Sacrifice - extrait

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« Kelley Armstrong est dans la cour des grandes du genre, comme Laurell K. Hamilton. » Kansas City Star ★★★★★

C’est l’émission de téléréalité la plus attendue du moment : trois médiums réunis dans une maison pour invoquer l’esprit de Marilyn Monroe. Contrairement à ses collègues, Jaime Vegas est une vraie nécromancienne, et elle sait que la maison est hantée. Pas par des vedettes de cinéma, mais par quelque chose de plus étrange et de bien plus terrifiant : des âmes coincées dans le monde des vivants. Jaime est la seule à les sentir et à pouvoir les renvoyer d’où elles viennent… Accompagnée du loup-garou Jeremy Danvers, elle pénètre dans le monde cauchemardesque de la magie noire. Et pour espérer vaincre ses terribles ennemis, elle devra apprendre à utiliser ses pouvoirs les plus obscurs…

Kelley Armstrong, née en 1968, est canadienne. Elle a déjà publié plus d’une dizaine de romans – la plupart situés dans l’univers que les lecteurs ont découvert avec Morsure, qui remportent un succès étourdissant aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Son œuvre se place dans la lignée de Laurell K. Hamilton, au premier plan du genre bit-lit.

20 e Traduit de l’anglais (Canada) par Marianne Feraud Photographie de Couverture : © AlexAnnaButs / Shutterstock Illustration de couverture : Anne-Claire Payet ISBN : 978-2-35294-547-5

9 782352 945475


Du même auteur : Femmes de l’Autremonde : 1. Morsure 2. Capture 3. Magie de pacotille 4. Magie d’entreprise 5. Hantise 6. Rupture 7. Sacrifice Chez Castelmore : Pouvoirs Obscurs : 1. L’Invocation 2. L’Éveil 3. La Révélation

www.bragelonne.fr


Kelley Armstrong

Sacrifice Femmes de l’Autremonde – tome 7 Traduit de l’anglais (Canada) par Marianne Feraud

Bragelonne


Collection dirigée par Stéphane Marsan et Alain Névant

Titre original : No Humans Involved Copyright © 2007 by Kelley Armstrong © Bragelonne 2012, pour la présente traduction ISBN : 978-2-35294-547-5 Bragelonne 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@bragelonne.fr Site Internet : www.bragelonne.fr


À ma grand-mère Florence Taylor-MacGowan, qui m’a appris qu’on peut être forte sans être dure.



Remerciements Je tiens à saluer ma fidèle équipe : Helen Heller, mon agent, ainsi que mes éditeurs, Anne Groell, de Bantam Spectra ; Anne Collins, de Random House Canada ; et Antonia Hodgson, d’Orbit. Votre aide m’est infiniment précieuse. Je remercie également mes relectrices pour ce tome : Danielle et Alison. Enfin, mention spéciale à Faren Bachelis, qui relit et corrige mes textes depuis plusieurs romans déjà, et que je ne remercierai jamais assez. Un jour, peut-être, grâce à ses suggestions toutes de douceur et de bon sens, je surmonterai mes divers tics d’écriture et petites manies. En attendant, un immense merci pour toutes ces corrections !



I

B

rendan luttait contre le sommeil. Cela n’aurait pas dû être aussi difficile, étant donné les circonstances, pourtant, il ne parvenait pas à résister. Ils l’avaient abordé derrière une banque, à la nuit tombante. Le jeune homme avait coupé par le parking désert pour se rendre au foyer dans l’espoir qu’il y aurait encore quelque chose à grignoter. Il était bien trop tard pour espérer un repas chaud, mais au moins il mangerait à l’œil. Les propriétaires de la banque avaient dressé une clôture pour la séparer du centre d’accueil et endiguer le flot de gamins qui prenaient ce raccourci depuis l’arrêt de bus. Brendan l’escaladait au moment où la femme l’avait hélé. Craignant des ennuis, il avait redoublé d’efforts, jusqu’à ce qu’elle lui saisisse le mollet et qu’il se retourne pour faire face non pas à des flics, mais à un couple d’une quarantaine d’années, plutôt bien vêtu, genre cadres d’une grosse société. Ils lui avaient raconté que la rue leur avait pris leur fils et qu’ils consacraient leur vie à aider les autres gosses. Des conneries, bien sûr. Rien n’est gratuit en ce bas monde. Malgré leurs sourires sincères et leurs regards inquiets, il était persuadé qu’ils voulaient prendre du bon temps. Et tant qu’ils étaient prêts à payer, il n’y voyait aucun inconvénient. Ils n’auraient pas été ses premiers clients. Il s’était brièvement mis en cheville avec un gamin du foyer, Ricky, jusqu’à ce que ce dernier se trouve un partenaire plus mignon. Brendan aurait dû y voir un signe. S’il n’était pas assez beau pour tapiner à Los Angeles, il était sacrément mal parti pour devenir star de ciné. Mais il était trop tard pour rentrer. Trop tard pour admettre qu’il n’avait pas l’étoffe. Trop dur d’affronter les « on te l’avait bien dit ». 9


Pourtant, il avait du talent. Il avait toujours décroché le premier rôle dans les pièces de l’école, avait travaillé trois étés d’affilée au théâtre, et joué dans deux pubs pour des entreprises locales. Alors, à seize ans, fatigué d’entendre ses parents lui répéter qu’il devait achever ses études, il avait vidé son compte pour partir à Los Angeles. Une fois l’argent dépensé, il n’avait trouvé aucun moyen honnête d’en gagner davantage. Donc, si ces deux gus voulaient ce qu’il pensait, ça lui allait très bien. Ils n’avaient pas l’air méchant. À Hollywood, ça comptait peut-être pour des prunes, mais là d’où il venait, c’était important. Ils l’avaient conduit chez eux, à Brentwood. Il avait reconnu le coin pour l’avoir visité, peu après son arrivée, dans un de ces bus qui font le tour des maisons de stars. Assis à l’arrière de leur 4x4 aux vitres teintées, il avait regardé défiler les rues du célèbre quartier. Le couple avait rentré la voiture dans le garage d’un modeste pavillon, puis l’avait invité à entrer. Ils lui avaient proposé à manger, mais il avait prétendu ne pas avoir faim, en dépit de son estomac qui grognait. Il était peut-être naïf, mais pas au point d’accepter de la nourriture ou des boissons. Lorsqu’ils l’avaient amené dans une chambre d’amis au rezde-chaussée, en passant par un petit salon avec une télévision, il s’était dit que les choses n’allaient pas tarder à bouger. Mais ils n’avaient fait qu’éteindre la lumière après lui avoir désigné la salle d’eau voisine et souhaité bonne nuit. Ils n’avaient même pas fermé la porte, la laissant entrebâillée pour lui éviter de se sentir cloîtré. S’efforçant de résister au sommeil, il entendit des pas dans l’escalier. La voix de la femme, aiguë, avec un fort accent. Puis celle de l’homme. Et d’un autre. Et d’un troisième… Oh, merde. Le cœur battant, il tenta de se ressaisir. Pourquoi était-il si fatigué ? Bon sang, il fallait qu’il se tire avant de se retrouver au beau milieu d’une partouse ou… De l’autre côté du mur, dans le petit salon, la femme proposait des rafraîchissements. Deux hommes demandèrent du vin, tandis que le troisième préféra de l’eau. Puis leurs voix semblèrent s’immobiliser, comme s’ils s’étaient assis. Une discussion autour d’un verre comme prélude à une coucherie avec un ado ? Brendan tendit l’oreille. Ils parlaient de livres, de « textes » comme ils les appelaient, ponctuant leurs discours de mots tels que « croyance » et « rituel », tout en débattant des différences entre des traductions du latin et de l’hébreu. 10


Du latin. Voilà ! C’était cela ! Quand Brendan était monté dans la voiture, la femme s’était adressée à son compagnon dans une langue étrangère. À cause de son accent, Brendan avait cru qu’elle s’était exprimée dans sa langue maternelle pour lui parler en secret. Mais ses paroles lui avaient semblé familières. À présent, il savait pourquoi. En bon catholique pratiquant – du moins à Noël et à Pâques –, il avait eu sa dose de latin. Ils s’étaient mis à discuter de textes religieux. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Ses hôtes lui avaient dit qu’ils voulaient aider les autres, pour se racheter des fautes commises envers leur fils. De bons samaritains. — … trop vieux, dit un homme, d’une voix suffisamment forte pour que Brendan l’entende. On a réussi avec des gosses bien plus jeunes, alors je ne vois pas pourquoi il faudrait changer maintenant. — On ne change rien, rétorqua un autre. On étend le champ de nos expériences. Les plus jeunes sont aussi les plus durs à trouver et à approcher. Si on arrive à ajuster la procédure pour travailler avec des adolescents, ça ouvre la porte à tout un tas de possibilités. — Don a raison, reprit la femme. Un ou deux par an, ce n’est pas assez, pas pour l’ampleur qu’on… Sa voix s’atténua jusqu’à ce que Brendan ne puisse plus saisir que des bribes de conversation. Il ne pouvait leur en vouloir de se focaliser sur les enfants. À son âge, la plupart des gosses de la rue n’ont aucune envie d’être « sauvés ». Ils sont trop occupés par leur quotidien pour accepter de l’aide. Mais pas lui. La drogue n’était pas un problème : il n’avait jamais pu s’en offrir. Ils pouvaient bien lui débiter tous les versets de la Bible qu’il leur plairait, il acquiescerait en souriant si ça lui permettait de rentrer chez lui. Il n’aurait pas à parler à ses parents de son échec, mais plutôt d’une expérience mystique qui lui avait fait changer d’avis. Il ferma les yeux et s’imagina remontant l’allée de la maison. Il vit le visage de sa mère, le regard de son père, sévère mais soulagé, entendit les cris de joie de sa petite sœur… Derrière la porte, la conversation semblait avoir tourné au débat enflammé sur la nature de la souffrance. Ouais, de vrais cathos, aucun doute là-dessus, pensa-t-il en gloussant. De ce qu’il percevait, ça ressemblait beaucoup à la discussion qu’il avait surprise la semaine précédente entre deux goths. Morbide. Ce terme lui vint soudain à l’esprit. Il le retourna dans sa tête. Plutôt cool, comme mot. Il s’appliquait aux goths et à certains croyants ; cette obsession pour la mort et la souffrance. Dans la pièce voisine, une voix masculine se fit plus forte. 11


— Les Romains utilisaient la crucifixion non seulement pour l’humi­liation publique, mais aussi pour infliger une souffrance atroce. Avec la traction du poids du corps, la respiration devient difficile. Les condamnés pouvaient ainsi rester suspendus pendant des jours en suffo­ ­cant lentement. — Certes, mais d’après ce qu’on a rapporté sur les procès de sorcières, la pire façon de mourir, c’est le bûcher. Si vous évitez à la victime de s’asphyxier avec la fumée, elle peut survivre étonnamment longtemps tout en subissant une douleur inimaginable. Brendan frémit. D’accord, là, ça dépassait le morbide. Peut-être qu’ils n’étaient pas de simples évangélistes, mais plutôt une sorte de secte fanatique. Comme les scientologues ou d’autres du genre. La plupart des pratiquants qu’il connaissait étaient des chic types, mais il y avait aussi des cinglés. Et malgré son envie de rentrer chez lui, il refusait de se farcir ce genre de conneries. Il allait se lever, les rejoindre et leur dire qu’il avait changé d’avis. Mais il était si fatigué. Les voix s’étaient tues. Parfait. Il allait se reposer encore quelques minutes puis se glisser dehors… La porte s’ouvrit. Le couple entra, suivi de trois individus : une jeune femme, un homme chauve et un autre aux cheveux blancs. — Bonjour, Brendan, dit la femme. Brendan peina à se lever. — Je veux partir. La femme hocha la tête. Puis elle s’avança, leva une main devant sa bouche et souffla. Un nuage de poussière blanche vola au visage de Brendan. Il voulut éternuer mais ne fit que toussoter. Elle se remit à parler latin et Brendan tituba. Deux des hommes se précipitèrent pour l’attraper chacun d’un côté, l’aidant doucement à se remettre debout. Ils passèrent les bras de l’adolescent sur leurs épaules. Brendan battit des paupières à plusieurs reprises, puis fut incapable de les rouvrir. Ils le traînèrent, les pieds raclant par terre, jusqu’à une seconde pièce, plus petite. Ils échangèrent quelques mots, puis le déposèrent sur un sol dur et froid. Il ouvrit les yeux. Loin au-dessus de lui, un chien le contemplait. Un terrier, comme le chien de sa sœur. Mais quelque chose clochait… Il n’avait pas de pattes. Seuls son poitrail et sa tête dépassaient du bord de l’étagère, et il le regardait fixement. Une hallucination. On l’avait drogué ? Il devait réagir. Il le savait, mais n’en trouvait pas l’énergie. Il plissa très fort les yeux puis se recroquevilla, trop faible, même pour réfléchir. Il les 12


entendit discuter et comprit qu’ils parlaient dans sa langue, mais déchiffrer les mots lui demandait trop d’efforts, alors il se contenta de se laisser bercer par le son. Il sentit un liquide lui éclabousser le dos, s’infiltrant à travers sa chemise. C’était froid, visqueux et ça dégageait une puanteur familière. Tout à coup, alors qu’il était sur le point de défaillir, son esprit embrumé identifia l’odeur. De l’essence. Il se réveilla en sursaut, pris de panique, ordonnant à ses bras et ses jambes de remuer, à sa bouche de crier, mais rien n’obéissait. Il entrouvrit les yeux, juste assez pour voir les gens sortir de la pièce, les uns après les autres. La femme se campa devant lui et se pencha. Sans se départir de son sourire, elle lui adressa quelques mots de réconfort. Puis elle frotta l’allumette.


À suivre...


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