléphone. Le fait de racheter l’album en vinyle c’est vraiment très symbolique parce que j’ai déjà le morceau en version numérique sur plein de supports, j’ai des abonnements à plein de plateformes qui m’y donnent accès. Le fait de l’avoir en vinyle c’est marquer le fait que c’est un album important pour moi. Le disque en vinyle, l’objet, représente ça, dans mon imaginaire. Comme pour les vinyles de mes parents, ce sont des choses qui se transmettent. Avec les CD, même si on voit encore ces boîtes, on y est moins attaché. Avec le vinyle, il y a un attachement. Je suis allé dans une boutique pour l’acheter, j’ai fait la démarche pour l’avoir alors que c’est un morceau dont l’accès m’était quasiment gratuit, tous les jours… Cette chanson, cet album représentent quelque chose d’important de ma vie.
Jeremie Qu’est-ce qu’on attend?
J’étais à Boston, je devais avoir 15-16 ans, quelque chose comme ça, avec un bon copain à moi. À cet âge, j’étais toujours un peu en recherche musicale. Souvent, ce qu’on faisait, c’est qu’on partait toute la journée vadrouiller, partout. On allait dans plusieurs quartiers et on est tombé sur une boutique d’instruments de musique, de percussions plus précisément.
On est rentré dedans, il y avait cette musique, en fond sonore. On a testé les instruments, c’était assez drôle. Avec ce copain, on faisait des improvisation musicales (j’ai fait du piano); d’ailleurs j’aurais pu amener l’un de ces morceaux là! On demande qu’est-ce que c’est ce morceau? Cette musique qu’on avait jamais entendue. Qu’on trouvait géniale, quoi! Du coup, il nous dit, ben, c’est cet album là. D’ailleurs on le vend, il est là. C’était pas vraiment connu, en fait. Alors on l’achète et après on a écouté ça pendant tout l’été. Mais surtout, en revenant de cette boutique, il s’est mis à pleuvoir, mais une pluie torrentielle comme il peut y avoir là-bas. On s’est retrouvé en slip dans la rue. Il pleuvait tellement qu’on était trempés, on a presque retiré tous nos habits, on était pieds nus, on était trempés jusqu’à l’os. Le CD n’a pas trop souffert. C’était en 2000. Cet album, je n’ai pas cessé de l’écouter. Aujourd’hui, je l’écoute encore. Après, j’ai acheté tous les disques. Celui-là, c’est quasiment leur premier album, ils n’étaient pas connus. Ça m’a beaucoup inspiré, pour le reste. Après, je me suis mis à écouter beaucoup d’acid-jazz, de jazz alors que je n’écoutais pas du tout ça avant. J’écoutais les Red Hot ou ce genre de trucs. Cela m’a probablement introduit à l’univers jazz. Mon copain aujourd’hui est élagueur. Alexandre. Il est moitié roumain moitié français. C’est un colosse. Je pense que cela doit lui arriver d’écouter encore ça. Je crois qu’il est maintenant un peu plus reggae. Il est dans des groupes. Bien qu’élagueur, il continue à jouer dans des groupes parce que c’est un percussionniste très fort, on était à l’école de musique du Pré Saint-Gervais ensemble. J’étais aussi à l’école primaire avec lui. C’est donc aussi une histoire d’amitié, en creux. Dans cette musique, il y a quelque chose d’un peu fou que je retrouve chez mon copain. Cela me rappelle à lui. Il est un petit peu marginal, il vit dans une roulotte. Je le ré-écoute souvent quand je le fais découvrir à d’autres gens. C’est tellement génial! Tout seul, je l’écoute rarement, je préfère le faire partager. En réalité, j’ai du mal quand même à écouter des musiques tout seul. Il y
a des musiques qui s’écoutent seul plus que d’autres. Je ne saurais pas expliquer quel genre de musique, mais… celles que j’écoute seul sont souvent plus tristes. Là dedans, il y a un truc un peu fou fou. On sent qu’ils improvisent, enfin presque, c’est une improvisation contrôlée. Ils peuvent le rejouer avec des variantes. J’aurais souhaité les écouter en concert. Mais je ne les ai jamais vu. Ils sont américains. Je pense qu’ils viennent de New-York. Au départ, je voulais amener du Bobby Lapointe parce qu’en fait c’est la première musique que j’ai écoutée. J’écoutais rien avant, puis je suis tombé sur un disque de Bobby Lapointe. Et j’ai écouté ça pendant des années. Ce sont les premières musiques que j’ai écoutées. Ça n’a rien à voir! Leurs disques n’existent pas trop en vinyle, il y en a un, peutêtre deux, j’ai cherché, très difficile à trouver, je les ai donc en CD.
J’ai une « vinylothèque »,
enfin, j’en ai pas mal, du coup j’aurais préféré les avoir en vinyle. Au moins celui-ci, mais il n’existe pas. Je déteste les écouter sur Spotify, c’est vraiment trop… ça n’existe pas en fait, le son est différent. C’est un son en boîte, ça me plait qu’à moitié: c’est surtout pour faire des séquences de musique quand on fait des soirées. Pour une musique de fond, ça va… ou pour danser, quoi. Récemment, je me suis fait offert une scie musicale. J’ai fait du piano, longtemps, et aussi de l’orgue d’église, pendant quatre ans, c’est cela que je voulais faire, mais cela m’avait déçu. Du coup j’ai arrêté. Complètement. De faire de la musique. Là, j’essaie d’en refaire un peu. Cet instrument ressemble un peu à l’onde martenot, cela a quasiment la même sonorité que la scie musicale.
Jonas Shack-man (album) Medeski, Martin & Wood
C’est un chef d’oeuvre musical et poétique. Je crois que j’ai été bercé par cette chanson depuis que je suis bébé. Avec elle. Bon, pas depuis que je suis bébé puisque la chanson date de 1973. Cette chanson est écrite comme un conte, elle décrit la vie en kabylie, dans les montagnes. On y entend comment les vieux se réunissent pour raconter, comment ils travaillent, comment les femmes font du tissage, les jeux des enfants. C’est une grand-mère qui raconte, les vieux sont à côté du feu. Elle raconte la vie des gens qui habitent dans les montagnes. On l’écoute à la maison. Si vous demandez à n’importe quel kabyle du Pré Saint-Gervais, il connaîtra cette chanson. Ils vont la chanter tout de suite, c’est une chanson populaire. Elle a même été traduite dans plusieurs langues. J’ai vu Idir en concert, une fois, en Algérie. Il décrit la vie des familles modestes qui est dure, rude, ce n’est pas la misère mais c’est dur. La musique est un peu triste mais la chanson est en même temps réconfortante. Idid est décédé, en 2020. Il est enterré à Paris, au cimetière du Père Lachaise. À plusieurs reprises il avait été invité sur les plateaux de télévisions françaises, chez Michel Drucker par exemple. Dans Vivement dimanche! Avec Zinédine Zidane. Il a aussi composé d’autres chansons, en français, avec Charles Aznavour. En outre,
Idir a chanté en duos avec plusieurs des grands noms de la chanson française, en passant de Maxime Le Forestier, Patrick Bruel ou Grand Corps Malade. Tous ont dit oui. Un hymne à la chanson française qui réchauffe le coeur! Mais aussi avec d’autres noms de nationalités et de langues différentes.
On peut trouver sur le site web de Radio France la version de cette chanson: https://www.radiofrance. fr/franceculture/idir-eta-vava-inouva-l-histoirede-la-berceuse-kabylequi-a-fait-le-tour-dumonde-5286064
Karim A Vava Inouva
Pour l’instant, il est uniquement en numérique, disponible en ligne via YouTube. J’aspire à le mettre sous presse vinyle bientôt, dans un deuxième temps. C’est uniquement du piano solo, enregistré en une journée. Pour raconter un petit peu l’histoire, c’est une collaboration avec un ami peintre, Lenny Mathé. On voit d’ailleurs ses animations sur les vidéos. C’est une de ses toiles qui m’a inspiré. Cela faisait un moment qu’on avait envie de collaborer ensemble. Au départ, on était plutôt partis sur une performance live, lui peint, moi je joue, quelque chose de très improvisé, en interaction, tous les deux. Au fur et à mesure de discussions, je suis allé dans son atelier, pour finalement tomber sur cette toile qui s’appelle Imaginary Garden qui est une espèce de fleur imaginaire peinte sur une vieille carte. Il peint sur des cartes de France, des cartes de GR (grande randonnée), des vielles cartes qu’il récupère. Je tombe sur cette toile que je trouve incroyable. Je lui dis: « Mais attends je vais composer de la musique en m’inspirant de cette toile! ». J’ai pris la toile, je l’ai posée dans mon Studio d’enregistrement. C’était des improvisations que j’ai au fur et à mesure arrangées, en un après midi. Et le lendemain, directement, j’ai enregistré en gardant la fraîcheur, l’intention première. Je ne voulais pas que cela soit cérébral. Donc, c’est uniquement du piano. Mais il y a des petites touches derrière, un peu d’habillage sonore, un peu. C’est uniquement des effets des réverbs, des pianos qui sont envoyés, enregistrés, pardessus, des notes qui partent dans les effets. Sur un titre, il doit y avoir un synthé; pareil, qui est utilisé comme une nappe, derrière, qui vient rajouter un décor. Mais l’idée était de garder vraiment le son du piano, très feutré, en sourdine, avec les micros très proches du piano. Je considère que le son sort d’un instrument et non pas d’un ordinateur, d’un logiciel. Un violoncelle, un piano, une batterie,
un synthé, des vrais synthétiseurs. Je suis un fou de synthétiseurs analogiques. Les années 70 - 80. Pour moi, l’essence du son vient de là. L’ordinateur ou la console vont juste être un recorder. Mais la matière vient de l’instrument. Donc, celui-là doit me toucher, me parler. Les moments de composition et d’enregistrement sont des moments de connexion avec l’instrument. Je me laisse porter, et c’est l’instrument qui m’apporte la composition qui m’amène quelque part. Je suis pianiste, j’accompagne pas mal d’artistes en tournée, je fais des réalisation d’albums aussi. Là, c’est une communion comme cela l’est avec la toile. J’aurais joué sur un autre piano, cela aurait été d’autres choses. Ce son qu’on entend vient à 90% du son même du piano. Pour l’histoire, c’est un piano que je suis allé récupérer en Allemagne, il y a quelques mois; c’est un petit piano suédois, de marque suédoise, un Nordiska. Ce sont des bambinos. Ils datent des années 60 et ne sont plus fabriqués aujourd’hui et qui à l’époque étaient de pianos pour enfants. C’est un piano droit, mais plus petit. Il ne fait pas 88 touches, mais 73 touches. Il est haut comme une table, mais avec des vraies cordes. C’est ça aussi qui amène ce son, très feutré. C’est ce que je voulais pour ces enregistrements. Tous ces éléments me permettent de proposer à l’auditeur de le laisser méditer, faire sa propre interprétation. Ce ne sont pas des pièces classiques avec des thèmes dans tous les sens. C’est finalement assez simple. Certains le sont vraiment avec une pédale continue - mais du coup qui laissent beaucoup d’espace, au regard de la toile si on peut la regarder en même temps (en regardant sur YouTube), mais aussi juste à l’écoute. J’aime l’idée de ne pas imposer un décor, laisser la personne se faire le sien propre.
J’ai choisi de proposer mon album.
C’est tout frais, il est sorti il y a une semaine. C’est mon premier, c’est un 5 titres.
Kenzo Circles Kenzo Zurzolo
Ils étaient dans une démarche très engagée. Les textes toujours à fond dans la critique de la société américaine, capitaliste, etc.. Je découvre ce groupe autour de mes 11 ans. 11-12 ans. Un peu avant de partir au Collège. Ce groupe est lié à un des amis qui me l’ont fait découvrir. J’ai grandit en Espagne, dans les îles Canaries. Mes parents ne sont pas canariens. Quand on arrive là-bas, il y a un rapport très fort vis à vis de l’étranger. D’autant plus que l’Espagne était très catholique. Ma famille, mes parents, eux, sont athées et anarchistes. Du coup, tout de suite, je sors de lot, c’est compliqué l’intégration par rapport au fait qu’on est pas croyants. J’ai beaucoup souffert du rapport à la religion, làbas. On m’a bien embêtée avec ça. Dans mon souvenir, si ce groupe est important, c’est parce qu’il marque le moment où je fais les rencontres d’autres personnes « bizarres ». Avec qui, tout d’un coup, enfin, je me suis sentie bien. Je me suis sentie à ma place. Avoir un groupe d’amis. C’est pour cela que je choisis ce morceau, ce groupe touche quelque chose en moi. C’est vraiment une musique que j’adore. Cela correspond à une libération. Des gens avec qui je me sens bien, une musique qui me plait! Eux en plus étaient à fond dans le métal de toutes sortes. J’y adhérais aussi mais j’étais réellement dans ce milieu plus parce que j’étais avec des amis, avec eux, que par rapport aux autres groupes; mais ce groupe là, en particulier, de par leur côté plus mélodique justement, parce que j’entends les mélanges musicaux qui viennent d’ailleurs, il y a pour moi une intelligence dans leur musique. Ça a été un énorme coup de coeur, leur clip sont hyper cool, le chanteur est merveilleux. Je les ai vus en concert à Bercy!
J’habitais en France déjà, c’est pour dire à quel point je les ai suivis. Il y a peu d’autres groupes comme ça, notamment depuis que je suis jeune, que j’ai suivis. Je les ai vus aussi à Rock en Seine mais à l’époque ils étaient séparés, donc j’ai vu le guitariste et son groupe, et le chanteur et son groupe. Je les ai vus… Je ne sais plus si je ne les ai pas croisés à un troisième festival. Je ne les suis plus, il se sont séparés, ils ont refait ensuite un album ensemble, après ils ont plus ou moins arrêté leur carrière. Je ne sais pas trop ce qu’ils font dernièrement. J’ai arrêté de les suivre. Mais je serais quand même au courant s’il y avait un nouvel album. Les derniers étaient beaucoup plus doux. Le guitariste s’est mis à chanter, beaucoup plus. Pour moi, ils représentent le moment où je n’ai plus eu honte d’être comme je suis, moi-même. C’est le jour où je me suis dit, ben voilà, je ne suis pas la seule bizarre, il y en a d’autres. Je ne suis plus la seule dans plein de choses. C’était le fait de dire il n’y a rien de mal à être comme ça. Donc, je suis. Là, je suis. C’était très dur pour moi. J’en garde un souvenir de dureté. Je ne sais pas dans quelle mesure si c’était réel ou pas. C’est ce sentiment de non appartenance. De refus d’amitiés, d’échanges qui pour moi n’étaient pas justifiés. Ma différence, je ne la maitrisais pas: ce n’est pas de ma faute si mes parents ne croyaient pas en dieu, enfin! Bon après j’avais une grande gueule…
Ce morceau raconte le moment où je commence à me libérer et à m’estimer.
Ce groupe de métal est plutôt mélodique avec des accents, dans leur musicalité, du Moyen Orient.
Lara Aerials
En fait, j’avais choisi plusieurs chansons. Mais celle qui est vraiment… J’ai beaucoup été bercée par Bourvil. Quand j’étais petite, toute petite, j’avais à peine un an, il y avait une chanson qui s’appelait La Tactique du gendarme. Mon papa me la chantait et me faisait danser. Je suis née en 50, et en 1950 mes parents n’avaient pas de radio, ils n’avaient pas tout ça. Comment ils connaissaient? Peut-être parce qu’ils sortaient un peu. Et donc, il me chantait cette chanson. J’étais bercée « au » Bourvil: La Tactique du gendarme a bercé mon enfance. Mes grands parents aimaient beaucoup les comédies musicales. Ils m’emmenaient au Châtelet où Bourvil se produisait sur scène. Et La Tendresse est quelque chose qui m‘a suivie depuis très longtemps: à la naissance de mes fils (j’ai un fils de 52 ans, j’en ai un autre de 42 ans, 43 maintenant); après mes petits enfants… Enfin c’est une chanson qui est tout en douceur et que je leur mettais régulièrement. Je me rends compte que mes fils sont eux aussi des fous de Bourvil. Ils adorent aussi toutes sortes de musiques bien évidemment. Mais Bourvil… C’est un transmission familiale. On l’écoutait en voiture. Un jour, mon fils aîné m’a enregistré plein de chansons, et il y avait La Tendresse. Sur la K7. C’était une K7 à l’époque. Aujourd’hui j’ai un double album de Bourvil, en CD. Je
le fais écouter à mes petits enfants, ils ont chacun la leur, Salomé, elle aime La Tactique du gendarme, La tendresse bien sûr parce que c’est une chanson pour s’endormir, pour faire les câlins. Camille, lui, aime cette chanson qui dit « Mais qu’est-ce que tu dis? », et aussi Enfoncez-vous ça dans la tête de Henri Salvador. Bourvil était plus connu pour le cinéma que pour la chanson. Mais il a fait tellement de chansons, c’est énorme. Quand il est mort, on savait qu’il était malade. À cette époque, je n’étais pas réellement sensible aux départs, mais la mort en 2003 de Reggiani, ça, je m’en souviens! Lui aussi, c’est quelqu’un qui m’a marquée, il a compté pour moi. Toute une poésie. C’est aussi l’interprétation, surtout. Le premier album qu’il a fait avec les chansons de Boris Vian c’était extraordinaire. On sortait du monde des yéyés, c’était surprenant. En 1970, j’avais vingt ans. Sa rencontre avec Barbara a été décisive pour lui. J’ai hésité aussi à choisir une de ses chansons, mais là il y en tellement! Je ne savais plus! Alors que lorsque j’ai pensé Bourvil, tout de suite j’ai pensé à La Tendresse. C’est aussi plus facile à faire écouter à plein de gens que du Reggiani. C’est offert. Un enfant qui écoute La tendresse, ça va lui parler.
Mamie Do La Tendresse
C’est le morceau de mes quinze ans. C’était la première fois où je partais en vacances, en été, toute seule. J’ai pris le train. J’ai traversé la France, et j’avais peur. Mais j’étais aussi très contente, très excitée. À la fois on a très peur et on se sent très libre.
Cela m’a permis de le faire et je pense que c’est revenu à d’autres moments pour me rassurer, en me disant quoiqu’il se passe dans la vie, je peux toujours repartir. Même si j’ai peur, ce moment de départ, ce moment de liberté sera toujours plus beau, plus fort que la peur que je peux ressentir à ce moment-là. L’adolescence est quand même une grande première fois. Je crois que mes parents étaient un peu stressés mais assez ok. J’allais rejoindre quelqu’un à l’autre bout de la France, c’était mon petit ami de l’époque. Il y avait trois trains à prendre avec des changements dans des grandes gares et des petites gares. C’était la première fois où j’entreprenais cela toute seule. À l’époque je me trimballais pieds nus et je tricotais tout le temps. Je me revois à la Gare de Bordeaux, assise part terre en train d’écouter La Rue Ketanou avec mon tricot. Et les personnes qui passent autour… Et ce sentiment de puissance lorsqu’on est ado quand on fait quelque chose que les autres ne font pas. J’ai une théorie sur les âges: je dis qu’on ne change pas d’âge mais que chaque année, on en rajoute un. On a à la fois 1 an et aussi
15 ans, moi je peux aller jusqu’à 32: j’ai 32 ans. Je ne peux pas encore avoir 33 ans. L’année prochaine, je pourrai aussi avoir 33 ans. On a tous les âges, comme dans ma besace, l’enfant de 5 ans, il est toujours là, il existe. Je n’ai pas eu l’occasion de voir La Rue Ketanou sur scène. Cela ne s’est pas fait. Je pense qu’il y a un côté intime quand on a autant écouté un groupe et qu’on ne l’a jamais vu. Quelque part il nous appartient un peu. Le voir sur scène, ce serait sûrement un autre dimension… Si j’avais l’occasion de les voir aujourd’hui? Je pense que je pleurerais très certainement!
Je me suis rendue compte que ce morceau m’apaisait beaucoup parce que cela met la liberté dans une sorte de romance; et du coup j’ai beaucoup plus envie d’être libre que de ressentir la peur.
Marion Les chemins de bohème
Cet album correspond à ma jeunesse, j’étais au lycée. C’était typiquement le genre de musique - rock alternatif- que j’écoutais avec les copains et copines. J’ai vu Noir Désir en concert à La Fête de l’Huma. C’était une grosse émotion et une révélation. Tostaky représente pour moi vraiment un cri de rage qui correspondait bien au moment des années lycée, on a 1718 ans, on est rebelle, on commence à s’engager, à avoir des idées sur la société. Noir Désir dénonçait certaines choses, le système néo-libéral, le Front National. Ils ont pris des positions assez fortes qui correspondaient à ce que je pensais, à ce que je pense toujours aujourd’hui mais qui maintenant s’exprime
différemment.
La musique était un moyen de s’exprimer, de revendiquer. Tostaky reflète aussi le groupe de copains auquel j’appartiens à ce moment là, c’est important « la bande » à cet âge. Et puis c’est la période où on a du temps ! On a le temps d’écouter l‘album trois fois de suite, de lire toutes les paroles et de les chanter ! Donc forcément ça reste et cela fait partie de soi. Aujourd’hui, il m’arrive de ré-écouter l’album. Parfois, juste pour me faire plaisir un peu nostalgique ou alors en mode « coup de pied aux fesses » lors d’un petit coup de mou. Ça redonne la pêche !
Marjorie Tostaky Noir Désir
Pourquoi ce choix? Parce qu’Elton John, et aussi parce que Marilyn Monroe. Il adorait écouter sa musique. J’étais encore plus fascinée quand j’ai lu son histoire. Il y un film qui est sorti sur lui qui s’appelle Rocketman et quand je l’ai vu, son histoire m’a beaucoup marquée; et j’adore sa musique. Son histoire finalement est assez commune pour les personnes qui deviennent des stars, cet écart entre la personne qu’on est et ce qu’on est censé montrer et ce qu’on représente. Il s’était identifié à Marilyn Monroe et c’est pour ça que cette musique me plait beaucoup. J’aime cette idée où il s’est identifié à son personnage, qu’il réalisait qu’elle avait elle aussi une espèce de souffrance en elle dûe au fait de devoir montrer quelque chose d’elle-même pour pouvoir surtout à être connue, et surtout continuer à l’être. J’ai fait moi aussi une grosse fixation sur elle pendant plusieurs années. J’ai lu beaucoup de livres à son propos, ses écrits - en fait elle écrivait. Elle était dyslexique mais écrivait. Il y avait plein de choses qu’on ne savait du tout d’elle. Elle était montrée d’une certaine manière mais elle était beaucoup plus que cela. Je pense finalement que lui aussi a aimé voir ça d’elle. Il a vu quelque choses qui le reflétait, très différemment parce que son image était différente. Il représentait une personne LGBT, avec à l’époque les plumes, les paillettes et le strass de façon exubérante. Alors que Marilyn Monroe c’était plutôt la pin up parfaite. Cela avait beau être eux, ce qu’ils montraient, il y avait plein d’autres choses. Ce qui était compliqué pour eux c’était de ne montrer qu’une certaine facette d’eux-mêmes au monde. Et de devoir cacher les autres. Ma fascination pour Marilyn Monroe a débuté vers mes seize ans je pense, peut être dix sept. En tout cas, cela a commencé quand j’ai appris - alors cela n’a pas grand chose à voir, quoi que… - ce qu’était « l’effet Werther » (lié aux souffrances éponymes décrites dans le roman de Goethe): quand il y a un suicide, plein d’autres personnes
vont se suicider parce qu’elles ressemblent à la personne qui se donne la mort, juste avant. Ce phénomène a été décrit dans un livre (par le sociologue américain David Phiipps, en 1982, qui décrit la mise en évidence du suicide mimétique); livre interdit parce que plein de jeunes hommes s’étaient suicidés et voulaient ressembler à la personne du livre. Après la mort de Marilyn Monroe, en effet, beaucoup de jeunes femmes qui lui ressemblaient se sont suicidées. Cela m’avait fascinée, j’ai fait des recherches sur l’histoire de sa mort. C’est très mystérieux, ce qui ne fait que rajouter à la fascination. Cela m’a intéressée de plus en plus, en creusant, cela devenait de plus en plus mystérieux, comme une enquête. Plein de choses à savoir mais toujours autant de questions. J’ai adoré ça. J’écoute tout le temps Elton John depuis que je suis petite. J’ai entendu une de ses chansons, donc j’ai écouté les autres. Dans mon entourage, ce n’était pas forcément le favori ou celui qu’on écoutait en famille. Je l’écoute encore aujourd’hui, tout le temps, le matin, le soir, sous la douche, ses musiques me font du bien. Pour être honnête je l’écoute en streaming sur des plateformes mais j’ai trouvé récemment des vinyles, je m’y suis mise. Il a fait sa dernière tournée. J’ai une amie qui y était d’ailleurs et elle m’a dit qu’elle a beaucoup pleuré lorsqu’il a dit adieu à la scène. Du coup, malheureusement je ne le verrai probablement jamais sur scène. Ce n’est pas grave. C’est aussi un peu cela qu’il dit dans la chanson, il dit qu’il aurait aimé la rencontrer Marilyn Monroe. C’est un peut ce que nous tous pouvons ressentir, rencontrer des personnes qui nous fascinent, j’aurais aimé la rencontrer, mais c’est des choses qui n’arriveront jamais, même si cela concerne des personnes vivantes; on vit dans d’autres mondes. On ne se rencontre pas pour autant. J’aime cette idée: cette musique réunit tout le monde. Lui s’est identifié à elle, en fait on peut tous s’identifier à la bougie dans le vent et à l’idée que nous sommes tous courbaturés, marqués par les choses qui nous arrivent autour de nous. Ce qui est beau, c’est qu’on réussit à tenir face à cela, à se rallumer si on s’éteint. J’aime cette idée que tout cela est parti du fait de pouvoir s’identifier à quelqu’un et que nous pouvons nous aussi s’identifier, tout le monde le peut, je pense. Cela réunit les gens.
Marylou Candle in the Wind
Elton John
Ces le premier album qu’on m’a offert, le premier CD que j’ai eu. Il n’y avait pas internet à cette époque. Découvrir la musique n’était pas compliqué mais pas aussi simple qu’aujourd’hui. C’est la mère d’un ami proche qui me l’a offert. J’avais déjà des tendances rock, donc j’ai découvert ce groupe que j’ai adoré. Ça balançait déjà dans le rock, mais aujourd’hui, j’écoute du punk, du métal, tout ce qui est rock et c’est en autre grâce à cet album. J’avais 15-16 ans je pense. C’était donc il y a un peu moins de trente ans. Je n’écoute pas vraiment l’album en entier parce qu’il y a toujours des chansons dans un album qu’on n’aime pas. Mais Def Leppard c’est un groupe que j’écoute encore aujourd’hui. Régulièrement. Pour moi, ça fait partie des incontournables. Ils sont aussi bien que Guns N’Roses, Aerosmith ou AC/DC, mais malheureusement moins connus. En France, ce n’est pas non plus une musique qu’on écoute beaucoup. C’est bien dommage parce qu’ils ont un truc que certains n’ont pas. Ils sont anglais. Même s’ils ont fait carrière aux US. À une époque, ils remplissaient les stades, moins maintenant. Je ne sais pas si un jour j’irai les voir en concert - ils se font vieux. Je pense qu’ils sont moins punchy sur scène; déjà leur album d’il y a quinze ou vingt ans sont moins rock. J’écoute plutôt les anciens. Donc, je ne sais pas. J’ai peur d’être déçu. Peut-être que j’irai s’ils passent en France. Mais j’ai quand même peur d’être déçu. Quand je rentre de vacances,
seul, en voiture ou en train, pour aller au boulot, là, je mets ma musique. Mais pas quand je suis avec les enfants! Pas trop! Quand ils veulent me faire plaisir, je peux mettre deux, trois chansons, rock. Mais pas hard. Ou quand je suis seul à la maison. Je mets fort. Pas à fond parce que je respecte mes voisins… mais fort quand même! Aujourd’hui, Def Leppard, je n’écoute pas plus qu’un autre, enfin… Parce qu’il y a d’autres groupes que j’écoute en boucle parfois, c’est aussi par périodes. Mais, je mets fort parce que cela met la pêche! J’ai hésité avec un autre groupe qui n’est pas lié avec la même histoire, c’est le groupe avec lequel j’ai fait découvrir le punk à mes enfants, je veux parler de Masked Intruders, avec la chanson Crime Spree. Je parle peu de mes goûts musicaux, j’ai été braqué. Quand j’arrive dans un endroit que je ne connais pas vraiment, si on parle musique: « Ah!? Tu écoutes du punk? », « C’est un peu bizarre… ». Etc… Maintenant, en effet, je ne connais que très peu de personnes qui écoutent ce genre de musiques. C’est pas qu’on me prenait pour un fou. Mais cela dérange encore. En Scandinavie, ce sont des pays connus pour ça, ils écoutent beaucoup de rock. En France, c’est plutôt chanson française ou rap. C’est comme ça, c’est pas grave. Je ne le regrette pas. Mais c’est vrai que je me suis autocensuré. Et que je ne parle pas trop musique. Cela ne m’empêche pas parfois écouter Bénabar aussi. En tous cas, dès que j’ai reçu ce disque, je l’ai mis immédiatement en boucle, pendant des semaines. C’est Def Leppard qui m’a fait plonger dans le rock, au sens large du terme, à fond.
Mathieu Let’s Get Rocked in Adrelanalyse Def Leppar
Enfin, on avait l’impression - finalement il faisait les chansons qu’il voulait. Mais derrière, il y avait un vrai créateur. Un vrai artiste. Je crois qu’à une époque on avait pas envie de le savoir. Les gens consommaient la musique, mais n’avaient pas vraiment envie de savoir ce qu’il y avait derrière. Je me souviens, Joe Dassin était très triste de ça. Parce qu’il n’était pas reconnu en tant que musicien alors qu’il était un très bon musicien. Nino Ferre a vécu ça aussi avec beaucoup de difficulté. Et, Christophe, lui, je crois qu’il ne l’a pas mal pris.
Je pense au contraire qu’il s’en foutait en fait… Il s’en foutait d’être reconnu pour sa musique ou pour quoi que ce soit. Ce qu’il voulait c’était faire de la musique. Ça, on l’a découvert par la suite. Quand il avait complètement disparu des radars et que dans les années 90 - 2000, on a commencé à le voir. Alors c’était sur Canal+, des émissions où des mecs s’intéressaient à lui : qu’était-il devenu?
On s’est rendu compte que ce mec continuait, avait un look assez incroyable, avec ses cheveux longs, toujours cette moustache, qui était un peu ténébreux, on ne comprenait pas toujours ce qu’il disait, des petites lunettes fumées, bleues. Un style très différent. Souvent des vestes blanches, il avait un truc… ben… différent, vraiment. Et puis, il a été redécouvert par ses pairs, notamment par Alain Bashung, avec Les Mots bleus. Luimême dit que la version de Bashung est mieux que la sienne. Et puis aussi avec Rodolphe Burger avec La chambre. Alors que Burger c’est plutôt le musicien et chanteur reconnu par toute une intelligentsia parisienne, intello… C’est un peu dur de dire ça! Mais Burger est plutôt un Andy Warhol entouré d’une cour d’artistes plus ou moins jeunes qui maitrisent bien leur sujet, en général. Bon, moi je l’ai découvert tard, j’ai 43 ans, je suis né à la fin des années 70. Lui a commencé dès les années 60, il était vieux. Je l’ai découvert parce qu’il était dans l’atmosphère, il était à la radio, on l’entendait dans les galeries marchandes ou dans les bals populaires, je ne sais pas finalement comment je l’ai découvert. Il était là.
Mais c’est vrai que quand j’ai eu une vingtaine d’années, je l’ai vraiment écouté. J’ai arrêté de l’entendre et je l’ai écouté. Et j’ai découvert un discours de romance, une façon de considérer l’amour qui m’a plu. J’ai considéré que c’était très proche de ce que moi je ressentais. Du coup, je me suis beaucoup projeté dans cet homme qui n‘arrive pas à dire qu’il aime. Et en même temps qui a tous les mots pour le dire. Ouais… qui est trop timide, pour le dire. J’ai souvent ressenti ça dans mes premières amours, mes premières relations, mes premiers émois où vraiment au début je n’arrivais pas à aller vers les filles, j’étais complètement prostré. Je pense qu’on est tous un peu passés par là.
Et j’adorais cette façon qu’il avait de le mettre en forme parce que ça fait partie de l’élan amoureux. De ce truc de projeter une affection sur quelqu’un, gentiment et puis finalement ce qui fait que cela va devenir une histoire, c’est juste ce pas à franchir, ça peut rester un sentiment, ça peut rester très personnel, ça peut être le discours de cet homme là ou alors l’étape d’après, dire « les mots bleus ».
J’ai toujours trouvé cela émouvant, touchant, honnête; et une autre façon de montrer l’homme aussi. On n’est pas dans l’homme séducteur, sûr de lui, mais dans quelqu’un qui accepte de se montrer fragile. Paix à son âme!
* Dernière chose: spéciale dédicace à mon frère qui m‘avait fait ré-écouter ce morceau. À Thomas!
Christophe à ses débuts était très populaire, il faisait des petites chansons pour midinettes.
Mathieu Les mots bleus
Ce choix me semblait une évidence. Déjà parce que je suis fan de Whitney Houston. Aujourd’hui cette chanson a un sens particulier pour moi. Cela me rappelle mes premiers émois de jeunesse. Enfin, de jeunesse… Quand cette chanson est sortie j’avais six ans. J’étais donc toute petite. Mais je m’en souviens parce que cela faisait partie des premiers disques que j’avais le droit d’écouter toute seule dans ma chambre sur mon petit tourne disque orange. Je me le mettais en boucle. Je faisais des chorégraphies dans ma chambre, avec les foulards. Whitney Houston a été un de mes premiers coups de coeur. Avec à l’époque, Michael Jackson, Madonna. Ce qui m’a amené à faire de la danse jusqu'à mes vingt ans. Que j’ai dû malheureusement arrêter. Je faisais des chorégraphies dans ma chambre avec ma soeur. Et puis après avec ma meilleure amie. On fermait la porte. Musique à fond. De temps en temps, on faisait des spectacles devant mes parents, devant les familles, les voisins. On faisait des petits tickets, des petits billets, on les installait. Et on faisait des chorégraphies sur Whitney Houston, sur Michael Jackson aussi. Toute cette période c’est aussi pour moi MTV, les premiers clips, cette identification à toute cette culture qui était complètement nouvelle en fait. Le clip était magique, tu voyais Whitney avec une robe moulante, violette, un peu lilas, sur des talons haut comme ça, avec ses cheveux frisés magnifiques, et danser; il y avait un moment dans le clip qui me marque, encore aujourd’hui, tu la voyais dans une sorte de boutique et tu voyais juste des pieds, des talons et des chaussures très fluo années 80, danser. Du coup c’était aussi la chorégraphie qu’on se faisait à la maison, pour accompagner le clip, tous les gestes avec la main «When the night fall… ». Ça sortait des codes finalement de la chanson ou de la variétés française pures. C’est ce qui m’a vraiment donner envie de danser et de m’intéresser à cette culture festive, joyeuse. Cela se concrétise encore aujourd’hui quand en soirée, avec mes copines de quarante ans, on se met du Whitney Houston à fond! Et qu’on adore ça, quoi! Il y a eu plusieurs biopic autour de sa vie qui sont sortis; il y en a un notamment qui est sorti pas très longtemps après sa mort, sur Netflix. Je les ai quasi tous vus. Mon grand regret c’est de na pas avoir pu assister à son concert quand elle était à Paris. Ma meilleure amie avait été avec sa maman. Elle m’avait fait plein de photos, on ne voyait rien du tout
mais elle m’avait dit « Tiens regarde, je t’ai pris des photos ». C’était chouette. Là, en plus, sur cette couverture… elle est tellement belle. Cet album, je l’ai chiné, je l’ai retrouvé bien plus tard. Mais dans les affaires de mes parents j’ai pu retrouver l’original, un peu moins bien conservé. Mais je l’ai retrouvé, son tout premier album aussi. On la voit sur la couverture avec son chignon. En fait sur le plan des origines, ce n’est pas mon identité, sauf que c’est un parcours de femme, d’une fratrie. Elle a réussi à jouer des codes, c’était la première afroaméricaine à monter si haut dans les bilboards, à réunir les foules comme une Madonna le faisait à l’époque. Elle a gagné ses jalons de star, elle s’est même brûlé les ailes après. Whitney Houston, c’est mon enfance, c’est mon adolescence, et c’est ma vie actuelle parce que cela fait écho: il y a toutes les copines, et tous les maris se moquent! Mais elle coche aussi toutes les cases de la star, si on regarde derrière les rideaux, en coulisse; son mari qui la bat, son addiction, enfin bref, le prix à payer pour être une star. Elle en est morte, sa fille en est morte aussi… Je trouve que c’est violent finalement. Quand tu la vois, tu ne t’imagines pas ce qu’elle a traversé, ce qu’elle a perdu. Mes enfants la connaissent, ils savent très bien. Je me surprends parfois à faire des spectacles pour euxon met du Whitney Houston à fond la caisse dans la maison. C’est aussi surtout l’album de Bodyguard qui passe en boucle. Eux font du chewing gum, et moi je chante, faux souvent, mais je chante. Elle fait partie finalement des intemporels de la culture musicale, à la fois de chacun et de tous. Le plaisir du vinyle venait aussi du fait de pouvoir lire, tu écoutes ton son, tu lis les paroles en même temps. Toute cette culture m’a aidé à éveiller et à approfondir ma curiosité. Aujourd’hui, je sais que mon amour pour la langue anglaise vient de là, en fait. C’est ce que je dis à mes enfants: écoute ta chanson en anglais, regarde tes films en VO, travaille ton oreille. Même regarder les moindres petits détails sur la pochette, le producteur de l’époque, Clive Davis, tu vois que c’est un des gros producteurs de cette musique pop r’n’b qui sortait à l’époque.
Mélanie I wanna dance with somebody Whitney Houston
J’aime bien cette chanson parce qu’elle fait bouger. Et elle est dans un film que j’aime beaucoup Les Blues Brothers. J’avais découvert ce film il n’y a pas très longtemps; pendant le confinement. Je n’ai pas eu encore l’occasion de le revoir. J’aime bien ce qu’elle dit, c’est rythmique. Elle dit que tout le monde est libre, que tout le monde peut faire ce qu’il veut. J’écoute souvent cette chanson quand je rentre de l’école. Parce que je suis content. Ma famille aussi aime bien cette chanson. On danse! Parfois je danse même tout seul. Je sais qu’Aretha Franklin a vécu longtemps, aux Etats-Unis. Et qu’elle a eu beaucoup de succès.
Nino. (12 ans) Think
1) Parce que ce sont deux chefs d’oeuvre. À chaque fois je pleure. Raison pour laquelle je les écoute rarement. En répétitions, au plateau, avec les acteurs, je suis dans ce même état que procure ces chansons; une sorte de gravité, une conscience du tragique, et la prise de risque à soutenir pour atteindre ce quelque chose qui se crée, s’invente, se travaille.
2) Depuis très longtemps, j’ai ce rêve: celui de faire un « road trip » dans les États du Sud des États-Unis. L’ Alabama, l’Arkansas, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Floride, la Georgie, le Maryland, le Kentucky, la Louisiane, le Mississippi, l’Oklahoma, le Tennessee, le Texas, les Virginies… Baltimore, Memphis, Jackson, Birmingham, Montgomery, Lafayette, La Nouvelle Orléans, BâtonRouge, Dallas, Wichita Falls, Fort Worth, Austin, San Antonio, Houston, Nashville, Chattanooga, Knoxville, Atlanta, Charlottesville, Raleigh, Durham, Richmond, Jacksonville, Charleston, Savannah, Tampa, Orlando, Miami, les Keys, Oklahoma City, Tulsa… Les plantations, les champs de coton, le Bayou, les terres de l’esclavage, des marrons et des luttes pour les Droits civiques… Des native american aussi, enfin d’une partie d’entre eux. Et donc là où les premiers joueurs de blues ont commencé - les pionniers - à fredonner, à susurrer, à révéler… la soul. Ce voyage nécessiterait un séjour de six ou sept mois. Dans la famille, je suis le seul à conduire, je serai donc le seul à prendre le volant de ce qui serait un van que j’imagine un peu aménagé. J’ai déjà une sorte de playlist américaine pour ce long périple. Quelque chose comme:
On The Road de Canned Heat, Black Betty de Ram Jam, Stand by Me d’Ben E. King, Didn’t it rain children de Sister Rosetta Tharpe, I heard it through the grapevine et Fortunate son de Creedence Clearwater Revival, Hit the Road Jack et What’d I Say de Ray
Charles, Hard Times de John Lee Hooker, The Thrill is gone et Lucille de BB King, La Grange des ZZ Top, Ain’t Got No, I Got Life et Strange Fruits de Nina Simone, I Am A Man Of Constant Sorrow des Soggy Buttom Boys, Lear on me et Ain’t No Sunshine, et aussi Lovely Days de Bill Withers, Me and Bobby Mc Gee de Janis Joplin, I’d Rather Go Blind d’Etta James, Misty Blue de Dorothy Moore, Proud Mary de Tina Turner, Can’t you see des Marshall Tucker Band, The First Time Ever I Saw Your Face de Roberta Flack, Another Night To stay de Lonnie Johnson, (You Make Me Feel Like) A Natural Woman d’Aretha Franklin, Mannish Boy et Long Distance Call de Muddy Waters, What you donna do de Eb Davis Blues Band, People get up an drive your funky soul de James Brown, Tennessee Whisky de Chris Stapleton, Wasted Days and wased nights de Freddy Fender, Money is the name of the game de Buster Benton, Oh! Sweet Nuthin’ du Velvet Underground, How can you mend a broken heart d’Al Green, The Gambler de Kenny Rogers, Hurt de Johny Cash, Hallelujah de Jeff Buckley, You’ll be a woman soon de Rickie Nelson, Kiss and say goodbye des Manhattans, In the Hell I’ll be Good des Dead Wheel, California Dreams des mama’s and Papa’s, A Horse with No Name d’America, Thunderstruck de Steve Seagulls, Papa was a rollin’ stone des Temptations, Riders on the storm et LA Woman des Door, Murder Foul de Bob Dylan, Sunny de Marvin Gaye, Some of Adam’s Blues des Quakers City Night Hawks, Move on up de Curtis Mayfield, Just an illusion de The Imagination, It’s Been A Long Time de Luther Alison, A Change Is Gonna Come de Sam Cooke, Take Five de Dave Brubeck, Do it Again de Steely Dan, I.G.Y de Donald Fagen, Dreams de Fleetwoodmac, I’ll Take You There des Staple Singers, Cry To Me de Solomon Burk, Midnight Rambler des Rolling Stone, Getting Out Of Town et Bye Bye Bird de Sonny Boy Williamson, Come Go With Me de Lightnin’ Hopkins, Don’t Laugh At Me de Howling Wolf, Gloria de Van Morrison avec le groupe Them… Je pourrais en rajouter, à l’infini. Ce que j’écoute tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, depuis des lustres. Probablement jusqu’à la dernière heure.
Philip Both Sides Now
+ The Sire of Sorrow ( Job’s Sad Song)
Solal et Sacha A nos héros du quotidien Soprano
Louison Bruxelles je t’aime Adèle
J’ai trouvé cet album, à Brooklyn, par hasard. J’étais étudiante, j’ai eu une bourse d’études des Beaux-Arts pour aller étudier à New-York. À l’École de l’image (School of Visual Arts) et donc j’ai vécu six mois à Brooklyn; à Bedford Stuyvesant où s’est déroulé le fameux film de Spike Lee. J’étais donc dans un quartier un peu pourri, c’était en 2010. Ma socialisation s’y est faite par le biais de la danse. J’ai découvert la Jusdon Memorial Church, c’est une réglisse culturelle qui n’est pas du tout religieuse, c’est un bâtiment qui est dédié à la culture, et notamment à la danse. On avait ce qui s’appelle des jam, tu mets 5$ dans une boîte et les gens dansent, des improvisations. Et puis j’allais aussi à « La Cuisine » (The Kitchen) et j’étais « usher » (placeuse) pour voir des spectacles! Comme je n’avais pas beaucoup d’argent, je pouvais faire ce genre d’activités, je n’aimais pas aller dans les bars, du coup j’étais usher tous les soirs pour voir des spectacles différents. Et puis, je m’étais inscrite dans un College dans un quartier plutôt défavorisé; il y avait un cours de claquettes qui était donné par un mec, un performer de la KItchen, et du coup je pouvais participer à des cours de claquettes avec des collégiens,. J’étais la seule blanche. J’ai donc appris les claquettes dans ce cadre là. Je faisais de la danse pratiquement tous le jours. Plus les soirées danse sur les rooftop qui nous amenaient dans d’autres soirées où on dansait beaucoup. En fait, cette pochette me rappelle mon prof de claquettes et le quartier où j’étais. Ça me rappelle cette ambiance. Et puis les armes, dans ce quartier
il y avait régulièrement des échanges de tirs, des coups de feu, des balles perdues… Bon, cela rassemblait donc pas mal de trucs! C’est un disque qui est associé à cette époque, j’avais 27 ans. Plus que la musique, c’est plutôt la pochette et les circonstances, ce côté un peu funk, sympa. C’est une musique pour danser quoi! Ça me rappelle les soirées! Dans ces soirées, je dansais à partir de 19 heures, je repartais à… 3 heures, sans m’arrêter de danser. Après j’ai eu des problèmes d’articulation, en plus je ne me nourrissais pas très bien, je n’avais pas beaucoup d’argent, donc je ne mangeais pas trop bien. Après j’ai eu aussi des petits soucis de dos à force de piétiner. Mais oui, c’est de beaux souvenirs. Ce quartier de Bedford est assez dangereux et populaire. Maintenant cela a changé, c’est devenu plutôt Williamsburg, quoi. En pleine gentrification. J’allais à la Croix Rouge m’acheter des fringues. Je ne pouvais pas me payer autre chose; c’était trop sympa. J’y suis retournée, et je n’ai pas retrouvé… en fait, quand tu es nomade, tu es dans une énergie qui t’aide à profiter d’un lieu, tu absorbes. Cet endroit est beaucoup relié à la danse, après c’est resté. Quand je suis revenue des États Unis - parce que je dansais très peu avant - j’ai eu un engouement total pour ça. J’aime toujours faire de la danse en groupe, en collectif.
Sophie Unfinished business
C’est formidable quoi! Pour moi, c’est une chanson très émouvante. Il y a tout, l’orchestration au début, et puis les voix… On sent qu’ils ont pris leur temps. La chanson se pose. La musique se pose. Elle va durer longtemps, et c’est très très bien. À la fin, on a qu’une seule envie, c’est que cela recommence. Elle m’émeut, à chaque fois… Très émouvant. Je pense aussi qu’il y a certainement un très bon enregistrement qui fait que, eh bien, Ella Fitzgerald et Louis Armstrong sont là. Côte à côte. Ils chantent, il joue de la trompette, et on est là, on est avec eux. Je trouve que la trompette c’est comme une deuxième voix. Chacun s’exprime avec le meilleur de luimême. Armstrong c’est avec sa trompette, et Ella Fitzgerald c’est avec sa voix, absolument sublime. Qui va bas! On est touché par sa voix grave. Et claire aussi. On sent qu’ils sont au mieux de leur forme tous les deux. Ils sont tout simplement au sommet de leur talent. C’est évident. Je crois que le texte est de George Gershwin qui est aussi un grand musicien. Donc, forcément à eux trois! Ce trio ne pouvait que faire quelque chose. C’est iconique, absolu. On s’arrête forcément pour l’écouter. On est complètement pris. Quand il dit que le coton est haut, cela évoque un Sud qui a fait beaucoup souffrir la nation noire américaine. Alors que c’est une chanson joyeuse. On sera tout le temps là, ensemble. C’est l’été et il va y avoir les récoltes. Le contexte de l’histoire est facile à comprendre. Cela compte aussi car tout le monde connaît (un peu) l’histoire de l’esclavage des afro-américains. Ce qui est émouvant c’est qu’ils font correspondre un temps historique, le temps de leur rencontre pour l’enregistrement dans ce studio et un temps personnel qui leur est propre. Sur l’album, on les voit tous les deux sur le banc: Ella Fitzgerald et Satchmo - qui a l’air tout menu à côté d’elle. C’est déjà une dame plantureuse. Et ils sont heureux. Summer, c’est l’été. J’aurais pu aussi choisir The River de Bruce Springsteen, très évocatrice aussi, mais elle se passe en hiver…
Quand on écoute cette chanson, il y a de l’eau, les poissons sautent en l’air tellement ils sont plein de vie, tout va s’épanouir en fait. « T’en fais pas, maman et papa vont bien, ils t’aideront tout le temps, ils seront toujours avec toi… ».
Valérie Summertime Ella Fitzgerald & Louis Armstrong
Richie Heaven, à Woodstock, ce type, il est dans un espace intemporel. Il plane au-dessus des coucous.
C’est un truc de fou. Moi, il me tire des larmes. Mais il n’y pas que lui, il y en a d’autres. Quand Hendricks joue l’hymne américain, c’est extrêmement émouvant. J’étais avec une copine à l’époque qui était très branchée sur ce mouvement Peace and Love. Donc, on participait, vraiment, on était dans le truc, quoi, à fond. On n’avait pas assez de sous pour prendre l’avion pour y aller. J’étais au courant qu’il y allait avoir ce concert, on suivait. C’est surtout ma copine, elle suivait ce mouvement de très près. Cela a beaucoup touché la jeunesse de cette époque. En France, c’était un peu différent, on n’a pas suffisamment la culture américaine du blues. On a d’autres choses. Justement l’esprit de liberté, je crois que c’est quelque chose qui nous tient aux tripes. On a une manière de la défendre mais qui n’est pas forcément la manière, l’expression qu’en ont les américains. Ici, cela peut être un peu plus brutal, mais cela tient la route. Je pense à Mai 68. J’ai fait Mai 68, évidemment. C’était un mouvement politique, particulier à la France. Les mouvement les plus profonds sont en
réalité des mouvements politiques. Mais notre manière de prendre ce moment était aussi humoristique, avec beaucoup de trucs rigolos, de fêtes. Aux EtatsUnis aussi, mais c’était plus artificiel, avec les drogues. Ici, c’était peut-être plus dans les idées, dans la militance, l’organisation. Aux Etats-Unis, un peu après, il y eu les Black Panthers. Parfois, je les trouvais trop radicaux, et je le leur reprochais; mais c’était difficile de leur reprocher car je n’avais pas affaire à eux ni à leur réalité… Mais certaines choses me gênaient. Le premier retour que j’ai matériellement de Woodstock, c’est par le film. On savait que le film allait sortir, on s’est précipités. D’ailleurs, il y avait une foule bizarre, étrange, complètement folle. On y était, quoi! Je crois que le cinéma était à Jussieu, par là. Je ne me rappelle plus. On allait beaucoup aussi à la Cinémathèque de Chaillot. On y restait plusieurs jours, plusieurs nuits, on amenait des sandwiches. On ne sortait pas de la salle! Je ne sais pas pourquoi, mais on ne nous foutait pas dehors. Cette chanson ne condense pas seulement ce qui s’est passé à Woodstock mais l’époque, et puis le cri de l’humanité. C’est à dire tout le monde, tout le monde a plaidé pour la fin de la guerre du Vietnam, pour la liberté. C’était un truc fondamental. Mais j’avais une culture musicale plus franchouillarde, Bobby Lapointe, mais aussi Boris Vian. Boris Vian, j’allais à la Huchette l’écouter. Il jouait de la trompette, il jouait bien, du jazz, des classiques. Et puis, il y avait Sydney Bechet, et Miles Davis. On dansait… le boogie woogie. Après Woodstock, on a commencé à fumer…
Yves Freedom Richie Heaven
Je me suis rendue compte que ce morceau m’apaisait beaucoup parce que cela met la liberté dans une sorte de romance; et du coup j’ai beaucoup plus envie d’être libre...