DUBAÏ, ENTRE LA PEUR ET L’OPULENCE
MIKE DAVIS
Texte de Mike Davis, paru sous le titre Fear & Money in Dubai in New Left Review 41, octobre 2006. [http://newleftreview.org/?view=2635]. [Traduction trouvĂŠe sur http://www.mouvements.info/spip.php?mot97]
Mise en page hobolo [hobolo@no-log.org] – janvier 2008.
ÂŤ
Votre avion commence sa descente, vous êtes littÊralement scotchÊ au KXEORW /D VFqQH HVW SURSUHPHQW VWXSpÀDQWH XQ DUFKLSHO G¡vOHV DX[ tons coraliens forme un puzzle presque complet de 60 km2 imitant les contours d’une mappemonde. Des eaux vert Êmeraude et peu profondes qui sÊparent les continents surgissent les silhouettes englouties des PyramiGHV GH *L]HK HW GX &ROLVpH URPDLQ $X ORLQ WURLV DXWUHV JURXSHV G¡vOHV HQ IRUPH GH palmiers enfermÊs dans des demi-lunes sont parsemÊs d’hôtels de luxe, de parcs d’attractions et d’un millier de rÊsidences construites sur pilotis. Ces  palmiers  sont reliÊs par des digues à un front de mer digne de celui de Miami, oÚ s’alignent les hôtels monumentaux, les tours rÊsidentielles et les marinas. Alors que l’avion vire lentement en direction du dÊsert, un spectacle encore SOXV LQYUDLVHPEODEOH YRXV FRXSH OH VRXIà H G¡XQH IRUrW GH JUDWWH FLHOV FKURPpV surgit une nouvelle tour de Babel d’une hauteur invraisemblable – huit cents mètres, plus haut que deux Empire State Building empilÊs l’un sur l’autre. Vous Q¡DYH] SDV ÀQL GH YRXV SLQFHU O¡DYDQW EUDV TXH O¡DYLRQ DWWHUULW OH FHQWUH FRPmercial de l’aÊroport vous accueille, offrant aux regards concupiscents des montagnes de sacs Gucci, de montres Cartier et de lingots d’or d’un kilo pièce. Le chauffeur de l’hôtel vous attend au volant d’une Rolls Royce dernier cri. Des amis vous ont recommandÊ l’hôtel Armani et sa tour de cent soixante-dix Êtages, ou encore cet hôtel 7 Êtoiles dont l’atrium est si gigantesque que la Statue de OD /LEHUWp SRXUUDLW V¡\ ORJHU VDQV SHLQH HW OH VHUYLFH VL UDIÀQp TXH FKDTXH FKDPbre y dispose d’un majordome attitrÊ. Mais vous avez prÊfÊrÊ rÊaliser un rêve d’enfant : être le capitaine Nemo dans Vingt mille lieues sous les mers. Votre hôtel en forme de mÊduse, l’Hydropolis, se situe à vingt mètres sous la mer. Chacune de ses deux cent vingt luxueuses suites est ÊquipÊe de murs de plexiglas qui offrent une vue spectaculaire sur les Êvolutions de gracieuses sirèQHV HW VXU OH FpOqEUH Š IHX G¡DUWLÀFH VRXV PDULQ ª XQ VKRZ KDOOXFLQDQW ŠG¡HDX 3
d’air et de sable tourbillonnant ÊclairÊs par un jeu de lumière sophistiquʝ. Votre apprÊhension bien naturelle quant à la sÊcuritÊ de votre demeure sous-marine VHUD YLWH GLVVLSpH SDU OH VRXULUH GX UpFHSWLRQQLVWH O¡pGLÀFH GLVSRVH G¡XQ V\VWqPH de sÊcuritÊ high tech imparable qui le protège contre les missiles, les attaques aÊriennes et les sous-marins terroristes. Demain, vous avez un rendez vous d’affaires important à la CitÊ Internet avec des clients venus de Hyderabad et Taïpeh, mais vous êtes arrivÊ un jour plus tôt pour vivre l’une des aventures proposÊes par le cÊlèbre parc à thème  5HVWOHVV 3ODQHW ª OD 3ODQqWH GpFKDvQpH $SUqV XQH DJUpDEOH QXLW GH VRPPHLO sous-marin, vous empruntez un monorail à destination de la jungle jurassique. Vous ferez d’abord connaissance avec quelques paisibles brontosaures en pleine rumination. Puis vous serez attaquÊs par une horde de vÊlociraptors, crÊatures  animatroniques  conçues par des experts du Museum d’Histoire naturelle de Londres et si incroyablement ressemblantes que vous ne pourrez pas vous empêcher de pousser des cris de terreur et de plaisir mêlÊs. L’adrÊnaline au maximum, vous couronnerez l’après-midi par une descente en snowboard sur une piste de ski indoor (à l’extÊrieur, il fait plus de quarante degrÊs). Pas très loin se trouve le plus grand centre commercial du monde – le sanctuaire du cÊlèbre Festival du Shopping qui, chaque annÊe, au mois de janvier, attire des millions de consomPDWHXUV GpFKDvQpV 0DLV FH VHUD SRXU SOXV WDUG SRXU O¡KHXUH YRXV SUpIpUH] YRXV SD\HU ² j SUL[ G¡RU XQ GvQHU FXLVLQH IXVLRQ j OD PRGH WKDw 8QH EORQGH VSHFWDculaire accoudÊe au bar du restaurant vous dÊvore littÊralement des yeux. C’est une prostituÊe russe. Vous vous demandez si les plaisirs de la chair sont ici aussi extravagants que ceux de la consommation. 
FANTASMES
EN LÉVITATION
Bienvenue dans cet Êtrange paradis. Mais oÚ êtes-vous donc ? Dans le nouveau roman de Margaret Atwood, dans la suite posthume du Blade Runner de Philip K. Dick ou dans la tête d’un Donald Trump sous acide ? Erreur. Vous êtes à Dubaï, ville-État du Golfe persique, en 2010. Après Shanghaï (15 millions d’habitants), Dubaï (1,5 million) est le plus grand chantier du monde : le berceau d’un monde enchantÊ entièrement dÊdiÊ à la consommation la plus ostentatoire et, selon l’expression locale, aux  modes de vie hyper haut de gamme . MalgrÊ son climat infernal (jusqu’à 49 degrÊs 4
en ÊtÊ : les hôtels les plus chics disposent de piscines rÊfrigÊrÊes) et le voisinage de ]RQHV GH FRQà LW DUPp OHV DXWRULWpV GH 'XEDw HVWLPHQW TXH OHXU IRUrW HQFKDQWpH de 600 gratte-ciels et centres commerciaux attirera aux environs de 2010 près de 15 millions de visiteurs Êtrangers par an, soit trois fois plus que la ville de New York. La compagnie Emirates Airlines a commandÊ pour pas moins de 37 milliards de dollars de nouveaux appareils Boeing et Airbus pour transporter cette PDVVH GH WRXULVWHV MXVTX¡j OD QRXYHOOH SODTXH WRXUQDQWH GX WUDIÀF DpULHQ PRQdial, le vaste aÊroport international Jebel Ali [1]. Grâce à la fatale addiction d’une planète dÊsespÊrÊment assoiffÊe de pÊtrole arabe, cet ancien village de pêcheurs et de contrebandiers est bien placÊ pour devenir l’une des capitales mondiales du XXIe siècle. Parce qu’elle prÊfère les vrais diamants au strass, Dubaï a dÊjà surpassÊ Las Vegas, cette autre vitrine dÊsertique du dÊsir capitaliste, dans la dÊbauche spectaculaire et la surconsommation d’eau et d’ÊlectricitÊ [2]. 'HV GL]DLQHV GH PpJD SURMHWV H[WUDYDJDQWV GRQW O¡Š �OH 0RQGH ª DUWLÀFLHOOH R le chanteur Rod Stewart aurait acquis la  Grande-Bretagne  pour 33 millions de dollars), le plus haut gratte-ciel du monde (Burj Dubaï, conçu par le cabinet d’architectes Skidmore, Owings et Merrill), l’hôtel de luxe sous-marin, les dinosaures carnivores, la piste de ski indoor et le giga-centre commercial, sont dÊjà en chantier ou au moins à l’Êtat de projet avancÊ [3]. Le Burj Al-Arab, un hôtel 7 Êtoiles en forme de voile, parfait pour tourner un futur James Bond, s’est dÊjà rendu cÊlèbre pour ses chambres à 5 000 dollars la nuit, ses vues panoramiques sur 150 kilomètres de mer et de dÊsert et sa clientèle exclusive de familles royales arabes, de rock stars anglaises et de milliardaires russes. Quant aux dinosaures, SRXU OH GLUHFWHXU ÀQDQFLHU GX 0XVpXP G¡+LVWRLUH QDWXUHOOH GH 'XEDw LOV Š VHURQW homologuÊs par le MusÊum de Londres et dÊmontreront qu’on peut se cultiver tout en s’amusant ‌ et en remplissant la caisse, puisque  l’accès au parc des dinosaures se fera exclusivement par le centre commercial [4] . Le plus gros projet, Dubailand, reprÊsente une avancÊe prodigieuse en matière de crÊation d’univers virtuels. Il s’agit tout bonnement d’un  parc à thème de parcs à thème , deux fois plus grand que Disney World, avec ses 300 000 employÊs censÊs accueillir 15 millions de visiteurs par an (ces derniers devraient y dÊpenser un minimum de 100 dollars par jour, hors hÊbergement). Telle une encyclopÊdie surrÊaliste, il inclut 45 grands projets de  classe mondiale , dont les rÊpliques des jardins suspendus de Babylone, du Taj Mahal et des pyramides [1] Business Week, 13 mars 2006. [2]  Dubaï overtakes Las Vegas as world’s hotel capital , Travel Weekly, 3 mai 2005. [3]  Ski in the Desert ? , Observer, 20 novembre 2005 ; Hydropolis : Project Description, Dubaï, aoÝt 2003. [4] voir Mena Report 2005.
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d’Égypte [1], une montagne enneigÊe avec remontÊes mÊcaniques et ours polaires, un espace dÊdiÊ aux  sports extrêmes , un village nubien, un  Eco-Tourism World , un complexe thermal de style andalou, des parcours de golf, des circuits de vitesse, des pistes de course,  Giants’ World ,  Fantasia , le plus grand zoo du Moyen-Orient, plusieurs hôtels 5 Êtoiles, une galerie d’art moderne et le  Mall of Arabia  [2].
GIGANTISME Sous le règne de l’Émir-PDG Cheikh Mohammed el Maktoum, son despote ÊclairÊ âgÊ de 58 ans, Dubaï est devenue la nouvelle icône globale de l’ingÊnierie urbanistique d’avant-garde. Le multimilliardaire  Cheikh Mo  comme le surnomment les occidentaux rÊsidents à Dubaï a une ambition explicite et totalement dÊnuÊe d’humilitÊ :  Je veux être le NumÊro Un mondial [3].  Collectionneur enthousiaste de purs-sangs (il possède la plus grande Êcurie du monde) et de super yachts (le Project Platinum, une embarcation de 160 mètres de long, possède son propre sous-marin et sa piste d’atterrissage), sa passion la plus dÊvorante est toutefois l’architecture  extrême  et l’urbanisme monumental [4]. De fait, c’est un peu comme si le livre-culte de l’hyper-rÊalitÊ, Learning From Las Vegas, de Robert Venturi, Êtait devenu pour l’Êmir de Dubaï ce que la rÊFLWDWLRQ GX &RUDQ HVW DX[ PXVXOPDQV SLHX[ /¡XQH GH VHV SOXV JUDQGHV ÀHUWpV raconte-il souvent à ses hôtes, est d’avoir introduit les  communautÊs rÊsidentielles fermÊes  de style californien (gated communities) au pays des tentes et des nomades. Grâce à cette passion dÊbordante pour le mÊtal et le bÊton, le littoral dÊsertique de l’Êmirat s’est transformÊ en un gigantesque circuit intÊgrÊ sur lequel l’Êlite transnationale des bureaux d’Êtudes et des promoteurs immobiliers est in[1] Un jour, un responsable du tourisme à Dubaï a dÊclarÊ à propos de l’Égypte :  Ils ont les pyramides et LOV Q¡HQ IRQW ULHQ $YH] YRXV OD PRLQGUH LGpH GH FH TXH QRXV QRXV IHULRQV DYHF OHV S\UDPLGHV " ª / 60,7+  The Road to Tech Mecca , Wired Magazine, juillet 2004. > @ 2IÀFLDO 'XEDwODQG )$4 GpSDUWHPHQW PDUNHWLQJ Š &¡HVW FRPPH VL WRXWHV OHV IRUPHV GH GLYHUWLVVHPHQW de l’humanitÊ avaient ÊtÊ rentrÊes dans un Power Point pour ensuite faire l’objet d’un vote à main levÊe. , I. PARKER,  The Mirage , The New Yorker, 17 octobre 2005. [3] Ibid. [4] Les Maktoum possèdent aussi le musÊe de Madame Tussaud à Londres, le Helmsley Building et la Essex House à Manhattan, des milliers d’appartements dans les Êtats du Sud et du Sud-Ouest des États-Unis, des UDQFKV JLJDQVWHVTXHV GDQV OH .HQWXFN\ HW Š GHV SDUWV VLJQLÀFDWLYHV GDQV 'DLPOHU&KU\VOHU ª New York Times). Cf.  Royal Family of Dubaï Pays $1.1 Billion for 2 Pieces of New York Skyline , 10 novembre 2005.
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vitÊe à brancher des pôles de dÊveloppement high tech, des complexes de loisirs, GHV vOHV DUWLÀFLHOOHV GHV Š PRQWDJQHV HQQHLJpHV ª VRXV FORFKH GH YHUUH HW GHV EDQlieues rÊsidentielles à la Truman Show. CitÊ des mille et une villes, Dubaï dÊploie YHUV OH ÀUPDPHQW XQH DUFKLWHFWXUH JRQà pH DX[ VWpURwGHV &KLPqUH IDQWDVPDJRULque plus que simple patchwork, elle incarne l’accouplement monstrueux de tous les rêves dÊlirants des Barnum, Gustave Eiffel, Walt Disney, Steven Spielberg, Jon Jerde, Steve Wynn les architectes de Las Vegas et autres Skidmore, Owings et Merrill. Souvent comparÊ à Las Vegas, Manhattan, Orlando, Monaco et Singapour, l’Êmirat est tout cela à la fois, mais portÊ à la dimension du mythe : un pastiche hallucinatoire du nec plus ultra en matière de gigantisme et de mauvais goÝt. Certes, des dizaines d’autres villes aspirent aujourd’hui à participer à ce formidable et dÊlirant concours de Lego (y compris les voisins jaloux de Dubaï, les riches oasis pÊtrolières de Doha et Bahreïn [1] ), mais ce qui distingue le projet d’El Maktoum, c’est l’exigence implacable que tout, à Dubaï, soit  world class , à savoir numÊro un potentiel dans le Livre des Records : le plus grand parc à thème du monde, le plus gigantesque centre commercial (dotÊ du plus grand aquarium), le plus haut gratte-ciel, le plus grand aÊroport international, la plus YDVWH vOH DUWLÀFLHOOH OH SUHPLHU K{WHO VRXV PDULQ HW DLQVL GH VXLWH YRLU FL GHVsous). Bien que cette mÊgalomanie architecturale rappelle Êtrangement les projets imaginÊs par Albert Speer et ses commanditaires pour la capitale du IIIe Reich, elle n’a rien d’irrationnel. Ayant beaucoup  appris de Las Vegas  (comme le recommande Venturi), El-Maktoum a compris que, si Dubaï voulait devenir le super-paradis consumÊriste du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud (un  marchÊ intÊrieur ª VHORQ OD GpÀQLWLRQ RIÀFLHOOH G¡HQYLURQ PLOOLDUGV GH consommateurs), l’Êmirat devait constamment aspirer à l’excès visuel et urbain. Si l’on en croit Rowan Moore, les immenses montages psychotiques de kitsch fantasmagorique que nous offre la citÊ post-moderne visent à provoquer le vertige. Vu sous cet angle, il est clair qu’El-Maktoum est un magnÊtiseur hors pair [2].
[1] La ÂŤ King Abdullah Economic City Âť en Arabie saoudite, un projet immobilier de 30 milliards de dollars sur la Mer rouge, sera en rĂŠalitĂŠ un satellite de DubaĂŻ, construit par le gĂŠant du BTP Emaar, propriĂŠtĂŠ de la famille Maktoum. Cf. ÂŤ OPEC Nations Temper the Extravagance Âť, New York Times, 1er fĂŠvrier 2006. [2] R. MOORE, ÂŤ Vertigo : the strange new world of the contemporary city Âť, in R. MOORE, ed., Vertigo, Corte Madera, ca 1999.
7
Les plus hauts immeubles du monde : SITE
HAUTEUR
DATE D’ACHÈVEMENT
Burj Dubaï
Dubaï
800 m
2008
Al Burj*
Dubaï
700 m
?
Taipei 101
Taiwan
508 m
2004
Chine
490 m
2008
Fordham Spire
Chicago
472 m
2010
Petronas Tower
Malaisie
452 m
1998
Sears Tower
Chicago
442 m
1974
Chine
420 m
1999
Freedom Tower*
Manhattan
415 m
2012
Two International Finance Center
Hong Kong
415 m
2003
Emirates Tower One
Dubaï
347 m
1997
Burj al-Arab Hotel
Dubaï
320 m
1999
NOM
Shanghai World Financial Center*
Jin Mao
* prévu ou en construction
Les plus grands centres commerciaux du monde : SITE
SURFACE (HA)
DATE D’ACHÈVEMENT
Dubaï Mall*
Dubaï
112
2008
Mall of Arabia*
Dubaï
92
2010
Mall of China*
Chine
92
?
Triple Five Mall*
Chine
92
?
South China Mall
Chine
89
2005
Oriental Plaza*
Chine
79
?
Golden Resources
Chine
67
2004
Canada
49
1981
Panda Mall*
Chine
46
?
Grandview Mall
Chine
41
2005
NOM
West Edmonton Mall
* prévu ou en construction
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Du point de vue d’un promoteur immobilier, cette monstrueuse caricature futuriste est simplement un argument de vente Ă l’adresse du marchĂŠ mondial. /¡XQ G¡HQWUH HX[ FRQĂ€DLW DLQVL DX Financial Times : ÂŤ Sans Burj DubaĂŻ, le Palmier ou l’Île-Monde, franchement, qui parlerait de DubaĂŻ aujourd’hui ? Il ne s’agit pas simplement de projets extravagants, Ă prendre isolĂŠment. Tous ensemble, ils contribuent Ă construire une marque [1] ÂŞ (W j 'XEDw RQ DGRUH OHV SURSRV Ă DWteurs d’architectes ou d’urbanistes de renom comme George Katodrytis : ÂŤ DubaĂŻ est le prototype de la ville post-globale, dont la fonction est plutĂ´t d’Êveiller des dĂŠsirs que de rĂŠsoudre des problèmes‌ Si Rome ĂŠtait la “ville ĂŠternelleâ€? et Manhattan l’apothĂŠose de l’urbanisme hyper-dense du XXe siècle, DubaĂŻ peut ĂŞtre considĂŠrĂŠe comme le prototype ĂŠmergent de la ville du XXIe siècle : une sĂŠrie de prothèses urbaines et d’oasis nomades, autant de villes isolĂŠes gagnant sur la terre et sur l’eau [2]. Âť Dans cette quĂŞte effrĂŠnĂŠe des records architecturaux, DubaĂŻ n’a qu’un seul vĂŠritable rival : la Chine, un pays qui compte aujourd’hui 300 000 millionnaires et devrait devenir d’ici quelques annĂŠes le plus grand marchĂŠ mondial du luxe (de Gucci Ă Mercedes) [3]. Partis respectivement du fĂŠodalisme et du maoĂŻsme paysan, l’Êmirat et la RĂŠpublique populaire sont tous deux parvenus au stade de l’hypercapitalisme Ă travers ce que Trotsky appelait la ÂŤ dialectique du dĂŠveloppement inĂŠgal et combinĂŠ Âť. Comme l’Êcrit Baruch KneiPaz dans son admirable prĂŠcis de la pensĂŠe de Trotsky : ÂŤ Au moment d’adopter de nouvelles structures sociales, la sociĂŠtĂŠ sous-dĂŠveloppĂŠe ne les reproduit pas sous leur forme initiale, mais saute les ĂŠtapes de leur ĂŠvolution et s’empare du SURGXLW Ă€QL (Q UpDOLWp HOOH YD HQFRUH SOXV ORLQ HOOH QH FRSLH SDV OH SURGXLW tel qu’il existe dans les pays d’origine mais son “idĂŠal-typeâ€?, prĂŠcisĂŠment parce qu’elle peut se permettre d’adopter directement ces nouvelles formes au lieu de repasser toutes les phases du processus de dĂŠveloppement. Ce qui explique pourquoi les dites nouvelles formes ont une plus grande apparence de perfection dans une sociĂŠtĂŠ sous-dĂŠveloppĂŠe que dans une sociĂŠtĂŠ avancĂŠe. Dans cette dernière, elles n’offrent en effet qu’une approximation de l’idĂŠal, dans la mesure oĂš elles ont ĂŠvoluĂŠ peu Ă peu et de façon alĂŠatoire, limitĂŠes par les contraintes de l’expĂŠrience historique [4] Âť. Dans le cas de DubaĂŻ et de la Chine, le tĂŠlescopage des diverses et laborieuses ĂŠtapes intermĂŠdiaires du dĂŠveloppement ĂŠconomique a engendrĂŠ une synthèse ÂŤ parfaite Âť de consommation, de divertissement et d’urbanisme spectaculaire Ă une ĂŠchelle absolument pharaonique.
[1] ÂŤ Emirate rebrands itself as a global melting pot Âť, Financial Times, 12 juillet 2005. [2] G. KATODRYTIS, “Metropolitan DubaĂŻ and the Rise of Architectural Fantasyâ€?, %LGRXQ Qƒ , printemps 2005. [3] ÂŤ In China, To Get Rich Is Glorious Âť, Business Week, 6 fĂŠvrier 2006. [4] B. KNEI-PAZ, The Social and Political Thought of Leon Trotsky, Oxford, 1978, p. 91.
9
VÊritable compÊtition d’orgueil national entre Arabes et Chinois, cette quête effrÊnÊe de l’hyperbole a Êvidemment des prÊcÊdents, telle la fameuse rivalitÊ entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne impÊriale pour construire des cuirassÊs dans les premières annÊes du XXe siècle. Mais peut-on parler d’une stratÊgie de dÊveloppement Êconomique soutenable ? Les manuels diraient sans doute que non. À l’Êpoque moderne, le gigantisme architectural est gÊnÊralement le symptôme pervers d’une Êconomie en Êtat de surchauffe spÊculative. Dans toute leur arrogance verticale, l’Empire State Building ou feu le World Trade Center sont les pierres tombales de ces Êpoques de croissance accÊlÊrÊe. Les esprits cyniques soulignent à juste titre que les marchÊs immobiliers hypertrophiÊs de Dubaï et GHV PpWURSROHV FKLQRLVHV MRXHQW OH U{OH GH GpYHUVRLUV SRXU OHV VXUSURÀWV SpWUROLHUV et industriels de l’Êconomie mondiale. Une suraccumulation due à l’incapacitÊ des pays riches à rÊduire leur consommation de pÊtrole et, dans le cas des ÉtatsUnis, à Êquilibrer leur balance des comptes courants. Si l’on en croit la leçon des F\FOHV pFRQRPLTXHV DQWpULHXUV WRXW FHOD SRXUUDLW WUqV PDO ÀQLU HW GDQV XQ GpODL DVVH] UDSSURFKp (W SRXUWDQW FRPPH OH URL GH /DSXWD O¡pWUDQJH vOH à RWWDQWH GHV Voyages de Gulliver, El-Maktoum pense avoir dÊcouvert le secret de la lÊvitation Êternelle. La baguette magique de Dubaï, c’est Êvidemment le  pic pÊtrolier  : chaque fois que vous dÊpensez 50 dollars pour faire le plein de votre voiture, vous contribuez à irriguer l’oasis d’El-Maktoum. Les prix du pÊtrole sont actuellement tirÊs à la hausse par la demande de l’industrie chinoise autant que par la peur de la guerre et du terrorisme dans les rÊgions productrices. D’après le Wall Street Journal,  les consommateurs ont dÊpensÊ en produits pÊtroliers 12 000 milliards de dollars de plus en 2004 et 2005 qu’en 2003 [1] . Comme dans les annÊes 1970, il s’opère un transfert de richesse gigantesque, qui est aussi un facteur de dÊsÊquilibre, entre pays consommateurs et pays producteurs de pÊtrole. En outre, on voit pointer à l’horizon le  pic de Hubbert , à savoir le moment à partir duquel les nouvelles rÊserves de pÊtroles ne pourront plus satisfaire la demande mondiale, propulsant les prix du brut à des niveaux carrÊment stratosphÊriques. Dans XQ VFpQDULR pFRQRPLTXH XWRSLTXH FHV JLJDQWHVTXHV SURÀWV SRXUUDLHQW VHUYLU j ÀQDQFHU OD FRQYHUVLRQ GH O¡pFRQRPLH PRQGLDOH j O¡qUH GH O¡pQHUJLH UHQRXYHODEOH en Êtant investis dans la rÊduction des Êmissions de gaz à effet de serre et l’augPHQWDWLRQ GH O¡HIÀFDFLWp pFRORJLTXH GHV V\VWqPHV XUEDLQV 0DLV GDQV OH PRQGH rÊel du capitalisme, ils alimentent la dÊbauche de luxe apocalyptique dont Dubaï est l’illustration exemplaire.
[1] ÂŤ Oil Producers Gain Global Clout from Big Windfall Âť, Wall Street Journal, 4 octobre 2005.
10
LE
MIAMI DU
GOLFE PERSIQUE
Ă&#x20AC; entendre ses thurifĂŠraires, DubaĂŻ est parvenu Ă cet ĂŠtat de grâce en grande partie grâce Ă lâ&#x20AC;&#x2122;esprit visionnaire que El-Maktoum a hĂŠritĂŠ de son père, Sheikh 5DVKLG TXL Š D LQYHVWL WRXWH VRQ pQHUJLH HW VHV UHVVRXUFHV Ă&#x20AC;QDQFLqUHV GDQV OD WUDQVformation de son ĂŠmirat en une vaste plate-forme ĂŠconomique mondialisĂŠe et un vĂŠritable paradis de la libre entreprise [1] Âť. En rĂŠalitĂŠ, lâ&#x20AC;&#x2122;irrĂŠsistible ascension de DubaĂŻ, comme celle des Ă&#x2030;mirats arabes unis en gĂŠnĂŠral, doit beaucoup Ă une sĂŠrie dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvĂŠnements gĂŠopolitiques parfaitement fortuits. Paradoxalement, le principal atout de DubaĂŻ, câ&#x20AC;&#x2122;est la maigreur de ses rĂŠserves de pĂŠtrole offshore, aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui ĂŠpuisĂŠes. Avec son minuscule arrière-pays dĂŠpourvu de la richesse gĂŠologique du KoweĂŻt ou dâ&#x20AC;&#x2122;Abou Dhabi, DubaĂŻ a ĂŠchappĂŠ Ă la pauvretĂŠ en adoptant la stratĂŠgie de Singapour et en devenant le principal centre GX FRPPHUFH GHV Ă&#x20AC;QDQFHV HW GHV ORLVLUV GDQV OH *ROIH 9HUVLRQ SRVWPRGHUQH GH OD Š ville-piège Âť â&#x20AC;&#x201D; telle la Mahagonny de Brecht â&#x20AC;&#x201D;, elle a su intercepter les superproĂ&#x20AC;WV GX FRPPHUFH SpWUROLHU HW OHV UpLQYHVWLU GDQV OD VHXOH YpULWDEOH UHVVRXUFH QDWXUHOle inĂŠpuisable dâ&#x20AC;&#x2122;Arabie : le sable. (De fait, Ă DubaĂŻ, les mĂŠga-projets sont mesurĂŠs en volume de sable dĂŠplacĂŠ : 30 millions de mètres cube pour lâ&#x20AC;&#x2122;ÂŤ Ă&#x17D;le-Monde Âť, par exemple). Si la nouvelle vague de gigantisme immobilier incarnĂŠe entre autres par Dubailand atteint ses objectifs, vers 2010, la totalitĂŠ du PIB de DubaĂŻ proviendra G¡DFWLYLWpV QRQ SpWUROLqUHV FRPPH OD Ă&#x20AC;QDQFH HW OH WRXULVPH [2]. En arrière-fond des ambitions exceptionnelles de DubaĂŻ, il y a sa longue histoire GH UHIXJH SRXU SLUDWHV FRQWUHEDQGLHUV HW WUDĂ&#x20AC;TXDQWV G¡RU  OD Ă&#x20AC;Q GH O¡qUH YLFWRULHQne, un traitĂŠ donna Ă Londres tout pouvoir sur la politique ĂŠtrangère de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat, ce qui eut pour effet de le maintenir Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcart du contrĂ´le de la cour ottomane et de ses percepteurs. Cette autonomie relative permit ĂŠgalement Ă la dynastie El-Maktoum GH WLUHU SURĂ&#x20AC;W GH VD VRXYHUDLQHWp VXU OH VHXO SRUW QDWXUHO HQ HDX[ SURIRQGHV GH OD Š CĂ´te des Pirates Âť, longue de 650 kilomètres. La pĂŞche des perles et la contrebande restèrent les deux piliers de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠconomie locale jusquâ&#x20AC;&#x2122;au moment oĂš, sous lâ&#x20AC;&#x2122;effet de la richesse pĂŠtrolière, lâ&#x20AC;&#x2122;expertise commerciale et les facilitĂŠs portuaires de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat devinrent un atout sur le marchĂŠ rĂŠgional. Jusquâ&#x20AC;&#x2122;en 1956, date oĂš fut construit le SUHPLHU pGLĂ&#x20AC;FH HQ EpWRQ O¡HQVHPEOH GH OD SRSXODWLRQ YLYDLW GDQV XQ KDELWDW WUDditionnel de type barastri, sous des toits de palme, consommait lâ&#x20AC;&#x2122;eau du puits du YLOODJH HW IDLVDLW SDvWUH VHV FKqYUHV DX PLOLHX GHV UXHV pWURLWHV [3]. [1] J. KECHICHIAN, ÂŤ Sociopolitical Origins of Emirati Leaders Âť, in J. KECHICHIAN (sous la dir.), A &HQWXU\ LQ 7KLUW\ <HDUV 6KD\NK =D\HG DQG WKH 8$(, Washington DC, 2000, p. 54. [2] J. LYNE, ÂŤ Disney Does the Desert ? Âť, 17 novembre 2003. > @ 0 3$&,21( Š &LW\ 3URĂ&#x20AC;OH 'XEDw ÂŞ Cities, vol. 22, n° 3, 2005, pp. 259â&#x20AC;&#x201C;60.
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En 1971, peu après le retrait britannique de la pĂŠninsule arabique en 1968, le Cheik Rashid sâ&#x20AC;&#x2122;associa au dirigeant dâ&#x20AC;&#x2122;Abu Dhabi, le Cheik Zayed, pour crĂŠer les Ă&#x2030;mirats arabes unis, une fĂŠdĂŠration de type fĂŠodal mobilisĂŠe contre la menace commune de la guĂŠrilla marxiste dâ&#x20AC;&#x2122;Oman, puis du rĂŠgime islamiste iranien. Abu Dhabi possĂŠdait la majoritĂŠ des ressources pĂŠtrolières des Ă&#x2030;mirats (presque un douzième des rĂŠserves mondiales prouvĂŠes dâ&#x20AC;&#x2122;hydrocarbures) mais DubaĂŻ ĂŠtait le port et le centre commercial le mieux situĂŠ. Quand le petit port dâ&#x20AC;&#x2122;origine se rĂŠvĂŠla trop petit SRXU DEVRUEHU O¡HVVRU GX FRPPHUFH OHV pPLUV XWLOLVqUHQW XQH SDUWLH GHV SURĂ&#x20AC;WV GX SUHPLHU FKRF SpWUROLHU SRXU DLGHU 'XEDw j Ă&#x20AC;QDQFHU OD FRQVWUXFWLRQ GX SOXV JUDQG SRUW DUWLĂ&#x20AC;FLHO GX PRQGH DFKHYp HQ $SUqV OD UpYROXWLRQ NKRPH\QLVWH GH DubaĂŻ devint ĂŠgalement le Miami du Golfe persique en accueillant un grand nomEUH G¡H[LOpV LUDQLHQV 1RPEUH G¡HQWUH HX[ VH VSpFLDOLVqUHQW GDQV OH WUDĂ&#x20AC;F G¡RU GH FLgarettes et dâ&#x20AC;&#x2122;alcool Ă destination de lâ&#x20AC;&#x2122;Inde et de leur très puritaine patrie dâ&#x20AC;&#x2122;origine. Plus rĂŠcemment, sous le regard indulgent de TĂŠhĂŠran, DubaĂŻ a attirĂŠ de nombreux Iraniens aisĂŠs qui utilisent la ville comme plate-forme commerciale et enclave binationale, plus Ă la manière de Hong-Kong que de Miami. On estime que ces nouveaux immigrants de luxe contrĂ´lent près de 30 % du marchĂŠ de la construction immobilière de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat [1]. Entre les annĂŠes 1980 et le dĂŠbut des annĂŠes 1990, sur la base de ces connexions plus ou moins clandestines, DubaĂŻ est devenu la capitale rĂŠgionale du blanchiment dâ&#x20AC;&#x2122;argent sale ainsi que le repaire de truands et de terroristes notoires. Le Wall Street Journal dĂŠcrit comme suit la face cachĂŠe de la ville : ÂŤ Avec ses souks de nĂŠgociants dâ&#x20AC;&#x2122;or et de diamants, ses maisons de troc et ses bureaux de transferts dâ&#x20AC;&#x2122;argent informels, DubaĂŻ prospère sur tout un rĂŠseau opaque de relaWLRQV SHUVRQQHOOHV HW G¡DOOpJHDQFHV FODQLTXHV &RQWUHEDQGLHUV WUDĂ&#x20AC;TXDQWV G¡DUPHV Ă&#x20AC;QDQFLHUV GX WHUURULVPH HW SURIHVVLRQQHOV GX EODQFKLPHQW SURĂ&#x20AC;WHQW GX OD[LVPH DPbiant, mĂŞme si lâ&#x20AC;&#x2122;essentiel des affaires traitĂŠes dans lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat sont lĂŠgales [2]. Âť DĂŠbut 2006, les congressistes amĂŠricains se sont fortement ĂŠmus de lâ&#x20AC;&#x2122;OPA lancĂŠe par la compagnie DubaĂŻ Port World sur la Peninsular and Oriental Steam Navigation Company, une entreprise londonienne qui gère de nombreux ports aux Ă&#x2030;tatsUnis.Lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠventualitĂŠ â&#x20AC;&#x201C; et les risques supposĂŠs- de la cession dâ&#x20AC;&#x2122;installations portuaires amĂŠricaines Ă un pays du Moyen-Orient provoqua un tel scandale dans les mĂŠdias que, malgrĂŠ le soutien de lâ&#x20AC;&#x2122;administration Bush, DubaĂŻ dĂťt renoncer Ă lâ&#x20AC;&#x2122;affaire. La part de pur et simple racisme anti-arabe est indĂŠniable dans cette rĂŠaction (les activitĂŠs portuaires amĂŠricaines sont dĂŠjĂ largement passĂŠes sous contrĂ´le dâ&#x20AC;&#x2122;entreprises ĂŠtrangères), mais la ÂŤ connexion terroriste Âť de DubaĂŻ, effet collatĂŠral de son rĂ´le de ÂŤ Suisse du Golfe Âť, est loin dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre un fantasme. [1] ÂŤ Young Iranians Follow Dreams to DubaĂŻ Âť, New York Times, 4 dĂŠcembre 2005. On constate ĂŠgalement depuis peu une très forte immigration de riches Iraniens-AmĂŠricains et que ÂŤ certaines rues de DubaĂŻ commencent Ă ressembler Ă certains quartiers de Los Angeles Âť. [2] Wall Street Journal, 2 mars 2006.
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Depuis les attentats du 11 septembre 2001, une ample documentation illustre OH U{OH GH 'XEDw FRPPH Š FHQWUH Ă&#x20AC;QDQFLHU GHV JURXSHV LVODPLVWHV UDGLFDX[ ÂŞ HQ particulier Al-QaĂŻda et les Taliban. Dâ&#x20AC;&#x2122;après un ancien haut fonctionnaire du TrĂŠsor amĂŠricain, ÂŤ tous les chemins mènent Ă DubaĂŻ lorsquâ&#x20AC;&#x2122;on sâ&#x20AC;&#x2122;intĂŠresse Ă lâ&#x20AC;&#x2122;argent [du terrorisme] Âť. Oussama Ben Laden aurait ainsi transfĂŠrĂŠ de grosses sommes via la DubaĂŻ Islamic Bank, qui appartient au gouvernement de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat, tandis que les Taliban seraient passĂŠs par ses souks pour transformer les taxes prĂŠlevĂŠes sur les producteurs dâ&#x20AC;&#x2122;opium afghans â&#x20AC;&#x201C; payĂŠes en lingots dâ&#x20AC;&#x2122;or â&#x20AC;&#x201D; en dollars parfaitement lĂŠgaux [1]. Dans son livre Ă succès Ghost Wars 6WHYH &ROO DIĂ&#x20AC;UPH TX¡DSUqV OHV DWtentats dĂŠvastateurs dâ&#x20AC;&#x2122;Al-QaĂŻda contre les ambassades amĂŠricaines de Nairobi et Dar-es-Salaam, la CIA dut annuler en dernière minute un plan visant Ă liquider Ben Laden Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aide de missiles de croisière alors quâ&#x20AC;&#x2122;il avait ĂŠtĂŠ repĂŠrĂŠ dans le sud de lâ&#x20AC;&#x2122;Afghanistan : le chef terroriste y chassait en effet le faucon en compagnie dâ&#x20AC;&#x2122;un PHPEUH QRQ LGHQWLĂ&#x20AC;p G¡XQH IDPLOOH UR\DOH GHV ePLUDWV '¡DSUqV 6WHYH &ROO OD &,$ ÂŤ soupçonnait ĂŠgalement des C-130 dĂŠcollant de DubaĂŻ de transporter des armes Ă destination des Taliban [2] Âť. (Q RXWUH RQ VDLW TXH SHQGDQW SUqV GL[ DQV OH Ă&#x20AC;HI GH (O 0DNWRXP D VHUYL GH refuge de luxe au Al Capone de Bombay, le lĂŠgendaire truand Dawood Ibrahim.Sa SUpVHQFH GDQV O¡pPLUDW j OD Ă&#x20AC;Q GHV DQQpHV Q¡pWDLW SDV IUDQFKHPHQW GLVFUqWH Š Dawood coulait des jours heureux Ă DubaĂŻ, ĂŠcrit Suketu Mehta ;il y recrĂŠait Bombay en organisant des fĂŞtes dĂŠbridĂŠes oĂš il faisait venir les plus grandes stars du FLQpPD GH %ROO\ZRRG HW OHV MRXHXUV GH FULFNHW GH OD YLOOH LO DYDLW SRXU PDvWUHVVH XQH jolie stralette, Mandakini [3] Âť. DĂŠbut 1993, selon le gouvernement indien, Dawood â&#x20AC;&#x201D; qui travaillait avec les services de renseignement pakistanais â&#x20AC;&#x201C; organisa depuis DubaĂŻ les ĂŠpouvantables attentats du ÂŤ Vendredi noir Âť Ă Bombay, qui provoquèrent la mort de 257 personnes [4]. Lâ&#x20AC;&#x2122;Inde demanda Ă DubaĂŻ lâ&#x20AC;&#x2122;arrestation immĂŠdiate de Dawood, mais celui-ci qui fut autorisĂŠ Ă sâ&#x20AC;&#x2122;envoler pour Karachi, oĂš il vit toujours sous la protection du gouvernement pakistanais. Son organisation criminelle, la ÂŤ D-Company Âť, poursuivrait nĂŠanmoins ses activitĂŠs dans lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat [5].
[1] G. KING, ÂŤ The Most Dangerous Man in the World : Dawood Ibrahim Âť, New York, 2004, p. 78 ; D. FARAH, ÂŤ Al Qaedaâ&#x20AC;&#x2122;s Gold : Following Trail to DubaĂŻ Âť, Washington Post, 18 fĂŠvrier 2002 ; S. FOLEY, ÂŤ What Wealth Cannot Buy : uae Security at the Turn of the 21st Century Âť, in B. RUBIN (sous la dir.), ÂŤ Crises in the Contemporary Persian Gulf Âť, Londres, 2002, pp. 51â&#x20AC;&#x201C;2. [2] S. COLL, Ghost Wars, New York, 2004, p. 449. [3] S. MEHTA, Bombay Maximum City, trad. fr. Buchet Chastel, 2006, p. 200. [4] S. H. ZAIDI, %ODFN )ULGD\ 7KH 7UXH 6WRU\ RI WKH %RPED\ %RPE %ODVWV, Delhi, 2002, pp. 25â&#x20AC;&#x201C;7 and 41-4. [5] Cf. ÂŤ DubaĂŻâ&#x20AC;&#x2122;s Cooperation with the War on Terrorism Called into Question Âť, Transnational Threats Update, Centre for Strategic and International Studies, fĂŠvrier 2003, pp. 2â&#x20AC;&#x201C;3 ; et ÂŤ Bin Ladenâ&#x20AC;&#x2122;s operatives still using freewheeling DubaĂŻ Âť, USA Today, 2 septembre 2004.
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ZONE
DE GUERRE
DubaĂŻ est aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui un partenaire respectĂŠ de Washington dans sa ÂŤ Guerre contre le terrorisme Âť â&#x20AC;&#x201D; elle sert notamment de base aux AmĂŠricains pour espionner lâ&#x20AC;&#x2122;Iran [1] . Mais il est probable que El-Maktoum, comme les autres dirigeants des Ă&#x2030;mirats, conserve un canal ouvert avec les islamistes radicaux. Si Al-QaĂŻda le voulait, il pourrait sans aucun doute transformer en ÂŤ tours infernales Âť le Burj Al-Arab et dâ&#x20AC;&#x2122;autres gratte-ciel emblĂŠmatiques du paysage urbain de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat. Mais jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă maintenant, DubaĂŻ est lâ&#x20AC;&#x2122;une des seules villes de la rĂŠgion Ă avoir complètement ĂŠchappĂŠ aux attentats Ă la voiture piĂŠgĂŠe et aux attaques contre les touristes occidentaux. Câ&#x20AC;&#x2122;est très probablement dĂť au statut de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat en tant que zone de blanchiment dâ&#x20AC;&#x2122;argent et refuge haut de gamme, tout comme Tanger dans les annĂŠes 1940 ou Macao dans les annĂŠes 1960. Le dĂŠveloppement de son ĂŠconomie souterraine est la meilleure police dâ&#x20AC;&#x2122;assurance de DubaĂŻ contre les attentats suicides et autres dĂŠtournements dâ&#x20AC;&#x2122;avion.En fait, mĂŞme si câ&#x20AC;&#x2122;est par des voies peu orthodoxes et souvent impĂŠnĂŠtrables, on peut dire que DubaĂŻ vit littĂŠralement de la peur. Le gigantesque complexe portuaire de Jebel Ali, par exemple, tire un immense SURĂ&#x20AC;W GHV Ă X[ FRPPHUFLDX[ HQJHQGUpV SDU O¡LQYDVLRQ DPpULFDLQH GH O¡,UDN 4XDQW au Terminal numĂŠro deux de lâ&#x20AC;&#x2122;aĂŠroport de DubaĂŻ, assidĂťment frĂŠquentĂŠ par les VDODULpV GH OD Ă&#x20AC;UPH +DOOLEXUWRQ OHV PHUFHQDLUHV SULYpV WUDYDLOODQW SRXU O¡DUPpH amĂŠricaine et les troupes rĂŠgulières en transit pour Bagdad ou Kaboul, on a pu le dĂŠcrire comme le ÂŤ terminal commercial le plus actif du monde Âť, et ce au service de la machine de guerre ĂŠtats-unienne au Moyen-Orient [2]. Lâ&#x20AC;&#x2122;après 11 septembre D DXVVL FRQWULEXp j UpRULHQWHU OHV Ă X[ G¡LQYHVWLVVHPHQWV LQWHUQDWLRQDX[ DX SURĂ&#x20AC;W GH 'XEDw DX OHQGHPDLQ GHV DWWHQWDWV G¡$O 4DwGD OHV eWDWV SpWUROLHUV GX Golfe, traumatisĂŠs par la furie des ChrĂŠtiens fondamentalistes de Washington et par les poursuites engagĂŠes par les survivants du World Trade Center, ont cessĂŠ GH FRQVLGpUHU OHV eWDWV 8QLV FRPPH XQ UHIXJH Ă&#x20AC;DEOH SRXU OHXUV SpWURGROODUV 2Q [1] I. CHERNUS, ÂŤ DubaĂŻ : Home Base for Cold War Âť, 13 mars 2006, Common Dreams News Centre. > @ 3 &+$77(5-(( Š 3RUWV RI 3URĂ&#x20AC;W 'XEDw 'RHV %ULVN :DU %XVLQHVV ÂŞ IpYULHU &RPPRQ Dreams News Centre.
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estime quâ&#x20AC;&#x2122;Ă eux seuls, les Saoudiens paniquĂŠs ont rapatriĂŠ au moins un tiers de leurs avoirs outre-mer, qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars. MĂŞme si OHV HVSULWV VH VRQW FDOPpV GHSXLV 'XEDw D pQRUPpPHQW EpQpĂ&#x20AC;FLp GX FKRL[ GXUDEOH fait par les dynasties pĂŠtrolières dâ&#x20AC;&#x2122;investir dans la rĂŠgion plutĂ´t quâ&#x20AC;&#x2122;Ă lâ&#x20AC;&#x2122;extĂŠrieur. &RPPH OH VRXOLJQH (GZDUG &KDQFHOORU Š j OD GLIIpUHQFH GX ERRP GH OD Ă&#x20AC;Q GHV DQQpHV XQH SDUW UHODWLYHPHQW UpGXLWH GHV VXUSURĂ&#x20AC;WV SpWUROLHUV DFWXHOV RQW pWp directement investis au Ă&#x2030;tats-Unis ou mĂŞme injectĂŠs dans le système bancaire international. Cette fois, une bonne partie de lâ&#x20AC;&#x2122;argent du pĂŠtrole est restĂŠe sur place, et la frĂŠnĂŠsie spĂŠculative se joue essentiellement sur la scène rĂŠgionale [1] Âť. Ainsi, en 2004, les Saoudiens (dont on estime que 500 000 dâ&#x20AC;&#x2122;entre eux se rendent Ă DubaĂŻ au moins une fois par an) auraient englouti près de 7 milliards de dollars dans les grands projets immobiliers de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat. Ce sont des Saoudiens, mais aussi des investisseurs dâ&#x20AC;&#x2122;Abu Dhabi, du KoweĂŻt, dâ&#x20AC;&#x2122;Iran et mĂŞme de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat ULYDO GH 4DWDU TXL Ă&#x20AC;QDQFHQW OHV GpOLUHV GH 'XEDLODQG GRQW OHV SURPRWHXUV RIĂ&#x20AC;FLHOV sont deux milliardaires de DubaĂŻ, les frères Galadari) ainsi que dâ&#x20AC;&#x2122;autres chimères pharaoniques [2]. Bien que les ĂŠconomistes mettent lâ&#x20AC;&#x2122;accent sur le rĂ´le stratĂŠgique des investissements boursiers dans le boom du Golfe persique, la rĂŠgion regorge de crĂŠdit bon marchĂŠ grâce Ă une augmentation de 60 % des dĂŠpĂ´ts de garantie et Ă la politique monĂŠtaire accommodante de la RĂŠserve fĂŠdĂŠrale amĂŠricaine (les devises des ĂŠmirats du Golfe sont toutes alignĂŠes sur le dollar) [3]. 2Q FRQQDvW ELHQ OD PXVLTXH VXU ODTXHOOH GDQVHQW OHV SpWURGROODUV Š /D PDMRULWp des biens immobiliers du nouveau DubaĂŻ, explique Business Week, sont acquis Ă GHV Ă&#x20AC;QV GH VSpFXODWLRQ DYHF GH WRXWHV SHWLWHV PLVHV GH GpSDUW &H TXL SHUPHW GH faire la culbute, comme Ă Miami [4] ÂŞ 0DLV j IRUFH GH IDLUH OD FXOEXWH RQ Ă&#x20AC;QLW VRXvent par terre, prĂŠdisent certains ĂŠconomistes. La chute de DubaĂŻ coĂŻncidera-t-elle avec lâ&#x20AC;&#x2122;explosion de cette bulle immobilière, ou bien, sous lâ&#x20AC;&#x2122;effet du ÂŤ pic pĂŠtrolier ÂŞ FHWWH /DSXWD GHV VDEOHV FRQWLQXHUD W HOOH GH Ă RWWHU DX GHVVXV GHV FRQWUDGLFWLRQV GH O¡pFRQRPLH PRQGH " 5LHQ QH YLHQW pEUDQOHU OD FRQĂ&#x20AC;DQFH G¡(O 0DNWRXP HQ VRQ ĂŠtoile : ÂŤ Aux capitalistes, je dirai que ce nâ&#x20AC;&#x2122;est pas DubaĂŻ qui a besoin dâ&#x20AC;&#x2122;investisseurs, mais les investisseurs qui ont besoin de DubaĂŻ. Et si jâ&#x20AC;&#x2122;ai un conseil Ă leur donner, câ&#x20AC;&#x2122;est quâ&#x20AC;&#x2122;ils courent plus de risque Ă laisser dormir leur argent quâ&#x20AC;&#x2122;Ă lâ&#x20AC;&#x2122;investir chez nous [5]. Âť
[1] E. CHANCELLOR, ÂŤ Seven Pillars of Folly Âť, Wall Street Journal, 8 mars 2006 ; sur les fonds saoudiens rapatriĂŠs, AME Info, 20 mars 2005. [2] AME Info, 9 juin 2005. [3] E. CHANCELLOR, ÂŤ Seven Pillars of Folly Âť, art. cit. [4] S. REED, ÂŤ The New Middle East Bonanza Âť, Business Week, 13 mars 2006. [5] J. LYNE, ÂŤ Disney Does the Desert ? Âť, art. cit.
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/H SKLORVRSKH URL GH 'XEDw O·XQ GHV SURMHWV G·vOH DUWLÀFLHOOH VHUD G·DLOOHXUV une réplique géante d’une épigramme de son cru) [1] sait parfaitement que c’est la peur qui tire à la hausse les revenus pétroliers qui ont permis de transformer les dunes de sable en forêt de gratte-ciel et de centres commerciaux. Chaque fois que des rebelles font exploser un pipeline dans le delta du Niger, chaque fois qu’un martyr lance son camion piégé contre un immeuble de Riyad, chaque fois que Washington et Tel Aviv piquent une colère contre Téhéran, le prix du péWUROH HW OHV UHYHQXV GH 'XEDw EpQpÀFLH GH OD KDXVVH GX QLYHDX JpQpUDO G·DQ[LpWp sur les tout puissants marchés de futures. Autrement dit, la capitalisation des économies du Golfe n’est pas seulement indexée sur la production de pétrole, mais aussi sur la crainte d’une interruption de l’approvisionnement. D’après une enquête récente de l’hebdomadaire Business Week, « l’année dernière, le monde a versé aux États pétroliers du Golfe environ 120 milliards de dollars de bonus en raison des craintes de perturbation de l’approvisionnement. Certains esprits cyniques avancent que les producteurs de pétrole sont fort satisfaits de cette DPELDQFH G·DQ[LpWp YX TX·HOOH DFFURvW FRQVLGpUDEOHPHQW OHXUV SURÀWV ª '·DSUqV un des experts interrogés par Business Week, « la peur est une véritable manne pour les pays producteurs de pétroles » [2]. Mais cette manne, les magnats du pétrole préfèrent la dépenser dans une oasis tranquille entourée de hauts murs. Avec sa souveraineté garantie en dernier ressort par les porte-avions nucléaires américains qui mouillent fréquemment dans le port de Jebel Ali, et peut-être aussi par des accords secrets (négociés à l’occasion de chasses au faucon en Afghanistan ?) entre les princes des Émirats et le terrorisme islamique, Dubaï est un paradis ultra-sécurisé, avec son secret bancaire à la suisse, ses armées de portiers, de gardiens et autres nervis chargés de protéger ses sanctuaires du luxe. Des agents de sécurité se chargent de décourager les touristes tentés de jeter un coup d’œil furtif au Burj Al$UDE VXU VRQ vORW SULYp 4XDQW aux clients, bien entendu, ils débarquent en Rolls Royce.
[1] Vu du ciel, on pourra lire, « Apprenez des gens sages. Un cavalier n’est pas toujours jockey ». [2] P. COY, « Oil Pricing », Business Week, 13 mars 2006.
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LE BEACH CLUB DE MILTON FRIEDMAN Autrement dit, DubaĂŻ est une grande communautĂŠ fermĂŠe, la plus grande Zone verte du monde. Plus encore que Singapour ou le Texas, elle est la parfaite expression des valeurs nĂŠo-libĂŠrales du capitalisme contemporain : une sociĂŠtĂŠ entièrement conforme Ă lâ&#x20AC;&#x2122;imaginaire des Chicago boys. De fait, DubaĂŻ, est lâ&#x20AC;&#x2122;incarnation du rĂŞve des rĂŠactionnaires amĂŠricains â&#x20AC;&#x201D; une oasis de libre-entreprise sans impĂ´ts, sans syndicats et sans partis dâ&#x20AC;&#x2122;opposition (ni ĂŠlections, dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs). Comme il se doit dans un paradis de la consommation, sa fĂŞte nationale â&#x20AC;&#x201D; non RIĂ&#x20AC;FLHOOH Âł TXL GpĂ&#x20AC;QLW DXVVL VRQ LPDJH SODQpWDLUH HVW OH IDPHX[ )HVWLYDO GX Shopping, parrainĂŠ par les vingt-cinq centres commerciaux de la ville. Ce grand moment de folie consumĂŠriste dĂŠmarre tous les 12 janvier et attire pendant un mois quatre millions de consommateurs haut de gamme, provenant essentiellement du Moyen-Orient et dâ&#x20AC;&#x2122;Asie du Sud [1]. Lâ&#x20AC;&#x2122;absolutisme fĂŠodal qui règne Ă DubaĂŻ â&#x20AC;&#x201D; la dynastie El Maktoum possède lâ&#x20AC;&#x2122;intĂŠgralitĂŠ du territoire de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat â&#x20AC;&#x201D; est vendu au monde extĂŠrieur comme le nec plus ultra de la culture dâ&#x20AC;&#x2122;entreprise ĂŠclairĂŠe, et la confusion entre politique HW PDQDJHPHQW HVW XQ PRW G¡RUGUH RIĂ&#x20AC;FLHO Š /HV JHQV FRQVLGqUHQW QRWUH 3ULQFH comme le PDG de DubaĂŻ. Tout simplement parce quâ&#x20AC;&#x2122;il dirige vraiment le pays comme une entreprise privĂŠe pour le bien du secteur privĂŠ, pas pour celui de O¡eWDW ÂŞ H[SOLTXH 6DwG (O 0XQWDĂ&#x20AC;T GLUHFWHXU GH OD 'XEDw 'HYHORSPHQW DQG ,QYHVWPHQW $XWKRULW\ 6L OH SD\V HVW XQH JUDQGH Ă&#x20AC;UPH FRPPH QH FHVVH GH O¡DIĂ&#x20AC;UPHU (O 0DNWRXP DORUV OH Š JRXYHUQPHQW UHSUpVHQWDWLI ÂŞ Q¡D SOXV GH UDLVRQ dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre : après tout, General Electric et Exxon ne sont pas des dĂŠmocraties et personne â&#x20AC;&#x201C; Ă lâ&#x20AC;&#x2122;exception de quelques bolchĂŠviques enragĂŠs â&#x20AC;&#x201D; nâ&#x20AC;&#x2122;exige quâ&#x20AC;&#x2122;elles le deviennent. Ă&#x20AC; DubaĂŻ, le gouvernement se confond pratiquement avec lâ&#x20AC;&#x2122;entreprise privĂŠe. Tout en contrĂ´lant les rouages administratifs de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;tat, les hauts responsables de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat â&#x20AC;&#x201D; tous roturiers et recrutĂŠs sur la base de leur mĂŠrite â&#x20AC;&#x201D; sont Ă la tĂŞte dâ&#x20AC;&#x2122;une grande entreprise de BTP propriĂŠtĂŠ de la famille El Maktoum. En rĂŠalitĂŠ, le ÂŤ gouvernement Âť est une ĂŠquipe de gestion de portefeuille dirigĂŠe par trois managers de haut vol qui sont en concurrence pour assĂťrer Ă la dynastie le meilleur retour sur investissement possible (voir tableau page suivante). ÂŤ Dans XQ WHO V\VWqPH pFULW :LOOLDP :DOOLV OD QRWLRQ GH FRQĂ LW G¡LQWpUrW Q¡D SDV YUDLment droit de citĂŠ Âť. Dans la mesure oĂš lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat est aux mains dâ&#x20AC;&#x2122;un seul propriĂŠtaire qui monopolise lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnorme quantitĂŠ de rentes et de revenus fonciers qui sâ&#x20AC;&#x2122;accumulent dans ses caisses, DubaĂŻ peut largement se passer de lâ&#x20AC;&#x2122;appareil de [1] Tarek ATIA, ÂŤ Everybodyâ&#x20AC;&#x2122;s a Winner Âť, Al-Ahram Weekly, 9 fĂŠvrier 2005.
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SUpOqYHPHQW Ă&#x20AC;VFDO ² GURLWV GH GRXDQH LPS{WV GLUHFWV HW LQGLUHFWV HWF ² VDQV OHquel ne sauraient suvivre les autres gouvernements. Ce taux dâ&#x20AC;&#x2122;imposition quasi nul stimule les investissements immobiliers, tandis que les voisins dâ&#x20AC;&#x2122;Abu Dhabi, ULFKHV HQ SpWUROH DVVXUHQW OH Ă&#x20AC;QDQFHPHQW GHV IRQFWLRQV UpJDOLHQQHV GRQW OD GLplomatie et la dĂŠfense, qui dĂŠpendent de lâ&#x20AC;&#x2122;administration fĂŠdĂŠrale des Ă&#x2030;mirats. Celle-ci est elle-mĂŞme un condominium chargĂŠ de gĂŠrer les intĂŠrĂŞts des Cheiks au pouvoir et de leur famille. Le triumvirat : SECTEUR PUBLIC
SECTEUR PRIVĂ&#x2030;
Mohammed El Gergawi
Conseil ĂŠxĂŠcutif
DubaĂŻ Holdings
Mohammed Alabbar
DĂŠp. du DĂŠveloppement ĂŠconomique
Emaar (immobilier)
Sultan Ahmed ben Sulayem
Port de Jebel Ali
Nakheel (immobilier)
Dans la mĂŞme veine, Ă DubaĂŻ, la libertĂŠ individuelle est une variable du ÂŤ business plan Âť, pas un droit constitutionnel, et encore moins un ÂŤ droit inaliĂŠnable Âť. El Maktoum et ses lieutenants doivent arbitrer entre, dâ&#x20AC;&#x2122;un cĂ´tĂŠ, lâ&#x20AC;&#x2122;autoritĂŠ tribale et la loi islamique et, de lâ&#x20AC;&#x2122;autre, la culture dâ&#x20AC;&#x2122;entreprise et lâ&#x20AC;&#x2122;hĂŠdonisme dĂŠcadent importĂŠs dâ&#x20AC;&#x2122;Occident. Lâ&#x20AC;&#x2122;ingĂŠnieuse solution de ce dilemme est, pourrait-on dire, un rĂŠgime de ÂŤ libertĂŠs modulĂŠes Âť fondĂŠ sur une sĂŠparation spatiale rigoureuse des diverses fonctions ĂŠconomiques et des classes sociales, elles-mĂŞmes ethniquement diffĂŠrenciĂŠes. Pour en comprendre le fonctionnement concret, une vision dâ&#x20AC;&#x2122;ensemble de la stratĂŠgie de dĂŠveloppement de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat est indispensable. DubaĂŻ est surtout connue pour ses extravagances touristiques, mais la villeĂ&#x2030;tat a pour ambition première de capter le plus de valeur ajoutĂŠe possible Ă travers toute une sĂŠrie de zones franches et de pĂ´les de dĂŠveloppement high tech. ÂŤ Pour se transformer en mĂŠgalopole, ĂŠcrit un journaliste dâ&#x20AC;&#x2122;ABC, une des stratĂŠgies de ce petit comptoir cĂ´tier a consistĂŠ Ă nâ&#x20AC;&#x2122;hĂŠsiter devant aucune concession pour inciter les entreprises Ă investir et sâ&#x20AC;&#x2122;implanter Ă DubaĂŻ. Dans certaines zones franches, les investisseurs ĂŠtrangers peuvent lĂŠgalement possĂŠder jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă 100 % des actifs, sans avoir Ă payer aucun impĂ´t ni aucun droit de douane [1]. Âť La première zone de ces zones franches, ĂŠtablie dans les limites du district portuaire de Jebel Ali, accueille aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui plusieurs milliers dâ&#x20AC;&#x2122;entreprises comPHUFLDOHV HW LQGXVWULHOOHV (OOH HVW OD WrWH GH SRQW GHV Ă&#x20AC;UPHV DPpULFDLQHV YHUV lâ&#x20AC;&#x2122;Arabie saoudite et les marchĂŠs du Golfe [2]. [1] Hari SREENIVASAN, ÂŤ DubaĂŻ : Build It and They Will Come Âť, ABC News, 8 fĂŠvrier 2005. > @ 0LFKDHO 3$&,21( Š &LW\ 3URĂ&#x20AC;OH 'XEDw ÂŞ DUW FLW S
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Mais lâ&#x20AC;&#x2122;essentiel de la croissance Ă venir reposera sur tout un archipel de pĂ´les de dĂŠveloppement spĂŠcialisĂŠs. Les plus grandes de ces villes dans la ville sont : Internet City, qui est dâ&#x20AC;&#x2122;ores et dĂŠjĂ le principal centre de technologie de lâ&#x20AC;&#x2122;inforPDWLRQ GX PRQGH DUDEH HW DFFXHLOOH OHV Ă&#x20AC;OLDOHV GH 'HOO +HZOHWW 3DFNDUG 0Lcrosoft, etc. ; Media City, siège du rĂŠseau de tĂŠlĂŠvision satellitaire Al Arabiya et de nombreux autres conglomĂŠrats internationaux de la communication ; et le DubaĂŻ International Financial Centre, dont El Maktoum espère quâ&#x20AC;&#x2122;il deviendra la première place boursière Ă mi-chemin de lâ&#x20AC;&#x2122;Europe et de lâ&#x20AC;&#x2122;Est asiatique, Ă destination des investisseurs ĂŠtrangers allĂŠchĂŠs par lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠnorme rĂŠservoir de revenus pĂŠtrolier du Golfe. Outre ces mĂŠga-enclaves, dont chacune emploie des dizaines de milliers de personnes, DubaĂŻ accueille ĂŠgalement (ou prĂŠvoit de construire) : une CitĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;Aide humanitaire, destinĂŠe aux interventions dâ&#x20AC;&#x2122;urgence en cas de catastrophe ; une zone franche dĂŠdiĂŠe Ă la vente de voitures dâ&#x20AC;&#x2122;occasion ; un centre international des mĂŠtaux et des matières premières ; le siège de lâ&#x20AC;&#x2122;Association internationale des Joueurs dâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;checs, Ă savoir une ÂŤ CitĂŠ des Ă&#x2030;checs Âť bâtie en forme dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠchiquier, avec deux tours ÂŤ royales Âť de 64 ĂŠtages ; et un Village de la SantĂŠ associĂŠ Ă la facultĂŠ de mĂŠdecine Harvard, qui offrira aux classes privilĂŠgiĂŠes de la rĂŠgion la technologie mĂŠdicale amĂŠricaine la plus avancĂŠe (coĂťt : 6 milliards de dollars) [1]. DubaĂŻ nâ&#x20AC;&#x2122;est ĂŠvidemment pas la seule ville de la rĂŠgion Ă possĂŠder des zones franches et des pĂ´les de dĂŠveloppement high tech, mais elle est la seule Ă offrir Ă ces enclaves un rĂŠgime juridique dâ&#x20AC;&#x2122;exception taillĂŠ sur mesure pour les investisseurs ĂŠtrangers et les cadres supĂŠrieurs dĂŠlocalisĂŠs. Comme le souligne le Financial Times Š FHV QLFKHV GH SURĂ&#x20AC;W DXWRUpJXOpHV VRQW DX FÂąXU GH OD VWUDWpJLH de dĂŠveloppement de DubaĂŻ [2]. Âť Ainsi, Media City est pratiquement libre de la censure qui règne dans le reste de la ville, tandis que lâ&#x20AC;&#x2122;accès Ă la toile nâ&#x20AC;&#x2122;est pas Ă&#x20AC;OWUp j ,QWHUQHW &LW\ /HV ePLUDWV RQW DXWRULVp 'XEDw j PHWWUH HQ SODFH XQ Š système ĂŠconomique entièrement autonome, copiĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;Occident et travaillant en dollars et en anglais Âť. Non sans susciter des protestations, DubaĂŻ a ĂŠgalement importĂŠ des juristes et des magistrats britanniques retraitĂŠs et spĂŠcialisĂŠs HQ WKqPHV Ă&#x20AC;QDQFLHUV SRXU JDJQHU OD FRQĂ&#x20AC;DQFH GHV LQYHVWLVVHXUV HQ GpPRQWUDQW quâ&#x20AC;&#x2122;elle appliquait les mĂŞmes rĂŠgles du jeu que Zurich, Londres et New York [3]. Parallèlement, en mai 2002, pour assurer la vente rapide des luxueuses villas de [1] Lee SMITH, ÂŤ The Road to Tech Mecca Âť, art. cit. ; Stanley REED, ÂŤ A Bourse is Born in DubaĂŻ Âť, Business Week, 3 octobre 2005 ; et Roula KHALAF, ÂŤ Stock Exchanges : Chance to tap into a vast pool of capital Âť, Financial Times, 12 juillet 2005. [2] Roula KHALAF, ÂŤ Stock Exchanges Âť, art. cit. [3] William MCSHEEHY, ÂŤ Financial centre : A three-way race for supremacy Âť, Financial Times, 12 juillet 2005.
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3DOP -XPHLUDK HW GHV vORWV SULYpV GH O¡Ă?OH 0RQGH (O 0DNWRXP D DQQRQFp XQH Ypritable ÂŤ rĂŠvolution immobilière Âť qui permettra aux ĂŠtrangers dâ&#x20AC;&#x2122;en devenir les SURSULpWDLUHV GpĂ&#x20AC;QLWLIV DX OLHX GH EpQpĂ&#x20AC;FLHU G¡XQ VLPSOH EDLO GH DQV FRPPH câ&#x20AC;&#x2122;est le cas partout ailleurs dans la rĂŠgion [1]. Non content de tolĂŠrer ces enclaves de laissez-faire ĂŠconomique et de libertĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;expression, lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat est connu pour sa mansuĂŠtude Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠgard des vices occidentaux â&#x20AC;&#x201D; Ă lâ&#x20AC;&#x2122;exception de la consommation de drogue. Contrairement Ă ce qui se SDVVH HQ $UDELH VDRXGLWH RX PrPH j .RZHwW &LW\ O¡DOFRRO FRXOH j Ă RWV GDQV OHV hĂ´tels et les bars pour ĂŠtrangers de la ville, et personne ne sâ&#x20AC;&#x2122;indigne de voir des jeunes femmes en bustier lĂŠger ou mĂŞme des baigneuses en string sur la plage. 'XEDw Âł WRXV OHV JXLGHV OHV SOXV EUDQFKpV YRXV OH FRQĂ&#x20AC;UPHURQW Âł HVW DXVVL OH ÂŤ Bangkok du Moyen-Orient Âť, avec ses milliers de prostituĂŠes russes, armĂŠnienQHV LQGLHQQHV RX LUDQLHQQHV FRQWU{OpHV SDU GLYHUVHV PDĂ&#x20AC;DV HW JDQJV WUDQVQDWLRQDX[ /HV Ă&#x20AC;OOHV UXVVHV DFFRXGpHV DX EDU VRQW OD IDoDGH JODPRXU G¡XQ VLQLVWUH WUDĂ&#x20AC;F EDVp VXU OHV HQOqYHPHQWV O¡HVFODYDJH VH[XHO HW OD YLROHQFH VDGLTXH %LHQ HQtendu, la modernissime administration dâ&#x20AC;&#x2122;El Maktoum nie toute responsabilitĂŠ GDQV FHWWH LQGXVWULH GX VH[H Ă RULVVDQWH PrPH VL OHV LQLWLpV VDYHQW SDUIDLWHPHQW que les putes sont indispensables pour remplir les hĂ´tels cinq ĂŠtoiles dâ&#x20AC;&#x2122;hommes dâ&#x20AC;&#x2122;affaires europĂŠens et arabes [2]. Quand les ĂŠtrangers vantent lâ&#x20AC;&#x2122;exceptionnelle ÂŤ ouverture Âť de DubaĂŻ, câ&#x20AC;&#x2122;est Ă cette permissivitĂŠ libidineuse quâ&#x20AC;&#x2122;ils font allusion, pas Ă la libertĂŠ syndicale ou Ă celle de la presse.
UNE
MAJORITĂ&#x2030; DE SERFS INVISIBLES
Comme les ĂŠmirats voisins, DubaĂŻ a atteint la perfection dans lâ&#x20AC;&#x2122;art dâ&#x20AC;&#x2122;exploiter les travailleurs. Dans un pays qui nâ&#x20AC;&#x2122;a aboli lâ&#x20AC;&#x2122;esclavage quâ&#x20AC;&#x2122;en 1963, les syndicats, les grèves et les agitateurs sont gĂŠnĂŠralement hors la loi, et 99 % des salariĂŠs du secteur privĂŠ sont des ĂŠtrangers expulsables sur-le-champ. De fait, la sauvagerie des rapports sociaux qui règnent Ă DubaĂŻ a de quoi mettre lâ&#x20AC;&#x2122;eau Ă la bouche des tĂŞtes pensantes de lâ&#x20AC;&#x2122;American Enterprise et autres Cato Institute [3].
[1] ÂŤ A Short History of DubaĂŻ Property Âť, AME Info, aoĂťt 2004. [2] Lonely Planet, DubaĂŻ : City Guide, London 2004, p. 9 ; and William RIDGEWAY, ÂŤ DubaĂŻ, DubaĂŻâ&#x20AC;&#x201D;The Scandal and the Vice Âť, Social Affairs Unit, 4 avril 2005. [3] Lâ&#x20AC;&#x2122;American Enterprise Institute est une fondation nĂŠoconservatrice amĂŠricaine. Le Cato Institute est un think tank libertarien [NdT].
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Au sommet de la pyramide, on trouve bien entendu les El Maktoum et leurs cousins, qui possèdent le moindre grain de sable exploitable sur le territoire du royaume. Ensuite, viennent les autochtones, 15 % de la population (souvent descendants dâ&#x20AC;&#x2122;arabophones du sud de lâ&#x20AC;&#x2122;Iran) qui forment une classe dâ&#x20AC;&#x2122;oisifs privilĂŠgiĂŠs reconnaissables Ă leur uniforme, la djellabah blanche, baptisĂŠe dishdash dans la pĂŠninsule arabique. En ĂŠchange de leur soumission Ă la dynastie, ils reçoivent de gĂŠnĂŠreuses prestations sociales, une ĂŠducation gratuite, des logements sociaux et des emplois publics. Ă&#x20AC; lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠchelon infĂŠrieur, on trouve une couche de mercenaires choyĂŠs par le rĂŠgime : plus de cent mille expatriĂŠs en provenance du Royaume-Uni (sans compter les cent mille autres citoyens britanniques qui possèdent une rĂŠsidence secondaire Ă DubaĂŻ) cĂ´toient les milliers de cadres et de VSpFLDOLVWHV HXURSpHQV OLEDQDLV LUDQLHQV HW LQGLHQV TXL SURĂ&#x20AC;WHQW j IRQG GH OHXU opulence climatisĂŠe, agrĂŠmentĂŠe de deux mois de congĂŠs payĂŠs outremer tous les ĂŠtĂŠs. Les membres du contingent britannique, avec Ă leur tĂŞte le footballeur David Beckham (qui a achetĂŠ une plage) et le chanteur Rod Stewart (heureux SURSULpWDLUH G¡XQH vOH VRQW VDQV GRXWH OHV SULQFLSDX[ WKXULIpUDLUHV GX SDUDGLV dâ&#x20AC;&#x2122;El Maktoum. Ils sont nombreux Ă sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠpanouir voluptueusement dans un cadre qui leur rappelle les splendeurs disparues du Raj et les dĂŠlectables contreparties GX IDUGHDX GH O¡KRPPH EODQF /¡pPLUDW HVW SDVVp PDvWUH GDQV O¡DUW GH FXOWLYHU OD nostalgie coloniale [1]. Mais si DubaĂŻ ressemble un peu Ă un Empire britannique en modèle rĂŠduit, câ&#x20AC;&#x2122;est aussi pour des raisons moins frivoles. La grande masse de la population y est constituĂŠe de travailleurs sous contrat venus dâ&#x20AC;&#x2122;Asie du Sud, ĂŠtroitement dĂŠpendants dâ&#x20AC;&#x2122;un unique employeur et soumis Ă un contrĂ´le social de type totalitaire. Une myriade de domestiques philippines, srilankaises et indiennes veillent au bien-ĂŞtre fastueux des ĂŠlites, tandis que le boom immobilier (qui emploie un quart de la main-dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre) repose sur une armĂŠe de Pakistanais et dâ&#x20AC;&#x2122;Indiens sous-payĂŠs â&#x20AC;&#x201D; le plus gros contingent vient du Kerala â&#x20AC;&#x201D; travaillant douze heures par jour, six jours et demi par semaine, par des tempĂŠratures infernales. Ă&#x20AC; lâ&#x20AC;&#x2122;instar de ses voisins, DubaĂŻ viole systĂŠmatiquement les règles de lâ&#x20AC;&#x2122;OIT et refuse de signer la Convention des Nations unies sur les droits des travailleurs migrants. En 2003, lâ&#x20AC;&#x2122;ONG Human Rights Watch a accusĂŠ les Ă&#x2030;mirats arabes unis de construire leur prospĂŠritĂŠ sur le ÂŤ travail forcĂŠ Âť. De fait, comme le soulignait rĂŠcemment le quotidien britannique The Independent ÂŤ le marchĂŠ du travail ressemble Ă sâ&#x20AC;&#x2122;y mĂŠprendre au système colonial des travailleurs sous contrat LPSRUWpV G¡RXWUHPHU MDGLV LQWURGXLW GDQV O¡pPLUDW SDU VHV DQFLHQV PDvWUHV EULtanniques Âť. ÂŤ Tout comme leurs ancĂŞtres tombĂŠs dans la misère, poursuit le [1] William WALLIS, ÂŤ Demographics : Locals swamped by a new breed of resident Âť, Financial Times, 12 juillet 2005.
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quotidien londonien, les travailleurs asiatiques qui dĂŠbarquent dans les Ă&#x2030;mirats sont obligĂŠs de se soumettre par contrat Ă une forme dâ&#x20AC;&#x2122;esclavage virtuel. Leurs GURLWV V¡pYDQRXLVVHQW j OHXU DUULYpH j O¡DpURSRUW ORUVTXH OHV UHFUXWHXUV FRQĂ&#x20AC;Vquent leur passeport et leur visa [1]. Âť Non contents dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre surexploitĂŠs, les ilotes de DubaĂŻ â&#x20AC;&#x201D; comme le prolĂŠtariat dans Metropolis de Fritz Lang â&#x20AC;&#x201D; doivent se faire invisibles. La presse locale ne peut rien publier sur lâ&#x20AC;&#x2122;exploitation des travailleurs migrants ni sur la prostitution (les EAU occupent le 137ème rang sur lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠchelle de la libertĂŠ de la presse ĂŠtablie par Reporters sans Frontières). De mĂŞme, ÂŤ les travailleurs asiatiques nâ&#x20AC;&#x2122;ont pas DFFqV DX[ UXWLODQWV FHQWUHV FRPPHUFLDX[ DX[ WHUUDLQV GH JROI Ă DPEDQW QHXIV HW aux restaurants chics [2] Âť. Et les sordides baraquements de la pĂŠriphĂŠrie oĂš ils sâ&#x20AC;&#x2122;entassent Ă six, huit, voire douze dans une seule pièce, souvent sans climatiVDWLRQ QL WRLOHWWHV GpFHQWHV VRQW LQFRQQXV GHV FLUFXLWV WRXULVWLTXHV RIĂ&#x20AC;FLHOV TXL vantent une oasis de luxe, sans pauvretĂŠ ni bidonvilles [3]. On rapporte quâ&#x20AC;&#x2122;il y a quelque temps, lors dâ&#x20AC;&#x2122;une visite Ă un de ces foyers de travailleurs gĂŠrĂŠ par un promoteur immobilier, le ministre du Travail des Ă&#x2030;mirats lui-mĂŞme fut scandalisĂŠ par lâ&#x20AC;&#x2122;incroyable ĂŠtat dâ&#x20AC;&#x2122;insalubritĂŠ de ces installations. Ce qui nâ&#x20AC;&#x2122;empĂŞcha pas les mĂŞmes travailleurs dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre aussitĂ´t arrĂŞtĂŠs lorsquâ&#x20AC;&#x2122;ils eurent la mauvaise idĂŠe de former un syndicat pour obtenir le règlement de salaires impayĂŠs et lâ&#x20AC;&#x2122;amĂŠlioration de leurs conditions de vie [4]. La police de DubaĂŻ dĂŠtourne assez facilement les yeux des importations illĂŠgales dâ&#x20AC;&#x2122;or et de diamant, des rĂŠseaux de prostitution et des personnages louches qui achètent dâ&#x20AC;&#x2122;un seul coup vingt-cinq villas en liquide, mais elle manifeste un zĂŠle remarquable lorsquâ&#x20AC;&#x2122;il sâ&#x20AC;&#x2122;agit dâ&#x20AC;&#x2122;expulser des ouvriers pakistanais qui se plaignent que leur patron ne les paye pas, ou dâ&#x20AC;&#x2122;emprisonner pour ÂŤ adultère Âť des domestiques philippines violĂŠes par leur employeur [5]. Pour ĂŠviter dâ&#x20AC;&#x2122;attiser la menace dĂŠmographique et sociale chiite qui inquiète tant BahreĂŻn et lâ&#x20AC;&#x2122;Arabie saoudite, les Ă&#x2030;mirats ont privilĂŠgiĂŠ la main-dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre non arabe venue de lâ&#x20AC;&#x2122;ouest de lâ&#x20AC;&#x2122;Inde, du Pakistan, du Sri Lanka, du Bangladesh, du NĂŠpal et des Philippines. Mais, comme les travailleurs asiatiques ont commencĂŠ Ă se montrer indociles, les autoritĂŠs ont dĂť faire marche arrière et adopter une soi-disant ÂŤ politique de diversitĂŠ culturelle Âť : ÂŤ on nous a demandĂŠ de ne plus recruter dâ&#x20AC;&#x2122;Asiatiques Âť, explique un
[1] Nick MEO, ÂŤ How DubaĂŻ, playground of business men and warlords, is built by Asian wage slaves Âť, The Independent, 1er mars 2005. [2] Ibid. [3] Lucy WILLIAMSON, ÂŤ Migrantsâ&#x20AC;&#x2122; Woes in DubaĂŻ Worker Camps Âť, BBC News, 10 fĂŠvrier 2005. [4] Voir le rĂŠcit publiĂŠ le 15 fĂŠvrier 2005 sur secretdubai.blogspot.com. > @ 6XU O¡HPSULVRQQHPHQW GHV YLFWLPHV GH YLROV FI Š $VLD 3DFLĂ&#x20AC;F 0LVVLRQ IRU 0LJUDQWV ÂŞ News Digest, septembre 2003.
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employeur, ce qui permet de mieux contrĂ´ler la main-dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre en diluant les diYHUV FRQWLQJHQWV QDWLRQDX[ JUkFH j XQ Ă X[ FURLVVDQW GH WUDYDLOOHXUV DUDEHV [1]. Cette politique de discrimination contre les Asiatiques se heurte Ă la faible disponibilitĂŠ des Arabes Ă travailler pour des salaires de misère (100 Ă 150 dollars par mois) dans un secteur de la construction avide de main-dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre et caractĂŠrisĂŠ par la prolifĂŠration des nouveaux projets et des mĂŠga-chantiers inachevĂŠs [2]. Câ&#x20AC;&#x2122;est justement ce boom de la construction, avec les conditions de travail et de sĂŠcuritĂŠ ĂŠpouvantables qui lâ&#x20AC;&#x2122;accompagnent, qui a prĂŠparĂŠ le terrain de la rĂŠvolte. Dâ&#x20AC;&#x2122;après Human Rights Watch, rien quâ&#x20AC;&#x2122;en 2004, 880 ouvriers du bâtiment
ont trouvĂŠ la mort sur leur lieu de travail. La plupart de ces accidents nâ&#x20AC;&#x2122;ont pas ĂŠtĂŠ signalĂŠs par les employeurs ou ont ĂŠtĂŠ ĂŠtouffĂŠs par le rĂŠgime [3]. Par ailleurs, les foyers de travailleurs construits en plein dĂŠsert par les gĂŠants de lâ&#x20AC;&#x2122;industrie du batiment et leurs sous-traitants se caractĂŠrisent par lâ&#x20AC;&#x2122;absence de conditions minimales dâ&#x20AC;&#x2122;hygiène et dâ&#x20AC;&#x2122;approvisionnement satisfaisant en eau potable. Entre autres facteurs qui mettent Ă rude ĂŠpreuve la patience des travailleurs, on peut citer lâ&#x20AC;&#x2122;allongement constant de la distance entre les foyers et les chantiers, le GHVSRWLVPH WHLQWp GH SUpMXJpV UDFLDX[ RX UHOLJLHX[ GHV FRQWUHPDvWUHV OD SUpsence de gardes privĂŠs et de mouchards dans les foyers, des contrats de travail TXL UHOqYHQW SUDWLTXHPHQW GH O¡HVFODYDJH SRXU GHWWH HW HQĂ&#x20AC;Q OD WRWDOH LPSXQLWp [1] Meena JANARDHAN, ÂŤ Welcome mat shrinking for Asian workers in UAE Âť, Inter Press Service, 2003. [2] Voir Ray JUREIDINI, ÂŤ Migrant Workers and Xenophobia in the Middle East Âť, UN Research Institute IRU 6RFLDO 'HYHORSPHQW ,GHQWLWLHV &RQĂ LFW DQG &RKHVLRQ 3URJUDPPH 3DSHU QÂ&#x192; , Genève, dĂŠcembre 2003. [3] ÂŤ UAE : Abuse of Migrant Workers Âť, Human Rights Watch, 30 mars 2006.
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dont jouissent les employeurs qui disparaissent du jour au lendemain ou qui se dĂŠclarent en faillite sans payer les arriĂŠrĂŠs de salaire [1]. Câ&#x20AC;&#x2122;est de cette condition pitoyable que tĂŠmoignait un travailleur du Kerala interviewĂŠ par le New York Times : ÂŤ Je voudrais que les riches sachent qui a construit ces tours. Quâ&#x20AC;&#x2122;ils viennent ici et voient Ă quoi ressemble notre vie [2]. Âť Les premiers signes de rĂŠbellion sont apparus Ă lâ&#x20AC;&#x2122;automne 2004, lorsque plusieurs PLOOLHUV GH WUDYDLOOHXUV DVLDWLTXHV GpĂ&#x20AC;OqUHQW FRXUDJHXVHPHQW VXU O¡DXWRURXWH j KXLW voies Sheikh Zayed en direction du ministère du Travail. Ils y furent acueillis par la police anti-ĂŠmeute et par des fonctionnaires brandissant des menaces dâ&#x20AC;&#x2122;expulsion massive [3]. Lâ&#x20AC;&#x2122;annĂŠe 2005 fut marquĂŠe par des manifestations et des grèves de moindre envergure en signe de protestation contre le non paiement des salaires ou la dangerositĂŠ des conditions de travail. Ces mobilisations sâ&#x20AC;&#x2122;inspiraient de la grande rĂŠvolte des travailleurs bengalis du KoweĂŻt, au printemps de la mĂŞme annĂŠe. Au PRLV GH VHSWHPEUH SUqV GH VHSW PLOOH WUDYDLOOHXUV PDQLIHVWqUHQW WURLV KHXUHV G¡DIĂ&#x20AC;OpH â&#x20AC;&#x201D; la plus grande protestation de lâ&#x20AC;&#x2122;histoire de DubaĂŻ. Et puis il y a eu lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmeute du 22 mars 2006, dĂŠclenchĂŠe par le harcèlement des gardes de sĂŠcuritĂŠ de la tour de Burj DubaĂŻ. &¡pWDLW OD Ă&#x20AC;Q GH OD MRXUQpH 4XHOTXH WUDYDLOOHXUV pSXLVpV DWWHQGDLHQW OHV autobus qui devaient les ramener Ă leurs dortoirs dans le dĂŠsert. Les bus ĂŠtaient en retard. Les gardes commencèrent Ă agresser les ouvriers. Furieux, ces derniers â&#x20AC;&#x201D; pour la plupart des musulmans indiens â&#x20AC;&#x201D; contre-attaquèrent et tabassèrent les gardes, avant de sâ&#x20AC;&#x2122;en prendre aux bureaux de leur entreprise. Ils incendièrent des voitures de fonction, saccagèrent les locaux et dĂŠtruisirent ordinateurs et dossiers. /H OHQGHPDLQ PDWLQ O¡DUPpH GHV WUDYDLOOHXUV PLW OD SROLFH DX GpĂ&#x20AC; GH UHYHQLU VXU OHV lieux, refusant de se remettre Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ouvrage tant que leur employeur â&#x20AC;&#x201D; Al Naboodah Laing Oâ&#x20AC;&#x2122;Rourke, une entreprise locale â&#x20AC;&#x201D; ne leur accorderait pas une augmentation des salaires et une amĂŠlioration des conditions de travail. Sur le chantier du nouveau terminal de lâ&#x20AC;&#x2122;aĂŠroport, des milliers dâ&#x20AC;&#x2122;ouvriers sâ&#x20AC;&#x2122;associèrent Ă cette grève sauvage. Quelques concessions mineures accompagnĂŠes de menaces drastiques vinrent Ă bout de la mobilisation, mais le mĂŠcontentement continua Ă faire rage. En juillet, des centaines dâ&#x20AC;&#x2122;ouvriers du chantier Arabian Ranches se rĂŠvoltèrent contre la pĂŠnurie chronique dâ&#x20AC;&#x2122;eau dont souffraient leurs baraquements. Dâ&#x20AC;&#x2122;autres travailleurs ont organisĂŠ des rĂŠunions syndicales clandestines, et auraient mĂŞme menacĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;installer des piquets de grève Ă lâ&#x20AC;&#x2122;entrĂŠe des hĂ´tels et des centres commerciaux [4]. [1] Anthony SHADID, ÂŤ In uae, Tales of Paradise Lost Âť, Washington Post, 12 avril 2006. [2] Hassan FATTAH, ÂŤ In DubaĂŻ, an Outcry from Asians for Workplace Rights Âť, New York Times, 26 mars 2006. [3] Julia WHEELER, ÂŤ Workersâ&#x20AC;&#x2122; safety queried in DubaĂŻ Âť, BBC News, 27 septembre 2004. [4] Hassan FATTAH, ÂŤ In DubaĂŻ Âť ; Dan MCDOUGALL, ÂŤ Tourists become targets as DubaĂŻâ&#x20AC;&#x2122;s workers take revolt to the beaches Âť, Observer, 9 avril 2006 et ÂŤ Rioting in DubaĂŻ Labour Camp Âť, Arab News, 4 juillet 2006.
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Dans le dĂŠsert des Ă&#x2030;mirats, lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcho de la voix rebelle des travailleurs porte plus ORLQ TX¡DLOOHXUV (Q Ă&#x20AC;Q GH FRPSWH 'XEDw GpSHQG DX PRLQV DXWDQW GH OD PDLQ dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre bon marchĂŠ que des prix ĂŠlevĂŠs du pĂŠtrole. et les El Maktoum, tout comme leurs cousins des autres ĂŠmirats, savent fort bien quâ&#x20AC;&#x2122;ils règnent sur un royaume irriguĂŠ par la sueur des travailleurs sud-asiatiques. DubaĂŻ a tellement investi sur son image idyllique de paradis du capital que mĂŞme des troubles miQHXUV SRXUUDLHQW DYRLU GHV FRQVpTXHQFHV GUDPDWLTXHV VXU OD FRQĂ&#x20AC;DQFH GHV LQvestisseurs. Lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat est donc en train dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtudier toute une gamme de rĂŠponses possibles Ă lâ&#x20AC;&#x2122;agitation ouvrière, qui vont dâ&#x20AC;&#x2122;une politique dâ&#x20AC;&#x2122;expulsions et dâ&#x20AC;&#x2122;arrestations en masse Ă lâ&#x20AC;&#x2122;autorisation partielle de certaines formes de nĂŠgociation collective. Mais tolĂŠrer aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui la moindre contestation, câ&#x20AC;&#x2122;est risquer de voir surgir demain des revendications qui ne concerneront plus seulement les libertĂŠs syndicales, mais aussi les droits civiques, menaçant ainsi les fondements absolutistes du pouvoir des El Maktoum. Aucun des partenaires de DubaĂŻ SA â&#x20AC;&#x201D; quâ&#x20AC;&#x2122;il sâ&#x20AC;&#x2122;agisse de la marine amĂŠricaine, des milliardaires saoudiens ou de la joyeuse cohorte des riches rĂŠsidents ĂŠtrangers â&#x20AC;&#x201D; ne souhaite assister Ă la naissance dâ&#x20AC;&#x2122;un Solidarnosc au milieu du dĂŠsert. El Maktoum, qui se verrait bien en prophète de la modernitĂŠ arabo-persique, adore impressionner ses invitĂŠs avec des proverEHV VXEWLOV HW GHV DSKRULVPHV ORXUGHPHQW VLJQLĂ&#x20AC;DQWV &LWRQV O¡XQH de ses maximes favorites : ÂŤ Quiconque nâ&#x20AC;&#x2122;essaie pas de transformer le futur restera prisonnier du passĂŠ [1]. Âť Mais le futur quâ&#x20AC;&#x2122;il construit Ă DubaĂŻ â&#x20AC;&#x201D; sous les applaudissements des milliardaires et des multinationales du monde entier â&#x20AC;&#x201D; sâ&#x20AC;&#x2122;apparente plutĂ´t Ă un cauchemar ĂŠmergĂŠ du passĂŠ : la rencontre dâ&#x20AC;&#x2122;Albert Speer et de Walt Disney sur les rivages de lâ&#x20AC;&#x2122;Arabie.
[1] CitĂŠ in LYNE, ÂŤ Disney Does the Desert ? Âť.
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DERNIĂ&#x2C6;RES
NOUVELLES...
5 Novembre 2007
La grève des travailleurs asiatiques amène les Ă&#x2030;mirats Ă envisager dâ&#x20AC;&#x2122;introduire un salaire minimum Une grève dâ&#x20AC;&#x2122;environ 40.000 ouvriers asiatiques du bâtiment Ă DubaĂŻ â&#x20AC;&#x201C; Ă son cinquième jour lundi 5 novembre â&#x20AC;&#x201C; a incitĂŠ le gouvernement Ă ordonner aux ministres et aux entreprises de construction de revoir les salaires et ĂŠventuellement dâ&#x20AC;&#x2122;instaurer un salaire minimum, dans une tentative dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠviter lâ&#x20AC;&#x2122;agitation sur le marchĂŠ du travail. Les ouvriers ont refusĂŠ de travailler sur le chantier dâ&#x20AC;&#x2122;un hĂ´tel qui fait partie du gratte-ciel le plus haut du monde, en construction dans cette ville du Golfe en plein boom : ils se plaignent des bas salaires, du coĂťt de la vie qui a grimpĂŠ et des conditions de travail misĂŠrables. La grève, une atteinte Ă la frĂŠnĂŠsie de construction Ă DubaĂŻ, a dĂŠclenchĂŠ une crise du travail dâ&#x20AC;&#x2122;envergure dans cette ville-Ă&#x2030;tat du dĂŠsert qui se vend sur le marchĂŠ comme centre dâ&#x20AC;&#x2122;attraction du top business et du tourisme de luxe au Moyen-Orient. Elle a incitĂŠ le gouvernement Ă annoncer la crĂŠation dâ&#x20AC;&#x2122;une commission conjointe dâ&#x20AC;&#x2122;examen des salaires, composĂŠe de fonctionnaires et de reprĂŠsentants des entreprises de construction. Cette dĂŠmarche, rapportĂŠe par lâ&#x20AC;&#x2122;agence de presse dâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;tat WAM dimanche, indique clairement que les Ă&#x2030;mirats prennent au sĂŠrieux les revendications des travailleurs et ne les rejettent pas comme ĂŠtant le seul problème du secteur privĂŠ. Venu Rajamany, consul gĂŠnĂŠral de lâ&#x20AC;&#x2122;Inde Ă DubaĂŻ, a indiquĂŠ quâ&#x20AC;&#x2122;un VDODLUH PLQLPXP Ă&#x20AC;[p SDU OH JRXvernement ĂŠtait de plus en plus susceptible dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre instaurĂŠ. Il a ĂŠtĂŠ impliquĂŠ de près dans les nĂŠgocia-
tions entre les ouvriers grĂŠvistes, le ministère du Travail et lâ&#x20AC;&#x2122;entreprise de construction Arabtech qui est derrière le projet dâ&#x20AC;&#x2122;hĂ´tel de Burj DubaĂŻ. ÂŤ Lâ&#x20AC;&#x2122;instauration dâ&#x20AC;&#x2122;un salaire minimum pourrait ĂŞtre ĂŞtre lâ&#x20AC;&#x2122;une des solutions au problème Âť, a dit Rajamany. [â&#x20AC;Ś] Arabtech, un gĂŠant de la construction de DubaĂŻ, construit ĂŠgalement deux hautes WRXUV UpVLGHQWLHOOHV GDQV OD ]RQH Ă&#x20AC;nancière de DubaĂŻ, des penthouses en bord de mer et des villas dans le dĂŠsert. Les 40 000 ouvriers asiatiques se sont engagĂŠs Ă rester cantonnĂŠs dans les 26 camps de travail dispersĂŠs dans les sept Ă&#x2030;tats semiautonomes ĂŠmiratis, jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă ce que leurs salaires soient augmenWpV G¡DX PRLQV 86 ½ /D compagnie paye actuellement aux RXYULHUV QRQ TXDOLĂ&#x20AC;pV 86 ½ SDU PRLV HW 86 ½ DX[ RXYULHUV TXDOLĂ&#x20AC;pV ÂŤ On en a assez de ces conditions. Nous avons besoin dâ&#x20AC;&#x2122;une augmentation de salaire immĂŠdiate Âť, dit Mohamed Aslam, un ouvrier de 28 ans du Bangladesh. Les grèves sont illĂŠgales dans les Ă&#x2030;mirats et les syndicats y sont interdits, mais la protestation des ouvriers asiatiques a persistĂŠ en dĂŠpit des menaces dâ&#x20AC;&#x2122;arrestation. La semaine dernière, 4 000 ouvriers asiatiques employĂŠs par Pauling Middle East Company LLC, une entreprise gĂŠnĂŠrale travaillant sur plusieurs projets Ă DubaĂŻ, ont ĂŠtĂŠ arrĂŞtĂŠs quand leur grèves pour de meilleurs salaires et contre les conditions de travail dures a tournĂŠ au soulèvement. Environ 160 dâ&#x20AC;&#x2122;entre eux, suspectĂŠs dâ&#x20AC;&#x2122;avoir endommagĂŠ des vĂŠhicules
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de police par des jets de pierres, restent en prison, dans lâ&#x20AC;&#x2122;attente de poursuites judiciaires et probablement dâ&#x20AC;&#x2122;une expulsion. La grève des 40 000 ouvriers asiatiques survient alors que les entrepreneurs ont du mal Ă trouver des travailleurs pour rĂŠaliser leurs projets ambitieux, après que plus de 300 000 ouvriers sont retournĂŠs en Asie ces trois derniers mois. [â&#x20AC;Ś] Dimanche, les ouvriers ont rejetĂŠ une offre de lâ&#x20AC;&#x2122;entreprise pour augmenter leurs salaires dans deux mois. ÂŤ On ne peut pas attendre Âť, a dit un ouvrier dans le camp de travail de Jebel Ali. Il a refusĂŠ de donner son nom par crainte de reprĂŠsailles. ÂŤ On reprendra le travail seulement quand nos revendications auront ĂŠtĂŠ satisfaites. Âť Il raconte quâ&#x20AC;&#x2122;il partage une chambre avec 12 hommes et une salle de bains avec 59 ouvriers. Ils nâ&#x20AC;&#x2122;ont aucune assurance-maladie et aucun congĂŠ payĂŠ, et doivent se battre pour pouvoir monter dans lâ&#x20AC;&#x2122;autobus qui les ramène Ă leur camp après une journĂŠe de travail de 12 heures. Trop peu dâ&#x20AC;&#x2122;autobus font la navette entre les chantiers de construction et les camps de travail, et les ouvriers doivent donc attendre des heures pour rentrer. Assis devant un supermarchĂŠ au camp de travail, Bal Raj, un ouvrier dâ&#x20AC;&#x2122;Arabtech de 36 ans qui a laissĂŠ ses trois enfants en Inde et est en grève, a dĂŠpensĂŠ ses dernières pièces pour une tasse de thĂŠ. ÂŤ DĂŠsormais, je ne sais pas comment je vais survivre Âť, dit Raj. The Associated Press *
19 Novembre 2007 Ils ont repris le travail. Sous la menace, la contrainte, la peur. Sans rien savoir, pour la plupart, des gains obtenus Ă la suite de leur cinq, neuf, voire onze jours de grève sur les chantiers de construction de DubaĂŻ. En soldats rĂŠsignĂŠs ils ont remis leur uniforme de chantier pour ĂŠriger des tours toujours plus hautes et des marinas extravagantes. Lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmirat et les promoteurs respirent. Mais pour les 700 000 ouvriers venus dâ&#x20AC;&#x2122;Inde, du Pakistan, du Bangladesh ou du Sri Lanka, les conditions de vie et de travail nâ&#x20AC;&#x2122;ont peu ou pas changĂŠ. [â&#x20AC;Ś] Combien ĂŠtaient-ils Ă faire grève ? Des dizaines de milliers sans aucun doute. Impossible dâ&#x20AC;&#x2122;avoir un chiffre prĂŠcis. Etat et employeurs refusent WRXWH FRPPXQLFDWLRQ VXU OHV FRQĂ LWV en cours et lâ&#x20AC;&#x2122;absence de syndicats (interdits aux Emirats) renforce lâ&#x20AC;&#x2122;opacitĂŠ du système. Tout juste le directeur gĂŠnĂŠral dâ&#x20AC;&#x2122;Arabtech, grosse entreprise de construction, a-t-il admis, le 12 novembre, que les 40 000 ouvriers de sa compagnie avaient repris le travail après lâ&#x20AC;&#x2122;obtention dâ&#x20AC;&#x2122;une ÂŤ juste Âť augmentation de salaire pour compenser la faiblesse du dollar. La presse nâ&#x20AC;&#x2122;aide guère, qui se contente de relayer les communiquĂŠs de lâ&#x20AC;&#x2122;agence de presse RIĂ&#x20AC;FLHOOH :$0 RX GH OD SROLFH ODTXHOle, la veille, annonçait lâ&#x20AC;&#x2122;expulsion de 200 grĂŠvistes, accusĂŠs dâ&#x20AC;&#x2122;avoir fomentĂŠ des violences. Il faut se rendre sur les chantiers pour avoir une idĂŠe du dĂŠsarroi de ces ouvriers immigrĂŠs qui ont rĂŞvĂŠ de DubaĂŻ comme dâ&#x20AC;&#x2122;un eldorado, se sont lourdement endettĂŠs pour payer visas, voyage, service de recrutement Ă des agences souvent illĂŠgales, et dĂŠchantent aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui dans ce coin de dĂŠsert devenu, selon quâ&#x20AC;&#x2122;on est touriste ou maçon, Las Vegas ou le bagne. Rajee, 24 ans, est venu de la province indienne du Kerala il y a dix-huit mois. DubaĂŻ câ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtait son rĂŞve absolu. Dans son village, toutes les
familles avaient au moins un parent Ă tenter lâ&#x20AC;&#x2122;aventure et trois de ses cousins avaient ouvert le chemin. Deux sont revenus dans des cercueils. Lâ&#x20AC;&#x2122;un a ĂŠtĂŠ ĂŠcrasĂŠ sous la dalle de bĂŠton dâ&#x20AC;&#x2122;une tour en construction. Lâ&#x20AC;&#x2122;autre sâ&#x20AC;&#x2122;est pendu au ventilateur de son dortoir. Le troisième est rentrĂŠ au village en vainqueur. Il a fourni la dot de ses deux soeurs, sâ&#x20AC;&#x2122;est mariĂŠ et installĂŠ comme garagiste. Rajee en a fait son hĂŠros. ÂŤ Pour ĂŞtre riche un jour, il nâ&#x20AC;&#x2122;y a que DubaĂŻ !, dit-il. (QĂ&#x20AC;Q câ&#x20AC;&#x2122;est ce que je croyais ! Âť Il gagne comme maçon entre 550 et 750 dirhams selon les mois (102 Ă 139 euros). Il avait lâ&#x20AC;&#x2122;habitude dâ&#x20AC;&#x2122;en renvoyer les des deux tiers Ă ses parents, se contentant du strict minimum pour ses repas quâ&#x20AC;&#x2122;il prĂŠpare lui-mĂŞme et lâ&#x20AC;&#x2122;usage limitĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;un tĂŠlĂŠphone portable. Mais rien ne va plus. Le coĂťt de la vie ne cesse dâ&#x20AC;&#x2122;augmenter - ÂŤ le sac de riz est passĂŠ en quelques mois de 60 Ă 95 dirhams, et le pain augmentera de 20 % le 20 novembre ! Âť - tandis que le dirham, adossĂŠ au dollar, ne cesse de chuter. Câ&#x20AC;&#x2122;est pour cela quâ&#x20AC;&#x2122;il a fait grève, espĂŠrant une augmentation de 200 dirhams pour nâ&#x20AC;&#x2122;en obtenir, croit-il savoir, que 100. Pour cela, quâ&#x20AC;&#x2122;il a rĂŠsistĂŠ neuf matins aux appels des surveillants dâ&#x20AC;&#x2122;Arabtech pressant les ouvriers de se ruer dans les minibus qui, Ă 4 h 30, les conduisent sur OHV FKDQWLHUV 3RXU FHOD HQĂ&#x20AC;Q TX¡LO D aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui la rage au ventre, dĂŠgoĂťtĂŠ GX PpSULV DIĂ&#x20AC;FKp SDU VRQ HPSOR\HXU et rĂŠvoltĂŠ par lâ&#x20AC;&#x2122;intervention, le 3 novembre, de la police, laquelle a cernĂŠ la partie du campement hĂŠbergeant les ouvriers dâ&#x20AC;&#x2122;Arabtech, les obligeant Ă monter dans les bus, et embarquant entre 200 et 400 travailleurs rĂŠcalcitrants. Sont-ils en prison ? Vont-ils ĂŞtre renvoyĂŠs dans leur pays ? Rajee nâ&#x20AC;&#x2122;en a aucune idĂŠe. De chantier en chantier, les tĂŠmoignages sont les mĂŞmes, qui accusent la faiblesse des VDODLUHV GpQRQFHQW OD FRQĂ&#x20AC;VFDWLRQ systĂŠmatique des passeports et le pouvoir absolu de lâ&#x20AC;&#x2122;employeur sur le
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visa de travail ; disent lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠloignement et lâ&#x20AC;&#x2122;insalubritĂŠ des citĂŠs-dortoirs ou la panique devant les dettes accumulĂŠes pour venir Ă DubaĂŻ et les annĂŠes ainsi hypothĂŠquĂŠes, si loin de la famille . Sans compter les accidents, les insolations, les tentations de suicide (84 recensĂŠs selon le consulat indien en 2005) et les arrestations nombreuses, Ă chaque grève.
ÂŤ PEUR Dâ&#x20AC;&#x2122;UNE RĂ&#x2030;BELLION Âť ÂŤ Les Emiratis savent ce quâ&#x20AC;&#x2122;ils doivent Ă cette population immigrĂŠe qui construit leurs villes et rendent possible lâ&#x20AC;&#x2122;incroyable boom ĂŠconomique, analyse Sharla Musibih, qui a crĂŠĂŠ City of Hope, un abri pour les femmes en dĂŠtresse. Mais ils sont aussi obsĂŠdĂŠs par le fait que les travailleurs immigrĂŠs forment plus de 85 % de la population et 99 % de la force de travail privĂŠe. Vous imaginez la dĂŠpendance de lâ&#x20AC;&#x2122;Etat Ă leur ĂŠgard ? Sa peur dâ&#x20AC;&#x2122;une rĂŠbellion ? Âť AlertĂŠ par le rapport accusateur publiĂŠ en 2006 par lâ&#x20AC;&#x2122;organisation Human Rights Watch sur le sort des ouvriers de la construction, lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmir de DubaĂŻ, le cheikh Mohammad ben Rachid Al-Maktoum, avait chargĂŠ son ministre du travail dâ&#x20AC;&#x2122;amĂŠliorer la situation. Peu de dĂŠcisions avaient ĂŠtĂŠ suivies dâ&#x20AC;&#x2122;effet mais les grèves rĂŠcentes ainsi que lâ&#x20AC;&#x2122;amnistie offerte pendant trois mois aux travailleurs illĂŠgaux, qui sâ&#x20AC;&#x2122;est traduite par plus de 171 000 dĂŠparts du pays, ont inquiĂŠtĂŠ le gouvernement et remis Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ordre du jour deux revendications des ouvriers OD Ă&#x20AC;[DWLRQ G¡XQ VDODLUH PLQLPDO HW lâ&#x20AC;&#x2122;autorisation de syndicats. Une idĂŠe jugĂŠe jusquâ&#x20AC;&#x2122;ici sulfureuse mais Ă laquelle le ministre du travail, Ali ben Abdallah Al-Kaabi, vient soudainePHQW G¡DIĂ&#x20AC;UPHU Q¡rWUH SOXV RSSRVp ÂŤ En principe Âť, a prudemment titrĂŠ le quotidien Gulf News. Le Monde * * seules sources disponibles...
DUBAÏ
Sous le règne de l’Émir-PDG Cheikh Mohammed el Maktoum, son despote éclairé âgé de 58 ans, Dubaï est devenue la nouvelle icône globale de l’ingénierie urbanistique d’avantgarde. Le multimilliardaire « Cheikh Mo » comme le surnomment les occidentaux résidents à Dubaï a une ambition explicite et totalement dénuée d’humilité : « Je veux être le Numéro Un mondial. »
« Quiconque n’essaie pas de transformer le futur restera prisonnier du passé. » Mais le futur qu’el Maktoum construit à Dubaï — sous les applaudissements des milliardaires et des multinationales du monde entier — s’apparente plutôt à un cauchemar émergé du passé : la rencontre d’Albert Speer et de Walt Disney sur les rivages de l’Arabie. Les premiers signes de rébellion sont apparus à l’automne 2004, lorsque pluVLHXUV PLOOLHUV GH WUDYDLOOHXUV DVLDWLTXHV GpÀOqUHQW FRXUDJHXVHPHQW VXU O·DXWRroute à huit voies Sheikh Zayed en direction du ministère du Travail. Ils y furent acueillis par la police anti-émeute et par des fonctionnaires brandissant des menaces d’expulsion massive. L’année 2005 fut marquée par des manifestations et des grèves de moindre envergure en signe de protestation contre le non paiement des salaires ou la dangerosité des conditions de travail.