[perspectives]
les Gafa changent les règles du jeu Sarah Nokry est analyste au sein du cabinet Fabernovel. Elle a contribuÊ à la rÊalisation de l’Êtude sur les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon)  Gafanomics : new economy, new rules  (1). Qui sont les Gafa et quel est leur poids dans l’Êconomie mondiale ?
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es Gafa dÊsignent Google, Apple, Facebook et Amazon. Ce sont les fleurons de l’Êconomie numÊrique amÊricaine et ce sont Êgalement des industries qui crÊent ÊnormÊment de richesse : 330 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013, soit autant que le Danemark qui se situe à la 35e place en terme de PIB. Ces quatre entreprises enregistrent une croissance supÊrieure à celle de la Chine. Les Gafa sont donc des entreprises qui, en l’espace de vingt ans, ont crÊÊ autant de richesse que le Cac 40 en 102 ans !
Comment expliquer leur expansion alors que ces entreprises, à l’exception d’Apple, n’existaient pas il y a 20 ans ? Les Gafa sont des entreprises qui changent les règles du jeu et qui nous font nous poser beaucoup de questions. Leur activitÊ de dÊpart est diffÊrente : construction d’ordinateur pour Apple, les rÊseaux sociaux pour Facebook, le commerce Êlectronique pour Amazon‌ Mais elles ont en commun d’être des faiseurs de marchÊs : des market makers. Dès qu’elles lancent XQ SURGXLW RX XQ VHUYLFH HOOHV UHGp¿nissent immÊdiatement les contours de la nouvelle Êconomie. Les Gafa n’agissent pas comme les entreprises traditionnelles. Pour se dÊmarquer, elles ont adoptÊ des règles fondamentalement diffÊrentes. Les entreprises sont habituellement organisÊes autour du produit :
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vendre toujours plus, cycle d’innovation incrÊmentale, calcul de la marge‌ Mais dans l’environnement de marchÊ actuel, ce système n’est plus tenable, car l’offre est saturÊe et les demandes des clients Êvoluent constamment.
 ils se sont libÊrÊs de la pression du coÝt et de O¡REVHVVLRQ ÀQDQFLqUH pour dÊlivrer la meilleure H[SpULHQFH DX SURÀW du client  Les Gafa se sont rendu compte que le premier actif de l’entreprise est le client. Toute leur stratÊgie consiste à investir toujours plus dans la base clients.
Votre Êtude souligne que les Gafa ont de fortes capacitÊs disruptives. En quoi les Gafa sont-ils en train de bouleverser les concepts classiques de l’Êconomie ? L’Êconomie traditionnelle considère le client comme un acheteur. Pour les Gafa, un client, c’est quelqu’un qui accepte de s’engager avec eux : c’est un modèle basÊ sur du relationnel. Ils espèrent capturer de la richesse à partir de ces interactions avec le client. La capture de la richesse n’est plus uniquement pÊcuniaire, mais Êgalement liÊe à la connaissance. Autre grand changement, la notion de crÊation de valeur est modifiÊe. Pour une entreprise traditionnelle, la crÊation de valeur est basÊe sur les comptes de rÊsultats. Les Gafa vont d’abord penser à crÊer de la valeur pour le client avant même de savoir s’ils vont en tirer un profit pour l’entreprise. Cela change tout ! Ils se sont libÊrÊs de la pression du coÝt et de l’obsession financière pour dÊlivrer la meilleure expÊrience au profit du client. La capture de valeur pour l’entreprise vient après.
La gratuitÊ (Google) oÚ les ventes à perte (tablette Kindle Fire d’Amazon) sont-elles une façon d’investir pour ces entreprises ? Tout à fait ! Pour les Gafa, la gratuitÊ n’est pas un coÝt, c’est un investissement qui leur permet de montrer la qualitÊ de leurs services ou de leurs produits. C’est aussi une façon de collecter de nombreuses donnÊes.
MalgrÊ tous les reproches qui leur sont adressÊs (optimisation fiscale, utilisation des donnÊes personnelles, par exemple), les Gafa continuent de jouir d’une bonne LPDJH DXSUqV GX SXEOLF &RPPHQW SHXW on expliquer ce paradoxe ? Les Gafa sont en effet beaucoup pointÊs du doigt, mais ce sont les marques les mieux valorisÊes aujourd’hui, mieux que McDonald ou Coca Cola. Les Gafa sont parvenus à livrer des expÊriences qui sont uniques et sont arrivÊs à changer notre quotidien. Leurs services nous facilitent la vie. Ils ont rÊussi à crÊer de l’Êmotion dans l’utilitÊ. Très tôt, ces quatre entreprises ont fait un usage très intelligent de la donnÊe. Amazon a inventÊ, dès 1997, l’A/B testing qui consiste à proposer des pages web diffÊrentes selon les pays ; la page qui fonctionne le mieux est alors implÊmentÊe sur l’ensemble de la population. C’est une quête perpÊtuelle de l’excellence. Le A/B testing a un impact direct sur les taux de conversion.
/HV *DID DFKqWHQW UpJXOLqUHPHQW GHV VWDUW XSV VXU TXHOV FULWqUHV VH basent-ils pour procÊder à ces acquisitions ? Le rachat de start-up est une façon de miser sur l’innovation. Les Gafa sont devenus de très grosses machines organisÊes pour innover constamment, mais cela ne les empêche pas de garder un œil sur ce qui VH SDVVH j OœH[WpULHXU ,OV RQW VXI¿VDPPHQW d’humilitÊ pour reconnaÎtre qu’ils n’ont pas tout en interne !
Avant d’acquÊrir une start-up, ils se posent des questions : cette start-up at-elle apportÊ la preuve de son usage ? Y a-t-il une croissance du nombre d’utilisateurs et en combien de temps ? S’agit-il d’une innovation fondamentalement disruptive ? Cette innovation a-t-elle du sens dans le parcours digital de leurs propres clients ? Les Gafa ont la volontÊ de multiplier les points de contact sur le parcours client ; une start-up qui s’inscrit dans la synergie du parcours client est susceptible de les intÊresser.
et intra-entrepreneurs. Du coup, leurs modes de dÊcision sont très particuliers. Une anecdote : chez Facebook, Mark Zuckerberg ne voulait pas du tout lancer l’application Messenger‌ jusqu’à ce que le dÊveloppeur lui montre un prototype très abouti. Zuckerberg a changÊ d’avis et a dit : banco ! Ce n’est ni le parcours acadÊmique, ni le niveau hiÊrarchique qui donnent raison, c’est avant tout la capacitÊ à trouver les bonnes idÊes. Cela ressemble à une nouvelle dÊmocratie des idÊes. Chez Amazon, Jeff Bezos a inventÊ la
Leur modèle s’est en effet construit comme cela. Nous avons calculÊ que la part d’attention des Gafa dans un parcours digital s’Êlevait à 55 % : ils nous accompagnent du matin au soir et il est de plus en plus difficile d’en sortir même si cela reste possible. Cela durera donc jusqu’au moment oÚ cette expÊrience ne correspondra plus aux attentes du client.
Pourquoi Microsoft n’est-il pas un Gafa ? Microsoft n’est pas un Gafa, car ce n’est pas un faiseur de marchÊs.
Quels sont les profils de recrutement recherchĂŠs par les Gafa ?
Que sait-on de leur management ? C’est un management très liÊ à la culture du hacking. N’oublions pas que les crÊateurs de ces entreprises ont commencÊ dans leur garage, animÊs par une vision, une flamme et un Êtat d’esprit très pragmatiques. Les Gafa veulent des gens indÊpendants
 si, pendant une rÊunion, deux pizzas ne sont pas VXIÀVDQWHV SRXU QRXUULU tous les participants, c’est qu’il y a trop de participants !  Sarah Nokry
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Les Gafa recrutent les meilleurs ! On trouve des diplômÊs du MIT et de Harvard. Mais notre Êtude souligne Êgalement qu’ils recrutent des gens capables d’Êvoluer dans un univers plein d’incertitude. Ils favorisent plutôt un modèle de l’apprentissage. Ils ne sont pas à la recherche de gens qui savent tout, car, à leurs yeux, les experts risquent d’appliquer encore et encore des modèles complètement sclÊrosÊs. Parmi les critères de recrutement de Google, l’expertise n’arrive qu’en cinquième place derrière le leadership, la capacitÊ à apprendre et la capacitÊ d’humilitÊ. Google X, la cellule d’innovation de Google, a par exemple recrutÊ un homme qui avait passÊ cinq ans à construire un hÊlicoptère dans son garage. Google recrute Êgalement des gens qui ont un parcours diffÊrent pour former des Êquipes Êclectiques : la persÊvÊrance et l’autonomie sont les bienvenues. L’innovation, ce sont des gens qui ne s’arrêtent pas à un plan A et à un plan B ; ce sont des gens qui ont Êgalement des plans C ou D.
règle des deux pizzas : si, pendant une UpXQLRQ OHV GHX[ SL]]DV QH VRQW SDV VXI¿santes pour nourrir tous les participants, c’est qu’il y a trop de participants ! Chez Facebook, Mark Zuckerberg se met à la disposition des salariÊs une fois par semaine pour rÊpondre à leurs questions. Il est important de conserver cette agilitÊ et de rÊduire la distance entre le top management et les salariÊs. Avec 37 000 employÊs, Google ne compte que 14 % de managers. Le micro-management n’intÊresse pas Google qui prÊfère des gens impliquÊs.
Les Gafa  emprisonnent  le client GDQV OHXU pFRV\VWqPH DILQ GH O¡HPSrcher d’aller vers la concurrence. Ce PRGqOH GH FRQILQHPHQW SHXW LO GXUHU "
Voyez comment l’annonce d’Apple d’Êquiper ses prochains iPhone de la norme NFC a rÊglÊ le problème du paiement sans contact pour les cinq à dix annÊes à venir. Microsoft n’a pas cette capacitÊ.
Les Gafa de 2030 sont-ils dÊjà nÊs ? Seul l’avenir le dira ! Notons que la culture Gafa se rÊpand dans les startups, car c’est une organisation intuitive. Peut-être faut-il se tourner vers l’Asie avec un nouvel acteur comme Ali Baba‌ Q Bruno Texier
(1) Æ fr.slideshare.net/faberNovel/gafanomics
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