NUMÉRO 17
G R AT U I T
O C & Y L L BO DIEN DEPUIS 2010 VERS DU CINÉMA IN I N U L’ R U S E N I Z A G VOTRE MA
R A N A D A G G U B AT I
NOUVEL ESPOIR
S C È N E C U LT E
SOBHITA DHULIPALA, *
FAITES SEMBLANT
LA SUPERBE
BILAN KARAN JOHAR, LE DÉCLIN
LUMIÈRE SUR...
AVEC HUM TUM
DÉCOUVERTE NABELA NOOR CASSE LES CODES !
EN ACTION
SID SRIRAM,
BOLLYWOOD PARTY,
ENVOÛTANT
ÉDITION 2019
MODE LES DÉBUTS D’ABHIMANYU DASSANI
UN FILM, TROIS VISIONS KANAA
DOSSIER LES FILMS DE SUPER-HÉROS À BOLLYWOOD
LE MOT D E L A R É DAC
PARMI LES ÉVÉNEMENTS SURVENUS CES DERNIERS MOIS, IL Y EN A UN QUI A PARTICULIÈREMENT RETENU MON ATTENTION : L’ÉNORME SUCCÈS DU FILM KABIR SINGH. Parce que je suis déchirée. Déchirée entre le bonheur de voir mon acteur préféré, Shahid Kapoor, enfin triompher au box-office et l’embarras de la fan qui n’assume pas totalement les choix de son idole. Kabir Singh a effectivement cartonné en salles, mais il a surtout été laminé par l’opinion publique. Ajoutons à cela les propos polémiques de Sandeep Vanga, le réalisateur, qui justifie la violence dans le film de la façon suivante (attention, ça pique les yeux !) : « Quand vous
êtes très amoureux et profondément lié à quelqu’un, si vous n’avez pas la liberté de vous frapper mutuellement, alors je ne vois aucune émotion entre vous. »
OUI, CE QUE DIT SANDEEP EST ABSOLUMENT INADMISSIBLE EN PLUS D’ÊTRE COMPLÈTEMENT STUPIDE. Non, on ne frappe pas une personne parce qu’on l’aime. Pour autant, parler d’une relation toxique à l’écran est-il proscrit ? Pas à mon sens, à partir du moment où sa nature malsaine est mise en exergue. Le problème de Kabir Singh n’est pas viscéralement lié à la violence et au caractère destructeur du lien qui unit les deux amants. Parce que de telles relations existent hélas bel et bien. Ce qui me questionne davantage, c’est l’angle adopté par le cinéaste, qui glorifie largement « l’amour » entre Kabir et Preeti sans
chercher à l’interroger. Pour lui, la virulence de l’un, la fragilité de l’autre et la dépendance émotionnelle des deux ne sont que des preuves supplémentaires de la beauté de leurs sentiments... Bah non. En fait, non. Pas du tout. C’est même tout le contraire, tête de gland.
DONC OUI, JE SUIS CONTRARIÉE. En tant que fan de Shahid, certes. Mais davantage en tant que spectatrice. Cela dit, un questionnement demeure. Pourquoi l’audience s’insurge-t-elle contre ce film, dont la version originale sortie il y a deux ans possède le même contenu ? Parce qu’en effet, Kabir Singh est une copie strictosensu de son homologue télougou, Arjun Reddy, déjà dirigé par Sandeep Vanga. Le film avait alors été encensé par la critique, et la prestation de Vijay Deverakonda y avait été particulièrement saluée. Mais Arjun Reddy était déjà problématique. Le contenu est le même, à la virgule près. L’intention également. Pourtant, j’étais passée à côté. Voilà ce que j’écrivais en conclusion de ma critique du métrage, disponible dans le quatorzième numéro de Bolly&Co. « Si vous ne connaissez pas le cinéma
télougou, voilà un film qui peut vous permettre de découvrir cette industrie. »
ET OUI, J’AI ÉTÉ BERNÉE. J’avais été captivée par la descente aux enfers d’Arjun, qui constituait selon moi le véritable temps fort du métrage. Voir cet homme se consumer par amour, s’abandonner à ses addictions et mettre en échec toute son existence pour une femme... C’était puissant. À tel point que la scène
de la gifle (et tous ces autres détails qui soulignent l’aspect toxique de la relation entre Arjun et Preethi) se sont noyés dans mon esprit.
édito
POUR EN REVENIR À KABIR SINGH, SHAHID KAPOOR SEMBLE SORTIR GRAND GAGNANT DE CETTE POLÉMIQUE PUISQUE MALGRÉ LES ATTAQUES DONT FAIT L’OBJET LE MÉTRAGE, SA PRESTATION Y EST ENCENSÉE PAR LA CRITIQUE, QUI LA QUALIFIENT POUR CERTAINS DE MEILLEURE PERFORMANCE DE SA CARRIÈRE. SHAHID EST MON ACTEUR PRÉFÉRÉ. Et ça me désole de constater qu’après plus de 15 ans d’une carrière jalonnée d’une série de bides commerciaux, son plus gros plébiscite populaire soit également son film le plus controversé et son personnage le plus problématique dans ce qu’il renvoie. Les rôles d’écorchés vifs lui vont à ravir, c’est un registre dans lequel il excelle. Mais pas au détriment du bon sens.
EN FAISANT CE CHOIX ARTISTIQUE DOUTEUX, SHAHID A PEUT-ÊTRE REMPORTÉ LES FAVEURS DE L’AUDIENCE (ET UN PAQUET DE FRIC !), MAIS IL A PERDU MA TOTALE ADHÉSION.
Asmae Benmansour
RÉDACTRICE EN CHEF
SOMMAIRE N U M É R O 17
FOC US
Un peu de lecture (008) INVESTIGATION Amazon Prime Video, Netflix et le marché du streaming en Inde (010) À LA DÉCOUVERTE DE Nabela Noor (016) LE COUP DE COEUR DE Ornella (019) ILS ONT DIT SUR L’égalité des salaires (021) NOIR ET BLANC Fearless Nadia (024) LES FILMS DE Super-héros (028)
E N ACTION FESTIVAL Bollywood Party 2019, le bilan (038) INTERVIEW Sid Sriram (049) L'AVENTURE BOLLY&CO Notre première couverture (054)
NOUVE L ESP OIR Sobhita Dhulipala (058) CRITIQUE Made In Heaven (063)
C INÉMA DERRIÈRE LA CAMÉRA Le compositeur (068) BILAN Karan Johar, le déclin (074) UN FILM, UN VOYAGE Delhi (080) POURQUOI Hume Tumse Pyaar Kitna et autres curiosités (084) 3 FILMS QUI DISENT TOUT SUR Vineeth Sreenivasan (088) LUMIÈRE SUR Sid Sriram (092) L’ALBUM DU FILM Neeyum Njanum (096)
FILM VS LIVRE (099) The Zoya Factor vs The Zoya Factor SCÈNE CULTE (106) « Pour de faux ? » de Hum Tum ET SI ON COMPARAÎT LES REMAKES ? (110) Adhe Kangal vs Neevevaro POUR FAIRE COURT (116) Suno
À LA U N E RANA DAGGUBATI (120) Retour sur son parcours… (134) Les trois facettes de Rana (136) Rana en musique
C RI T IQ U ES N O R D (140) Mard Ko Dard Nahi Hota (hindi) (143) War (hindi) (146) The Ghazi Attack (hindi) (149) Aamhi Doghi (marathi)
C RI T IQ U ES S U D FLASHBACK (154) Moonu (tamoul) (158) Super Deluxe (tamoul) (162) Katheyondu Shuruvagide (kannada) (166) Ishq (malayalam) (168) Nene Raju Nene Mantri (télougou) UN FILM, TROIS VISIONS (172) Kanaa (tamoul)
MO D E (178) Rashmi Trivedi dans Luka Chuppi TENDANCE (182) C’est l’histoire d’un bras MODE (186) Les débuts mode d’Abhimanyu Dassani
RÉSEAU X S O CI AU X (192) Twitter : #saaho (196) Instagram : @sobhitadhulipala Crédits
FOCUS LECTURE & DÉCOUVERTE
FOCUS U N P E U D E L E C T U R E
Un peu de lecture MOT S PAR ASM AE BENM ANSOUR
1.
LES FABULEUSES AVENTURES D’UN INDIEN MALCHANCEUX QUI DEVINT MILLIARDAIRE de Vikas Swarup
? LE SAV I EZ -VOU S ? Vikas Swarup est également l’auteur des romans Meurtre dans un jardin indien (2008) et Pour quelques milliards et une roupie (2014).
008
Attention, ouvrage culte en vue ! Roman du célèbre auteur indien Vikas Swarup, cette épopée fantastique d’un orphelin des bidonvilles a largement inspiré l’un des films oscarisés les plus populaires de la dernière décennie : Slumdog Millionaire. Plus complet et étayé encore que le formidable métrage qui en a découlé, Les fabuleuses aventures d’un indien malchanceux qui devint milliardaire est un must-have dans votre bibliothèque consacrée à l’Inde.
2.
INDE MISCELLANÉES de Chantal Deltenre Absolument inclassable, les miscellanées indiennes de Chantal Deltenre tentent de démêler la complexité de ce qui fait le sous-continent, qu’il s’agisse de culture, de géographie, d’histoire ou de religion.
L’OUVRAGE EST DENSE DE PAR SA CONSTRUCTION EN MOSAÏQUE MAIS DEMEURE INDISPENSABLE POUR JUSTEMENT INTÉGRER L’ASPECT MULTIDIMENSIONNEL DU PAYS DONT IL PARLE.
3.
L’ILLUSIONNISTE de Hari Kunzru C’est l’histoire d’un enfant illégitime dont la naissance le mène à vivre un destin abracadabrantesque. L’oeuvre d’Hari Kunzru part dans tous les sens mais puise sa force dans son héros, Pran Nath, totalement attachant. Romanesque jusqu’à la moelle, cet illusionniste a pour lui ses rebondissements inattendus et le cœur de son protagoniste. 009
FOCUS I N V E S T I G AT I O N
AMAZON PRIME VIDEO, NETFLIX ET LE MARCHÉ DU STREAMING EN INDE MOTS PAR FATI MA ZAHRA EL AHM AR
L’ANNÉE 2016 A MARQUÉ LE DÉBUT D’UNE NOUVELLE ÈRE POUR LE PUBLIC INDIEN. Avec l’arrivée des plateformes de streaming Amazon Prime Video et Netflix dans le pays, ces deux géants misaient énormément sur un marché susceptible de leur rapporter gros. Avec une collaboration exclusive menée par Farhan Akhtar et Ritesh Sidhwani pour Amazon, la bannière Excel Entertainment a été l’une des premières maisons de production indiennes à s’impliquer. L’idée étant d’intéresser l’audience en embarquant dans plusieurs projets des talents déjà connus du grand public. Avec des réalisateurs populaires pour diriger ses séries et des producteurs expérimentés dans le contenu web. De son côté, Netflix n’était pas loin derrière. 010
Car la même année, le service de streaming le plus populaire du monde s’attaquait également à l’Inde. D’un côté, en acquérant les droits de diffusion de nombreux films de Bollywood, et ce pour enrichir son catalogue. De l’autre, en préparant à son tour des séries originales pour le public du sous-continent. Il était donc clair qu’Amazon et Netflix partaient à la conquête du pays de Gandhi, pour élargir leur impact sur l’un des pays les plus peuplés au monde, et ce sur la durée.
APRÈS TOUT, C’EST ÉVIDEMMENT L’UN DES PLUS GROS MARCHÉS À EXPLOITER, AVEC UN TRÈS GRAND NOMBRE D’UTILISATEURS POTENTIELS. LE TOUT ÉTANT DE SAVOIR LES SÉDUIRE.
L’ Inde , étai t- ce vrai me nt un e b o n n e idée ? Au-delà de la qualité des séries qui y ont depuis vu le jour, rien n’est encore gagné pour les deux plateformes. Nous avons eu droit à de belles découvertes comme à de grosses déceptions. Tout comme leurs autres productions à vocation internationale, Netflix et Amazon ont délivré des produits pour lesquels l’accueil a été variable. Certains ont tout adoré, d’autres beaucoup moins. Je ne parle ici que des gens comme vous et moi, intéressés par le cinéma indien et heureux de voir des séries avec un minimum de contenu. Habituée aux produits télévisés épurés, j’ai personnellement toujours eu en horreur les mélodrames indiens dont la productrice Ekta Kapoor est devenue la prêtresse. Mais ça n’engage que moi, car le public indien, lui, semble en raffoler !
IL EST DONC LOGIQUE QUE LES PRODUCTIONS STREAMING S’INTÉRESSENT AUX GRANDS SECTEURS, ET LEURS HÉBERGEURS PRÉVOIENT SOUVENT DES CAMPAGNES PUBLICITAIRES INTENSIVES EN CE SENS. Un peu comme dans les grandes villes en France, les affiches des prochaines sorties inondent tous les espaces : stations de métro, spots publicitaires, arrêts de bus... Bref, c’est partout ! Cette méthode intrusive semble être nécessaire pour leur survie. Car même dans ces villes où les plus jeunes (ou les plus aisés) sont prêts à débourser pour avoir accès à ces services, il n’empêche que Netflix et Amazon ne touchent qu’une infime part de la population. >
LE CHALLENGE DE CES GÉANTS DU STREAMING EST DONC IMPORTANT. Avant de revenir sur cette différence culturelle, laissez-moi d’abord souligner un frein important qui peut empêcher l’expansion de ces séries faites pour le web.
IL FAUT SE RENDRE À L’ÉVIDENCE : À PART DANS LES GRANDES VILLES ET LES MÉTROPOLES, L’INDE N’EST PAS UN PAYS DOTÉ D’UNE BONNE INFRASTRUCTURE INTERNET. Les zones rurales sont nombreuses, et les petits villages sont très peuplés.
AFFICHE DE LA SÉRIE « LE SEIGNEUR DE BOMBAY » DANS UN CENTRE COMMERCIAL EN INDE.
011
Dans les zones plus développées en Inde, l’idée de produire - ou a minima de diffuser du contenu en ligne n’est pas nouvelle.
EN TÊTE SE TROUVE LA PLATEFORME HOTSTAR. Lancée par Star India, elle dispose d’un contenu vaste et varié de séries, de films et de programmes télévisés locaux. Selon un audit mené par la compagnie Jana, la plateforme détient à elle seule pas moins de 70% du contenu à la demande en Inde. Plus encore, Hotstar compte à son actif au moins 150 millions d’utilisateurs actifs par mois. Les chiffres réalisés par Amazon Prime Video et Netflix n’ont pas encore été mis à jour. Mais pour la fin d’année 2018, Netflix était à moins d’un million d’utilisateurs indiens.
LE SOUHAIT DE LA POPULATION D’AVOIR ACCÈS AU STREAMING EST GRANDISSANT. Cependant, savoir les captiver dans un marché vastement monopolisé par d’autres concurrents est un inconvénient considérable. Au final, c’est toujours une question de prix. En effet, les services de streaming déjà présents sur le secteur sont relativement peu chers. Je reste sur l’exemple de Hotstar. Contrairement à Netflix et Amazon, c’est un service qui offre l’accès à la majorité de son catalogue gratuitement. Ses services premium coûtent environ 200 roupies, l’équivalent de 2,50 euros. L’offre basique de Netflix est aux alentours de 8 euros. C’est là où Amazon semble le plus intelligent. Si aux Etats-Unis, le prix de l’abonnement annuel est de près de 110 euros, en Inde, il est à moins de 13 euros. Avec en plus de Prime Video, l’accès à Prime Music et à des services de livraisons plus rapides. 012
Le p o i nt d e v u e d ’Am azo n d ans to u t cel a. . . En faisant mes recherches, je suis tombée sur une interview intéressante de Gaurav Gandhi, directeur d’Amazon Prime Video en Inde. Il explique les idées d’Amazon et l’intérêt porté par cette grande structure à son pays. Selon ses mots pour ScreenDaily, il déclare : « Les jeunes d’aujourd’hui sont
grandement influencés par YouTube et Facebook ». Sur les 1.3 milliards d’habitants
que compte l’Inde, plus de la moitié est âgée de moins de 25 ans. Cette tranche de la population a des critères et des habitudes différentes des générations précédentes. La télévision traditionnelle n’est plus un support systématique d’accès aux médias. Car les jeunes vont davantage avoir tendance à se servir de leur téléphone ou de leur tablette pour accéder à du contenu audiovisuel.
AMAZON PRIME VIDEO A COMMENCÉ AVEC LA COMÉDIE. Aujourd’hui, il est sur la liste des meilleurs supports où l’on peut trouver des spectacles de stand-up en Inde. Dans le but de continuer à séduire sa cible, Amazon s’est ensuite intéressé aux séries. Pour avoir visualisé des dizaines (voire des centaines) de séries américaines, de séries Netflix et autres curiosités, le format de huit épisodes est habituel pour nous. Pour les indiens, c’est une autre histoire. « Les histoires de ces
séries n’ont jamais été abordées en Inde, ou en tout cas pas de cette manière ou en suivant ce format. C’est donc excitant pour les utilisateurs. Nous voulons raconter des histoires de qualité, avec un bon contenu cinématographique et dans la langue que ces gens comprennent, » >
AFFICHE DE LA SÉRIE « INSIDE EDGE », PREMIÈRE SÉRIE INDIENNE DE LA PLATEFORME AMAZON PRIME VIDEO.
013
ajoute Gaurav Gandhi. J’imagine que les motivations de Netflix ne sont pas différentes des siennes.
RENCONTRENT UN FRANC SUCCÈS.
Am azo n P r i m e V i d e o et Netfl i x sé d u i s e nt- i l s vrai me nt ?
De plus en plus de célébrités du cinéma s’y intéressent, autant les acteurs que les réalisateurs. Le format est nouveau pour eux, et ces plateformes leur permettent une liberté d’expression que la censure cinématographique ne leur accorde pas.
La réponse à cette question est difficile à démontrer. Premièrement, il n’existe aucun moyen de connaître les chiffres générés par les séries Amazon et Netflix, ni combien de personnes ont visualisé ces contenus. Leur avantage réside dans le fait qu’ils produisent leurs propres séries, à l’inverse de Hotstar qui se contente simplement de rediffuser. Mais est-ce vraiment suffisant ?
LES AVIS DIVERGENT. IL FAUT ADMETTRE QUE LES SÉRIES QUI ONT VU LE JOUR JUSQU’ICI SONT DESTINÉES À UN PUBLIC PLUS INTERNATIONAL. Inside Edge (disponible sur Amazon) par exemple, utilise le cricket dans sa trame comme élément de séduction. Toutefois, l’ensemble peut être considéré comme très (peut-être trop ?) modernisé pour un citoyen indien lambda. La même remarque peut être faite pour Four More Shots Please ou Made In Heaven, également initiés par Amazon. Les thématiques initiales touchent à la société indienne d’une manière ou d’une autre, mais il est tout de même assez clair que le contenu tel qu’il est soit destiné à un public plus averti, plus jeune et moins attaché à l’aspect mélodramatique et traditionnel des productions télévisées classiques.
CERTAINES DE CES SÉRIES 014
Et si , en réal i té, i l s mi sai ent su r u n au t re p ub l i c ? Parce que Netflix et Amazon Prime Video investissent dans des productions indiennes, j’ai pensé au début que leur cible était le public indien. Si cette affirmation est potentiellement vraie au regard des campagnes publicitaires menées dans les villes indiennes, un autre constat a été fait en 2018. Les séries en langue hindi d’Amazon ont été visualisées en majorité par les utilisateurs américains ! Leur toute première série, Inside Edge, est également la première série indienne à être nommée aux Emmy Awards.
ÉTANT DONNÉ L’ASPECT MODERNE DE CES RÉALISATIONS, TOUT ME POUSSE À PENSER QU’AU FINAL, C’EST BIEN POUR UN PUBLIC INTERNATIONAL QUE CES PROJETS VOIENT LE JOUR. Du côté de Netflix, un article publié par DailyHunt a dévoilé que les deux tiers des visionnages de la série Le Seigneur de Bombay provenaient de comptes non indiens. Le sujet intrigue, et certaines personnes se penchent de plus en plus sur le sujet.
Comme Karan Sbharwal par exemple, un chercheur indépendant qui a donné une interview au site Quartz (QZ.com) sur le sujet : « Netflix et Amazon investissent beaucoup
sur du contenu pour attirer l’audience indienne. Amazon Prime Video propose des options diverses pour des films régionaux et des séries télévisées, là où Netflix se focalise sur des réalisateurs plus indépendants. Ce ne sont pas des productions qui rencontreraient un succès populaire au box-office, mais elles ont tout de même leur public. »
Pour Jennifer Salke, responsable d’Amazon Studios, l’intérêt est d’offrir aux clients de la plateforme Prime Video un contenu diversifié.
DÉBUT 2019, ELLE A ANNONCÉ LE LANCEMENT D’AU MOINS 20 PRODUCTIONS ISSUES DE SEPT PAYS DIFFÉRENTS, EN L’OCCURRENCE LE ROYAUMEUNI, L’ALLEMAGNE, L’ITALIE, L’ESPAGNE, L’INDE, LE JAPON ET LE MEXIQUE. « Nous savons que les clients de Prime
Video du monde entier souhaitent voir des histoires authentiques, se déroulant dans leur propre pays, en investissant des personnages qui reflètent leurs expériences et toute leur diversité, » a-telle déclaré.
En plus des secondes saisons des séries précédemment lancées, nous pourrons découvrir prochainement Bandish Bandits (réalisé par Anand Tiwari et écrit par Amritpal Singh Bindra), The Last Hour (réalisé et écrit par Amit Kumar), un thriller créé par Sudip Sharma, une série dramatique écrite et réalisée par Ali Abbas Zafar ainsi qu’une émission de télé-réalité menée par le
comédien Sapan Verma, pour n’en citer que quelques-unes. Du côté de Netflix, les projets en Inde se multiplient également. En 2019, nous avons eu droit à Bard of Blood avec Emraan Hashmi (et produit par Red Chillies Entertainement). Suivront ensuite Baahubali Before the Beginning (série basée sur la saga Baahubali) en plus de la suite du Seigneur de Bombay.
Ce q u i reste à veni r. . . IL ME SEMBLE QUE PRÉDIRE AVEC EXACTITUDE L’AVENIR D’AMAZON PRIME VIDEO, NETFLIX OU DE TOUTE AUTRE PLATEFORME ÉTRANGÈRE EST DÉLICAT. Elles ont toutes les raisons de fonctionner et de se développer, avec une vision différente de la télévision classique. La variété du contenu attirera certainement le public, que ce soit en Inde ou dans le reste du monde, à condition que le tout soit réalisé avec précision et qualité. Affaire à suivre de très
près, donc...
LE SAVIEZ-VOUS ? Alors que Netflix s’apprête à développer une série préquelle de la saga Baahubali, Amazon Prime Video a également surfé sur la vague en proposant d’ores et déjà une série animée intitulée Baahubali – The Lost Legends. Lancé en 2017 et fort de son succès, le programme en est actuellement à sa quatrième saison !
015
FOCUS À L A D É C O U V E RT E D E
L’INDE NE SE RÉSUME PAS À BOLLYWOOD... Tel est notre leitmotiv depuis le lancement du e-magazine Bolly&Co, en 2010. C’est ainsi que nous y parlons également de littérature, de mode tout en mettant en avant les cinémas indiens régionaux, notamment au travers de nos multiples critiques. Mais l’Inde est si riche, si complexe que nous passons tout de même à coté de nombre d’acteurs, de chanteurs, de métrages et d’autres œuvres qui ne relèvent pas nécessairement du septième art. En ce sens, nous vous proposons de partir à la découverte de ces artisans indiens quelque peu différents, et ce qu’il s’agisse de fiction, de musique, de danse ou de télévision...
À LA DÉCOUVERTE
1.
PARCE QU’ELLE PARTAGE SON HISTOIRE EN TOUTE SIMPLICITÉ.
DE
NABELA NOOR
M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
DE QUI S’AGIT-IL ? POURQUOI VOUS INTÉRESSER À ELLE ? Voici 6 bonnes raisons de devenir complètement fan de la jeune femme ! 016
Youtubeuse depuis 2013, l’américaine d’origine bangladaise Nabela Noor partage son quotidien, sa passion pour le monde de la beauté ainsi que son attachenement pour le Bangladesh avec ses multiples vidéos. Depuis son arrivée sur la plateforme, la jeune femme a grandi sous les yeux de ses spectateurs et culmine aujourd’hui à plus de 700 000 abonnés ! Et si elle se livre non sans émotion, la belle ne manque pas d’humour ! Elle pose notamment des mots sur son histoire d’amour contrariée avec son mari Seth, mais aussi sur la complexité comme la richesse de vivre dans une double-culture. Et en plus, elle est fan de Bollywood !
2.
PARCE QU’ELLE LUTTE CONTRE LE BODYSHAMING. En 2017, elle publie une vidéo sur Instagram dans laquelle elle écrit sur son visage toutes les insultes dont elle a été le réceptacle, pour finalement les transformer en des idées positives. Nabela lutte contre le body-shaming, c’est-à-dire contre les jugements dont tout un chacun peut être victime sur la base de son apparence physique. Nabela assume par ailleurs ses formes magnifiques et sa silhouette, souhaitant désormais que le domaine du mannequinat soit plus inclusif envers les femmes aux formes généreuses et aux corps différents.
3.
PARCE QU’ELLE VERBALISE QUAND C’EST IMPORTANT. À ce propos, elle s’insurge contre le diktat de la mode et dénonce le fait que certaines marques ne donnent pas accès à leurs vêtements pour des femmes dépassant la taille 44. Et ce n’est pas tout !
NABELA SE MOBILISE AUSSI CONTRE LE MUSLIM BAN (ATTAQUES RACISTES CIBLÉES CONTRE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE), CONTRE LE CYBER-HARCÈLEMENT... Dès qu’elle en a l’occasion, elle sort du carcan quelque peu étriqué de la Youtubeuse beauté pour laisser parler son cœur et s’engager sur des sujets qui la bouleversent, toujours dans une démarche d’ouverture et de tolérance.
4.
PARCE QU’ELLE VIENT BOUSCULER LES CODES DU PRÊT-À-PORTER. Et pour déconstruire l’ordre établi dans le prêt-à-porter, Nabela a récemment lancé sa propre ligne de vêtements : Zeba, en hommage à sa mère (dont c’est le prénom).
LA BELLE FAIT BIEN PLUS QUE VENDRE DES FRINGUES, ELLE DÉMOLIT LA HIÉRARCHIE DES TAILLES POUR POSER DES MOTS POSITIFS ET VALORISANTS SUR LES CORPS DES FEMMES. Le tableau des tailles est totalement redéfini, abandonnant les traditionnels 44 ou XL au profit d’adjectifs qui changent la donne. Si vous portez du XS, vous devez passionnée. Si vous portez du L, vous êtes intrépide. Si vous portez du quadruple XL, vous êtes indépendante. > 017
5.
PARCE QU’EN PLUS, ELLE CHANTE TELLEMENT BIEN ! Oui, Nabela a également une voix magnifique ! Et si elle n’en a pas fait une carrière, la jeune femme n’a pas hésité à partager avec ses fidèles abonnés des extraits de chansons originales qu’elle a enregistré par le passé. En anglais comme en bengali (sa langue maternelle), la belle de 28 ans réaffirme sa fierté pour sa double-identité et ses racines au travers de son timbre délicat et sucré.
6.
PARCE QUE RIEN NE L’ARRÊTE. NABELA EST AMBASSADRICE DU BODY POSITIVE, VOUS L’AUREZ COMPRIS. Elle est vidéaste, chanteuse, femme d’affaire et influenceuse, vous l’aurez compris. Mais elle n’allait tout de même pas s’arrêter en si bon chemin, n’est-ce pas ? En effet, puisqu’elle a également lancé son émission sur Facebook.
OÙ LA R ET R OUV E R ? Youtube : Nabela Noor Instagram : @nabela Facebook : @NabelaNoor Twitter : @Nabela Site : www.wearezeba.com Instagram : @zeba
Intitulée Can I Borrow That ? (« Est-ce que je peux te l’emprunter ? » en anglais), le programme revient sur les plus grandes tendances de la mode pour mieux en dégager les origines, faisant au passage un beau pied de nez à l’appropriation culturelle. De nouveau, Nabela prouve qu’on peut parler de vêtements et de maquillage avec intelligence et conscience.
ALORS, VOUS ATTENDEZ QUOI POUR LA SUIVRE ? 018
FOCUS L E C O U P D E C O E U R D ’ O R N E L L A Dans le cadre de cet article, nous vous donnons la parole, laissant à l’un de nos fidèles lecteurs l’occasion d’exprimer son coup de cœur lié au cinéma indien...
Le coup de cœur d’Ornella Ceux qui me connaissent un peu savent à quel point j’ai été emballée et marquée par le film que je m’apprête à évoquer. Il est temps pour moi de vous expliquer pourquoi. Anand (film de 1971 du grand Hrishikesh Mukherjee), c’est l’histoire d’un homme atteint d’une forme rare de cancer et qui n’a plus que quelques semaines à vivre. Il le sait. Mais au lieu de se morfondre sur son sort et de plaindre sa destinée, il décide d’appliquer le « carpe diem », de se consacrer aux autres et de faire leur bonheur. Notamment celui du médecin, incarné par le tout jeune Amitabh Bachchan, qui l’accompagnera dans cette fin de vie et qui deviendra son dernier grand ami. Anand le surnommera affectueusement « Babumoshai ».
LE MONSTRE SACRÉ DE L’ÉPOQUE, RAJESH KHANNA, INCARNE CET ANAND MALADE, ALLÉGORIE DE L’AMI IDÉAL, JOYEUX, IMPRÉVISIBLE ET ESPIÈGLE, QUI RÉPAND SA BONNE HUMEUR, SA JOIE DE VIVRE ET SON AMOUR SUR TOUS CEUX QUI CROISENT SON CHEMIN. > 019
« Babumoshai, ce n’est pas la durée de la vie qui compte... C’est son intensité. » Le message est simple, peut-être naïf, mais sincère. Surtout, il répond à l’une des questions éternelles de l’humanité. La vie est une maladie mortelle, mais c’est uniquement quand on l’accepte telle quelle qu’on peut la savourer à sa juste valeur. Anand, ce n’est pas l’histoire d’un individu, mais l’histoire et le destin de l’Homme qui, se sachant mortel et condamné, cherche encore à aimer, à chanter, à rire et à jouir de l’existence, jusqu’au bout.
J’AI ÉTÉ PROFONDÉMENT MARQUÉE PAR LA DOUCEUR, LA LENTEUR ET LA GRANDE POÉSIE DE CE FILM. Par sa simplicité aussi, par la qualité littéraire de ses dialogues. Alors oui, Anand possède le charme désuet d’un film ancré dans son époque. Mais je crois que la distance temporelle qui nous sépare de ce film, mais aussi cette façon de filmer - qui, fatalement, nous apparaît aujourd’hui un peu ringarde - du début des années 1970 rajoute finalement à la puissance nostalgique du scénario.
RAJESH KHANNA ENVAHIT L’ÉCRAN ET NOUS ÉCRASE LITTÉRALEMENT PAR SON CHARISME INCONTESTABLE. Amitabh Bachchan, dont c’est là le premier grand rôle, frappe par son élégance et sa majestueuse sobriété. Pour être en harmonie avec de tels talents, il fallait bien quelqu’un de la trempe de Salil Chowdhury pour nous laisser de magnifiques et cultissimes intermèdes musicaux, avec les voix de Mukesh et Lata Mangeshkar, s’il vous plaît ! Ma préférence va à « Kahin Door Jab Din 020
Dhal Jaaye », que je trouve d’une puissance lyrique bouleversante et d’une saisissante mélancolie. En fait, si je devais mettre des mots sur l’impression que cette chanson m’a laissée, je dirais que quand je l’ai entendue pour la première fois, j’ai eu exactement le même ressenti que lorsque l’on redécouvre, des dizaines d’années plus tard, une chanson que l’on aimait lorsqu’on était enfant. Car le personnage d’Anand, sous son air bonhomme et plein de vie, a des failles, des fêlures qu’il taira tout le long du film mais que l’on décèle, dans cette chanson notamment. La vue du soleil couchant lui rappelle sa propre finitude. Jamais je ne le trouve aussi proche, aussi humain que dans cette chanson où il avoue être mélancolique, avoir eu un chagrin d’amour, où il avoue même, à demimots, en pleurant, qu’il va regretter la vie. Je crois que c’est en cela qu’il nous émeut, parce que c’est là qu’il nous ressemble le plus. Mais, après tout, « la mélancolie n’estelle pas belle, Babumoshai ? »
ANAND RESTE L’UN DE MES PLUS BEAUX COUPS DE CŒUR CINÉMATOGRAPHIQUES. De ceux qui marquent profondément toute une existence. C’est l’un de ces films qui soudent la culture d’un pays et en font la fierté. Les chansons, les répliques, le surnom « Babumoshai » sont restés cultes. Et en même temps, comme tout chef d’oeuvre et par le message universel qu’il véhicule, Anand transcende les frontières pour offrir à l’humanité une véritable leçon de vie. « Babumoshai. La vie et la mort sont
entre les mains de Dieu. Tu n’y peux rien et moi non plus. Nous sommes des marionnettes en scène, et c’est Lui qui tire les ficelles. Quand ? Comment ? Qui partira ? Personne ne peut le dire. »
FOCUS I L S O N T D I T S U R . . .
Nous les admirons pour leurs œuvres, nous les admirons pour leur vie glamour, nous les admirons même pour leur personnalité. Les célébrités tiennent une place importante dans les médias, parce qu’ils peuvent communiquer des messages importants en quelques mots grâce à leur notoriété. Si leur discours peut souvent sembler futile, il permet parfois de soulever des thèmes peu abordés.
Découvrons ce que les stars ont à dire sur l’égalité des salaires... M OTS PA R FAT I M A Z A HRA EL A HMAR
PAR LE PASSÉ, C’ÉTAIT UN SUJET TABOU.
POURQUOI CE SUJET ?
L’évidence voulait que les acteurs masculins gagnent beaucoup plus que les actrices avec lesquelles ils partagent l’affiche. Depuis, les choses ont un peu changé à Bollywood. Les films dits ‘female centric’ ont commencé à attirer le public. Les chiffres réalisés par ces métrages étaient parfois impressionnants. Il est donc naturel que les comédiennes aient commencé à exiger un salaire plus important également. Après tout, elles ont prouvé qu’elles étaient capables de porter un projet sur leurs seules épaules.
L’égalité des salaires est un droit, qui touche toutes les femmes actives sur le marché du travail. Nous l’oublions peut-être, mais au bout du compte, être actrice est un métier qui nécessite une rémunération. Il est vrai que c’est une carrière artistique, de laquelle peuvent découler gloire et célébrité dans certains cas. Cependant, le slogan « À travail égal, salaire égal.. .» n’en demeure pas moins vrai dans ce cas-ci. Peu importe l’origine, le sexe, la religion ou l’orientation sexuelle de la personne concernée. > 021
ILS ONT DIT...
Kaj o l
Durant la promotion de son film Helicopter Eela, un journaliste a souhaité avoir son avis sur la différence des salaires entre les acteurs et les actrices. Sa réponse était la suivante : « Je pense que c’est une question de
recettes au box office. Oui, il y a le facteur sexe qui entre en jeu. Mais quand vous y pensez, il n’y a aucune actrice qui ait fait un film générant 500 Crores de roupies de recettes, comme Salman Khan le fait. Les actrices constituent la part essentielle d’un film, certes. Mais le cinéma reste un business, après tout. Cela étant dit, je ne nie pas le fait qu’il y ait une discrimination basée sur le sexe. Il y en a une, évidemment. Et toute la structure autour des salaires doit changer. »
Rad hi ka Apte L’ACTRICE EST D’ACCORD POUR DIRE QUE BOLLYWOOD A CHANGÉ DEPUIS LES ANNÉES 1990. Cependant, elle juge les réalisateurs des productions à gros budget toujours réticents face à l’idée de choisir des acteurs dits de cinéma indépendant. « Ce n’est pas entièrement de leur faute. Si
tu veux faire un film avec un budget de 100 Crores de roupies, il doit en rapporter 300. Notre société se doit d’être plus indulgente. C’est un cercle vicieux. Le changement arrive doucement, mais je suis sûre qu’un jour, on y arrivera. Il y a plusieurs hiérarchies à Bollywood, et ça ne concerne pas que le sexe. Les hommes ont aussi beaucoup de choses à traverser. » 022
V i d ya B al an
Connue pour ses personnages féminins puissants et ses films à succès, l’actrice se dit prête à mener de front la bataille pour réduire l’écart des salaires entre acteurs et actrices. « Nous faisons partie d’une société
patriarcale. Sauf qu’aujourd’hui, grâce aux films et aux séries, il semblerait que les choses commencent à changer. Il y a un énorme écart de paie entre les hommes et les femmes à Bollywood.
MAIS JE SUIS CERTAINE QUE CE CLIVAGE SERA RÉDUIT. Nous allons nous battre pour que ce soit le cas. »
Ranb i r K ap o o r
Pour Ranbir Kapoor, il y a encore un long chemin à traverser avant d’arriver à une égalité entre les actrices et les acteurs au sein de l’industrie cinématographique. En parlant des écarts entre les salaires, il déclare : « Je pense qu’il y a beaucoup de fausses
informations qui circulent sur le montant qu’un acteur touche. Oui, les trois superstars (Aamir, Salman et Shahrukh Khan) demandent un certain prix. Mais pour les autres acteurs, tout dépend du film, de leur célébrité et de leur valeur. J’avoue que je ne sais pas comment ça se joue, je viens d’une famille riche et l’argent n’a jamais été le plus important pour moi. Si j’apprécie vraiment un film, je le fais. Je n’exige pas X montant pour le faire. Mais pour répondre à la question, il y a une disparité. Je ne le nie pas. »
Aam i r K ha n
Durant les promotions de sa production Secret Superstar, dans laquelle le perfectionniste tenait un rôle secondaire, Aamir s’est exprimé sur le sujet face à plusieurs médias (TOI, Hindustan Times...). « C’est la mentalité d’une société
dominée par les hommes, et qui n’arrive pas à voir les femmes en tant que héros, » dit-il. « Malheureusement, la majorité de nos stars sont des hommes. Les gens qui attirent autant de public sont des hommes, et c’est le résultat de l’influence patriarcale de notre société. »
Salma n K ha n
Pour Hindustan Times, Salman Khan avait dit : « La question qu’il faut se poser c’est
: qui pousse les gens à aller en salles de cinéma ? Si c’est une femme, que le producteur en récolte de l’argent, que le distributeur en récolte de l’argent, alors elle devrait avoir autant d’argent aussi. Mais si c’est une star masculine, c’est à lui de l’avoir. »
Kangana Ra n a u t
L’actrice avait réclamé l’égalité des salaires au micro de NDTV. « MES
HOMOLOGUES MASCULINS SONT PAYÉS TROIS FOIS PLUS QUE MOI. PERSONNE NE PEUT GARANTIR LE SUCCÈS D’UN FILM AVANT QU’IL NE SORTE, ALORS POURQUOI TANT DE DISCRIMINATION ? »
D eep i ka Pad u ko ne
Si Deepika Padukone est l’une des célébrités les mieux payées de l’industrie, elle a également fait face à l’absence de parité salariale entre les hommes et les femmes. L’actrice dit effectivement avoir refusé un film parce qu’elle y était beaucoup moins payée que son partenaire masculin... « Je sais ce que je vaux. Je sais aussi
que les films de cet acteur n’étaient pas aussi bons que les miens. Cela n’avait donc aucun sens. J’ai refusé le film, en me basant sur ce simple fait parce que je me suis dite que c’était injuste. » Elle a également ajouté : « Je ne pense pas être capable de vivre avec l’idée que j’ai fait partie d’un film, que j’ai apporté la même contribution créative, et que j’ai donné autant de valeur au projet, tout en étant moins bien payée pour le faire. »
S hahru kh K han
Sur ce sujet, les journalistes questionnent souvent les grands acteurs. Shahrukh Khan ne fait ainsi pas exception. Durant l’un des nombreux événements auxquels il a assisté par le passé, le Badshah a fait les déclarations suivantes : « Je crois que les salaires doivent être
donnés au mérite et non sur la base du sexe de la personne. Les deux sexes ont leurs propres points positifs et négatifs. Les femmes nous poussent à réfléchir, à vouloir être de meilleures personnes. Malheureusement, aujourd’hui, elles ne reçoivent pas ce qu’elles méritent. C’est injuste pour toute notre société. »
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FOCUS N O I R E T B L A N C … L’époque du noir et blanc. Une ère qui évoque une certaine nostalgie, même si nous n’y avons pas vécu. Avec ses films qui inspirent à ce jour les cinéastes, entre reprises de grands classiques, ou hommages rendus à des actrices qui ont fait chavirer les cœurs. Des artistes talentueux ont marqué cette période du cinéma indien. Ainsi, pour ce numéro, Bolly&Co vous présente...
Fearless Nadia M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
POUR CELLES ET CEUX QUI CROYAIENT QUE LE CINÉMA INDIEN CENTRÉ SUR LES FEMMES ÉTAIT UN PHÉNOMÈNE NOUVEAU, PERMETTEZ-MOI DE VOUS DIRE : VOUS AVEZ TORT ! Car effectivement, depuis ses prémices, Bollywood a misé sur ses héroïnes, à tel point qu’elles sont devenues des superstars auprès des masses. L’une des premières grandes vedettes féminines du cinéma indien s’appelle Mary Ann Evans. Elle est australienne et verra le jour en 1908. Un an plus tard, son père (engagé dans l’armée britannique) sera affecté à Bombay. Elle vient le rejoindre en 1913, sans s’imaginer que ce changement de lieu de vie bouleversera sa destinée. 024
En 1915, son père décède durant la première guerre mondiale, et la jeune Mary déménage avec sa famille à Peshawar (situé dans l’actuel Pakistan). Elle y apprend l’équitation, la chasse, la pêche et le tir, devenant une femme aussi forte que l’homme qui l’a élevé. Elle s’exerce également en danse classique, prouvant ainsi que rien de l’arrête. Cela dit, il lui faut attendre 1928 pour revenir à Bombay avec sa mère et un bébé du nom de Robert, dont on ne sait rien des circonstances de la naissance. Elle intègre alors la troupe de ballet de Madam Astrova, qui se produit notamment au sein des bases militaires indiennes. Par son agilité et sa souplesse, Mary devient rapidement l’une des vedettes de la troupe.
À LA MÊME ÉPOQUE, ELLE AURAIT CONSULTÉ UN VOYANT ARMÉNIEN, QUI LUI AURAIT PRÉDIT UNE GRANDE CARRIÈRE À LA CONDITION QU’ELLE PORTE UN NOM COMMENÇANT PAR LA LETTRE N. C’est ainsi que Mary deviendra Nadia. Après avoir travaillé dans un cirque, elle est introduite au milieu du cinéma par J.B.H. Wadia, propriétaire du studio Wadia Movietone qui se spécialise dans le film d’aventure dès le début des années 1930. Elle prend des cours de hindi et après quelques petits rôles, elle est lancée en grandes pompes en 1935 avec Hunterwali, blockbuster de l’époque dans lequel elle incarne une princesse devenue justicière masquée. Le public est enchanté face à cette australienne aux yeux clairs qui marque par son bagout. Surtout, Nadia exécute la totalité de ses cascades, ne reculant devant aucune
acrobatie. Le phénomène est bien lancé ! Le Bombay des années 1930 est littéralement sous le charme de celle qui verra attaché à son nom l’adjectif « Fearless » (traduisible par « sans peur », « intrépide »). Car rien n’arrête Nadia, qu’il s’agisse de faire face à des vrais fauves en liberté dans Jungle Princess (en 1942), de se battre sur un train en marche dans Miss Frontier Mail (en 1936) ou en collant des bourre-pifs à plusieurs hommes en même temps dans Muqabala (en 1942). Ses talents de cavalière font également des émules, à tel point que son fidèle destrier aura droit à son propre surnom : Punjab Ka Beta (« Le fils du Pendjab » en hindi).
J.B.H. WADIA EST JOINT PAR SON FRÈRE CADET HOMI À LA PRODUCTION DES FILMS DE NADIA. Ce dernier tombe follement amoureux de l’actrice, qui répondra à ses sentiments par l’affirmative. Si le couple souhaite se marier, la mère de Wadia voit d’un très mauvais œil l’union de son fils avec une étrangère, qui plus est mère d’un enfant né hors mariage. Le couple devra donc prendre son mal en patience...
POURTANT, LA SITUATION FINANCIÈRE DU STUDIO SE DÉGRADE. J.B.H. Wadia est contraint de ne produire que deux films par an et abandonne le genre du ‘stunt movie’ au profit de projets plus sérieux. Nadia doit de fait arrêter sa carrière... En tout cas momentanément. Car Homi (auquel elle n’est alors pas encore mariée) ne la lâche pas et ouvre sa propre maison de production, Basant Pictures. S’il tente d’offrir à la belle un rôle différent avec Mauj (qui fera un bide), il comprend > 025
très vite que le public souhaite retrouver Fearless Nadia dans son registre de prédilection.
IL PRODUIT DONC HUNTERWALI KI BETI EN 1943. Le public répond présent de manière massive.
LES TOURNAGES S’ENCHAÎNENT DE NOUVEAU ET MALGRÉ LE POIDS DES ANNÉES, NADIA NE PERD RIEN DE SA CONDITION PHYSIQUE . On la retrouve dans des films très appréciés du grand public tels que 11 0’Clock (1948), Dhoomketu (1949), Jungle Ka Jawahar (1953) et Jungle Queen (1956). La fatigue se fait cela dit sentir, Nadia approchant de la cinquantaine. En 1961, elle finit par épouser Homi après le décès de sa mère, principale opposante à leur union. Suite à ces épousailles, Homi adoptera officiellement Robert, le fils de Nadia.
APRÈS PLUS DE DIX ANS D’INACTIVITÉ AU CINÉMA, NADIA S’OFFRE L’ULTIME RÔLE DE SA CARRIÈRE DANS KHILADI, RÉALISÉ PAR SON ÉPOUX ET DANS LEQUEL ELLE INCARNE UN AGENT SECRET À LA MANIÈRE DE JAMES BOND. À presque 60 ans, Nadia et Homi sont alors de véritables précurseurs en matière de cinéma « female centric ». 026
Surnommée l’Indian Pearl White (ce qui est à mon sens très réducteur tant le style de Nadia était inimitable), elle devient une vedette grâce aux films d’action et de cascade qu’elle porte sur ses uniques épaules. Au même titre que l’actrice américaine Pearl White, en plus vaillante encore, Nadia déconstruit férocement le carcan de la demoiselle en détresse en s’illustrant comme une femme forte et triomphante, qui n’a nullement besoin des hommes pour la secourir.
ELLE A LARGEMENT INSPIRÉ VISHAL BHARDWAJ DANS L’ÉCRITURE DE MISS JULIA, PERSONNAGE TENU PAR KANGANA RANAUT DANS LE DRAME ROMANTIQUE RANGOON. Car si le récit du métrage sorti en 2017 n’a rien à voir avec le parcours de vie de Nadia, le look de Miss Julia est clairement calqué sur celui de l’iconique comédienne.
FÉMINISTE JUSQU’À LA MOELLE, NADIA S’ÉTEINDRA EN 1996, À L’ÂGE DE 88 ANS. ET CE APRÈS AVOIR CLAIREMENT RÉVOLUTIONNÉ LE CINÉMA INDIEN DURANT SES 30 ANNÉES DE CARRIÈRE. INTEMPORELLE. Le petit-neveu de Nadia, Riyad Vinci Wadia, a réalisé en 1993 un documentaire sur son illustre ascendante, intitulé Fearless - The Hunterwali Story.
FOCUS L E S F I L M S D E . . .
LES FILMS DE SUPER-HÉROS À BOLLYWOOD MOTS PA R FAT I M A Z A HRA EL A HMAR
TOUT LE MONDE A VU AU MOINS UN FILM DE SUPER-HÉROS DANS SA VIE. Ou a minima, il en a entendu parler. Avec toutes les productions Marvel et DC qui voient le jour aujourd’hui, qu’ils s’agissent de productions nouvelles ou d’énièmes reboots des Superman et autres Batman, il est difficile de passer à côté du phénomène. C’est un genre cinématographique particulier, qui a fait ses preuves au fil des années. En attirant la curiosité de son public et en battant des records en termes de recettes, il est naturel que Bollywood s’intéresse aussi à ce type de productions. 028
Un film de superhéros,c’est quoi ?
Le ton constitue un mélange d’humour et de drame, avec beaucoup d’action et d’effets spéciaux.
Dans sa définition générale, un film de superhéros est essentiellement un film d’action. Son histoire tourne autour de la vie et/ou des accomplissements d’un individu aux pouvoirs hors-normes. Pas que, ce héros dédie son temps et utilise ses dits pouvoirs afin de protéger le commun des mortels. Il a toujours un ennemi juré - voire plusieurs - auquel il doit se confronter en conclusion de l’histoire.
L’ENJEU QUI EN DÉCOULE EST TRÈS BASIQUE : LA BATAILLE ENTRE LE BIEN ET LE MAL.
LES FILMS INDIENS DE SUPERHÉROS SONT PEU NOMBREUX, EN COMPARAISON AVEC D’AUTRES INDUSTRIES CINÉMATOGRAPHIQUES. De fait, avant d’aborder les essais bollywoodiens proposés dans ce registre, laissez-moi vous parler de leurs homologues américains. Quand des métrages de superhéros sont réalisés à Hollywood, ils le sont souvent dans le cadre d’un projet de franchise. Cela peut grandement fonctionner comme faire un bide sans précédent. Il n’en demeure pas moins vrai qu’ils suivent généralement le même procédé. Les histoires sont le plus souvent basées sur des personnages de comics, pour séduire un plus large public. Entre les adolescents admirateurs de ce type de récits et les adultes nostalgiques de l’époque où ils feuilletaient ces parutions écrites.
LE PREMIER FILM SERT D’INTRODUCTION, OÙ NOUS DÉCOUVRONS L’ORIGINE DU HÉROS ET SES TENTATIVES D’ADAPTATION À SES POUVOIRS.
Le héros qui en sort triomphant et un antagoniste pourri par sa soif d’argent, de pouvoir, ou parfois même de sadisme pur. Au fil des années, certains projets se sont imposés de manière à donner un sens plus profond à ces grands méchants loups. Le public a pu s’attacher à eux, et a été amené à comprendre d’où leur mal pouvait venir. Les exemples les plus évidents sont le Thanos de Josh Brolin dans les deux derniers Avengers et le Joker du défunt Heath Ledger dans The Dark Knight. Cette vision approfondie du rôle du méchant a fait la lumière sur un autre genre : les films d’anti-héros. Au lieu de se focaliser sur le super-héros, c’est plutôt l’antagoniste qui est à l’affiche de l’oeuvre.
D’AUTANT PLUS QUE ÇA NE SE LIMITE PAS QU’À DES LONGSMÉTRAGES. Le genre inclut également des séries télévisées, des films d’animation et des séries pour enfants.
Et Bollywood, dans tout ça ? Malheureusement, l’industrie cinématographique indienne est encore loin derrière. Ce n’est pas faute de moyens, car les sommes investies dans des films pareils sont souvent astronomiques. Cependant, j’aimerais bien savoir ce dans quoi ce budget part, au final. Voilà, c’est dit. Des avancées > 029
ont été faites, il y a un net progrès depuis les années 1980, mais ils ont encore un sacré chemin à parcourir. Car mine de rien, des effets visuels de haut niveau et des images de synthèse réussies restent deux éléments essentiels pour un métrage de ce style.
MÉTRAGES N’ONT AUCUN LIEN L’UN AVEC L’AUTRE.
CELA ÉTANT DIT, LE RESTE N’EST PAS SOUVENT CONSTRUCTIF NON PLUS. Si Hollywood a une source directe avec des milliers d’histoires prêtes à utilisation, ce n’est pas le cas en Inde. Même si les récits se ressemblent à un certain degré, il est plus simple de faire un film sur un personnage que les gens connaissent déjà. Aux Etats-Unis, il existe pas moins de 50 entreprises différentes de comics. En Inde, il y en a à peine une dizaine. De plus, Krrish 3 et Ra.One ont prouvé quelque chose : personne n’a le temps d’écrire un bon scénario, inventer un bon personnage original, et en faire un bon super-héros.
POURTANT, LES PRODUCTEURS INDIENS S’INTÉRESSENT À CE GENRE DEPUIS DES DÉCENNIES. C’est en 1960 que le tout premier film indien de super-héros voit le jour. Il s’agit d’une adaptation de Superman réalisée par Mohammed Hussain, avec Paidi Jairaj dans le rôle principal. Il a été suivi par une seconde tentative, Return of the Superman de Manmohan Sabir, toujours avec Paidi dans le rôle de Superman.
SI L’ACTEUR A INTERPRÉTÉ LE RÔLE À DEUX REPRISES, IL FAUT NOTER QUE LES DEUX 030
Il faudra ensuite attendre 20 ans pour que les producteurs et réalisateurs indiens s’intéressent de nouveau à ce genre cinématographique. Dans les années 1980, moins d’une dizaine de métrages se sont inscrits dans ce registre. Deux nouvelles adaptations de Superman ont vu le jour, l’une en langue télougoue et l’autre en hindi.
CEPENDANT, LA PREMIÈRE OEUVRE DU GENRE À AVOIR FAIT UN CARTON EST SHIVA KA INSAAF.
Sorti en 1985 avec Jackie Shroff en tête d’affiche, ce film de Raj N. Sippy deviendra un hit instantané. Il constitue également le premier film indien en 3D. Deux ans plus tard, c’est au tour d’Anil Kapoor de s’aventurer sur ce terrain avec Mr. India. Face à Sridevi et Amrish Puri, et sous la direction de Shekhar Kapur, le film comme la prestation de l’acteur sont devenus cultes.
MR. INDIA EST AUJOURD’HUI CONSIDÉRÉ COMME UN GRAND CLASSIQUE.
En 1989, un autre film de super-héros débarque sur grand écran, même si son impact est tout relatif. Il s’agit de Toofan, avec Amitabh Bachchan dans un double rôle. L’acteur retente l’expérience du rôle de héros surpuissant dans Ajooba, réalisé par Shashi Kapoor en 1991. Si les dires de l’époque sont à croire, Amitabh a accepté de jouer le rôle gratuitement, faisant une faveur à son réalisateur et ami de longue date.
S’EN SUIT LE NÉANT.
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IL FAUT ATTENDRE LES ANNÉES 2000 POUR QUE CETTE CATÉGORIE DE FILMS SOIT DÉPOUSSIÉRÉE. En juin 2006 plus précisément. Deux métrages sortent à quelques jours d’écart : Alag d’Ashu Trikha avec Akshay Kapoor et Diya Mirza, et Krrish de Rakesh Roshan avec Hrithik Roshan, Priyanka Chopra et Naseeruddin Shah. Si le premier est passé complètement inaperçu, le second a su séduire suffisamment de monde pour être considéré comme un hit commercial. En ce qui me concerne, j’ai trouvé cette suite de Koi Mil Gaya loin d’être idéale ou d’une grande qualité. Cependant, l’ensemble était différent et nouveau pour le public indien.
LE SUIVANT À TENTER L’EXPÉRIENCE SERA LE RÉALISATEUR GOLDIE BEHL. Son film Drona, sorti en 2008, avec Abhishek Bachchan et Priyanka Chopra, résultera en échec cuisant.
PENDANT CE TEMPS, SHAHRUKH KHAN PRÉPARE UN PROJET DE FILM QUI LUI EST CHER. Un métrage supposément sans précédent à Bollywood, avec le budget le plus élevé jusqu’alors. Ra.One sort en salles en 2011. Les avis sont pourtant mitigés. Les défenseurs clament le succès planétaire, alors que les plus sceptiques se contentent des chiffres qui indiquent l’inverse. 2011 a pourtant vu naître un autre film de ce genre : Zokkomon, avec le jeune Darsheel Safary. Destiné à un jeune public, il passe inaperçu au box-office malgré des critiques favorables. 032
Deux ans plus tard, après des scandales à ne plus en finir et un changement de casting perpétuel, c’est au tour de Krrish 3 de s’ajouter à la liste des films de superhéros. Continuation de son prédécesseur, il garde une partie de son casting (Hrithik Roshan et Priyanka Chopra), en ajoutant de nouvelles figures à la franchise. Sa recette est suffisamment motivante pour que Rakesh Roshan se lance dans d’autres séquelles de la saga. En effet, le réalisateur a annoncé que Krrish 4 et Krrish 5 étaient en préparation, qu’ils seront tournés simultanément et que Krrish 4 sortirait le 25 mai 2020.
A FLYING JATT AVEC TIGER SHROFF ET BHAVESH JOSHI SUPERHERO AVEC HARSHVARDHAN KAPOOR, SORTIS EN 2016 ET 2018 RESPECTIVEMENT, SONT LES DERNIERS FILMS DE SUPERHÉROS DE BOLLYWOOD À CE JOUR. Il est indéniable que les créateurs de films indiens aient encore à faire leurs preuves dans ce registre. Après tout, les projets hollywoodiens de bonne qualité s’inscrivant dans ce genre ont pris des années à se construire, il reste donc de l’espoir pour Bollywood. Cependant, avec un film tous les deux ou trois ans, le chemin à traverser semble encore long. Sur ces derniers mots, je vous invite à découvrir les films de superhéros à Bollywood des années 2000 qui ont davantage fait parler d’eux.
EN BIEN OU EN MAL, ILS ONT MARQUÉ LES FANS EN CONSTITUANT UNE PIERRE AJOUTÉE À L’ÉDIFICE DANTESQUE DU GENRE.
Krri sh ( 2006 ) / K rri sh 3 ( 2 013)Μ RÉALISÉS PAR RAKESH ROSHAN AVEC HRITHIK ROSHAN, PRIYANKA CHOPRA, NASEERUDDIN SHAH, VIVEK OBEROI ET KANGANA RANAUT. Pour ceux qui ne le savent pas encore, Krrish est la suite de Koi... Mil Gaya. Si ce dernier était un film de science-fiction, le second volet s’est détaché de ce registre, en établissant son personnage principal comme un sur-homme aux super pouvoirs. Krrish 3 n’a fait que développer ce concept en introduisant un personnage mutant, interprété par Kangana Ranaut. Bien que j’ai personnellement trouvé les deux métrages très décevants en termes d’histoire, de casting et d’écriture, il semblerait que le public indien en soit très satisfait. C’est d’ailleurs la seule franchise de films de super-héros qui existe actuellement à Bollywood.
Dro na (2 008 ) RÉALISÉ PAR GOLDIE BEHL AVEC ABHISHEK BACHCHAN, KAY KAY MENON, PRIYANKA CHOPRA ET JAYA BACHCHAN. Considéré comme l’un des films les plus désastreux de la carrière d’Abhishek Bachchan, les moyens investis étaient pourtant immenses. Avec pas moins de 60 experts en effets spéciaux qui ont travaillé sur l’aspect technique de l’oeuvre pendant plus de 6 mois, ainsi qu’une équipe d’effets visuels et de décors de 250 personnes, le résultat n’était pas celui escompté. Drona se voulait mystique et différent. Au final, il a été jugé fade et illogique. Avis que je partage entièrement, même si le métrage contenait de belles images.
Ra.One ( 2011) RÉALISÉ PAR ANUBHAV SINGH AVEC SHAHRUKH KHAN, ARJUN RAMPAL, KAREENA KAPOOR ET SHAHANA GOSWAMI.
L’IDÉE ÉTAIT AMBITIEUSE, ET LES EFFETS SPÉCIAUX ONT ÉTÉ LONGUEMENT APPLAUDIS. Si l’aspect technique a séduit le grand public et a permis à son équipe de remporter un National Award et un Filmfare Award, le reste du métrage ne tenait pas franchement la route. Le film a d’ailleurs été accusé de plagiat, en reprenant des idées de Terminator 2, entre autres. Le King Khan a défendu son bébé jusqu’au bout en déclarant : «
Je me suis inspiré de plusieurs films de super-héros, mais Ra.One reste un film original. À vrai dire, il est le premier film de super-héros du monde où le superhéros vit dans une famille. » 034
EN ACTION F E S T I VA L & I N T E RV I E W
E N A C T I O N B O L LY W O O D P A R T Y
Bollywood Party 2019 LE
BILAN.
MOTS PAR ASMA E BENM ANSOUR P HOTO G RAP HI ES PAR : BRI CE DAVID, SEYL M AHA, SA N A A BO UK ET BOLLY&CO
LE GROUPE FACEBOOK ‘BOLLYWOOD TO THE SQUARE OF INFINITY’ EST UN VIVIER DE PASSIONNÉS DE CINÉMA INDIEN EN FRANCE. Pourtant, il était délicat pour eux de se rencontrer en personne dans un cadre défini. Il faut dire que le groupe compte à ce jour plus de 3500 membres ! Certains vivent dans les quatre coins de la France, d’autres en Afrique, en Belgique et même sur l’île de la Réunion… C’est alors que Sanaa, elle-même membre du groupe, a eu l’idée d’organiser en 2018 une Bollywood Party sur son lieu de travail, à la médiathèque de La Courneuve. Lorsque l’événement est apparu sur mon fil d’actualité, j’ai répondu présente immédiatement ! C’était l’occasion idéale de faire de nouvelles rencontres et de passer un moment convivial aux couleurs de Bollywood... 038
À l’époque déjà, je n’avais pas été déçue. Sakina (BollyTeam), Amina (Bollywood Drama) et moi-même avions formé une coalition dans le cadre du blind test que nous avions remporté, j’avais brisé ma voix en hurlant comme une folle durant le karaoké et j’avais applaudi Lyes (Seyl Maha) comme une groupie de 14 ans des One Direction lors de sa prestation dansée… Tout cela pour dire que je gardais un excellent souvenir de cette journée, dont j’espérais qu’elle se réitèrerait pour de prochaines éditions.
CETTE ANNÉE, NOTRE CHÈRE SANAA AVAIT DONC LA PRESSION ! Il fallait faire aussi bien que l’an dernier. D’autant qu’en 2019, nombre de provinciaux ont fait du chemin pour être présents... Autant vous dire que la petite heure de train qui sépare Paris de mon Pas-de-Calais résidentiel, c’était du pipi de chat, à côté !
POUR MA PART, CETTE JOURNÉE RECOUVRAIT UN ENJEU SUPPLÉMENTAIRE : MA RENCONTRE AVEC BRICE. Alors certes, nous babillons ensemble depuis plusieurs années sur la toile autour de notre passion commune pour le cinéma indien. Ce n’est pas comme si je ne savais pas à qui j’avais affaire. Mais jamais nous n’avions pu nous organiser afin de nous rencontrer « pour de vrai ». La Bollywood Party serait donc le théâtre de cette rencontre tant attendue. De son côté, Elodie revenait de Toulouse ce jour-là, après une visite de courtoisie chez ses parents. Elle n’était pas sûre d’être en mesure de se présenter à l’événement après avoir avalé près de 7 heures de train.
LE SUSPENSE EST DONC À SON COMBLE…
J’arrive le samedi 22 juin 2019 à la gare de Paris Nord à 10 heures. Et devinez qui est là pour m’accueillir ? Ce cher Brice ! L’occasion pour nous de discuter et de refaire le monde juste avant de rejoindre Sanaa et son équipe à la médiathèque de la Courneuve. Comme je m’y attendais, Brice est aussi formidable en ligne qu’en conversation directe ! Nous rions aux éclats, nous nous racontons nos vies comme les amis de longue date que nous sommes sans réellement prendre la mesure de ce qui nous arrive. Car oui, après plus de 5 ans de longs échanges virtuels, nous nous voyions enfin ! Il est presque 12 heures lorsque nous nous décidons enfin à partir en direction de la médiathèque, où nous retrouvons la pétillante Sanaa, très bien entourée. Yasmine (alias Regina sur les réseaux), Seham ou encore Fatiha (dont je découvrirai plus tard que nous avons énormément de choses en commun) sont déjà sur place. >
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Nous rejoint ensuite mon cher ami Lyes, que beaucoup d’entre vous connaissent sous le pseudonyme de Seyl Maha. Comme l’an dernier, il dansera sur la scène de la médiathèque sur plusieurs mélodies indiennes. Une prestation qui semble s’imposer comme une tradition de la Bollywood Party, et ce pour mon plus grand bonheur.
JE TROUVE QUE ÇA FAIT CHAUD AU CŒUR. La seconde partie de l’après-midi doit démarrer. Il s’agit d’un « Just Dance » aux sonorités indiennes. Dans l’attente des réglages logistiques de Sanaa et son équipe, nous ne nous gênons pas pour nous échauffer sur nos mélodies préférées. Et si Lyes est bien plus à l’aise que moi dans l’exercice, cela ne m’empêche pas de prendre un plaisir monumental. Car l’atmosphère est bon enfant et profondément bienveillante.
L’ATMOSPHÈRE EST DÉTENDUE, NOUS RIONS ENSEMBLE SANS RÉELLEMENT VOIR LE TEMPS PASSER, PERSONNE N’EST VENU AVANT DE RÉALISER QUE… SE METTRE EN AVANT. IL CIEL, IL EST DÉJÀ 13H30 ! S’AGIT DE PARTAGE ET DE CAMARADERIE… Le moment pour nous de commencer les festivités. Car c’est effectivement à UN RÉGAL ! cette heure-ci que le grand blind test doit commencer ! Je retrouve Bunny (administrateur de la page Cine Sunlights France) mais aussi mes amis Sakina (BollyTeam), Amina (Bollywood Drama) et Deep… Il est l’heure pour moi de tout donner, je remets alors mon titre en jeu. Nous formons l’équipe rouge avec Bunny, Amina et Camellia. Arrivés en finale, nous nous inclinons face à l’équipe verte, composée de Fatiha, Yasmine, Jessye et Raj… Une belle victoire qui a été ponctuée par l’énergie débordante de tous les participants. Et surtout par l’arrivée de deux invités surprise, venus tout droit d’Alsace pour l’évènement. En effet, Haniss et sa magnifique épouse Ranya ont fait un long chemin pour assister à cette Bollywood Party. Et les petits cachottiers ne l’avaient dit à personne ! La joie et l’émotion sont palpables. Tout le monde se retrouve comme une grande famille…
C’EST BOULEVERSANT ET PERSONNELLEMENT,
D’autant qu’un autre invité de marque a fait le déplacement : Logan Boubady. Oui, le réalisateur de l’excellent court-métrage The Doomed Generations a profité de sa présence pour dévoiler des images de ses travaux, nous faisant languir d’impatience à la perspective de son prochain film, Sanjiv. J’ai hâte !
NOUS AVONS ENSUITE DROIT À UN PETIT BUFFET, L’OCCASION POUR NOUS TOUS DE NOUS PRÉSENTER ET D’ÉCHANGER SUR LES FILMS QUI NOUS ONT MARQUÉ AU CINÉMA INDIEN, TOUT CELA EN DÉGUSTANT UN DÉLICIEUX LASSI. C’est le moment que choisit Elodie pour venir me rejoindre… Ma journée est ainsi totalement réussie ! > 041
Tout comme l’an dernier, la journée se poursuit avec un karaoké, où nous donnons tous de la voix (certains avec plus de talent que d’autres…) sur les mélodies les plus populaires de la décennie à Bollywood. Il y a de la romance, de la danse et surtout une énergie positive clairement communicative. Je sens tout le monde très heureux d’être là. Je massacre allègrement « Pareshaan » de Ishaqzaade, « Aankh Marey » de Simmba ou encore « Patola » de Blackmail. Le reste du temps, je gesticule telle une enfant de 8 ans épileptique dès que j’entends une musique qui me parle (autant dire que je ne me suis pas beaucoup assise…).
CETTE BOLLYWOOD PARTY RICHE EN ÉMOTIONS SE CLÔTURE SUR DEUX PRESTATIONS DANSÉES : CELLE, ATTENDUE, DE SEYL MAHA (OU MA BEAUTÉ, POUR LES INTIMES) ET CELLE, IMPROVISÉE MAIS NÉANMOINS EXCELLENTE, DE SAKINA, RAJ ET DEEP SUR UN BHANGRA ENDIABLÉ. Mais parlons d’abord de Lyes, qui n’a désormais plus rien à prouver quant à ses talents de danseur. On le sait prodigieux, ce n’est un secret pour personne. Mais saviezvous qu’il avait également une fibre comique absolument succulente ? Car Lyes a de la personnalité à revendre, et un peps qui ne manque jamais de me séduire ! Il suscite notre hilarité pour ensuite mieux nous éblouir une fois que la bande-son se déclenche…
UN ARTISTE À TOUS LES NIVEAUX ! 042
PUIS, LA PLACE EST FAITE À SAKINA, RAJ ET DEEP, QUI ONT DANSÉ UN BHANGRA. Sur le papier, on se dit que ça va être au mieux sympathique, vu qu’ils n’ont commencé à prendre des cours qu’il n’y a quelques mois…
ET BIEN, QUELLE AISANCE, QUEL DYNAMISME ! Évidemment, je mentirais si je disais que je n’ai pas vu que Sakina. Mon amie depuis 10 ans, dont je sais que cette prestation représente des années de travail sur elle. Elle qui n’aurait probablement jamais osé se mettre en lumière de la sorte à l’époque où nous nous sommes connues… Je suis heureuse, fière et émue de la voir déployer ses ailes et s’autoriser enfin à pratiquer le bonheur. Tout cela sur des titres punjabis entêtants ! Je valide.
QUITTER CETTE AMBIANCE CHALEUREUSE A ÉTÉ UN CRÈVE-CŒUR. Mais je ne saurais exprimer la profonde reconnaissance que j’éprouve pour Sanaa, qui a fait de cette journée un instant de belle sincérité, dépassant largement la question du cinéma indien. Une grande famille s’est formée grâce au groupe Facebook ‘Bollywood to the square of infinity’. Et elle s’est réunie en fanfare ce 22 juin 2019.
ALORS, BRAVO SANAA DE NOUS AVOIR OFFERT À TOUS CE MOMENT SUSPENDU DE BONHOMIE ET DE GÉNÉROSITÉ. ET À L’ANNÉE PROCHAINE !
ENTREVUE AVEC
SANAA BOUK,
FO N DAT R I C E D E L A B O L LY WO O D PA RT Y . CHÈRE SANAA, PEUX-TU NOUS EXPLIQUER COMMENT LA BOLLYWOOD PARTY A VU LE JOUR ? La Bollywood Party est née grâce à la page Facebook ‘Bollywood to the square of infinity’. C’est après avoir vu les liens qui se sont créés entre les membres et leur envie de se voir en vrai que l’idée m’est venue. Je travaille en médiathèque, et rassembler les gens autour d’une passion commune, c’est entre autres mon job ! Aussi, je suis une passionnée de films Bollywood et j’ai voulu l’exposer en public autour de diverses animations pour faire découvrir ce cinéma. Et pourquoi pas en initier certains au passage... QUEL EST LE CONTENU DE CETTE JOURNÉE AUTOUR DU THÈME DE BOLLYWOOD ? Cette journée célèbre la musique de films Bollywood, car j’ai choisi de la lier à la fête de la musique qui se déroule le 21 juin. J’ai donc construit des activités telles que le blind-test, le karaoké, le Just Dance avec des chorégraphies spéciales de Bollywood et bien sûr, que serait la Bollywood Party sans notre danseur Lyes qui clôture en beauté notre belle journée ? Cette année, nous avons eu la belle surprise de voir 3 danseurs amateurs qui nous ont ébloui avec des chorégraphies punjabies dignes de professionnels ! QUEL EST L’OBJECTIF DE CETTE MANIFESTATION ?
Nous sommes une génération hyper connectée et on oublie que le face-à-face peut être tellement plus agréable que des échanges d’emojis. Je voulais donc nous sortir de nos écrans et partager notre passion en dehors des réseaux sociaux. Ensuite, je voulais briser les clichés que l’on peut avoir au sujet des films de Bollywood en présentant chaque année une sélection de livres et de DVD que nous avons en médiathèque sur ce thème. L’occasion de mettre aussi la littérature indienne à l’honneur ! APRÈS DEUX ÉDITIONS AYANT RENCONTRÉ UN FRANC SUCCÈS, QUELLES SONT TES AMBITIONS POUR LES PROCHAINES BOLLYWOOD PARTY ? Un tel succès n’était pas attendu, je suis fière et heureuse que mon équipe et le public présent me fassent confiance. Sans eux, le projet n’aurait jamais vu le jour. Pour les prochaines rencontres, je rêve d’organiser un flash mob dans toute la médiathèque et de voir le monde danser sur les belles musiques qui rythment notre quotidien. Mon souhait est aussi d’exposer les magnifiques portraits de femmes de l’exposition « Desi Girl », peints par la talentueuse Elodie Mondelice. Aussi, je voudrais organiser des défilés de différentes tenues indiennes qui représenteraient chaque région. Que de projets et d’idées qui fusent et attendent qu’on leur donne vie. Avec mon équipe, nous feront de notre mieux pour que chaque édition soit spéciale. 043
E N A C T I O N B O L LY W O O D P A R T Y
Ce qu’ils en ont pensé… Re gi na
Jessye
Cette année, la Bollywood Party a été riche en émotions. Nous étions déjà un petit groupe à Paris, formé depuis l’édition 2018. Mais cette année, nous avons également pu rencontrer des personnes d’autres régions qui nous ont rejointes pour l’occasion. L’organisation de cet évènement a donc permis à des provinciaux qui vivent dans des villes différentes de se réunir autour d’une même passion, de chanter, danser, rire et manger ensemble comme s’ils se connaissaient depuis toujours. En tant qu’administratrice d’un groupe Facebook qui réunit la plupart des personnes présentes, cela m’a réellement fait chaud au cœur de voir qu’au-delà du lien virtuel, un véritable lien s’était créé entre nous. Des souvenirs palpables, des traces de cette rencontre résonneront pour toujours dans nos cœurs.
Je suis inscrite sur le groupe BTTSOI depuis février 2018… À l’époque, je vivais encore dans les Caraïbes. Mais ma passion pour l’Inde et son cinéma m’avait déjà fait traverser l’océan Atlantique plus d’une fois. Or, l’annonce de la Bollywood Party par notre chère Sanaa en avril 2018 m’avait carrément donné envie de déménager ! J’avais déjà connu des moments de rassemblement de ce type et je savais à quel point on en ressortait grandi et enrichi d’amitié et de folie. Ne pouvant me déplacer à cette période-là, je m’étais promise d’assister à la seconde édition.
Cela n’aurait pas été possible sans le travail acharné et l’organisation parfaite de Sanaa Bouk, qui officie à la médiathèque de la Courneuve et qui a été porteuse de ce projet. J’espère que d’autres éditions suivront et que d’autres médiathèques de France proposeront ce genre d’événements pour le plus grand plaisir des Bolly Addicts. 044
Et donc, j’ai déménagé ! Il ne faut jamais douter de la puissance de l’amitié et de la passion… Oui, j’ai déménagé, et oui, la date de la Bollywood Party 2019 était inscrite en rouge dans mon agenda ! J’ai loupé un mariage dans ma famille, c’est vous dire ! Oui, j’ai le sens des priorités ! Avec un peu de retard et gênée par une migraine furieuse, j’arrive doucement à La Courneuve et tombe sur cette magnifique médiathèque Aimé Césaire. Les festivités ayant déjà commencé, je me suis donc empressée de saluer ma famille bolly.
Et me voilà enrôlée dans un blind test musical à la sauce bolly : cris, excitation, « buzzeurs » multicolores et challenge étaient au rendez-vous ! À croire que l’enjeu était un voyage à Mumbai et un dîner en tête-à-tête avec Karan Johar ! Non, mais je ne doute pas une seconde que si ça avait été ça, les participants auraient eu la même implication. Blague à part, c’était génial ! Quel grand moment de démonstration de nos connaissances. Sachez que j’écris en rigolant présentement. Je me vois me souvenir de l’acteur qui chante dans le clip, Raj qui se souvient des paroles, Fatiha du titre de la chanson et Yasmine du titre du film… Moi je dis : c’est normal qu’on ait gagné ! Notre chère Sanaa avait dévoilé les magnifiques sacs prévus en cadeau et j’avais fait une croix dessus sachant mon talent peu développé pour ce type de jeux ! Mais grâce à mes 3 acolytes, j’ai mon magnifique sac BTTSOI ! Merci à eux ! Je pense que je vais résumer le reste de cet après-midi car sinon, je vais écrire un roman ! Je vais commencer par dire merci à Sanaa pour son dévouement, son amour et son amitié qu’elle a su partager avec nous sur son lieu de travail, en menant à bien cette célébration. L’organisation était nickel ! On a été reçus chaleureusement par les autres membres de la médiathèque, un grand merci à eux. Merci à tous les participants venus de France et de Navarre pour le déplacement et pour leur généreuse participation. Quel plaisir de rencontrer de nouveaux visages à chaque rassemblement ! Des prestations tordantes lors du karaoké aux danses envoutantes de Lyes, des reproductions chorégraphiques des clips à l’unisson aux rires, sourires et partages sur la toile comme dans la salle, le contrat et l’objectif de Sanaa étaient remplis : RASSEMBLER DES PERSONNES QUI S’AIMENT À TRAVERS UNE PASSION !
Merci encore à Sanaa d’avoir apporté une réalité à ces échanges 2.0. Et surtout d’avoir créé cet événement qui est pour moi un symbole du groupe BTTSOI. Vivement la prochaine !
Bri ce « Merci d’avoir fait le déplacement de si loin. » Cette phrase qui semble bien anodine, m’envahit encore. Venant des lèvres de Lyes, propos qui n’ont fait qu’accroître mon bonheur d’avoir fait le trajet de ma campagne marseillaise plutôt tranquille, jusqu’à l’effervescence d’un Paris qui ne dort jamais. Une première pour moi qui n’avait alors vu la capitale qu’en photos, et alors que chaque coin de rue m’a semblé comme l’héritage d’une histoire prenante. Aussi ravi que j’étais de voir tous ces monuments célèbres, je ne me rendais pas en son sein pour faire du tourisme. C’est devant le plus beau sourire de la capitale, celui de Sanaa, que mes valises se sont posées, un jour plus tôt, afin de concrétiser une relation qui n’avait que le mot « virtuel » comme support. Mais dont les sentiments étaient quant à eux bien réels. Je n’ai pu fermer l’œil de la nuit tant l’excitation de me retrouver au cœur de la Bollywood Party m’a alors englouti... Le Jour-J était enfin là. Et alors qu’une annonce dans ce RER de banlieue m’annonçait que mon arrêt ne serait pas desservi, croyez-le ou pas, la panique ne m’avait alors nullement gagné. En effet, car je venais de recevoir un message d’Asmae, me demandant de bien vouloir venir la chercher à la Gare du Nord… Un ravissement pour moi, qui allait enfin connaitre l’inspiration que je suivais depuis plus de 10 ans, l’amie avec laquelle je discutais depuis plus de 5 ans, et la sœur sur laquelle je pouvais compter depuis plus de 3 ans... > 045
Un bonheur auquel je n’ai eu une fois de plus qu’un sourire niais comme réponse. C’est alors que nous nous sommes rendus, après quelques emplettes de films bien nuls (parce qu’il faut le dire, que nous avons fait de meilleurs choix concernant nos DVD par le passé) et une collation, à la médiathèque Aimé Césaire de La Courneuve, pour prendre enfin part à ce qui allait être l’une des plus belles expériences de ma vie. Arrivés à bon port, nous avons eu le sourire chaleureux de Sanaa en guise de bienvenue, nous qui nous sommes rendus sur place une heure avant de lancement de l’événement pour aider au possible notre maîtresse des lieux. Dans l’amphithéâtre nous avons retrouvé Fatiha, Seham (pour laquelle j’ai eu un immense coup de cœur affectif) ainsi que sa jeune sœur, mais également Yasmine, Raj et Karthyk, histoire de nous mettre en jambes sur des chorégraphies énergiques en attendant le lancement des festivités. Nous avons fait un quizz musical par équipe, et si j’en parle avec de jolis mots et des souvenirs mémorables, sachez chère Delphine (si vous vous retrouvez face à cet humble écrit) que je n’oublie pas l’injustice dont mon équipe bleue (Lyes et Seham, vous le confirmerez) a fait les frais... #JeRigoleDelph #QuoiQue... Je voulais aussi remercier Haniss et Ranya de nous avoir fait croire jusqu’au bout qu’ils ne pourraient pas se joindre à nous… Yasmine, Sanaa et moi-même avions alors senti l’embrouille à des kilomètres, avant de finir en premier dans vos bras, afin de vous serrer bien fort et de vous accueillir comme il se doit. J’ai pu faire des rencontres fortes, avec des personnes au cœur d’or (Fatima, Saba, Deep le deuxième, Karthyk), vu d’autres qui rythment mon quotidien banal en le transformant en une pluie torrentielle de bonheur chaque jour, et desquels je ne m’imaginerais plus me passer (Sakina, Asmae, Yasmine, Deep, Raj, Sanaa, Fatiha, Lyes, 046
Haniss et Ranya). Bonheur ultime que de mettre des visages et des voix sur des personnes que j’affectionnais tant de mon ordinateur, et que j’affectionne encore plus maintenant (Amina, Linda, Jessye qui est excellente…). De surprises en surprises, de chorégraphies de groupe ridicules, de karaokés en karaokés durant lesquels nous avons quelque peu fait de l’ombre à des grands noms de la musique, en moments de repas succulents dont seul Raj a les secrets, de spectacles exquis comme celui de Lyes, en étonnement face à la maîtrise du bhangra de Raj, Sakina et Deep… Bref, jamais une journée ne m’est parue aussi courte. J’ai passé en votre compagnie ce que j’appellerais avec la plus grande des justesses le « meilleur partage de ma vie ». Vous savez à quel point je vous aime tous d’un amour profond et véritable. Vous m’avez permis de prendre conscience du fait que la vie est belle, et qu’il faut savoir s’entourer des meilleures personnes pour profiter des meilleurs moments. Le paragraphe suivant s’adressera à notre Sanaa qui, par sa bienveillance, son sourire si chaleureux, son optimisme, son amour sans égal, son mental d’acier et son enthousiasme, nous a permis de passer un moment absolument hors du commun. Bénie soistu ma sœur, pour les quelques millions de sourires que toi seule a permis de voir naître sur nos visages, et qui ne nous ont pas quitté pendant les semaines qui ont suivi. Je suis béni de vous avoir tous eu pour moi durant ne serait-ce que quelques heures, quelques minutes. Et je vous annonce que je compte bien célébrer chaque fête de la musique à vos côtés, et ce jusqu’à ce que mort s’en suivre. Merci pour tout. JE VOUS AIME, LA FAMILLE !
Se ha m
Hani ss
C’était un moment magique, émotionnellement fort.
Alors très sincèrement, ce qui m’a le plus marqué, c’est notre arrivée mémorable avec ma femme Ranya.
Le fait de s’être rencontrés par le biais d’une passion commune et de réunir des personnes de différentes villes, cultures et religions, ça reste unique.
Lye s J’ai passé une journée de Bollywood Party des plus mémorables grâce à de nouvelles rencontres inattendues, des rencontres que j’attendais depuis longtemps, et des retrouvailles fortes en émotions… C’est une journée où on découvre et remarque la capacité des connaissances de culture générale bollywoodienne de chacun (grâce aux multiples activités proposées) avec amusement, amour et passion. Cela nous permet également de partager nos favoris, nos opinions, nos best et nos flops. Surtout, nous avons dansé, chanté et beaucoup ri ! Je reviendrai l’année prochaine, c’est sûr ! Merci pour tout, Sanaa. Ces journées de partage et de retrouvailles sont très précieuses... Puisse-t-il y en avoir beaucoup d’autres !
Karthyk C’était le paradis de se rencontrer avec les amis bolly, un jeu d’enfant pour le blind test, une bonne énergie avec l’activité Just Dance en version Bollywood puis pour conclure que du fun avec le karaoké. Un vrai souvenir, de la fête à l’état pur. Un grand merci à ma Shraddou alias Sanaa pour cette célébration.
J’avais l’impression de connaitre tout le monde depuis des années alors qu’on venait d’arriver et qu’on se parlait alors uniquement virtuellement. C’est magique ! Des rencontres merveilleuses et des amitiés qui se sont construites… La preuve, on a de suite parlé de retrouvailles, c’est dire... Vraiment, tout le monde était au top, et tout le monde a joué le jeu, même lorsqu’on débattait vite fait sur nos goûts respectifs de films ou d’acteurs/actrices, c’était fait tellement chaleureusement... Mais vraiment sans surjouer ni abuser avec les adjectifs, on avait l’impression d’être une famille de cousins et cousines ! On ne remerciera jamais assez ce groupe, la médiathèque et bien évidemment notre Shraddou adorée Sanaa Bouk... Sans vous, on n’aurait peut-être pas eu l’occasion de profiter en chair et en os de ces moments... Les jeux semblaient courts et passaient tellement vite, et l’après-midi semblait aussi courte, vu comme on s’amusait… Les jeux, l’ambiance, Lyes et sa représentation, Logan et son clip… Tout était vraiment parfait, on avait tous envie que ça se prolonge sur la soirée et qu’on reste réunis. J’ai ressenti de vrais coups de cœur pour toutes et tous sans exception. On ne regrette absolument pas d’être venus de Strasbourg pour tous vous rencontrer ! Enfin, comment vous remercier d’avoir contribué à nouer de belles amitiés grâce à cet événement ? > 047
Fati ha Cette Bolly Party est la première à laquelle j’ai participé et elle reste un souvenir mémorable, sur lequel je reviens en écrivant ces quelques lignes. Nous avons eu le droit à un accueil chaleureux et rempli d’amitié. L’ambiance était familiale et totalement décontractée. On avait l’impression d’être à la maison, entourés d’une vieille bande de potes ! J’ai rencontré de très belles personnes toutes aussi passionnées que moi par le cinéma indien. C’était un réel plaisir de pouvoir échanger autour d’une passion commune aussi simplement et de tisser de belles amitiés ! Les animations préparées par Sanaa étaient juste excellentes. Le quizz était exceptionnel, des fous rires à profusion avec une véritable battle entre passionnés (d’ailleurs, vive les verts !). Le karaoké et l’animation de danse étaient de purs moments de bonheur et de divertissement. L’ambiance était juste exceptionnelle. Nous avons également eu le droit à une dégustation de délicieuses saveurs indiennes. La cerise sur le gâteau a été de voir de très belles prestations de danse en live par notre team PunjaDz (Deep, Raj et Sakina) et par notre Lyes national. Je clôturerai en remerciant Sanaa de nous avoir permis de vivre ce magnifique événement et pour tout l’investissement dont elle a fait preuve pour nous faire plaisir. Et merci aussi à tous ceux et celles qui ont fait de cette Bollywood Party une magnifique réunion de famille !
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INTERVIEW S I D S R I R A M
RENCONTRE AVEC
SID SRIRAM
MOTS PA R AS M A E B E NMA N SO UR
Nous sommes le 29 septembre 2019, au théâtre le République de Paris qui a vu défiler des humoristes très populaires comme Le Comte de Bouderbala ou Inès Reg. Mais ce soir, je ne suis pas venue pour ça. Car ce soir, se tient l’unique concert français d’un chanteur démentiel : Sid Sriram.
COMMENT VOUS DIRE QUE J’AI TANT RÊVÉ DE CE MOMENT ? Sid Sriram est indéniablement mon chanteur indien favori (bon ok, avec Mohit Chauhan). Le fait de le voir se produire sur scène était déjà un immense bonheur. Mais alors, quand nous avons eu le privilège de le rencontrer et de nous entretenir avec lui, j’étais surexcitée ! Il fallait tout de même que je contienne la groupie en moi pour tenter d’adopter une posture professionnelle. L’échange a été rapide mais riche en apprentissages.
JE TENAIS À EXPRIMER TOUTE MA GRATITUDE À L’ASSOCIATION TRIVENI, QUI NOUS A PERMIS DE VIVRE CE MOMENT COMPLÈTEMENT LUNAIRE ! ET UN GRAND MERCI À SID POUR SA DISPONIBILITÉ, SA GENTILLESSE ET BIEN SÛR SON IMMENSE TALENT !
PETITE PRÉCISION AVANT DE VOUS LANCER DANS LA LECTURE DE CETTE INTERVIEW... Je pense que pour les gens qui, comme moi, ne savaient pas ce qu’était la musique carnatique, une petite définition s’impose, et ce afin que notre échange avec le chanteur prenne tout son sens pour vous, chers lecteurs !
LA MUSIQUE CARNATIQUE EST LA MUSIQUE TRADITIONNELLE DE L’INDE DU SUD. Elle prend racine du solfège indien (le sargam) et constitue un exercice d’équilibriste impressionnant entre le raga (l’ensemble des notes) et le tala (le cycle rythmique). Le chanteur carnatique déploie ces notes sous une forme improvisée qui requiert une grande endurance vocale et une puissance dans le timbre tant il y effectue de périlleuses variations. C’est un exercice complexe et clairement représentatif de la richesse vocale d’un artiste.
INUTILE DONC DE PRÉCISER LE GÉNIE QUE TUTOIE SID SRIRAM EN S’Y FROTTANT AVEC UNE FACILITÉ PRESQUE INSOLENTE... > 049
BOLLY&CO : Bonsoir Sid, je vous remercie tout d’abord de nous accorder un peu de votre temps. Un grand bravo pour ce concert fantastique ! J’écoute d’ailleurs votre musique depuis très longtemps ! À vrai dire, depuis que j’ai entendu « Ennodu Nee Irundhaal » du film I. Mais concrètement, comment votre carrière musicale a-t-elle débuté ? SID SRIRAM : Avant de vous répondre, j’aimerais vous demander comment vous vous êtes retrouvée à écouter cette chanson ? B&C : Je suis une grande fan de cinéma indien depuis très longtemps.
Et quand j’ai entendu « Ennodu Nee Irundhaal » pour la première fois, je me suis mise à pleurer. C’est là que je me suis intéressée à vous. SS : Je suis honoré. C’est tellement cool ! Alors, pour répondre à votre question, mon parcours artistique a commencé quand j’avais 3 ans. Ma mère est une musicienne carnatique. D’ailleurs, je suis né à Chennai en 1990 mais nous avons déménagé aux États-Unis en 1991. Et en 1992, elle a ouvert une institution de musique carnatique en Californie. Du coup, la musique a toujours fait partie de ma vie. En particulier cette forme de musique classique.
SS : Formidable. B&C : Et comme beaucoup de fans de cinéma indien, j’ai beaucoup écouté les compositions de A.R. Rahman. 050
J’AI D’ABORD APPRIS D’ELLE, EN LA REGARDANT CHANTER QUAND J’AVAIS 3 ANS.
Et je suis tombé amoureux de cet art. Et à partir de là, j’étais lancé pour de bon. B&C : Vous avez été largement révélé au public indien grâce à vos collaborations avec le compositeur A.R. Rahman, notamment sur l’album du film Kadal, en 2013. Comment cette rencontre artistique s’est-elle faite ? SS : J’ai étudié à l’Université de Musique de Berklee, à Boston. Et je crois que j’étais en dernière année lorsque je lui ai tout simplement envoyé un mail ! B&C : Incroyable ! SS : Oui, et le pire, c’est qu’il y a répondu ! C’était en fin d’année 2010 et deux ans plus tard, j’enregistrais ma première chanson pour lui. Je vous avouerais que je n’ai jamais pensé qu’il me répondrait un jour. Je l’ai juste fait de façon impulsive. Et puis, il a répondu. Et la suite de l’histoire, vous la connaissez. B&C : Aujourd’hui, vous vous êtes produit sur la scène du Théâtre Le République de Paris à l’occasion d’un concert de musique carnatique exceptionnel. Comment ce projet a-t-il vu le jour ? SS : L’organisation de ce concert parisien revient à l’association Triveni, qui orchestre des concerts carnatiques depuis 25 ans, il me semble. Le percussionniste qui m’accompagne travaille avec cette association depuis très longtemps, et c’est ainsi que c’est arrivé. Mais effectivement, je me produis à l’occasion de concerts carnatiques depuis 2001, je crois. Depuis que j’ai 11 ans, en effet. Pour ensuite tendre au concert de ce soir, ça a été un long processus, c’est une forme musicale très complexe. J’avais donc besoin de prendre mon temps afin de la comprendre et de m’en imprégner. C’est d’ailleurs la première fois de ma vie que je viens en Europe ! Nous étions
à Zurich il y a deux jours, à Genève hier soir. Et pour cette première expérience, je suis très heureux d’avoir proposé un concert de musique carnatique car c’est selon moi une belle manière de me présenter aux gens, de leur faire découvrir ma voix et ma sensibilité artistique. B&C : Vous avez également sorti un album en langue anglaise, intitulé Entropy. Quelle était votre volonté artistique lorsque vous avez développé cet opus ? SS : J’ai commencé à composer et à sortir mes propres créations musicales alors que j’étais encore à l’université. C’était sûrement en 2009, si je me souviens bien... D’ailleurs, j’avais envoyé certains de ces travaux à Monsieur Rahman dans mon fameux mail.
MAIS L’ALBUM QUE J’AI SORTI EN FÉVRIER DERNIER, JE L’AI CONSTRUIT DE A À Z. JE L’AI COMPOSÉ, JE L’AI PRODUIT, JE L’AI ARRANGÉ... C’est assez différent de mes expériences carnatiques tout comme c’est très éloigné de mes contributions au cinéma. Mais c’est un espace où j’ai pu utiliser les fondations carnatiques sur lesquelles mon identité musicale s’est construite. C’était une façon de les exprimer sous une forme plus moderne et accessible. J’ai grandi en écoutant du hip-hop, du jazz, du rock... Radiohead est probablement mon groupe préféré. J’ai grandi avec tous ces influences, qui sont venues forger ma perspective artistique. Et la musique carnatique, c’est mon cadre, c’est ma charpente sans laquelle toute mon identité musicale s’écroule. Et c’est avec tout ça que ce projet a pris forme. B&C : J’ai lu récemment que vous alliez composer la bande-originale d’un film pour > 051
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la première fois, en l’occurrence pour le métrage Vaanam Kottatum. SS : Oui, je suis en plein dedans. La tournée m’a servi de pause, j’avais besoin d’un peu de temps loin de Chennai parce que j’ai été très occupé dernièrement. Mais je suis au coeur de ce projet, en ce moment. C’est très amusant mais en même temps, c’est beaucoup de réflexion. J’y pense constamment !
JE N’AI JAMAIS COMPOSÉ POUR UN FILM AUPARAVANT, MAIS UNE FOIS QUE VOUS VOUS Y METTEZ, VOUS VOUS RENDEZ COMPTE À QUEL POINT C’EST SAISISSANT. Je souhaite vraiment amener un nouveau son, de nouvelles influences à la musique de films tamouls. Je pense que ma perspective est assez unique et d’ailleurs, le travail que je fais sur cette bande-son est d’une certaine façon l’extension de mon album solo Entropy. Mani Ratnam, qui est le producteur du film, a écouté cet album. C’est ainsi qu’il m’a démarché après avoir entendu mon travail. Il voulait donc quelque chose de singulier. C’est excitant pour moi. Assez fatigant aussi, mais c’est de la bonne fatigue ! B&C : Ce sera ma dernière question pour vous, Sid. Je vais honnête avec vous, chez Bolly&Co, nous sommes des fans absolues de votre musique. SS : C’est génial !
SS : Ô, merci beaucoup. B&C : Je voulais donc savoir une chose. Comment vous sélectionnez les chansons auxquelles vous participez ? SS : D’abord, un grand merci.
J’IMAGINE QUE J’AI TOUJOURS ESSAYÉ D’ÊTRE D’ABORD RÉCEPTIF À CE QU’UNE MUSIQUE ME FAISAIT RESSENTIR. Et à la manière dont je me sens en l’écoutant. Alors bien sûr, quand des légendes comme A.R. Rahman ou Ilaiyaraaja me démarchent, je ne cherche même pas à écouter leur chanson, je dis oui immédiatement ! Mais pour les autres, j’écoute le titre qu’ils me proposent et j’essaye de savoir si je m’y projette, si je sens une résonance entre cette mélodie et moi. Je veux surtout savoir si je suis en mesure de donner une part de moi dans cette chanson.
JE PENSE QUE LA RAISON POUR LAQUELLE CERTAINES CHANSONS AUXQUELLES J’AI PRIS PART ONT FONCTIONNÉ, C’EST PARCE QUE J’Y SUIS TRÈS IMPLIQUÉ ÉMOTIONNELLEMENT. Je souhaite vraiment amener mon identité, ma sensibilité pour insuffler tout cela dans ladite composition. Au fond, il faut juste que je suive mon intuition.
B&C : Que ce soit en tamoul, en télougou ou en malayalam, on a l’impression qu’aucune chanson à laquelle vous prenez part n’est moyenne ou décevante. 053
E N A C T I O N L ’ A V E N T U R E B O L LY & C O # 3
Notre première couverture MOTS PA R ELO DI E HAM IDOVIC
LE PREMIER NUMÉRO DE BOLLY&CO CONSTITUE AUSSI LA PREMIÈRE UNE QUI N’EST PAS UN PHOTOSHOOT DE MAGAZINE. Avant même de me poser la question de la légalité, des copyrights et des photographes qui risquaient de nous sauter à la gorge pour avoir utilisé leur travail, j’avais opté pour cette image d’une Rani Mukherjee plus souriante que jamais.
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Après Dil Bole Hadippa (qui a rejoint la liste des flops de sa filmographie), Rani fait une pause. En octobre 2010, quand notre première édition voit le jour, on ignore qu’elle va encore secouer le cinéma hindi avec No One Killed Jessica, rappelant ainsi que personne ne prendra sa place.
RANI EST INTEMPORELLE. J’écrivais à l’époque à quel point elle a un talent pur et indéniable, à quel point il est facile de pleurer et de rire face à elle. À l’écran, elle est unique, et puisqu’il fallait choisir une personnalité forte pour ce tout premier magazine français sur le cinéma indien, son nom est alors apparu comme une évidence.
JE ME SOUVIENS PARFAITEMENT DU SOIR OÙ JE SUIS TOMBÉE SUR CETTE PHOTO. D’avoir tapé sur Google Images « Rani Mukherjee Smile », parce que je voulais qu’elle illumine en première page. Je me souviens être tombée par hasard sur un forum qui avait posté des photographies en bonne qualité d’un événement auquel la belle avait été conviée, sans mention de la personne ayant pris les clichés. À l’époque, je considérais que toute photo disponible en ligne était libre de droit. Aujourd’hui, je sais bien que c’est faux !
Il faut faire attention à ces choses-là, mais serais-je aujourd’hui capable de retrouver la source de ce cliché ? Aucune idée.
JE VOULAIS QUE BOLLY&CO RESSEMBLE À VOGUE, VERVE OU ENCORE ELLE. Des magazines féminins modernes et élégants. Quand je regarde mon travail aujourd’hui, je peux vous dire que c’était bien naïf, tout ça ! J’étais vraiment dans la copie là où désormais, j’espère avoir trouvé un univers graphique original. J’ai créé cette couverture du magazine avant même d’en avoir le contenu. Maintenant que j’avais Rani, il ne manquait que les titres. Les couleurs, ce sont celles que j’aimais à l’époque. C’était pas forcément la tendance, mais c’était atypique ! Tout comme le format, hyper vertical. Et évidemment, j’avais ajouté un filtre sur la photographie. Quand on a Photoshop sous la main, ça devient une habitude. Aujourd’hui, je sais que j’aurais eu la main moins lourde à de multiples niveaux ! J’aurais dégagé le dégradé dans le titre, retiré le filtre, rétréci les textes... Bref, j’aurais un peu mieux respecté Rani et mis davantage en valeur à quel point elle est et restera toujours (dans nos cœurs) la reine de Bollywood.
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NOUVEL ESPOIR S O B H I TA D H U L I PA L A
NOUVEL ES P O I R
S O B H I TA D H U L I PA L A , la distinguée. MOTS PAR FATI MA ZAHRA EL AHM AR P HOTO G RAP HI E I N STAG RAM ( @ SOBHITAD)
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LES GENS QUI RÊVENT DE PERCER DANS LE CINÉMA INDIEN SONT NOMBREUX. Chaque année, un nombre inestimable de nouvelles têtes signe pour des rôles. Films, courts-métrages, séries télévisées ou même publicités pour de grandes marques... Ils cherchent seulement à commencer quelque part et à faire le premier pas pour lancer leur trajectoire de comédiens. Il y a également une autre porte d’entrée, réservée presque exclusivement aux femmes : les concours de beauté. Si Mister Inde n’a engendré que peu d’acteurs (le seul qui me vienne à l’esprit est Rajneesh Duggal, et nous le voyons à peine), les Miss Inde qui tentent de marquer leurs empreintes dans l’industrie sont nombreuses.
C’EST LÀ OÙ PRIYANKA CHOPRA, LARA DUTTA OU ENCORE AISHWARYA RAI ONT COMMENCÉ, PAR EXEMPLE.
Au ce nt re d e to u te l’at te nt i o n . . . L’une des plus récentes à s’ajouter à cette liste est Sobhita Dhulipala. Couronnée Miss Inde en 2013, elle se présente aujourd’hui comme une actrice passionnée par son métier. Et surtout comme une personne ordinaire. Si certaines se sentent valorisées par une titre de beauté, ce n’est pas vraiment le cas de la demoiselle. L’expérience a beaucoup plus détruit sa confiance en elle qu’autre chose. Un vécu qu’elle raconte dans l’une de ses interviews pour NDTV. « J’ai grandi à
Visakhapatnam. J’étais une geek et une solitaire. » Elle affirme n’avoir vu que 20 films dans sa vie (dont les huit Harry Potter) et avoir vécu dans sa bulle jusqu’à ses 16 ans.
À cet âge-là, elle est acceptée à l’université de Mumbai, où la jeune fille s’installe afin de poursuivre ses études. Sobhita décrit ses années à l’université comme brutales, car c’est durant cette période de sa vie qu’elle a commencé à chercher l’approbation des autres. Donner un sens à son existence à travers le regard de l’autre n’a pas été facile pour elle. « Une de mes amies
était stagiaire au sein des bureaux de Miss Inde, et m’a demandée d’y aller pour une audition. Je voulais prouver à tous mes amis que j’étais capable de le faire, je voulais au moins être acceptée pour la première phase de sélection du concours. » Objectif atteint, mais qui l’a poussée à continuer. « Je voulais aller encore plus
loin, parce que pour la première fois de toute mon existence, j’avais enfin l’attention des autres. » Pourtant, l’actrice ne garde pas un glorieux souvenir de cette aventure. Elle explique effectivement : «
Avant, je me trouvais très bizarre et pas franchement cool. Mais Miss Inde m’a fait plus de mal que de bien, pour la simple et bonne raison que ça m’a réduite à quelqu’un qui était là pour divertir, uniquement pour le plaisir des yeux. » Durant la même année, Sobhita a représenté l’Inde au concours Miss Terre aux Philippines, où elle a gagné les titres de Miss Beauty For A Cause, Miss Talent, Miss Beautiful Face et Miss Photogenic (Miss Beauté pour la bonne cause, Miss Talent, Miss Beau Visage, et Miss Photogénique, respectivement).
TOUTE CETTE ATTENTION A IMPACTÉ SUR QUI ELLE ÉTAIT. « Jamais je ne m’étais souciée de mon
apparence physique. Je pensais être correcte, voilà tout. Du coup, toute mon attention était dirigée vers mes études, > 059
vers le fait d’être cultivée. Ma personnalité était forgée par ce que je lisais, pas par ce que je portais. Durant Miss Inde, tout tournait autour du physique. C’est le genre de pensées que je jugeais, quand j’étais enfant. Tout d’un coup, je faisais la même chose que les autres, et je ne me sentais pas à l’aise vis-à-vis de moi-même. Je me sentais toute petite, j’avais l’impression qu’on se fichait de ce que la personne ressentait ou pensait. Ce qui vend, c’est la beauté et le sexe, deux choses que tu ne peux pas contrôler. Chacun est né d’une certaine manière. » Sobhita avait 19 ans, et comme
site The Hindu. En 2016, après avoir tenté sa chance dans le mannequinat, Sobhita décroche une offre de rêve : son premier film hindi, avec Anurag Kashyap pour la diriger.
que, peut-être, les garçons m’aimeraient comme ça. Cette recherche de validation extérieure est la raison pour laquelle j’ai décidé de faire partie de Miss Inde. »
« Quand j’ai commencé à travailler
plusieurs jeunes filles de cet âge-là, elle voulait se sentir désirée. « Je me disais
U n no u ve l ob j e c t i f po ur d o n n e r u n s e ns à s a v i e . . . AU FINAL, LES QUELQUES ANNÉES QUI ONT SUIVI L’AVENTURE MISS INDE ONT POUSSÉ SOBHITA DHULIPALA À SE POSER LES BONNES QUESTIONS. Durant ce qu’elle décrit comme une crise identitaire, elle a réalisé que son envie a toujours été d’être actrice. C’est sur le soutien de ses parents que l’actrice a pu compter pour avancer. « C’est important de savoir ce que l’on
veut, et de suivre son objectif avec passion. » Cette citation lui est attribuée par
Nivedita Ganguly, lors d’une interview pour le 060
DURANT LA MÊME ANNÉE, ELLE SIGNE UN CONTRAT DE TROIS FILMS AVEC LA MAISON DE PRODUCTION DU RÉALISATEUR. Quelques années après ses débuts, l’actrice revient sur ses motivations dans une interview publiée par Hindustan Times.
à Mumbai, j’étais intéressée par le cinéma indépendant, vu qu’il y existe de très bons films qui se focalisent sur d’excellentes histoires. Ensuite, j’ai décidé d’explorer davantage de formats. Aujourd’hui, du bon contenu est créé partout. Les histoires intéressantes me captivent, et c’est ce que je veux défendre. Sinon, autant travailler dans le secteur bancaire et gagner plus d’argent, » affirme l’ex-Miss Inde. Sa filmographie compte actuellement Raman Raghav 2.0 datant de 2016 (sorti en France sous le nom de The Mumbai Murders) avec Nawazuddin Siddiqui et Vicky Kaushal, Chef (dans lequel elle fait une apparition face à Saif Ali Khan) en 2017, Kaalakaandi (de nouveau avec Saif Ali Khan) sorti en 2018 et Goodachari, son premier film télougou face à Adivi Sesh.
LA JEUNE FEMME DÉGAGE UN CHARME INDÉNIABLE, MÊME DANS DES RÔLES PLUS EFFACÉS. ET ÇA VA BIENTÔT PRENDRE DE L’AMPLEUR...
MADE IN HEAVEN
Mad e I n He ave n , o u co m m e nt to u t a ba s cu l é . . . La série Made In Heaven (de la plateforme Amazon Prime Video) la propulse vers un nouvel horizon. Face à la journaliste d’India Today Suhani Singh, Sobhita revient sur son expérience. « J’ai passé une audition avec le reste
du casting. Un mois plus tard, on m’a contactée pour un test. C’est là que j’ai rencontré Zoya Akhtar et Nitya Mehra (deux des réalisatrices du projet, ndlr). » À ce stade, rien n’est encore certain.
Elles lui signifient qu’elles sont tout de même vivement intéressées par elle. Ce n’est qu’une semaine plus tard que l’actrice reçoit un appel téléphonique qui changera tout. «
C’était l’appel pour confirmer que j’avais obtenu le rôle, et j’étais très heureuse de pouvoir faire partie de cette équipe. » Ce qui semble avoir attiré l’ancienne reine de beauté vers ce projet, ce sont les histoires qui y sont défendues.
Tara, le personnage qu’elle interprète, se retrouve embarquée dans plusieurs récits différents. Avec son partenaire Karan (interprété par Arjun Mathur), ils se rendent compte qu’être organisateurs de mariage signifie souvent autre chose : devoir organiser les vies de leurs clients. > 061
LE SUCCÈS DE LA SÉRIE LUI PERMET DE REMPILER POUR UNE SECONDE SAISON, EN PLUS D’ATTIRER L’ATTENTION DES MÉDIAS SUR SA PRESTATION. Tara est un personnage compliqué, aux méthodes douteuses, mais avec une certaine sensibilité que l’actrice capture avec sagacité. « Elle est réelle. Les personnages, comme
les gens, n’ont pas besoin d’avoir raison. Ils ont juste besoin d’être compris et acceptés comme ils sont. Nous avons tous du gris en nous, de la nuance. La lumière et l’obscurité qui réside en nous dépend de l’état de sécurité dans lequel nous sommes, » dit-elle pour résumer son rôle.
Et p o u r l a su i te ? En plus de la deuxième saison de Made In Heaven, Sobhita Dhulipala fera partie de deux créations Netflix originales. En effet, elle rejoint le casting du Seigneur de Bombay pour sa seconde saison, en plus de Bard of Blood, production de Red Chillies Entertainment dans laquelle elle donne la réplique à Emraan Hashmi. Côté cinéma, l’actrice a complété le tournage de deux films : le métrage bilingue Moothoon, avec Nivin Pauly, ainsi que The Body, face à Rishi Kapoor. On la retrouvera également dans Kurup, œuvre en langue malayalam face à Dulquer Salmaan, ainsi que sous la direction d’Anurag Kashyap pour le film à sketches Ghost Stories. Et elle ne semble pas prête de s’arrêter en si bon chemin. L’ancienne mannequin a soif de bons projets et de belles histoires à raconter. Sa passion pour son métier est indubitable, et la liste de ses envies pour le futur inclue tous types de films ! De quoi espérer de grandes choses de la part de la jeune femme...
? LE SAVIEZ-VOUS ? Si elle a construit jusqu’ici la majorité de sa carrière à Bollywood, Sobhita Dhulipala est pourtant originaire d’Andhra Pradesh. Sa langue natale est donc le télougou ! Ce qui explique le fait que, lors du lancement de l’album de son film à Tollywood Goodachari, l’actrice ait pris le public de court en s’exprimant dans un télougou parfait !
NOUVEL ES P O I R
Mariages heureux ? MADE IN HEAVEN PREMIÈRE SAISON MOTS PA R ASMA E BEN M ANSOUR
C’EST LA PREMIÈRE FOIS QUE JE DOIS RÉDIGER LA CRITIQUE D’UNE SÉRIE. Alors autant le dire tout de suite : c’est un exercice laborieux ! Je sais effectivement formuler un avis sur un film dont je sais qu’il amènera une conclusion. Car oui, si je m’investis pour plus de deux heures de visionnage, j’ai en tête que ce que je vois amènera une chute. Le format de la série est plus difficile à juger, dans le sens où il a vocation à durer dans le temps. Il est aussi beaucoup plus périlleux puisqu’un bon concept de base peut finir par s’essouffler, avec la fameuse « saison de trop ».
J’ai d’ailleurs du mal à m’y impliquer en tant que spectatrice. Je vous explique : je déteste l’idée de suivre une série, de m’attacher à ses personnages et de vouloir suivre son histoire avec une passion non dissimulée... pour rien. Oui, comprenez mon effroi lorsque j’apprends que mon programme tant aimé est interrompu de façon totalement abrupte, faute d’audience ! J’ai eu le tour une fois avec Devious Maids. Je me suis investie, j’ai suivi les quatre saisons du show avec bonheur, pour finalement rester sur un cliffhanger auquel je n’aurais jamais de réponse. Depuis, je me suis jurée que c’était fini ! Que jamais plus que je ne regarderai de série en cours de production. >
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C’est ainsi que je me suis lancée dans le visionnage intensif de séries cultes qui sont allées à leur terme, de Friends à The Office, en passant par How I Met Your Mother. Mais j’en ai fait le serment : plus de série dont une seule saison ou deux ont été produites jusqu’ici... Jusqu’à Made In Heaven. Pourtant, je n’avais nullement l’intention de faire entorse à ma sacro-sainte règle avec ce programme.
À chaque épisode, nous les découvrons donc à travers les épousailles qu’ils doivent orchestrer, et ce alors qu’ils doivent composer avec leur vie personnelle des plus mouvementées...
J’AVAIS ENTENDU DU BIEN DU SHOW, SANS POUR AUTANT ÊTRE TENTÉE DE LE VISIONNER DANS L’IMMÉDIAT.
Composé notamment d’acteurs auxquels l’industrie cinématographique hindi n’a pas forcément fait la place qu’ils méritent, je pense ici particulièrement à Arjun Mathur, véritable révélation du programme. L’acteur incarne Karan avec une sincérité désarmante et domine le show à la fois par sa pugnacité et par sa fragilité. Face à lui, Sobhita Dhulipala est impériale en femme de tête qui souffre en silence, et ce après avoir livré des débuts prometteurs au cinéma dans Psycho Raman en 2016.
Et puis, il y a eu Elodie. Ah, la fameuse Elodie, si douce et adorable... Sauf quand il s’agit de vous susurrer à l’oreille le nom d’un film ou d’une série dont elle estime que vous avez le devoir de le regarder ! Là, la tendre Elodie devient la lourde Elodie, soufflant de façon incessante le nom dudit produit jusqu’à ce que mort s’en suive, opérant sur vous un efficace bourrage de crâne... Vous savez, comme ces enfants qui, sur la route des vacances, demandent toutes les 5 minutes : « On arrive quand ? »
IL FAUT DIRE QU’ELLE SAIT TRÈS BIEN QUE SON INSISTANCE AURA RAISON DE MA PATIENCE, DÉJÀ PAS TRÈS TENACE EN RÈGLE GÉNÉRALE... C’est ainsi que, allant totalement contre la promesse que je m’étais faite, je me suis lancée dans le visionnage de la première saison de Made In Heaven. Le pitch de base est assez simple : Tara (Sobhita Dhulipala) et Karan (Arjun Mathur) sont tous les deux à la tête d’une entreprise spécialisée dans l’organisation de mariages. 064
UNE CHOSE EST INDÉNIABLE : LE CASTING EST VRAIMENT IMPECCABLE !
Dans des rôles secondaires mais importants, l’insolent Jim Sarbh et la formidable Kalki Koechlin excellent comme à leur habitude, surtout le premier qui incarne ici le parfait salopard ! Et comment ne pas mentionner Shashank Arora et Shivani Raghuvanshi, qui déploient de nouveau leur tendre alchimie après leur première collaboration dans le film Titli ? Loin d’être en retrait, ces derniers insufflent beaucoup de douceur au ton très brut de Made In Heaven. Car au-delà d’illustrer la préparation de mariages de rêve, la série s’attache à dénoncer les failles de la société indienne. Dot, politique, caste, homosexualité... Le programme ose toucher à toutes ces thématiques en profondeur, pour finalement délivrer un message de tolérance qui fait du bien. Le discours est toujours nuancé, rappelant que le chemin vers le respect des libertés individuelles est encore long. Mais il demeure plein d’espoir.
PLUSIEURS COMÉDIENS APPARAISSENT LE TEMPS D’UN ÉPISODE DANS MADE IN HEAVEN, TOUS POUR Y AMENER ENCORE PLUS DE CARACTÈRE ET DE PERTINENCE. Si j’ai trouvé Amrita Puri très nuancée, Rasika Dugal bouleversante et Vikrant Massey irrésistible, la palme de la guest de haute volée revient à Shweta Tripathi tant l’actrice marque les esprits grâce à sa courte mais impactante contribution. La réalisation est menée par quatre metteurs en scène, dont trois femmes (ce qui se ressent clairement dans le ton du programme). Alankrita Srivastava, Prashant Nair, Zoya Akhtar et Nitya Mehra parviennent chacun à mener d’une main de maître les épisodes desquels ils sont à la tête pour servir la voie narrative de la série. Aucun épisode n’est en dessous des autres, il existe une qualité constante tout au long de la saison.
C’est pour l’heure la meilleure série indienne que j’ai eu l’occasion de voir, devant le non moins intéressant Breathe (avec R. Madhavan et Amit Sadh), le sympathique Bang Baaja Baaraat (avec Ali Fazal et Angira Dhar) et à des années lumière de productions de télévision classiques comme Iss Pyaar Ko Kya Naam Doon (avec Sanaya Irani et Barun Sobti) ou encore Saraswatichandra (avec Gautam Rode et Jennifer Winget). L’ère du streaming vient donc amener des créations originales de qualité, avec un contenu plus engagé qui vient littéralement casser le long règne des soap opera sans âme et à la fabrication bon marché.
MADE IN HEAVEN OSE. MADE IN HEAVEN CHOQUE. MADE IN HEAVEN NE NOUS ÉPARGNE RIEN. Et accessoirement, il peut déranger. Mais il ne perd jamais son humour, ni son optimisme. La barre est très haute pour la prochaine saison, que j’attends avec une impatience (et une frustration) trépignante. Merci Elodie ! 065
CINÉMA DU NORD AU SUD
CINÉMA DERRIÈRE LA CAMÉRA
Dans toutes les industries cinématographiques, ce sont les acteurs à l’affiche des productions qui obtiennent la plus grande part du gâteau. Leurs noms sont placardés partout, et ils ont droit aux chèques les mieux garnis. Pourtant, sans les personnes qui travaillent dans l’ombre, un film n’en serait pas un. Le septième art est une passion que nous partageons, nous spectateurs, avec les cinéastes. Pour faire un bon film, il faut bien plus que des acteurs : un réalisateur avec le bon œil, un scénariste imaginatif, un chef opérateur avec une touche artistique, et bien d’autres artisans indispensables… Avec « Derrière la caméra », découvrez un métier lié au cinéma (avec ce qui fait sa spécificité dans le sous-continent) à chaque nouvelle édition du magazine...
SILENCE… MOTEUR… ACTION !
LE COMPOSITEUR DE MUSIQUE DE FILM MOTS PAR ELO DI E HA MI DOV I C ET ASM AE BENM ANSOUR
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Un compositeur, c’est quoi ? Concrètement, c’est le créateur qui élabore des musiques originales. Les compositeurs sont des musiciens passionnés, des personnes capables d’instaurer un univers unique. À l’image d’un peintre avec sa toile blanche, le compositeur va partir de zéro pour créer une mélodie. Son champ d’action est donc très large : il peut composer pour des chanteurs populaires, pour la télévision, la publicité ou encore le cinéma. Il peut aussi composer pour luimême et interpréter ses propres créations. Selon les différents supports pour lesquels il travaille, le compositeur n’a pas les mêmes responsabilités.
ET LA MUSIQUE DANS LE CINÉMA, C’EST UNE HISTOIRE QUI DURE. À l’époque des films muets, la musique était la seule manière de donner un rythme aux images. Par la suite, les sons d’ambiance ont permis d’accentuer ou d’alerter le spectateur selon les besoins du réalisateur. Les comédies musicales se sont aussi largement développées au fil des années, créant ainsi des œuvres hybrides où la musique devient alors essentielle à la compréhension de l’histoire.
focaliser sur cette musique, mais plutôt de se laisser emporter par celle-ci.
La place des compositeurs de musique de film en Inde. En Inde, il est possible de retrouver le compositeur dans deux catégories différentes. D’une part, l’équipe qui se charge de la musique de fond du métrage et d’autre part, celle qui va se pencher sur les chansons qui vont ponctuer l’œuvre. Il se peut donc que la direction musicale d’un même film, porte en fait deux entités différentes. Par exemple, pour Andhadhun, si Amit Trivedi est le génie derrière les chansons, c’est Daniel B. George qui s’est chargé du reste. Malheureusement, la première équipe est souvent oubliée au profit de la seconde, à tel point qu’il est presque difficile de trouver les noms des compositeurs de background score ! En effet, ce sont les chansons qui sont retenues par le public et donc, forcément, leurs chanteurs. La popularité de ces tubes va ainsi mettre en avant leur(s) compositeur(s). La vente même de ces albums est suffisante pour empêcher un film de faire un bide !
FORCÉMENT, AU VU DE LA LA PLACE DU COMPOSITEUR RENTABILITÉ ET DU SUCCÈS EST DONC PRIMORDIALE DANS QUE PEUVENT AMENER LES LA RÉUSSITE D’UN FILM, QUEL CHANSONS, LE TRAVAIL SUR QUE SOIT SON GENRE. LA MUSIQUE DE FOND EST VITE OUBLIÉ... Un film d’horreur utilise la musique pour marquer son suspense, un drame pour arracher une larme au bon moment. Le but pour le spectateur n’est pas forcément de se
Pourtant, il existe bel et bien des récompenses pour les compositeurs de > 069
R.D. BURM AN AVEC LA C HANT EUSE ASHA BHOSLE, PHOTOGRAPHIE PUBLIÉE SUR FAC EBOOK.
musique de film. Que ce soit aux Filmfare Awards ou aux National Film Awards, un prix est décerné au directeur musical qui en a la charge. La plupart du temps, ce directeur musical est le compositeur. Il y a donc une reconnaissance pour ce travail, sauf qu’elle n’est pas mise en avant autant qu’elle le mériterait.
IL EST IMPOSSIBLE DE FAIRE UN RÉSUMÉ COURT ET EFFICACE DE L’ÉVOLUTION DE LA MUSIQUE À TRAVERS LE CINÉMA INDIEN, MAIS IL Y A 3 ÉLÉMENTS À BIEN SAISIR EN MATIÈRE DE DIRECTION MUSICALE. Par le passé, la musique de fond des films était classique et souvent répétitive. Il fallait utiliser tel instrument ou tel enchaînement pour communiquer telle émotion. Certaines exceptions sont à souligner, comme le film Sholay, par exemple. 070
Cela dit, R.D. Burman (qui est le directeur musical du film) est surtout crédité pour les hits du métrage que sont « Yeh Dosti » et « Mehbooba Mehbooba », et non pour sa musique de fond pourtant remarquable ! Il n’y avait pas de séparation officielle et il fallait comprendre qu’un directeur musical pouvait se charger lui-même du background score, ou faire appel à un compositeur qui s’en occuperait sous ses directives. Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, la musique de fond reprend des morceaux des chansons principales pour ponctuer certaines scènes. Ainsi, on pouvait entendre à répétition certains airs ! Pour Mohabbatein, les compositeurs Jatin et Lalit Pandit ont créé des thèmes récurrents à chaque personnage, dont le fameux violon qui accompagne constamment Shahrukh Khan !
AUSSI, L’INDE N’ÉCHAPPE PAS AUX POLÉMIQUES DE PLAGIAT, ET CE DEPUIS DES ANNÉES !
Un exemple qui m’a marquée (puisqu’il lie deux de mes films préférés) : c’est « Shikayatein » de l’album du film Lootera, composé par Amit Trivedi. On peut repérer un moment clairement similaire au thème principal du métrage américain Un Jour, composé par Rachel Portman.
DÉSORMAIS, TRÈS PEU DE DIRECTEURS MUSICAUX INDIENS SE CHARGENT DE TOUT. Ils élaborent l’album principal du film ou son « thème », dont certains éléments vont être utilisés en fond afin de créer une cohérence - c’est l’une des méthodes les plus utilisées, notamment pour les grosses productions. Deux raisons me viennent en tête pour expliquer une telle pratique. D’une part, les chansons font vendre donc il faut s’y investir davantage, quitte à payer moins pour la musique de fond. D’autre part, le travail pour créer le background score d’un film est titanesque et pour les divertissements du dimanche, pas besoin d’aller si loin !
ALORS QU’À L’ÉTRANGER, DES NOMS COMME HANS ZIMMER, ENNIO MORRICONE OU ENCORE HOWARD SHORE SONT RESPECTÉS ET RECONNUS DANS CE DOMAINE, EN INDE, ÇA RESTE ENCORE COMPLIQUÉ ! Surtout dans le nord du pays. Qui est capable de me donner le nom d’un compositeur ? Avouez qu’il n’y a qu’un seul nom qui vous vienne en tête. Encore une fois, il y a une différence avec le sud de l’Inde, qui possède une relation avec la musique beaucoup plus intime. Certains réalisateurs ont leur
compositeur fétiche, d’autres préfèrent que le musicien s’occupe à la fois des chansons et des musiques de fond pour assurer la cohérence de leur oeuvre.
UNE SENSIBILITÉ QUI SE RESSENT LORS DE CERTAINS VISIONNAGES DE FILMS MOINS TAPE-À-L’ŒIL. Il n’est donc pas impossible de trouver des albums de film complets, mêlant instrumentaux et chansons. C’est de plus en plus courant, même si cela reste minime face à la quantité de films produits dans le pays chaque année. Néanmoins, il faut noter qu’il existe bien un changement notable qui s’opère ces dernières années.
LÉGER CERTES, MAIS BIEN PRÉSENT. En 2018, Shantanu Moitra a écrit deux chansons sur les 5 du film October, mais il s’est également chargé de la musique de fond. Le thème principal du film (un morceau de piano) a cartonné, bien plus que les 5 chansons réunies ! À ce sujet, il explique à Scroll.in : « J’ai imaginé le film dans
ma tête après avoir écouté l’histoire de Shoojit Sircar (le réalisateur du film, ndlr). Nous ne voulions pas nous inspirer de références musicales, nous voulions établir un thème unique. » Un travail qui a permis de remettre en avant le travail de la musique de fond d’un film et sa pertinence dans la narration. En 2019, Shashwat Sachdev a remporté le National Award de la Meilleure Musique de fond pour le film Uri - The Surgical Strike. La popularité de son travail a même permis la sortie d’un album comprenant uniquement la musique de fond de l’oeuvre filmique ! > 071
3 compositeurs de musique de film incontournables.
1.
I L A I YA RAAJA, P HOTO G RAP HI E PA R CI N EM AEXPRESS.COM
Ilaiyara a j a : la l é ge nd e u l t i m e . Indubitablement l’un des compositeurs les plus brillants du sous continent qui y soit encore actif à ce jour, Ilaiyaraaja marque par la mélancolie prégnante de ses compositions.
CHAQUE MÉLODIE, CHAQUE NOTE TOUCHE EN PLEIN CŒUR, COMME S’IL AVAIT EN SA POSSESSION LA CLÉ POUR 072
OUVRIR LA PORTE DE NOTRE SYSTÈME INTERNE ! Ilaiyaraaja, c’est pas moins de 32 distinctions, dont 5 National Awards (3 pour la Meilleure Bande-Originale, 2 pour la Meilleure Musique de Fond). C’est aussi 5 South Filmfare Awards, dont un prix honorifique saluant son immense contribution à la musique de film. Bref, Ilaiyaraaja, c’est avant tout un monument du cinéma indien, qui est venu redéfinir la place de la musique dans la narration de films, à la manière de son homologue hindi R.D. Burman, par exemple.
2.
3.
A.R . Rahma n : le plus co n n u dans le mo n d e .
G op i S u nd ar : cel u i q u ’ i l fau t d éco u v ri r !
Effectivement, A.R. Rahman a été révélé sur la scène internationale grâce à son travail sur le film Slumdog Millionaire, qui lui vaudra deux Oscars.
Sans nul doute l’un des artistes à suivre au sein de la nouvelle scène musicale indienne, l’identité artistique de Gopi Sundar est marquée par la délicatesse de ses morceaux, à la fois bouleversants et très surannés. Il suffit d’écouter quelquesunes de ses chansons pour reconnaître son style inimitable.D’ailleurs, en plus d’être un compositeur talentueux, c’est un chanteur formidable ! C’est effectivement sa douce voix que l’on entend sur la ballade « Titli » du film Chennai Express.
Mais bien avant que les États-Unis ne reconnaissent son immense talent, A.R. Rahman est venu amener un vent de modernité sur la musique de film en Inde, avec des sonorités hybrides et atypiques.
SES COMPOSITIONS SONT RICHES, SOUVENT COMPLEXES, MAIS SURTOUT ENVOÛTANTES. A.R. Rahman, c’est un total de 135 trophées, dont 6 National Awards (dont un pour la Meilleure Musique de Fond) et 35 Filmfare Awards toutes régions confondues.
ET SI DEPUIS, LA PATTE RAHMAN A FAIT LE TOUR DU MONDE, SES MÉLODIES RESTENT PROFONDÉMENT INFLUENCÉES PAR L’INDE ET SON HISTOIRE. IL Y A DE LA RECHERCHE, DE L’AMBITION ET UNE PRÉCISION ALORS INÉDITE DANS SES CHANSONS.
MAIS GOPI SUNDAR, C’EST BIEN PLUS QUE ÇA. Aujourd’hui lauréat de 2 South Filmfare Awards et d’un National Award, il a apporté à la musique de film un sens profond et une raison d’être, bien au-delà des chartbusters de métrages hindi qui n’ont qu’une vocation promotionnelle. Chaque chanson a son importance, son intention et une cause fondamentale que Gopi Sundar affirme grâce à des instrumentations étoffées et des voix qu’il trie sur le volet.
SON TRAVAIL MARQUE PAR SA POÉSIE ET SA PERTINENCE, DE QUOI VOUS RASSURER SUR L’AVENIR (LOIN D’ÊTRE CONDAMNÉ) DE LA MUSIQUE FILMI ! 073
CINÉMA BILAN
KARAN JO H AR LE DÉ CLIN
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MOTS PAR ASMA E BENM ANSOUR
DEPUIS QUELQUES ANNÉES, JE PRENDS UN PLAISIR ASSEZ SADIQUE À TAPER SUR CES ACTEURS QUI, SELON MOI (ET UNIQUEMENT SELON MOI), N’ONT PAS LIVRÉ DE PRESTATIONS CONCLUANTES. Et oui, Tiger Shroff s’est révélé comme l’une des cibles privilégiées de mes invectives... Cependant, je me suis aperçue que c’était un peu facile. Ces acteurs, c’est leur métier et leur gagne-pain. Faut bien qu’ils mangent (ou qu’ils payent les factures de consommation de leur villa à Goa...) ! Mais dans les faits, il est difficile de leur en vouloir quand on sait à quel point il est difficile de signer un premier film à Bollywood, et encore plus d’exister au-delà de ce premier film (Sooraj Pancholi, Armaan Jain et autres Athiya Shetty, c’est vous que je regarde).
POUR CERTAINS, IL S’AGIT DE GARDER SA PLACE AU SOLEIL EN JOUANT DANS DES MÉTRAGES DONT ILS SAVENT QU’ILS FÉDÉRERONT. Tous les acteurs n’ont effectivement pas le même plan de carrière. Certains veulent se dépasser, être ambitieux et surprendre. Et d’autres veulent juste continuer à vivre de leur art en acceptant ce qui leur vient. Les acteurs fainéants qui font juste ce qu’il faut pour ne pas disparaître, ça existe ! Et au fond, pourquoi pas ? Ce n’est pas parce qu’on devient acteur qu’on doit nécessairement chercher à devenir le meilleur acteur de tous les temps, n’est-ce pas ? On peut aussi faire le choix de rester dans un registre bien précis, dans lequel on sait qu’on sera à la hauteur
des espérances. Parce qu’on a peur de décevoir, ou de tomber dans l’oubli... Le monde du cinéma est impitoyable, et même si j’évoque allègrement mon agacement contre ces comédiens paresseux qui nous servent toujours la même soupe, avec le recul, j’avoue que je les comprends.
POUR CE NUMÉRO, J’AI DONC DÉCIDÉ DE M’ATTAQUER À LA RACINE DU PROBLÈME. Le gourou de la daube cinématographique, qui nous a cela dit livré parmi les films les plus cultes du cinéma hindi... Je parle bien évidemment du Don Corleone de Bollywood, j’ai nommé Karan Johar. Parce qu’il est indéniablement l’un des responsables majeurs de la décrue de qualité à Bollywood, préférant investir son fric dans des noms de famille plutôt que dans de véritables potentiels... Puisqu’évidemment, Karan - pompe à fric, le retour - Johar adore l’argent. Et qu’un patronyme prestigieux sur une affiche de films, c’est vendeur.
KARAN EST POURTANT LA RAISON POUR LAQUELLE JE VOUS ÉCRIS AUJOURD’HUI (ET CE DEPUIS BIENTÔT 10 ANS). En effet, c’est avec son Kuch Kuch Hota Hai que je suis tombée amoureuse du cinéma indien (même si j’ai aujourd’hui un regard plus critique sur ce film, mais c’est un autre débat...). Je devrais donc lui être reconnaissante à jamais, bénissant sa descendance jusqu’à la dixième génération ! Je devrais, et je voudrais bien. D’autant que par la suite, KJo a fait un bien fou au cinéma hindi populaire. Du drame familial culte La Famille Indienne au brillantissime My Name Is Khan, je l’avais érigé au rang de génie. > 075
« Ô gloire à toi, empereur incontesté de la pépite bollywoodienne ! » Lorsqu’il reprend les rennes de la bannière de production (Dharma Productions) de son défunt père en 2004, Karan - je vais te faire pleurer ta race - Johar décide de lui donner une nouvelle identité. C’est ainsi qu’en parallèle de son travail de cinéaste, il finance des films comme Dostana, Wake Up Sid ou encore Agneepath. Que j’ai personnellement adoré... Il prouve ainsi qu’il a un regard sûr et distillé sur le cinéma, en investissant son temps et son argent dans des œuvres à la fois grand public et travaillées.
« Mais c’est qu’il sait y faire, le p’tit Karan ! Tant qu’il sera productif dans l’industrie, le cinéma hindi aura de beaux jours devant lui... »
J’AURAIS MIEUX FAIT DE LA BOUCLER. À mon avis, la débâcle a commencé en 2012 quand, deux ans après le bouleversant My Name Is Khan, Karan - j’aime l’argent Johar décide de diriger un film qui s’annonce brillant à tous les égards (ironie, bonjour !) : Student of the Year. Alors, au-delà de ressembler à une version ‘made in India’ de High School Musical, ce projet a pour véritable dessein de lancer trois nouvelles têtes sur le marché du film : Sidharth Malhotra (ancien mannequin), Varun Dhawan (fils du réalisateur David Dhawan) et Alia Bhatt (fille du cinéaste Mahesh Bhatt).
ET C’EST LÀ QUE L’ON PERD KARAN. L’appel du fric est trop fort, et le producteur comprend qu’il tient ici le meilleur moyen de générer du flouse de manière facile et efficace : le népotisme. Il en devient le portétendard, l’éminent défenseur. 076
Pire, il s’en amuse avec une arrogance non dissimulée. Oui, il aime l’argent, et alors ? Et oui, signer un gosse au patronyme reconnu mais sans aucune expérience, c’est de la publicité gratuite. Là où lancer un sombre inconnu (et ce bien qu’il soit le fils spirituel d’Anthony Hopkins), ça demande de la promotion, et donc des moyens à investir pour le mettre en lumière. Et comme Karan aime l’argent... CQFD.
MAIS LE PARTI PRIS DE KARAN - TOUCHE PAS À MON CHÉQUIER - JOHAR A DES CONSÉQUENCES BIEN PLUS QUESTIONNANTES. Voici quelques chiffres pour illustrer mon propos... Depuis la sortie de Student of the Year (en octobre 2012), seule UNE production de Karan Johar ne comptait aucun acteur à l’ascendance connue au sein de son casting. Ce film, c’est Gippi. Et si l’on omet cette heureuse (et hélas trop rare) exception, les 24 autres films financés ou dirigés par KJo depuis cette date s’appuient systématiquement sur des enfants de la balle, qu’ils soient en tête d’affiche ou dans des rôles secondaires. J’ai compté tous les acteurs ayant un parent artiste ou technicien du cinéma dans leur ascendance directe (père, mère, oncle, tante) et ceux ayant un frère ou une sœur qui a fait carrière au cinéma avant eux.
DU COUP, ET EN MOYENNE, CHAQUE PRODUCTION DE LA MAISON DHARMA COMPTE 2,5 ACTEURS À SA DISTRIBUTION DONT L’UN DES MEMBRES DE LA FAMILLE FAIT PARTIE DE L’INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE.
Autre exemple criant : depuis ses débuts en 2012, Alia Bhatt figure au générique de 11 productions de Karan Johar, dont 9 en tant que vedette. Là où des actrices à la popularité semblable comme Deepika Padukone et Anushka Sharma n’ont tourné pour lui qu’une seule fois (dans Yeh Jawaani Hai Deewani et Ae Dil Hai Mushkil, respectivement). Enfin, depuis 2012, Karan Johar a lancé les carrières de 9 comédiens débutants. 6 d’entre eux sont des enfants de stars.
ET LÀ, JE SAIS CE QUE VOUS ALLEZ ME DIRE...
« Mais enfin Asmae ! On s’en fiche du casting ! Ce qui compte, c’est que le film soit à la hauteur, non ? »
EN EFFET. VOUS AVEZ TOTALEMENT RAISON. TOUT CE QUI IMPORTE, C’EST LE FILM. C’est l’histoire qu’on nous raconte. Si l’acteur fait bien son travail, j’en oublie son nom de famille. Je ne vois que le personnage. Et c’est là que le bât blesse. En tout cas pour ce qui me concerne. Je le répète, cet écrit n’est que le reflet de ma sensibilité. > 077
Mais pour ma part, sur les 25 films auxquels il a contribué depuis la sortie de Student of the Year, il n’y en a que deux que je puisse vraiment qualifier d’excellents métrages : Yeh Jawaani Hai Deewani et Kapoor and Sons (j’exclue Dhadak qui est le remake très réussi d’un film original absolument magnifique).
POUR LE RESTE, C’EST SOIT SYMPATHIQUE MAIS OUBLIABLE, SOIT FRANCHEMENT DÉCEVANT. Le Karan Johar de Kal Ho Naa Ho et My Name Is Khan n’est plus. Il est mort, noyé sous une montagne de billets magenta à l’effigie de Gandhi.
S’IL EST PLUS PRODUCTIF QUE JAMAIS, LA QUALITÉ N’EST PLUS AU RENDEZ-VOUS. Du moins pas à la hauteur de ce qu’il a été en mesure de proposer par le passé. Karan Johar est devenu un homme d’affaire féroce. Il n’a produit que des métrages très attendus, avec des personnalités de calibre pour les servir. Rien que sur les 12 derniers mois, il a collaboré avec Ranveer Singh, Akshay Kumar et Madhuri Dixit... Preuve que son statut de mastodonte est incontestable à Bollywood.
DHARMA PRODUCTIONS EST DEVENU UNE ENTREPRISE. QUE DIS-JE ? 078
UN EMPIRE QUE KJO A POUR UNIQUE AMBITION DE FAIRE GRANDIR. Mais la cinéphile que je suis est désabusée. Oui, Karan est partout (animation de talk-show, juge de télé-crochet...). Il gagne un max de fric et franchement, c’est tant mieux pour lui. Mais quand on sait qu’il est la raison pour laquelle j’ai commencé à tant aimer le cinéma indien, je suis profondément désolée. Désolée de constater que celui qui a été l’artisan de mon coup de foudre pour cette industrie, aussi complexe que saisissante, s’est aujourd’hui totalement égaré dans sa course aux chèques bien gras.
JE NE SUIS PAS EN COLÈRE, NI AGACÉE. Je suis juste déçue de voir qu’un homme de son influence ait vendu son âme d’artiste aux diables de la facilité.
MAIS ENCORE ? Les prochaines productions de Karan Johar comptent plusieurs métrages très attendus, de Good Newwz (avec Kareena Kapoor Khan et Diljit Dosanjh) à Gunjan Saxena (avec Jahnvi Kapoor et Pankaj Tripathi), en passant par Brahmastra (avec Ranbir Kapoor et Alia Bhatt) et Sooryavanshi (avec Akshay Kumar et Katrina Kaif).
C I N É M A U N F I L M , U N V O YA G E À un moment ou un autre, nous avons tous besoin de nous évader de notre quotidien. Le cinéma nous offre un ticket de voyage vers un monde différent. À travers les films, le spectateur laisse place à son imagination et se retrouve transporté, ne serait-ce que pour quelques heures. Les films constituent un périple qui nous fait visiter le monde, sous tous ses angles. Beau et magique, si l’envie nous prend de rêvasser et d’avoir le sourire. Cruel et rigide, si nous voulons garder un pied ancré dans la réalité malgré tout. Peu importe notre besoin du moment, un film que nous regardons, c’est un voyage dans lequel nous acceptons d’embarquer.
L’ e s c a p a d e d e c e numéro de Bolly&Co se déroulera dans les rues de Delhi, en Inde. LA VILLE Delhi est une ville et un état de l’Inde, qui inclut sa capitale New-Delhi. Delhi, ce sont des monuments historiques, des temples, des marchés et une multitude d’attractions touristiques qui rendent ses décors et ses endroits idéaux pour y tourner des films. C’est la seconde plus grande ville du pays, après Mumbai, de par sa forte densité démographique. Son nom officiel est NCT, qui tient pour National Capital Territory of Delhi (territoire national capital de Delhi, en français). Ce qui donne à la ville un caractère spécifique avec son propre système judiciaire et sa propre administration. En effet, Delhi est gouverné à la fois par son propre gouvernement et par le gouvernement fédéral de l’Inde. 080
DELHI M OT S PAR FAT IM A ZAHRA EL AHM AR
DURANT SON HISTOIRE, C’EST UN TERRITOIRE QUI A TOUJOURS ÉTÉ HABITÉ ET INVESTI, AVEC DES TRACES DE CIVILISATION QUI REMONTENT À SIX SIÈCLES AVANT JÉSUS CHRIST. Son statut de capitale du pays n’est pas récent car selon les dires, Delhi a été la capitale de plusieurs dynasties, d’empires et de royaumes. Le Shâh Jahan, connu pour avoir initié le Taj Mahal à Agra, y a fondé Chandni Chowk, l’un des marchés les plus visités et les plus populaires du pays à ce jour. Delhi est également considéré comme étant le Indraprastha, ou la capitale légendaire des Pandavas dans la légende du Mahabharata. Selon ces récits, la région était constituée d’espaces verts et de forêts avant que tout ne soit brûlé pour bâtir la cité.
SUITE À L’INDÉPENDANCE DE L’INDE, LE TERRITOIRE DE L’UNION DE DELHI A ÉTÉ CRÉÉ EN 1956. En 1991, son nom change pour devenir le NCT évoqué plus haut. Cet acte constitutionnel a permis à la ville de Delhi d’avoir sa propre législation. Elle est aujourd’hui l’un des lieux les plus modernes de l’Inde et parmi les plus accessibles en matière de transports. Entre les musées, les temples et les anciens palais, c’est une région qui continue à séduire les touristes. Pour n’en citer que quelquesuns, nous pouvons y retrouver le Jama Masjid (plus grande mosquée de l’Inde), le Fort Rouge, la forteresse Purana Qila ou encore le temple du Lotus. Trois sites de la localité sont d’ailleurs classés au patrimoine mondial de l’UNESCO : le Qûtb Minâr, le tombeau d’Humâyun et la Porte de l’Inde.
Delhi dans le cœur de ces films… O ye Lu cky ! Lu cky O ye ! ( 2008) DE DIBAKAR BANERJEE Le lien de ce film avec la ville de Delhi est particulier. Le réalisateur y est effectivement né. Il y a même grandi. C’est sa vision de ces rues et de ces allées qui transperce dans son métrage. Si vous vous contentez de regarder Oye Lucky ! Lucky Oye ! de loin, vous vous direz que c’est une simple comédie. Dans le fond, c’est avant tout une histoire qui traite des problèmes de classe et de division sociale. Le métrage nous présente Lucky (interprété par Abhay Deol) comme un voleur de bas étage. Il rêve d’une vie meilleure et de pouvoir s’élever au-dessus de sa condition. Il représente les milliers de personnes qui ont le même espoir. La classe moyenne en Inde est pratiquement inexistante. Et s’ils sont nombreux à avoir un meilleur niveau de vie que celui de leurs parents, peu d’entre eux arrivent vraiment à percer. Certes, le film de Dibakar ne se déroule pas uniquement à Delhi, car les aventures du jeune Lucky le mènent à Mumbaï, Bangalore ou encore Chandigarh.
CEPENDANT, LE RÉALISATEUR A DÉCLARÉ QU’UNE GRANDE PARTIE DU TOURNAGE S’ÉTAIT DÉROULÉ DANS 75 ENDROITS DIFFÉRENTS, AU CŒUR ET AUTOUR DE LA VILLE DE DELHI. Le vrai challenge était de tourner une histoire supposée se dérouler en période hivernale... en plein été ! > 081
Del hi B e lly ( 2 0 1 1 ) DE ABHINAY DEO Je ne le savais pas avant d’avoir vu le film, mais le titre a un double sens. En effet, c’est l’expression familière pour parler de... diarrhée ! Surtout celle que les touristes étrangers doivent surmonter en mangeant de la nourriture indienne à Delhi. Bref, c’est la tourista... Je sais. Ce n’est ni classe, ni glamour. Deux choses que le métrage reflète bien.
ABHINAY DEO NOUS PRÉSENTE ICI UNE VERSION MOINS ÉLÉGANTE DE LA VILLE. 082
À travers des personnages qui se retrouvent embarqués dans des situations impossibles, les décors capturent également ce rythme accéléré. Les rues de Delhi se fondent parfaitement dans l’histoire. Avec ses embouteillages infinis, sa densité et ses espaces comprimés, la ville est un personnage à part entière, qui s’ajoute à un casting déjà intéressant. En tête d’affiche se trouve un trio atypique. En effet, Imran Khan, Kunaal Roy Kapur et Vir Das incarnent trois amis qui vivent en colocation dans la cité. Le tournage a commencé en août 2008, principalement dans des zones résidentielles. Pitam Pura et Kapas Hera sont celles qui ressortent le plus.
T itl i (2 01 4 ) DE KANU BEHL Faisant partie de la sélection « Un Certain Regard » du Festival de Cannes en 2014, Titli a captivé le monde.
SINCÈRE, ORIGINAL, DRAMATIQUE ET RÉALISTE. Non seulement le métrage a permis à de jeunes visages à se faire connaître (notamment Shashank Arora qui y tient le rôle titre), mais il a également été tourné sans script.
UN SCÉNARIO DE BASE A BIEN ÉTÉ ÉCRIT. CEPENDANT, LORSQUE LES ACTEURS ARRIVAIENT SUR PLACE, ILS IMPROVISAIENT UNE GRANDE PARTIE DE LEURS RÉPLIQUES. La majeure partie du tournage s’est déroulée dans une maison. Décorée pour renvoyer au caractère enclavé de l’endroit et ainsi refléter l’envie de Titli de quitter sa famille. Mis à part cela, c’est dans les rues de Delhi que tout se déroule.
LE RÉALISATEUR, KANU BEHL, A DIT QU’IL S’ÉTAIT INSPIRÉ DE SON VÉCU POUR ÉCRIRE SON HISTOIRE. Né à Patiala au Pendjab, il a ensuite déménagé quelques années plus tard à Delhi, où il a grandi. Il a également poursuivi ses études universitaires au Shaheed Sukhdev College of Business Studies de l’université de New Delhi.
« J’ai demandé à mon âme :
qu’est-ce que Delhi ? Elle a répondu : le monde est le corps, Delhi est sa vie. » Khushwant Singh.
ET VOUS, CHERS LECTEURS, QUELS SONT LES FILMS QUI REPRÉSENTENT LE MIEUX LA VILLE DE DELHI, SELON VOUS ?
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CINÉMA POURQUOI
HUME TUMSE PYAAR KITNA ET AUTRES CURIOSITÉS... MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR
POURQUOI ? MAIS QUOI DONC ? UNE QUESTION OUVERTE QUI VIENT SIGNIFIER MON INCOMPRÉHENSION DE SPECTATRICE.
Et puis ensuite, ont émergé des jeunes acteurs plein de promesses comme Ayushmann Khurrana, Sushant Singh Rajput ou encore Yami Gautam, qui ont tous fait leurs premières armes sur petit écran dans des séries à la qualité toute relative...
Ouverte à tous les films, à toutes les interrogations. Des questionnements qui peuvent aller dans le bon sens comme dans le mauvais. Pour cette nouvelle édition, j’ai décidé de repousser les limites du masochisme en vous parlant de Hume Tumse Pyaar Kitna... Et là, j’imagine que votre première réaction, c’est...
Du coup, je préfère m’y intéresser (même de façon lointaine) plutôt que d’adopter un regard dédaigneux sur cet univers auquel je ne connaîtrais rien si je n’étais pas guidée un minimum par la curiosité. Car oui, c’est injuste de juger une oeuvre (filmique, télévisuelle, littéraire...) de laquelle on ne sait rien. Je voulais construire mon avis en connaissance de cause, dans un souci de justesse (et de justice).
« De quoi ?! » Je m’explique : je suis avec une certaine attention certains acteurs indiens de télévision. Non pas que l’univers du soap opera mélodramatique me passionne, loin de là ! Mais il s’agit d’un vivier de potentiels qui demeure indéniable. Car la télévision hindi a notamment vu naître un phénomène comme Shahrukh Khan (à une époque où, certes, le contenu des programmes télévisés indiens était plus intelligible...). 084
TOUT CELA POUR DIRE QUE DES ACTEURS DE TÉLÉVISION QUI RÊVENT DE FAIRE CARRIÈRE AU CINÉMA, IL Y EN A. PLEIN... TROP. Pour eux, le petit écran est un tremplin qui les amènera plus facilement à signer le métrage qui les lancera dans le grand bain. >
IL FAUT DIRE QUE LES PARCOURS DES COMÉDIENS PRÉCITÉS FONT RÊVER... Il y a donc ceux qui exécutent cette transition avec brio. Et puis, il y a les autres. Ceux qui, par leurs choix artistiques hasardeux, donnent l’impression d’être prêts à jouer dans n’importe quelle daube pour exister au cinéma. Des acteurs de télévision appréciés qui finissent en eau de boudin dans un thriller pseudo-érotique à trois francs six sous, il y en a à la pelle ! Gurmeet Choudhary, Karan Wahi, Jay Bhanushali, Karan Kundra... Bref, pour les producteurs de ces métrages miteux, le petit écran est une mine d’or (et d’acteurs désespérés sans aucun orgueil...).
JE PENSAIS ALORS AVOIR TOUT VU.
Des métrages signés Vishesh Films que je ne recommanderais pas à mon pire ennemi à la filmographie 2.0 de la gentille (mais chosifiée) Sunny Leone, qu’on n’a clairement pas engagé pour ses talents d’interprète... Et puis, l’acteur télé Karanvir Bohra a dévoilé la bande-annonce de son film : Hume Tumse Pyaar Kitna. Et merde.
« C’est quoi, ce truc ? Qui a écrit ça ? Qui a produit ça ? Je répète : qui a de l’argent à perdre, histoire qu’il me fasse un virement au lieu de me pondre une abomination pareille ?! » Parce que Hume Tumse Pyaar Kitna ressemble au mockbuster de ce que fait habituellement la bannière Vishesh Films, dont les produits ne volent déjà pas bien haut...
« Un quoi ?! » > 085
Un mockbuster. C’est le terme employé pour évoquer une oeuvre reprenant largement la trame d’un blockbuster, mais avec des moyens plus modestes, voire ridicules... C’est un peu l’équivalent du téléfilm catastrophe du dimanche après-midi, celui aux effets spéciaux pourris et au casting d’acteurs presque connus (« Mais si, j’ai déjà vu sa tête quelque part ! ») qui avaient vraiment besoin de thunes pour refaire le parquet de leur salon. Illustration...
« Vous allez me faire croire que personne n’a vu le film Britannic ? Mais si, c’est Titanic, mais chez Leader Price ! #jesuisméchaaaante » Maintenant, vous voyez de quoi je parle ?! Et comme je suis d’un courage admirable, j’ai regardé Hume Tumse Pyaar Kitna. Avec une qualité pourrie et sans sous-titrage... Je pense qu’il est grand temps que j’aille consulter.
PAS BESOIN DE S’INFLIGER LE MÉTRAGE JUSQU’À SA CONCLUSION POUR SENTIR QUE HUME TUMSE PYAAR KITNA A ÉTÉ TOURNÉ SUR LE POUCE, SANS LE TEMPS (NI L’INTENTION, D’AILLEURS) DE LE DÉVELOPPER DE QUELQUE MANIÈRE QUE CE SOIT. En le voyant, j’ai le sentiment qu’il a presque été initié dans le but de perdre de l’argent tellement c’est mauvais !
« Le producteur a perdu un pari, ou quoi ?! » Ici, l’enjeu n’est pas du tout artistique. Tout est cheap, aussi bien sur le plan technique qu’artistique. Niché entre le Darr de Shahrukh Khan, le À la folie... Pas du tout d’Audrey 086
Tautou et (surtout !) le Dinosaur from the Deep de Norbert Moutier, Hume Tumse Pyaar Kitna ferait passer la saga Hate Story pour du cinéma d’auteur tant tout y est fait avec amateurisme ! Et non, cela n’en fait pas un affectueux nanar, dont on savoure les aspérités avec tendresse. Hume Tumse Pyaar Kitna est un film fondamentalement mauvais, pour lequel aucun effort n’a été fait pour le rendre un tout petit peu regardable.
ALORS POURQUOI KARANVIR BOHRA, ACTEUR PRINCIPAL DU FILM, LE PROMEUT-IL AVEC TANT DE FIERTÉ ? « Mais cousin, ton film est nul ! Insiste pas, t’es gênant, là... » En Inde, il faut avoir en tête que le passage de la télévision au cinéma est compliqué tant la frontière semble infranchissable. Candidat malheureux de la télé-réalité d’enfermement Bigg Boss, Karanvir tente de se renouveler, en demandant à Papa Mahendra (qui n’a absolument rien fait au cinéma depuis 1995) de produire son film...
« Qui a un sac à vomi ? »
Attention, je ne dis pas que la transition entre petit et grand écran est impossible, encore moins que les acteurs de télévision sont des comédiens de seconde zone. Uniquement sur l’année écoulée, Radhika Madan et Mrunal Thakur ont parfaitement réussi leur reconversion !
DE FAIT, UNE QUESTION ME TARAUDE... « Pourquoi (et par quelle intervention divine) un film comme Hume Tumse Pyaar Kitna a-t-il pu sortir au cinéma, là où des tas de métrages prometteurs n’ont finalement pas la chance d’être proposés en salles obscures ? » Et pour la première fois depuis que j’ai initié cet article, je n’avais aucune réponse à ma question. Aucune piste de réflexion. Rien qui puisse expliquer un tant soit peu l’existence d’une telle bouse ! J’ai donc décidé d’en parler, plus précisément avec un ami indien qui travaille dans le milieu du cinéma. Parce que j’avais besoin de comprendre et que de l’extérieur, la situation m’apparaissait tout bonnement incompréhensible. De son côté, il avait un pied dans la baraque, et probablement accès à une réalité qui m’échappait. Dès lors, un élément se dégage de nos échanges : les destins multiples d’un métrage. En effet, tous les films sortant en salles ne sont pas voués à la même finalité. Certains sortent dans le but de rester le plus longtemps possible à l’affiche et de générer du profit directement en salles obscures. D’autres veulent passer le comité de censure (et donc sortir en salles dans la foulée, car c’est la procédure) pour n’y rester que quelques jours et ensuite négocier un contrat intéressant avec une plateforme de streaming comme Netflix ou Amazon Prime Video.
Et puis, dans la dernière catégorie, il y a ces films qui n’existent que pour vendre leurs droits de diffusion aux chaînes de télévision locale. Et selon mon ami, Hume Tumse Pyaar Kitna appartient à cette catégorie.
CE QUI ME SEMBLE TOUT À FAIT COHÉRENT. C’est typiquement le genre de film qui passera pendant la nuit pour remplir une grille de programme à la manière d’une série Z en fin de soirée sur RTL9. D’autant qu’en Inde, la culture du téléfilm n’est pas développée au même degré que ce qu’on peut connaître en Occident. Hume Tumse Pyaar Kitna est l’exemple type du film d’exploitation, produit avec les fonds de tiroir d’une maison de production pour se faire un peu d’argent en en vendant les droits à la télévision. Ce qui tombe très bien puisque Karanvir est déjà une personnalité connue du petit écran !
« Comment ça, tout s’éclaire ? » Ainsi, je ne peux pas être en colère. Car contrairement aux films à gros budget qui se révèlent être d’énormes navets malgré les moyens investis, Hume Tumse Pyaar Kitna n’a aucune prétention. Par ailleurs, le cinéma bis dans lequel on pourrait potentiellement le catégoriser a produit des métrages modestes mais réussis (Tummbad en est l’exemple le plus récent). Mais pour un Tummbad, il y a sans nul doute 30 Hume Tumse Pyaar Kitna qui voient le jour. C’est pourquoi il est important que des films comme celuici continuent de se faire. Car parmi tous ces films nés de fonds de tiroir, il suffit d’un réalisateur avec une véritable vision, qui saura faire des merveilles avec pas grand chose, pour nous livrer une belle surprise cinématographique... Voire un chef-d’oeuvre en perspective. 087
C I N É M A V I N E E T H S R E E N I VA S A N
3 FILMS QUI DISENT TOUT DE... VINEETH SREENIVASAN MOTS PA R AS M A E B E NMA N SO UR
Le réalisateur, c’est le chef d’orchestre. Il est l’esprit qui dirige une oeuvre et assure la collaboration des différentes équipes. Il mène les techniciens et les artistes pour arriver à transmettre une vision concluante au travers de son film. Au cinéma indien, les réalisateurs se multiplient au fil des années. Leurs noms s’inscrivent dans les mémoires du public, selon la portée de leur message, leur style et le résultat commercial de leurs métrages.
ET SI NOUS NOUS FOCALISIONS DAVANTAGE SUR CES GÉNIES DU CINÉMA QUE NOUS AVONS TENDANCE À OUBLIER ? Le temps d’un article, découvrez Vineeth Sreenivasan, si vous ne le connaissez pas déjà... 088
Vineeth Sreenivasan, en bref. Difficile d’être succinct pour évoquer cet artiste aux multiples facettes. À la manière d’un Farhan Akhtar à Bollywood, Vineeth Sreenivasan est l’homme orchestre par excellence, mis au service du cinéma malayalam. À la fois cinéaste, producteur, scénariste, chanteur et comédien, il est partout.
ET TOUJOURS EN TUTOYANT L’EXCELLENCE ! Fils d’un autre artiste aux talents divers (Sreenivasan), Vineeth tient de son père son goût pour la précision et pour la polyvalence, entre musique, écriture et comédie. C’est en tant que chanteur qu’il se fait d’abord remarquer, posant son timbre délicat sur plusieurs bandes-originales de films de Mollywood. Il n’arrêtera d’ailleurs jamais de chanter, interprétant des titres superbes comme « Anuraagathil Velayil » de Thattatthin Marayathu, « Kaatu Mooliyo » de Ohm Shanthi Oshaana, « Aluva Puzha » de Premam ou encore « Kudukku » de Love Action Drama.
ET COMME SI ÇA NE SUFFISAIT PAS, IL LANCE SA CARRIÈRE D’ACTEUR EN 2008 AVEC CYCLE, POUR ENSUITE S’ILLUSTRER DANS DE NOMBREUX MÉTRAGES EN TANT QUE COMÉDIEN. Aussi bien dans la peau du héros qu’au service de rôles secondaires, Vineeth fait son nid petit à petit, s’imposant comme l’une des valeurs sûres du cinéma malayalam.
Mais aujourd’hui, il s’agira pour moi de vous présenter Vineeth Sreenivasan, le cinéaste. Celui à la vision singulière, nous racontant des histoires qui, sur le papier, n’ont rien de très novateur mais qui, par l’intention et la mise en scène marquées de leur maître d’oeuvre, font toute la différence !
Ces 3 fi l m s q u i d isent to u t d e l u i . . . Malarvaadi Arts Club
RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE SORTI EN 2010 Pour sa première expérience en tant que cinéaste, Vineeth peut compter sur le soutien de la star locale Dileep, qui produit le métrage. Et si Malarvaadi Arts Club n’est pas son oeuvre la plus impactante, elle a permis à l’artiste d’affirmer son style unique. Loin de vouloir s’appuyer sur des têtes d’affiche flamboyantes, le réalisateur a mené une chasse aux talents acharnée afin de sélectionner son casting, révélant au grand public celui qui deviendra un phénomène par la suite : Nivin Pauly. Ce dernier s’imposera par ailleurs comme l’un de ses collaborateurs de prédilection. Malarvaadi Arts Club entre dans le genre du film de potes, mais aussi dans celui du récit initiatique. Car le métrage suit une bande d’amis à la sortie de l’université, qui peinent à s’engager dans une vie d’adulte qui les dépassent. Si la pellicule n’est pas aussi fine que pour les propositions suivantes du cinéaste, Malarvaadi Arts Club vient confirmer la marque de fabrique de Vineeth Sreenivasan : une musique envoûtante, des personnages accessibles et authentiques ainsi que beaucoup d’émotion. > 089
Thattathin Marayathu
RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE SORTI EN 2012
SI VOUS LISEZ LE MAGAZINE DEPUIS UN CERTAIN TEMPS, VOUS SAVEZ QUE CE FILM EST LA RAISON POUR LAQUELLE UNE PLACE CONSIDÉRABLE A ÉTÉ FAITE AU CINÉMA MALAYALAM DANS NOS ÉCRITS. Et oui, il est d’un romantisme à couper le souffle... Pourtant, Vineeth ne réinvente pas grand chose sur le plan narratif avec ce projet. Au contraire, il reprend une recette vieille comme le monde, qui a longtemps fait ses preuves à Bollywood : l’histoire d’amour
LE RÉALISATEUR VINEETH SREENIVASAN ET L’ACTEUR NIVIN PAULY SUR LE TOURNAGE DU FILM THATTATHIN MARAYATHU. PH OTO G RAP HI ES DE N P THEW R I TER. CO M ET FI LMI BEAT 090
inter-communautaire. Un hindou qui s’éprend d’une musulmane... On connaît !
CELA DIT, CE QUI MARQUE DANS LA PROPOSITION DE VINEETH, C’EST SON IMMENSE POÉSIE. La photographie de Jomon T. John est à la fois très aérienne et profondément ancrée dans le réel. Pas de décors grandiloquents ni de pérégrinations dans les prés suisses, car le cinéaste a à cœur de nous raconter ce récit avec l’authenticité qui le caractérise. Il est ainsi impossible de ne pas croire en l’histoire qu’il nous raconte, tant c’est fait avec honnêteté. Pour ce métrage, il sollicite de nouveau Nivin Pauly et fait appel une seconde fois au compositeur Shaan Rahman, consolidant ainsi son équipe fétiche avec ce second projet qui contribue largement à sa popularité auprès du public keralais.
Jacobinte Swargarajyam
RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE SORTI EN 2016
APRÈS LE BUDDY FILM ET LA ROMANCE CONTRARIÉE, VINEETH SREENIVASAN SE LANCE DANS LE DRAME FAMILIAL... Alors non, point d’atmosphère théâtrale à la Kabhi Khushi Kabhie Gham ! Le ton du cinéaste est empli de nuances, de non-dits, de silences et d’aveux avortés qui viennent remuer la cellule familiale qu’il met ici en scène. Pour ce métrage (son quatrième en tant que réalisateur), il porte à l’écran l’histoire vraie de Gregory Jacob, son ami de longue date dont le père a été contraint de partir au Liberia pour sauver sa famille de la ruine après une arnaque financière. Si Nivin Pauly fait évidemment partie de la distribution, Vineeth ne cherche pas à l’ériger en héros. Car tous les membres de la famille tiennent une place essentielle dans la narration.
IL Y A TOUTEFOIS UNE CONSTANTE DANS LE TRAVAIL DE L’ARTISTE : L’AMBIANCE QU’IL Y INSTAURE. Dans l’esthétique, il y a quelque chose qui semble hors du temps, suspendu, sans pour autant relever de la chimère. Même pour le plus sombre Jacobinte Swargarajyam, il donne à son histoire des petits instants surannés, notamment avec la séquence musicale « Thiruvaavaniraavu », dont il doit la mélodie à son acolyte Shaan Rahman. Ce qui est sûr, c’est que le cinéaste parvient à varier les genres au travers de ses multiples expériences tout en y martelant son style unique.
Le mot de la fin. LE REGARD DE VINEETH EST SÛR, EMPREINT DE SENSIBILITÉ ET DE DOUCEUR. Il ne nous brusque pas et nous raconte ses histoires avec sincérité, mais surtout avec bienveillance. On sent qu’il aime tous ses personnages, qu’il les traite avec égard et respect. La vision de Vineeth n’est pas binaire, encore moins manichéenne. Elle est telle la vie : pleine de nuances et de surprises. En rédigeant cet écrit, j’étais ravie de mettre en avant un réalisateur originaire du sud de l’Inde. Mais la qualité de Vineeth Sreenivasan dépasse largement le fait qu’il viennent du Kerala. C’est un artiste complet, créatif et curieux qui risque probablement de nous émerveiller de nouveau dans les années à venir. En attendant, je vous invite à découvrir a minima les trois métrages précités pour prendre toute la mesure de son immense talent...
? LE SAVIEZ-VOUS ? Le cinéma est une affaire de famille, chez les Sreenivasan ! Car effectivement, le petit frère de Vineeth, Dhyan, est également actif dans l’industrie de Mollywood. Et s’il a fait ses débuts d’acteur sous la direction de son frère en 2013 avec le film Thira, Dhyan se lance à son tour dans la réalisation cette année en mettant en scène Love Action Drama, qui compte à sa distribution les stars Nivin Pauly et Nayanthara.
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CINÉMA LUMIÈRE SUR...
La musique indienne occupe une place primordiale dans le cinéma indien et constitue une composante essentielle du succès d’un film. Elle a évolué, au même titre que le cinéma lui-même, et incarne le syncrétisme culturel dû à la globalisation. Cependant, l’Inde reste l’un des rares pays à avoir su sauvegarder son folklore, phénomène notamment remarquable à travers la musique.
Par le biais de cette rubrique, vous découvrirez les grands artisans de la musique indienne d’hier et d’aujourd’hui. Chanteurs, paroliers et compositeurs, les classiques comme les jeunes révélations...
LUMIÈRE SUR... SID SRIRAM MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR PH OTO G RAP HI ES : P R I SES PAR @CHELZTAT E, PUBLIÉES SUR LE CO MP TE I N STAG RAM DE @ SIDSRIRAM
CELA FAISAIT PLUSIEURS MOIS QUE J’AVAIS LA VOLONTÉ ET LE PROFOND DÉSIR DE POSER DES MOTS SUR LA VOIX SI SINGULIÈRE DE SID SRIRAM. Lorsque je me suis enfin décidée à le faire pour ce numéro, j’ai appris quelques semaines plus tard qu’il allait se produire à Paris le 29 septembre 2019 à l’occasion d’un concert carnatique exceptionnel ! Il était donc impensable pour moi de ne pas assister à l’événement, alors je me suis empressée de réserver mon billet (et celui de ma fidèle acolyte Elodie) afin que nous ne manquions rien de ce concert unique. Mais j’ignorais même ce qu’était la musique carnatique... Alors, je vous l’explique pour éviter que vous soyez perdu à la lecture de cet article ! Il s’agit de la musique classique issue du sud de l’Inde, parallèlement à la musique hindoustanie qui est davantage inhérente au nord du pays (et très influencée par les sonorités persanes). Les origines de la musique carnatique (faites des bases solfégiques locales que sont les « sa re ga ma pa » que l’on entend souvent dans les films !) remontent à la religion, selon laquelle les dieux eux-mêmes la pratiquaient. La musique carnatique est un cri de l’âme, une déclaration d’amour sans mot aux divinités et, par extension, à la vie elle-même.
MAINTENANT QUE J’AI POSÉ LES BASES, IL EST TEMPS POUR MOI DE VOUS PRÉSENTER L’UN DES MEILLEURS CHANTEURS INDIENS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE : L’EXCELLENT SID SRIRAM.
Né à Chennai d’une mère chanteuse, Latha, il a un an lorsqu’il quitte l’Inde avec sa famille pour vivre aux États-Unis. Son premier essai sur une bande-son s’appelle « Adiye », pour le film Kadal. A.R. Rahman (qui compose le morceau ainsi que le reste de l’album) le prend sous son aile et lui offre son titre suivant, qui opère réellement comme un accélérateur de carrière. C’est effectivement avec la musique de I que Sid explose auprès du grand public. Sa prestation sur la complainte romantique « Ennodu Nee Irundhaal » fait l’unanimité et contribue largement à le propulser sur le devant de la scène musicale tamoule. Il est d’ailleurs récompensé aux South Filmfare Awards pour ce morceau, dans la catégorie du Meilleur Chanteur.
DEPUIS, LES NOMINATIONS S’ENCHAÎNENT POUR SID, QUE RIEN NE SEMBLE ARRÊTER. En effet, le cinéma télougou qui lui fait les yeux doux, pour ensuite le solliciter sur nombre de chansons romantiques sublimées par son timbre sensible. En 2017, il est pressenti pour le trophée du Meilleur Chanteur Tamoul aux South Filmfare Awards pour la chanson « Mei Nigara » du film 24, pour laquelle il collabore de nouveau avec son mentor A.R. Rahman. L’année suivante, il est nommé par deux fois aux South Filmfare Awards pour ses contributions aux morceaux « Maacho » de Mersal en tamoul et « Adiga Adiga » de Ninnu Kori en télougou. Pour compléter ses expériences au cinéma, Sid cherche aussi à développer sa fibre musicale profonde. Grandement inspiré par la musique carnatique que lui a enseigné sa mère, il déploie son macrocosme musical en sortant en février dernier Entropy, son premier album en langue anglaise et en partenariat avec la plateforme de streaming musical Saavn. > 093
(télougou, 2016), « Parayuvan » de Ishq IL FERA TRÈS 2019), « Thaarame Thaarame » PROCHAINEMENT SES DÉBUTS (malayalam, de Kadaram Kondan (tamoul, 2019), EN TANT QUE COMPOSITEUR « Vachindamma » de Geetha Govindam (télougou, 2018) et « Akale » de Manoharam AVEC LE FILM TAMOUL (malayalam, 2019). VAANAM KOTTATUM (POUR LEQUEL IL REMPLACE LE DIRECTEUR MUSICAL GOVIND CE QUI MARQUE ÉGALEMENT DANS LA DISCOGRAPHIE DE VASANTHA). SID, C’EST LA RICHESSE DES COMPOSITIONS AUXQUELLES Il déclare d’ailleurs à ce sujet : « Nous allons présenter des sonorités IL S’ASSOCIE.
totalement nouvelles. J’en suis aux étapes initiales de conception de la musique, actuellement. J’ai eu diverses conversations avec le réalisateur Dhana Sekaran afin de comprendre les différentes textures émotionnelles de son film. J’ai commencé à esquisser plusieurs espaces musicaux et sonores, que je veux voir ces chansons occuper. »
L’univers de Sid Sriram est profond et mélancolique. Son timbre se prête parfaitement à l’expression des émotions, qu’il s’agisse du sentiment amoureux naissant ou du coeur brisé. L’artiste chante avec son âme, et pour autant avec une maîtrise impressionnante de sa voix, avec laquelle il s’amuse clairement sur les multiples orchestrations auxquelles elle est associée.
IL MET SON GRAIN ÉRAILLÉ ET TRIPAL AU SERVICE DE CHANSONS DÉLICATES ET AÉRIENNES, PARFOIS SOMBRES ET MÉLANCOLIQUES, MAIS TOUJOURS EMPREINTES D’UNE DOUCEUR SURANNÉE. Il le prouve à plusieurs reprises avec les magnifiques « Adiga Adiga » de Ninnu Kori 094
Les instrumentations sont souvent riches et complexes, et pourraient écraser des voix moins marquées. Moins marquantes aussi. Et si l’exercice est non seulement un jeu d’enfant pour Sid, il est aussi devenu l’une des marques de fabrique du chanteur, tant son timbre se marie merveilleusement à des mélodies structurées, qui en deviennent de fait envoûtantes. Parmi les illustrations les plus frappantes de ces essais mués en réussites, il y a « Thalli Pogathey »de Achcham Yenbadhu Madamaiyada (tamoul, 2016), « High on Love » de Pyaar Prema Kaadhal (tamoul, 2016), « Emai Poyave » (télougou, 2018), « Maate Vinadhuga » de Taxiwaala (télougou, 2018), « Po Urave » de Kaatrin Mozhi (tamoul, 2018) et « Ninnu Chuse Anandamlo » de Gangleader (télougou, 2019). Sa voix gutturale sied aussi impeccablement à un style plus engageant, plus pugnace et même relativement revanchard. Parmi ces sons forts et motivants, on compte « Karigaa » de Airaa (tamoul, 2019), « Oonjala Oonjala » de Kanaa (tamoul, 2018) et plus récemment « Samajavaragamana » de Aala Vaikunthapurramuloo (télougou, 2019). Lorsqu’il est entre les mains de compositeurs dans lesquels il a une totale confiance, Sid prend des risques et s’essaye à des registres plus atypiques, plus enlevés avec des titres
plus joviaux. Les exemples les plus populaires de ses expérimentations sont « Mei Nigara » de 24 (tamoul, 2016), « Alladhe Siragiye » de Rum (tamoul, 2016) ou encore « Maacho » de Mersal (tamoul, 2017).
LA SENSIBILITÉ DU CHANTEUR POUR LA MUSIQUE CARNATIQUE N’EST PAS UN SECRET, TANT IL EN INONDE SES RÉSEAUX SOCIAUX DEPUIS PLUSIEURS MOIS. C’est d’ailleurs dans ce registre inédit pour nombre de ses fans que Sid s’illustre lors de ses trois concerts européens, notamment lors de sa représentation parisienne en septembre dernier, et à laquelle nous avons eu le privilège d’assister. Vous pouvez d’ailleurs retrouver notre interview exclusive de l’artiste dans les pages de ce numéro.
SUR SCÈNE, SID SRIRAM EST COMME HABITÉ, ET IMPRESSIONNE PAR LA POLYVALENCE DE SA VOIX, À LA FOIS MALLÉABLE À SOUHAIT ET PLEINE D’IDENTITÉ. Si le cinéma hindi semble ne jurer que par Arijit Singh, le sud est indéniablement en train de tomber sous le charme de Sid Sriram. Il était donc impossible pour nous de passer à côté du phénomène tant le chanteur a prouvé, en seulement 6 ans d’activité dans l’industrie cinématographique indienne, à quel point il était l’un des artistes les plus poignants du sous-continent.
? ET PUIS QUOI, ENCORE ? Comme si cela ne suffisait pas, on retrouve Sid sur l’album du rappeur Divine, qui pose son timbre unique sur le titre « Too Hype », morceau romantique aux sonorités R’N’B.
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C I N É M A L’A L B U M D U F I L M . . . Avant la sortie d’un film, c’est sa bande-son qui est disponible. Les chansons permettent de donner un aperçu du métrage, sans pour autant trop en dire. Retour sur ces albums que l’on savoure en boucle et qui nous plongent dans un univers bien particulier, avant même qu’on ait vu quoi que ce soit en dehors de quelques clips... M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C
LE PITCH DU FILM Une histoire d’amour voit le jour entre Yakub (Sharaf U Dheen), un policier en pleine enquête et Hashmi (Anu Sithara), dont l’énigmatique passé refait surface, au risque de troubler son avenir...
Neeyum Njanum Malayalam Sortie au cinéma le 18 janvier 2019 Musique composée par Vinu Thomas Paroles des chansons écrites par BK Harinarayanan et Salaudheen Kechery
L’AMBIANCE L’album de Neeyum Njanum est avant tout typique de la région, l’oeuvre qu’il sert étant plongée dans le Kerala et filmée en grande partie à Kozhikode. D’ailleurs, ses sonorités ne sont pas sans rappeler la communauté musulmane du coin, dont l’influence musicale est divine. Cette fois, pas de romance impossible entre deux êtres aux fois différentes (ce que j’imaginais au départ, avant d’avoir vu la bande-annonce), car d’autres détails vont mettre à l’épreuve l’histoire de nos héros. Mais quoi donc ?
LE RÉALISATEUR A. K. SAJAN EST EFFECTIVEMENT RÉPUTÉ POUR SES THRILLERS. Pourtant, cette fois, il s’essaie à ce qui semble être une romance classique, qui cache cela dit quelque chose d’unique. C’est d’ailleurs le personnage féminin qui détient les réponses. Quelque part, à travers la musique de Neeyum Njanum, on se rend compte que derrière cette atmosphère très doucereuse, l’improbable peut pointer le bout de son nez.
IL Y A DONC DU MYSTÈRE. LÉGER, CACHÉ ENTRE LES LIGNES DE CHAQUE COMPOSITION, QUI REND CETTE BANDE-SON D’AUTANT PLUS AGRÉABLE. Le travail de composition de Vinu Thomas est assez justement mené pour nous donner envie de découvrir le métrage.
CAR ON SE DOUTE QUE CHAQUE MÉLODIE TROUVERA SA PLACE DANS LA NARRATION.
1. Kunkumanira Sooryan SHREYA GHOSHAL
Avec une introduction aux airs mystérieux, la voix de Shreya Ghoshal vient insuffler un parfum de répit et de tranquillité. C’est aussi l’espoir en pleine tourmente, amenant ainsi à se questionner sur le protagoniste féminin de l’histoire, la douce Hashmi. Petit à petit, on se sent rassuré, compris, saisi par le rythme.
2. Ishq Kond NAJIM ARSHAD
C’EST LA CHANSON D’AMOUR DE NEEYUM NJANUM, AVEC LE TIMBRE ENVOÛTANT DE NAJIM ARSHAD. On se laisse ainsi cueillir par cette mélodie, sur laquelle on imagine aisément les deux amants se lancer des mots doux et des regards mielleux. Peut-être même que la chanson est trop courte, tant elle est agréable et lumineuse.
3. Aalam
MRIDHULA VARIER Il y a quelque chose de très nostalgique dans « Aalam », un parfum de féerie désuète. Mridhula Varier capture l’attente, le moment où le cœur se languit de l’autre. Une version masculine existe avec le chanteur Koottilai Abhirami Ajai, complétant parfaitement cette impression de distance entre deux êtres hélas éloignés l’un de l’autre. > 097
4. Thedunna Theeram Nee AMAL ANTONY
Les situations les plus délicates finissent toujours par s’améliorer, et c’est un peu ce que l’on ressent en écoutant « Thedunna Theeram Nee ». L’atmosphère est plus légère, offrant presque un sentiment d’accomplissement à mesure que la chanson se dévoile.
L’INSTRUMENTATION, PONCTUÉE PAR UNE FLÛTE À CERTAINS MOMENTS, EST TOUT BONNEMENT SUBLIME.
5. En Roohin AMAL ANTONY
Ce deuxième air avec Amal Antony est court, mais suffisamment travaillé pour apporter une première conclusion à l’album (et sans doute au film). Peut-être pour lâcher prise face à ce qui est inévitable dans la vie, accepter les choses telles qu’elles sont plutôt que d’essayer de les changer. Le piano et le violon en fond ajoutent une certaine mélancolie.
6. Koottilai ABHIRAMI AJAI
Aussi courte que la chanson précédente, « Koottilai » résonne comme une bataille, une complainte forte parfaitement tenue par Abhirami Ajai dont la voix se brise et monte en puissance. En opposition avec « En Roohin », ici l’idée est de ne pas abandonner, de ne pas se laisser faire face aux injustices et aux murs qui se dressent devant soi. 098
CINÉMA FILM VS LIVRE
The Zoya Factor vs The Zoya Factor MOTS PA R ELO DI E HAM IDOVIC
THE ZOYA FACTOR
THE ZOYA FACTOR
Réalisé par Abhishek Sharma (2019)
Écrit par Anuja Chauhan (2008)
Durant un petit-déjeuner avec l’équipe indienne de cricket, Zoya (Sonam Kapoor Ahuja) avoue qu’elle a toujours porté chance à son frère Zarovar (Sikander Kher) avant ses matchs de cricket. Le jour même, l’équipe gagne et souhaite sa présence à chacun des matchs suivants...
Zoya travaille pour une agence de publicité. Un jour, elle se retrouve à prendre le petit-déjeuner avec l’équipe indienne de cricket qui, après ça, gagne son premier match depuis des mois ! Depuis, les joueurs pensent que Zoya porte chance, ce qui ne plait pas à leur capitaine Nikhil Khoda...
ATTENTION ! CET ÉCRIT CONTIENT DES SPOILERS ! > 099
L’ hi s to i re C’est le premier livre d’Anuja qui est adapté sur grand écran, alors que cela fait des années que les droits de son autre roman Battle for Bittora ont été acquis par Rhea Kapoor, la sœur de Sonam. Il parait que l’équipe a mis presque 4 ans à écrire le script, enchaînant différentes versions. J’ai lu le livre assez rapidement, emportée par l’écriture légère et sans tabou de l’auteure. Elle y raconte l’histoire un peu barge de Zoya, une jeune femme agent de publicité embarquée par la croyance excessive de joueurs de cricket. Si l’histoire ne cherche pas à faire dans l’originalité, elle a su reprendre parfaitement les codes de la comédie romantique telle qu’on la connaît. J’étais à fond, accrochée aux mots de Zoya, curieuse à propos de son travail et des proportions monstrueuses de sa chance.
PAR CONSÉQUENT, J’ÉTAIS IMPATIENTE DE VOIR LE FILM MÊME SI, DÈS LA BANDEANNONCE, JE SAVAIS QU’IL MANQUERAIT CERTAINES CHOSES.
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il doit donc croire en lui-même pour y arriver. Mais il faut aussi accepter qu’il y ait une part d’imprévisible dans le jeu, qui peut absolument tout changer.
CE CONFLIT EST QUASIINVISIBLE DANS LE FILM. Malheureusement, la réalisation d’Abhishek Sharma prend une tournure assez différente sur plusieurs points. Dans le film, Zoya et Nikhil se mettent rapidement en couple et la question de la chance est vaguement présente sans jamais être approfondie. Certes, c’est la raison pour laquelle la relation entre les deux tourtereaux part en sucette. Mais c’est si léger que la dispute nous parait invraisemblable. Le métrage n’a pas de profondeur et ne cherche pas à en avoir. Ce qui est dommage, c’est que la Zoya du film se sait chanceuse et y croit fortement, alors que dans le livre, elle est dans le doute. La différence entre Zoya et Nikhil est donc d’autant plus forte à l’écran. Mais dès les premières minutes, on fait en sorte que Nikhil tombe sous le charme de la maladroite Zoya.
Le pitch du film suit forcément celui du livre : une fille assez simple devient la mascotte de l’équipe de cricket pendant la coupe du monde de 2011. À travers son livre, Anuja explore la façon dont son pays s’accroche à certaines superstitions. Surtout en matière de cricket, sport dont la popularité n’est plus à prouver dans le sous-continent.
JE SAIS QUE LE TRAVAIL D’ADAPTATION EST COMPLEXE, CAR UN LIVRE PERMET DE DONNER ÉNORMÉMENT D’INFORMATIONS LÀ OÙ UN FILM SE DOIT D’ÊTRE PLUS CONCIS.
Zoya, qui représente la chance, est confrontée à la vision plus logique de Nikhil. Durant toute l’histoire, les deux visions s’affrontent sans qu’aucune des deux parties ne finisse par avoir raison. Oui, un joueur possède les capacités de gagner un match,
Mais là, en l’occurrence, je trouve qu’il manquait trop d’éléments. Beaucoup de choses ont été effacées au profit de scènes nouvelles. L’auteure a semble-t-il participé à l’écriture du scénario pour essayer de dénaturer le moins possible son oeuvre...
Le roman étant écrit à partir de la perspective de Zoya, je trouve cela assez juste que le film donne davantage d’espace à certains personnages, comme celui de Nikhil. Toutes les nouveautés ne sont pas à ignorer et permettent une meilleure compréhension de l’agenda de certains personnages.
POURTANT, JE N’AVAIS PAS L’IMPRESSION D’ÊTRE DEVANT LE LIVRE QUE J’AVAIS LU QUELQUES SEMAINES PLUS TÔT. L’autre grosse différence avec l’oeuvre originale, ce sont les personnages.
Les pe r s o nn a g e s ZOYA SOLANKI Sur papier, Zoya est une force de la nature. Elle gère son travail et n’a pas peur de dire ce qu’elle pense ! En gros, c’est une femme indépendante mais qui n’a pas confiance en elle. Après tout, elle a quelques kilos en trop, des cheveux bouclés qui changent au gré des saisons, deux ex qui ont profité d’elle, une peau foncée qui la complexe, une petite taille...
UNE DESCRIPTION QUI NE RESSEMBLE PAS VRAIMENT À SONAM KAPOOR, N’EST-CE PAS ? Pourtant, je n’avais pas de mal à l’imaginer. Zoya n’est pas parfaite, elle peut même être agaçante, parfois. Sonam a pris 10 kilos pour le rôle afin d’avoir les bonnes joues du personnage.
ET SI PHYSIQUEMENT, LA TRANSFORMATION N’EST
PAS IMPRESSIONNANTE OU DÉRANGEANTE, C’EST SON CARACTÈRE QUI M’A FAIT GRINCER DES DENTS. Zoya est naze. Ni plus ni moins. Elle n’est pas douée dans son job, elle ne se respecte pas, elle pleure pour rien et donne toujours l’impression d’avoir fait une bêtise... Bref, le genre de nanas qu’on aimerait secouer tant elle nous parait sotte. Ce qui lui arrive, elle l’a cherché. Là où tout arrive par hasard (voire par fatalité) dans le livre.
QU’ELLE SOIT AMOUREUSE DÈS LE DÉBUT DE NIKHIL... POURQUOI PAS. MAIS SUR LA BASE DE QUOI ? > 101
Uniquement parce qu’il est beau ? C’est tout ? Dans le livre, Zoya n’a aucune idée de ce à quoi le garçon ressemble, car même si sa famille est fanatique de cricket, elle s’en fiche ! Elle connait son nom et point.
DE MÊME, ELLE IGNORE QU’ELLE PORTE CHANCE. Quand elle était jeune, elle se souvient avoir été forcée à se rendre à des matchs de son frère durant lesquels elle s’endormait face à l’ennui !
ET APRÈS AVOIR ÉTÉ LONGTEMPS CIRCONSPECTE FACE AU FAIT QU’ELLE PUISSE POTENTIELLEMENT ÊTRE UN PORTE-BONHEUR, C’EST LORSQUE SON PÈRE LUI RAPPELLE QU’IL A TOUJOURS CRU EN SA CHANCE QU’ELLE SE MET À ENVISAGER SÉRIEUSEMENT CETTE POSSIBILITÉ. J’AURAIS AIMÉ VOIR ÇA À L’ÉCRAN. Comment le regard de Zoya change sur elle-même au fur et à mesure. À la place, on a droit à 3 chansons d’amour, un nombre incalculable de têtes ayant l’air de dire « je suis désolée, j’ai rien fait » de la part de Sonam et une garde-robe de mannequin alors que Zoya est censée arborer un look assez basique.
ALORS, QUAND LA ZOYA DE L’ÉCRAN DIT ENFIN QUELQUE CHOSE D’INTELLIGENT, C’EST DIFFICILEMENT CRÉDIBLE. 102
NIKHIL KHODA Durant les promotions, l’équipe a annoncé avoir choisi Dulquer Salmaan car Nikhil vient du sud de l’Inde, tout comme l’acteur qui l’interprète. Physiquement, il est l’incarnation parfaitement du personnage. D’ailleurs, il est assez juste dans son rôle.
J’AI APPRÉCIÉ LE FAIT QU’ON EN SACHE UN PEU PLUS SUR NIKHIL ET SES PROBLÈMES. Capitaine depuis quelques temps, son équipe ne gagne pas et toute l’Inde le pointe du doigt. Il a une véritable pression sur les épaules. Dans le roman, on ne sait rien de lui. Il est même froid et distant avec Zoya, n’en a rien à faire de son travail et préfère que son équipe s’entraîne. Rien ne nous indique qu’il porte un intérêt quelconque à Zoya. Ce n’est que bien plus tard qu’on réalise qu’il l’observe avec attention depuis le début. Là encore, j’ai trouvé ça peu judicieux que le film montre son attachement pour l’héroïne dès le départ.
J’AIMAIS LE FAIT QUE CES DEUX-LÀ NE S’ENTENDAIENT PAS DU TOUT, SE DÉTESTANT MÊME AUX PRÉMICES DE LEUR RELATION. C’est tellement plus logique. Parce que lorsqu’elle lui demande s’il est avec elle uniquement parce qu’elle porte chance, cette question a d’autant plus de poids qu’on ignore les réels sentiments du joueur. Et il faut un moment pour que Zoya comprenne ce qu’elle doit faire pour remettre les pendules à l’heure avec Nikhil, puis avec l’Inde. À l’écran, ce conflit est amené d’une toute autre manière. Un peu à l’ancienne, j’ai envie de dire.
ET PUISQU’IL Y A UN MÉCHANT DANS LE FILM, AUTANT FAIRE EN SORTE QU’IL FASSE TOUT POUR SÉPARER NIKHIL ET ZOYA, N’EST-CE PAS ? CE N’ÉTAIT VRAIMENT PAS NÉCESSAIRE... Au final, Nikhil Khoda est dans un entre-deux étrange sur grand écran : on sait qu’il kiffe Zoya, mais ses réactions face à sa chance sont trop radicales. #Schizophéniebonjour.
L’ENTOURAGE DE ZOYA : ZAROVAR, MONITA, RINKU... Je dois avouer avoir été surprise par Zarovar, aussi bien dans le livre que dans le film. Le grand frère de Zoya est attachant, il embête sa sœur tout en étant présent quand elle en a besoin. Par contre, c’est le seul personnage de son entourage qui ait été respecté. À côté, Monita (interprétée ici par un Koel Purie en colère) est limitée à la boss pas contente. Dans le livre, c’est la meilleure amie de Zoya !
Une mère de famille qui réussit aussi bien dans son travail qu’à la maison, qui est canon et qui trouve toujours les mots justes.
J’AVAIS ADORÉ CE PERSONNAGE DANS LE ROMAN, TROUVANT SA PRÉSENCE TRÈS PERTINENTE AUX CÔTÉS DE ZOYA DURANT LA COUPE DU MONDE - AVEC SON FILS, S’IL VOUS PLAIT ! Mais là, rien du tout. De plus, même si la tante de Zoya, Rinku, n’est pas une perte énorme à l’écran, c’est quand même dommage de l’avoir fait disparaître. Clairement, on sent que le film a été adapté par un homme, vu la manière dont les personnages féminins ont été traités ! Et c’est là que je me pose une vraie question : Anuja Chauhan a-t-elle vraiment eu son mot à dire vis-à-vis du film ?
L’ENTOURAGE DE NIKHIL : ROBIN RAWAL, SHIVI, HARRY, ZAHID... Mais pourquoi avoir donné autant de place à Robin Rawal ?! Je ne comprends pas ! Robin a littéralement deux scènes dans le livre. La première (que l’on retrouve dans le film) dans laquelle on le découvre comme emmerdeur de première, et la dernière où on nous révèle qu’il truquait des matchs quand il était capitaine et qu’il faisait tout pour faire virer Nikhil en jouant sur la chance de Zoya. Là, c’est clairement devenu une caricature sur pattes du mec méchant, ce qui n’apporte rien du tout à l’histoire.
OUI, IL MET DES BÂTONS DANS LES ROUES À NIKHIL ET IL VEUT AUSSI SA PLACE, MAIS POURQUOI LE FAIRE SI SUPERFICIELLEMENT ? > 103
QUITTE À LUI DONNER AUTANT DE SCÈNES, POURQUOI NE PAS EN FAIRE UN CONNARD PROFOND PLUTÔT QU’UN ADO PUÉRIL QUI PUBLIE DES VIDÉOS POUR BRISER DES COUPLES ? De son côté, l’équipe est là dans sa totalité, notamment les jeunes Shivi et Harry qui sont drôles et assez similaires à leurs personnages dans le livre. De son côté, Zahid est comme Monita : complètement effacé de la narration. Il est le joueur de cricket plutôt beau gosse, qui est surtout le premier à croire en Zoya. Il est l’élément de jalousie de Nikhil, car Zahid a clairement un béguin pour Zoya (qui l’embrasse même avant un match pour clouer le bec à Nikhil). Là encore, je peux comprendre le besoin de supprimer certains éléments par peur d’en faire trop. Mais entre Robin et Zahid, mon choix est vite fait.
La n ote d’a d a pt at i on Au début de ma lecture, Zoya se retrouve à travailler avec Shahrukh Khan (et ses abdos). C’est lui qu’elle abandonne à la dernière minute pour ce foutu photoshoot avec l’équipe de cricket dont personne ne veut car ils sont nuls. J’espérais voir le King Khan le temps d’un cameo mais à la place, nous n’avons que sa voix en narration et Anil Kapoor qui débarque en pirate déjanté. Rien que pour ça, j’aurais dû me douter que le métrage ne serait pas à la hauteur du livre !
J’AI D’AILLEURS PEUR QUE THE ZOYA FACTOR NE PLAISE PAS DU TOUT, MÊME À CEUX QUI N’ONT PAS LU L’OEUVRE ORIGINALE. 1/5 104
C I N É M A S C È N E C U LT E
Scène Culte La scène d’un film peut avoir de multiples résonances. Qu’il s’agisse de son propos, de sa mise en scène ou de sa place dans la narration, une scène peut magnifier par sa pertinence un film comme le gâcher lorsqu’elle est superflue ou dénuée de sens. Dans cette rubrique, Bolly&Co se propose d’analyser les séquences incontournables du cinéma indien pour justement dégager ce qui fait toute leur singularité... MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR
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«Pour de faux ?» de Hum Tum
Réalisé par Kunal Kohli Acteurs de la scène : Rani Mukerji (Rhea Prakash) et Saif Ali Khan (Karan Kapoor)
Le set
Les co st u m es
Nous voici dans l’appartement spacieux de Rhea, tout juste revenue vivre à Mumbaï après avoir littéralement fui son pays pour s’installer en France. Le lieu est pourvu d’une grande baie vitrée, donnant sur la ville qui ne dort jamais.
Les designers Mamta Anand et Reza Shariffi ont donné à Karan un style moderne et casual qui lui correspond parfaitement. Il porte ici un maillot rouge à longues manches avec un pantalon stretch pour lui donner un look décontracté et cool, tout à fait à son image.
Les héros sont d’abord installés sur un rebord de fenêtre avec cette vue imprenable sur l’ancien Bombay de nuit. Puis ils s’installent sur deux fauteuils qui se font face, toujours adossés à la cité des rêves.
De son côté, le créateur Manish Malhotra respecte la réserve de l’héroïne, illustrant Rhea dans des vêtements plus discrets et aux teintes plus nuancées. Rhea est en tenue de nuit (il faut dire que Karan se pointe chez elle à une heure où le commun des mortels est déjà couché !). Elle porte un grand kurta bleu clair et un pantalon large bleu marine, parce qu’elle tient d’abord à être à l’aise. Les couleurs sont assez ternes (proches du blanc pour le haut) afin de marquer le fait que le deuil de Rhea n’est pas totalement terminé.
KARAN, AVEC SON ROUGE VIF ET SON ALLURE, VIENT AMENER DE LA COULEUR ET DE LA VIE DANS L’EXISTENCE DE RHEA. > 107
La camé ra L’OBJECTIF DE KUNAL KOHLI EST FIXE. D’abord en plan mi-moyen, laissant une place certaine au Mumbaï nocturne en arrière-plan, dont l’immensité semble représenter le clivage qui existe entre nos héros. Puis en plan rapproché pour capter la proximité grandissante entre les protagonistes. S’en suit un gros plan afin de saisir ce qui joue dans les yeux de nos héros, ici leurs sentiments de plus en plus évidents. Mumbaï y disparaît complètement, avalé par les étincelles entre Karan et Rhea. La scène se conclut sur un retour au plan mi-moyen, qui sonne comme un retour à la réalité. Ici, les éléments essentiels sont Karan et Rhea dans leur prise de conscience (avec la peur qui se lit sur le visage du jeune homme à la fin) et le cadre de celle que l’on surnomme la ville maximum, théâtre de ce tournant.
L’en j e u LES METTRE FACE À LEURS SENTIMENTS. En feignant une rencontre entre Rhea et un potentiel prétendant (que Karan campe allègrement), ils imaginent ce que donnerait leur vie ensemble. Probablement pour s’apercevoir qu’ils pourraient tout à fait construire un avenir commun en étant bien plus que des amis. 108
Le c arac tè re / l e to n de la s cè ne C’est clairement une scène déterminante dans l’évolution du lien qui unit les deux personnages. Le langage corporel des protagonistes parle pour eux.
La force des répliques écrites par Kunal Kohli, c’est leur authenticité. Karan reste fidèle à son piquant naturel, Rhea à sa mesure coutumière.
RIEN NE SONNE FAUX ET CHAQUE RÉPLIQUE EST À SA PLACE.
D’abord distant, il se veut de plus en plus enclin au rapprochement. Mais derrière son romantisme manifeste, la séquence est remplie d’humour, principalement grâce à la posture taquine de Karan.
Les hé ro s Rhea reçoit la visite de son meilleur ami Karan, qui n’est pas venu la chercher à l’aéroport. Il débarque chez elle pour tenter de se faire pardonner. Rhea est de retour à Mumbaï pour la première fois depuis le décès tragique de son époux Sameer (Abhishek Bachchan). La raison : elle voulait à tout prix éviter que sa famille tente de lui imposer un second mariage. Karan est là pour la soutenir mais aussi pour lui signifier qu’elle peut s’autoriser à aimer de nouveau. Μ
Les ré pli qu e s Elles oscillent entre légèreté et profondeur. Sur moins de 5 minutes, la scène arrive à évoquer le statut de veuve de Rhea dans son pays natal, la sacralisation du mariage dans la société indienne et le fait que cette tradition soit érigée (à tort) au statut de passage obligé pour atteindre le bonheur.
MAIS ON Y PARLE ÉGALEMENT DU TRAVAIL DE DEUIL DE TOUT UN CHACUN COMME DE LA POSSIBILITÉ DE CROIRE EN L’AMOUR APRÈS UN DRAME.
Po u rq u o i c’est cu l te ? POUR LA COMPLICITÉ FLAGRANTE ENTRE KARAN ET RHEA, AUXQUELS DONNENT MAGISTRALEMENT VIE LEURS INTERPRÈTES SAIF ALI KHAN ET RANI MUKERJI. Sacrée du Filmfare Award de la Meilleure Scène, cette séquence marque à la fois par sa sensibilité et son intelligence.
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C I N É M A E T S I O N C O M PA R A Î T L E S R E M A K E S ?
ADHE KANGAL VS N EEV EVAR O MOTS PAR ELO DI E HAM IDOVIC
PETITE CHRONOLOGIE DES FAITS. JANVIER 2017 Le film tamoul Adhe Kangal (réalisé par Rohin Venkatesan) débarque au cinéma avec trois comédiens pour le défendre : Kalaiyarasan, Janani Iyer et Sshivada. C’est à la fois un succès critique et public, qui vaut à l’actrice Sshivada un prix d’interprétation.
2018 Deux remakes font leur apparition : Samhaara (réalisé par Guru Deshpande) et Neevevaro (réalisé par Hari Nath). Mais c’est Neevevaro qui capte l’attention, notamment grâce à son casting alléchant : Aadhi, Taapsee Pannu et Ritika Singh. >
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La ve rs i o n o r i g i n a l e , e lle parl e d e q u o i ? Avec une introduction que personne ne peut comprendre (un accident de voiture), on est très vite captivé par la romance entre Varun (Kalaiyarasan) et Deepa (Sshivada). Après 15 minutes, celle-ci nous propulse dans le vif du sujet. En effet, alors que Deepa a besoin d’aide pour échapper à un gang qui menace de la kidnapper suite à une dette contractée par son père, Varun se fait écraser par une voiture (mais ce n’est pas l’accident que l’on voit en intro). Deux semaines plus tard, si Varun sort de son coma, pas la moindre trace de Deepa...
LE MÉTRAGE SE TRANSFORME ALORS EN UNE ÉTRANGE ENQUÊTE ET C’EST ÇA QUI EST VRAIMENT TRÈS INTÉRESSANT. Varun est confronté au fait qu’il est impossible de retrouver la jeune femme et reprend sa vie en main. Il est même près à épouser son amie d’enfance, Sadhana (Janani Iyer). Sauf que les informations viennent lui rappeler sa Deepa et, alors que le père de la jeune fille fait une nouvelle apparition, Varun est embarqué dans un autre monde.
ADHE KANGAL EST UN EXCELLENT THRILLER, BOURRÉ D’INDICES ET DE SECRETS RÉVÉLÉS AUX SPECTATEURS AU MÊME MOMENT QU’AU HÉROS. Il faut être attentif, écouter tout ce qui est dit et réfléchir en même temps que Varun pour comprendre ce qu’aveugle, il n’a pas pu saisir. C’est malin, très bien écrit et si la
deuxième partie du film est un peu longue, la fin rattrape tout ! Je dois avouer n’avoir jamais vu les acteurs du film auparavant, mais j’ai été saisie par Sshivada, vraie surprise du métrage. L’actrice est clairement capable de tout. Si Janani Iyer n’impressionne pas, Kailaiyarasan est très juste en chef cuisinier aveugle et vulnérable. C’est un mec lambda, passionné et qui essaye d’être bon et honnête envers son entourage. En quelques minutes, c’est quelqu’un qui inspire confiance et avec qui on aimerait se lier d’amitié. On comprend tout de suite ce que Deepa lui trouve, tout comme on se dit que Varun a de la chance de croiser cette fille généreuse et douce, dont la vie ne semble pas du tout facile. Les deux acteurs forment un très bon duo, d’autant plus électrique dans la seconde partie. Sshivada prend alors tout l’espace et on ne peut plus la quitter des yeux tant elle est fantastique !
LES AUTRES PROTAGONISTES SONT CORRECTS, MAIS ILS NE TIENNENT PAS VRAIMENT DE PLACE MAJEURE DANS L’INTRIGUE. C’est surtout Bala Saravanan dans le rôle du policier de bonne volonté qui est très attachant. C’est un peu grâce à lui qu’on arrive à tenir durant la seconde partie du film, alors que Varun s’efface un peu. Car forcément, ce dernier est comme le public : il essaye de comprendre les informations qu’il trouve afin de savoir en quoi elles sont liées à celle qu’il a aimé. La musique ne prend pas une place énorme, tant la narration se concentre sur les événements et ne veut pas s’éterniser dans des moments musicaux. Ce n’est pas plus mal, car au fond, je n’en ai quasiment aucun souvenir et je n’ai pas trouvé que le film en souffrait. > 113
Que do nne l e re m a ke ? Pendant 5 minutes, on se dit que le film est une copie stricto sensu de la version originale. Mais au final, on réalise qu’il faut une bonne demi-heure pour nous présenter Kalyan (Aadhi). Ce dernier est un célèbre chef cuisinier aveugle capable de se transformer en Daredevil quand des mecs l’agressent, avec un super sens de l’ouïe et tout le délire qui va avec...
DU COUP, ON COMPREND TRÈS VITE QU’ON EST DEVANT UN FILM TÉLOUGOU PORTANT SUR LE COMPLEXE DU SUPERHÉROS. L’histoire commence en insistant sur les parents de Kalyan et ceux d’Anu (Ritika Singh), prêts à les marier au plus vite ! Entre temps, Kalyan rencontre la douce Venella (Taapsee Pannu) et, bingo ! Il tombe amoureux. C’est pendant toutes leurs soirées ensemble à donner de la nourriture à des sans-abris que la trame de Neevevaro prépare l’audience aux problèmes de la jeune femme. Ainsi, il rencontre son père et même des gangsters qui menacent la jeune fille ! Après un accident de voiture et après avoir retrouvé la vue, Kalyan fait absolument tout pour retrouver sa belle, en vain. Il s’acharne, pour finalement abandonner face à l’état de sa mère qui désespère de voir son fils heureux (et qui n’a jamais vu la demoiselle en question, donc faut arrêter les bêtises et se marier avec Anu, maintenant...).
ÉVIDEMMENT, TOUT COMME DANS ADHE KANGAL, KALYAN SE LANCE DANS UNE AVENTURE POUR RETROUVER CELLE QU’IL A AIMÉ. 114
VOUS AVEZ ÉGALEMENT COMPRIS QU’IL Y A DES CHOSES QUE JE NE VOUS DIS PAS, POUR NE PAS VOUS GÂCHER LE FILM ! En effet, on retrouve dans Neevevaro les mêmes rebondissements, à ceci près que la seconde partie du film part un peu en cacahuète et qu’on veut tellement donner d’espace à Kalyan que tout ce qui était réellement intriguant dans Adhe Kangal, disparaît au profit d’une trame plus prévisible. La fin n’est pas complètement identique, mais pour autant aussi surprenante que dans l’original.
RITIKA SINGH ET TAAPSEE PANNU SONT SOUSEMPLOYÉES, NOTAMMENT LA PREMIÈRE QUI N’A PAS BEAUCOUP DE CHOSES À DIRE OU À FAIRE, MALGRÉ UN POTENTIEL MONSTRE ! Taapsee est une excellente actrice, mais je m’attendais à plus de sa part - sa voix est doublée par une autre actrice, ce qui m’a grandement perturbée durant le visionnage.
ENFIN, AADHI N’EST NI AGRÉABLE À REGARDER, NI CONVAINCANT. IL SEMBLE TOUT DROIT SORTI D’UNE TÉLÉNOVELA INDIENNE. Le reste du casting (à qui on a accordé davantage de place dans l’histoire) n’est ni bon, ni mauvais. Il s’agissait à mes yeux d’ajouts un peu inutiles, voire parfois en contradiction avec le reste de l’histoire.
LA MUSIQUE, EN REVANCHE, EST EXCELLENTE ! Les 4 chansons composées par Achu Rajamani et Prasan Praveen Shyam sont bien pensées. De l’air romantique « Vennela O Vennela » avec Sid Sriram, à la complainte « Oh Cheli » portée par Kaala Bhairava et qui met en évidence le coeur en peine du héros.
En co nc l us i o n ADHE KANGAL MÉRITE LES ÉLOGES DONT IL A FAIT L’OBJET, C’EST UNE RÉALISATION RÉFLÉCHIE QUI MARQUE LES ESPRITS.
À côté, Neevevaro est bâclé en plus de gâcher le talent de ses deux actrices ! Aussi, on sent que la réalisation possédait davantage de moyens. Et pour autant, elle a transformé le sujet de l’histoire en quelque chose de plus difficile à accepter. Adhe Kangal est plus réaliste et simple. Le métrage est d’ailleurs légalement disponible sur Youtube, en sous-titré en anglais.
JE VOUS INVITE DONC À LE VISIONNER SANS PLUS ATTENDRE EN LAISSANT DE CÔTÉ LE REMAKE QUI, CLAIREMENT, N’EN VAUT PAS LA PEINE !
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C I N É M A C O U R T- M É T R A G E
SUNO M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
Nouvelle rubrique pour ce numéro de Bolly&Co, qui reviendra à chaque parution sur un court-métrage du sous-continent. Pour ce premier essai, découvrez l’histoire d’un couple qui ne sait pas s’écouter...
FICHE TECHNIQUE Langue : Hindi Année de sortie : 2019 Durée : 11 minutes
ÉQUIPE TECHNIQUE Acteurs : Amrita Puri et Sumeet Vyas Réalisateur : Shubham Yogi
SYNOPSIS ÉCOURTÉ Un couple s’amuse au lit lorsque l’époux (Sumeet Vyas) blesse par accident sa femme (Amrita Puri) à l’œil. Ses collègues comme son voisinage se questionnent sur le fait qu’elle soit victime de violences conjugales...
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Pou r fai re co u rt , en q uo i ça vau t l e co u p ? ANALYSE RACCOURCIE Le titre du court-métrage («suno», traduisible du hindi par «écoute») en dit long. Basé sur la nouvelle Liar de Aseem Kaul, l’oeuvre insiste sur l’importance de la verbalisation ainsi que sur la notion de consentement. Suno met effectivement en scène la conscientisation d’une femme qui, suite à ce qui semble être un accident domestique plutôt qu’un véritable acte de violence, prend conscience de l’absence d’écoute et de considération de son époux.
LE PERSONNAGE INCARNÉ PAR AMRITA PURI RÉFLÉCHIT À CE QU’IL A SUBI, À CET ACTE DONT SON MARI EST L’AUTEUR ET CE AU CONTACT DE VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES. Elle assiste à un groupe de paroles et se rend compte à l’écoute (et ce mot est essentiel dans le film) de ses participantes que sa relation n’est pas aussi saine qu’elle le croyait. Sumeet Vyas est particulièrement bluffant dans la peau de cet homme qui faute sans même s’en apercevoir. Il renvoie l’image d’un homme intelligent et pondéré, sans doute incapable d’être volontairement virulent ou agressif envers celle qu’il aime.
MAIS IL EST SURTOUT PRISONNIER D’UNE SOCIÉTÉ ET PROBABLEMENT D’UNE ÉDUCATION QUI MINIMISENT LA PAROLE DE LA FEMME.
POUR SA NUANCE. Les personnages de Suno ne sont ni dans le cliché, ni diabolisés. Le film dépeint la complexité des relations humaines, quelles qu’elles soient. Malgré son format court, il parvient à ne pas se précipiter et à instaurer un temps de latence entre la situation initiale (celle du déni) et la conclusion (la confrontation).
POUR SON ACTRICE. Amrita Puri est d’une finesse incroyable. Sa voix chaude et son regard pénétrant nous font oublier sa prestation d’ingénue diaphane dans Aisha.
LA COMÉDIENNE NOUS FAIT CROIRE À TOUT CE QU’ELLE DIT, ENCORE PLUS À TOUT CE QU’ELLE NE DIT PAS. POUR SON MESSAGE. Suno parle aussi de ces couples qui se croient au-dessus de tout ça. Qui pensent ne pas être concernés par la question de la violence conjugale, qu’ils sont trop intelligents pour ça. Parce que souvent, le portrait qui est fait de ce sujet est très intense. Pas grossi parce qu’il existe effectivement des conjoint(e)s d’une violence extrême, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Mais il y a aussi cette violence quotidienne, distillée dans des petits riens très inconscients, si subtils qu’on les banaliserait presque. Suno le soulève avec une justesse admirable, et nous amène à nous interroger sur notre propre existence. 117
C RIT I Q U E : BAAH U BA L I 2 - T H E CONC LUS ION
fan tas tiki ndi a P R E M I E R P O R TA I L W E B F R A N C O P H O N E SUR LE CINÉMA INDIEN Fantastikindia est une association portée par la passion de ses membres, dont l'objectif est la promotion du cinéma indien sous toutes ses formes et dans toute sa variété du Nord au Sud.
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À LA UNE R A N A DAG G U B AT I
À L A U N E R A N A D A G G U B AT I
RANA D A G G U B AT I M OT S PA R AS M A E BEN MA N SO UR P H OTO G RA PH I E : P UBLI ÉE SUR TW I TTER , MO DI FIÉE PAR BOLLY&CO
En arabe, le prénom Rana signifie « accrocheur, captivant visuellement ». En sanskrit, c’est le nom donné au monarque suprême, donc traduisible par « roi ».
AUTANT DIRE QUE L’ACTEUR PORTE TRÈS BIEN SON NOM ! >
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LORS DE LA CONFÉRENC E DE PRESSE DU FILM BOM M ALATA ( 2006 ) , PHOTOGRAPHIES PUBLIÉES SUR BHARAT ST UDENT.COM
D’o ù vi e nt-i l ? Rana Daggubati naît le 14 décembre 1984 à Chennai, au Tamil Nadu. Il est le fils du producteur Suresh Babu Daggubati, tandis que son oncle paternel est la star télougoue Venkatesh. Sa tante paternelle, Lakshmi, est alors mariée à un autre grand nom de Tollywood : Nagarjuna. Rana est donc le cousin germain de l’acteur Naga Chaitanya, également devenu une vedette du cinéma télougou. Rana est fier de son histoire et de son héritage, qu’il explique lors d’une conférence TED en 2017. « Mon grand-père était
fermier lorsqu’un jour, il a annoncé qu’il voulait raconter des histoires. Il a donc emménagé à Madras pour y ouvrir sa maison de production. » En effet, son
grand-père D. Ramanaidu développe un empire. Sa bannière, Suresh Productions (sous-branche des studios Ramanaidu qu’il a également créé), devient une véritable usine à films, où les projets sont menés de leurs prémices à leur conclusion.
habitude de prendre mon petit-déjeuner sur les plateaux avant d’aller à l’école. » Pourtant, tout ne tombe pas dans la bouche du jeune homme. Il rencontre très jeune des problèmes de vue qui le rendent partiellement aveugle. Il subit une opération afin de se faire transplanter un nouvel œil gauche. C’est une réussite. Une nouvelle transplantation est tentée sur son œil droit alors qu’il est âgé de 14 ans, cette fois sans succès. Lors d’une interview datant de 2016, l’acteur révèlera donc qu’il est totalement aveugle de l’œil droit. Surprenant quand on sait à quel point son regard pénétrant marquera les spectateurs…
E xp éri ences. Rana a 20 ans lorsqu’il décide de se lancer dans le cinéma. Mais pas pour faire l’acteur ! Non, c’est en tant que producteur qu’il s’investit (et investit) dans le film télougou pour enfants Bommalata, qu’il finance avec sa propre maison de production Spirit Media. Il croit dur comme fer en cette histoire et souhaite la soutenir. Bommalata narre le parcours d’un petit garçon qui souhaite s’instruire plus que tout. Ce récit bouleversant remportera notamment le National Award du Meilleur Film en langue télougoue, distinction qui reviendra notamment à Rana du fait de son statut de producteur.
ÉCRITURE, PRODUCTION, MONTAGE, DISTRIBUTION… D. RAMANAIDU ET SON FILS SURESH BABU DEVIENNENT PRÉCURSEURS DANS LE DOMAINE DU CINÉMA, TRANSCENDANT LARGEMENT DEUX ANS PLUS TARD, LES FRONTIÈRES DE L’ANDHRA IL TRAVAILLE AVEC LE PRADESH. RÉALISATEUR GUNASEKHAR POUR LE FILM SAINIKUDU, Le cinéma fait ainsi partie du quotidien de MAIS TOUJOURS PAS EN TÊTE Rana dès son enfance. « Nous habitions D’AFFICHE ! dans une maison où les films étaient tournés. Nous vivions au premier étage tandis que les tournages se faisaient au rez-de-chaussée. J’avais donc pour
Rana est effectivement coordinateur des effets spéciaux de ce masala > 123
avec Mahesh Babu et Trisha Krishnan. Sa contribution est de nouveau saluée par l’industrie, qui lui remet le Nandi Award des Meilleurs Effets Visuels.
DÈS LORS, ON SENT RANA SOUCIEUX DE COMPRENDRE LA MÉCANIQUE DE FABRICATION D’UN FILM, BIEN AVANT DE SE RÊVER EN STAR DE CINÉMA ! L’approche du jeune homme est humble, emplie d’intelligence. Il veut connaître les enjeux de la réalisation d’un métrage, le travail dantesque des équipes qu’il implique pour ensuite devenir l’acteur fin et méticuleux qu’il aspire à devenir. « J’ai
travaillé aux effets visuels pendant 6 ans avant de devenir acteur. J’ai aussi fait du mixage et du montage pendant quelques temps. C’est comme si j’étais né dans une école de cinéma. J’ai effectivement eu la chance d’être exposé très facilement à ce monde. Mais ce n’est pas comme si j’avais été lancé de manière prétentieuse en tant qu’acteur. J’ai trouvé des histoires qui me plaisaient, des réalisateurs qui avaient envie de les raconter et j’en suis venu à travailler avec eux pour y parvenir. » Il se saisit d’ailleurs de son rôle de dirigeant des Ramanaidu Studios, qu’il gère en lien avec son père. Son envie ? Amener la bannière vers la transition technologique, d’abord vers la télévision, puis vers le format digital… Et y insuffler la passion qui a fait le sel des studios Ramanaidu pendant plus de 50 ans.
Face c a mé ra . Les débuts de comédien de Rana ne sont pas aussi fanfarons que ceux de ses 124
contemporains, de son cousin Naga Chaitanya au bankable Ram Charan Teja. En effet, dès son premier métrage, le jeune homme renvoie l’image d’un acteur sérieux, dont la préoccupation principale n’est pas de livrer de l’entertainment sans âme. Dirigé par le cinéaste télougou Sekhar Kammula (auquel on doit alors les comédies dramatiques Anand et Happy Days), Rana incarne dans ce premier film intitulé Leader un jeune homme qui s’investit en politique malgré la corruption et l’impitoyable concurrence.
SA PRESTATION IMPRESSIONNE, L’ACTEUR ÉTANT À LA FOIS NUANCÉ ET TERRIBLEMENT CHARISMATIQUE. Pour ce premier essai face à la caméra, il remporte deux prix dans la catégorie du Meilleur Espoir Masculin, aux South Filmfare Awards et aux CineMAA Awards. Aussi, il est indéniable que son physique ne passe pas inaperçu. Sa carrure comme son charisme séduisent immédiatement, jusqu’aux frontières de Bollywood.
CAR EFFECTIVEMENT, DÈS L’ANNÉE SUIVANTE, RANA SIGNE SON PREMIER FILM HINDI : DUM MAARO DUM. Pour ce suspense, l’acteur comprend qu’il a l’occasion de surprendre son public en s’illustrant dans un registre moins commercial, et surtout moins enclavé que ce que l’industrie télougoue pouvait alors lui offrir. « Dum Maaro Dum est venu à moi
avant la sortie de mon premier film. […] C’est excitant pour moi car il m’a donné l’opportunité de jouer un rôle que je n’aurais probablement jamais pu >
L E A D E R (2 0 10)
BABY ( 201 5)
tenir dans un film tamoul ou télougou. »
Si le métrage déçoit le grand public malgré un casting prometteur (Abhishek Bachchan, Prateik Babbar, Gulshan Devaiah…), il retient malgré tout Rana et sa tendre complicité avec l’actrice Bipasha Basu. Leur osmose est telle que de multiples rumeurs de liaison verront le jour, vivement niées par les intéressés. Pour ce film, Rana remportera surtout le Zee Cine Award du Meilleur Espoir Masculin.
TOUJOURS EN 2011, IL INCARNE UN TUEUR À GAGES DANS LE MASALA TÉLOUGOU NENU NAA RAKSHASI, RÉALISATION BROUILLONNE DE PURI JAGANNATH QUI L’ENFERME DANS UN CARCAN QUI NE FAIT CLAIREMENT PAS HONNEUR À SON POTENTIEL. Il démarre l’an 2012 sur le masala romantique Naa Ishtam, métrage de facture assez pauvre qui lui permet en tout cas de déployer son indéniable charisme face à l’adorable Genelia D’Souza. Plus tard dans l’année, Rana revient au cinéma hindi avec Department, pour lequel il a le privilège de travailler avec le grand Amitabh Bachchan. Dans ce film réalisé par Ram Gopal Varma, le parallèle entre les deux acteurs est frappant tant Rana possède la même présence, la même puissance que l’iconique Big B. Enfin, il prend un risque en incarnant un acteur de théâtre dans Krishnam Vande Jagadgurum, face à la prolifique Nayanthara. Pour ce rôle qui tombe hélas dans une narration téléphonée, Rana séduit la critique, qui lui délivre alors le SIIMA Award du Meilleur Acteur. L’année suivante est essentiellement ponctuée d’apparitions spéciales et de cameo dans les films Yeh Jawaani Hai Deewani (en hindi, avec Ranbir Kapoor),
Something Something (en télougou, avec Siddharth Narayan) et Arrambam (en tamoul, avec Ajith). Intelligemment, Rana appose sa patte lors de ces brèves incursions cinématiques, comme pour rappeler aux spectateurs de quoi il est capable, même avec peu de matière !
D es seco nd s rô l es l o i n d ’êt re seco nd ai res. Puis l’acteur s’égare à Tollywood tant il tente de suivre un sillage classique (dans des productions commerciales qui étouffent ses capacités), pour ensuite s’apercevoir que ça ne lui correspond pas. Et s’il s’essaye à des masala télougous à la fabrication plus hasardeuse, il y distille tout de même la précision de son jeu.
MAIS L’ANNÉE 2015 MARQUE UN TOURNANT DANS SA CARRIÈRE. Rana comprend qu’il parviendra à marquer les esprits en tenant des rôles importants, et pas forcément parce qu’ils sont érigés en héros. Si sa sensibilité artistique était déjà palpable dès ses débuts, elle s’affine avec sa contribution au film Baby, un suspense hindi dans lequel il fait face à nombre d’acteurs talentueux, d’Akshay Kumar à Manoj Bajpayee, en passant par Taapsee Pannu. « J’attendais le bon film pour revenir
au cinéma hindi. Et celui-ci réunissait à la fois un genre que j’affectionne et un réalisateur (Neeraj Pandey, ndlr) que j’adore ! »
S’il y tient un rôle de second plan, Rana l’investit de telle sorte que le public ne l’oublie pas. Avec finesse et sagacité, on sent ainsi l’acteur tendre vers des métrages qui sublimeront l’interprète en lui plutôt que la star médiatique. > 127
PLUS TARD, IL FAIT FACE À LA GRANDE ANUSHKA SHETTY DANS RUDHRAMADEVI, FILM TÉLOUGOU QUI SE CENTRE SUR UNE SOUVERAINE DU XIIIÈME SIÈCLE. Dans ce métrage, si le rôle de Rana est loin de tenir une place centrale dans la narration, ça ne l’empêche pas d’y exceller ! Car la ligne directive de l’acteur est désormais claire, nette et précise : il veut défendre des films dans lesquels il croit, peu importe qui en est la vedette. Et si l’ego de certains acteurs populaires aurait été égratigné par la présence monumentale de la fantastique Anushka Shetty, Rana décide quant à lui de la servir, mettant superbement en valeur sa partenaire par son affectueuse retenue. En 2016, il reprend le rôle initialement tenu par Fahadh Faasil dans le remake tamoul de Bangalore Days, devenu donc Bangalore Naatkal. En époux meurtri qui doit régler sa propre histoire, Rana est l’un des rares membres du casting à sauver cette version bâclée du magnifique métrage malayalam auquel il se réfère.
RANA NE SE POSE AUCUNE LIMITE PUISQU’IL TOURNE AUSSI BIEN EN HINDI, EN TAMOUL ET EN TÉLOUGOU. À la fois dans des rôles principaux que pour des prestations secondaires. Mais sans jamais négliger la qualité de ses métrages. Car Rana a une approche du cinéma qui est globale. Ce qui compte pour lui, c’est l’œuvre dans son entièreté. Il souhaite contribuer à de grands films, à des métrages dont il pourra être fier. C’est d’ailleurs ce qui le mènera à signer LE rôle qui fera la différence pour lui… 128
Un méchant mémorable. Le projet Baahubali, déployé en deux parties, donne un nouveau souffle à sa carrière. Avec un premier volet sorti en 2015, ce film permet à Rana de révéler au grand public son potentiel énorme en antagoniste magistral. Il y tient effectivement le rôle de Bhallaladeva, cousin envieux du héros prêt à tout pour entraîner sa chute. Cette expérience est particulièrement formatrice pour l’acteur, qui s’abreuve notamment de l’abnégation de son partenaire à l’écran, Prabhas. « La première
chose que j’ai apprise de Prabhas, c’est la patience. [...] Prabhas est le pilier de Baahubali. C’est indiscutable. Il ne questionne jamais les demandes du réalisateur. Pourtant, c’était déjà une grande star à l’époque. Vous imaginez le nombre de films qu’il aurait pu faire en 5 ans ? L’argent qu’il aurait pu gagner ? Il ne l’a pourtant jamais soulevé. Son intégrité et son implication pendant ces 5 années de tournage sont parmi les raisons pour lesquelles je l’aime et l’admire tant. » Loin d’envier le personnage principal campé par son collègue, le comédien avoue que c’est justement le caractère négatif de Bhallaladeva qui l’a attiré. « Vous pouvez
jouer avec les complexités d’un rôle pareil, et c’est ce qui devient amusant lorsqu’on arrive chaque matin sur le plateau de tournage. » Non seulement, l’acteur marque le grand public télougou, mais il est aussi unanimement salué par la critique.
Lauréat de deux SIIMA Award du Meilleur Acteur Négatif, il est nommé pour le South Filmfare Award du Meilleur Second Rôle Masculin pour la première partie du métrage. Il remportera cette distinction deux ans plus tard, pour le second volet du diptyque. >
BAAHUBALI - THE CO N CLUSI O N ( 2017 )
AFFIC HE PROM OT IONELLE DE L’ÉM ISSION NO.1 YAARI ( 201 8)
L’IMPACT DU PROJET EST ÉNORME SUR SA CARRIÈRE TANT LE RAYONNEMENT DE BAAHUBALI DÉPASSE LES FRONTIÈRES DES RÉGIONS DRAVIDIENNES. Le film en lui-même comme Bhallaladeva s’inscrivent rapidement dans la culture populaire. Le phénomène est tel que Rana moquera délicieusement son personnage le temps d’une apparition dans le film hindi Welcome To New York, sorti en 2018.
Les s ui te s d u s u ccè s . Les rôles principaux se multiplient tant les producteurs saisissent enfin le potentiel de Rana Daggubati, devenu une immense figure populaire avec le plébiscite monumental du métrage précité. Le récent lauréat du South Filmfare Award du Meilleur Second Rôle Masculin est une nouvelle fois irrésistible dans The Ghazi Attack, projet sorti à la fois en hindi et en télougou, et dans lequel il campe un lieutenant de la marine indienne sous la menace. À la fois flegmatique et envoûtant, Rana met sa carrure au service de ce rôle impérial sans sourciller. Il explique à quel point ce film lui tient à cœur. « Personne ne
s’est essayé à un tel film dans notre pays, auparavant. [...] C’est fabuleux de faire de plus en plus d’œuvres novatrices. » On le retrouve ensuite en politicien aveuglé par le pouvoir dans Nene Raju Nene Mantri, production télougoue dans laquelle il a l’allure d’un jeune Amitabh Bachchan en ‘angry young man’ captivant.
Enfin, il s’essaye pour la première fois à l’exercice de la web-série en jouant dans Social, un programme dans lequel il croit beaucoup et qui porte un message essentiel à ses yeux. « La série porte sur les
aspects plus sombres des réseaux sociaux. Car c’est un autre monde, d’une certaine manière. »
CETTE ANNÉE, IL INCARNE LE POLITICIEN N. CHANDRABABU DANS LE BIOPIC N.T.R. – KATHANAYAKUDU, LE TEMPS DE QUELQUES SCÈNES. Le film est grandement apprécié lors de sa sortie et lui permet d’étoffer sa filmographie, déjà riche de métrages savoureux.
L’ACTEUR DÉPLOIE AINSI SA POLYVALENCE AUSSI BIEN EN TERMES DE LANGUES QUE DE REGISTRES. Sa voix profonde fait également de l’effet aux spectateurs, à tel point qu’il est sollicité par deux fois en tant que narrateur au cinéma, en l’occurrence pour les films Winner (en 2017) et Rajaratha (en 2018). Il a également prêté sa voix à l’iconique Thanos dans les deux derniers volets de la saga Avengers, et ce pour leur version doublée en télougou. À ce propos, l’acteur s’exprime sur les raisons qui l’ont amené à accepter de poser son timbre pour ce méchant ultra-populaire. « Je
connaissais Thanos, plutôt grâce aux comics. [...] Pour moi, il a toujours été celui qui portait ce fameux gant, en quête des 5 pierres de l’infini. Lorsqu’on m’a demandé de le doubler, je me souviens que j’étais en tournage en Thaïlande. Et je me suis empressé de prendre un avion pour Mumbai pour doubler mes parties en une journée, et ensuite revenir. » Et comme rien ne semble l’arrêter, Rana a animé son propre talk-show en langue télougoue, No. 1 Yaari. L’acteur s’explique sur la manière dont il a abordé ce nouveau défi. > 131
« Je voulais que tout reste authentique.
C’est pourquoi j’ai choisi d’inviter sur mon plateau des gens de l’industrie qui sont mes amis dans la vie. Ce qui explique en quoi le programme est divertissant d’ailleurs, car rien n’est faussé. »
C e qu ’ i l no u s ré s e r ve . Après la sortie de la comédie hindi Housefull 4 (dans laquelle il va de nouveau parodier Bhallaladeva en méchant sanguinaire quelque peu bruyant), on retrouvera Rana dans plusieurs métrages très prometteurs. Il sera d’abord le héros de Haathi Mere Saathi, remake du film du même nom sorti en 1971 avec Rajesh Khanna. Mais l’acteur le promet : l’approche comme l’histoire seront totalement différentes de l’œuvre d’origine, à laquelle ce projet rendra surtout hommage. D’ailleurs, pour ce rôle, il perd toute la masse musculaire qu’il avait amassée pour Baahubali. « J’incarne un homme qui vit
dans la jungle depuis 25 ans, j’ai donc dû me défaire de tout ce poids en plus. » Prévu pour une sortie en hindi, en tamoul et en télougou, le métrage l’illustrera face aux actrices Zoya Hussain et Shriya Pilgaonkar.
IL JOUERA ÉGALEMENT DANS MADAI THIRANTHU, UN FILM D’ÉPOQUE QUI L’OPPOSERA À LA VEDETTE TÉLOUGOUE REGINA CASSANDRA. Il y retrouvera également Sathyaraj, auquel il avait déjà donné la réplique dans Baahubali et sa suite. Il aurait également signé Virata Parvam, une romance saupoudrée d’enjeux politiques avec l’actrice Sai Pallavi. Enfin, on le retrouvera dans le multistarrer Bhuj - The Pride of India, film de guerre 132
dans lequel il fera entre autres face à Ajay Devgan, Parineeti Chopra ou encore Sonakshi Sinha.
LA PASSION DE RANA, CE SONT LES HISTOIRES. Depuis l’enfance, c’est ce qui l’anime, qu’il les découvre sur grand écran ou dans les pages d’une bande-dessinée. Ce qui explique largement sa sensibilité actuelle... « Je travaille sur un seul film
à la fois car ce qui m’intéresse, c’est de raconter des histoires nouvelles. Il y a toujours des aspects qui poussent plus particulièrement un acteur à signer un projet cinématographique. Pour ce qui me concerne, ce qui compte le plus, c’est de déterminer si l’histoire d’un film vaut la peine d’être racontée. »
D’AILLEURS, RANA A À CŒUR DE DÉMYSTIFIER LE CLIVAGE ENTRE LES DIFFÉRENTES INDUSTRIES INDIENNES. « Je suis toujours estomaqué par la
bêtise de certains spectateurs indiens, qui portent un regard condescendant sur leurs compatriotes issus d’autres régions du pays. Aucune industrie n’est meilleure que l’autre. Au final, il y a une caméra, une histoire, des acteurs. Vous alliez tous ces éléments, c’est le même résultat, non ? Si j’y parle télougou, ça devient un film télougou. Si j’y parle en anglais, ça devient un film anglais ? [...] Ici, nous avons fait de ces différences des industries. En l’occurrence, l’industrie télougoue. Et que fait cette industrie ? Des films. Et l’industrie tamoule, que fait-elle ? Des films. En quoi existe-t-il une différence entre les deux ? Rajinikanth prouve qu’on peut transcender la barrière du langage.
Ses films sont doublés dans d’autres langues. […] Ce qui veut dire qu’il n’existe aucune véritable barrière, si ce n’est celle que vous décidez de poser vous-mêmes. »
UNE CHOSE EST SÛRE : S’IL EST BEL ET BIEN ISSU D’UNE GRANDE FAMILLE DU CINÉMA, RANA DAGGUBATI A PROUVÉ À QUEL POINT IL MÉRITAIT SA PLACE. Loin de se satisfaire avec paresse de son statut privilégié, Rana l’exploite pour servir le cinéma dans son entièreté. Il souhaite plus que tout que le cinéma indien fasse preuve d’ambition, aussi bien en termes de narration que de moyens techniques. Il sait que Baahubali a permis d’ouvrir la voie à un cinéma plus exigeant, et il a clairement l’intention de poursuivre ses efforts en ce sens ! AFFIC HE DU FILM VIRATA PARVAM
? LE SAVIEZ-VOUS ? Rana Daggubati ne fait pas mentir sa réputation de geek ! En effet, il possède également son entreprise axée sur les nouvelles technologies, Anthill Studio. Au travers de celle-ci, Rana investit dans des start-ups spécialisées dans les effets spéciaux, la réalité augmentée et l’intelligence artificielle.
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À L A U N E R A N A D A G G U B AT I
LES TROIS
FACETTES DE RANA M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
À 34 ans, l’acteur confirme qu’il est l’un des comédiens indiens les plus passionnants d’aujourd’hui.
ET PARCE QU’IL N’A EU DE CESSE D’ALLER LÀ OÙ PERSONNE NE L’ATTENDAIT, RETOUR SUR TROIS RÔLES QUI ILLUSTRENT PARFAITEMENT LA POLYVALENCE ET LA JUSTESSE DE RANA DAGGUBATI... 134
Jo aq u i m Fernand es d it Jo ki d a ns Du m Maaro Du m ( 2 011) Μ
VOILÀ L’INCARNATION DU GENTIL GARÇON, TENDRE ET POÈTE DONT ON TOMBERAIT VOLONTIERS AMOUREUSE... Il est taillé en V avec des beaux cheveux longs et une guitare à la main. Surtout, il n’a d’yeux que pour sa belle Zoey, à laquelle il chante des sérénades en empruntant la voix mielleuse d’Ash King...
QUE DEMANDE LE PEUPLE ?
Arju n P ra s a d dans Le ad e r ( 2 0 1 0)
Bhal l al ad eva d a ns B aahu b al i et Baahu b al i 2 ( 2 015 et 2017 )
D’ABORD ACOLYTE DU HÉROS, IL SE RÉVÈLE RAPIDEMENT C’EST L’INTELLECTUEL, UN COMME SON PRINCIPAL PEU GEEK SUR LES BORDS QUI OPPOSANT. N’EST PAS TAILLÉ POUR LA POLITIQUE. Manipulé par son père et conditionné Μ
Sur le papier, du moins. C’est surtout le mec discret, celui qui, malgré sa carrure, ne se fait pas trop remarquer mais qui possède en lui un énorme potentiel. Loin des héros qui en jettent et qui aiment qu’on les voit, Arjun ne tire jamais la couverture à lui et marque par sa grande humilité. Tout cela pour ensuite prouver au monde cruel de la politique ce qu’il vaut vraiment.
dans son éducation à détruire Amarendra Baahubali, on le découvre calculateur, fin stratège et meurtrier de sang froid. À la fois frissonnant et jouissif, l’antagoniste Bhallaladeva est celui qui donne au cultissime diptyque tout son caractère. Car pour faire face à un héros iconique, il faut un méchant d’anthologie ! Autant dire qu’ici, le contrat est brillamment rempli. 135
À L A U N E R A N A D A G G U B AT I
RANA EN MUSIQUE MOTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
PARCE QUE DERRIÈRE SES ALLURES DE BAD BOY IMPÉNÉTRABLE ET SA CARRURE D’ARMOIRE À GLACE, RANA EST AUSSI UN SACRÉ LOVER ! Et ces quatre séquences musicales le prouvent parfaitement. L’occasion de découvrir le comédien sous un regard nouveau, en l’occurrence avec des petits cœurs dans les yeux... 136
«Te Am o » DE DUM MAARO DUM (2011, HINDI) COMPOSÉ PAR PRITAM INTERPRÉTÉ PAR ASH KING ET SUNIDHI CHAUHAN MIS EN SCÈNE PAR ROHAN SIPPY
Sur la plage de Goa, Rana arbore un look baba cool avec ses tee-shirts amples et ses cheveux longs. Surtout, il chante son amour à la belle Zoey (Bipasha Basu) sur ce titre enchanteur. Ils sont dans leur bulle, nourrie d’amour et de musique. Joki (son personnage) est un mec simple, entre sa petite boutique de disques et sa moto capricieuse. Et c’est cette humilité qui touche, parfaitement illustrée par le timbre délicat d’Ash King.
« TE AMO » DU FILM DUM MAARO DUM
«O S aat hi ya» DE NAA ISHTAM (2012, TÉLOUGOU) COMPOSÉ PAR CHAKRI INTERPRÉTÉ PAR K.K. MIS EN SCÈNE PAR PRAKASH THOLETI
ALLEZ HOP, COMPLAINTE INTENSE PONCTUÉE DE «YEAH YEAH !» DANS UN DÉCOR EN CARTON-PÂTE ! Mais la mélodie est plutôt efficace, on y voit notre beau gosse chemise à moitié ouverte virevoltant dans le vent et déclamant ses sentiments à l’adorable Genelia D’Souza... De l’huile sur le torse, des ralentis à tire-larigot et une collection de saree impressionnante pour celle qui deviendra la future Madame Deshmukh... Bref, tous les ingrédients sont réunis pour une chanson romantique typique des mélodrames indiens. Et ça marche !
« Auna Ne eve n a » DE RUDHRAMADEVI (2015, TÉLOUGOU) COMPOSÉ PAR ILAIYARAAJA INTERPRÉTÉ PAR HARIHARAN ET SADHANA SARGAM MIS EN SCÈNE PAR GUNASEKHAR
Parce que Rana n’a pas l’ego surdimensionné de certains de ses congénères, il ne voit aucun problème au fait de jouer les seconds couteaux face à la démentielle Anushka Shetty. Ici, il incarne un prince charmant (au sens littéral comme figuré) prêt à donner son cœur à la souveraine Rudrama Devi. Nous sommes au XIIIème siècle et le film est davantage historique que romantique. Pour autant, le prince Chalukya Veerabhadra vient démontrer ici que l’amour traverse tous les âges.
«Su khi b hava» DE NENE RAJU NENE MANTRI (2017, TÉLOUGOU) COMPOSÉ PAR ANOOP RUBENS INTERPRÉTÉ PAR SHREYA GHOSHAL ET ROHITH MIS EN SCÈNE PAR TEJA
Après l’avoir vu dans les prémices de l’amour, transporté ou consumé par ce sentiment, on voit Rana en futur père de famille. Dans cette séquence musicale, son personnage Jogendra s’apprête à vivre les joies de la paternité aux côtés de son épouse Radha (Kajal Aggarwal). La voix cristalline de Shreya Ghoshal exprime totalement la plénitude qu’ils éprouvent à la perspective de ce nouveau chapitre de leur vie commune. 137
CRITIQUES
NORD
CRITIQUE N O R D
MARD KO DARD NAHI HOTA Hyper(in)sensible. MOTS PAR ASMA E BENM ANSOUR
Surya (Abhimanyu Dassani) naît avec une pathologie très rare : l’insensibilité congénitale à la douleur. En effet, il ne ressent rien, qu’il se coupe le doigt avec une enveloppe ou qu’il souffre d’une triplefracture ! Il n’en faut pas plus pour que notre héros se prenne pour un super justicier aux pouvoirs surhumains. Surtout quand il y a en jeu le bonheur de sa meilleure amie Supri (Radhika Madan)...
MARD KO DARD NAHI HOTA N’EST PAS UNE PARODIE, 140
son but n’est effectivement pas de moquer le style du film de kung fu mais de lui rendre clairement hommage. C’est un métrage bourré de références à la musique hindi et au cinéma d’art martial asiatique.
SON STYLE EST NICHÉ ENTRE L’UNIVERS INSOLENT D’UN DEADPOOL ET LE TON NAÏF D’UN DISNEY. Surya est un rêveur à l’âme pure, qui se confronte à un monde cruel et sans pitié.
ABHIMANYU DASSANI DÉGAGE UNE TOUCHANTE INNOCENCE ET INCARNE AVEC SAGACITÉ UN ADULTE EN DEVENIR ANIMÉ PAR SES RÊVES DE GOSSE.
BALA EST DYNAMIQUE, D’UNE RICHESSE IMPRESSIONNANTE.
Fils de l’actrice Bhagyashree, le jeune homme surprend par la finesse de son jeu et la facilité avec laquelle il donne vie à son personnage.
Le métrage ne se voit pas au second degré à la manière d’un Arjun Patiala (également sorti cette année avec Diljit Dosanjh et Kriti Sanon), qui vient clairement moquer le genre du film policier. Au contraire, les séquences de combat de Mard Ko Dard Nahi Hota sont à couper le souffle. Vasan Bala vient ainsi prouver qu’avec de l’imagination et des techniciens compétents, le genre a les ressources nécessaires pour continuer d’exister à Bollywood. D’ailleurs, le budget de Mard Ko Dard Nahi Hota est-il supérieur à celui d’un Simmba ? J’en doute sincèrement.
À SES CÔTÉS, RADHIKA MADAN EST DÉMENTIELLE, À LA FOIS FORTE ET FRAGILE. La belle réalise ses cascades elle-même et confirme son goût pour les métrages singuliers. Après son rôle rugueux et tellurique dans Pataakha, la jeune comédienne surprend en bagarreuse imperturbable. Ses débuts dans le soap opera Meri Aashiqui Tumse Hi sont loin derrière elle !
MAIS CELUI QU’IL FAUT RETENIR, C’EST GULSHAN DEVAIAH. Figure récurrente du cinéma hindi émergent, il est prodigieux dans un double-rôle totalement délirant, qui exploite les clichés narratifs du nanar d’action populaire pour mieux les tourner en dérision, mais jamais en ridicule. Parce que si Gulshan a démontré qu’il était un acteur sérieux et méticuleux, il a l’occasion d’exploiter sa fibre comique avec Mard Ko Dard Nahi Hota... Et quel bonheur ! Il mériterait davantage de personnages de cette envergure tant il y prouve sa polyvalence et son efficacité.
LA RÉALISATION DE VASAN
Aucun temps mort ne réside dans sa narration, le film nous emporte dans la tornade d’aventures auxquelles est confronté Surya.
POURQUOI EST-CE QUE JE TENAIS À PARLER DE MARD KO DARD NAHI HOTA ? Parce que les bons films indiens ne manquent pas. Mais les bons divertissements, oui. Car je fais un distinguo important entre les bons films et les bons divertissements. Il y a des métrages brillants, mais barbants. C’est un fait. On ne les regarde pas pour être diverti mais pour être ému ou cueilli. Il y a des bons divertissements, qui sont des catastrophes techniques et narratives mais qui fonctionnent par leur rythme et leur caractère distrayant.
MARD KO DARD NAHI HOTA EST UN EXEMPLE PLUS RARE (ET RÉCENT) À BOLLYWOOD DE FILM À LA FOIS BRILLANT ET ENGAGEANT. > 141
C’est un film précis, pensé au millimètre par son maître d’œuvre. En un sens, c’est presque triste de se dire qu’il constitue une exception dans son genre tant la majorité des films d’action indiens populaires marquent par leur aspect brouillon et criard.
QUANT À LA MUSIQUE, ELLE EST IMPECCABLEMENT DIRIGÉE PAR KARAN KULKARNI ET DIPANJAN GUHA.
On retiendra surtout « Nakhrewaali » et « Tere Liye » qui viennent sublimer le métrage par leur immense pertinence.
En co ncl u si o n VOILÀ UN PLAISIR DE FILM D’ACTION INTELLIGENT ET INTELLIGIBLE, QUI DIVERTIT PLEINEMENT SANS PRENDRE SES SPECTATEURS POUR DES ABRUTIS !
CRITIQUE N O R D
WAR
ÔDE À HRITHIK ROSHAN. MOT S PAR ELODIE HAM IDOVIC
Quand on visionne une bande-annonce comme celle de War, on se dit que Bollywood va mal ! Un acteur du calibre de Hrithik Roshan se retrouve à jouer dans un film d’action sans trame apparente, aux côtés d’un Tiger Shroff qui n’a eu de cesse de mimer (et de proclamer son amour pour) Hrithik lui-même. Forcément, c’est assez particulier quand ils sont tous les deux à l’écran. L’aura de l’un efface forcément le vide abyssal de la présence de l’autre. Le déséquilibre est si monstrueux que je craignais de voir un personnage sur-valorisé pour Tiger Shroff afin de lui permettre de se faire remarquer.
DIEU MERCI, CE N’ÉTAIT PAS LE CAS. >
En 2 minutes top chrono, Kabir (Hrithik Roshan) tourne le dos à son pays et tue son supérieur. Considéré comme un traitre, ses anciens employeurs font appel à Khalid (Tiger Shroff), ancien membre de l’équipe de Kabir, et accessoirement son protégé d’alors.
ÉVIDEMMENT, IL Y A DAVANTAGE À L’HISTOIRE QU’UNE SIMPLE CHASSE À L’HOMME. Il faut découvrir ce pourquoi Kabir est devenu méchant et pour ça, il faut aussi découvrir le lien qui existe entre Khalid et lui. Je ne vais donc pas vous raconter les quelques choses que j’ai trouvé intéressantes, au risque de vous gâcher le métrage si vous le tentez je suis gentille. Car même si War n’est pas l’oeuvre la plus cohérente du monde, qui reprend la liste des clichés du parfait film
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d’action, elle se regarde tout de même facilement. Je ne me suis pas ennuyée dans la salle de cinéma (pleine à craquer, au passage, hurlant dès qu’un élément perturbateur s’annonçait).
PARCE QUE LE FOND DE L’HISTOIRE, FINALEMENT, ON S’EN FICHE. Il y a même un côté rétro dans War qui est assez sympathique. Mais pour ceux qui aiment les vrais films d’action, vous n’allez pas trouver ça original. Peut-être même que, comme moi, vous devinerez la fin avant les autres ! Je suis devenue douée pour ça, et ceux avec lesquels je suis allée au cinéma se rappellent sans doute du visionnage du film tamoul Richie, durant lequel j’ai balancé en plein entracte un chouette : « Nivin va mourir. » Ce qui est effectivement arrivé, 45 minutes plus tard.
COMME JE LE PRESSENTAIS, HRITHIK ROSHAN SAUVE LE FILM, FAISANT BAVER TOUTES LES FILLES DE LA SALLE (MOI COMPRISE). On ne sait pas grand chose de Kabir, outre le fait qu’il soit un peu prétentieux dans le genre je-suis-un-super-agent, et qu’il a un bon fond. C’est le héros de War. Avec 45 ans assumés et un rôle de mentor qui lui sied à merveille. Tiger Shroff, par contre, a encore beaucoup de travail à faire. C’est dommage, car son personnage est intéressant (et Dieu que c’est rare !). C’est le genre d’acteur qu’on aperçoit à l’écran et dont on n’espère plus rien. À chaque fois que j’avais l’impression qu’il allait nous livrer quelque chose, et bah non ! Même à la fin, s’il semble avoir en lui une petite étincelle, c’est malgré tout trop insuffisant. Le reste du casting n’apporte rien, on ne va pas se mentir. Il n’y a que Hrithik Roshan qui compte.
CONCERNANT CE QUI M’A DÉRANGÉE DANS WAR, ÇA VA ÊTRE SIMPLE : LA CAMÉRA, TOUJOURS À PARTIR EN CACAHUÈTE. J’avais l’impression d’être devant un film amateur, où un mec court en suivant les héros. L’image bouge dans tous les sens. Il y avait beaucoup de scènes différentes, filmées de différentes manières. C’est déstabilisant. Dans Uri - The Surgical Strike, les scènes d’action étaient filmées de manière très rapprochée pour accentuer la violence. Ici, le réalisateur Siddharth Anand change d’idée à chaque prise, sans parler des zooms intempestifs dignes d’un soap opera.
Le film commence par des combats plutôt réalistes (où les mecs ont l’air d’avoir vraiment mal !). Puis, forcément, pour le final, on nous vend des surhommes qui se prennent dix poteaux sans commotion. Sinon, ce n’est pas drôle...
JE ME RÉPÈTE, MAIS CELUI QUI A LARGEMENT GAGNÉ LA GUERRE (WAR), C’EST HRITHIK ROSHAN. Oui, oui. Si vous voulez voir un film pour vous vider la tête, allez-y. C’est du divertissement pur et dur qui fera largement l’affaire.
L’AUDIENCE (MOI INCLUSE) ÉTAIT DANS LE MÊME ÉTAT QUE KHALID FACE À KABIR : SOUS LE CHARME. Tout ce que je veux maintenant, c’est un War 2, dans lequel Kabir poursuit le Don campé par Shahrukh Khan.
AVOUEZ-LE, QUE ÇA DONNE ENVIE !
DÉPASSEMENT DE SOI. Après avoir pris du poids pour le film Super 30, Hrithik Roshan ne disposait que d’un mois pour se remettre en forme en vue du tournage de War ! Il a d’ailleurs posté sur son compte Instagram une vidéo retraçant son combat acharné pour retrouver son corps d’Apollon. Combat remporté haut la main !
QUANT AUX BAGARRES... 145
CRITIQUE N O R D
THE GHAZI ATTACK LA TÊTE SOUS L’EAU. M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
En 1971, un sous-marin indien doit faire face à la menace de son opposant pakistanais. À bord du premier, l’offensif Rannvijay Singh (Kay Kay Menon) souhaite frapper fort pour neutraliser l’ennemi, tandis que le discipliné Arjun Varma (Rana Daggubati) préfère respecter les ordres de sa hiérarchie, qui souhaite les voir rester en retrait...
JE N’AVAIS PAS L’INTENTION DE REGARDER THE GHAZI ATTACK. Les drames sous la mer, où chacun subit son destin à la Titanic... C’est pas ma came. Et puis cette année, j’ai vu le film français Le Chant du Loup, portée par mon affection grandissante pour l’acteur François Civil. Agréablement surprise par le rythme du métrage, je me suis alors dite que j’avais probablement un regard empli de méconnaissance sur ce genre d’œuvres... 146
Et c’est ainsi que je me retrouve devant The Ghazi Attack, d’autant qu’il y a Rana Daggubati au casting, que je trouve formidable !
COMMENÇONS D’ABORD PAR CE QUI M’A FORTEMENT DÉPLU (PARCE QUE JE SUIS UNE RABAT-JOIE !). Il y a ce patriotisme criant, totalement décomplexé et franchement dérangeant tant il dessert le propos du métrage. The Ghazi Attack est une oeuvre très manichéenne, avec les gentils d’un côté (les indiens, bien entendu) et les méchants de l’autre (attention, suspense... ce sont les pakistanais !). En effet, le réalisateur fait tout pour humaniser les soldats de la marine indienne. Pour certains, on entrevoit leur histoire personnelle et leurs fêlures. >
LÀ OÙ LES SOLDATS PAKISTANAIS N’ONT PAS LE DROIT AU MÊME TRAITEMENT. POURQUOI ? Alors je sais bien, le cinéaste Sankalp Reddy est indien, tout comme l’intégralité de son équipe. même les comédiens campant la frappe pakistanaise sont originaires d’Inde. Mais au regard des tensions palpables entre les deux nations, quelle contribution saine un film comme The Ghazi Attack peut bien apporter ?
PLUS ENCORE, QUELLE INTENTION GUIDAIT RÉELLEMENT SANKALP REDDY LORSQU’IL A INITIÉ SON MÉTRAGE ? Surfer sur la vague de patriotisme (et de rejet à l’encontre du peuple pakistanais) en Inde ? Entretenir le clivage entre les deux nations ? Se faire de l’argent sur le dos d’un conflit bien réel et probablement bien plus abscons qu’il n’y paraît ?
LE FILM EST D’UNE PARTIALITÉ ASSEZ RÉVOLTANTE, SANS AUCUN SOUCI DE NUANCE, ET JE N’AI PAS TROUVÉ ÇA JUSTE. Le Pakistan et son armée sont diabolisés au possible, là où l’Inde est glorifiée. Les indiens peuvent décider de tuer, mais ce n’est rien, ils sont guidés dans leurs actions par l’amour de la patrie. De leur côté, les pakistanais décident de tuer tout simplement parce qu’ils sont mauvais... Vous comprenez en quoi c’est problématique ? Je vous avouerai que je ne connais pas grand chose au conflit qui oppose les deux pays, mais je doute
que la responsabilité soit unilatérale. Quoiqu’il en soit, le but ici n’est pas de livrer une photographie juste de l’histoire entre les deux nations. Et ça se sent !
CECI ÉTANT DIT, J’AI TROUVÉ LE FILM TECHNIQUEMENT INTÉRESSANT. La réalisation est très propre, en particulier pour un premier film. Sankalp Reddy livre un métrage précis sur le plan visuel, il maitrise sa caméra pour nous raconter son histoire de la manière la plus efficace possible. Et ça marche ! Car oui, il y a eu des séquences durant lesquelles j’ai eu les larmes aux yeux. Le mariage entre l’image et la musique de Krishna Kumar (dit K) est d’une grande justesse, Sankalp frappe là où il faut sans se planter. S’il n’est pas un narrateur brillant, il est en tout cas un chef d’orchestre convaincant.
MAIS LA VÉRITABLE FORCE DE THE GHAZI ATTACK, C’EST INDÉNIABLEMENT SON CASTING. Kay Kay Menon est d’ailleurs largement en tête. Il prouve une fois de plus avec ce film à quel point Bollywood le sous-exploite. Et s’il a pu briller par le passé dans des films comme Corporate, Life in a Metro ou encore Haider, The Ghazi Attack vient illustrer son incroyable présence dans un rôle disposant de bien plus d’espace dans la trame.
C’EST LUI QUI PORTE TOUTE LA PREMIÈRE PARTIE DU MÉTRAGE SUR SES ÉPAULES, ET QUI LA SAUVE AU PASSAGE DE QUELQUES LONGUEURS. > 147
Pour ce qui concerne notre Cover Star (j’ai nommé ce pur beau gosse Rana Daggubati), il livre quant à lui une prestation fignolée, à la fois en puissance et en retenue. Il incarne ici un lieutenant qui apprend à composer avec l’autorité à bord de ce sous-marin confronté à la menace.
DANS CERTAINES SÉQUENCES MÊME, SON REGARD SEUL FAIT TOUT LE TRAVAIL. Face à lui, Atul Kulkarni surprend également dans un rôle loin d’être aussi secondaire que je le croyais. Il tient au contraire une place majeure dans l’évolution des évènements, véritable bras droit des deux héros de The Ghazi Attack que sont Kay Kay et Rana.
PAR CONTRE, JE ME SUIS POSÉE UNE QUESTION EXISTENTIELLE TOUT AU LONG DU VISIONNAGE... À QUOI TAAPSEE EST-ELLE CENSÉE SERVIR ? Non parce qu’en gros, elle ne fait pas partie de l’équipage, c’est une réfugiée bangladaise qui, comme par hasard, est en fait médecin et permet de sauver plusieurs membres de la marine indienne lors d’une frappe ennemie... Elle est créditée dans le générique de fin comme « apparition spéciale », mais sincèrement, je ne vois pas quel enjeu recouvre son personnage. Plus inutile, tu meurs ! On la voit en fond dans quelques scènes, où elle fixe les officiers en action avec un regard de chouette. Moi qui suis de coutume fan de Taapsee, je l’ai trouvée tout à fait oubliable dans un rôle qui ne lui donnait de toute façon aucune matière.
En co ncl u si o n THE GHAZI ATTACK EST LOIN D’ÊTRE PERTINENT MAIS POSSÈDE QUELQUES INSTANTS DE GRÂCE, QU’IL DOIT ESSENTIELLEMENT À SES ACTEURS MASCULINS, AUQUEL SANKALP REDDY FAIT LA PART BELLE. Dommage qu’il n’en ait pas fait de même pour son unique personnage féminin. Surtout, j’aurais apprécié plus de justesse dans le traitement de l’intrigue, soit sur le plan historique en documentant l’oeuvre de références aux faits réels, soit en faisant preuve d’un peu plus de distance...
CRITIQUE N O R D
Aamhi Doghi
Toutes les deux. MOTS PAR ELO DI E HAM IDOVIC
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Premier film de la réalisatrice Pratima Joshi, Aamhi Doghi est inspiré du poème marathi Paus Ala Motha de Gauri Deshpande. Curieuse de découvrir cette oeuvre vendue comme un drame féministe, je me suis lancée dans le visionnage sans avoir la moindre idée de sa trame, en dehors peut-être du fait qu’il porterait sur une mère. J’avais tout faux... Savitri (Priya Bapat) a 15 ans quand son père (Kiran Karmarkar) débarque un jour avec une nouvelle femme, Amala (Mukta Barve). Le métrage raconté par une Savitri adulte, retrace cette relation particulière qu’elle a nouée avec sa jeune belle-mère : en effet, Ammi, comme elle est surnommé, n’a que quelques années de plus qu’elle.
AU DÉBUT, ON PEUT ÊTRE UN PEU PERPLEXE. L’histoire prend son temps avec certaines scènes silencieuses et des plans plutôt basiques. J’imagine que le but est d’instaurer l’ambiance dans laquelle a grandi Savitri. Elle n’a jamais connu sa mère, a évolué entourée de domestiques. Et son père, avocat, est toujours très occupé. Lorsque celui-ci ramène une inconnue, elle est déçue par le fait que son père l’ait complètement ignorée. Savitri veut savoir, elle se nourrit de ce qui l’entoure et refuse de ne pas être impliquée dans les décisions importantes. Elle n’en veut pas à Ammi d’être là, elle en veut surtout à son père.
ET CETTE RELATION COMPLEXE QUI DÉRAILLE COMPLÈTEMENT EST MISE EN ÉVIDENCE TRÈS VITE. Savitri devient alors une adolescente rebelle, tout en découvrant Ammi qui est très loin d’avoir son éducation, son esprit critique ou encore son entêtement. 150
Amala ne sait ni lire, ni écrire. Elle est discrète, serviable et cherche à bien faire sans déranger cette famille qui est désormais la sienne. On la sent loyale à son époux, tout en essayant de se faire accepter de sa bellefille qui est déjà une adulte.
LE TRAVAIL DE PRATIMA JOSHI EST BOURRÉ DE DÉLICATESSE. Savitri est une femme ambitieuse, logique. Elle est très pragmatique et refuse de vivre en dehors de ses propres termes. Son quotidien, elle l’a choisi et ne le regrette en rien. C’est le contraste avec Ammi qui remettra en question ses certitudes. Nous avons là deux femmes fortes, chacune à leur manière, qui sont mises en avant à travers une très belle histoire. J’ai vraiment apprécié la psychologie des personnages et les liens qui les unissent les uns aux autres.
PLUS LE TEMPS PASSE, PLUS LA CAMÉRA PREND VIE. Le rythme du film s’accélère au fur et à mesure et on finit par ne plus faire attention à certaines choses, comme des séquences un peu moues ou des répliques dont on ne comprend pas du tout le sens - la faute aussi, peut-être, à une traduction anglaise un peu large. J’ai presque l’impression que la réalisation évolue au même titre que ses héroïnes.
AAMHI DOGHI N’INVENTE POURTANT PAS GRANDCHOSE ! Mais sa simplicité est efficace, et son regard moderne aussi. Le film soulève les bonnes questions sans jamais sombrer dans le jugement. ll ne faut pas toujours chercher à savoir qui a raison, ni qui a tort.
CAR SAVITRI AIME CONTRÔLER SON QUOTIDIEN ET VOIR LES CHOSES D’UNE SEULE MANIÈRE. MAIS QUAND RIEN NE SE PASSE COMME PRÉVU, ELLE EST INCAPABLE DE RÉAGIR RÉELLEMENT. DE S’EXPRIMER RÉELLEMENT. LES ACTEURS SONT TOUS TRÈS BONS. Alors pendant la première partie, j’ai eu un peu de mal à être convaincue par Priya Bapat, mais elle se rattrape très bien dans la seconde, devenant une Savitri adulte décidée. Dans le rôle du père, Kiran Karmarkar arrive à nous toucher dans ses silences, surtout quand il se retrouve impuissant face à sa fille.
QUANT À MUKTA BARVE, ELLE EST JUSTE PHÉNOMÉNALE. Elle a ce regard qui traduit exactement les sentiments d’Ammi. Je suis très curieuse de découvrir davantage sa filmographie, notamment le récent Smile Please, dont la bande-annonce a été promue par le King Khan lui-même ! Enfin, petite mention spéciale aux deux acteurs secondaires qui ont su jouer leur partie sans problème : Bhushan Pradhan, en Ram, le beau-gosse du film et Aarti Wadagbalkar en tant que Neha, la meilleure amie toujours là malgré les années !
En co ncl u si o n IL Y A UN PARALLÈLE QUE J’AI BEAUCOUP AIMÉ DANS LE MÉTRAGE. Au début, une très jeune Savitri se force à pleurer pour marquer le manque de sa mère. À la fin, les larmes coulent toutes seules. Le film n’est peut-être pas parfait, mais on se laisse aisément porter par cette petite histoire et on en garde un bon souvenir !
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Bci nem a& U L E C I N É M A TA M O U L C O M M E V O U S L’A I M E Z ! Fondé en 2013, Bcinema&U est un groupe de jeunes passionnés du cinéma tamoul chargé de la promotion des films sortant en France, en partenariat officiel avec l’ensemble des distributeurs, cinémas et prestataires. Actif et accueilli massivement au sein des réseaux sociaux, la vocation principale de ce groupe reste avant tout de partager sa passion pour le cinéma.
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CRITIQUES
SUD
CRITIQUE F L AS H BAC K
MOONU MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR
DIFFICILE DE TROUVER LES MOTS POUR QUALIFIER L’EFFET QU’A EU MOONU SUR MOI. Il faut dire que j’avais regardé le film suite au buzz créé par l’une de ses chansons, « Why This Kolaveri Di », un dappankuthu délirant mêlant tamoul et anglais. J’étais donc loin d’imaginer ce qui m’attendait en découvrant le métrage. En revanche, j’avais adoré le reste de la bande-son, composée par le jeune Anirudh Ravichander. L’album était effectivement truffé de tubes, du poignant « Poo Nee Poo » au romantique « Idhazhin Oram ». Je ne savais clairement pas où je mettais les pieds, mais j’avais le souvenir d’avoir beaucoup aimé Dhanush dans des films comme Kaadhal Kondein, Kutty, Yaaradi Nee Mohini ou encore Uthama Puthiran. Tous ces éléments m’ont alors poussée à découvrir Moonu (ou 3 en chiffre).
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Le casting comme les chansons avaient vite fait de me convaincre que j’allais passer un bon moment... Quelle erreur !
NON PAS QUE JE N’AI PAS AIMÉ CE FILM, BIEN AU CONTRAIRE ! MAIS QUEL MOMENT DE DÉCHIREMENT ! L’idylle adorable entre Ram (Dhanush) et Janani (Shruti Haasan) se transforme rapidement en triangle amoureux d’un autre genre, terriblement cruel... Sur la bollysphère française, il fait partie des rares films de Kollywood à s’être fait une place notable dans le cœur des fans non tamouls de cinéma indien. Et si demander l’avis des spectateurs revenait à prêcher une convaincue (puisque Moonu est l’un de mes métrages favoris), je voulais savoir ce qui rendait cette oeuvre si spéciale. Alerte spoilers, pour ceux qui n’auraient pas encore eu la chance de le visionner ! La parole est à vous...
Jessye CE FILM EST UNE PERLE DU SUD ! Le scénario reste simple mais le jeu des acteurs est d’un naturel bluffant. Ils rendent l’histoire encore plus touchante. Cet amour simple, un peu niais mais dans le respect nous renvoie à nos jeunes années. Et puis, on a le combo gagnant du film indien romantique par excellence : un amour de jeunesse, des parents sévères et un départ prévu. Mais peut-être un peu banal… Et donc, sur la première heure de film, on pourrait croire à certaines longueurs. Or, on a hâte de comprendre le « comment du pourquoi » des 5 premières minutes du film, emplies de mystère. En effet, on ne sait pas ce qu’il s’est passé, donc on ne peut être réellement touché au départ par le désarroi de Janani. Mais plus on avance, plus les allers-retours entre ses souvenirs et son quotidien nous émeuvent. J’ai aimé le fait que ce soit amené comme ça. Car ça nous permet de rester dans le film. La partie fleur bleue finit par être engloutie par l’apparition de la maladie de Ram, autant dans l’histoire que pour le spectateur. L’angoisse et la violence de certaines scènes nous transpercent autant que la naïveté de leur amour naissant.
TOUT S’ÉCROULE ! On voit prendre place les 4 grands protagonistes de l’histoire : Janani, Senthil, Ram et sa maladie. Et c’est là que le film explose en émotions… On en a partout, et on ne sait même plus à qui distribuer notre empathie. Ce film montre comment un bonheur construit sur l’amour et grâce à l’amour peut être détruit par la maladie. Pour moi, la mort ici n’est que délivrance et
preuve d’amour. Et j’étais soulagée qu’elle arrive. Dans ce film, l’ennemi numéro 1 de la vie et de l’amour est la maladie, purement et simplement. On voit l’importance des liens familiaux, des liens d’amitié, de la confiance entre une femme et son mari. Ce film souligne la pureté des relations, mais aussi la peur de décevoir, de perdre la personne que l’on aime. Puis le désarroi de perdre la personne que l’on aime et de se perdre dans cette folie et enfin, de finir par blesser la personne que l’on aime. Un jour, j’ai écrit : « L’amour, c’est se risquer à ce qu’il y a de pire pour ce qu’il y a de meilleur. » Et je trouve que ce film en est l’image parfaite. Ils avaient le meilleur, mais le pire s’est invité. Merci Asmae de m’avoir permis de me replonger dans ce film magnifique.
Fat i ha Un film romantique avec une réalisation très simpliste mais un scénario qui vous prend aux tripes ! Le duo d’acteurs fonctionne à merveille et la musique est sublime.
Bri ce J’AI TOUJOURS EU DU MAL AVEC LES LANGUES DRAVIDIENNES, CAR EN BON PETIT FRANCOPHONE MOYEN QUI SE LIMITE À SES CONNAISSANCES, LORSQUE LA LANGUE M’EST INCONNUE, J’AI COMME QUI DIRAIT UN PEU DE MAL... Une excuse bien peu acceptable au regard des films merveilleux que je loupe en masse, ce dont j’ai pleinement conscience... À la demande d’Asmae en qui j’ai une confiance aveugle lorsque nous parlons de cinéma, > 155
j’ai pris le temps de regarder un film en langue tamoule, dont j’avais eu de nombreux retours positifs. Après m’être finalement lancé dans le cadre de cet article, je dois avouer que l’histoire a finalement pris le dessus sur cet idiome qui me bloquait à la base.
3 N’EST PAS LA ROMANCE MIGNONNE À LAQUELLE JE M’ATTENDAIS DANS UN PREMIER TEMPS. Un film qui, 24 heures après le visionnage, me laisse encore dans le flou total, une œuvre qui use de symboles forts et d’une psychologie profonde pour rendre justice à une histoire difficile à voir et à comprendre. J’avais entendu parler du charisme de l’acteur Dhanush, que j’avais pourtant vu dans le film Raanjhanaa sans en avoir un grand souvenir. Mais à l’instant où je couche mes mots sur papier, je comprends beaucoup mieux les acclamations qu’il a reçu. Je ne parlerai pas de Shruti Hassan, qui (à l’image de Sonakshi Sinha) a su prouver son potentiel remarquable dans un seul et unique film (3 pour l’une, Lootera pour l’autre), mais qui s’obstine depuis à signer des projets en masse qui ne lui laissent aucune place. Il est grand temps pour elle d’en prendre conscience.
J uli a C’EST MON PREMIER FILM TAMOUL, LE FILM QUI M’A FAIT DÉCOUVRIR UNE INDUSTRIE TOTALEMENT INCONNUE À MES YEUX ! Et quel film pour s’initier à Kollywood ! Il restera l’un de mes films favoris, 156
l’histoire est forte et bien écrite. Car en plus de la romance, il traite d’une maladie assez méconnue en Inde. Les rôles sont interprétés à merveille par un grand Dhanush toujours au top et une formidable Shruti en femme meurtrie qui m’a tellement émue...
C’EST EXACTEMENT LE GENRE D’OEUVRE QUE JE RECHERCHE EN REGARDANT UN FILM ISSU D’UNE INDUSTRIE DE L’INDE DU SUD, LOIN DU BLING BLING OU DES HISTOIRES TROP BELLES POUR ÊTRE VRAIES QU’ON A L’HABITUDE DE VOIR CHEZ SON COUSIN BOLLYWOODIEN. Ici, on a droit à des histoires qui nous ramènent à la réalité, ce qui ne fait pas de mal de temps en temps ! Et je n’oublie pas les musiques « Kannazagha » et « Why This Kolaveri Di » qui sont géniales...
S harm eel a J’ai pas la plume, mais juste pour Moonu, j’accepte de m’exprimer. Voilà un film qui a rencontré un énorme succès pas seulement en Inde, mais à l’international. Mon film préféré. Tout d’abord pour Dhanush, qui a prouvé encore une fois ses talents d’acteur. Il s’est approché des familles qui ont vécu le même problème afin de pouvoir incarner son rôle. D’ailleurs, la fin est tellement bien jouée par ce dernier... Pour la bande-son du film, il a écrit la chanson « Why This Kolaveri Di » en moins de 5 minutes. Il a aussi fait découvrir au grand public le génial Anirudh, compositeur du métrage qui a fait un carton par la suite. Et je rajouterai que j’ai remarqué que grâce à ce film, les internautes français fans de Bollywood ont commencé à s’intéresser à Kollywood et à Dhanush...
CRITIQUE S U D
SUPER DELUXE mosaïque MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR
J’avais terriblement envie de voir Super Deluxe, essentiellement pour sa distribution masculine dont je suis une immense fan (Fahadh, je t’aime ! Quant à toi Vijay, épouse-moi !). Je me souviens avoir été captivée par la bande-annonce, ingénieuse et énigmatique qui donnait envie tout en maintenant le mystère sur le contenu de l’intrigue. Bref, de quoi me mettre l’eau à la bouche !
LE FILM S’APPUIE SUR UNE PALETTE DE PERSONNAGES TOUS LIÉS ENTRE EUX D’UNE MANIÈRE OU D’UNE AUTRE. Telle une mosaïque, l’oeuvre de Thiagarajan Kumararaja tisse ses sous-intrigues les unes aux autres pour créer un ensemble fort et palpitant. La réalisation est d’une immense précision, à la fois dans la netteté des plans et du cadre que dans le montage et l’enchaînement des événements. La maîtrise de Kumararaja est incroyable tant il bluffe par l’intelligence de sa caméra et par sa capacité à nous raconter ces histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres sans aucune fausse note. Super Deluxe s’apparente très clairement au cinéma indépendant dans son essence tout en étant porté par un casting de stars.
Commençons par le Makkal Selvan (surnom attribué à la star, qui signifie en tamoul « l’acteur du peuple ») ! L’un de mes comédiens préférés au Tamil Nadu qui, par la pertinence de ses choix artistiques et la générosité de son jeu, m’a permis d’entrevoir le cinéma de cette région sous un autre angle. Oui, Vijay Sethupathi est absolument phénoménal dans un vrai rôle de composition, là où il avait eu tendance à s’enfermer dans des prestations plus répétitives ces dernières années (avec des films comme Junga, Kavan ou encore Rekka), la faute au succès. Dans la peau d’une femme transsexuelle qui retrouve sa famille après une longue absence, l’acteur apporte à son personnage une sensibilité déliée et beaucoup de vérité.
LE JEUNE ACTEUR QUI INCARNE RAASU KUTTY, ASHWANTH ASHOK KUMAR DE SON NOM, EST TOTALEMENT BLUFFANT ! Parce que si souvent, les enfants dans les films singent les adultes ou forcent le trait de l’immaturité, on a ici un bel exemple de prestation mesurée et sincère de la part d’un petit garçon. Ashwanth partage d’ailleurs avec Vijay Sethupathi une adorable complicité, qui prend aux tripes.
DES VEDETTES QUI OSENT PRENDRE DES RISQUES, NE PAS ÊTRE L’UNIQUE TÊTE D’AFFICHE TOUT CELA POUR SERVIR UNE HISTOIRE FORTE QU’ILS DÉFENDENT PAR LEURS PRESTATIONS IMPECCABLES, C’EST ASSEZ RARE POUR ÊTRE SOULIGNÉ.
IL Y A ENSUITE UN ACTEUR MALAYALAM DÉMENTIEL, DONT JE SUIS LA CARRIÈRE AVEC UNE GRANDE ATTENTION DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES : FAHADH FAASIL, LITTÉRALEMENT HABITUÉ À L’EXCELLENCE.
Le résultat est téméraire, complètement atypique et franchement jouissif !
C’est vraiment un comédien qui ne sait pas être moyen et qui, même au service > 159
d’un rôle plutôt creux sur le papier, déploie une formidable énergie. Il ne déroge pas à la règle avec ce film et fait au passage son trou dans l’industrie de Kollywood, après des débuts honorables dans Velaikkaran (sorti en 2017).
D’ailleurs, son histoire sur la foi et ses limites est probablement l’une des plus captivantes. Sa dernière scène nous cloue à notre siège tant ses répliques sont à propos. Et la comédienne y donne vie avec une précision chirurgicale.
Pour lui donner la réplique, la bankable Samantha Akkineni constitue une agréable surprise, plus nuancée et feutrée qu’à l’accoutumée. D’autant que Super Deluxe est radicalement éloigné de son univers de prédilection, très commercial et donc franchement cabotin.
SUPER DELUXE EST UN GRAND DÉLIRE, UN VOYAGE PSYCHÉDÉLIQUE.
CAR EFFECTIVEMENT, L’ACTRICE A SU S’ADAPTER AU CARACTÈRE PRÉCIS DU MÉTRAGE QU’ELLE VIENT ICI SERVIR EN NE CHERCHANT PAS À OCCUPER TOUT L’ESPACE. Par ailleurs, elle partage avec son partenaire Fahadh Faasil une remarquable dynamique. Assurément, les conversations entre Vaembu (Samantha) et Mugil (Fahadh) sont aussi décalées que pertinentes. Par exemple lorsque, dans la voiture, le couple fait le bilan de son mariage alors que le corps de l’amant de la première est positionné sur la banquette arrière... Les deux comédiens partagent une étonnante complicité qui donne le souffle nécessaire à tous ces instants que leurs personnages partagent.
PASSONS DÉSORMAIS À L’ÉPATANTE RAMYA KRISHNAN, HYPER NUANCÉE DANS UN RÔLE POURTANT PLUS RÉDUIT SUR LA PELLICULE. 160
Complètement décomplexé mais jamais graveleux. Le vocabulaire y est fleuri, certaines scènes marquent par leur brutalité. Pour autant, le cinéaste ne joue jamais le jeu du voyeurisme. Super Deluxe est à la fois noir et coloré. Il ne tombe pas dans le misérabiliste et en même temps, il reste très fidèle à la réalité. Bref, la vie telle qu’elle est. La photographie époustouflante de PS Vinod et Nirav Shah comme la musique de Yuvan Shankar Raja viennent contribuer à l’élaboration de cette ambiance envoûtante.
LES DIALOGUES SONT VRAIMENT AU POINT, ET DITES-VOUS QUE JE NE PARLE PAS UN MOT DE TAMOUL ! C’est dire si c’était qualitatif tant je suis probablement passée à côté de la profondeur de certaines répliques inhérentes à l’idiome lui-même et à ses subtilités. Du directeur d’école qui s’adresse à Shilpa comme si elle était un animal aux invités végétariens de Mugil qui demandent si le réfrigérateur ne contient pas de viande (alors que le corps de l’amant de sa femme s’y trouve)... Chaque phrase, chaque silence et chaque mot tombe à pic. C’est piquant, hilarant et parfois corrosif. Mais c’est surtout incroyablement sagace.
SUPER DELUXE EST NOURRI PAR LA CULTURE POPULAIRE, QUELLE SOIT TAMOULE OU INTERNATIONALE.
Qu’est-ce qui est le plus immoral ? Jouer dans un film pornographique ou en regarder des centaines ? Tromper son mari ou subir un mariage malheureux ? Devenir transgenre ou vivre une existence dans le mensonge ?
Le métrage est truffé de références aux films de série B, à la musique classique et même à Star Wars. Il vient ainsi illustrer comment la société d’en bas est influencée et nourrie par la culture et les médias. Les affiches que l’on voit dans les coins de rue ou dans les boutiques parlent d’elles-mêmes : de Kill Bill à Gangs of Wasseypur, en passant par Badlapur. L’oeuvre de Thiagarajan Kumararaja est marquée par la sensibilité de son metteur en scène pour le cinéma de genre mais aussi pour des réalisateurs comme Douglas Sirk (dans sa structure narrative comme dans ses couleurs) et Quentin Tarantino (dans sa folie ambiante et son rythme cadencé).
SUPER DELUXE DÉNONCE CETTE MORALE À DEUX VITESSES, CELLE QUI CONDAMNE LES TRANSGENRES MAIS TOLÈRE LES ABUS SEXUELS, CELLE QUI DIABOLISE L’INFIDÉLITÉ MAIS TROUVE NORMALE LES MARIAGES BASÉS SUR LES CASTES.
C’EST RICHE, INTENSE VISUELLEMENT COMME ÉMOTIONNELLEMENT. Il y a de la satire, du drame, de la tension, de l’émotion pure, des instants WTF, et tous ces éléments se marient à merveille pour former le brillant tout qu’est Super Deluxe. À la fois instable et savamment dosé, le résultat fonctionne indéniablement. Le démarrage de chaque histoire, le point culminant de chaque film commence par une seule et même chose : le pêché, cet acte dénoncé par la société dans lequel vivent les protagonistes et qui est la source de leurs problèmes.
LE MÉTRAGE VIENT QUESTIONNER LA NOTION DE MORALE ET LA DÉCONSTRUIRE AU TRAVERS DES PARCOURS DE SES HÉROS.
Le rôle de Berlin (redoutable Bagavathi Perumal) est l’incarnation de cette hypocrisie par son caractère malsain et toxique. Officier de police décoré, il est pourtant le personnage nauséabonde du film par son comportement.
En co ncl u si o n APRÈS DES PROPOSITIONS BRILLANTES COMME TUMMBAD ET ANDHADHUN, SORTIES L’AN DERNIERS À BOLLYWOOD, LE CINÉMA INDIEN MONTE D’UN CRAN AVEC SUPER DELUXE EN TERMES DE QUALITÉ ET D’IMPACT. De l’ambition, du génie et beaucoup d’âme... Bref, de quoi avoir foi en l’avenir du septième art du sous-continent s’il s’inscrit dans cette nouvelle lignée.
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CRITIQUE S U D
K AT H E YO N D U S H U R U VA G I D E (PARENTHÈSE INATTENDUE.) M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
Si vous lisez mon travail depuis quelques temps, vous savez que j’ai tenté quelques vaines incursions dans le cinéma kannada, qui ont hélas résulté en échecs cuisants ! Entre Milana et Urvi (pour n’évoquer que les films sur lesquels j’ai posé des mots dans ce magazine), je me disais que le cinéma de Sandalwood manquait d’une cruelle inspiration.
POURTANT, UNE EXCEPTION À LA RÈGLE RÉSIDE : DIGANTH MANCHALE. Quésaco, vous dites ? C’est quoi, ça ? Un antibiotique ? Non, viles gredins ! C’est le nom d’un de mes nombreux béguins. Parmi ces acteurs pour lesquels j’ai craqué (pour des raisons pas très artistiques). Je l’avoue, j’ai commencé à le suivre essentiellement parce que je le trouvais mignon. Superficialité, bonjour ! J’avais donc vu deux de ses métrages, Manasaare et Lifeu Ishtene, avec pour seul dessein de baver sur lui pendant 2h30... Pour finalement trouver l’acteur très juste, en plus d’être absolument adorable ! J’avais donc l’envie de découvrir davantage d’œuvres de sa filmographie, qui n’étaient à l’époque pas disponibles en ligne dans leur version sous-titrée... J’avais donc abandonné Diganth au profit d’acteurs dont les productions étaient plus accessibles. Hélas. Les années passent, je garde un œil attentif mais assez distant sur le travail du jeune homme. Dans l’intervalle, je contracte un abonnement 162
à la plateforme de streaming Amazon Prime Video, concurrent direct du géant Netflix. Et ce pour une raison très simple : la mise en ligne grandissante (et avec des sous-titres !) de films indiens partenaires du média. C’est alors que parmi la liste des métrages du sous-continent figurants sur Amazon, je vois Katheyondu Shuruvagide. Et non, ce n’est pas un anti-gastralgique, mais le titre d’un film. Avec la bouille de ce cher Diganth ! C’est dans des moments comme ça que je regrette de ne pas savoir faire la roue...
KATHEYONDU SHURUVAGIDE CONSTITUE LA DEUXIÈME RÉALISATION DE SENNA HEDGE, PAR AILLEURS PRODUITE PAR LA SENSATION KANNADA RAKSHIT SHETTY. L’image de Sreeraj Raveendran (auquel on doit notamment la pellicule impeccable du film malayalam Godha) est magnifique, captant la beauté de la province d’Udupi, coin méconnu du Karnataka. Le métrage s’attache à nous embarquer dans ce petit coin de paradis en bord de mer, presque trop beau pour être vrai. C’est en tout cas l’endroit où tout semble possible pour nos protagonistes.
VOILÀ UN FILM QUI REFLÈTE LA VIE, SANS SE CONFORMER À DES SCHÉMAS NARRATIFS ÉTRIQUÉS ! >
C’est particulièrement appréciable quand on parle de cinéma kannada populaire, qui est davantage habitué aux grosses ficelles des films d’action abrutissants ou aux sillages réducteurs des comédies romantiques peu inspirées. Bien sûr, Sandalwood a aussi produit des pépites comme Lucia, U Turn ou encore Kirik Party. Mais ces petits films rondement menés sont malheureusement noyés dans le reste de la production locale qui, il faut l’avouer, n’a rien de bien glorieux à offrir. Et après quelques expériences pas très concluantes avec le cinéma kannada, j’ai trouvé LE film qui allait me permettre de défendre le potentiel caché de cette industrie.
BIEN SÛR, ON PART D’UN ARCHÉTYPE CINÉMATIQUE BIEN CONNU : UN FILM CHORAL SUR DES ÂMES BRISÉES EN QUÊTE D’UN AMOUR RÉPARATEUR. Il y a cela dit du Richard Linklater dans ce métrage. Un brin de son Before Sunrise qui aurait eu un enfant avec le Bangalore Days d’Anjali Menon. Ce film a la saveur d’une oeuvre malayalam contemporaine absolument enivrante. Et c’est une excellente nouvelle ! Katheyondu Shuruvagide peint un tableau panoramique et ne se centre pas uniquement sur l’histoire entre Tarun (Diganth Manchale) et Tanya (Pooja Devariya). Il donne de l’espace à Murthy et sa femme Radha tout comme à l’amoureux transi Pedro (Ashwin Rao Pallaki), employé au sein de l’hôtel du héros, qui n’a d’yeux que pour sa collègue Swarna (Shreya Anchan). Le regard vitreux du charmant Diganth (qui a pris quelques années dans la figure, il faut le dire...) peut faire peur dans les premières 164
minutes. Mais l’acteur prouve sa bouleversante sensibilité avec ce rôle. Lui qui avait été gâché en 2015 au service du minable métrage hindi Wedding Pullav vient prouver avec Katheyondu Shuruvagide pourquoi il est si populaire au Karnataka.
INCARNATION DU JEUNE PREMIER ROMANTIQUE À SANDALWOOD, IL LIVRE ICI UNE PRESTATION PLEINE DE MATURITÉ ET DE RETENUE, LOIN DES MASALA LOCAUX OÙ LE CABOTINAGE FAIT LÉGION ! Face à lui, Pooja Devariya fait ses débuts au cinéma kannada avec ce film, après avoir
MAIS POUR LEQUEL ON ÉPROUVE UNE VÉRITABLE SYMPATHIE. Car oui, il est drôle, mais pas que ! Aruna Balaraj et Babu Hirannaiah sont aussi merveilleux dans les rôles de Radha et Murthy respectivement. Tendres et sincères, ils ne sont pas que les parents bienveillants de Tarun mais ont leur propre histoire à raconter.
TOUT NE GRAVITE PAS AUTOUR DE TARUN.
travaillé dans plusieurs projets au Tamil Nadu sur grand écran comme sur les planches. Amplitude et vulnérabilité sont les termes qui qualifient sa prestation, formant un parfait équilibre avec le jeu, plus feutré et intérieur, de son partenaire. Aussi, Ashwin Rao Pallaki m’a particulièrement touchée dans un rôle de simplet au grand cœur, dont les maladresses et la gaucherie font tout son charme.
LE CINÉASTE SENNA HEDGE A FAIT PREUVE DE SUFFISAMMENT D’INTELLIGENCE ET DE BIENVEILLANCE POUR NE PAS EN FAIRE UN PERSONNAGE DONT ON VA SE MOQUER,
Diganth n’est effectivement pas positionné comme le centre névralgique de l’oeuvre, et la réalisation de Senna Hedge ne va jamais dans ce sens-là. L’importance est donnée à ce tout que les personnages forment communément, à cet alliage entre la direction d’acteurs et l’image, entre les décors et la musique. Katheyondu Shuruvagide forme un tout. Et c’est dans cet ensemble et dans cette collégialité que l’oeuvre résulte en réussite. Aussi, rien n’est poussif ou tire-larmes. La mise en scène marque par sa simplicité et, de fait, par l’authenticité des histoires qui y sont narrées. Ce périple sensible est clairement émouvant, mais jamais à l’excès.
En co ncl u si o n Katheyondu Shuruvagide s’attache aux petites joies de l’existence, à ces petits riens qui font toute la différence. Rien de grandiloquent ni de mélodramatique. On se délecte de cet instant suspendu de 2 heures et 15 minutes. Senna Hegde manie son oeuvre avec une science éblouissante de la narration, des plans et des personnages. Un métrage qui déborde de tendresse et d’humanité, à ne surtout pas louper ! 165
CRITIQUE S U D
ishq L’HISTOIRE D’UN AMOUR... M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C
Sortie en mai dernier, cette réalisation d’Anuraj Manohar a créé la surprise auprès de l’audience. Car contrairement à ce que son titre semble indiquer, Ishq n’est pas une histoire d’amour. Encore moins une comédie familiale destinée aux masses. Bien au contraire, le métrage traite d’un sujet sensible, en l’occurrence les crimes moraux. Mais pas seulement. Alors oui, ça commence de façon vraiment adorable, avec Sachi (Shane Nigam) et Vasudha (Ann Sheetal) qui prévoient leur première nuit ensemble. Ils sont sérieux l’un envers l’autre, ayant déjà discuté de mariage et du futur. Ce soir-là, ils projettent 166
simplement de conduire toute la nuit et de profiter de cet instant tous les deux. Clairement épris l’un de l’autre, les amoureux sont tout bonnement attachants et donnent vraiment le sourire. Sauf que tout ne se passe pas comme prévu, car trouver deux célibataires dans une voiture tard la nuit, ça porte à confusion…
LE FILM TIENT EN HALEINE, DU DÉBUT À LA FIN. Au départ, j’avais peur de me retrouver face à une autre version de Kali, sorti en 2016 avec Dulquer Salmaan et Sai Pallavi. Le métrage
précité porte effectivement sur un couple dont la soirée bascule face à des truands. J’ai également pensé à NH10, m’attendant au pire à chaque nouvelle scène puisque tout porte à croire que c’est la police morale qui s’acharne sur Sachi et Vasudha.
MAIS NON. ISHQ MET EN AVANT PLUSIEURS CHOSES. Premièrement : est-ce qu’un homme doit forcément être musclé et frapper les méchants pour sauver sa bien-aimée ? Shane Nigam, du haut de ses 23 ans, joue le rôle d’un jeune homme amoureux, naïf et fragile. Un garçon qui veut toujours bien faire, qui a bon cœur. Si un mec regarde sa copine, il va essayer de calmer les choses de façon très calme et polie. Or, face à la police, que peut-il réellement faire ? Jouer au héros, est-ce vraiment une option ?
L’ACTEUR EST JUSTE GÉNIAL. Il parvient à retranscrire toutes les étapes émotionnelles que traverse Sachi durant cette soirée, et même plus tard ! Car c’est ça qui est intéressant dans Ishq (et donc qui constitue mon deuxième point) : que se passet-il après un tel traumatisme ? On porte plainte ? On n’en parle pas ? On se venge ? On fait comme si rien ne s’était passé ? Et dans la tête des victimes, qu’est-ce qui se joue ?
POUR MIEUX VOUS LAISSER PROFITER DU FILM, JE NE VAIS RIEN RÉVÉLER. Mais c’est vraiment l’après qui donne encore plus de force au métrage d’Anuraj Manohar. La caméra ne cesse de jouer avec le spectateur, comme pour nous donner le doute sur ce que nous voyons ou comprenons. Ici, pas la peine d’essayer
de prédire les actions des personnages. Aussi, ce qui est très particulier dans Ishq, c’est que rien n’est gravé dans la roche.
TOUT EST DÉCONSTRUIT, DU HÉROS À SA RELATION AVEC VASUDHA, EN PASSANT PAR LE TERRIBLE ALWIN (PRODIGIEUX SHINE TOM CHACKO). Pour ce premier long-métrage, on peut dire que le réalisateur a un sacré talent ! Son équipe, d’ailleurs, est au top : de la photographie à la musique d’ambiance, tout y est ! Le film ne possède d’ailleurs que deux chansons, dont la merveilleuse « Parayuvaan » avec la voix délicieuse de Sid Sriram.
ÉVIDEMMENT, IL Y A QUELQUE CHOSE DANS ISHQ DE TRÈS PARTICULIER QUI FAIT QUE CHACUN INTERPRÉTERA L’HISTOIRE À SA MANIÈRE. Anuraj Manohar me fait penser à Anurag Kashyap dans son approche de la psychologie des protagonistes. Un jeu troublant entre fiction et réalisme. Du génie.
ACCROCHEZ-VOUS JUSQU’À LA FIN CAR FRANCHEMENT, ÇA EN VAUT LA PEINE. COUP DE COEUR ! 2019 est l’année du jeune Shane Nigam, qui avant Ishq, s’est fait remarquer dans l’encensé Kumbalangi Nights !
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CRITIQUE S U D
NENE RAJU NENE MANTRI Ra n a en c o l è re . M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR
BAH OUI, C’EST QU’IL EST HOT, LE GRAND RANA, QUAND IL SE FÂCHE TOUT ROUGE ! Alors on va lui demander de faire sa tête de constipé pendant la majeure partie du film, histoire de donner des bouffées de chaleur à toutes ses groupies ! Bon, je suis méchante. Cela dit, je vous avertis tout de suite : Nene Raju Nene Mantri est mauvais. Un ratage complet. Une catastrophe visuelle, auditive et technique. Nul. Dans le sens du néant abyssal du cerveau d’un candidat des Ch’tis à Mykonos. Mais Rana n’y est pour rien. Au contraire, il arrive même à tirer quelque chose d’un personnage aussi mal écrit qu’insupportable. En gros, si je schématise l’histoire (qui va tellement dans tous les sens qu’au bout de 20 minutes, j’étais trop fatiguée pour essayer de comprendre !) : Jogendra (Rana Daggubati) est un prêteur de deniers dans un village sans nom (parce que le contexte, on s’en fout !), heureux en ménage avec son épouse Radha (Kajal Aggarwal). Hélas, la jeune femme n’arrive pas à avoir d’enfant. Sauf que 5 minutes après le démarrage du film, elle est enceinte (le ciel soit loué !). 168
Du coup, vu que ça a été compliqué pour elle d’avoir ce bébé, Radha décide de prier tous les dieux pour que sa grossesse se passe sans encombre. En allant au temple, elle est brutalisée par la femme du maire (= une folle hystérique !) pour avoir allumé une bougie avant elle (oui, on est dans une cour de récré...). Résultat : Radha perd son bébé et devient stérile. Du coup, Jogendra, il est colère et se dit que s’il avait été maire à la place du maire, tout cela ne serait jamais arrivé (oui, il est parti la chercher loin, celle-là...).
ET C’EST LÀ QUE NOTRE HÉROS PORTÉ SUR LES NERFS SE LANCE DANS UNE COURSE AU POUVOIR QUI VA LE MENER À SA PERTE... Ça, ce sont les 15 premières minutes de la pellicule, ponctuée par une chanson («Sukhibhava», magnifiquement portée par la voix de l’unique Shreya Ghoshal). Autant vous dire que le reste du film (qui s’étend sur près de 2h30) s’éparpille encore plus ! C’est sans queue ni tête en plus d’être prétentieux. Rien qui ne permette de sublimer le jeu intense de Rana. Et pourtant, le comédien arrive à être intéressant malgré un jeu très cabotin.
CAR IL NE SE CONTENTE PAS DE MEUGLER COMME LE FERAIT UN ACTEUR INCOMPÉTENT. Dans ses apostrophes théâtrales, il y a de l’intensité, de l’amplitude et un charisme indéniable. En voyant Rana dans Nene Raju Nene Mantri, j’ai pensé à l’incarnation du jeune homme en colère d’Amitabh Bachchan. Celui de films comme Coolie, Deewar ou encore Zanjeer. Rana dégage la même énergie, le même magnétisme. Tout se joue dans son regard, qui en a fait frémir plus
d’un dans le diptyque Baahubali. Contrairement à ses pairs Allu Arjun, Ram Pothineni ou encore Ram Charan Teja, Rana n’est pas là pour faire le spectacle, mais pour servir une histoire, aussi alambiquée soit-elle. Et c’est ce qui fait la différence. Cela dit, Jogendra (qu’il incarne ici) est un odieux personnage. Il utilise tout et tout le monde afin d’atteindre ses ambitions politiques. Tout est bon à prendre : la misère sociale, la confiance aveugle des gens qui lui sont proches, une belle paire de fesses et même le corps de sa défunte épouse ! Tout est susceptible de l’aider à faire campagne et à atteindre le statut de puissant politicien auquel il aspire. Si ce n’est sa soif de pouvoir, on n’entrevoit rien chez Jogendra qui nous le rende accessible. Rien ne l’humanise (si ce n’est cet amour démentiel qu’il dit porter à Radha, mais que l’on ne voit qu’en surface...) et donc rien ne nous le rend attachant.
ET POUR UN MEC DÉTESTABLE QU’ON TENTE DE VOUS VENDRE EN HÉROS, C’EST UN PEU PROBLÉMATIQUE... De son côté, Kajal Aggarwal joue comme une mauvaise actrice télé ! Comme d’habitude, me direz-vous ? Je n’ai jamais caché mon désamour pour cette comédienne, à laquelle je suis particulièrement insensible. Pourtant, elle écope du rôle de la véritable sainte (du moins, sur le papier). Celle qui, dans l’ombre de son machiavélique époux, fait le bien autour d’elle sans rien attendre en retour. Elle est censée représenter ce que Jogendra aurait dû devenir : un être qui utilise son statut privilégié pour servir sincèrement les plus démunis. Sauf que la narration du réalisateur Teja ne fait que trop peu de place à ces bonnes actions pour qu’on s’y attarde. > 169
AUSSI, RADHA SEMBLE FAIRE FI DE PLUSIEURS ACTES TERRIBLES COMMIS PAR SON MARI (DES MEURTRES MULTIPLES, RIEN DE BIEN MÉCHANT, VOYONS...). Mais alors, quand il ose se faire une journaliste aux belles gambettes, là soudain, elle ne le reconnait plus ? Sérieusement ? Pour incarner cette journaliste gaulée comme un mannequin, Catherine Tresa fait de son mieux, même si elle n’a pas grand chose à sauver. Son rôle aurait pu être intéressant sur le papier, mais il prend une forme affreusement réductrice. En effet, puisque c’est une femme ambitieuse et, qui plus est, de pouvoir, on doit nécessairement l’affubler du costume de la vamp qui tente de séduire le héros. Devika Rani est une reporter déterminée à faire la lumière sur les méfaits de Jogendra. Elle ne l’a jamais rencontré personnellement, et il suffit qu’il tombe la chemise lors de leur première confrontation pour qu’elle se range de son côté ? Donc en fait, une femme n’a plus de cerveau lorsqu’un mec relativement bien foutu lui fait un striptease ? Objectification, bonjour !
LE VRAI PERSONNAGE FORT DE CE FILM, AUQUEL IL N’EST MALHEUREUSEMENT FAIT AUCUNE PLACE, C’EST CELUI DE SHIVA. Incarné impeccablement par un Navdeep absolument formidable (j’avais pourtant un plutôt mauvais souvenir de sa prestation dans Arya 2, en 2009), il est ici le fidèle bras droit, l’homme intègre aux valeurs profondes qui aurait pu (et aurait dû) servir d’exemple à Jogendra. Mais on l’élimine à 5 minutes 170
de l’intermission... Pourquoi ? Pourquoi nous livrer un personnage aussi fort et attachant si c’est pour ne pas l’exploiter ?
NENE RAJU NENE MANTRI ENTRE HÉLAS DANS LE SCHÉMA RÉDUCTEUR (ET ASSEZ DÉSOLANT) DU FILM TÉLOUGOU DE MASSE : UN HÉROS OMNIPOTENT DONT LES TRANSGRESSIONS SONT JUSTIFIÉES PAR SON SEUL STATUT DE PROTAGONISTE DANS LA NARRATION. Tout dans l’image, la musique et la caméra vient souligner les méfaits de Jogendra comme des actes louables. Il tue, il vole, ment et trahit... Mais bon, c’est lui, la vedette, non ? L’angle adopté par le réalisateur est tout à fait répréhensible tant il nous montre Jogendra sous une lumière flatteuse qu’il ne mérite pas. J’aurais justement voulu qu’on aie droit à une véritable introspection de cet anti-héros, afin de comprendre comment il avait pu passer du côté obscur. Car la quête d’ascension de Jogendra le transforme radicalement. Comment en est-il arrivé là ? Quel sentiment l’anime lorsqu’il agit de la sorte ?
JE NE LE SAURAI JAMAIS. L’écriture est tout bonnement ridicule, entre retournements de situation ubuesques et répliques téléphonées, j’ai surtout choppé un sacré mal de crâne après le visionnage...
RIEN NE VA ! Je tairais également les effets spéciaux douteux qui font passer Jogendra pour un membre du MCU... Totalement absurde.
Ce qui me dérange également, c’est le fait que Nene Raju Nene Mantri ouvre des tonnes de parenthèses qu’il ne referme jamais. La disparition dramatique (et particulièrement cruelle) de Shiva en est l’exemple criant. Sa famille est bouleversée, et... Bah c’est tout. Faut dire qu’on s’en carre l’oignon, c’est pas lui, sur l’affiche...
ET PUIS, TOUT LE MONDE CRIE EN FAISANT LES GROS YEUX ET EN MONTRANT LEURS OPPOSANTS DE LEURS DOIGTS DE VILAINS GARÇONS...
Bref, je suis dans une cour de maternelle. Vous avez un ibuprofène ?
En co ncl u si o n Ce qu’il y a à retenir c’est que : Jogendra est une raclure qui n’a que ce qu’il mérite, Radha est une idiote de première catégorie (oups, amante sacrificielle...), Devika est une nymphomane, et le vrai héros du film (Shiva) meurt juste avant l’entracte. Sur ce, je vous invite à découvrir Rana dans les films Baby, Leader ou encore Dum Maaro Dum pour mesurer l’ampleur de son talent. Car Nene Raju Nene Mantri n’y fait pas honneur. 171
CRITIQUE S U D
Un film, trois visions. KANAA
C’est devenu une constante de notre magazine : la triple critique. Et de nouveau, nous vous avons mis à contribution puisque c’est VOUS qui avez choisi le film traité dans cet article. Pour cette nouvelle édition de Bolly&Co, vos votes se sont portés vers le film tamoul Kanaa, avec Aishwarya Rajesh et Sathyaraj.
ALORS, QU’EN AVONS-NOUS PENSÉ ? QUELS ASPECTS DU FILM NOUS ONT MARQUÉ ? À VOUS DE LE DÉCOUVRIR... 172
1 . L’AV I S D ’ E LO D I E HAMIDOVIC J’ai une affection particulière pour les métrages sportifs. Qu’il s’agisse de foot, de boxe ou de cricket, je sais que si la construction de ce genre de film n’est jamais très originale, l’histoire de chacun est toujours synonyme d’inspiration. La plupart du temps, d’ailleurs, ce sont des histoires vraies - avec un brin de fiction pour ajouter encore plus d’effet. De Bhaag Milkha Bhaag à K.O. - Bleed for This, quand le générique de fin arrive avec les images d’archives, je finis toujours avec une petite larme à l’oeil ! J’avale vraiment tout, quel que soit le pays... Franchement, je ne m’en lasse pas.
AVEC LE TEMPS, J’AI QUAND MÊME DÉVELOPPÉ UN CERTAIN REGARD SUR CES FILMS. Alors, quand ils sont moyens, ils sont aussi vite oubliables. À titre d’exemple, Soorma n’était ni bon, ni mauvais, alors que Gold, sorti la même année et portant également sur le hockey, m’a complètement séduite. Pourquoi je vous parle de ça ? Parce qu’un film sportif a un pouvoir émotionnel énorme. Ainsi, lorsque je dois regarder Kanaa, je me demande s’il est basé sur une vraie expérience.Est-ce que Kousalya, héroïne du film, a vraiment existé ?
NON. Pourtant, ça pourrait être le cas tant Kanaa est réfléchi. Kanaa, c’est la passion de Kousalya Murugesan (Aishwarya Rajesh) qui, face à l’amour de son père (Sathyaraj) pour le cricket, s’intéresse à ce sport, joué essentiellement par des hommes dans son village. Cela ne l’arrêtera pas, car Kousi
apprend et devient même très douée ! Son rêve, ce n’est pas de faire gagner l’Inde pour que son pays soit fier. C’est de faire gagner l’Inde pour que son père soit heureux...
J’AI TROUVÉ ÇA MAGIQUE. Sortir du côté patriotique de certains films de sport, pour se concentrer sur une histoire entre un père et sa fille. Montrer que n’importe qui peut réussir, si ses objectifs sont sincères. D’autant plus que Kanaa prend le temps de nous donner toutes les informations sur le contexte de vie de Kousi. Entre son village et l’équipe de cricket indienne, entre son enfance et son adolescence. On a ici toutes les bases d’une biographie sportive, sans pour autant être déçu par les grosses ficelles du genre. Rien n’est laissé de côté, aucun raccourci n’est pris. La caméra n’est pas parfaite, certaines scènes ne semblent pas vraiment utiles. Mais la trame principale permet au spectateur de s’accrocher. Aussi, l’ensemble du casting est impeccable, et le regard d’Aishwarya Rajesh est des plus marquants ! Mention spéciale pour l’incroyable Sathyaraj, qui va vous arracher une larme ou deux.
C’EST VRAIMENT UN FILM DANS L’ÉMOTION QUI CHERCHE AUTANT À INSPIRER QU’À PARLER DE VRAIES PROBLÉMATIQUES. Peut-être un peu maladroitement, mais l’intention est là. Du coup, on a deux histoires qui se suivent, comme deux films qui avancent ensemble et, je dois l’avouer, ça peut être déroutant - voire un peu ennuyant. Si on est devant le film pour le cricket et qu’on se retrouve à entendre parler de la > 173
pauvreté des fermiers, on se sent alors un peu paumé ! Mais au final, on comprend très vite en quoi et pourquoi l’un ne va pas sans l’autre, faisant de Kanaa une expérience particulièrement agréable.
2 . L’AV I S D E S E J I A N E BELMONT Écrit par le chanteur, parolier et acteur Arunraja Kamaraj, ce film marque ses débuts en tant que réalisateur. Avec ce métrage centré sur le sport national indien, le cricket, il se focalise plus spécifiquement sur le cricket féminin. Le genre du film de sport revient sans cesse à la mode en Inde, notamment celui qui met en avant le sport féminin. J’en profite pour parcourir les films qui ont marqué leur époque, toutes régions confondues, dans ce registre : Ashwini (1991, en télougou), Mary Kom (2014, en hindi), Dangal (2016, en hindi), Irudhi Suttru (2016, en tamoul) et enfin la référence dans le domaine, Chak De ! India (2007, en hindi) avec l’inoubliable Shahrukh Khan. Revenons à Kanaa qui relate l’histoire de Kousalya, une campagnarde qui aspire à devenir joueuse de cricket, principalement inspirée par son père, un fanatique dudit sport.
MAIS C’EST AUSSI L’HISTOIRE DE CES JEUNES FEMMES QUI VIVENT ENFERMÉES DANS UN CARCAN SOCIÉTAL ET FAMILIAL QUI LES OPPRIME, FACE AU SYSTÈME DE CASTE ET À LA DOMINATION DE CE SPORT PAR LES HOMMES. Kousalya va surmonter ces obstacles et réaliser son rêve en étant sélectionnée 174
dans l’équipe nationale. Elle va ensuite être confrontée au monde extérieur impitoyable, où elle va connaître l’humiliation, la renvoyant vers le monde rural duquel elle est issue, sentiment accentué par des sélectionneurs rongés par la corruption.
LE PRODUCTEUR DU FILM Y JOUE ÉGALEMENT. Et oui ! La star Sivakarthikeyan enfile la casquette du coach Nelson Dilip Kumar et en fait des caisses, nous poussant à imaginer ce que ce rôle aurait donné avec plus de consistance et de nuance. Alors, on retiendra plutôt cet amour entre ce père, Murugasan (rôle un peu trop mélo à mon goût, tenu par le désormais sous-exploité Satyaraj) et sa fille chérie tendrement nommée Kousi. Relation dans laquelle la mère Savitri (jouée par Rama) semble ne pas avoir sa place.
BREF, UNE SÉRIE DE CLICHÉS ET DE PERSONNAGES CARICATURAUX FRAGILISE LE RÉCIT DE BOUT EN BOUT, NOTAMMENT LE LONG DISCOURS MORALISATEUR DE FIN DONT NOUS GRATIFIE LA GAGNANTE. Et la vraie gagnante de l’histoire, c’est la comédienne Aishwarya Rajesh. Elle sort tout ce qu’elle a dans le ventre pour son personnage et l’incarne avec une sensibilité et une sincérité hors pair. Elle est l’unique raison qui explique selon moi le succès commercial de Kanaa. D’ailleurs, elle reprendra plus tard son rôle dans le remake télougou du film, Kousalya Krishnamurthy, sorti cette année. On notera la sortie d’un prochain métrage de sport féminin qui va sans doute faire parler de lui et pour lequel la comparaison semble inévitable : Bigil, avec la vedette tamoule Vijay.
3 . L’AV I S D ’A S M A E BENMANSOUR La gloire de mon père. Kanaa semble s’apparenter au film de sport... Encore. Oui, car on a déjà parlé dans le magazine de films comme Mukkabaaz, Godha ou encore Saala Khadoos. Et pourtant, le cricket n’est ici qu’un prétexte pour traiter du combat d’une jeune fille, prête à tout afin de voir renaître l’étincelle dans les yeux de son père. Kanaa va plus loin que ce que son genre lui dicte et parle de la trajectoire de Kousalya (Aishwarya Rajesh), de son village au fonctionnement archaïque à son arrivée dans l’équipe nationale indienne.
AISHWARYA RAJESH EST SAISISSANTE, PROUVANT AU DEMEURANT QU’AUCUN RÔLE NE LUI RÉSISTE. Après avoir campé une mère des bidonvilles dans Kaaka Muttai, une discrète comptable dans Jomonte Suvisheshangal ou encore une brave fermière dans Dharma Durai, elle incarne ici une jeune fille dans la fleur de l’âge passionnée de sport sans fauter. Face à elle, Sathyaraj est vraiment excellent. De nouveau dans un rôle de père profond (comme c’était notamment le cas dans Raja Rani, en 2013), il délivre une prestation poignante en paternel déterminé à voir sa fille réussir. Seule ombre au tableau : Sivakarthikeyan, producteur du film qui, pour flatter son ego, s’offre un rôle de coach dans la deuxième partie du film. Hélas, on a surtout l’impression qu’il tente vainement de singer Shahrukh Khan dans Chak De India, jusque dans son look. L’écriture du métrage lui donne plus de place que nécessaire, faisant passer Kousalya et ses enjeux au second plan. Du gâchis !
En revanche, j’ai beaucoup aimé le fait que le cinéaste n’amène pas Kousalya à être en couple avec Murali Krishna (incarné avec panache par Darshan), amoureux transi de la belle qui tente à sa manière de la pousser sur la voie de la réussite. Car l’objectif d’une femme n’est pas nécessairement de tomber amoureuse ou de se marier. Un beau pied de nez aux mentalités rétrogrades de certains ! Dans la lignée du film tamoul Western Ghats (en bien plus survolé, cela dit), Kanaa parle également de la condition des fermiers indiens et de la multiplications des suicides chez ces travailleurs dont les moyens s’amenuisent de jour en jour. Il y a des facilités d’écriture inhérentes au genre du film de sport (la concurrente jalouse qui tente de compromettre l’avenir de l’héroïne, les moqueries des citadins envers la villageoise, le coach au regard « différent » qui voit en elle un énorme potentiel...). Kanaa ne réinvente rien dans ce registre. Mais il puise sa force dans sa capacité à le dépasser, pour tendre vers le métrage social et dénonciateur. Car oui, c’est bien de vouloir jouer au cricket et de fédérer autant de monde autour de soi. Mais qui se mobilise de la sorte (et en investissant les mêmes moyens) pour sauver l’agriculture et ses artisans ?
KOUSALYA UTILISE LE SEUL LANGAGE QU’ELLE MAÎTRISE (ICI LE SPORT) POUR QUE CES MÉDIAS QUI LUI DONNENT TANT D’IMPORTANCE VALORISENT ENFIN L’HOMME QUI A TOUT SACRIFIÉ POUR ELLE : SON PÈRE. Kanaa est un film imparfait à bien des égards. Mais il mérite qu’on s’y attarde pour son duo père-fille poignant ainsi que pour le message foncier qu’il véhicule sur ces grands oubliés de la société indienne : les agriculteurs. 175
RE STA UR AN T RA JAS TH AN 9 1 4 AV E N U E A M B R O I S E C R O I Z AT 38920 CROLLES, FRANCE
RAJASTHANCROLLES.COM
MODE CINÉMA & TENDANCE
MODE E T C I N É M A
Rashmi Trivedi
OU LA GARDE-ROBE ETHNIQUE CHIC QUI FAIT RÊVER. MOTS PAR ELO DI E HAM IDOVIC
Après la sortie du film Ae Dil Hai Mushkil en 2016, la toile s’était enflammée pour les looks modernes et abordables d’Alizeh, alias Anushka Sharma. Simples, confortables, accessoirisés de bijoux indiens, uniques et parfois déjantés, ces ensembles ont grandement marqué l’audience, qui n’a pas hésité à récréer le style du personnage dans la vraie vie. Allier une paire de jeans troués avec un long kurta, c’était du génie ! J’ai ressenti la même chose en apercevant Rashmi (Kriti Sanon) dans le métrage Luka Chuppi, sorti en 2019. Loin du côté « jeune et libre » d’Alizeh, Rashmi est plutôt classique et posée. 178
Sukriti Grover, qui a travaillé sur le look du personnage, explique à Vogue : « C’est un peu comme si une fille de
village découvrait une grande ville de la mode. Cela implique de créer une garderobe ethnique, à la fois conservatrice mais aussi chic et contemporaine. »
VOICI 3 CONSEILS À SUIVRE AFIN D’ADOPTER LA VIBE DE RASHMI TRIVEDI ET AINSI CARTONNER DANS LES RUES DE DELHI.
1. NE PAS AVOIR PEUR DU TOTAL LOOK. Rashmi est discrète. Elle ne montre quasiment jamais ses formes. Ses longs ensembles sont tous accompagnés d’un dupatta dont elle se sert pour cacher sa poitrine. Aucune de ses apparitions ne se passe sans qu’un voile ne soit posé sur ses épaules. Pour ne pas se la jouer méga-prude, elle opte pour des matières transparentes et légères qu’elle peut ensuite déplacer et porter plus sereinement quand elle est à l’aise avec ceux qui l’entourent.
ET POUR ÊTRE À L’AISE, ELLE JONGLE ENTRE LES LONGS KURTA ACCOMPAGNÉS DE LEGGINS OU DE JEANS ET LES MODESTES ANARKALI POUR UNE PETITE SORTIE. Rien à dire, ses tenues sont fluides et agréables à porter. Les couleurs restent assez monochromes en ne mélangeant jamais plus de deux tons, même lorsque Rashmi porte des imprimés.
2. UNE HISTOIRE DE CHEVEUX LONGS ET ONDULÉS. On le sait, un coiffeur a suivi de près Kriti Sanon durant le tournage pour que sa chevelure soit toujours parfaite. Déjà dans Bareilly Ki Barfi (autre film de l’actrice sorti en 2017), je trouvais ça dingue à quel point ses cheveux étaient impeccables - et ce alors que le personnage de Bitti avait un look plutôt négligé !
ICI, CE QUI SAUVE LA MISE, C’EST QU’ON ESSAYE DE NOUS FAIRE CROIRE QUE NOTRE CHÈRE RASHMI A TROUVÉ 3 OU 4 FAÇONS DE DISCIPLINER SES CHEVEUX TOUJOURS LÂCHÉS, QU’ELLE REPRODUIT PLUSIEURS FOIS AU COURS DE SON AVENTURE. Au fond, ce n’est pas une mauvaise attitude : on garde ce qui marche et puis c’est tout.
3. DES BOUCLES D’OREILLES PAR MILLIERS. Au niveau des accessoires, pas énormément de bracelets ou de colliers – voire quasiment pas. Pour ses sacs, elle en a maximum 2 dont elle use et abuse parce qu’ils vont avec toutes ses tenues et qu’ils sont pratiques.
CLAIREMENT, RASHMI NE DÉPENSE PAS DES MILLIONS ET LAISSE SES TENUES PARLER POUR ELLE, ILLUSTRANT DE FAIT SA PROFONDE SIMPLICITÉ. Pour ce qui concerne les chaussures, la règle est simple : ballerines (brodées ou pas) et sandales.
NI PLUS, NI MOINS. En revanche, elle a une véritable passion pour les boucles d’oreilles, les jhumkas plus précisément. Un peu tribales, souvent argentées et surtout volumineuses pour se faire remarquer sous la masse impressionnante de cheveux !
C’EST CET ÉLÉMENT QUI VA ÉGAYER TOUT DE SUITE LA SIMPLICITÉ DE CERTAINS ENSEMBLES ET COMPLÉTER PARFAITEMENT SON CÔTÉ ETHNIQUE, AVEC UN ZESTE DE CHIC. 181
MODE T E N DA N C E
C’EST L’HISTOIRE D’UN BRAS. M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C
La tendance du one shoulder, elle est un peu particulière et pourtant ultra glamour, les couturiers du monde entier ont adopté l’idée de couvrir un bras pendant que l’autre est laissé à l’air libre. Pourquoi ? Parce que cela transforme complètement une silhouette et ajoute un vent de modernité - voire de futurisme - à votre style.
EN INDE, L’EFFET EST MOINS PERTURBANT CAR SOUVENT, UN DES BRAS EST COUVERT PAR LE DRAPÉ DU SARI. Alors les robes à une manche, ce n’est pas si novateur que ça. Pourtant, les stars s’arrachent les tenues de créateurs du genre et dernièrement, une véritable vague s’est imposée sur le tapis rouge ! Costumes, combinaisons, robes... On reprend tout et on arrache un bras.
MAIS AVANT DE VOUS LANCER, CARTE DE CRÉDIT EN MAIN, POUR SHOPPER LA MÊME ROBE À PAILLETTES QUE PRIYANKA CHOPRA JONAS, VOICI 3 CHOSES ESSENTIELLES À SAVOIR POUR NE PAS FAIRE DE BÊTISE ! 182
1. C ’es t une te nd a nce d e nuit. Difficile de se rendre au travail avec un bras nu, ou d’aller à la boulangerie acheter sa baguette de pain l’épaule à l’air. Votre tenue, qu’il s’agisse d’un top ou une robe assez simple, risque de faire tâche dans la vie de tous les jours. Même avec un jean ou des baskets, votre manche unique risque de tout casser.
LA RAISON ? C’EST LE POINT SUIVANT.
2. C ’es t une te nd a nce s ex y. ET OUI ! En montrant un peu de votre peau, vous allez augmenter votre quota de séduction. Plus besoin de porter des jupes courtes, des échancrés à la limite de vos fessiers ou encore un décolleté qui ne cache plus grand chose ! Vous pouvez adopter un look audacieux et avoir les hommes à vos pieds sans trop en faire. Le tout, c’est de trouver le bon ensemble.
PETITE ASTUCE Jonglez entre manches longues et manches courtes, côté droit et côté gauche.
3. C ’est u ne tend ance q u i se rem arq u e. Il faut donc attendre avant de retenter l’expérience une seconde fois.
CAR UN BRAS COUVERT ALORS QUE L’AUTRE SE LA COULE DOUCE, ÇA SE REMARQUE ! Par conséquent, vous ne passerez pas inaperçue lors de votre événement et il vaut mieux ne pas se montrer répétitif.
MODE L ES D É B U T S M O D E D E . . .
LES DÉBUTS MODE
D’ABHIMANYU DASSANI Avec Mard Ko Dard Nahi Hota, Abhimanyu Dassani démarre sa carrière en force ! Trois mois de préparation, un mois et demi d’auditions pour obtenir le rôle de Surya et 8 mois d’entrainement spécifique aux arts martiaux... Une chose est sûre : le physique du jeune acteur n’est pas passé inaperçu ! De plus, il sait jouer la comédie ! Drôle et sensible, il a attiré l’attention de Sabbir Khan pour sa prochaine réalisation Nikamma.
ABHIMANYU DASSANI ENTRE DONC OFFICIELLEMENT DANS LA COUR DES NOUVEAUX VISAGES DU CINÉMA INDIEN...
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Lui a us s i , c’e s t u n e nfant d e ... Fils de l’actrice Bhagyashree - principalement connue pour son rôle dans Maine Pyar Kiya, avec Salman Khan - elle n’est pas juste comédienne mais fait aussi partie de la royauté marathi : la famille Patwardhan. Abhimanyu est donc le fils de la Rajkumari de Sangli et, quelque part, ça se voit !
Le s tyl e du p a ra d oxe . Bien qu’il ait rejoint la lignée d’acteurs aux physiques irréprochables - c’est un peu devenu la norme, malheureusement Abhimanyu possède un petit je-ne-sais-quoi de très modeste en lui. Du moins, s’il n’est pas à un événement mondain, car c’est là tout le paradoxe de son style. Quand il doit sortir le grand jeu, il n’hésite pas. En dehors du tapis rouge en revanche, il ne se prend pas la tête plus que ça.
AU QUOTIDIEN, IL OPTE POUR DES ENSEMBLES BASIQUES ET CONFORTABLES. RIEN DE COMPLIQUÉ OU D’EXCENTRIQUE. Pas de couleur criarde, pas de coupe fantaisiste. Abhimanyu est un garçon normal, simple. Sa particularité : il investit dans des accessoires qu’il peut utiliser pendant longtemps, comme une bonne paire de mocassins ou encore une montre noire et or qui lui permet de dynamiser ses tenues classiques. C’est quelqu’un à la recherche de pièces de qualité et qui, du coup, > 187
ressemble davantage à un mec lambda qu’à un acteur qui empreinte ses tenues à de grands couturiers dès qu’il en a l’occasion.
LORSQU’IL DOIT PARTICIPER À UN ÉVÉNEMENT, ABHIMANYU SE VIEILLIT. Avec son air innocent, il utilise sa garde-robe pour gagner en maturité. Il joue sur le décalage entre son âge et le style de ses ensembles pour obtenir un côté sérieux et séduisant.
COL ROULÉ, POCHETTE, COSTUME TROIS PIÈCES... IL EMBRASSE SON CÔTÉ DANDY POUR ATTEINDRE UNE CLASSE IRRÉSISTIBLE. Il entre ainsi parfaitement dans la case des garçons de bonne famille à l’allure irréprochable.
DU CÔTÉ DES TENUES TRADITIONNELLES INDIENNES, EN KURTA OU EN SHERWANI, L’ACTEUR S’INSCRIT DAVANTAGE DANS L’ACTUALITÉ AVEC DES MATIÈRES ET DES COULEURS TENDANCE. Un brin de fraîcheur qui lui permet de ne pas abuser des costumes à carreaux lors de ses apparitions ! 188
À quoi s’attendre à l’avenir ? À CE QU’IL EXPLORE DAVANTAGE POUR CASSER CETTE IMAGE D’ENFANT SAGE DES BEAUX QUARTIERS. Qu’il n’aille pas jusqu’à porter des chaussures sac-poubelle comme Harshvardhan Kapoor, mais qu’il n’hésite pas à égayer son placard avec des vraies pièces mode qui vont lui apporter davantage de style.
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RÉSEAUX
SOCIAUX T W I T T E R & I N S TAG R A M
RÉSEAUX S O C I A U X
#SAAHO LE FILM QUE PERSONNE NE RESPECTE ET LE FILM QUI NE RESPECTE PERSONNE. Sorti en septembre 2019, Saaho s’est fait laminer, à la fois par les critiques et par les fans. Ultra attendue sur tout le sous-continent indien, cette réalisation de Sujeeth devait marquer le retour sur grand écran du géant Prabhas après le phénomène Baahubali. Pour l’accompagner, il y avait la belle Shraddha Kapoor. Et les teasers étaient plutôt alléchants en termes d’actions et de visuels.
SAUF QUE CE N’EST PAS SUFFISANT. C‘est bien beau de payer des millions pour quelques voitures cassées si au fond, ton histoire n’est qu’une copie de Largo Winch sous amphétamines, avec plus de twists que les 10 premières minutes du film Don...
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COMME SOUVENT, C’EST SUR TWITTER QUE LES FANS EXPRIMENT LEUR MÉCONTENTEMENT. Les vidéos des premières séances, où l’on voit les fans se battre pour avoir un siège se sont vite arrêtées : pourquoi se péter le genou à se glisser dans un cinéma si le métrage n’en vaut pas la peine ? Heureusement, il y a ceux qui, derrière leur écran de téléphone ou d’ordinateur, s’en sont donnés à cœur joie pour décrire leur ressenti.
ET ÇA, FRANCHEMENT, ÇA MÉRITE UNE STANDING OVATION !
AVANT LE FILM
LES PRODUCTEURS : VOILÀ LES 350 CRORES DE BUDGET DE #SAAHO
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PENDANT LE FILM
« JE VEUX RENTRER CHEZ MOI ! »
LA RÉVÉLATION LA VRAIE RAISON POUR LAQUELLE KATTAPPA A TUÉ BAAHUBALI, C’ÉTAIT POUR L’EMPÊCHER DE FAIRE #SAAHO.
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RETOURNEMENT DE SITUATION
LES FANS*
*SAAHO
*LES FANS
SAAHO*
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RÉSEAUX S O C I A U X
Instagram, c’est le réseau social qui permet d’avoir un œil sur la vie aussi bien professionnelle que privée de nos stars favorites. Outre les démarches de promotion de leurs projets, elles en profitent aussi pour publier des photographies plus personnelles qui nous permettent donc d’en savoir un peu plus sur qui elles sont hors caméra. Plongeons ainsi dans l’Instagram de...
Sobhita DH ULI PAL A www.instagram.com/sobhitad
TYPE DE PROFIL LA BOMBE. Sobhita, c’est celle qui n’a jamais de mauvais profil. Le genre de femme qu’on jalouse tellement elle est belle et, en même temps, unique en son genre. Son compte Instagram est un alliage étrange de photoshoots artistiques captivants et de moments plus authentiques de son quotidien.
CE QU’ELLE VEUT Garder une trace de ses aventures ! L’actrice possède un vieil appareil qu’elle transporte à la fois en vacances et sur ses lieux de tournage. Sobhita, bien qu’incroyablement canon, est une fille comme une autre ! Et cette simplicité la rend encore plus irrésistible !
CE QU’ELLE ADORE Elle publie ce qui l’inspire, transformant parfois son compte en véritable carnet de voyage, avec un humour poétique qui n’est pas sans rappeler l’une de ses récentes co-stars, Jim Sarbh. Elle change également la description de son profil chaque mois pour proposer à ses fans un nouveau livre à découvrir. 197
THE END ÉQUIPE ET CRÉDITS
RÉDACTRICE EN CHEF : AS M A E B E NM ANSOUR RÉDACTRICE MODE : E LO D I E H AM I DOVI C R É DACT R I C E ACT UA L IT É E T C IN É M A : FATI M A Z AH RA E L AH M AR DIRECTRICE DE PUBLICATION : ELODI E H AM I DOVI C DIRECTRICE ARTISTIQUE : E LODI E H AM I DOVI C
À SAVO I R Un candid est une image prise par un paparazzi lors d'événements importants (cérémonies de récompenses, promotions de films, inaugurations...). Il en existe des milliers sur le web. Il nous est donc impossible de retrouver les noms des photographes. Les sites qui diffusent sur le web le plus de candids sont crédités à la fin, c'est généralement là que nous nous procurons nos images. Si nous avons oublié de mentionner votre nom ou votre site dans le magazine, contactez-nous par email
(bollyandcomagazine@
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Nous trouvons souvent les clichés sans le nom du photographe ou sans information supplémentaire.
Nous rappelons qu'il est formellement interdit de prendre les textes et images sans l'accord de leurs auteurs respectifs dans le cadre du magazine Bolly&Co. Les photographies des films qui se trouvent dans le magazine Bolly&Co sont des images libres de droit à but commercial mises à disposition par les producteurs afin de mettre en avant leurs oeuvres.
EN COUVERTURE : Photographie publiée sur Twitter (@U_kanioT), modifiée par Bolly&Co. ÉDITO : Photographie du film Kabir Singh. UN PEU DE LECTURE : Photographies provenant des maisons d'édition des livres Les fabuleuses aventures d’un indien malchanceux qui devint milliardaire, Inde - Miscellanées et L’illusionniste. INVESTIGATION : Photographe inconnu (photographie publiée par plusieurs comptes sur Twitter) et affiche de la série Inside Edge, de la plateforme Amazon Prime Video. À LA DÉCOUVERTE DE : Photographies publiées sur le compte Instagram de Nabela Noor (@nabela) LE COUP DE COEUR DE : Photographies du film Anand. ILS ONT DIT SUR : Capture d’écran de la chanson « Paisa Paisa » du film De Dana Dan. NOIR ET BLANC : Photographies publiées par Cinestaan.com LES FILMS DE : Photographies des films (dans l’ordre d’apparition) Bhavesh Joshi Superhero, Superman, Mr. India, Krrish 3, Drona et Ra.One. BOLLYWOOD PARTY 2019 : Photographies par Brice David, Seyl Maha, Sanaa Bouk et Bolly&Co INTERVIEW : Photographies par l’association Triveni.
L'AVENTURE BOLLY&CO : Illustration par Elodie Hamidovic. NOUVEL ESPOIR : Photographie du compte Instagram de Sobhita Dhulipala (@sobhitad) ainsi que la photographie de la série Made In Heaven et l’affiche de Bard Of Blood de Netflix. CRITIQUE NOUVEL ESPOIR : Photographie de la série Made In Heaven. DERRIÈRE LA CAMÉRA : Photographies publiées sur Facebook et cinemaexpress.com. BILAN : Illustration par Elodie Hamidovic et photographies des films Student of the Year et Yeh Jawaani Hai Deewani. UN FILM, UN VOYAGE : Photographies des films Delhi Belly et Titli. POURQUOI : Captures d’écran du film Hume Tumse Pyaar Kitna. VINEETH SREENIVASAN : Photographie d’introduction du film Oru Vadakkan Selfie, ainsi que les photographies du tournage du film Thattathin Marayathu publiées par Npthewriter.com et FilmiBeat. LUMIÈRE SUR : Photographies publiées sur le compte Instagram @sidsriram, prises par @chelztate. L’ALBUM DU FILM : Photographies du film Neeyum Njanum. FILM VS LIVRE : Captures d’écran du film The Zoya Factor.
SCÈNE CULTE : Captures d'écran du film Hum Tum. ET SI ON COMPARAIT LES REMAKES : Photographies des films Adhe Kangal et Neevevaro. POUR FAIRE COURT : Captures d’écran du court-métrage Suno. À LA UNE : Propos recueillis par Team MyNation (Mynation.com), Arnesh Ghose (Mans World India), TNM Staff (The News Minute), Archana Nathan (Scroll.in), Don Groves (Forbes), NDTV.com, Indiaglitz.com, ainsi que les vidéos suivantes, disponibles sur Youtube : « Redefining Storytelling » (Tedx Talks), « Rana Daggubati Interview » (Film Companion), « Akshay Kumar & Rana Daggubati talk about their Film Baby » (MTune HD) et « Rana Daggubati Speaks About ‘Dum Maaro Dum’ » (BollywoodHungama.com). Photographie d'introduction publiée sur Twitter (@U_kanioT), modifiée par Bolly&Co. Également présentes dans l’article : les photographies de la conférence de presse du film Bommalata publiées par BharatStudent, l’affiche de l’émission No.1 Yaari, l’affiche du film Virata Parvam publiée sur le compte Instagram @ranadaggubati et les photographies des films Leader, Baby et Baahubali - The Conclusion.
LES TROIS FACETTES DE RANA : Photographie du film Leader. RANA EN MUSIQUE : Photographie du film Dum Maaro Dum. CRITIQUES NORD : Photographies des films Mard Ko Dard Nahi Hota, War, The Ghazi Attack et Aamhi Doghi. CRITIQUES SUD : Photographies des films Moonu, Super Deluxe, Katheyondu Shuruvagide, Ishq, Nene Raju Nene Mantri et Kanaa. MODE ET CINÉMA : Captures d'écran du film Luka Chuppi. TENDANCE : Photographie d’introduction par Philippe Blet (ShutterStock) et photographies des comptes Instagram suivants : @who_wore_what_when, @triparnam, @tanghavri, @stylebyami, @sanamratansi et @rakulpreet. MODE : Photographies publiées sur Instagram (@who_whore_what_when et @abhimanyud), hamaraphotos.com, mid-day.com et Facebook (@abhimanyadassani1990). TWITTER : Photographies provenant de différentes publications, ainsi que les captures d’écran du film Saaho. INSTAGRAM : Photographies du compte Instagram de Sobhita Dhulipala (@sobhitad)