Archives armée française : rapatriement Afghanistan

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À quelques mois du retrait des troupes françaises d’Afghanistan, les archives militaires font, elles aussi, l’objet d’un rapatriement en France. Une opération préparée avec minutie et discrétion dans un environnement hostile.

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n dix années de présence sur le sol afghan, l’armée française a produit un nombre considérable d’archives : journaux de marche et d’opérations, ordres, comptes-rendus, mais aussi des documents plus traditionnels tels que des dossiers médicaux ou des factures. Depuis le mois d’octobre 2001 et le début de l’opération Enduring Freedom lancée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, des milliers de soldats français se sont succédé en Afghanistan. Quatre-vingt-sept d’entre eux y ont laissé leur vie. Cette opération extérieure (Opex) est désormais abondamment documentée. Elle constitue un retour d’expérience très prisé par les militaires et par les chercheurs qui pourront y accéder sous certaines conditions. C’est au lieutenant Benoît Lagarde qu’échoit le rôle de superviser la collecte des archives des troupes françaises en Afghanistan. Au terme d’un mandat de six mois sur place qui s’est achevé en avril 2012, il revient sur la nature de sa mission et en explique les procédures particulières.

Archimag. Quelles sont les archives produites par l’armée française en Afghanistan ? Lieutenant Benoît Lagarde. Ordres, comptes-rendus, rapports de fin de mission, contrats, marchés, factures, dossiers médicaux, dossiers

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Vue d’ensemble du camp de Warehouse en périphérie de Kaboul. d’étude d’infrastructure, messages, notes de base : le panel des documents produits au sein des forces armées en opération est large ! Au-delà du seul aspect opérationnel qui est particulièrement important et sensible, il faut ajouter le volume d’archives plus administratives qui sont également vitales pour une vue et une compréhension plus globales des activités de la force présente en opération. Parmi l’ensemble de ces documents, le journal des marches et opérations (JMO) est emblématique, car il rassemble la fois états du personnel, chronologies des opérations menées et ordres donnés. L’une des particularités des archives produites par les entités du ministère de la Défense réside dans le régime de protection du secret de la défense nationale. Ainsi, la classification française ou la classification appliquée par les membres de l’Otan imposent un traitement particulier des informations ou supports classifiés. Le document électronique représente bien sûr une grande part de la production documentaire sur le théâtre, mais il y a encore beaucoup de papier qui est imprimé, en particulier dans les services qui traitent les dossiers de finances,

Lieutenant Lagarde

manœuvre archives en Afghanistan

marchés, droit, contentieux. Les JMO électroniques constituent une part capitale de la production documentaire des unités et détachements (plus d’une vingtaine sur le théâtre). Ils sont collectés par un sous-officier qui veille notamment au respect des règles de nommage, de classification et de classement.

Comment ces archives sont-elles collectées sur le terrain ? Dans le cadre de ma mission, je me suis rendu sur chacune des emprises françaises pour y rencontrer chaque détachement (armée de Terre, armée de l’Air, gendarmerie, service de santé des armées) et identifier ce qui y était ou non conservé, en organiser le tri et le rapatriement selon bien des critères parmi ceux qui suivent. Sur le théâtre faut-il emprunter la voie aérienne ou la voie routière plus exposée ? Les volumes d’archives sont-ils importants ou non ? La documentation est-elle classifiée ou non ? Pour le rapatriement, faut-il privilégier le fret par avion ou la valise diplomatique ? Le soutien fourni par le Service historique de la Défense (SHD) en France était des plus appréciables pour fournir


Ces archives seront-elles consultables après leur rapatriement en France ? Le Service historique de la Défense – service à compétence nationale – assure le contrôle scientifique et technique des

Lieutenant Benoît Lagarde, service historique de la Défense, Vincennes. Le lieutenant Lagarde a fait partie de la mission Pamir en Afghanistan (novembre 2001-avril 2012).

Lieutenant Lagarde

Cartons d’archives en emballage opérationnel. archives produites par le ministère de la Défense et les armées, ainsi que leur collecte, leur conservation et leur gestion. En fin de chaîne, leur communication et leur mise en valeur sont aussi assurées par le SHD, au château de Vincennes notamment. Suivant leur support et leur classi¿cation, les archives opérationnelles sont conservées et communiquées selon les conditions imposées par la réglementation.

Lieutenant Lagarde

outils réglementaires et tableaux de gestion, tout en aidant à l’identification et la sélection des documents. Sensibiliser les chefs et l’encadrement, les rédacteurs et les secrétariats à la problématique des archives, et plus largement à la question de la gestion des documents, est une mission tout à fait motivante et exigeante, dans une base opérationnelle avancée au milieu de la vallée de Surobi, là où la priorité est donnée à l’opérationnel… Pour finir, nous avons mis en place un outil de gestion électronique de documents, afin que les détachements utilisent une seule plateforme commune, des modèles communs, pour que l’archivage en soit facilité. Tout ceci nécessite un travail en réseau, impliquant une grande énergie et des compétences diverses. Les collègues de Vincennes, les sous-officiers des services informatiques, le commandement, l’état-major des armées : tout un maillage se met en place dans le cadre de la « manœuvre archives » pas commune pour des soldats…

La restitution à l’administration de la Défense ou leur exploitation au profit de l’institution sont bien sûr garanties. L’institution les exploite afin, par exemple, de qualifier les unités combattantes, de répondre aux requêtes juridiques, de reconstituer des carrières, de travailler sur le retour d’expérience. Quant au public, c’est encore une fois selon les conditions imposées par la réglementation — le code du patrimoine est le même pour tous les services d’archives — que la communication est possible. Après examen, des documents classi¿és peuvent également être déclassi¿és ou communiqués sous dérogation. Le grand public s’intéresse plus particulièrement aux journaux des marches et opérations. Aujourd’hui, au Service historique de la Défense à Vincennes et sur internet (1) sont très consultés les JMO des Première et Seconde Guerres mondiales ; demain seront consultables les JMO de l’opération Pamir en Afghanistan, tout comme ceux de Côte d’Ivoire, du Kosovo ou de l’ex-Yougoslavie. Q Bruno Texier

(1) Æ www.memoiredeshommes.sga.defense. gouv.fr

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