Scène coupée 1: Au bord de la tombe Chasseuse de la nuit – tome 1 Traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Grut Cat et Bones Note de l’auteur : cette scène coupée se trouvait dans le chapitre 15 de Au bord de la tombe, juste après la rencontre entre Bones et Timmie, et juste avant celle entre Cat et Spade dans la grotte. Elle a été supprimée parce que mon éditeur trouvait qu’elle n’apportait rien à l’histoire, et qu’elle ralentissait le rythme. En quelques mots, Cat et Bones enquêtent pour savoir si une fille qui avait été portée disparue a vraiment été retrouvée ou s’il s’agit d’une nouvelle victime d’Hennessey. Bones, en costume-cravate, était assis à côté de moi. Un attaché-case était posé à ses pieds, près de ses chaussures chic et brillantes. Avec cette tenue professionnelle et ses fines lunettes à verres non cerclés, il était l’image même de la respectabilité. Sacré déguisement. — Vous comprenez donc, Mme Phillips, pourquoi nous avons jugé cela suffisamment important pour venir vous déranger sur votre lieu de travail, disait Bones. Le service des impôts ne plaisante pas avec la fraude fiscale. — Bien entendu, répondit la femme brune assise en face de nous. Elle n’arrêtait pas de tripoter son collier de fausses perles. Madeline Phillips était agent immobilier dans le comté de Hocking. Son bureau était bien rangé, et la pièce contenait plusieurs photos d’elle et d’Amanda, une jeune fille souriante. — Donc si je comprends bien... (Bones consulta les feuilles qu’il tenait, mais qui n’avaient rien à voir avec la réglementation fiscale.) Vous avez déclaré l’an dernier que votre fille Amanda vivait chez vous, à votre charge, et qu’elle était étudiante à l’université du comté. Est-ce toujours le cas pour l’année en cours ? Elle acquiesça fermement. — Oui. Bones se pencha en avant. — Mme Phillips. Vous avez appelé la police en juillet dernier pour leur dire que votre fille n’était pas rentrée. Ensuite, vous avez retiré votre déposition. Est-ce que cela signifie qu’elle vit chez vous à ce jour ? Ses doigts pianotèrent sur le bureau. — Oui. Je l’admets, je me suis fait beaucoup de soucis ce soir-là, mais elle s’est excusée et elle n’a jamais recommencé. Vous êtes trop jeune pour avoir une fille de vingt ans, mais je peux vous dire que ce n’est pas de la tarte. Elle ne tient pas en place. Madeline Phillips se trompait sur un point. Bones aurait pu être arrière-arrière-arrière-grandpère, si les vampires pouvaient se reproduire, et si Amanda était dans le même cas que la demi-douzaine de rapports de disparition annulés sur lesquels nous avions enquêtés, elle n’avait pas fait une fugue. Elle était morte. Je me levai et fermai les persiennes. Nous nous étions faits passer pour des agents du fisc dans l’intention de nous retrouver seuls avec Mme Phillips, mais ce petit jeu était terminé. Le temps était venu de passer au vert et de découvrir ce qui était vraiment arrivé à Amanda. Alors que je me retournai pour aller fermer la porte, comme ultime précaution, Bones faisait déjà briller ses yeux. Il se pencha par-dessus le bureau de Madeline et ôta ses lunettes inutiles. — Regardez-moi encore, très bien… Maintenant, quand avez-vous vraiment vu Amanda pour la dernière fois ? Les yeux de la femme, d’un bleu cristallin, étaient rivés sur ceux de Bones. — Je… je ne sais pas… je ne sais pas !
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— Chaton, tu ferais mieux de ne pas regarder. — Pourquoi ? Bon Dieu, il n’avait quand même pas l’intention de lui mettre une raclée, quand même ? — Elle a été mordue, je peux le sentir, répondit Bones. Je vais devoir boire son sang pour la désenvoûter. Sinon, elle ne pourra pas me dire la vérité. Ah. En effet, je n’avais pas une folle envie de le regarder manger, il avait raison sur ce point. Mais me retourner me semblait on ne peut plus lâche. — Vas-y. Fais ce que tu as à faire. Bones croisa brièvement mon regard, puis contourna le bureau jusqu’au fauteuil de Madeline. Ses cheveux étaient déjà relevés en chignon, donc il n’avait pas à s’en soucier. Il défit un bouton de son chemisier, ouvrit largement son col et se pencha sur son cou. Je ne vis que l’arrière de sa tête et son visage. Je l’entendis également prendre une courte inspiration, et je vis sa bouche s’ouvrir pour émettre un son, puis ses paupières se baissèrent lentement. Lorsqu’elles furent complètement fermées, il recula, reboutonna son chemisier et s’agenouilla devant elle. — Aucune marque, dis-je. (Une sensation bizarre m’envahit, et je me rappelai qu’il n’y en avait pas eu non plus sur le cou de la fille sur laquelle je l’avais surpris en train de se nourrir plusieurs semaines auparavant.) Je n’ai pas vu quand tu as, euh… refermé les trous. — Tu sais déjà comment j’ai fait. Je tordis les doigts, ce qui était une réaction grotesque. Ça oui, j’avais une idée assez précise, mais j’étais plutôt gênée de l’entendre confirmer. Bones s’était coupé la langue avec l’une de ses canines et il avait laissé les gouttes de sang couler sur le cou de Madeline jusqu’à ce que les blessures se résorbent. Depuis que nous couchions ensemble, j’avais pris l’habitude de sucer le sang de Bones sur sa langue lorsque nous nous embrassions au lieu de le lécher sur ses doigts. Je n’étais donc pas surprise de découvrir qu’il avait plusieurs usages pour cette méthode, ni d’où lui était venue l’idée. — Ce n’est pas la même chose, Chaton, dit-il en observant ma réaction. — On a des trucs plus importants à régler. Demande-lui ce qui est arrivé à sa fille, Bon Dieu. Ma voix était plus cassante que je ne l’avais voulu, mais je n’étais pas vraiment fâchée après lui. C’était cette situation qui me rendait malade. Tellement de filles disparues ou mortes, et nous ne savions toujours pas combien de personnes étaient impliquées. Avant de venir, nous avions étudié les autres plaintes qui avaient étrangement été retirées. À part Violet Perkins, que son petit copain sous l’emprise de la mescaline avait étranglée, aucune des filles n’avait même encore été portée disparue. Elles étaient probablement mortes, et personne, pas même leurs parents, n’en savait rien. Bones me regarda l’espace d’une seconde avant de reporter ses yeux sur Madeline. — Maintenant, dites-moi, et vous ne pouvez plus rien me cacher, quand avez-vous vu Amanda pour la dernière fois ? N’ayez pas peur. Personne ne vous fera de mal. Elle s’était mise à trembler. Elle pleurait à chaudes larmes et son visage était un véritable masque de souffrance. — Je ne sais pas où est ma petite fille ! Elle est sortie après son anniversaire, en juillet, il y a plusieurs mois, et elle n’est jamais rentrée. Elle n’est jamais rentrée ! Elle parlait de plus en plus fort. Bones posa un doigt sur ses lèvres. — Calmez-vous, Madeline. Je vais vous aider, ne vous en faites pas. Qui vous a fait croire qu’Amanda était à la maison ? Quand est-ce arrivé ? Sur un ton plus posé, elle raconta que le lendemain du jour où sa fille avait disparu, quelqu’un était venu chez elle. Madeline ne pouvait pas nous dire à quoi il ressemblait. Elle avait été hypnotisée trop vite, mais elle savait que c’était un homme, même si cela ne nous renseignait pas beaucoup. Il l’avait persuadée qu’Amanda allait bien, qu’elle venait juste de la voir, et qu’elle pouvait reprendre sa vie de tous les jours et cesser les démarches auprès de la police.
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Par chance pour le vampire, l’ex-mari de Madeline était un raté que ni elle ni sa fille n’avaient revu depuis des années. Les parents de la femme étaient morts et elle n’avait pas d’autre enfant. Si jamais des amis d’Amanda téléphonaient, elle avait été programmée pour répondre que sa fille avait déménagé. Madeline continua donc de payer des frais de scolarité inutiles, ainsi que l’assurance de la voiture d’Amanda, disparue avec elle, sans se douter qu’elle ne reverrait jamais sa fille. — Très bien, Madeline, dit Bones une fois qu’elle eut fini. Je veux que vous regardiez la pendule. Il est cinq heures moins trois. Lorsqu’il sera cinq heures, vous aurez oublié tout ce que vous venez de dire. Et tout ce que je vous ai demandé. Nous ne sommes que deux agents du fisc venus enquêter sur vos revenus. Nous n’avons parlé de rien d’autre, et rien n’a changé à propos de votre fille. — Quoi ? dis-je, bouche bée. — Si elle repart d’ici en disant quoi que ce soit d’autre, qu’est-ce qui va lui arriver, à ton avis ? me demanda-t-il sans détourner les yeux. Ils savent qui elle est. Elle aura de la chance s’ils se contentent de la tuer, mais selon toute probabilité, ils se diront qu’il n’y a pas de raison de gâcher une si belle occasion. C’est à ça que tu veux la condamner ? Personnellement, je pense qu’elle a assez souffert comme ça. — Mais… mais c’est… Je n’avais pas de mots pour décrire l’injustice que je ressentais à l’idée de laisser Madeline en proie à ses illusions forcées. — Pas tant qu’ils sont en vie, Chaton. C’est le seul moyen de la protéger. Je n’avais rien à redire à cela. Bones avait raison. C’était toujours injuste, mais dans cette situation, l’injustice était le moindre mal. Les secondes s’égrenèrent. Bones s’éloigna d’elle, et il avait repris sa place lorsque la pendule sonna cinq heures. Madeline cligna des yeux… puis ses traits reprirent une expression de politesse méfiante, sans qu’il subsiste rien de la douleur qu’ils exprimaient quelques secondes auparavant. — Merci de nous avoir reçus, Mme Phillips, dit-il en se levant. Nous partons. Elle se leva également, sans se douter que des larmes séchaient encore sur son visage. — La prochaine fois, je demanderai à mon comptable de faire un peu plus attention. Bones acquiesça. — Je suis sûr que nous n’aurons pas à revenir si vous le faites. Je sortis sans prononcer un mot. Que pouvais-je dire ? « Bonne journée » ? Bones posa la main sur mon dos lorsque nous quittâmes le bâtiment. Le contact était léger, à peine discernable, mais il m’aida à marcher droit. J’avais envie de pleurer. De tuer quelqu’un. Je voulais oublier que de telles choses pouvaient vraiment exister. — Ils l’ont gardée en vie pendant deux mois, dis-je en montant dans la voiture de location. Bones ne démarra pas. Au lieu de cela, il me regarda. — Tu as déjà fait beaucoup pour aider ces filles, Chaton. Plus que personne ne l’aurait cru possible. Il n’y a rien de honteux à me laisser m’occuper de la suite. Ce n’est pas comme si tu les abandonnais. Le temps d’une seconde de faiblesse égoïste, j’envisageai de me retirer de la partie. Puis je secouai la tête. — Je reste jusqu’au bout. Quel que soit le temps que ça prendra. 2008 © Jeaniene Frost. Tous droits réservés.
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