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Pouvons-nous avoir un impact ?
Chapitre 1
L’obscurité descendait sur ce village du centre de l’Inde. Elle ne retiendrait pas l’homme qui se tenait devant la fenêtre de Kusum*. La jeune veuve jeta un coup d’œil à l’extérieur et reconnut son beau-père, une hache à la main. « C’est ta faute si mon fils et mon petit-fils sont morts ! C’est toi qui les as tués avec ta sale foi ! Sors de là ! Je vais te découper en morceaux ! »
Kusum se réfugia dans un coin de la pièce, attendant que le Seigneur la secoure ou la prenne auprès de lui. Kusum est une toute petite femme, pas plus grande qu’un mètre cinquante, mais son histoire représente mon pire cauchemar. ***
Je m’appelle Jan Vermeer. Ma mission est de relater ce qui se passe sur le terrain pour l’organisation Portes Ouvertes. J’ai voyagé en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie où j’ai interrogé des chrétiens persécutés. Mes ouvrages ont encouragé des millions de personnes à prier pour eux et à faire des dons.
* La plupart des noms sont des pseudonymes.
Cela ne veut pas dire que je suis quelqu’un de particulièrement important. Dieu a confié cette même mission à beaucoup d’autres personnes. Je ne mérite pas d’être placé au même niveau que les personnes dont je parle dans ce livre. Il n’y a aucune raison de m’admirer. Je suis comme vous. Je vis dans un pays relativement libre où personne ne me menace quand je vais à l’église. La police ne confisque pas ma Bible ou mes livres chrétiens et je ne me fais pas enlever par des extrémistes.
Pourtant Dieu, dans sa sagesse, m’a choisi pour écrire les histoires des chrétiens persécutés. Non parce que je suis tellement doué qu’il a absolument besoin de moi, et encore moins parce que je suis quelqu’un de courageux. La vraie raison, c’est que Dieu sait que ma foi est souvent fragile : j’ai régulièrement besoin d’être encouragé par l’exemple de mes frères et sœurs persécutés.
Mais parfois, les mots me manquent. Pendant tout le temps de ma conversation avec Kusum, je priais en silence : « Que puis-je lui dire pour l’encourager ? Comment prier pour elle ? Comment pourrais-je avoir un impact dans sa vie ? »
Bien sûr, j’allais écrire son histoire grâce aux capacités que Dieu m’a accordées et j’étais sûr que de nombreux frères et sœurs allaient prier pour elle.
Après notre échange, j’ai prié avec elle. J’avais l’impression que ma prière était inspirée par le Saint-Esprit, même si je ne me souviens pas de ce pour quoi j’ai prié. Kusum répondait « amen » à chaque phrase qui lui était traduite, mais je n’avais pas l’impression de faire grand-chose pour elle.
Frustré par la barrière de la langue, j’ai essayé de lui remonter le moral en lui montrant quelques photos sur mon smartphone. Je lui ai montré des photos de mes enfants alors qu’elle venait de perdre son fils un mois plus tôt… Qu’est-ce qui m’était passé par la tête ?
Notre entretien s’est terminé et je suis retourné dans mon pays. Ici, les gens se moquent parfois de moi parce que je suis chrétien, mais ils ne me feraient jamais de mal. Et si cela arrivait un jour, je pourrais porter plainte contre eux.
Kusum, elle, est retournée dans son village qui la méprise, où n’importe qui pourrait la tuer en toute impunité.
Honnêtement, elle menait précisément la vie qui me faisait peur. Une vie où tout le monde vous rejette. Une vie dans laquelle les gens que vous aimez le plus meurent. Une vie sans avenir. Je voulais tellement l’aider que j’ai presque souhaité la mort d’un de mes enfants (même si je me sentais terriblement coupable d’avoir pensé une telle chose), rien que pour lui dire que je comprenais ce qu’elle vivait.
Mais je n’avais pas le choix. Je suis rentré chez moi et j’ai partagé l’histoire de Kusum à mes amis, à ma famille et aux réunions de prière de l’Église.
Nous avons prié.
J’ai mis son histoire par écrit, comme je le lui avais promis, et nous avons collecté des fonds pour aider Kusum et d’autres chrétiens d’Inde.
Nous avons donné.
Nous avions fait notre devoir. J’avais fait mon devoir et à présent, je devais passer à autre chose et continuer à vivre ma vie, n’est-ce pas ?
Mais récemment, j’ai eu besoin d’une photo de Kusum pour une présentation dans le cadre de mon travail. Le moyen le plus rapide d’en trouver une était de taper son nom sur Google. Parmi les résultats affichés, j’ai remarqué un portrait d’elle, publié sur Pinterest. Cela a piqué ma curiosité. À ma connaissance, Portes Ouvertes n’avait jamais fait dessiner le portrait de Kusum.
J’ai poursuivi mes recherches sur Internet et j’ai découvert que ce portrait avait été réalisé par une artiste hollandaise du nom de Marja. Je me suis empressé de la contacter.
« Cela m’encourage beaucoup d’apprendre que vous avez trouvé ce portrait “par hasard”, m’a-t-elle dit. Je suis gravement malade et je ne peux plus travailler. J’ai appris à utiliser mes talents et ma créativité et très souvent je me rends compte que Dieu se sert de mon travail pour me mettre en contact avec d’autres personnes. Je suis convaincue qu’il veut m’utiliser, moi et mes capacités pour son royaume. »
Elle a très à cœur l’Église persécutée : —Parfois, je fais le portrait de personnes que je vois dans le magazine de Portes Ouvertes. C’est une façon pour moi d’exprimer mes sentiments. Mais c’est aussi un fardeau. J’ai moi-même connu beaucoup d’insécurité et de peur dans ma propre vie, alors le fait d’être confrontée à la souffrance d’autrui peut être très éprouvant. Quand je passe trop de temps à penser à l’Église persécutée, j’ai l’impression d’être paralysée. Mais quand je fixe les regards sur Dieu, cela me rapproche de lui.
—Que voyez-vous quand vous regardez le portrait de Kusum ? lui ai-je demandé. —Je vois une femme exceptionnelle. Son visage est marqué par la souffrance, mais toute son attitude respire la confiance. Je connais cette douleur et cette fragilité dans ma propre vie et j’essaie d’apprendre à avoir cette confiance que Kusum possède.
Peu après cette conversation, je suis retourné en Inde. J’ai demandé expressément à revoir Kusum pour savoir comment elle allait. J’espérais qu’elle se souviendrait de moi. Je voulais savoir si notre première rencontre avait changé quelque chose pour elle, et si nos prières et nos dons avaient eu un quelconque impact.
Lorsque Kusum est entrée dans la petite pièce où nous attendions, tout a soudain semblé s’illuminer. Ses yeux pétillaient de joie et son sourire était un enchantement pour toutes les personnes présentes. Vêtue d’un rouge éclatant, cette femme semblait tout simplement… radieuse !
Je lui ai demandé comment elle allait. —Je vais très bien. Je suis très heureuse de te revoir ! Les deux dernières années depuis notre rencontre se sont très bien passées. Je subis toujours le rejet et les menaces de ma belle-famille, mais je ne suis plus triste ni déprimée. Chaque fois qu’ils me persécutent, je prie. La prière me rend forte et je sais que d’autres aussi prient pour moi.
Ces quelques phrases ont fait disparaître tous mes doutes.
Au cours de l’heure suivante, Kusum a raconté que son beau-père continue de la menacer, mais qu’il ne l’a jamais
frappée. Elle a trouvé des emplois et les a perdus. Elle se fait régulièrement insulter. Mais chaque fois que cela lui pèse trop, elle sort du village, cherche un endroit tranquille et prie, tout simplement.
Kusum est illettrée et ne peut pas lire la Bible, mais Dieu lui parle quand même. —Il me dit toujours qu’il prend soin de moi. Il pourvoit à mes besoins et me guérit de mes maladies. Tout le village est jaloux de moi. Ils croyaient que j’allais devenir une pauvre veuve malheureuse. Mais je suis riche et heureuse en Dieu. Je n’ai pas besoin d’argent pour cela. —En plus du temps que tu passes avec Dieu, qu’est-ce qui t’encourage et garde ta foi vivante ? ai-je demandé. —Vos partenaires ici sur place. Chaque fois que j’étais en grande détresse, Dieu a pourvu en se servant d’eux. Quand je n’avais plus rien à manger, il a envoyé un partenaire de Portes Ouvertes pour m’apporter de la nourriture. Je vous suis tellement reconnaissante ! Vous étiez présents quand je me suis trouvée dans la détresse. Je voudrais vous remercier. Oui, mille fois merci. Je vous suis infiniment reconnaissante.
J’ai demandé à Kusum si elle souhaitait écrire un courrier à Marja et aux autres chrétiens qui avaient prié pour elle et l’avaient soutenue. —Je ne sais ni lire ni écrire, répéta-t-elle. —Voudrais-tu nous dicter une lettre ?
Elle a hoché la tête.
Voici sa lettre :
Mes chers frères et sœurs, Il y a deux ans, vous avez envoyé des représentants de l’Église pour me rendre visite. J’étais alors sous le choc. J’avais perdu mon mari et mon fils de cinq ans. Il ne me restait que mon garçon de neuf ans, mes parents et quelques autres chrétiens. Les gens de mon village n’ont permis à personne de m’aider pour les funérailles. Une nuit, mon beau-père est venu chez moi en brandissant une hache. Il m’accusait d’être responsable de la mort de mon mari et de mon fils. « C’est ta faute ! C'est toi qui les as tués avec ta sale foi ! » Je ne pouvais que me recroqueviller dans un coin de la pièce, prier et attendre la suite. Jamais je ne trahirais Jésus-Christ. C’est ce que je me suis promis. Et j’ai tenu ma promesse. Je ne peux pas abandonner Jésus. Il a été si bon pour moi ! Il a pris soin de moi quand j’étais dans le besoin. Il m’a guérie quand j’étais malade. À chaque fois qu’on me menace parce que je suis son disciple, je me retire dans un endroit sûr et je prie. Je ne sais ni lire ni écrire. Je ne possède pas de Bible. Mais je prie mon Seigneur et cela me réconforte. Je sais que je ne suis pas seule. Je le sais parce que vous avez prié pour moi et que vous m’avez soutenue. Je vous remercie de tout mon cœur. Grâce à vous, ma foi a résisté à toutes ces tragédies. Que Dieu vous bénisse,
Kusum « Grâce à vous, ma foi a résisté à toutes ces tragédies. » Après mes premières visites en Inde, je me suis demandé si
ce que nous faisions avait un sens. Cette question m’a préoccupé pendant deux ans et la réponse est clairement « oui ». Oui, ce que nous faisons a un impact. Mais ce n’est pas la seule chose que j’ai apprise des chrétiens persécutés d’Asie.
Ce livre constitue un voyage au cœur de la persécution en Inde. C’est une collection de leçons spirituelles découvertes pendant mes voyages en Inde. Vous venez de lire la première d’entre elles. Dans la suite du livre, vous en apprendrez davantage sur la vie de Kusum, mais je présenterai aussi d’autres chrétiens persécutés.
Ainsi, vous ferez la connaissance de Vipur qui a survécu de justesse à une tentative de meurtre et qui rencontre parfois son agresseur au marché parce que la police refuse de l’arrêter. Vous assisterez aussi à mon entretien avec Reena, une jeune femme de 19 ans, qui a été kidnappée et que Dieu a miraculeusement guérie de son traumatisme. Aujourd’hui, elle enseigne les valeurs chrétiennes à des enfants indiens.
Vous rencontrerez des chrétiens qui ont résisté à la persécution et d’autres qui n’ont pas pu. Chacune de ces histoires est une leçon qui nous apprend quelque chose sur Dieu et sur la vie à ses côtés. À la fin de chaque chapitre, je vous invite à aller encore plus loin en réfléchissant à l’histoire et à un verset biblique.
J’espère que les récits des chrétiens persécutés en Inde enrichiront votre vie. Mais surtout, je prie pour que vous puissiez rencontrer Jésus dans ce livre, tout comme je le rencontre chaque fois que je regarde dans les yeux d’un frère ou d’une sœur persécuté.