UNE T UEUSE DE VA M PIR ES DA NS L A CI A Pour ma dernière mission, direction l’antique cité grecque de Patras. Malheureusement, pas le temps de jouer les archéologues ! Me voilà chargée d’infiltrer une Alliance de vampires. Deux vamps seulement ont réussi à échapper au carcan de leurs communautés et sont encore là pour le raconter : Edward Samos alias « le Rapace », l’esprit criminel le plus vil de l’histoire, et Vayl, mon boss, tueur numéro un de la CIA. Le Rapace essaie de faire main basse sur l’ancienne Alliance de Vayl. Malheureusement, celle qui la dirige depuis peu a d’autres plans. Cette mission risque bien d’avoir ma peau… « Une série à sensation, pleine d’émotion, d’impertinence, d’humour et de fraîcheur. » Romantic Times Action / Romance Dans la même série :
Inédit Traduit de l’anglais (États-Unis) par Lionel Évrard Photographie de couverture : © ImmortalBliss / iStockphoto Illustration de couverture : Anne-Claire Payet
ISBN : 978-2-8112-0617-8
9 782811 206178
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Jennifer Rardin est née en 1965 dans l’Indiana, aux États-Unis, et décédée le 20 septembre 2010. Elle a commencé à écrire dès l’âge de douze ans. Elle a travaillé pour une chaîne de télévision et comme pédiatre avant de faire de l’écriture son activité principale. Un jour, elle a confié à son mari qu’elle adorait les vampires. Il lui conseilla d’en faire le sujet de ses romans. C’est de cette façon que la série Jaz Parks vit le jour.
Jennifer Rardin
Jaz Parks n’en démord pas Une aventure de Jaz Parks – 4 Traduit de l’anglais (États-Unis) par Lionel Évrard
Milady
Milady est un label des éditions Bragelonne
Titre original : Bitten to Death – A Jaz Parks Novel Copyright © 2008 by Jennifer Rardin Cet ouvrage est publié avec l’accord de Little Brown and Company Inc., New York, États-Unis. Tous droits réservés. © Bragelonne 2011, pour la présente traduction ISBN : 978-2-8112-0617-1 Bragelonne – Milady 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@milady.fr Site Internet : www.milady.fr
Je dédie ce livre à la mémoire de mes deux bébés, Tessa et Ivan. Quand l’amour est là, l’existence la plus brève peut vous changer à jamais.
Remerciements Ce livre a été pour moi le plus difficile à écrire jusqu’à présent. Je n’aurais pu en venir à bout dans d’aussi bonnes conditions sans le soutien de mon mari, Kirk, qui constitue pour moi une source constante de force tranquille. J’aimerais également remercier mes éditrices, Devi Pillai et Bella Pagan. C’est drôle comme une simple question peut ouvrir de toutes nouvelles perspectives sur un personnage et son environnement… Ma profonde reconnaissance, comme d’habitude, à mon agent, Laurie McLean, à tous les gens formidables de chez Orbit, et à mes précieuses relectrices, Katie et Hope. Que les habitants de Patras veuillent bien accepter mes excuses pour m’être sentie libre de réarranger à ma guise l’architecture de leur cité. Soyez assurés que j’ai tout remis en ordre après avoir achevé le roman… Quant à vous, mes formidables lecteurs, c’est tellement cool de m’avoir tenu compagnie jusqu’ici ! Attendez un peu de voir ce que j’ai en réserve pour vous dans le prochain…
Chapitre premier
A
u clair de lune, la cour pavée de la villa grecque dans laquelle nous nous trouvions paraissait vaste et antique. Pour un peu, j’aurais pu me prendre pour la déesse Héra, mais j’étais trop en rogne pour ça. Je venais de brandir Chagrin, le Walther PKK modifié pour moi par Bergman, mon consultant high-tech. Je tenais fermement ma cible en joue, et puisqu’il s’agissait d’un vampire, j’avais pressé le bouton magique, transformant mon flingue en arbalète. Ledit vampire prenait la menace très au sérieux. C’était la seule raison pour laquelle il respirait encore. À côté de moi, mon boss jouait son rôle à la perfection. De la surprise feinte qu’il avait affichée quand j’avais braqué mon arme sur l’un de nos hôtes, il était déjà passé à la résignation tout aussi factice que j’aie pu une fois de plus le plonger dans l’embarras. Peut-être jouait-il si bien la comédie parce qu’il y était habitué. Disons que j’avais tendance à rendre son existence… intéressante. Vayl tourna légèrement la tête vers moi. La brise printanière qui dévalait dans notre dos le flanc de la montagne ne dérangeait en rien ses mèches sombres coupées court. Il arrivait cependant à ne pas quitter de l’œil le vamp que j’avais en ligne de mire ainsi que ceux 9
qui auraient pu éventuellement surgir de la demeure tentaculaire aux murs couleur sable pour lui prêter main-forte. — Vous êtes sûre de le reconnaître ? me demanda-t-il. — C’est bien lui ! insistai-je. J’ai lu son dossier pas plus tard que la semaine dernière. Il s’appelle Alan Binns. Il est recherché pour meurtre dans trois pays. Sa petite spécialité, c’est la famille. Les photos étaient… À gerber. Ces mots m’avaient traversé l’esprit pour rester coincés en travers de ma gorge. Le sourcil gauche de Vayl tressaillit. Je venais de marquer un point, mais à cette minute je me foutais comme de ma première chemise de nos habituels petits jeux. Dans le monde merveilleux des vampires, c’est le rapport de forces qui prime. Il faut engager le bras de fer dès que l’on met un pied chez eux. Pourtant, je n’aurais pas demandé mieux que de régler tout de suite son compte à celui que je tenais en respect, rien que pour rayer de notre liste noire un autre monstre à abattre. En fait, pouvoir l’ajouter à notre tableau de chasse me faisait même me sentir un peu… sale. Je sais : en tant qu’assistante du meilleur tueur professionnel de la CIA, je suis mal placée pour donner des leçons de morale, mais cela ne m’a jamais beaucoup gênée. — Vous ne pouvez rien prouver ! fanfaronna Binns. Ses cheveux, d’un marron terreux, lui arrivaient aux épaules, et ne dissimulaient pas un énorme front bombé. — Pas besoin, triple buse ! (Oh ! Comme j’aurais aimé pouvoir faire de la rage qui m’animait un vase empli de cobras à lui jeter en pleine gueule !) Vous autres alterhumains avez si peu de droits qu’ils pourraient tenir 10
au verso de mon permis de conduire ! Si je vois en toi une menace véritable et imminente pour la société – ce que tu es –, je suis libre de te pulvériser sans autre forme de procès ! — Que signifie tout ceci ? s’enquit une voix de femme. Qui êtes-vous et que faites-vous chez moi en pleine nuit ? La nouvelle venue déboulait d’une des quatre portes donnant sur la cour, bordées de bleu et encadrées de lampes solaires imitant des réverbères anciens. Avec les manches démesurées de sa robe en mousseline noire voletant dans son sillage, elle avait tout d’une candidate à un concours de beauté, furibarde que ses copines aient pu voter pour une autre plus moche qu’elle. Sa splendeur apprêtée n’aurait pas déparé dans un défilé de mode, mais j’eus l’impression d’avoir été projetée dans une décharge publique en recevant de plein fouet l’impact de son énergie psychique. Quel genre de foutue vamp était-elle donc pour me faire un tel effet ? Vayl se retourna et s’interposa entre nous. Pour l’empêcher d’avancer, il planta sur les dalles grises la canne sculptée de motifs de tigres qui ne le quittait jamais. La vamp stoppa net, à trois pas de lui. On aurait dit qu’elle venait de heurter un mur de verre. Ses yeux couleur café – ou plutôt lavasse délayée – s’agrandirent démesurément. Une expression de colère mêlée de surprise peinée passa sur ses traits de manière fugitive, comme si elle avait subi une injection de Botox qui l’aurait empêchée de trahir la moindre émotion. Moi, je faisais de mon mieux pour ne pas lorgner de leur côté (j’avais un job à faire, après tout), mais ses effluves mentaux et sa façon de dévisager mon boss 11
avaient réveillé la fouille-merde qui sommeille en moi. Je reportai mon attention sur Binns, qui avait avancé d’un demi-pas et lui adressai un sourire éloquent. Allez viens, connard ! Facilite-moi la tâche… Il se figea aussitôt. D’un ton furieux, la vamp reprit à l’intention de Vayl : — Qu’est-ce que tu fais là ? L’espace d’un instant, je sentis les pouvoirs du patron monter brusquement en puissance. Je crus qu’il allait la congeler comme un filet de colin, mais il se contenta de déclarer tranquillement : — J’avais entendu dire que tu étais morte. Du coin de l’œil, je la vis secouer sèchement la tête, comme pour chasser un souvenir amer. — Tu vois bien que non ! aboya-t-elle d’une voix de seconde en seconde plus sèche et haut perchée. Nous avons eu un léger… différend, Hamon et moi, mais il a été réglé il y a des années. — Où est ton Deyrar ? s’enquit Vayl. Je feuilletai mentalement mon dico plutôt limité de langue vampire jusqu’à y retrouver le terme pour une fois pourvu de sa définition. Un Deyrar était le guide suprême d’une communauté secrète chez les suceurs de sang – autrement dit, d’une Alliance. Une sorte de roi, mais l’addiction au jeu et les attaques de goutte en moins. — C’est moi, la Deyrar ! répondit-elle en se dressant de toute sa hauteur, qui devait culminer à un peu plus d’un mètre soixante. Vayl et moi, nous ne partageons pas à proprement parler de lien télépathique, mais nous parvenons à communiquer un maximum de choses par un simple échange de regards. 12
— On est baisés ? lui demandai-je en haussant les sourcils. — Excellente question, Jasmine ! me répondit-il, les yeux plissés. On va la jouer prudemment. Manifestement, elle ne nous attendait pas. Ce qui veut dire qu’elle ne sait rien de notre deal. — Et merde ! Nous avions traité avec Hamon Eryx, leader (destitué ?) du groupe de vampires dont cette villa constituait le repaire. Ils formaient l’un des maillons d’une chaîne d’Alliances du même genre réparties à travers le monde. Vayl avait partagé leur existence il y avait de cela une centaine d’années. C’était à la demande d’Eryx, briscard rusé, que nous avions fait le voyage jusqu’à Patras. En échange, il nous laissait toute latitude pour buter Edward Samos, alias le Rapace. Samos avait perpétré ou commandité suffisamment d’actes terroristes au cours des dernières années pour grimper tout droit en tête de liste des hommes à abattre par notre service. Il avait proposé à Eryx une association qui n’intéressait en rien ce dernier, qui comptait refuser. Sachant que tous ceux qui s’y étaient risqués n’étaient plus là pour s’en vanter, il s’était résolu à demander l’aide de Vayl. S’il se révélait à présent que le Deyrar avait été évincé, notre mission semblait bien partie pour finir à la poubelle avant même d’avoir commencé. Sans compter que nous nous étions de nous-mêmes précipités dans le repaire d’une Alliance bien établie. D’une minute à l’autre, nous pouvions nous retrouver cernés par quinze ou vingt vamps sur les dents, flanqués de leurs gardiens 13
humains, tous ravis d’avoir un bon prétexte pour nous étriper. De vrais boute-en-train, ces dingos de vampires : un rien les amuse… Comme s’il avait pu lire mes pensées, un bellâtre tout en muscles choisit cet instant pour franchir la porte empruntée précédemment par la nouvelle Deyrar. Son apparence, encore plus déstabilisante que celle de sa maîtresse, faillit me convaincre de réduire tout de suite ma cible en poussière afin de pouvoir lorgner à ma guise le nouveau venu. On ne crève pas de chaud au printemps en Grèce – pour l’heure il devait faire dans les seize degrés –, ce qui n’empêchait pas ce type de se balader torse nu. À en juger d’après sa plastique sculpturale, il devait consacrer dans les trois heures à sa gonflette quotidienne. Cela ne m’aurait fait ni chaud ni froid s’il avait été un vampire, mais il était humain – le genre d’homme dont les éditeurs aiment imprimer la photo en couverture de livres aux titres aussi évocateurs que Folies interdites ou Désirs coupables. — Disa, la fête va bientôt commencer…, dit-il avec animation à celle qui l’avait précédé dans la cour. Ses yeux se posèrent sur Vayl. Il tressaillit, comme s’il venait de l’apercevoir, et demanda : — Qui êtes-vous ? — Je m’appelle Vayl. Et voici Lucille Robinson. — Ma mère s’appelait Lucille, intervint Binns. — Ferme-la…, grondai-je d’un ton menaçant. — Sais-tu que je l’ai tuée ? reprit-il. Depuis, je tue toutes celles qui portent ce nom et qui ont le malheur de croiser ma route. Le savais-tu, Lucille, Lucy, Lucillia Robin… — Ta gueule, avant que je te coupe la langue ! 14
Il referma la bouche dans un claquement de dents. Je respirai calmement par le nez, pour empêcher la colère de prendre le dessus à mes dépens. Je savais ce qu’il essayait de faire. Vayl m’avait expliqué que, chez les vampires, connaître le nom de quelqu’un permet d’avoir une emprise sur lui. C’est pourquoi Hamon Eryx avait imposé lors des négociations un échange de certificats de naissance. En retour, Vayl lui avait demandé de garder secrète ma véritable identité. Dans les rangs de l’Alliance, il valait donc mieux me faire connaître sous mon pseudo favori. Mais si j’avais su que cela suffirait à titiller le sadisme de Binns, j’en aurais choisi un autre. Non pas parce que cela me dérangeait, mais parce que je ne tenais pas à le tuer dans un accès de colère. Ça ne fait jamais très professionnel… Monsieur Muscle, ayant remarqué que Disa avait été choquée par mon langage fleuri, suggéra : — Voulez-vous que je les tue ? J’en restai comme deux ronds de flan. C’était moi qui brandissais une arme chargée… Pouvait-il être bête à ce point ? — Inutile, Tarasios…, répondit-elle avec lassitude. Va chercher les autres. Pendant que son sbire rentrait après avoir acquiescé d’un signe de tête, Disa se tourna vers moi et demanda : — Qu’êtes-vous, au juste, pour Vayl ? Le regard qu’elle posait sur moi en disait long sur ce qu’elle en pensait. « Il a beau vouloir se ranger, un vampire doit toujours trouver sa pitance quelque part… Seriez-vous sa réserve personnelle, sa délicieuse petite lampée ? » — Je suis son assistante. 15
Je lui avais répondu en lui jetant un bref regard glacial, avant de reporter mon attention sur Binns, qui commençait à respirer. Sans doute s’imaginait-il que sa Deyrar allait pouvoir le tirer de ce pétrin. Il regarda sa poche de poitrine l’espace d’une fraction de seconde avant d’y porter les doigts. Sans hésiter, je tirai. Chancelant sur ses jambes, il regarda le carreau qui pointait de son épaule gauche et me dévisagea, sous le choc. — Pourquoi t’as fait ça ? gémit-il. — J’ai la détente facile. Pas tant que ça, en fait. Ce taré aimait torturer ses victimes avant de les tuer. La moitié d’entre elles, par sa faute, n’avaient jamais pu fêter leur douzième anniversaire. Et plus son mode opératoire me revenait, moins mon cerveau exerçait de contrôle sur mon doigt. — Je te suggère de rester très, très sage, maintenant…, repris-je. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive un malencontreux accident avant que j’aie décidé de ce que je vais faire de toi. Dans le silence de plomb qui s’ensuivit, seul se fit entendre le mécanisme bien huilé de Chagrin qui se rechargeait automatiquement. J’observai la réaction de Disa à temps pour voir ses yeux passer par une série de changements impressionnants. Ils virèrent successivement au noir, puis passèrent au rouge, puis à l’orange, avant de devenir jaune vif et de repasser au brun, leur couleur habituelle. Waouh ! Plutôt psyché, le light-show ! Et à vous donner la gerbe… Le seul autre vampire de ma connaissance dont les yeux changeaient de couleur au gré de ses humeurs, c’était Vayl. Cela signifiait-il que tous les membres de son ancienne 16
Alliance étaient dotés de ce petit talent, ou bien lui et Disa avaient-ils… Arrête, Jaz ! T’es juste un peu parano parce que… Parce que, lors de notre dernière mission, Vayl avait failli faire le grand plongeon. L’improbable embryon d’avenir commun que nous partageons, il avait failli le jeter aux orties en goûtant au sang d’une Voyante iranienne prénommée Zarsa. Nous avions survécu à cette secousse sismique, mais cela ne signifiait pas qu’une autre ne suffirait pas à nous détruire. — Comment osez-vous attaquer mon knaer ? s’indigna-t-elle. Je réprimai un soupir. Ils ne peuvent pas parler normalement ? Il va vraiment falloir que Bergman commence à bosser sur un interprète universel. Un knaer ? Vayl a dû m’en parler… Si ma mémoire est bonne, c’est en rapport avec leur hiérarchie interne. Côté pouvoirs, un knaer doit être tout en bas de l’ échelle – seul un humain lambda est moins puissant. Sans le savoir, j’avais choisi la victime idéale… Je lui répondis en dardant sur elle mon regard le plus noir. — Alan Binns est un ennemi de ceux que j’ai juré de protéger. Et c’est chez vous que je tombe nez à nez avec lui. De quoi se demander quels autres petits secrets bien glauques vous cachez encore. Je la vis tourner la tête, probablement en quête d’un objet quelconque à me jeter dessus. Heureusement pour moi, elle n’avait rien à se mettre sous la main. Faute de mieux, elle serra les poings. Je me pris à espérer que la prochaine étape de son royal courroux consisterait à hurler 17
et à taper du pied. Moi qui manquais de distraction ces temps-ci, j’étais servie. Hélas, avant que Disa ait eu le temps de me satisfaire, ses petits copains vamps et leurs gardiens humains surgirent dans la cour. Des cris de rage fusèrent quand ils virent que leur pote était blessé. Leurs regards se firent haineux dès qu’ils comprirent que c’était moi qui avais fait le coup. De nouveau, le rapport de forces s’inversait. Je jetai un coup d’œil à Vayl. Il me répondit d’un bref hochement de tête. Je vis sur ses lèvres ce qui peut passer chez lui pour un sourire. Tordus comme nous le sommes, c’est quand nos chances de l’emporter sont quasi nulles que nous prenons notre pied. Parce que c’est là, vraiment, qu’on commence à s’amuser.