Conan - extrait

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« C’est alors que vint Conan le Cimmérien – cheveux noirs, regard sombre, épée au poing, un voleur, un pillard, un tueur aux accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies – pour fouler de ses sandales les trônes constellés de joyaux de la Terre. » Les Chroniques Némédiennes

Conan le Cimmérien, barbare de l’Âge Hyborien, est la plus célèbre création de Robert E. Howard. Les aventures du personnage ont donné lieu à de nombreuses adaptations, notamment en bandes dessinées et au cinéma. À l’occasion de la sortie du film de Marcus Nispel sur nos écrans (avec Jason Momoa dans le rôle de Conan), voici l’occasion de découvrir – ou de redécouvrir – les meilleures nouvelles de la série.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrice Louinet et François Truchaud CONAN ® and © 2011 Conan Properties International LLC. Visuel de couverture : Lionsgate ISBN : 978-2-8112-0572-0

9 782811 205720


Robert E. Howard (1906-1936) est né et a vécu au Texas. Sa carrière démarra en 1928 avec la parution des récits de Solomon Kane, mais c’est Conan qui lui vaudra la postérité littéraire. Ce héros, ainsi que la puissance évocatrice de l’écriture, a toujours eu une influence majeure, au moins égale à celle de Tolkien, sur la Fantasy et sur tout l’imaginaire occidental.


Robert E. Howard

Conan Traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrice Louinet et François Truchaud

Bragelonne


Milady est un label des éditions Bragelonne Ouvrage dirigé par Patrice Louinet

« Cimmérie » (Cimmeria) « La Tour de l’Éléphant » (The Tower of the Elephant) « La Fille du Géant de Gel » (The Frost Giant’s Daughter) « La Reine de la Côte Noire » (Queen of the Black Coast) Titre original : The Coming of Conan the Cimmerian © 2007 Conan Properties International LLC (“CPI”) « Le Peuple du Cercle noir » (People of the Black Circle) « Une sorcière viendra au monde » (A Witch Shall be Born) Titre original : The Bloody Crown of Conan © 2008 Conan Properties International LLC (“CPI”) « Les Clous rouges » (Red Nails) « Au-delà de la rivière Noire » (Beyond the Black River) Titre original : The Conquering Sword of Conan © 2008 Conan Properties International LLC (“CPI”) © 2011 Conan Properties International LLC (“CPI”) CONAN, CONAN THE BARBARIAN, HYBORIA are trademarks or registered trademarks of CPI. All rights reserved. CONAN, CONAN LE BARBARE, HYBORIA sont des marques ou des marques déposées de CPI. Tous droits réservés. Certaines œuvres contenues dans cet ouvrage se trouvent dans le domaine public. © Bragelonne 2007-2008, pour la présente traduction ISBN : 978-2-8112-0572-0 Bragelonne – Milady 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@milady.fr Site Internet : www.milady.fr


Sommaire Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1. Cimmérie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2. La Tour de l’Éléphant. . . . . . . . . . . . . . . . 15 3. La Fille du Géant du Gel.. . . . . . . . . . . . . . 51 4. La Reine de la Côte Noire. . . . . . . . . . . . . . 65 5. Le Peuple du Cercle noir. . . . . . . . . . . . . . 111 6. Une sorcière viendra au monde. . . . . . . . . . 233 7. Les Clous rouges. . . . . . . . . . . . . . . . . . 299 8. Au-delà de la rivière Noire. . . . . . . . . . . . . 421



Introduction

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out le monde connaît Conan le Cimmérien… ou plutôt croit le connaître à travers les bandes dessinées ou les films. Mais avant d’être un héros du grand écran ou de comic-books, le personnage est avant tout la plus célèbre création d’un auteur américain : Robert E. Howard, qui ne s’imaginait sans doute pas un instant que la parution de la première nouvelle de Conan dans la revue Weird Tales allait faire entrer son nom dans l’histoire. Au moment où paraissait ce numéro, Howard était en train de devenir l’un des piliers du magazine, après y avoir créé les personnages de Solomon Kane le Puritain et de Kull le roi atlante. Quant à Conan, il devait expliquer : « Conan sembla surgir à mon esprit presque sans aucun effort de ma part et immédiatement un flot de récits se mit à jaillir de ma plume, ou plutôt de ma machine à écrire, toujours sans effort. Il me semblait que je n’étais pas en train d’écrire, mais simplement de relater des événements qui s’étaient réellement produits. Histoire après histoire, tout s’enchaînait à une vitesse telle que j’avais du mal à garder le rythme. Pendant des semaines, je ne fis qu’écrire les aventures de Conan. Le personnage prit totalement possession de mon esprit, écartant tout ce qui pouvait se mettre en travers de l’écriture de ces récits. » La création d’un univers cohérent – celui de l’Âge Hyborien – était la solution idéale aux besoins et aux 7


aspirations d’Howard. En choisissant avec soin des noms si proches de ceux que l’on trouve dans les légendes ou les manuels d’histoire, Howard s’assura qu’aucun lecteur ne se demanderait à quoi ressemble un Turanien, ou qu’il ignore que les Vanirs et les Æsirs vivent dans les contrées glacées du Nord. En faisant se télescoper l’histoire et la géographie dans un univers à la fois totalement nouveau et pourtant familier, Howard avait pour seul objectif de planter son décor en un minimum de mots. Il venait de s’offrir un univers à la fois proche du nôtre et inventé de toutes pièces, dans lequel tous ces peuples barbares pouvaient coexister dans un même continuum temporel. Sans s’en rendre compte, il venait de poser les bases de toute l’heroic fantasy moderne. C’est dans « La Reine de la Côte Noire » que Conan explique sa conception du monde : « Dans ce monde, les hommes luttent et souffrent en vain, trouvant du plaisir seulement dans la folie ardente de la bataille… Il me suffit de vivre ma vie intensément ; tant que je peux savourer le jus succulent des viandes rouges et le goût des vins capiteux sur mon palais, tant que je peux jouir de l’étreinte ardente de bras à la blancheur d’albâtre et de la folle exultation de la bataille lorsque les lames bleutées s’enflamment et se teintent d’écarlate, je suis satisfait ! » Il s’agit là d’une des caractéristiques majeures du Cimmérien. Il vit pour l’instant présent, en savourant chaque instant, se moquant tant du passé que de l’avenir. Hier kozak, aujourd’hui roi, demain voleur. Ce volume contient parmi les meilleurs des textes de Conan, dont l’intégrale est disponible en trois volumes grand format chez Bragelonne. Vous qui ne connaissez pas le personnage, attendez-vous à être surpris ! Patrice LOUINET


Cimmérie

Écrit à Mission, Texas, en février 1932 ; inspiré par le souvenir des collines qui surplombent Fredericksburg, vues à travers les brumes d’une pluie hivernale. Robert E. Howard



Cimmeria

I remember The dark woods, masking slopes of sombre hills; The grey clouds’ leaden everlasting arch; The dusky streams that flowed without a sound, And the lone winds that whispered down the passes. Vista on vista marching, hills on hills, Slope beyond slope, each dark with sullen trees, Our gaunt land lay. So when a man climbed up A rugged peak and gazed, his shaded eye Saw but the endless vista – hill on hill, Slope beyond slope, each hooded like its brothers. It was a gloomy land that seemed to hold All winds and clouds and dreams that shun the sun, With bare boughs rattling in the lonesome winds, And the dark woodlands brooding over all, Not even lightened by the rare dim sun Which made squat shadows out of men; they called it Cimmeria, land of Darkness and deep Night. It was so long ago and far away I have forgot the very name men called me. The axe and flint-tipped spear are like a dream, And hunts and wars are shadows. I recall Only the stillness of that sombre land; The clouds that piled forever on the hills, 11


The dimness of the everlasting woods. Cimmeria, land of Darkness and the Night. Oh soul of mine, born out of shadowed hills, To clouds and winds and ghosts that shun the sun, How many deaths shall serve to break at last This heritage which wraps me in the grey Apparel of ghosts? I search my heart and find Cimmeria, land of Darkness and the Night.


Cimmérie

Je me souviens Les forêts ténébreuses, masquant les pentes des sombres collines ; L’éternelle voûte de plomb des nuages gris ; Les eaux opaques des rivières, s’écoulant sans bruit Et les vents solitaires qui mugissaient le long des défilés. En une morne perspective, colline après colline, Pente après pente, noircies d’arbres maussades S’étendait notre contrée lugubre. Et quand un homme gravissait Un pic déchiqueté et plongeait son regard, son œil assombri Ne rencontrait que cette perspective à perte de vue – colline après colline Pente après pente, et toutes masquées comme leurs sœurs. C’était une terre sinistre, qui semblait retenir Tous les vents et les nuages et les songes qui fuient le soleil, Les branches nues frissonnaient dans un vent solitaire Et les forêts épaisses noyaient tout de leur obscurité, Que ne savait percer un rare soleil maussade Réduisant les hommes à des ombres spectrales ; ils l’appelaient Cimmérie, terre de Ténèbres et de profonde Nuit. C’était en des temps et des lieux si reculés, J’ai oublié jusqu’au nom que je portais. 13


La hache et la lance à pointe de silex sont comme un songe, Les chasses et les guerres, des chimères. Je me rappelle Seulement du silence de cette sombre contrée ; Les nuages empilés à jamais sur les collines, L’obscurité des forêts éternelles. Cimmérie, terre de Ténèbres et de Nuit. Oh mon âme, née de collines enténébrées, Dans les nuages et les vents et les spectres qui fuient le soleil Combien de morts faudra-t-il pour briser enfin Cet héritage qui me ceint de l’équipage gris Des fantômes ? Je fouille mon cœur et y trouve Cimmérie, terre de Ténèbres et de Nuit.

Traduction : Patrice Louinet


La Tour de l’Éléphant

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es torches éclairaient d’une clarté diffuse les festivités du Maul, où les bandits de l’Orient s’adonnaient à leurs réjouissances nocturnes. Dans le Maul, ils pouvaient s’en donner à cœur joie et vociférer comme bon leur semblait, car les honnêtes gens évitaient ces parages ; les gardes, grassement soudoyés à coups de pièces crasseuses, ne venaient pas se mêler de leurs amusements. Des fêtards ivres rugissaient et titubaient le long des rues tortueuses et sans pavés, jonchées de détritus et émaillées de flaques d’eau stagnante. L’acier étincelait dans les recoins sombres où des loups traquaient d’autres loups ; les rires stridents de femmes fusaient des ténèbres, mais on entendait aussi des bruits de lutte et de bousculades. Le spectacle était illuminé à la lueur blafarde des torches filtrant à travers les vitres cassées et les portes grandes ouvertes, d’où s’échappaient par rafales des relents de vin et de sueur âcre, les bruits de chopes, de poings martelant des tables grossières, et des bribes de chansons paillardes. Dans l’un de ces bouges, les festivités battaient leur plein. Sous le plafond bas et noirci par la fumée étaient rassemblées diverses canailles dont les vêtements allaient de la guenille aux oripeaux : détrousseurs furtifs, kidnappeurs 15


au regard salace, voleurs aux doigts agiles, forbans bravaches accompagnés de leurs compagnes à la voix stridente et aux parures criardes. Les bandits du pays y étaient majoritaires, des Zamoriens basa­nés aux yeux noirs, le poignard à la cein­ture et la perfidie au cœur. Mais on y trouvait aussi des loups originaires d’une demi-douzaine de nations étrangères. Il y avait un renégat hyperboréen, géant taciturne et dangereux, dont la large épée était sanglée le long de sa grande carcasse maigre (car les hommes portaient ouver­tement leurs armes dans le Maul) ; il y avait aussi un faux-monnayeur shémite au nez crochu et à la barbe frisée d’un noir bleuté ; une Brythunienne au regard effronté, assise sur les genoux d’un Gunderman aux cheveux fauves – quelque mercenaire vagabond ayant déserté d’une armée en déroute. Le gros brigand graveleux dont les plaisanteries salaces déclenchaient tous les cris d’allégresse était un kidnappeur professionnel du lointain royaume de Koth ; il était venu enseigner l’art du rapt des femmes à des Zamoriens qui en savaient déjà plus long sur le sujet à leur naissance que lui-même ne pourrait jamais espérer en apprendre. L’homme s’interrompit dans sa description des charmes d’une victime potentielle et plongea le nez dans un énorme pichet de bière moussante. Essuyant l’écume de ses lèvres épaisses, il déclara : — Par Bel, dieu de tous les voleurs, je vais leur montrer comment on s’y prend pour kidnapper une fille : je lui aurai fait passer la frontière zamorienne à l’aube, et une caravane sera là pour elle. Trois cents pièces d’or ! c’est ce que m’a promis un comte d’Ophir pour une jeune et mince Brythunienne de la meilleure société. Cela m’a pris des semaines, à déambuler dans les villes frontalières déguisé en mendiant, pour en trouver une qui ferait l’affaire. Mais c’est 16


un bien joli morceau ! (Il lança dans les airs un baiser baveux.) Je connais des seigneurs de Shem qui seraient prêts à troquer le secret de la Tour de l’Éléphant pour elle, dit-il en retournant à sa bière. Sentant une main se poser sur sa tunique, il tourna les yeux, irrité d’être dérangé de la sorte. Il vit alors un jeune homme robuste qui se tenait à ses côtés. L’homme semblait tout autant déplacé dans ce bouge qu’un loup gris parmi des rats de gouttière malingres. Sa tunique bon marché ne pouvait dissimuler les lignes dures et effilées de sa vigoureuse charpente, ses épaules massives et larges, son torse puissant, sa taille élancée et ses bras noueux. Sa peau était tannée par le soleil des déserts, ses yeux étaient bleus et incandescents, et une tignasse de cheveux noirs ébouriffés surmontait son front large. Une épée dans un fourreau de cuir usagé pendait de sa ceinture. Le Kothien eut un geste de recul involontaire, car l’homme n’appartenait de toute évidence à aucune des races civilisées qu’il connaissait. — Tu as mentionné la Tour de l’Éléphant, dit l’inconnu, parlant zamorien avec un accent étranger. J’ai beaucoup entendu parler de cette tour ; quel est son secret ? L’attitude de l’homme ne semblait pas menaçante et le courage du Kothien était décuplé par la bière et par l’approbation manifeste de son auditoire. Il se gonfla d’orgueil. — Le secret de la Tour de l’Éléphant ? s’exclama-t-il. Mais voyons, n’importe quel imbécile sait que c’est là qu’habite le prêtre Yara, et qu’on y trouve aussi le joyau fabuleux qu’on appelle le Cœur de l’Éléphant, la clef de ses pouvoirs magiques. Le barbare digéra ces paroles un instant. 17


— J’ai vu cette tour, dit-il. Elle se trouve dans un grand jardin qui surplombe la ville et est entourée par un mur d’enceinte élevé. Je n’ai pas vu de gardes. Les murs seraient faciles à escalader. Pourquoi donc personne ne s’est-il emparé de ce joyau ? Le Kothien le regarda, bouche bée, stupéfait de tant de naïveté, puis éclata d’un rire moqueur, bientôt rejoint en cela par l’assemblée. — Écoutez donc ce sauvage ! rugit-il. Il s’imagine pouvoir dérober le joyau de Yara ! Écoute l’ami, dit-il en se retournant vers lui d’un air suffisant, je présume que tu es un barbare du Nord ? — Je suis un Cimmérien, répondit l’étranger sur un ton peu amène. La réponse et le ton sur lequel il avait prononcé celle-ci ne signifiaient pas grand-chose pour le Kothien. Originaire d’un royaume situé bien plus au sud, près de la frontière avec Shem, il n’avait que de vagues connaissances sur les races du Nord. — Alors prête donc l’oreille, l’ami, et écoute la voix de la sagesse, dit-il en pointant sa chope de bière dans la direction du jeune homme visiblement décontenancé. Apprends qu’en Zamora, et plus particulièrement dans cette ville, on trouve plus de voleurs audacieux que n’importe où ailleurs au monde, même en Koth. Si un mortel pouvait s’emparer du joyau, sois sûr que celui-ci aurait été dérobé il y a longtemps. Tu parles d’escalader les murs, mais une fois en haut, tu souhaiterais bien vite pouvoir faire demi-tour. S’il n’y a pas de sentinelles dans les jardins la nuit – pas de sentinelles humaines, je veux dire – c’est pour une bonne raison ! mais dans la salle de garde, dans la partie inférieure de la tour, il y a des hommes armés. Et même si tu arrivais à te jouer de ceux qui veillent dans les jardins à la nuit tombée, 18


tu devrais aussi dépasser ces gardes, car le joyau est conservé quelque part dans les hauteurs de la tour. — Mais supposons qu’un homme réussisse quand même à franchir les jardins, rétorqua le Cimmérien. Pourquoi alors ne pourrait-il atteindre le joyau en passant directement par le haut de la tour et éviter ainsi les soldats ? De nouveau le Kothien resta médusé. — Mais écoutez-le donc ! s’écria-t-il avec dérision. Ce barbare se prend pour un aigle qui prendrait son envol jusqu’au faîte incrusté de pierres précieuses de la tour ? Après tout, elle ne se trouve qu’à seulement cent cinquante pieds de hauteur, avec des parois arrondies et plus glissantes encore que du verre poli ! Le Cimmérien balaya l’assemblée du regard, embarrassé par les sarcasmes qui accueillirent cette remarque. Il n’y voyait rien qui prête à rire, bien trop fraîchement débarqué dans le monde civilisé pour saisir les sous-entendus insolents. En règle générale, les hommes civilisés sont plus malpolis que les sauvages car ils savent qu’ils peuvent se montrer grossiers sans se faire fendre le crâne pour autant. Vexé et déconcerté, il se serait sans doute éclipsé discrètement si le Kothien n’avait décidé de l’aiguillonner encore plus. — Allez, allez ! beugla-t-il. Explique donc à ces pauvres bougres qui ne sont voleurs que depuis avant ta conception, explique-leur donc comment tu t’emparerais du joyau ! — On trouve toujours une solution, quand on a l’envie et le courage, répondit sèchement le Cimmérien, piqué au vif. Le Kothien prit cela comme un affront. Son visage s’empourpra. — Quoi ! rugit-il. Tu prétends vouloir m’apprendre mon métier et insinuer que nous sommes des lâches ? Déguerpis ! Hors de ma vue ! Et il poussa violemment le Cimmérien. 19


— Tu crois pouvoir me ridiculiser et porter la main sur moi par-dessus le marché ? s’enflamma le barbare sur un ton grinçant, ayant épuisé son peu de patience. Il retourna le coup du plat de la main et envoya voler son adversaire contre la grosse table, qui se retrouva aspergée de bière. Le Kothien hurla de rage et porta la main à son épée. — Sale païen ! hurla-t-il. Tu me paieras ça de ta vie ! L’acier jaillit et l’assemblée reflua de toute part à vive allure, s’écartant pour laisser le champ libre aux deux hommes. Dans le combat qui s’ensuivit, l’unique chandelle du tripot fut renversée, plongeant la pièce dans l’obscurité. Le fracas des bancs renversés, des piétinements, des cris et des jurons au sein de la mêlée fut interrompu par un cri d’agonie qui transperça le vacarme. Lorsqu’on ralluma enfin une chandelle, la plupart des clients avaient fui par les portes et les fenêtres cassées ; les autres étaient recroquevillés sous les tables et derrière les tonneaux de vin. Le barbare avait disparu ; le centre de la pièce était vide à l’exception du cadavre éventré du Kothien. Le Cimmérien, avec l’instinct infaillible du barbare, avait tué son homme dans l’obscurité et la confusion.

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