Pourquoi moi ? - extrait

Pou rqu oi ma vie est un dr am e :

1. Mes parents sont des monstres. Je sais, on dit tous ça, au lycée. Mais les miens sont de vrais monstres buveurs de sang : ce sont des vamp ires.

2. Comme si les cours ne suffisaient pas à mon malheur, il faut tape une série de conférences sur la culture vampirique avec en plus que je me une bande de cinglés qui rêvent de boire du sang.

3. Le comble, c’est que je suis parfaitement incapable d’aligner deux phrases cohérentes devant des garçons sexy. (Surtout Nathan. Il doit penser que j’ai un trouble du langage ou un truc comme ça.)

4. Et je n’ai pas le droit de parler de tout ça à Serena, ma meilleure amie.

5. Mais le pire du pire dans mon drame, c’est que le monde entier va savoir ce qui est

arrivé quand mes parents m’ont obligée à décider si je voula is ou un vampire ! Je vous en prie, ne lisez pas ce livre. C’est juste non devenir moi aussi trop gênant.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paola Appelius Illustration de couverture : Noëmie Chevalier ISBN : 978-2-36231-036-2

9 782362 310362

15,20 €

Kimberly Pauley aime les livres qu’elle peut dévorer à pleines dents. Elle est l’une des fondatrices d’un site Internet très populaire aux États-Unis, YA Books Central, qui est dédié à la littérature pour jeunes adultes, ce qui lui permet de lire beaucoup et d’être toujours à la pointe de l’actualité en matière de romans pour adolescents.

Pourquoi moi ? est son premier roman.

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Pourquoi moi ?

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KIMBERLY PAULEY

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paola Appelius

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Titre original : Sucks to Be Me The All-True Confessions of Mina Hamilton, Teen Vampire (Maybe) Copyright © 2009 by Kimberly Pauley © Bragelonne 2012, pour la présente traduction Certaines citations de l’œuvre Dracula de Bram Stoker sont extraites de la traduction de Jacques Finné, publiée en 1979 pour la Librairie des Champs-Élysées.

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse Illustrations intérieures et de couverture : Noëmie Chevalier Dépôt légal : février 2012 ISBN : 978-2-36231-036-2 C a st el mor e 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@castelmore.fr Site Internet : www.castelmore.fr

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À Tony mon mari, pour tout, et à ma nièce Rachael, pour avoir été ma première lectrice.

Et aussi à Terry, pour avoir ouvert une porte, et à Nina, mon éditrice, qui s’est trouvée derrière.

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pa s. s n’ex is te nt Le s va m pi re

Co m pl ètem en

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t fa ux.

M

es parents me pourrissent la vie. Bon, ouais, je sais que c’est ce que disent tous les ados, mais les miens, c’est la vérité. Ils veulent me voir morte. Ou plus exactement, morte vivante.

Mes parents sont des vampires. Ça vous paraît peut-être cool, mais je ne parle pas de ces buveurs de sang romantiques que l’on trouve dans les romans où tout le monde se pavane en jabot de dentelles en récitant des poèmes. Je ne sais pas d’où ils sortent ça. Rien n’est plus éloigné de la réalité. Mon père serait bien incapable de réciter une comptine même si on le payait pour ça. Il préfère regarder le foot sur CNN. Il ne saurait pas plus (et s’en ficherait comme de sa première brosse à dents) qui est Stephenie Meyer si elle se plantait devant lui pour lui mordre le cou.

Pour ce que j’en sais, l’existence d’un vampire n’a rien d’excitant. Mes deux parents ont un boulot ordinaire, des 9

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factures à payer et tout le pataquès. Ils ne passent pas leur temps à tuer des gens ou à enlever de jeunes vierges nubiles pour leur servir d’esclaves. (Enfin, pas que je sache. Mais je pense que je m’en serais aperçue s’il y avait une montagne de cadavres dans le sous-sol de notre maison.)

Bien sûr, ils sont plus ou moins éternels, mais il y a plein de trucs nuls qui vont avec la condition de vampire. Comme de ne pas pouvoir aller à la plage sans des tonnes de crème solaire indice un million et des lunettes plus noires que noires parce que votre peau grillerait comme si c’était la fin du monde et que vos yeux de lynx ne supportent pas la lumière.

Et puis il y a le stress de ne pas laisser vos voisins percer votre petit secret de famille.

Mais je suis habituée. J’imagine qu’il ne me serait pourtant jamais venu à l’esprit de devenir moi-même un vampire.

Enfin, jusqu’à ce matin. Comme si je ne me prenais pas assez la tête avec cette méga-interro de chimie pour aujourd’hui.

— Mina, dit ma mère, il faut qu’on parle.

Au cas où vous vous poseriez la question, oui, ils m’ont donné le nom de la fille dans le Dracula de Bram Stoker.

Vous avez dit relou ? relou de chez relou ? Vous avez tout compris.

— Ça ne peut pas attendre après les cours ? je marmonne en croquant dans mon toast.

Chaque fois qu’elle commence par cette phrase, je peux être sûre que ça va durer des plombes.

— Non, répond mon père en posant son journal pour de bon.

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Oh, oh. Un autre signe que je vais avoir de sérieux ennuis.

Je repasse dans ma tête tout ce que j’ai bien pu faire de travers, mais je ne trouve rien récemment, à part le fait d’avoir laissé dans l’évier la vaisselle sale de mon casse-dalle de minuit.

— Nous devons parler de ton avenir, précise ma mère.

— Tu as une grande décision à prendre, déclare mon père exactement en même temps.

Je ne sais vraiment pas quoi dire, alors je les dévisage d’un air bête. Ben oui, quoi, qu’est-ce que vous répondriez à ce genre de truc, vous ? « Ouais, cool » ?

Ma mère me sourit nerveusement et me tapote la main comme quand j’étais petite.

— Nous avons longtemps retardé cette conversation – trop longtemps sans doute –, mais le temps est venu pour toi de faire un choix.

— Quel choix ?

Papa embraie.

— Celui de savoir si tu veux ou non devenir un vampire.

Il a dit quoi, là ? Je manque de m’étouffer avec mon toast.

— Il faut que je décide si je veux devenir un vampire ?

Pourquoi ça ?

Je leur sors le grand jeu, mes yeux de biche par en dessous qui font généralement craquer maman, mais ça ne marche pas aujourd’hui. Elle a l’air plutôt malheureux, mais elle se contente de hocher la tête.

— Nous aurions certainement dû aborder ce sujet plus tôt, mais nous espérions qu’ils accepteraient de repousser le délai au moins jusqu’après l’université.

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— « Ils » ? C’est qui, « ils » ?

Ma grammaire n’est pas au top, mais je m’en fiche. Ce n’est pas le moment de me prendre la tête pour ce genre de détail.

— Le Conseil, m’explique mon père. Le Conseil Régional des Vampires du Nord-Ouest.

Je dois avoir l’air réellement scotché sur ce coup-là parce que maman se répand une nouvelle fois en excuses.

— Je suis vraiment désolée, ma chérie. Nous aurions déci­ dément dû t’en parler depuis le début, mais nous voulions que tu aies une enfance la plus normale possible.

Pardon, j’ai bien entendu ? Je ne peux même pas commencer à énumérer tous les trucs de mon enfance qui n’étaient pas normaux, mais je ne tiens pas à entrer dans ce débat maintenant. C’est le genre de délire qui vous donne droit à un ticket direct pour une thérapie longue durée – ce qui est hors de question. N’importe quel thérapeute m’enfermerait à double tour si je commençais à lui balancer que mes parents sont des vampires.

— Le Conseil a décrété que tu devais faire un choix.

— Et en quoi ça le regarde, le Conseil ?

— Eh bien, poursuit mon père, d’un air gêné, c’est que tu te trouves dans une situation inédite : les non-vampires ne sont pas censés connaître notre existence.

— Ouais, ouais, je sais, le vieux couplet des pieux dans le cœur. Mais je suis au courant depuis des années. Qu’est-ce qui a changé tout d’un coup ?

Maman et papa se regardent avant de ramener leurs yeux sur moi. Je sais ce que ça veut dire. Ils ne savent pas quoi 12

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me répondre. Là, je leur ai cloué le bec. Ha ! Je descends en piqué pour leur porter le coup de grâce.

— Si j’avais dû cafter, je l’aurais fait depuis des années.

Et puis de toute façon, qui me croirait ? Le Conseil ne peut pas dire le contraire. À la corbeille, le Conseil. Je croque dans mon toast avec un sourire triomphant.

— Ce n’est pas si simple, me rétorque maman. Ce n’est pas le fait que tu sois au courant qui a déclenché l’affaire.

C’est que le Conseil ne connaissait pas ton existence jusqu’ici.

— Et comment l’ont-ils apprise, alors ? Ce n’est pas moi qui ai pu leur dire.

Vu que personne dans cette pièce ne m’informe jamais de rien.

Ils échangent un autre regard coupable et papa récupère le ballon.

— Tu te souviens de ce type qui est venu à la maison m’apporter des papiers il y a de ça environ un mois ?

Et comment que je m’en souviens. C’est moi qui lui ai ouvert la porte. Un illuminé total : le crâne rasé, les yeux bordés de rouge et des pattes d’ef. Je ne l’avais pas rangé pour autant dans la case vampire. J’avais juste pensé que c’était un cinglé un peu kitsch qui travaillait avec papa. Ben quoi, les comptables sont des gens très bizarres. Ça doit être à force de regarder des chiffres toute la journée.

— Ce type appartenait à l’Administration fiscale vampi­ rique. Il a signalé la présence d’un non-vampire dans notre 13

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foyer et maintenant… Voilà pourquoi tu dois choisir si tu veux ou non devenir un vampire, j’en ai bien peur.

Je ne peux pas croire qu’ils vont laisser des gratte-papiers buveurs de sang me dire quoi faire de ma vie. Mais j’ai encore une carte à jouer avant de m’avouer vaincue. La culpabilité.

— Pourquoi vous me balancez tout ça juste avant le lycée ? Ça n’aurait pas pu attendre un peu ?

Maman jette un regard acéré à papa, qui se retranche derrière son journal. Elle l’oblige à le reposer. Non mais, qui porte les crocs dans cette famille ?

— Hum… Bon… Il se pourrait bien qu’on ait… euh… de la visite ce soir quand tu rentreras de l’école. Et tu ne seras pas obligée de raconter depuis combien de temps tu sais que nous sommes des vampires…

Il replonge derrière son journal.

Il a beaucoup de chance, parce que c’est le moment que choisit Serena pour klaxonner devant chez nous. Je prends mes affaires et je quitte la maison sans un regard en arrière.

Je ne vais pas leur faire ce plaisir.

— Quoi de neuf, docteur ? me hurle Serena alors que je m’engouffre dans sa vieille Coccinelle.

C’est ma meilleure amie, même si elle a la sale habitude de débiter des vieilles répliques pourries à longueur de journée.

— Rien que du vieux.

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Elle s’engage dans la rue en manquant d’écraser le stupide chat de Mme Finch et me fait sa tête de smiley triste.

En temps normal, j’aurais éclaté de rire. Pour que vous compreniez, Serena est dans sa période gothique depuis environ deux ans et je peux vous dire qu’il n’y a rien de plus comique qu’une fille au teint crayeux et aux lèvres maquillées de noir qui se met à vous faire des grimaces de clown. Je ne sais pas comment elle fait pour prendre ça au sérieux, mais j’ai déjà survécu à tout, depuis sa période ballerine jusqu’à son délire pop-rock, alors j’imagine que je verrai le bout de celle-là aussi. Jusqu’ici, c’est sa période Christina Aguilera (encore heureux, c’était avant qu’elle ait l’air d’une pute) qui a été la plus dure.

— Ouhhhh, j’ai comme l’impression que t’es dans un mauvais jour aujourd’hui. Tu veux qu’on en parle ?

J’essaie de lui sourire, mais ce n’est pas vraiment ça.

— Plus tard, peut-être, d’accord ?

Je suis nulle en mensonges, surtout avec Serena. Mieux vaut ne rien lui dire que de laisser échapper un truc que je risque de regretter. On est amies depuis le jardin d’enfants, mais il y a deux ou trois sujets dont je ne peux vraiment pas lui parler. Comme le fait que mes parents sont des vampires, par exemple. Ou que je dois choisir d’en devenir moi-même un ou pas.

Surtout que je connais très bien la réponse à cette question.

Je n’ai aucune envie de devenir un buveur de sang. J’ai bien déliré sur les capes quand j’avais dix ans et des poussières, mais ça n’a pas duré longtemps. Ma mère venait de me montrer 15

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qu’elle pouvait marcher au plafond et j’avais des excuses.

Attendez, c’est pas trop cool comme truc ? Mais si j’ai déjà envisagé de devenir un jour un vampire, ç’a toujours été dans un futur lointain. Pour le moment, j’ai toute la vie devant moi. Merde, il me reste encore mon année de terminale.

Serena a compris le message et se met à brailler à tue-tête une très vieille chanson de Britney Spears. Vous comprenez pourquoi les autres gothiques du bahut ne veulent pas traîner avec elle.

J’ai cru que j’avais réussi à me sortir de la tête cette histoire de vampire et de décision qui va changer ma vie jusqu’à ma dernière heure de cours – la littérature.

Madame Tweeter – non, ce n’est pas une blague, c’est son vrai nom – est tout de noir vêtue sous une grande cape rouge.

Ce qui n’est pas aussi dingue que ça y paraît, dit comme ça.

Elle aime se déguiser en fonction du contenu de ses cours pour nous « impliquer » davantage. Je ne sais pas si elle réussit à nous « impliquer », mais à nous faire marrer, c’est sûr. Quand on a étudié Hamlet, elle avait apporté un crâne qu’elle a laissé en permanence sur son bureau. Elle lui parlait en l’appelant Yorick. Elle est un peu hallucinante, mais en général je l’aime bien. Jusqu’à aujourd’hui.

— Chère classe, annonce-t-elle d’une voix grave et sépulcrale. Nous entamons aujourd’hui une nouvelle séquence qui porte sur l’étude de… Dracula !

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Sur ces mots, elle fait virevolter sa cape et traverse la classe à grands pas comme une folledingue pendant que tous les glandeurs du fond de la classe se bidonnent. Ils craquent littéralement pour Tweeter.

J’y crois pas, entre tous les bouquins qu’on aurait pu étudier, il faut que ce soit celui-là qu’elle nous sorte. Sans doute la pire source de désinformation sur les vampires dans la place. Je n’ai pas lu le bouquin, notez bien. Mais j’ai vu une partie des films qu’ils en ont tirés et c’est sang pour sang nul.

Jeu de mots.

Je me tasse un peu plus sur ma chaise. À côté de moi, Serena applaudit des deux mains en bonne gothique qu’elle est.

Madame Tweeter se calme un peu et revient devant la classe.

— Dracula a été publié en 1897 par Bram Stoker. Le livre ne défraie pas la chronique à sa sortie, mais devient à la mode dans les années vingt et trente lorsque plusieurs portraits du comte maléfique sont adaptés au grand écran. Vous avez peut-être entendu parler de Bela Lugosi ?

Elle balaie la classe d’un regard circulaire et nous sommes plusieurs à hocher la tête. Mon cinglé d’oncle Mortie se déguise en Lugosi tous les ans pour Halloween. On pourrait croire que le Conseil pousserait les hauts cris, mais non.

— Beaucoup de gens pensent que le personnage de Dracula est inspiré de Vlad l’Empaleur…

Au second rang, Tim Mathis se met à agiter bras et jambes sur sa chaise en poussant des cris d’agonie. Tweeter poursuit comme si de rien n’était : 17

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— … mais rien ne prouve que Stoker ait fait des recherches sur Vlad ni même qu’il connaissait la vie de ce prince histo­ rique. En fait, son personnage devait s’appeler à l’origine le comte Vampyr.

Tweeter tend à Tim une liasse de photocopies et lui fait signe de les distribuer tout en continuant à parler. Ça lui apprendra à faire l’andouille.

— Bon, je suis sûre et certaine que vous avez tous entendu parler de vampires et que vous avez en tête des stéréotypes les concernant. Quelqu’un a un exemple ?

Je me fais toute petite sur ma chaise. Je ne vais sûrement pas mordre à cet hameçon. Serena lève la main, deux ou trois autres élèves aussi.

— Ils ne peuvent pas sortir en plein jour, dit Serena.

— On peut s’en débarrasser avec de l’ail et de l’eau bénite, ajoute Bethany Madison, toujours prête à faire de la lèche.

— Ou avec des pieux !

Celle-là, c’est Tim qui nous la sort, tout en distribuant ses copies.

— Bien, bien, approuve Tweeter. Des idées très cou­­ rantes, mais relativement fausses. Vous serez surpris de découvrir que le comte Dracula peut sortir en plein jour et que ce n’est pas un pieu dans le cœur qui provoque sa mort définitive.

Je me redresse un peu, mais pas suffisamment pour que Tweeter ait l’idée de m’interroger. Je sais bien évidemment que les vampires peuvent sortir en plein jour, mais je ne savais pas que le bouquin avait bon sur ce point.

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— Les copies qui viennent de vous être distribuées contiennent votre programme de lecture pour les quatre semaines à venir, ainsi qu’un choix de devoirs à rendre.

Le travail à faire à la maison pour ce soir concerne tout le monde. Avant d’entamer la lecture du livre, vous dresserez une liste de tous les mythes que vous connaissez à propos des vampires. À la fin de la séquence, nous comparerons ce que vous croyiez savoir avec le contenu du livre. Vous devez également choisir un sujet de dissertation que vous commencerez à travailler dès la fin de la semaine et que vous me rendrez en fin de période. J’y ai inclus quelques extraits et une liste des personnages pour vous aider.

Elle me regarde ensuite droit dans les yeux. Oh non, je l’implore silencieusement de ne pas faire ça, mais – le contraire m’aurait étonné – elle le fait quand même.

— Et nous avons parmi nous la parfaite Mina pour nous faire la lecture !

Tout le monde me regarde. Merci beaucoup, Madame Tweeter. J’avais vraiment besoin de ça. À la fin du cours, je prends mon temps pour quitter la classe. Je ne suis vraiment pas pressée de rentrer chez moi et de découvrir qui peuvent bien être nos mystérieux visiteurs.

Serena est tellement excitée qu’elle finit par me soûler avec toute cette histoire de Dracula. Je l’aime comme une sœur, mais elle peut être carrément débile quand elle s’y met.

— Hé, Mina, m’interpelle Tim. Tu veux me sucer le sang ?

Mon cœur s’arrête de battre. Comment est-il au courant ?

Et puis je me rends compte que c’est seulement Tim. En temps 19

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normal, je lui aurais mis un vent parce que ce n’est qu’un gros nul, mais il se trouve aujourd’hui que Nathan est juste derrière lui.

Nathan Able. Comme dans Nathan-est-là-ma-vie-estformid-Able. Nathan-le-mec-si-ador-Able-que-j’ai-envie-del’embrasser. Nathan, le mec le plus canon de tout le bahut…

Que dis-je ? De toute la ville et peut-être même de tout l’État de Californie. Nathan, le mec dont je suis secrètement amoureuse depuis la sixième. Et donc, au lieu de remettre Tim à sa place comme d’habitude (et comme il le mérite), je reste plantée là, bouche bée telle une grosse gourdasse jusqu’à ce que Serena vole à mon secours.

— Mina ne devient même pas un vampire dans le livre, lui balance-t-elle d’un air hautain. Tu devrais peut-être penser à arrêter de faire semblant de lire, cette année, Tim. Elle m’entraîne dans l’allée et nous quittons la classe.

Je m’efforce de ne pas me retourner pour regarder Nathan, surtout que je crois bien que j’ai toujours la bouche ouverte.

— Merci, je dis à Serena.

— Pas de souci. Je sais l’effet que ça te fait quand Nathan est dans le coin. Moi-même, je ne dirais pas non si j’avais l’occasion de lui plonger mes crocs dans le cou.

Elle dénude ses dents dans une imitation plutôt convain­ cante des films de vampires et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Bon sang, si elle savait…

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oi r s on t le po uv Le s va m pi re le s ge ns . de su b ju gu er

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s va m pi re s, Ç a dé pe nd de à m on av is .

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vant même que Serena me dépose devant chez moi après les cours, je sais déjà qui est le premier de nos « visiteurs ». L’énorme Cadillac vintage d’oncle Mortie est garée devant la maison, occupant la moitié de la longueur du trottoir, et il y a une simple Toyota blanche juste derrière.

— On dirait que ton oncle Mortie est là. Tu me textotes tout à l’heure ?

— Ouais, je grommelle en descendant de voiture.

J’agite la main jusqu’à ce qu’elle disparaisse avant de me retourner. Je reste plantée là et je contemple la maison en essayant de m’obliger à mettre un pied devant l’autre pour aller me faire taper sur les doigts. Ou sur les crocs. Bref.

Oncle Mortie est en réalité mon grand-oncle et c’est à cause de lui qu’on est tous dans cette galère. Il est le premier de la famille à s’être transformé. Et c’est aussi un irresponsable de première. Pour vous dire, il est colporteur, 21

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et avant que vous demandiez, oui, ça existe toujours comme métier. Il vend des aspirateurs ou un truc du genre en porteà-porte. Il ne doit pas en vendre des tonnes, remarquez.

Je sais que moi, je n’ouvrirais pas ma porte à un individu comme oncle Mortie.

D’après ce que j’ai surpris des conversations familiales au fil des ans (et croyez-moi, ce n’est pas évident d’avoir une oreille qui traîne quand on a des parents capables d’entendre arriver une abeille à un kilomètre), sa transformation a eu lieu à peu près à l’époque de ma conception. Dans un coin paumé du Kansas, il a frappé à une porte qui lui semblait intéressante. Une femme blonde l’a fait entrer, et je vous parie qu’elle portait une petite tenue affriolante qui lui aura tellement mis le sang en ébullition qu’il n’a pas remarqué qu’elle avait des crocs et s’intéressait principalement à son cou. (Ce que je peux comprendre, vu que mon oncle Mortie est complètement toqué des blondes. Une fois, il a même claqué trois rouleaux de pièces de vingt-cinq cents à la fête foraine de l’État pour pouvoir baratiner la blondinette qui tenait un des stands pendant que je lançais mes fléchettes dans ses ballons. Et je n’ai même pas gagné un lot.)

Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé chez sa blonde explosive, mais quand il est ressorti de chez elle, oncle Mortie était un vampire, la cinquantaine dégarnie et bedonnante.

Après ça, il a mordu papa au cours d’une sorte de dispute, alors que c’est son neveu préféré. Ou petit-neveu ? Bref.

Et maman l’a rejoint volontairement quelques mois plus tard, après ma naissance. Elle était trop amoureuse de papa et 22

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n’allait pas le quitter pour ce genre de broutilles. Voilà toute l’histoire, j’imagine.

Je respire un grand coup et je pousse la porte. Oncle Mortie est affalé sur le canapé à côté d’une grand-mère en robe fleurie, les cheveux relevés en chignon. Maman et papa ne sont pas en vue.

— Comment va ma nièce préférée ? me lance oncle Mortie.

— Ta seule nièce, je réponds du tac au tac avant de me rappeler de surveiller mes manières devant une étrangère. Ça fait marrer oncle Mortie.

— Vous voyez, je vous avais dit qu’elle avait du caractère ! s’exclame-t-il à l’intention de la femme à côté de lui.

Je suppose que c’est un vampire. Mais elle n’en a pas du tout l’air.

Et puis non, je retire ce que je viens de dire. Aucun des vampires que je connais n’a l’air d’en être un. Oncle Mortie a bel et bien le physique d’un colporteur.

La femme est plutôt petite et rondouillarde, et elle semble être très gentille. Je l’imagine entourée de petits-enfants en train de préparer des cookies aux pépites de chocolat, ce genre de trucs.

— Bonjour, Mina, me salue-t-elle d’une voix sucrée qui accentue son côté mamie gâteau.

Elle ôte quelques cheveux invisibles de sa robe démodée et me sourit avec beaucoup de sincérité. Je n’ai pas envie de l’aimer, mais c’est dur de ne pas lui rendre son sourire. Je sens presque l’odeur des cookies. Elle tapote un coussin du canapé pour m’inviter à venir m’asseoir à côté d’elle.

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— Mina, je te présente Joséphine Riley. C’est la…

— Je suis l’instructrice des nouvelles recrues du Conseil Régional des Vampires du Nord-Ouest. (Elle sourit toujours.)

Je suis chargée de familiariser des adolescents comme toi avec la culture vampirique pour vous aider à décider en toute connaissance de cause si vous souhaitez effectuer la transition de la vie humaine à la vie de vampire.

Je ne peux m’empêcher de laisser échapper : — On dirait que ça sort tout droit d’une brochure : « Le vampirisme et toi ».

Cette fois-ci, oncle Mortie me lance un regard noir, mais la vieille Riley se contente de sourire.

— C’est exactement ça. (Elle sort une brochure de son sac et me la tend.) Sauf le titre. Ça s’appelle : « Devenir un vampire ». C’est moi qui ai rédigé les textes.

Je prends la brochure avant qu’oncle Mortie ait le temps d’ouvrir la bouche. Il faut vraiment que j’apprenne à fermer ma grande gueule.

— Je voulais juste me présenter à toi en tant que vampire de référence et répondre aux questions que tu peux te poser.

Je sais que ce n’est pas facile pour toi. Découvrir que tes parents sont des vampires a dû te causer un grand choc.

Oncle Mortie acquiesce avec insistance, et je l’imite.

Mais bon, elle me prend pour une demeurée, Mamie Riley ?

Comment ne pas s’apercevoir que ses parents sont des vam­­ pires buveurs de sang ? On vit quand même sous le même toit.

Je sais bien que certains ados sont complètement déconnectés de la réalité, mais par pitié…

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— Oui, j’ai eu du mal à y croire, je m’entends dire. Et oncle Mortie aussi ! Je me suis toujours doutée que quelque chose ne tournait pas rond chez lui, sans savoir ce que c’était.

J’adresse un sourire angélique à oncle Mortie.

Oncle Mortie me fait une grimace (je suis sûre que je vais en entendre reparler), et Riley émet quelques petits bruits compatissants.

Je feuillette la brochure. Je n’ai aucune envie de devenir un monstre buveur de sang, mais je ne peux pas nier que j’ai toujours voulu savoir de quoi il retournait. Maman et papa ne m’ont jamais donné beaucoup de détails et oncle Mortie…

Disons que mes parents n’aiment pas le laisser parler de choses sérieuses quand je suis là. C’est le genre à laisser échapper les détails les plus… croustillants.

— Mortimer a gentiment accepté d’être ton parrain.

C’est lui qui te guidera pendant cette période de préparation.

Je mets une bonne minute à comprendre que Mortimer et oncle Mortie ne font qu’un.

— Eh ouais, petite, dit-il avec un éclat retors au fond des yeux qui ne présage rien de bon pour la pression sanguine de mon père (s’il en avait une). Tu peux me poser toutes les questions que tu veux.

Je manque d’éclater de rire. J’arrive pas à croire que mes parents aient accepté ça. C’est là que Mamie Riley me balance le deuxième effet Kiss Cool.

— Et bien sûr, tu devras suivre une formation accélérée.

J’anime une session de conférences préparatoires sur cinq semaines à laquelle j’ai pris la liberté de t’inscrire. Tu as déjà 25

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manqué la première semaine, j’en ai peur. (Ça n’a pas l’air de lui plaire beaucoup.) J’aurais pu te mettre dans la suivante, mais elle est réservée aux adultes. Compte tenu de ta situation particulière et des recommandations du Conseil, j’ai pensé qu’il valait mieux te faire intégrer une session le plus rapi­ dement possible.

— Je dois suivre des cours ? Genre, des cours de vampirisme ?

— Eh oui, me confirme-t-elle en se levant et en me prenant la main avec fermeté. (Elle me regarde droit dans les yeux.) Je suis certaine que tu les trouveras très instructifs.

Une réplique me brûle les lèvres, mais quelque chose dans son regard me pétrifie comme un animal pris au piège.

Elle a beau avoir l’apparence d’une mamie gâteau, la voix d’une mamie gâteau, il y a une couche beaucoup plus dure en dessous. Comme le loup déguisé en grand-mère dans ce vieux conte pour enfants. On dirait que ses yeux pénètrent jusqu’à l’intérieur de mon crâne. Je n’ai pas l’air assez secoué ?

Peut-elle savoir depuis quand je suis réellement au courant pour mes parents ?

Oncle Mortie s’éclaircit la voix et se lève également.

Cela suffit à me détourner de Mamie Grand Méchant Loup et me permet de reprendre mes esprits. Cette bonne femme est méchamment bizarre.

— Il y a combien de conférences ? je m’enquiers d’une voix que j’espère polie.

Je détourne les yeux sur la brochure et la feuillette de nouveau, pour éviter de me retrouver prise dans le regard 26

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de Mamie Grand Méchant Loup. Qui sait ce qu’elle est capable de voir avec ses yeux de vampire ?

— Deux conférences par semaine, le mardi et le jeudi, sur les quatre prochaines semaines. C’est vraiment dommage que tu aies déjà manqué deux conférences, mais ton oncle Mortimer m’a assuré qu’il pouvait se charger de certains aspects de ta formation.

Mamie Grand Méchant Loup ne regarde même pas dans sa direction en prononçant son nom. J’ai comme l’impression qu’elle ne le porte pas dans son cœur. Peut-être parce qu’il fait ressortir ce qu’il y a de plus mauvais en elle, comme avec moi. (Comme la fois où il m’a offert un pistolet à eau pour mon quatrième anniversaire et appris à viser l’entrejambe.

Pendant une semaine, tout le monde a eu l’air d’avoir fait pipi dans sa culotte jusqu’à ce que papa finisse par me confisquer mon pistolet.)

— Ta formation commence ce soir même, ajoute oncle Mortie. Je reste dîner avec vous. J’ai cru comprendre que ta mère a prévu du poulet frit et de la purée de pommes de terre.

Il se frotte les mains et trépigne presque de joie. Je remarque que Grand Méchant Loup lui fait les gros yeux, mais elle garde un sourire poli, me serre la main encore une fois et prend congé en me portant le dernier coup.

— À demain, Mina. Ne sois pas en retard. Et n’oublie pas de remplir et de me rapporter le formulaire 1063-A. J’en ai laissé un exemplaire à ton oncle. (Elle tient la porte entrouverte et se retourne pour me lancer un ultime regard incisif.) Et Mina ? Sache que nous t’aurons à l’œil.

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Et sur ces mots, elle s’en va pour de bon.

Il faut bien reconnaître que la vieille bique sait y faire en matière de sortie.

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