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« Moi, Tiberius Claudius Drusus Nero Germanicus et patati et patata (car je ne veux pas vous ennuyer davantage avec tous mes titres) 3 ... »

Mon roman historique préféré commence par ces mots. Moi, Claude, de Robert Graves, est l’autobiographie romancée d’un empereur romain relativement peu connu. Le véritable Claude est né en 10 av. J.-C. et il est mort en 54. Il a été écarté de la vie politique pendant la plus grande partie de sa vie, car il était handicapé. Mais quand son neveu, l’empereur Caligula, a été assassiné, Claude était le seul homme adulte de sa famille encore en vie. Ainsi, à l’âge de 50 ans, à sa grande surprise, Claude est devenu l’homme le plus puissant du monde. Mais à moins d’être un passionné d’histoire (ou d’avoir vu la série télévisée des années 1970 basée sur le roman de Robert Graves), vous n’avez peut-être jamais entendu parler de lui.

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Lorsque Claude était enfant, une jeune fille modeste vivant dans une région reculée de l’Empire romain a donné naissance à un fils qu’elle a appelé Jésus. Avant que Claude devienne empereur, ce petit garçon devenu adulte est mort, cloué sur une croix romaine. Au lieu de naître dans la famille impériale, Jésus de Nazareth est né dans l’obscurité. Sa vie a été environ deux fois moins longue que celle de Claude, et il est mort d’une façon humiliante et extrêmement pénible. Contrairement à Claude (qui était un historien accompli), Jésus n’a jamais écrit de livre, n’a jamais levé une armée et n’a jamais gouverné de royaume. Et pourtant, il est devenu, à tous points de vue, l’homme le plus influent de toute l’humanité.

Dans ce chapitre, nous allons examiner les preuves historiques des principaux événements de la vie de Jésus. Nous nous demanderons si les quatre biographies du Nouveau Testament (les Évangiles selon Matthieu, Marc, Luc et Jean) nous livrent un témoignage fiable sur ce rabbin du Ier siècle ou si, comme Moi, Claude, elles mélangent fiction et réalité. Mais tout d’abord, nous allons présenter les grandes lignes de la vie de Jésus, telle que les Évangiles la racontent.

Que raconte cette histoire ?

Il était une fois (vers l’an 4 avant J.-C.), la naissance de Jésus à Bethléhem, une petite ville située dans le sud de la région juive de Judée. Les Juifs étaient un peuple religieux qui vivait sous le joug de l’Empire romain. La mère de Jésus, Marie, vivait dans une région du nord en proie aux troubles, dans un village sans importance appelé Nazareth. Marie était le nom le plus répandu parmi les femmes juives de cette époque et de ce lieu. Cette jeune femme a ensuite mis au monde son nouveau-né, Jésus, et l’a couché dans une mangeoire pour animaux, car il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. Mais malgré ces circonstances peu enviable, Marie affirmait être tombée enceinte par l’action du Saint-Esprit de Dieu lui-même.

Cette affirmation était des plus surprenantes.

Contrairement à leurs envahisseurs païens, les Juifs croyaient en un Dieu unique et créateur. Leur Dieu n’avait rien à voir avec les divinités grecques et romaines, qui mettaient parfois des femmes humaines enceintes et donnaient ainsi naissance à des demidieux. Marie a affirmé qu’un ange lui était apparu et lui avait annoncé que son fils serait le Fils de Dieu. De plus, l’ange avait dit que Jésus serait le Roi promis par Dieu depuis longtemps, celui qui bouleverserait la terre : le Messie (de l’hébreu) ou Christ (du grec). Autant dire que les attentes étaient immenses !

Au début, il semblait que Jésus pouvait effectivement être ce grand Messie des Juifs. Il était devenu un formidable enseignant et un faiseur de miracles. Les gens disaient que ses seules paroles pouvaient faire cesser les tempêtes, guérir les malades et même ressusciter les morts. Il affirmait être le Fils de Dieu et disait qu’il était le Messie tant attendu. Mais, contre toute attente pour un tel prétendant au trône, il a déclaré qu’il n’était « pas venu pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Marc 10.45). En fait, au cours de son ministère (c’est-à-dire, son enseignement public), Jésus n’a cessé de prédire, non pas qu’il allait renverser les Romains, mais mourir de leurs mains. Il disait que c’était son plan : mourir, afin que quiconque place sa confiance en lui puisse vivre. Mais même ses disciples ne comprenaient pas.

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Puis, un certain vendredi, après seulement quelques années d’enseignement public, Jésus a été cloué sur une croix romaine. Ses disciples étaient anéantis. Tout espoir qu’il soit le grand Roi de Dieu s’était envolé. Sa mère, Marie de Nazareth, et beaucoup de ses autres amis ont regardé Jésus mourir. Mais le dimanche matin, une autre Marie, originaire d’un autre petit village du nom de Magdala (alias Marie-Madeleine), s’est rendue au tombeau de Jésus avec d’autres femmes qui l’avaient suivi. Ces femmes en deuil espéraient embaumer le corps de Jésus selon les coutumes de l’époque. Mais lorsqu’elles sont arrivées au tombeau, il était vide. Deux anges sont apparus et leur ont expliqué que Jésus était revenu à la vie. Marie-Madeleine a même rencontré Jésus ressuscité pour de vrai ! Avec les autres femmes, elles sont retournées raconter aux autres disciples ce qu’elles avaient vu et entendu.

La vie de Jésus est-elle historique ?

Au début, les disciples n’ont pas cru le récit des femmes. Mais ensuite, Jésus s’est aussi montré à eux. Il leur a dit que son plan avait réussi. Au lieu de vaincre les Romains, il avait vaincu le péché et la mort, de sorte que quiconque plaçait désormais sa confiance en lui pouvait être pardonné par Dieu et accueilli dans la vie éternelle. « Vous voyez, leur dit-il, les Écritures enseignent que le Messie doit souffrir, qu’il ressuscitera le troisième jour, et qu’on annoncera de sa part à tous les peuples, en commençant par Jérusalem, qu’ils doivent changer pour obtenir le pardon des péchés »

Voilà l’histoire de Pâques en quelques mots : le Dieu de l’univers est né dans la pauvreté afin de mourir pour vous et moi, puis il est ressuscité afin que nous puissions être pardonnés et vivre éternellement au-delà de la tombe. Mais est-ce pure naïveté que de penser que ce récit pourrait être vrai ? Après tout, certaines personnes se demandent encore si Jésus a réellement existé.

Jésus a-t-il vraiment existé ?

Si vous pensez qu’il existe un doute sur le plan historique quant à savoir si Jésus de Nazareth a réellement marché sur cette terre, vous n’êtes pas le seul.

Une enquête réalisée en 2015 a révélé que 40 % des adultes au Royaume-Uni ne croyaient pas ou n’étaient pas certains que Jésus soit un véritable personnage historique 4 . Toutefois, les preuves de l’existence de Jésus sont incontestables. Comme le dit Bart Ehrman, célèbre spécialiste sceptique du Nouveau Testament, « la réalité est que, quoi que vous pensiez de Jésus, il a sans aucun doute existé ». Cette opinion est loin d’être un avis minoritaire. Comme l’explique Ehrman, il est « soutenu par pratiquement tous les experts de la planète 5 ».

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Voyez-vous, même si nous mettons de côté les Évangiles, les principaux événements de la vie de Jésus sont attestés par d’autres documents anciens, écrits par des gens qui étaient même opposés aux chrétiens. Grâce à ces documents extrabibliques, nous savons que Jésus était un rabbin juif du Ier siècle, qu’il était considéré comme le Christ, qu’il a été crucifié sous l’autorité du gouverneur romain Pilate (qui a dirigé la Judée entre 26-27 et 36-37 après J.-C.) et que ses disciples l’ont ensuite vénéré comme un être divin6 .

Nous savons donc que Jésus a bel et bien existé. Cependant, les Évangiles ont été écrits plusieurs décennies après la mort de Jésus. Pouvons-nous vraiment prendre au sérieux les récits qu’ils font de sa vie ?

Le témoignage des témoins oculaires

J’écris ces lignes en 2022, 54 ans après l’assassinat du militant des droits civiques, le pasteur Martin Luther King Jr. Si, au lieu d’écrire ce livre, j’écrivais une biographie de Martin Luther King, je pourrais interroger beaucoup de ses proches collaborateurs. Si je leur disais : « Vous ne pouvez évidemment pas vous souvenir de ce que Martin vous a dit dans les jours qui ont précédé sa mort, n’est-ce pas ? », ils me prendraient pour une folle. Comment pourraient-ils ne pas se souvenir de ses discours, des conversations qu’ils ont eues avec lui en privé et du jour terrible où il a été assassiné ?

La vie de Jésus est-elle historique ?

Ces moments ont changé leur vie, et ils n’ont depuis jamais cessé de parler de leur héros.

De la même manière, les quatre biographies de Jésus dans le Nouveau Testament ont toutes été écrites au cours de la vie de témoins oculaires. L’Évangile selon Marc est généralement considéré comme le premier à avoir été écrit. Son auteur était un proche collaborateur de Simon Pierre, l’un des douze disciples officiels de Jésus. De nombreux spécialistes estiment que Marc a rédigé son Évangile entre 35 et 45 ans après la mort de Jésus (peut-être même plus tôt) et qu’il s’appuie principalement sur les souvenirs que Simon Pierre avait de Jésus. Dans le domaine de l’histoire ancienne, 35 à 45 ans est une période très courte après la mort d’une personne pour écrire sa biographie. À titre de comparaison, les historiens romains Suétone et Tacite, dont les biographies nous révèlent la majorité de nos connaissances sur l’empereur Claude, ont probablement écrit plus de 60 ans après la mort de Claude.

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Jésus avait douze disciples « officiels » (également appelés apôtres). Leur activité quotidienne consistait à suivre leur rabbin et à mémoriser ses paroles. Jésus avait également de nombreux disciples « non-officiels », dont beaucoup de femmes, qui voyageaient avec lui et mémorisaient ses paroles. Après la mort et la résurrection de Jésus, ces témoins oculaires ont consacré leur vie à faire connaître tout ce que Jésus avait dit et fait. Les Évangiles ont tous été écrits au cours de la vie de ces témoins et rapportent leur témoignage. Comme l’a souligné Richard Bauckham, spécialiste du Nouveau Testament, lorsque les auteurs des Évangiles mentionnent des noms dans leurs récits, ils renvoient souvent aux témoins oculaires dont ils recueillent les souvenirs 7 . Ce n’est pas comme si l’on nous demandait, à vous ou à moi, de nous souvenir de paroles entendues par hasard il y a plusieurs décennies. C’est plutôt comme si on demandait à l’équipe qui se déplace avec le groupe U2 de se souvenir des paroles des premières chansons de Bono et des choses folles qu’il faisait en tournée.

L’Évangile selon Jean est probablement le dernier à avoir été écrit, environ soixante ans après la mort de Jésus. Cet intervalle correspond davantage à celui qui sépare la mort de Claude et les biographies écrites par Suétone et Tacite. Mais contrairement à ces deux historiens, Jean affirme avoir été lui-même un témoin oculaire de la vie et de la mort de son protagoniste, et même avoir vu Jésus après sa résurrection. Il est tout à fait plausible que Jean ait écrit autour de ses quatrevingt-dix ans à propos de choses dont il avait été témoin à la fin de son adolescence ou au début de sa vingtaine.

La vie de Jésus est-elle historique ?

Les Évangiles sont donc suffisamment proches de Jésus, aussi bien dans le temps que par leur accès à des témoins oculaires, pour que nous les considérions comme des récits historiques crédibles. Mais comment savoir si leurs auteurs n’ont pas ajouté des éléments de fiction autour de la vie de Jésus afin de servir leurs propres intérêts politiques ? Et comment être sûr que d’autres récits plus authentiques de la vie de Jésus n’ont pas été passés sous silence ?

Les Évangiles sont-ils de la propagande ?

Dans son best-seller de 2003, Da Vinci Code , le romancier Dan Brown a popularisé l’idée que la véritable vie de Jésus a été censurée par les autorités religieuses à des fins politiques. Son roman est une fiction passionnante, mais tellement éloignée des faits historiques que même mes amis historiens les plus laïques de la fac en étaient agacés ! Contrairement à Robert Graves dans Moi, Claude, Dan Brown n’a pas cherché à créer une fiction entre les lignes de l’histoire. Son approche consiste plutôt à affirmer que les quatre Évangiles du Nouveau Testament ne sont pas nos meilleures sources historiques sur Jésus. Malgré son propre scepticisme à l’égard de Jésus, Bart Ehrman, universitaire et auteur de best-sellers, explique par contre que les évangiles écrits par Matthieu, Marc, Luc et Jean sont « les sources les plus anciennes et les meilleures dont nous disposons pour connaître la vie de Jésus » et que c’est là « l’opinion que partagent tous les historiens sérieux de l’Antiquité, quels qu’ils soient, chrétiens évangéliques engagés, ou athées purs et durs 8 ».

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

De plus, l’idée selon laquelle les Évangiles seraient une propagande de l’Église primitive ne correspond pas du tout aux textes eux-mêmes. Les apôtres de Jésus sont devenus des dirigeants clés de l’Église du premier siècle, mais le portrait que les Évangiles nous offrent d’eux est franchement embarrassant. À maintes reprises, ils ne croient pas ce que Jésus dit. Jésus va jusqu’à leur dire : « Votre foi est bien petite ! » (Matthieu 8.26). Pierre, en particulier, est présenté de manière peu élogieuse. Par exemple, lorsque Jésus prédit sa mort pour la première fois, Pierre essaie de l’en dissuader. Jésus lui répond :

« Arrière, “Satan” ! Éloigne-toi de moi ! » (Marc 8.33). Plus tard, Pierre jure qu’il est prêt à mourir avec Jésus. Mais Jésus lui dit qu’au lieu de cela, la nuit même, Pierre va nier connaître Jésus à trois reprises, et c’est effectivement ce qui se passe (Marc 14.26-31, 66-72) ! Si quelqu’un avait, dans l’Église primitive, le pouvoir de censurer les récits concernant Jésus, c’était bien Pierre.

Pourtant, même l’Évangile selon Marc (celui qui est basé sur le témoignage de Pierre) présente Pierre sous un jour peu flatteur.

La vie de Jésus est-elle historique ?

Par ailleurs, comme nous le verrons plus loin, le rôle que jouent les femmes dans tous les Évangiles va à contre-courant de la culture de l’époque. En effet, les quatre Évangiles présentent les femmes comme les principaux témoins oculaires de la résurrection de Jésus, à une époque où le témoignage des femmes n’était pas considéré comme digne de confiance. Si les auteurs des Évangiles avaient inventé une partie des faits pour servir les intérêts politiques de l’Église primitive, ils auraient fait un bien piètre travail !

Résumons. Les Évangiles ont été écrits très tôt, ils se sont basés sur des témoignages oculaires, ils sont reconnus par les spécialistes comme étant les meilleures sources historiques dont nous disposons sur la vie de Jésus, et semblent avoir été en quelque sorte contraints, par amour de la vérité, à aller jusqu’à exposer les échecs des responsables chrétiens les plus influents de leur époque.

Mais même si Bart Ehrman pense que les Évangiles sont les meilleures sources historiques sur la vie de Jésus, il soutient aussi que, si nous comparons les Évangiles et notons leurs différences, nous découvrons qu’ils ne sont pas aussi dignes de confiance que les chrétiens l’imaginent... Est-ce vrai ?

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Les Évangiles se contredisent-ils ?

Mon groupe d’étude biblique propose en ce moment une série de « témoignages en deux minutes ». Différents membres du groupe racontent comment ils en sont arrivés à croire en Jésus. En réalité, il n’y a pas de chronomètre, et en général, les gens parlent un peu plus longtemps. Mais même ainsi, chaque témoignage n’est qu’une description très condensée de la vie de la personne. Supposons que l’on ait enregistré chaque témoignage et que l’on décide de recommencer toute la série une fois que tout le monde est passé. Je suis certaine que chacun raconterait son histoire de manière légèrement différente la deuxième fois.

Les Évangiles sont des biographies condensées. Ils rassemblent des années de paroles et d’actions de Jésus dans des livres qui peuvent être lus en deux heures de temps environ. Jean termine son Évangile de la façon suivante : « Jésus a accompli encore bien d’autres choses. Si on voulait les raconter une à une, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir tous les livres qu’il faudrait écrire » (Jean 21.25). Nous savons donc que les auteurs des Évangiles étaient extrêmement sélectifs, tant dans les histoires qu’ils racontaient que dans les détails de chaque histoire qu’ils choisissaient de mettre en valeur. C’est l’une des raisons pour lesquelles deux Évangiles peuvent parfois relater des éléments différents d’une même histoire.

Les auteurs des Évangiles ne sont pas que des historiens ennuyeux. Ce sont des conteurs qui cherchent à mettre en valeur la signification de chaque anecdote. Parfois, au lieu d’ordonner leurs histoires chronologiquement, ils placent deux histoires l’une à côté de l’autre pour souligner un message en particulier. Parfois, ils se concentrent sur une seule personne dans l’histoire. Par exemple, l’Évangile selon Marc raconte qu’en sortant de Jéricho, Jésus a guéri un mendiant aveugle nommé Bartimée (Marc 10.46-52), alors que Matthieu dit que Jésus a guéri deux mendiants aveugles anonymes à cet endroit (Matthieu 20.29-34). À première vue, ces récits semblent contradictoires. Mais les auteurs des Évangiles choisissent souvent de mettre en avant un individu dans un récit, et, si l’on y réfléchit bien, nous faisons la même chose. Par exemple, je viens d’avoir une conversation avec mon amie Julie. Il se peut que j’en parle à mon mari, Bryan, plus tard. Si je le fais, je laisserai probablement de côté le fait que Grace était aussi dans la pièce, car Bryan ne la connaît pas et qu’elle n’avait pas un rôle important dans la conversation. Dans les Évangiles, les personnes que Jésus guérit restent presque toujours anonymes. Mais Marc choisit ici de se concentrer sur Bartimée et de nous dire son nom parce que cet aveugle est devenu un témoin oculaire de Jésus, et qu’il était peut-être même connu de certains de ses lecteurs.

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Lorsque nous comparons les récits des Évangiles, nous devons aussi garder à l’esprit qu’ils ont d’abord été écrits en grec, la langue internationale de l’Empire romain. Mais les Juifs de l’époque qui vivaient dans la région de Jésus parlaient l’araméen comme première langue. Ainsi, la plupart du temps, les auteurs des Évangiles traduisaient probablement de l’araméen au grec. Nous rencontrons la même situation dans mon groupe d’étude biblique, où l’anglais est la deuxième langue de plusieurs participants. Lorsque mon ami Jorge, qui vient du Pérou, a partagé son « témoignage en deux minutes », il n’a pas seulement résumé ce qui s’était passé dans sa vie, il a aussi, parfois, traduit certaines choses de l’espagnol à l’anglais. Le fait que les Évangiles aient été écrits en grec, alors que Jésus a probablement enseigné en araméen, ne signifie pas que leurs récits sur Jésus ne sont pas dignes de confiance. Pas plus que le récit du cheminement de foi de Jorge deviendrait soudainement douteux parce qu’il traduit dans la langue commune du groupe. Mais cela explique en partie pourquoi les propos de Jésus sont parfois rapportés un peu différemment d’un Évangile à un autre. De plus, Jésus a certainement donné des enseignements similaires dans des lieux différents au cours de ses déplacements. Il n’y avait pas de vidéos YouTube pour propager son message !

Nous aurions tort d’imaginer les Évangiles comme quatre témoins dans une salle d’audience, convoqués séparément pour rendre compte de ce qui s’est passé le jour du crime. Nous devrions plutôt les considérer comme quatre éloges funèbres, présentés sous des angles différents mais se complétant les uns les autres. Il est très probable que Matthieu et Luc ont eu accès à tout ou partie de l’Évangile selon Marc lorsqu’ils ont chacun rédigé leur biographie de Jésus, beaucoup plus longue. Il est fort possible que Jean ait également eu connaissance de l’Évangile selon Marc. Ces auteurs ont ajouté des témoignages provenant de leurs propres sources oculaires et ont chacun raconté les histoires à leur manière.

En résumé, les Évangiles n’ont pas été écrits longtemps après les événements qu’ils relatent par des personnes qui n’avaient pas accès à ce que Jésus a réellement dit et fait. Au contraire. Ils ont été écrits bien avant la fin de la vie des hommes et des femmes qui ont suivi Jésus partout, et ils nous offrent des biographies condensées d’un homme qui a guéri des centaines de malades et prêché des centaines de sermons dans des dizaines de villes et de villages. Selon les critères historiques les plus raisonnables, les Évangiles ont de très bonnes références – bien meilleures, en fait, que celles de nombreux documents que nous considérons comme des repères fiables au sujet de la vie de personnages de l’Antiquité.

Le livre Moi, Claude mêle faits historiques et spéculations romanesques sur la vie de cet empereur inattendu.

Pâques : peut-on vraiment y croire ?

Mais il y a de bonnes raisons de croire que Matthieu, Marc, Luc et Jean ne mélangent pas réalité et fiction. Au contraire, ils nous donnent un accès authentique aux témoignages de témoins oculaires de Jésus de Nazareth. S’ils s’étaient sentis libres de modifier leurs récits et d’inventer des choses, ils n’auraient certainement pas inventé l’échec de tous ces hommes, disciples de Jésus. Ils n’auraient pas non plus donné un rôle de premier rang à toutes ces femmes, disciples de Jésus, en faisant d’elles des témoins de la crucifixion, de la mise au tombeau et de la résurrection de Jésus. Alors, que devrions-nous penser de cette mort la plus célèbre de toute l’histoire ? C’est la question que nous allons aborder au prochain chapitre.

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