Mammites bovines
> Dr Marc ENNUYER, DMV et praticien à Mailly Maillet (80560) > Pr Christophe MANTECA, ancien enseignant à l’Université de Bruxelles, DMV, MSc, PhD > Dr Léonard THERON, DMV, Département clinique des animaux de production Faculté Vétérinaire. Université de Liège, Membre de l’Observatoire de la Santé Mammaire (OSaM) Belgique, Membre de la commission SNGTV Lait-France
EDITO Le traitement des mammites bovines est un défi constant pour le vétérinaire praticien. La décision du protocole le plus adapté dans le cadre d’une antibiothérapie soutenable est complexe. Le polymorphisme clinique rend illusoire le diagnostic basé sur les signes cliniques individuels et une propédeutique du troupeau est le seul outil réellement fiable pour une gestion à long terme de ces infections mammaires. De plus, si de nombreux essais décrivant l’intérêt de tel ou tel protocole thérapeutique existent, ils sont encore peu nombreux à comparer ces protocoles entre eux.
Traitement des mammites bovines
Traitement des mammites bovines
Cependant, la technique de l’Evidence Based Medicine permet petit à petit de répondre à des questions pratiques essentielles. Ce document réalise une synthèse des connaissances existantes afin de permettre un choix de thérapie éclairé. Un arbre décisionnel, basé sur cette synthèse, est finalement proposé dans le cadre d’une antibiothérapie probabiliste.
1 - Introduction En France, près de 60 % des lactations en 2013 ont présenté des CCI>300 000, sans compter les 30% de vaches non inscrites au CL et donnant des tanks toujours supérieurs en CCT à ceux des vaches inscrites au CL. Les mammites cliniques montrent une incidence annuelle estimée à environ 30 % dont l'augmentation est discutée(1). La gestion de troubles ayant une fréquence et un impact aussi élevés ne peut se faire au cas par cas qu’en utilisant systématiquement des antibiotiques à large spectre. Souvent, cette couverture large présente néanmoins des limites majeures : elle ne montre pas toujours une totale efficacité contre les germes rencontrés, elle ne couvre pas systématiquement l’ensemble des sites infectés et elle devient socialement peu acceptée. L’évolution des stratégies thérapeutiques est donc nécessaire. Se basant souvent sur un diagnostic présomptif, elle passe par une connaissance renouvelée des étiologies et de leurs parts respectives dans l’épidémiologie et la clinique des troubles rencontrés.
2 - Les modèles épidémiologiques Il est à présent classique de classer les mammites bovines selon des modèles et sous modèles épidémiologiques. Ces modèles sont une aide majeure non seulement à la gestion approfondie et durable des troubles mais sont également un outil de diagnostic présomptif et donc de décision thérapeutique. Dans une exploitation, le tableau peut être mixte et seule la dominance de l’un ou l’autre modèle sera alors mis en évidence. Modèle contagieux
Modèle environnemental
CCST
> 200.000
< 200.000
CCSI
plus de 15% de CCSI > 300.000 et durant plus de 3 mois
Moins de 15% de CCSI > 300.000 et durant moins de 3 mois
Incidence des cas
< 30 % des vaches par an
> 30 % des vaches par an
Type de clinique
Subclinique, rares cas sévères, rechutes fréquentes Clinique sur des vaches à taux leucocytaire élevé
Moyenne à fréquemment sévère, rechutes peu fréquentes Clinique sur des vaches à taux leucocytaire bas
Tableau 1 : Caractéristiques majeures des modèles épidémiologiques des mammites bovines.
CCST : concentrations en cellules somatiques du lait de tank CCSI : concentrations en cellules somatiques individuelles (1)
En effet, on part en France d'un système où peu d'événements étaient notés à un enregistrement qui ne devient progressivement opérant au CL qu'à partir de 2010. (IDELE 2013)
Ces médicaments vétérinaires sont des antibiotiques. Votre prescription est susceptible d’induire des résistances bactériennes. Elle doit être justifiée.
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3 - Caractéristiques majeures des étiologies bactériennes de mammites bovines A - MODELE CONTAGIEUX 1) Staphylococcus aureus et Staphylocoques coagulase négatif (CNS) Les staphylocoques coagulase positive (essentiellement S. aureus) et coagulase négative (une vingtaine d’espèces dont S. xylosus, S. simulans, S. chromogenes, S. haemolyticus) sont des étiologies fréquentes de mammites cliniques et subcliniques. Ce sont des commensaux des régions cutanées et muqueuses pour une part, tandis que d'autres espèces semblent inféodées à l'environnement.La contamination a lieu durant la traite ou durant la préparation de la mamelle. La virulence est variable selon les souches. Généralement, une voire deux souches seulement sont la cause de 80% des troubles dans un troupeau. Les résultats d’antibiogrammes réalisés dans le passé proche peuvent donc être étendus à l’ensemble des animaux du troupeau. Les souches bovines de S. aureus sont très rarement résistantes au vu des dernières données spécifiques de mammites de l'ANSES. L’acquisition de résistance semble plus fréquente chez les souches coagulase négatives. Néanmoins, les souches méticilline résistantes (càd résistance étendue à tous les β-lactames) sont aussi rares dans les deux groupes. Il est d’ailleurs probable que les bovins porteurs de ces souches aient en fait été contaminés par des humains. Avec une sensibilité chez plus de 95% des souches à la plupart des antibiotiques naturellement efficaces (hormis la pénicilline, 65%), les souches bovines ne posent pas de problèmes majeurs de résistance. Lors de l’infection d’un bovin, S. aureus envahit la glande mammaire via le canal du trayon et en suivant les canaux galactophores, gagne le tissu interstitiel 4 jours plus tard. Une partie de la population bactérienne est phagocytée et demeure à l’état dormant dans les phagosomes des PMN. L’activité des antibiotiques à excellente diffusion intracellulaire peut être réduite au sein des phagolysosomes. Cette biophase intracellulaire a donc des répercussions importantes sur la stratégie thérapeutique qui tiendra également compte de la faculté de la bactérie à former des zones de refuges nécrotiques d’accès difficile pour certains antibiotiques. Bien plus que la sensibilité à tel ou tel antibiotique, c’est d’abord l’accessibilité de la bactérie et l’ancienneté des lésions qui seront la cause d’échec thérapeutique clinique ou bactériologique. 2) Streptococcus agalactiae Ce streptocoque, incapable de survivre dans l’environnement, a vu sa prévalence devenir très marginale, les bains des trayons posttraites et les traitements au tarissement de tous les quartiers ayant permis des taux de prévention et de guérison de près de 100 %. Les animaux achetés sont le risque principal d’infection d’un troupeau. La transmission a lieu durant la traite ou durant la préparation de la mamelle. Les résistances aux β-lactames, y compris la pénicilline, sont très rares. 3) Streptococcus uberis et Streptococcus dysgalactiae Ces 2 espèces sont des pathogènes mammaires plus ou moins spécifiques et génèrent des tableaux tant contagieux qu'environnementaux, voire mixtes. Certaines souches de S.uberis sont mises en évidence lors de cinétique d’infections du troupeau comparables à celles décrites dans les modèles contagieux (infection durant la lactation, prédominance d’infection subclinique, chronicité). La contagion aurait lieu, dans ce cas, lors de la traite selon un processus proche de celui de S.aureus. Une souche unique est alors identifiable dans le troupeau et les résultats de l’antibiogramme peuvent être étendus. 4) Mycoplasma bovis Il existe peu d’études suffisamment étendues et permettant d’affirmer une prévalence réelle de M. bovis en France. L’achat d’animaux contaminés est le plus grand facteur de risque connu de ce type de mammite. Ces mammites, parfois sévères cliniquement en début de lactation, se caractérisent par une très mauvaise réponse aux antibiotiques classiquement utilisés, des taux élevés de récidives et de chronicité. L’antibiothérapie ne semble pas l’outil adapté à la gestion des mammites mycoplasmiques et les méthodes non médicales de gestion (ségrégation, réforme, tarissement précoce) devront être préférentiellement mises en œuvre.
B - MODELE ENVIRONNEMENTAL
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1) Streptococcies : Streptococcus uberis, Streptococcus dysgalactiae, Enterococcus spp. Classiquement associée au modèle environnemental, S.uberis est isolée fréquemment et en nombre élevé (>106/gr de litière) dans les élevages présentant des mammites qui lui sont attribuées. Les stabulations longues, des aires de couchages mal nettoyées, le défaut d’hygiène lors de la traite ou lors de traitements intrammamaires sont les facteurs de risques les plus classiquement associés. S. uberis se caractérise par une persistance plus forte dans la mamelle et une plus fréquente chronicité des lésions. Le lait reste néanmoins la biophase majeure. Les résistances acquises sont un peu plus fréquentes que pour les autres streptocoques. S. dysgalactiae est généralement très sensible aux β-lactames, y compris la pénicilline. Les entérocoques (E. faecium, E. faecalis…) peuvent causer des infections mammaires. Elles ne peuvent néanmoins leur être attribuées que lorsque l’analyse bactériologique a permis de les mettre en évidence en culture pure et abondante dans le lait, ce qui est peu fréquent. Ils montrent une résistance naturelle étendue et de fréquentes résistances acquises étendues (β-lactames , Phénicolés, Quinolones).
Ces bactéries sont classiquement associées à une clinique aiguë voire suraigüe avec retentissement important sur l’état général. Dans les autres cas où elles seraient isolées, leur rôle potentiel doit être évalué selon le profil de l'animal et du troupeau surtout si une culture pure et abondante n’a pas été réalisée.
Traitement des mammites bovines
2) Escherichia coli et enterobactéries
La mamelle est infectée de façon ascendante depuis l’environnement immédiat de l’animal, en dehors de la traite. Ce sont des germes exclusivement extracellulaires mais se multipliant abondamment dans les liquides extracellulaires et aboutissant alors environ 1 fois sur 3 à une bactériémie de sévérité clinique variable mais potentiellement mortelle. Cette systématisation de l’infection sera donc prise en compte lors du traitement. D’autres entérobactéries peuvent être mises en évidence lors de mammites dites « colibacillaires » : Klebsiella pneumoniae, Serratia marcescens sont les plus fréquentes. De plus, des mammites attribuées sur une base clinique à E. coli (caractère suraigu avec forte répercussion systémique) peuvent donner lieu à l’isolement de non enterobactiaceae : S. aureus , Streptococcus spp., Pseudomonas aeruginosa, Bacillus cereus. 3) Arcanobacterium pyogenes Cette bactérie environnementale peut être présente dans les litières, sur les aires de couchage et peut être vectorisée par certaines mouches piqueuses. La clinique (mammites aiguës avec présence de pus) est plus fréquente chez les génisses avant vêlage ou chez les vaches taries.
4 - Prévalence des étiologies de mammites bovines en France Les prévalences des étiologies de mammites discutées ici sont en fait les fréquences moyennes des espèces bactériennes d’origine mammaire ayant donné lieu à antibiogramme au Résapath entre 2002 et 2010. Ces fréquences sont restées remarquablement stables durant cette période. Il s’agit donc d’une approximation néanmoins confirmée par des études plus ponctuelles réalisées sur le territoire et permettant de tirer des conclusions importantes quant à la stratégie thérapeutique. Parenchyme et/ou Bactériémie intracellulaire
Type
Fréquence
Modèle épidémiologique
Lait
S. aureus
G+
25 %
Contagieux
+
+++
-
S. agalactiae
G+
1%
Contagieux
+++
-
-
M. bovis et autres
ND
ND
Contagieux
+
+/-
++
CNS
G+
10 %
+++
+
-
S. uberis
G+
40 %
+++
++
-
S. dysgalactiae
G+
5%
Contagieux Environnemental Contagieux Environnemental Contagieux Environnemental
+++
-
-
E. coli et autres
G-
20 %
Environnemental
+
+/-
+++
Tableau 2 : Type et localisations des principales étiologies des mammites bovines selon le modèle épidémiologique dominant.
POINTS CLES 1 - Deux fois sur trois, une mammite a lieu dans le modèle épidémiologique environnemental 2 - 80 % des cas de mammites sont causés par des bactéries Gram + 3 - Plus d’une fois sur deux, la bactérie peut se trouver en zone profonde difficilement accessible par la seule voie intramammaire. Ce risque est systématique dans le modèle contagieux.
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5 - Sensibilité et résistance aux antibiotiques Les profils de sensibilité actuelle des pathogènes les plus fréquents sont donnés dans le tableau 3. Ces données proviennent du rapport annuel RESAPATH 2013. Les céphalosporines de diverses générations ne montrant pas de différences significatives entre elles quant aux germes de mammites ont été regroupées. Les tétracyclines, chélatées dans le lait par les ions calcium et magnésium et par combinaison avec la caséine, ne sont pas montrées. Les voies d’administration (IMM ou injection (SC, IM , IV)) reprises dans le tableau tiennent compte de l’existence de spécialités ainsi que de leur capacité à diffuser au sein de la glande mammaire voire dans le compartiment intracellulaire et ses organites. Pénicilline : Les pénicillines peuvent être considérées comme pleinement efficaces sur la grande majorité des mammites environnementales non suraiguës. Leur statut d’acide faible ne leur permet pas d’être fortement efficaces en injection à dose classique et elles seront plus fréquemment utilisées par voie IMM. Leur faible pénétration intracellulaire comme les résistances présentes chez les Staphylocoques en empêchent l’utilisation lors de mammites contagieuses. Céphalosporines : Toutes générations confondues, les céphalosporines ont entrainé l’apparition de peu de résistances. Vu leur faible capacité de diffusion, elles sont utilisables uniquement en IMM (hormis le Cefquinome). Aminosides : les aminosides ont préservé un excellent profil de sensibilité y compris chez les E. coli d’origine mammaire. Ce sont des bases faibles mais faiblement liposolubles ce qui explique que leur usage soit limité à la thérapie des bactériémies colibacillaires ou à un usage IMM. Spiramycine et Macrolides : Ces bases faibles très liposolubles ont une excellente pénétration y compris intracellulaire. Elles restent donc considérées comme des outils utilisables dans le traitement systémique des mammites subcliniques et cliniques y compris d’origine staphylococcique. Lors de suspicion de mammite colibacillaire, la résistance naturelle d’E. coli à cette famille en prohibe l’usage. Marbofloxacine et autres Fluoroquinolones : L’excellente diffusion y compris intracellulaire de ces molécules ainsi que leur spectre étendu à toutes les étiologies bactériennes potentiellement pathogènes de la mamelle en font des outils de choix lors de mammites cliniquement sévères menaçant la vie de l’animal. Si la Marbofloxacine a gardé un excellent profil de sensibilité, celuici s’est considérablement dégradé pour l’Enrofloxacine et la Danofloxacine. TMP-S : Cette association a conservé, in vitro, une très bonne activité contre l’ensemble des pathogènes mammaires. Néanmoins, si la portion TMP montre une excellente diffusion, les Sulfamides, en tant qu’acide faible, diffusent plus modérément. De plus, la demi-vie plasmatique du TMP est brève ce qui limite l’intérêt de cette association dans le traitement des mammites.
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Pénicilline G
IMM
Pénicilline A Amoxi-Ampi
IMM
Pénicilline M Cloxacilline-Oxacilline
IMM
CNS
S. uberis S. dysgalactiae
E. coli
Traitement des mammites bovines
Voie d’administration S. aureus
Cephalosporines IMM (hormis Cefquinome, (toutes générations >2G) IMM et injection) Streptomycine
IMM Injection
Gentamicine et autres aminosides
IMM Injection
Lincosamines
IMM Injection
Spiramycine Injection (IC*) et autres Macrolides Marbofloxacine
Injection
Autres Fluoroquinolones
Injection (IC*)
Colistine
Injection (IC*)
TMP-S
Injection
Tableau 3. Légendes : % de sensibilité des pathogènes mammaires les plus fréquents : n >95% de sensibilité , n >85% de sensibilité, n > 75% de sensibilité, n <75% de sensibilité. IC* : bonne diffusion intracellulaire. POINTS CLES 1 - La Pénicilline G reste un excellent outil de traitement IMM des mammites environnementales non colibacillaires 2 - Les pénicillines A et M restent des molécules efficaces pour le traitement par voie IMM de toutes les mammites hormis les mammites colibacillaires (Association nécessaire avec l’acide clavulanique). 3 - La Spiramycine, classiquement employée par voie systémique lors de mammite staphylococcique rencontre peu de résistance. 4 - L’Enrofloxacine et la Danofloxacine ont vu la fréquence des résistances augmenter à l’inverse de la Marbofloxacine.
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6 - Traitement local ou systémique des mammites aigües Les études fiables comparant l’intérêt respectif des traitements locaux et systémiques ainsi que l’association des deux voies sont trop peu nombreuses pour trancher définitivement ces questions. Néanmoins, en se basant sur les avis d’experts, les études existantes et la pathogenèse de ces infections, des consensus se dégagent : 1- Mammites subcliniques à S. aureus a) Vu le coût de traitement, le volume de lait soustrait, la quantité d’antibiotique mise en jeu et l’efficacité espérée, un traitement systématique des animaux montrant un CCSI élevé avec un IMM + antibiotique par voie parentérale en lactation n’est pas souvent justifiable. b) Pour les même raisons, un traitement systématique des individus au tarissement avec un IMM de tarissement + Spiramycine se justifie lorsque le taux cellulaire entraine les pénalités maximales. 2- Mammites aiguës sans répercussions systémiques majeures a) Le délai séparant l’apparition de la clinique de la mise en place du traitement doit être le plus bref possible. Ceci est déterminant pour la guérison clinique et bactériologique, particulièrement dans les mammites staphylococciques (dans un modèle expérimental, 70 % de guérison ont été obtenu quand le traitement survient moins de 4 jours après l’inoculation, 40 % lorsque le traitement survient plus de 4 jours après). b) L’augmentation de la durée du traitement est généralement favorable à la guérison clinique et bactériologique. c) L’utilisation d’une pommade IMM à base de pénicilline G, A ou M, seul, est généralement suffisante pour les mammites à S. agalactiae et S. dysgalactiae. d) L’association d’un traitement systémique avec l’IMM est favorable à très favorable dans les mammites staphylococciques et à S uberis. 3- Mammites suraiguës à E. coli avec bactériémie Il existe peu d’études pour ce type d’infection où la mort de l’animal est probable et les souffrances majeures. Il est néanmoins généralement admis que : a) Les traitements de soutien (Fluidothérapie, anti-inflammatoire, Calcium, …) sont considérés comme déterminants. b) Le traitement systémique est à préférer. Il n’y a pas de preuve déterminante de l’intérêt d’associer un IMM à un nécessaire traitement systémique lorsque celui ci inclut E. coli dans son spectre. La marbofloxacine dispose d’une excellente diffusion mammaire et peut couvrir les autres étiologies bactériennes potentiellement présentes dans ce type de clinique. POINTS CLES • Réserver l’utilisation de la spiramycine lors de mammites subcliniques aux exploitations plus sévèrement touchées • L’efficacité d’un traitement de mammite clinique est directement liée à sa précocité et à sa durée • Les mammites stretococciques répondent généralement très bien aux pénicillines • Un traitement IMM + Systémique (Macrolide) est favorable dans les cas de mammites à S. aureus ou S. uberis • Lors de mammites bactériémiques, une antibiothérapie systémique sera toujours associée à un traitement de soutien (Fluidothérapie, anti-inflammatoire)
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Selon le diagnostic établi, le vétérinaire peut choisir de coupler une antibiothérapie par injection à un antibiotique IMM. Dans certains cas, cette association augmente l’efficacité du traitement, diminue le risque de rechute et permet d’utiliser des molécules classiques et donc de préserver les familles d’antibiotiques à risque (FQuinolones, Céphalosporines).
Traitement des mammites bovines
7 - Interférences lors d’antibiothérapie mixte IMM + injection
Il n’existe pas d’études étendues et répétées permettant de valider la synergie ou l’antagonisme par association. Le vétérinaire s’appuiera donc sur les lois de Jawetz pour prévoir l’intérêt de l’association qu’il utilise. Ces lois théoriques doivent être utilisées avec prudence et sont bien approximatives pour certaines familles (Aminosides, Tétracyclines). Elles sont néanmoins le seul outil disponible pour ce type de prévision. Familles d’antibiotiques injectables
β-lactamines
(Pénicillines et Aminosides Macrolides Colistine Tétracycline Céphalosporines)
TMP-S
FQuinolones
Familles d’antibiotiques IMM
β-lactamines
(Pénicillines G, A et M et Céphalosporines) Aminosides Streptomycine, Gentamicine, Neomycine Tétracyclines
Polypeptides Bacitracine Colistine Macrolides Lincomycine Pirlymycine
Tableau 4 : Prévision selon les lois de Jawetz de l’effet d’associations d’antibiotiques injectables et IMM : n indifférence ou addition, n antagonisme probable, n synergie probable.
8 - Traitement de soutien Afin d’augmenter les chances de constater une cure clinique et bactériologique rapide, l’antibiothérapie est souvent insérée dans une stratégie thérapeutique plus complexe. Il existe souvent peu d’études permettant de démontrer définitivement l’intérêt de ces thérapies connexes. a) Fluidothérapie Les vaches atteintes de mammites cliniques, surtout colibacillaires, montrent fréquemment une déshydratation et un déséquilibre électrolytique. Les experts estiment en général que la réhydratation doit alors avoir lieu selon les modalités suivantes : • Pour une déshydratation inférieure à 8 %, utiliser un électrolyte isotonique de remplacement par voie orale • Pour une déshydratation égale ou supérieure à 8 % (enophtalmie nette, muqueuse peu humide, plis de peau persistant 6 à 10 secondes) : 5 ml/kg d’une solution de NaCl à 7,2 % (soit 3 l pour une vache de 700 kg) distribuée à la vitesse de 200 ml/minutes. Faire suivre cette injection par une administration de 25 l de soluté isotonique par voie orale et s’assurer d’un accès libre et aisé à une source d’eau. • En cas de choc endotoxinique, une hypoglycémie persistante peut apparaitre qui pourra être palliée par l’utilisation de glucose hypertonique ou de Dextrose. • L’hypocalcémie lors de choc endotoxinique fait débat. Il est néanmoins admissible que l’utilisation de gluconate de calcium soit de bonne pratique lors de mammites aux alentours du part, lorsque l’animal est en décubitus et lorsque l’éleveur n’a pas lui-même procédé à de large distribution orale dans le passé proche.
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b) Les anti-inflammatoires Aucune donnée n’existe quant à l’impact des anti-inflammatoires sur la guérison clinique, bactériologique et la qualité du retour à la production. Les mammites sont néanmoins des pathologies éminemment inflammatoires et en l’absence de données fiables, un consensus se dégage pour affirmer que leur utilisation systématique est justifiée pour des raisons éthiques, cliniques et économiques. Les Glucocorticoïdes : Cette famille peut induire des effets secondaires bien connus et ne seront dès lors envisagés, sans surdosage, que lors de choc septique mettant évidemment en jeu la vie de l’animal. Néanmoins, à ce jour, au sens strict de l’Evidence Based Medicine, il n'y a aucune preuve contre l'utilisation de corticoïdes à dose anti-inflammatoire classique. Les AINS : Ils sont fortement conseillés dans tous les cas de mammites cliniques. Leur utilisation doit être aussi précoce que possible et ils devraient faire partie de la trousse à outil de base de l’éleveur. c) Ocytocine et traites fréquentes La traite fréquente a pour objet de drainer les bactéries, les toxines et les débris nécrotiques ce qui semble de bonne pratique médicale bien qu’il n’existe pas de preuve démontrant l'intérêt de leur utilisation. L’ocytocine est alors utilisée pour favoriser l’éjection du lait. Dans les mammites streptococciques, la traite fréquente, en l’absence d’antibiothérapie, peut entraîner plus de récidive. Associée à une antibiothérapie efficace, elle semble néanmoins intéressante lors de mammites colibacillaires. Elle doit être mise en œuvre avec grand ménagement lors de mammites sévères avec trayons douloureux.
9 - Proposition de protocoles de traitement des mammites cliniques Les propositions de traitements qui suivent se basent sur la nécessité d’obtenir une efficacité optimale tout en protégeant au maximum les molécules plus récentes (F-Quinolones et Céphalosporines de dernières générations).
Traitement de première ligne : • Premier épisode clinique sur une vache dont le taux cellulaire au contrôle précédent était bas.
Traitement de seconde ligne : • Clinique persistante malgré le traitement de première ligne ou récidive dans les trois semaines. • Clinique sur une vache ayant des taux cellulaires élevés au contrôle précédent.
A- Thérapie en contexte maitrisé Ce cas de figure est celui que le vétérinaire recherche préférentiellement. Dans une ferme suivie, il connait le modèle épidémiologique dominant, l’éleveur connait le passé de l’animal (CCSI, CCST), des analyses bactériologiques et des antibiogrammes orientent largement la stratégie médicale et zootechnique et le suivi du traitement sera correctement appliqué. Dans ce schéma idéal, il est seulement nécessaire de rappeler les règles généralement admises et de les appliquer selon les antibiogrammes connus et la connaissance de l’efficacité des traitements passés. • S. aureus : 1ère ligne : AINS + IMM incluant la bactérie dans son spectre (peu de différence d’efficacité selon les molécules employées, elle dépendra surtout de la précocité du traitement et de sa durée).
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2ème ligne : AINS + IMM (selon Antibiogramme : Pénicilline A, M ou Céphalosporine) + traitement systémique (Spiramycine ou pénéthamate) : l’association des deux voies augmente la probabilité de guérison.
1ère ligne : AINS + IMM incluant la bactérie dans son spectre : Pénicilline A (ampicilline, amoxicilline) ou M (cloxacilline, oxacilline). 2ème ligne : AINS + IMM (selon Antibiogramme : Pénicilline A, M ou Céphalosporine) + traitement systémique (Spiramycine ou pénéthamate) : L’association des deux voies augmente la probabilité de guérison (90 %). • S. uberis 1ère ligne : AINS + IMM incluant la bactérie dans son spectre : Pénicilline G. 2ème ligne : AINS + IMM (selon Antibiogramme : Pénicilline G ou Céphalosporine) + traitement systémique (Pénicilline G, A ou M à haute dose, Amoxicilline, péni-strepto ou Spiramycine ou pénéthamate) : l’association des deux voies augmente la probabilité de guérison.
Traitement des mammites bovines
• CNS
• Autres streptocoques (S. agalactiae, dysgalactiae…) 1ère ligne : AINS + IMM de Pénicilline G. 2ème ligne : AINS + IMM (selon Antibiogramme ). Dans le cas rarissime d'une épidémie à S.agalactiae, la couverture générale du troupeau par voie systémique est une option décrite. • E. coli 1ère ligne : mammite de type colibacillaire avec impact faible sur l’état général et absence de bactériémie, doute sur le diagnostic étiologique : Traitement de soutien AINS + IMM de spectre large (Association Péni-néomycine, Aminoside, colistine) et Pénicilline A systémique. 2ème ligne : échec du traitement précédent, état dégradé de l’animal avec score clinique lourd : bactériémie probable, hypothermie, décubitus, souffrances extrêmes : Traitement de soutien + Marbofloxacine par injection systémique. B- Antibiothérapie probabiliste de première ligne Dans certains cas, le praticien n’a pas accès aux données lui permettant d’établir un diagnostic étiologique proche de la certitude. Le seul examen clinique ne permettra jamais un diagnostic approfondi et quelques données épidémiologiques de base devront l’aider à s’orienter. La proposition de protocole ci-dessous se base sur les données exposées dans les pages précédentes. Ce protocole est un arbre décisionnel simple qui devra être complété, une fois l’urgence traitée, par un examen approfondi de la situation de l’exploitation, des examens bactériologiques et des antibiogrammes.
Mammites cliniques Clinique faible à sévère Pas de répercussion majeure à l’état général Pas d’historique de mammite suraiguë
CCST CCSI Diagnostic probabiliste CCST : concentrations en cellules somatiques du lait de tank CCSI : concentrations en cellules somatiques individuelles
> 200 000
< 200 000
Plus de 15 % de CCSI > 300 000 Moins de 15 % de CCSI > 300 000 et durant plus de 3 mois et durant moins de 3 mois Modèle contagieux S. aureus (25 %) CNS (10 %)
Clinique très sévère Hyperthermie, déshydratation Répercussion majeure sur l’état Décubitus Souffrances majeures, pronostic vital réservé
Modèle environnemental ou mixte Streptococcus uberis (40 %)
Diagnostic probabiliste
Mammites dites “colibacillaires” E. coli S. aureus S. uberis
Prélèvement pour analyse avant traitement Résultats antibiogramme généralement exploitables au niveau du troupeau
Prélèvement pour analyse avant traitement Résultats antibiogramme OK au niveau de l’individu seul et/ou du troupeau
Prélèvement pour analyse avant traitement Résultats antibiogramme OK au niveau de l’individu seul
• AINS • IMM Pénicilline A ou M • Spiramycine parentérale
• AINS • IMM Pénicilline G
• AINS ou AIS si choc • Réhydratation et thérapeutique de soutien • Marbofloxacine
Réévaluer après 48 heures
Réévaluer après 48 heures
Réévaluer après 24 heures
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10 - Conclusions Les mammites cliniques et subcliniques restent des troubles fréquents en médecine bovine. Le polymorphisme clinique rend illusoire un diagnostic basé sur l’examen individuel et le diagnostic, la prévention et le traitement passent obligatoirement par une analyse globale du troupeau. En situation d’urgence, quelques paramètres épidémiologiques simples aident le praticien à préciser le protocole thérapeutique le plus favorable. L’utilisation systématique d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’emploi d’antibiotiques ciblés et le suivi bactériologique systématique permettent d’augmenter la fréquence des cures cliniques et bactériologiques.
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