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INTRODUCTION
NAVITIMER EST LA CONTRACTION DE DEUX MOTS CORRESPONDANT AUX FONCTIONS MAJEURES DE LA MONTRE : NAVIGATION ET TIMER, DONC UN COMPTEUR (CHRONOGRAPHE) DESTINÉ À LA NAVIGATION AÉRIENNE.
NAVITIMER… un nom à la consonance singulière, quasi militaire. Un nom étrange donc, mais aussi un destin exceptionnel, façonné par des acteurs hors du commun et visionnaires : voici l’histoire que cet ouvrage va vous raconter.
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Dès le début de son existence, qui remonte à 1884, Breitling se spécialisa dans la mesure du temps, à savoir la conception de compteurs et de chronographes, avec le dépôt de nombreux brevets d’invention. Entre autres : un compteur « vitesse » permettant de mesurer la vitesse d’un véhicule, le premier poussoir indépendant (de la couronne), la remise à zéro indépendante permettant d’effectuer plusieurs mesures successives sans arrêter le chronographe, puis le second poussoir indépendant, qui offre un meilleur confort d’utilisation et dessine les contours des chronographes d’aujourd’hui. Breitling développa aussi très tôt des chronographes à rattrapante permettant de mesurer plusieurs temps intermédiaires avec le même instrument.
Par ailleurs, un groupe d’associés dont faisait partie Breitling est également à l’origine du premier chronographe automatique à micro-rotor en 1969, qui fut l’objet d’une compétition rude avec son concurrent Movado-Zenith.
Ce savoir-faire exceptionnel dans cette spécialité rapprocha naturellement la marque de plusieurs domaines d’activité spécialisés, comme la course automobile, le cyclisme et l’aviation. Cette dernière représentera un partenaire majeur tout au long de son histoire.
La relation avec le monde aéronautique débuta dès les années 1930, avec le développement de chronographes de bord pour l’aviation, un secteur tellement important aux yeux de Willy Breitling qu’il fonda dès 1938 le Département Huit Aviation, dont le but était le développement continu d’instruments de bord pour l’aviation.
Après la Seconde Guerre Mondiale et la reconstruction qui suivit lors de la seconde moitié des années 1940, les années 1950 représentèrent une période de prospérité et d’optimisme, accompagnée d’innovations technologiques permettant aux hommes de repousser leurs limites en explorant de nouveaux territoires, tels que le fond des océans, les points culminants du globe, les voyages intercontinentaux et même l’espace. En plus des professionnels, les voyageurs privés furent alors de plus en plus nombreux, et les voyages de plus en plus rapides.
Pour l’industrie horlogère, cela représentait une opportunité particulièrement importante, avec la possibilité de développer de nouveaux instruments, et principalement des montres-bracelets adaptés à ces nouveaux types d’utilisateurs. C’est ainsi que Breitling s’orienta vers trois univers distincts : Air, Terre et Mer.
C’est précisément dans ce contexte que s’inscrit la genèse de la Navitimer.
LA NAVITIMER OFFRIT CE QUE NUL AUTRE FABRICANT DE MONTRES N’AVAIT PROPOSÉ JUSQUE LÀ : UNE RÈGLE À CALCUL ASSOCIÉE À UN
CHRONOGRAPHE, PERMETTANT AUX PILOTES DE PLANIFIER OU DE CALCULER CERTAINS PARAMÈTRES DE LEUR VOL.
Ce chronographe révolutionnaire est le fruit d’une collaboration entre Breitling et l’Aircraft Owners and Pilots Association (AOPA) américaine, la plus grande association de pilotes et propriétaires d’avions (environ 40 000 membres en 1954), avec des ramifications et des membres dans le monde entier.
Sa règle à calcul révolutionnaire permet d’effectuer une multitude de calculs, comme notamment:
• des opérations arithmétiques, comme les multiplications ou divisions ;
• des conversions d’unités de distance entre le kilomètre, le mile terrestre et le mile nautique ;
• des calculs aéronautiques comme des vitesses moyennes, des durées de vol, des consommations de carburant, ou des taux de montée ou de descente.
La Navitimer conquit immédiatement le cœur d’un grand nombre de professionnels, de sportifs et d’amateurs. Elle fut aussi le choix de porte-drapeaux célèbres dans des disciplines aussi variées que le sport automobile, le show business, l’aviation ou même l’espace.
Une des premières personnalités conquises fut un super-professionnel. Il s’agit du Lieutenant Scott Carpenter, sélectionné parmi des centaines de candidats pour faire partie des « Original Seven », les 7 premiers astronautes américains du Programme Mercury de la NASA, qui dura de 1958 à 1963.
Scott Carpenter, ayant vu cette montre étonnante au poignet de pilotes de l’Armée de l’Air Australienne, eut l’intelligence et l’audace de contacter directement Breitling pour leur demander de modifier leur Navitimer afin de la rendre compatible avec un voyage en orbite où le jour et la nuit sont relatifs, à savoir une lecture de l’heure sur 24 heures au lieu de 12.
Ainsi naquit une Navitimer particulière, la Cosmonaute.
Peu de temps après, d’autres célébrités firent aussi de la Navitimer leur montre préférée : notamment, les pilotes de Formule 1 Jim Clark, Graham Hill, Jo Siffert ou Jackie Olivier entre 1967 et 1968. Anecdote intéressante, ils pilotaient tous des Lotus, soit de l’écurie officielle (la célèbre « Team Lotus »), soit d’écuries privées.
La nouvelle icône de Breitling est également portée par la légende du jazz Miles Davis durant la seconde moitié des années 1960.
Mais elle fut aussi le choix de nombreuses stars de cinéma comme Tony Curtis, Alain Delon ou Yves Montand, ce dernier l’ayant même portée dans le film « Le Hasard et la Violence » en 1974.
Montre d’aviateur par excellence, quel autre choix que la Navitimer pour le commandant François Derval, pilote de l’OTAN dans le film James Bond « Opération Tonnerre » de 1965 ? L’autre star horlogère de ce James Bond, interprété par Sean Connery, est d’ailleurs aussi une Breitling : il s’agit d’un modèle Top Time modifié.
Les deux montres sont filmées en gros plan dans plusieurs scènes. Gregory Breitling, le fils de Willy, nous a raconté que son père avait en fait approché la production du film pour ce que nous appellerions aujourd’hui un « placement produit », ce qui était totalement inhabituel à l’époque… Décidément, Willy Breitling était bien un visionnaire.
Serge Gainsbourg, célèbre auteur-compositeur-interprète de la chanson française des années 1960 à 1990, parolier de génie, tout aussi provocateur que raffiné, et grand amateur d’objets de luxe, aimait particulièrement les montres. Il fit l’acquisition d’une Navitimer (référence 81600) et demanda à Breitling de lui fournir un bracelet en métal de style « rallye » sur mesure. La légende dit que ce bracelet était en platine. Gainsbourg fut photographié à de maintes reprises avec sa Navitimer au poignet.
CHRONOMAT : PREMIER CHRONOGRAPHE AVEC UNE RÈGLE À CALCUL
En 1941, Breitling commercialise le Chronomat (Chronographe pour mathématiciens), premier chronographe doté d’une règle à calcul circulaire.
Cette règle à calcul est constituée de deux échelles adjacentes graduées de façon logarithmique. L’échelle intérieure est sur le cadran, et indique le temps. L’échelle extérieure, qui indique la distance (télémétrie), est placée sur la lunette tournante. Les deux échelles sont graduées en sens inverse l’une de l’autre.
Cette innovation se révéla très utile, car elle permit d’effectuer des calculs télémétriques (par les militaires), de production (par les ingénieurs), de rendement (par les financiers) et de vitesse ou de moyenne (par les sportifs, et principalement les pilotes automobiles).
La demande de brevet avait été déposée en août 1940 sous le numéro 217012 qui fut d’ailleurs inscrit sur le cadran pendant une certaine période.
La montre est habituellement dotée du calibre Vénus 175 mécanique à remontage manuel, permettant des mesures de temps jusqu’à 45 minutes. Il existe une très rare version trois compteurs, permettant de mesurer des temps jusqu’à 12 heures, équipée du calibre Vénus 178.
Le Chronomat est considéré comme le précurseur de la Navitimer.
Le Chronomat est la première montre dotée d’une règle à calcul circulaire, extrêmement utile pour toutes sortes de calculs mathématiques de vitesse, moyenne, taux de change, etc… Cet exemplaire rarissime avec trois compteurs, référence 786, date de 1945. Le numéro de brevet 217012 est affiché sur le cadran.
PAGE DE GAUCHE : Juin 1963, les « Original Seven », les sept astronautes sélectionnés pour le programme Mercury. De gauche à droite : Gordo Cooper, Wally Schirra, Alan Shepard, Gus Grissom, John Glenn, DK Slayton et Scott Carpenter avec sa Cosmonaute.
CI-DESSUS : un article dans le journal Europa Star de 1963 annonçant la nouvelle, gardée secrète par la NASA jusqu’alors, de la montre portée par Carpenter : une Breitling Navitimer. A droite, la Cosmonaute de John Glenn vendue par la maison d’enchères Phillips en décembre 2019 à New York.
ORBITER 3 : TOUR
Du Monde En Ballon
Le Breitling Orbiter 3 est un ballon de type rozière, du nom de son inventeur Pilâtre de Rozier, qui imagina en 1784 ce type de ballon à deux compartiments : un compartiment étanche contenant un gaz plus léger que l’air, généralement de l’hélium, et un compartiment ouvert contenant de l’air que l’on chauffe avec un brûleur, généralement au propane. A bord du Breitling Orbiter 3, Bertrand Piccard et Brian Jones effectuèrent le premier tour du monde sans escale entre le 1er et le 21 mars 1999. Ils décollèrent de Château-d’Œx en Suisse et atterrirent en Egypte, accomplissant donc une distance supérieure à un tour du monde.
Muni chacun d’une montre Breitling Emergency, l’équipage battit ainsi plusieurs records :
• Durée de vol : 19 jours 21h 47min
• Altitude maximale : 11 755 mètres
• Vitesse sol maximale : 240 km/h
• Distance parcourue : 45 755 kilomètres
• Nombre de pays survolés : 26 pays
Sa nacelle est aujourd’hui exposée au National Air and Space Museum de Washington aux États-Unis.
Extraordinaire exploit du projet Breitling Orbiter 3 qui en 1999 réalise le premier tour du monde en ballon. Cette performance, les aérostiers Bertrand Piccard et Brian Jones la doivent aussi en partie à leur équipe au sol, notamment les météorologues, et peut-être aussi à leur Breitling Emergency.