Traitement des entérites néonatales du veau

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> Pr Raphael GUATTEO, Maitre de conférence, médecine des Animaux d’Elevage, DMV, PhD, Oniris . Diplomate ECBHM (European College of Bovine Health Managment) > Pr Christophe MANTECA, ancien enseignant à l’Université de Bruxelles, DMV, MSc, PhD

EDITO Environ un tiers des veaux recevront un traitement antibiotique durant leur premier mois de vie. Près de 75 % d’entre eux subiront cette antibiothérapie pour des raisons de diarrhées néonatales. Sur le terrain, ces entérites peuvent être considérées comme un problème spécifique d’exploitation au-delà de 5 % de mortalité et de 10 % de morbidité. Outre les pertes individuelles causées par ces diarrhées (mortalités, diminution du gain de poids, troubles digestifs chroniques), l’impact économique au niveau des exploitations fortement touchées est majoré par les soins à donner et le coût des médicaments.

Traitement des entérites néonatales du veau

TRAITEMENT DES ENTÉRITES NÉONATALES DU VEAU

L’importance des pertes économiques rend absolument nécessaire une thérapie raisonnée des diarrhées néonatales permettant d’une part une efficacité maximale et d’autre part une répartition supportable des frais entre les médicaments nécessaires (traitement de support et parfois antibiotique) et les tests para-cliniques parfois essentiels à l’établissement d’un diagnostic et d’un pronostic précis. Les protocoles choisis doivent permettre de diminuer fortement l’utilisation d’antibiotiques critiques dont les fréquences de résistance sont en hausse constante depuis plusieurs années tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire. Ce document a pour objet de : > donner l’ensemble des éléments nécessaires au vétérinaire clinicien pour réaliser des prélèvements de qualité > discuter avec le laboratoire d’analyses et avoir une vision critique des résultats obtenus > utiliser les kits de diagnostic en ferme > établir sa démarche diagnostique ainsi que son protocole de traitement des diarrhées intervenant lors des 3 premières semaines de la vie du veau. Ce schéma, associé aux mesures préventives non abordées ici, a pour but d’abaisser la mortalité des veaux en diarrhée sous la barre des 5 %.

1 - Introduction Le microbiote ou flore intestinale commensale est un organe à part entière, au même titre que le foie ou le cœur, protégé par le tractus gastro-intestinal avec qui il est en communication constante. Même si 90 % des espèces bactériennes qui y sont présentes nous sont en fait inconnues (nous n’en détectons que leur ADN sans savoir les cultiver), nous savons à présent que cette flore est indispensable à la mise en place d’un système neuro-végétatif efficace ainsi que d’un système immunitaire totipotent et stable. Le microbiote détermine dès lors fortement le devenir de l’animal et sa susceptibilité à bon nombre d’infections notamment intestinales. Cette flore commensale, stable et structurée est en compétition permanente avec des flores allochtones potentiellement pathogènes et en maîtrise la multiplication. Il est démontré que toutes perturbations extérieures (stress thermique, antibiothérapie, changement brusque de nutriments…) brisent cet équilibre et participent largement à l’installation des troubles entériques infectieux. Le génial et nécessaire concept de Pasteur et de Koch, « un germe, une maladie » est donc à présent partiellement dépassé et ces données nouvelles doivent être plus largement intégrées dans notre pratique quotidienne. Les antibiotiques doivent permettre de bloquer les infections bactériennes d’origine entérique non maitrisées par le système. Ils sont incapables, seuls, de les éradiquer. Seule une flore commensale structurée y parvient et le principe de tout protocole thérapeutique futur sera de ne pas lui nuire.

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2 - Caractéristiques majeures des étiologies des entérites néonatales Les étiologies potentielles de diarrhées néonatales sont nombreuses. L’alimentation reste une cause majeure de gastroentérites néonatales. La majorité des causes infectieuses n’est pas cherchée en routine et leur pouvoir pathogène réel reste assez méconnu. Ceci explique que la méthodologie proposée dans ce document se base d’abord sur les répercussions physiopathologiques et une approche probabiliste plus que sur un diagnostic étiologique. Celui-ci à un intérêt majeur dans le cadre d’échec de traitement et dans la mise en place d’une prévention médicale et zootechnique.

Type

Agent

Destruction entérocytaire nulle ou faible

E. coli ECET

X

E. coli ECEP

X

Destruction entérocytaire importante et/ou entéro-invasive

Potentiellement septicémique ou toxémique

++ X

+

E. coli ECST Bactéries

+/-

E. coli ECPEx

X

X

X

++

Clostridium perfringens type A

X

X

X

+

X

X

+/-

X

X?

?

Salmonella spp. Campylobacter sp.

X

Rotavirus

X

Coronavirus

Virus

+++ X

+/++

BVDV

X

X

+/-

Norovirus (Caliciviridae)

X

X?

+

X?

++

Nebovirus (Caliciviridae)

Protozoaires

Prévalence

Torovirus

X

X?

+?

Parvovirus

X

X?

+/-?

Cryptosporidium parvum

X

+++

Giardia bovis

X

+?

Tableau 1 : Agents infectieux primaires ou opportunistes majoritairement impliqués lors d’entérite néonatale bovine (ECET :E. coli Entéro-toxinogène ; ECEP : E. coli Entéro-pathogène ; ECST : E. coli producteurs de Shiga toxines ; ECPEx : E. coli pathogènes Extra-intestinaux).

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1) Escherichia coli E. coli reste la bactérie la plus fréquemment mise en évidence lors de diarrhée néonatale. La présence systématique de souche non pathogène dans le contenu intestinal des animaux homéothermes explique l’absolue nécessité de mettre en évidence au moins un facteur de virulence témoignant d’une pathogénicité potentielle des souches isolées lors de diarrhées. Notre connaissance sans cesse en évolution des différents facteurs de virulence d’ E. coli explique la constante modification de la dénomination des différents pathovars.

1 - Facteurs de virulence d’E. coli 1.1 - Sérotypes et sérogroupes Les sérotypes et les sérogroupes ne décrivent pas stricto sensu des facteurs de virulence mais des antigènes de surface fréquemment ou systématiquement associés à des souches virulentes d’E.coli. Détectés par une simple agglutination sur lame, ces sérotypes ou sérogroupes sont donc essentiellement un puissant outil épidémiologique. Quand les seuls antigènes de surface O (LPS) sont détectés on parle de Sérogroupes (O8, O101…). Quand les antigènes flagellaires H (protéines) le sont également on parle de sérotype (O157:H7…). Actuellement, les laboratoires de diagnostic utilisent moins fréquemment ce genre de typage. 1.2 - Attachement à l’épithélium intestinal Avant toute action toxinique, E. coli doit s’attacher aux entérocytes. Cette adhésion permet en effet à la bactérie de résister au péristaltisme, de se multiplier sur place, provoquant la formation de micro colonies De plus, cet attachement circonscrit une zone de la surface cellulaire où les différentes toxines pourront exercer leurs effets. L’adhésion est rendue possible par des protéines de la membrane externe d’E.coli (fimbriae ou intimine). Les facteurs d’adhésion les plus connus et recherchés en néonatalogie bovine sont les fimbriae F5 (ancien K99), F41, F17, P (également appelé pili associé à la pyélonéphrite, PAP), CS31A (ancien F31A). Certains systèmes d’attachement ne se basent pas sur la présence de fimbriae. Il s’agit d’une part des diverses adhésines AFA (essentiellement AFA 8 et parfois AFA 7) et d’autre part d’un système protéique différent basé sur une protéine appelée intimine qui permet non seulement un attachement intime aux entérocytes mais aussi la destruction des microvillosités de la cellule. Cette protéine est codée par un gène appelé eae (attachement-effacement). Les récepteurs entérocytaires reconnus par les différentes protéines d’attachement varient dans le temps (récepteurs à F5 présents uniquement sur les entérocytes durant les premières heures de vie) et dans l’espace (strictement dans l’intestin grêle pour F41 ou grêle et colon pour EAE). Ces différences peuvent avoir un impact important sur le tableau clinique. De plus, certaines souches génétiques de veaux n’expriment par certains récepteurs. Cette différence ajoutée à celles, majeures, induites par la conduite zootechnique de l’élevage, participe à expliquer les différences de morbidité et de mortalité entre exploitations. 1.3 - Toxines et autres facteurs de pathogénicité L’attachement d’E.coli réalisé, la bactérie va produire différentes toxines entraînant des modifications biochimiques au niveau des entérocytes voire des lésions cellulaires et tissulaires. De plus, pour certaines souches, les facteurs d’attachement ont également une capacité à rendre la bactérie envahissante dans le tissu intestinal et même au-delà, conférant à la souche un caractère septicémique. a) Adhésines à fonction d’envahissement : Les fimbriae F17, PAP et le système AFA permettent non seulement l’adhérence aux entérocytes mais également l’envahissement systémique par E. coli. L’intimine EAE, outre sa fonction d’attachement induit une modification du cytosquelette aboutissant à un effacement des microvillosités.

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b) Toxines stricto sensu : LT et STa-b : ces toxines dites Labiles Thermiquement et Stables Thermiquement se fixent sur la bordure en brosse des entérocytes et inhibent la sécrétion Cl- couplée à Na+ déclenchant une fuite liquidienne et d'électrolytes causant la diarrhée. Elles n’induisent pas de lésion cellulaire majeure. Un rôle a été suggéré via l'acide arachidonique, les prostaglandines et les leucotriènes dans le renversement de la balance. Stx1 et Stx2 : confondues avec les Véro-toxines, ces toxines dites Shiga-like toxins (car le prototype toxinique provient de Shigella dysenteriae) se fixent à un récepteur membranaire, sont internalisées dans la cellule où elles induiront un blocage du ribosome et l’apoptose cellulaire. Les récepteurs à ces toxines sont fréquents sur de nombreux types cellulaires (endothéliales, rénales, hématies…). CNF1 et CNF2 : pour Cytotoxic necrotising factor. Ces toxines causent des modifications profondes du cytosquelette de divers types de cellules. Outre les destructions ainsi causées à l’épithélium intestinal, il apparait que ces toxines soient capables de diminuer la capacité phagocytaire des leucocytes mais aussi d’intensifier l’adhérence des leucocytes polynucléaires ainsi que leur capacité à produire des radicaux libres et donc à léser le tissu environnant. Aérobactine : La plupart des souches septicémiques d'Escherichia coli produisent un sidérophore, I'aérobactine, qui leur permet d'acquérir le fer nécessaire à leur multiplication dans I'organisme. Fréquente dans les souches commensales où l’aérobactine donne à ces souches un avantage compétitif, elle est souvent surproduite dans les souches septicémiques ce qui est considéré comme un facteur de virulence supplémentaire. 1.4 Pathovars d’E. coli Selon les facteurs d’attachement et les toxines produites, les souches d’ E. coli vont avoir des pathogénèses et donc des impacts lésionnels et cliniques variables. Ces souches sont donc fréquemment regroupées dans divers pathovars dont la description provient des recherches en médecine humaine. Un système simplifié, intéressant pour les vétérinaires cliniciens peut néanmoins être proposé. a) Souches ECET : pour E. coli Entéro-Toxinogènes. Le pathovar ECET regroupe des souches non invasives n’induisant aucune ou de faibles modifications macroscopiques ou microscopiques cellulaires ou tissulaires. Les toxines LT et ST produites provoquent la diffusion osmotique d’eau vers la lumière de la portion proximale du grêle. En l’absence de soin, la mort est due à la déshydratation et à l’acidose métabolique. Ce pathovar est essentiellement présent chez les veaux âgés de 0 à 8 jours mais peut être parfois retrouvé durant les trois premiers mois de vie de l’animal. L’agglutination sur lame (F5 et F41) et le test sur tigettes (F5) sont des méthodes approximatives mais passables en pratique de détection de ces souches au laboratoire. b) Souches ECEP : pour E. coli Entéro-Pathogènes. Le pathovar ECEP regroupe les souches capables de produire une intimine (EAE) qui conduira d’abord à l’attachement de la bactérie puis ensuite à l’effacement des villosités. Ce faisant ces souches induisent des diarrhées avec déséquilibre de la balance ionique et ne montrent pas de propriétés invasives. Ces souches peuvent jouer un rôle chez le jeune veau mais sont plus fréquemment mises en évidence chez les animaux âgés de 3 à 12 semaines. L’agglutination sur lame ne permet pas de reconnaître ces souches. Seule une PCR mettant le gène codant pour l’intimine en évidence permet d’identifier ces souches. c) Souches ECST : pour E. coli producteur de Shiga toxins. En médecine humaine, ce groupe est souvent inclus dans celui des E. coli Entéro-hémorragiques (EHEC). Le pathovar ECST regroupe les souches capables de produire non seulement une intimine (EAE) attachante et effaçante mais également les toxines Stx 1 et 2 potentiellement efficaces sur de nombreux types cellulaires ce qui explique leurs propriétés invasives ainsi que les répercussions systémiques pouvant accompagner leur présence dans le tissu intestinal. Comme les souches ECEP, ce pathovar est plus fréquemment mis en évidence chez les animaux âgés de plus d’une semaine. L’agglutination sur lame ne permet pas de reconnaître ces souches. Seule une PCR mettant en évidence les gènes codant pour l’intimine et pour les toxines Stx1 et 2 permettent d’identifier ces souches.

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d) Souches ECPEx : Pour E. coli Pathogènes Extra-intestinaux. Le pathovar ECPEx regroupe les souches potentiellement septicémiques capables de produire des facteurs d’attachement à capacité invasive (F17, CS31A, PAP, AFA), des toxines nécrosantes efficaces sur l’épithélium intestinal comme sur différents types de cellules (CNF) et/ou de l’aérobactine. Ces souches peuvent être retrouvées chez les veaux de tout âge mais sont particulièrement fréquentes chez les animaux âgés de moins d’une semaine. L’agglutination sur lame permettant la recherche des fimbriae F17 et CS31A est un moyen simple, rapide mais partiel de mise en évidence des souches ECPEx. Facteurs d’adhésion

Sérogroupes fréquemment associés

Méthode de détection en routine

Toxines potentiellement associées les plus fréquentes

Pathovar associé

F5 (K99)

O8, O9, O20, O107

Agglutination, PCR

LT, ST a-b

ECET

F41

O9, O101

Agglutination, PCR

LT, ST a-b

ECET

F17

O8, O11, O101

Agglutination, PCR

Aérobactine, CNF

ECPEx

CS31A (F31A)

O8, O11, O101

Agglutination

Aérobactine, CNF

ECPEx

EAE

O5, O8, O20, O26, O111, O118, O157

PCR (EaeA)

EAE STX 1-2

ECEP ECST

Fimbriae P (PAP)

O8, O11, O101

PCR (Pap C)

Aérobactine, CNF

ECPEx

AFA

O8, O11, O101

PCR (Afa 8 E)

Aérobactine, CNF

ECPEx

Tableau 2 : Facteurs d’adhésion majeurs d’E. coli chez le bovin, méthode de détection utilisable en routine et toxines fréquemment associées.

2) Clostridium perfringens type A Cette bactérie anaérobie gram positive et productrice de toxine alpha est bien connue pour induire des entérotoxémies chez les bovins de tout âge. Dans certaines conditions, C. perfringens type A est capable d’induire des entérites aiguës congestives avec des tableaux clinique et lésionnel non différenciables de celles causées par des E. coli ECST. Probablement parce que, comme chez le porcelet, la multiplication de C. perfringens type A est plus limitée, et hormis peut être en phase terminale, la toxine alpha semble,dans ce cas, être produite en moindre quantité et n’exerce son activité qu’au niveau de l’épithélium intestinal sans évidence de toxémie systémique associée. Aucune pénétration dans le tissu intestinal pariétal n’est mise en évidence, la bactérie demeurant, sans adhésion, dans la lumière intestinale.

3) Salmonella enterica Cette bactérie et souvent trois de ses sérovars, Typhimurium, Mbandaka et Dublin cause des lésions pariétales majeures tout en montrant des capacités septicémiques avec fréquentes localisations extra-intestinales (pneumonie, polyarthrites, ostéomyélite, méningo-encéphalite, avortements). Les salmonelles sont des résidentes fréquentes du tractus intestinal. La flore intestinale normale protège contre la colonisation et l’antibiothérapie facilite tant le début de l’infection que la persistance de l’excrétion. Différentes protéines vont permettre aux salmonelles virulentes de se fixer sur les entérocytes, perturber leur cytosquelette, s’internaliser dans ces cellules et en gagner la base, résister à la destruction lors de phagocytose par les macrophages voire de se multiplier dans les phagocytes et ainsi d’être transportées dans l’ensemble du système. Outre les facteurs intrinsèques de virulence de S. enterica, il est de plus en plus évident que les LPS de surface de cette bactérie induisent une surproduction de cytokines par l’hôte, surproduction aboutissant à des troubles inflammatoires qui aggravent fortement les lésions initiales.

4) Campylobacter sp. C. jejuni assurément et probablement C. coli, C. faecalis voire C.fetus causent des lésions intestinales pariétales importantes après attachement suivies pour certaines souches d’une phase d’invasion et même d’une phase septicémique pour les souches capables de résister à la phagocytose.

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5) Autres bactéries Chez des animaux immunodéprimés et dans certaines circonstances exceptionnelles, certains individus pourraient montrer des troubles liés à divers pathogènes opportunistes comme Enterobacter sp., Enterococcus sp. ou Klebsiella sp. Toutes cultures pures de ce type d’organismes retrouvés dans des organes viscéraux peuvent avoir une signification clinique chez cet individu et être sans risque sanitaire au niveau du troupeau.

6) Rotavirus L’infection du veau nouveau-né par le Rotavirus conduit donc à la destruction des entérocytes différenciés du sommet des villosités intestinales se limitant généralement à l’intestin grêle et plus particulièrement à la partie duodéno-jéjunale. Les cellules ainsi détruites sont remplacées par des cellules immatures dépourvues de bordure en brosse. Ces cellules sont réfractaires à l’infection, ce qui explique le caractère autolimitant des rotaviroses comme des coronaviroses. Les lésions villositaires sont accrues lors d’infection simultanée par différents virus (Rotavirus et Coronavirus) ou lors d’entrave au renouvellement de l’épithélium villositaire suite à l’infection des glandes (BVDV). La diarrhée induite peut être confondue dans le principe aux diarrhées de malabsorption.

7) Coronavirus L’infection du veau nouveau-né par le Coronavirus conduit à la destruction des entérocytes de l’ensemble des villosités intestinales de l’intestin grêle et du colon. Les destructions cellulaires sont donc plus importantes ce qui se traduit par un tableau clinique plus aigu, éventuellement hémorragique et potentiellement mortel.

8) Autres virus Hormis pour le BVDV, l’importance de la pathogénicité des autres virus reste mal connue quoiqu’elle soit certaine pour les Torovirus, probable pour les Parvovirus, suspectée pour les Calicivirus. Aucun outil diagnostic n’existe en routine pour ces virus.

9) Cryptosporidium parvum et Giardia bovis Ces deux protozoaires ont une période prépatente de respectivement 4 jours et 7 jours. Après contamination orale, ils envahissent les cellules des villosités et des cryptes où ils débutent un cycle de multiplication qui se termine par la sortie de l’entérocyte, sortie qui entraine sa destruction. Une immunité naturelle se met rapidement en place contre C. parvum qui n’entraîne plus de signe clinique chez les veaux âgés de plus de 3 semaines. Cette immunité est plus lacunaire pour Giardia bovis chez certains individus et ce parasite peut rester un pathogène de l’intestin des animaux sub-adultes voire adultes.

10) Diarrhées nutritionnelles Les diarrhées nutritionnelles sont dues soit à l’ingestion d’aliment en quantité excessive ou de qualité insuffisante soit à une perturbation primaire du transit, de l’absorption ou de la digestion (déficiences enzymatiques). Ces diarrhées d’origine alimentaire sont généralement bénignes mais peuvent favoriser l’installation des diarrhées d’origine infectieuse.

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Figure 1 : Association des agents infectieux lors d’entérite néonatales (Essai terrain CEVA, 2008 ; n=71)


3 - Diagnostic étiologique : suspicion clinique et diagnostic paraclinique 1) Suspicion clinique Un diagnostic étiologique basé sur la clinique est très aléatoire vu la fréquente mixité des infections. Néanmoins, la prévalence théorique au cours du temps de chaque étiologie associée à la clinique peuvent avoir une valeur indicatrice. Agent Salmonellose aigüe, septicémie Cryptosporidiose Rotavirus Coronavirus E. coli ETEC et EPEC

Signes cliniques Fièvre élevée, mortalité en 24 à 48 heures, signes de septicémie, éventuellement diarrhée aqueuse, mucus, sang, fibrine. D’autres cliniques peuvent être présentes dans le cheptel (Avortements, mortalités brutales, pneumonies chez les veaux) Faiblesse, léthargie, perte de poids, colique, diarrhées aqueuses à crémeuses et mucoïdes, collantes, éventuellement hémorragiques, fièvre absente ou modérée. Incidence augmentée en cours de saison de vêlage. Pas avant 4 jours, Diarrhée aqueuse, jaunâtre, parfois crémeuse, collante, déshydratation rapide, 4 à 15 jours, mortalité faible Pas avant 4 jours. Diarrhée aqueuse, jaunâtre, parfois mucoïde, parfois hémorragique déshydratation rapide, fièvre Diarrhée aqueuse jaune à verdâtre

E.coli STEC

Diarrhée aqueuse, jaunâtre, parfois mucoïde voire hémorragique déshydratation rapide, 4 à 15 jours, fièvre

BVDV aigu

Diarrhée aigüe avec mortalité élevée

E. coli ECPEx Anorexie, hyperthermie légère à majeure puis hypothermie, (Septicémie colibacillaire) Animal prostré, en choc, fèces anormalement molles ou non Campylobacter sp. Giardia bovis Cryptosporidium parvum

Diarrhée aqueuse à mucoïde avec présence occasionnelle de caillots sanguins, fièvre légère à forte. Pas avant 5 jours. Diarrhée intermittente souvent mucoïde, perte de poids, chronicité chez 30 % des individus Pas avant 4 jours, rare après 15 jours. Diarrhée aqueuse à mucoïde, douleurs abdominales, amaigrissement, récurrence une à deux semaines après le premier épisode

Tableau 3 : Agents infectieux majoritaires et tentative de description de la clinique type.

Figure 2 : Estimation des prévalences des agents infectieux majeurs des entérites du veau en fonction du temps (de 0 à 21 jours) (Fairbrother JM, 2011 et données internes).

De par leur pathogenèse respective, les différents agents d’entérite néonatale sur un trépied syndromique : les syndromes osmotiques, dysentériques et septicémiques.

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De par leur pathogenèse respective, les différents agents d’entérite néonatale sur un trépied syndromique : les syndromes osmotiques, dysentériques et septicémiques.

1 - Syndrome osmotique Ce syndrome est causé par des troubles nutritionnels non infectieux ou des agents infectieux n’induisant pas (E. coli ECET) ou peu (E. coli ECEP) de lésions cellulaires ou les induisant sur des zones limitées (Rotavirus, Clostridium perfringens type A). Dans la majorité des cas, les lésions sont limitées à l’intestin grêle voire même à sa portion proximale. La clinique induite est peu ou non fébrile, les matières fécales peuvent être pâteuses (sans mucus) ou l’animal montre une diarrhée généralement catarrhale (présence éventuelle de grumeaux non fibrineux). Les douleurs abdominales peuvent être évidentes mais l’impact sur l’état général est strictement corrélé à l’état de déshydratation et d’acidose. Par ailleurs, le syndrome osmotique aboutit à une malabsorption au niveau du grêle et donc à une surcharge dans le colon et à l’augmentation massive de la production d’acides gras volatils par la flore. Ajoutée à la déshydratation rapide des animaux les plus jeunes, cette acidose explique le tableau clinique parfois inquiétant d’un syndrome aux lésions tissulaires limitées.

2 - Syndrome dysentérique Ce syndrome est causé par des agents infectieux capables de causer des lésions intestinales pariétales profondes (épithélium, chorion, musculeuse) et éventuellement étendues à de larges zones (intestin grêle et colon) (E. coli ECST, Salmonella enterica, Coronavirus, Cryptosporidium parvum, Giardia bovis). La fièvre est faible à très forte. La diarrhée témoigne de la profondeur et l’étendue des lésions : matières fécales collantes, présence éventuelle de fibrine et/ou de mucus voire de filets ou de caillots de sang. Les animaux sont prostrés et abattus et cet état clinique n’est pas nécessairement lié à une intense déshydratation.

3 - Syndrome septicémique Ce syndrome est causé par des agents infectieux (E. coli ECPEx, Salmonella enterica, BVDV) capables de devenir systémiques. La diarrhée est glaireuse à mucoïde. Chez les jeunes veaux cependant les matières fécales ne sont en général pas abondantes voire absentes. L’animal est très rapidement abattu et cet abattement est suivi d’un état de choc. Un pic d’hyperthermie parfois fugace est suivi, au fil de l’installation de l’état de choc, par de l’hypothermie. La septicémie peut éventuellement s’accompagner de localisations non entériques (polyarthrites, pneumonie, méningo-encéphalite). Pic de fréquence

Syndrome osmotique

Syndrome dysentérique

Syndrome septicémique

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Clinique type

Matières fécales type

0 à 8 jours

Deshydratation sans mucus rapide, abattement et Pâteuses ou nettement chocs liés catarrhale à l’acidose

Fièvre

Rare ou modérée alors que les extrémités peuvent être froides suite à l’acidose

Lésions macroscopiques

Agents majeurs

Lésions intestinales, pariétales Diarrhées Faible à nulle, ggl mesentérique nutritionnelles, faiblement ECET, ECEP, augmenté de volume, contenu intestinal très liquide, pas de lé- C.Rotavirus, perfringens sion systémique, souvent type A limité au grêle

5 à 12 jours

Deshydratation et faiblesse rapide, nécessairement liées à une importante perte hydrique

Lésions pariétales Modérée à très modérées ou majeures, ganPrésence fréquente importante alors glions légèrement ou fortement de mucus, fausse que les extrémités augmentés de volume, congesmembrane, filets peuvent être tion voire hémorragie pariétale, ou caillots de sang froides suite présence de fibrine à l’acidose et/ou de mucus, pas de lésion sytémique

ECST, S. enterica, Coronavirus, protozoires

0 à 4 jours

Evolution rapide, choc Lésions pariétales modérées ou septique (tachy ou bradymajeures, ganglions légèrement ou Importante puis cardie, hyperventilation, Abscence de diarrhée suivie par une fortement augmentés de volume, présence possible de ou présence possible hypothermie congestion voire hémorragie “signes méningés” de mucus, fausse pariétale, présence de fibrine et/ou terminale (port anormal de la tête, membrane, filets de mucus, pétéchies et suffusions des extrémités strabisme ou nystamus, ou caillots de sang signant une fragilité vasculaire glacées gonflement articulaire systémique de lésion systémique, bilatéral lésions de localisation extra-intestinales

ECPEx, S. enterica, BVDV

Tableau 4 : Caractéristiques essentielles des différents syndromes de l’entérite néonatale bovine.


Vu la mixité des infections, il est évident que les signes cliniques du veau en diarrhée peuvent être ambiguës. Le syndrome osmotique pouvant provoquer l’expression pathogène des agents infectieux à action profonde et les lésions pariétales causées par le syndrome dysentérique pouvant faciliter le passage des bactéries potentiellement septicémiques. En ce sens, au-delà des trois premiers jours de vie, les agents septicémiques peuvent être considérés comme des pathogènes opportunistes. POINTS CLES • Selon la pathogenèse des agents infectieux impliqués et la clinique type qui en résulte, on peut classer les entérites néonatales en 3 syndromes : 1. Syndrome osmotique : E. coli (ECET et ECEP), C. perfringens et Rotavirus avec un pic de fréquence lors de la première semaine de vie, où l’expression est due à la déshydratation et à l’acidose avec des lésions tissulaires nulles ou faibles. 2. Syndrome dysentérique : E. coli (ECST), S. enterica, Coronavirus, C. parvum avec un pic de fréquence lors de la deuxième semaine où le tableau clinique peut être objectivé dès le début de l’apparition de matières fécales anormales, avec des lésions intestinales pariétales superficielles et profondes. 3. Syndrome septicémique : E. coli (ECPEx), S. enterica touchant fréquemment les veaux âgés de moins d’une semaine, parfois en l’absence totale de diarrhée. Dans ce cas, les localisations extra-intestinales sont fréquentes. • Ces 3 syndromes peuvent faire le lit l’un de l’autre et donc se succéder ou se superposer dans le temps. • Dans tous les cas, la déshydratation et les déséquilibres électrolytiques qui en résultent aggravent la clinique.

2) Diagnostic étiologique paraclinique 1 - Diagnostic en ferme Différentes firmes commercialisent des tests rapides de détection d’antigènes spécifiques (Bio-X diagnostic, BVT, Fassisi BODia). Ils permettent de mettre en évidence les antigènes typiques des Rotavirus, Coronavirus, E.coli F5 (K99) et Cryptosporidium parvum. Il n’y a pas de différences majeures de sensibilité entre ces tests qui est suffisante pour un usage terrain (+/- 90 %). La spécificité (+/- 98 %) est généralement excellente. Vu leur excellente spécificité intrinsèque, ces tests ont donc une valeur indéniable pour la détection de la circulation des pathogènes dans l’exploitation. Ils peuvent néanmoins surestimer le rôle clinique d’agents pour l’individu analysé (Signal positif dès le seuil de 5.10 4 OPG de C. parvum soit 50 fois en dessous du seuil clinique). Ceci est particulièrement vrai quand le diagnostic du rôle de C. perfringens est basé sur la mise en évidence d’un nombre « anormalement » élevé de corps bactériens plutôt que sur la toxine alpha elle-même. Par ailleurs, les infections colibacillaires ne sont pas fréquemment causées chez le veau de plus de 3 jours par des E. coli porteurs du seul facteur d’attachement F5. Ces tests sont donc des aides réelles au diagnostic mais doivent être utilisé à leur exacte valeur sur un lot d’animaux bien choisis.

2 - Diagnostic de laboratoire Diagnostic de première intention Dès que les premiers cas de diarrhées s’installent dans une ferme, il est important de se constituer une image grossière des étiologies présentes dans l’exploitation. Une première série d’analyses doit donc être réalisée sur base des matières fécales, avant utilisation d’antibiotiques : • Vérifier l’éventuelle hypo-globulinémie sur quelques veaux âgés de 48 heures (dosage des Protéines totales : > 52 g/l

chez le veau sain et > 55 g/l chez le veau déshydraté ou dosage des IgG circulantes : > 10-12 g/l). Lors de de suspicion d’hypo-globulinémie, prévoir de vérifier la qualité de quelques colostrums au réfractomètre ou par analyse au laboratoire. • Culture bactériologique des matières fécales : recherche d’E.coli et de Salmonella enterica • Typage des souches d’E.coli par agglutination sur lame : recherche des facteurs d’adhésion F5, F41, F17, CS31A. • Antibiogramme pour les souches reconnues comme virulentes • ELISA pour la mise en évidence de : Rotavirus, Coronavirus, F5, Cryptosporidium parvum

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Diagnostic de seconde intention Ce diagnostic sera mis en œuvre dans les exploitations quand la première batterie d’analyses n’aura pas permis de mettre en évidence de pathogène majeur et/ou quand les troubles persistent malgré tous les efforts prophylactiques et thérapeutiques. La morbidité reste au-dessus de 10 % et la mortalité au-dessus de 5 %. • Analyses incluses dans le diagnostic de première intention • Enrichissement préalable pour S. enterica : microaérophilie et milieu spécial pour la culture de Campylobacter sp. • PCR multiplex sur les souches d’E.coli cultivées pour pathotypage. • IF ou PCR pour la recherche BVDV, Giardia bovis • ELISA pour la recherche de la toxine alpha de C. perfringens • Bilan Oligo-éléments, évaluation de la prise colostrale Les prélèvements (à vérifier avec le laboratoire d’analyses) Sur veau vivant : Les matières fécales sont le seul prélèvement simple à obtenir (2-5 ml dans un flacon hermétique et stérile). Si seule une analyse bactériologique est demandée, des écouvillons (secs ou milieu de Stuart) peuvent être suffisants. La mise en œuvre d’une hémoculture est particulièrement compliquée en condition terrain. La mise en culture d’urine présentant une bactériurie et provenant d’un cystocentèse correctement réalisée est envisageable. Sur veau mort : Si l’envoi du cadavre entier ne peut être fait, outre du contenu intestinal prélevé au niveau des lésions entériques, on joindra au moins dans un autre récipient: un ganglion mésentérique satellite aux lésions, la rate, un rein. Les prélèvements de ces organes doivent être effectués avant ouverture du tractus gastro-intestinal pour diminuer les contaminations fécales. !!! Le transport doit se faire sous couvert du froid le plus rapidement possible. En ce qui concerne la recherche de toxine alpha de C. perfringens, souvent faussement négative par sa labilité, la recherche doit avoir lieu dans les 3 heures qui suivent la mort. La congélation du contenu intestinal à -20°C neutralise cependant la destruction de la toxine durant plusieurs semaines.

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4 - Sémiologie élémentaire du veau en diarrhée La sémiologie de base des veaux en diarrhée se base sur 9 points à évaluer (tableau 5). Elle est précédée d’un examen de l’habitus externe : absence de cachexie, capacité à se relever sans aide et sans tituber lorsque la région costale est stimulée. L’existence de source extra-intestinale d’infection systémique (plaie péri-articulaire, omphalo-phlébite…) ainsi que de localisations post-septicémiques (signes méningés : port de la tête, nystagmus ou strabisme ; gonflement articulaire bilatéral ; …) doivent également être vérifiés. Outre l’instrumentation classique, cet examen clinique demande un pH mètre et un lecteur de glycémie portables ainsi qu’une seringue à usage unique de 10 ml montée par une aiguille 21G-50 mm pour la cystocentèse. Le test Uriscreen permet la recherche de catalase bactérienne dans l’urine. Il s’agit d’un dispositif prêt à l’emploi dans lequel environ 2 ml d’urine et 4 gouttes d’H2O2 sont déposés. L’absence de mousse tend à indiquer une absence de bactériurie et donc de bactériémie. Les fèces émises seront examinées sur une surface blanche. Leur caractère plus ou moins liquide permettra une première estimation des pertes hydriques. Les selles peu aqueuses pourront être diluées dans un peu d’eau. La présence de mucus au sein des fèces (inflammation haute) ou au contraire en quantité plus importante et comme non mélangés au reste du contenu (inflammation basse) signe des lésions plus étendues de même que la présence de fibrine signe la présence probable de salmonelles. Les traces de sang digéré (abomasite) ou non sous forme de filets ou de petits caillots dénoncent des lésions pariétales profondes. Un animal en choc septique montre une atonie musculaire, une tachycardie, une température centrale inférieure à 38°C avec extrémités glacées, des muqueuses pâles et est souvent anurique. Le diagnostic de bactériémie et a fortiori de choc septique orientera fortement les décisions thérapeutiques. Ces signes sont parfois difficiles à différencier des signes d’acidose et environ 30 % des animaux montrant des signes systémiques sans localisation extra-intestinales évidentes sont bactériémiques. Signe

1. Rythme cardiaque

Norme

90 à 100 bat./min

Interprétation des déviations à la norme

< 90 : bradycardie hypokaliémique > 100 : Tachycardie de choc septique

Succion faible et/ou incoordonnée et/ou absente : Déshydratation, acidose, Choc septique > 2 secondes : déshydratation ≤ 2 sec. 2, 5 à 5 % 3. Pli de peau au niveau du thorax Aucune persistance 3 à 7 sec. 6 à 10 % ≥ 7 sec. : ≥10% Muqueuse rose pâle, la muqueuse gingivale Muqueuses froides, sèches, collantes se recolore en 1 seconde après pression du et/ou cynaosées : Déshydratation, 4. Examen des muqueuses doigt. La bouche est chaude et humide acidose, choc. 2. Succion de l’index

5. Globe oculaire

Succion forte et coordonnée

Absence d’enophtalmie, cornée humide Déshydratation

Avec une température ambiante > 15°C : froide ou glacée : déshydratation, acidose, choc Avec une température ambiante > 15°C : <39,5 - 41°C> : infection intestinale pariétale 39-39,5°C éventuellement systémique 7. Température rectale (Après stimulation anale, prélever environ 5 ml et ou > 41 °C: Probable septicémie de fèces dans un flacon stérile pour analyse) << 38 35°C : Pronostic sombre > 41°C Suspicion de salmonellose pH <6,5 : Acidose ; pH>7 Alcalose Absence de catalase (pas de mousse): absence 8. Prélèvement urinaire pH urinaire : 6,5-7 de bactériémie (VPN : 98%) Présence de catalase (mousse) : Bactériémie (par stimulation ou par cystocentèse) Uriscreen : Absence de catalase urinaire probable (VPP : 75%, faux positif dû à la présence de cellules somatiques) 6. Température cutanée au niveau du boulet

Tableau 5 : Points clés de l’examen clinique du veau en diarrhée.

9. Glycémie

Approximativement aussi chaude qu’au niveau du thorax

5,6-6,7 mmol/l (1-1,2 g/l)

< 0,8 g/l : hypoglycémie à corriger < 0,5 g/l pronostic sombre

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L’estimation du degré de déshydratation (tableau 6) et de l’acidose (tableau 7) sont d’autres éléments essentiels du protocole thérapeutique. Toute déshydratation supérieure à 6 % et/ou présentant un pH urinaire inférieur à 6,5 est justifiable d’une réhydratation parentérale avec correction électrolytique. Signes cliniques

2,5 à 5 %

Persistance du pli de peau

6 à 10 %

> 10 %

≤2 secondes

3 à 10 secondes

≥ 30 secondes

Chaude et humide

Gluante et sèche

Sèche et froide

Réflexe de succion

Normal

Diminué voire désorganisé

Absent

Température aux extrémités

Chaude

Froide

Glacée

Tonus musculaire

Debout

Décubitus

Coma

Température centrale

≥ 38,5°C

38-38,5°C

≤ 38°C

Bouche

Tableau 6 : Estimation du degré de déshydratation

Déficit estimé (mmol/l) Signes cliniques

Veaux < 8 jours

Veaux > 8 jours

Veau debout, sans diarrhée, réflexe de succion présent

0

5

Veau debout avec diarrhée, réflexe de succion diminué

5

10

Veau debout avec diarrhée, enophtalmie prononcée, Absence du réflexe de succion

10

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Tableau 7 : Estimation du déficit en base (mmol/l)

Syndrome

Fièvre

Tonus musculaire

Signe de choc (chez les veaux peu déshydratés)

Bactériurie

Rare ou modérée alors que les Pâteuse et sans extrémités peuvent mucus ou aqueuse être froides suite à l'acidose

Debout ou se remet debout sans tituber malgré une NON certaine perte hydrique

NON

Dysentérique

Collante ou liquide et présence fréquente de mucus, fausse membrane, filets ou caillots de sang

Modérée à très importante alors que les extrémités peuvent être froides suite à l'acidose

Abattement et faiblesse rapide non nécessairement lié Variable à une importante perte hydrique

NON

Septicémique

Absence de diarrhée ou présence possible de mucus, fausse membrane, filets ou caillots de sang

Importante puis suivi par une hypothermie terminale avec extrémités glacées

Décubitus, atonie puis coma non nécessairement lié OUI à une importante perte hydrique

OUI

Osmotique

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MF

Tableau 8 : Diagnostic syndromique de suspicion


5 - Antibiothérapie des troubles intestinaux : Sensibilité et résistance aux antibiotiques Les profils de sensibilité actuelle des pathogènes les plus fréquents sont donnés dans le tableau 9. Ces données proviennent du rapport annuel RESAPATH 2010 hormis pour C. perfringens et Campylobacter sp. Pour ces deux bactéries, les données fiables manquantes, ce sont les spectres théoriques qui sont repris, légèrement modifiés sur bases d’études non françaises. E. coli (n=1961)

S. enterica Typhimurium (n=134)

C. perfringens

Campylobacter sp.

Colistine Ceftiofur Cefquinome Gentamicine Apramycine Marbofloxacine Flumequine TMP-S Enrofloxacine Danofloxacine Florfenicol Neomycine Kanamycine Amoxy Amoxy-Ac. Clav Streptomycine Spectinomycine OTC Macrolides Pénicillines G Tableau 9:Légendes : % de sensibilité des pathogènes entériques les plus fréquents : n >90% de sensibilité , n > 80-89 % de sensibilité, n > 70-79 % de sensibilité, n > 60-69% de sensibilité, n <60% de sensibilité (Résapath 2010 et données extrapolées pour C. perfringens et Campylobacter sp.)

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CONCLUSION • Les entérobactéries pathogènes majeures se montrent généralement résistantes aux pénicillines G et A et aux tétracyclines. Elles restent néanmoins incontournables lors de suspicion de clostridioses. • Les Céphalosporines de troisième et quatrième génération (C3-4G) restent très actives sur les entérobactéries (et sur l’ensemble des pathogènes classiques de l’intestin) avec une différence assez nette pour E. coli où, cependant, le ceftiofur subit moins de résistance que le cefquinome (95 % de sensibilité versus 89 %, Résapath 2010). Ces résistances en augmentation depuis quelques années restent préoccupantes. Par ailleurs, près de 10 % des souches E. coli sont Méthicilline résistantes alors qu’aucune Salmonelle ne l’est. Par ailleurs, malgré ou à cause de la diffusion faible des Céphalosporines dans la lumière intestinale, il est à présent certain que chaque injection de C3-4G peut déterminer l’apparition d’une population résistante d’E. coli commensaux, population qui peut se maintenir au sein de la flore commensale. • E. coli montre des résistantes trop fréquentes aux aminosides, à la streptomycine, la kanamycine, la spectinomycine et la néomycine alors que l’apramycine et la gentamicine restent des molécules habituellement actives sur les entérobactéries. • Hormis la marbofloxacine qui surnage encore péniblement (75 % d’E. coli sensibles), les Fluoro-Quinolones deviennent inutilisables sur E. coli (35 % de souches résistantes pour l’enrofloxacine et la danofloxacine, Résapath 2010) • La colistine reste presque systématiquement active. • Il existe une résistance naturelle des entérobactéries aux Macrolides et aux Lincosamides. Une utilisation de ces molécules en association avec une molécule naturellement active mais utilisée sur des germes devenus résistant est douteuse (ex. association lincomycine-spectinomycine). • Les salmonelles se révèlent plus fréquemment sensibles dans le spectre naturel que les E. coli (S. enterica Mbandaka est sensible à toutes les molécules testées) alors que les échecs thérapeutiques sont plus fréquents sur le terrain. Ceci démontre une fois de plus que le type de molécule utilisée a moins d’impact que les traitements de support adaptés à la pathogenèse

POINTS CLES Détermination des antibiotiques potentiellement efficaces D’un point de vue pharmacodynamique, sans tenir compte de contraintes réglementaires ou pharmacocinétiques, la gentamicine, l’apramycine, les céphalosporines (et particulièrement le ceftiofur), la colistine et éventuellement la Marbofloxacine sont des molécules qui restent utilisables seules en cas d’entérites colibacillaires ou salmonelliques du veau. Les Pénicillines A (Amoxicilline, Amoxicilline + Ac. Clavulanique, Ampicilline) pour les cas aigus, lorsque les bactéries sont en phase active de multiplication, le Florfenicol et le TMP-S pour les cas cliniquement stables et peu fébriles, lorsque les bactéries sont plus quiescentes, pourraient être des molécules d’intérêt dans le cadre d’associations potentiellement synergiques avec les précédents.

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6 - Bio-distribution entérique et systémique des antibiotiques potentiellement efficaces 1) Les compartiments infectés lors d’entérites néonatales Les 3 syndromes entéritiques décrits ont des compartiments infectés différents : • Les agents actifs dans le syndrome osmotique sont limités à la lumière intestinale et à la portion superficielle de la

paroi, l’épithélium villositaire. • Dans le cas du syndrome dysentérique, les bactéries potentiellement pathogènes adhèrent à l’épithélium avant de pénétrer plus profondément dans le tissu pariétal. • Lors d’infections systémiques, les bactéries sont transportées du tissu pariétal infecté dans différents tissus l’ensemble du système. La thérapeutique de ces 3 syndromes ayant des cibles tissulaires différentes, se basera donc sur des voies d’accès différentes. intestinale Agents bactériens Lumière et épithélium majeurs pariétal Syndome osmotique

E. coli (ECET, ECEP), C. perfringens

Syndome dysentérique

E. coli (ECST), S. enterica

Syndome septicémique

E. coli (ECPEx), S. enterica

Tissu intectinal superficiel et profond

Sang, phagocytes, tissus extra-intestinaux

Tableau 10 : Agents et sites des différents syndromes des entérites néonatales du veau

2) Bio-distribution des antibiotiques potentiellement efficaces 1 - Lumière et épithélium intestinal Le plus fréquemment, ce compartiment est infecté par des entérobactéries (aérobies Gram -) ou des clostridies (Anaérobies Gram +). Hormis les Fluoro-Quinolones (molécules critiques) et les Pénicillines A (ampicilline, amoxicilline, amoxicilline -ac. clavulanique), la majorité des antibiotiques efficaces enregistrés pour la voie orale (aminosides dont l’apramycine, la colistine..) diffusent très mal de la lumière intestinale vers le tissu pariétal et le compartiment systémique. Si elle doit être utilisée, la voie orale sera donc limitée à une nécessité d’utilisation locale (Syndrome osmotique). La diffusion, à dose efficace, dans la lumière intestinale est difficile par voie parentérale. Cette diffusion est obtenue par trois voies : biliaire, salivaire et diffusion pariétale. Les aminosides, la colistine et les céphalosporines vétérinaires administrés par voie parentérale ne se retrouvent donc pas dans la lumière intestinale. Les pénicillines A, les F-Quinolones, les macrolides se retrouvent partiellement dans cette lumière sans qu’aucune donnée ne démontre que des concentrations suffisantes soient atteintes. Une attention particulière doit être apportée à Clostridium perfringens. Le rôle de celui-ci est suspecté lorsqu’une antibiothérapie dédiée aux entérobactéries (colistine, aminosides…) a échoué. C. perfringens demeure dans la lumière intestinale. Il est naturellement et fréquemment sensible aux Pénicillines G et A, aux macrolides et au florfenicol.

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2 - Tissu intestinal profond Le plus fréquemment, ce compartiment est infecté par des entérobactéries (aérobies Gram -). La pénétration au sein du tissu intestinal profond, peut être assurée par voie parentérale par les antibiotiques à excellente ou bonne diffusion tissulaire extra- ou intracellulaires (F-Quinolones, C3-4 G, Florfénicol, Pénicillines A), seuls ou associés. Par voie orale, les F-Quinolones et les Pénicillines A pourraient diffuser dans le tissu pariétal. Aucune diffusion ne sera obtenue à dose classique avec les aminosides ou la colistine.

3 - Compartiment systémique : sang, phagocytes et tissus extra-intestinaux Le plus fréquemment, ce compartiment est infecté par des entérobactéries (aérobies Gram -). Une diffusion systémique massive et rapide telle que nécessaire dans le syndrome septicémique n’est obtenue que par voie parentérale. Seuls ou en association, les F-Quinolones, les C3-4G, les Pénicillines A, la colistine, les Phénicolés, la gentamicine sont éligibles. Tissus cibles Voie d’administration

Lumière intestinale et épithélium pariétal

Tissu intestinal superficiel et profond

Sang, tissus extra-intestinaux

Parentérale

Pénicillines A, Macrolides F-Quinolones

Pénicillines A Macrolides Phénicolés F-Quinolones, C3-4 G

Pénicilline A, colistine, Phénicolés, gentamicine, TMP-S, F-Quinolones, C3-4G

Orale

Pénicillines A apramycine colistine FQ,

FQ Pénicillines A

Pénicillines A Macrolides F-Quinolones

Tableau 11 : Site de distribution des antibiotiques relevés comme potentiellement efficaces selon les voies de distribution. Généralement bonne à excellente, partielle à insuffisante

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7 - Interférences lors d’association Selon le diagnostic établi, le vétérinaire peut choisir d’associer deux antibiotiques par voie parentérale ou de coupler une antibiothérapie par injection à un antibiotique par voie orale. Il n’existe pas d’études étendues et répétées permettant de valider la synergie ou l’antagonisme par association. Le vétérinaire s’appuiera donc sur les lois de Jawetz pour prévoir l’intérêt de l’association qu’il utilise. Ces lois théoriques doivent être utilisées avec prudence et sont bien approximatives pour certaines familles (Aminosides). Elles sont néanmoins le seul outil disponible pour ce type de prévision. Seuls les antibiotiques potentiellement efficaces (voir tableau 6, Chap 5) sont repris ici. Familles d’antibiotiques injectables β-lacta- Aminosides Macrolides mines Gentamicine, Spiramycine Colistine Tétracycline Amoxi, Ampi Streptomycine Tylosine Erythromycine C3-4G

TMP-S

FQuinolones Florfénicol

Familles d'antibiotiques Injectables et oraux

β-lactamines Amoxi, Ampi C3-4G Aminosides Streptomycine, Gentamicine, Néomycine, Apramycine Tétracyclines

Polymyxines Colistine Macrolides Spiramycine Tylosine Erythromycine TMP-S

F-Quinolone (Marbofloxacine) Tableau 12 : Prévisions selon les lois de Jawetz de l’effet d’associations d’antibiotiques injectables ou d’association d’antibiotiques par voie parentérale et orale (Blanc : indifférence ou addition, rouge : antagonisme probable, vert : synergie probable). Le tableau ne tient pas compte des variations de diffusion dans les différents compartiments cibles exposés dans le tableau 11.

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8 - Traitement de soutien 1) Fluidothérapie 1 - Correction volumique La déshydratation (essentiellement extracellulaire) est un corolaire fréquent des entérites néonatales. Elle affecte encore plus rapidement les animaux âgés de moins d’une semaine. La correction des pertes a pour but de rétablir une perfusion rénale correcte ainsi que de rétablir un métabolisme aérobie diminuant les risques de déficit énergétique. L’hypovolémie induisant une diminution du volume plasmatique, la perfusion des cellules somatiques devient de plus en plus déficitaire qu’une vasoconstriction réflexe amplifie (extrémités froides). La déshydratation devient fatale à partir d’une perte de 12-15 % du poids du corps. En dessous de 6 % de déshydratation et en l’absence d’acidose (clinique, pH urinaire> 6,5), le veau peut être réhydraté par voie orale. Dans les autres cas, il doit recevoir une réhydratation parentérale. En première intention, une solution de NaCl hypertonique peut également être utilisée. Le volume de soluté isotonique à injecter est calculé à partir du % de déshydratation estimé grâce au tableau 6. Q (en ml pour 6 heures)= % déshydratation x Poids Vif (Kg) + 35 ml x Poids Vifs (Kg

2 - Correction du déficit en base L’acidose est un risque chez tous les animaux en diarrhée. Elle est essentiellement causée par la perte intestinale de bicarbonates, par le défaut d’excrétion rénale des protons et du potassium suite au défaut de perfusion rénale, par la production de D-lactate (et d’autres acides organiques) due aux fermentations microbiennes intestinales et par la production de L-lactate. Ce dernier phénomène est dû aux cellules somatiques qui, insuffisamment oxygénées suite à la déshydratation extracellulaire et donc à la réduction du volume plasmatique, se limite à la phase anaérobie du catabolisme du glucose aboutissant à la formation d’acide pyruvique puis d’acide lactique. Cette phase anaérobique synthétisant 18 fois moins d’énergie que le catabolisme normal, l’animal est abattu, prostré. En acidose sévère, la concentration en ions HCO3- est inférieure à 20 mmol/l et le pH sanguin tombe sous 7,1 (6,5 pour le pH urinaire). La correction de l’acidose sub-clinique par voie orale chez les veaux peu déshydratés (< 6 %) sera réalisée par l’emploi raisonné d’une solution réhydratante à fort SID. La correction de l’acidose cliniquement détectée est réalisée par du bicarbonate de sodium ajouté au soluté de réhydratation. La quantité à ajouter est calculée sur base du déficit de base estimé cliniquement (tableau 7, chap V). Q (mmol/l) = Déficit de base (mmol/l) x Poids vif (Kg) x 0,5 (avec 12 mmol de HCO3- dans 1 g de bicarbonate de sodium)

3 - Correction de l’hypoglycémie L’hypoglycémie (<1 g/l) est la conséquence de l’anorexie, de la diminution de l’absorption intestinale du glucose suite à l’infection des cellules villositaires, des troubles du métabolisme cellulaire suite à l’hypovolémie et à l’hypoxie à un âge ou les réserves sont faibles. L’hypoglycémie est corrigée par des perfusions de glucose hypertonique (30 %) et la poursuite de l’alimentation lactée. Par ailleurs la déperdition énergétique majeure du veau en diarrhée, surtout en condition hivernale, est d’origine calorique. Le veau devrait donc être systématiquement maintenu sur un sol isolé à une température ambiante de 20-25°C (box avec lampe chauffante…).

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L’intérêt du maintien de l’alimentation lactée du veau durant l’épisode de diarrhée n’est plus un sujet de discussion. A la différence d’un réhydratant seul, le lait apporte l’énergie et les nutriments indispensables à l’activité catabolique et maintient la présence et l’activité des lactases. Les études fiables réalisées montrent systématiquement une reprise plus rapide de l’animal lorsque le lait a été maintenu avec un Gain Moyen Quotidien significativement supérieur. Quand le réhydratant utilisé, par la présence de bicarbonate et de citrate dans sa composition, inhibe le caillage du lait dans l’abomasum, l’éleveur devra s’astreindre à isoler la mère de son veau en système allaitant et à différer d’environ deux heures la distribution ou la tétée en système laitier ou en allaitant. Ces contraintes sont contournées par l’utilisation de réhydratants permettant le phénomène de caillage.


2) Les anti-inflammatoires Les phénomènes infectieux entraînent des lésions par les modifications cellulaires que leur attachement et leurs toxines produisent. Néanmoins l’inflammation tissulaire est une part majeure de la pathogenèse. Les phénomènes inflammatoires ne peuvent plus être considérés comme une conséquence mineure qui disparaîtra avec la cause qui l’a générée mais comme un phénomène auto-entretenu, souvent en expansion non contrôlée par le système. Les dernières recherches en immunologie démontrent de plus en plus que les infections causées par les bactéries Gram - s’accompagnent d’une cascade inflammatoire majeure (Leucotriènes, prostaglandines, radicaux libres provenant des leucocytes) qui aggrave fortement les lésions initiales d’origine bactérienne. De plus la diminution des douleurs intenses d’origine inflammatoire permet une récupération clinique (clairement apparente pour l’éleveur) plus rapide de l’animal. A la lumière de ces données, la thérapie des entérites néonatales ne peut plus ignorer l’intérêt des AINS à action analgésique, anti-inflammatoire et anti-toxinique comme le meloxicam (0,5 mg/Kg) ou la flunixine meglumine (1 mg/kg). Il n’existe pas d’études probantes sur l’intérêt de l’utilisation des corticoïdes lors d’entérite néonatale. Néanmoins, leurs propriétés stabilisantes des membranes (choc ou risque de choc) et orexigène (chronicité) sont régulièrement utilisées. Le respect de la dose et la non répétition de l’injection permettent d’éviter toute inhibition majeure du système immunitaire cellulaire.

3) Les protecteurs de la paroi intestinale Les protecteurs de la paroi intestinale (argiles, charbon de bois, smectite…) sont utilisés depuis toujours lors d’entérite néonatale. L’évidence empirique de leur efficacité lors du syndrome osmotique a pris la place de publications indubitables. Néanmoins, l’observation de la capture réelle des agents infectieux voire de leur capacité à cacher les récepteurs des entérocytes à ces agents conforte les constatations du terrain. Leur efficacité lors de syndrome dysentérique et septicémique est peut -être plus discutable. L’effet négatif de ces protecteurs lors d’emploi d’antibiotique par voie orale est mal connu. Il semble néanmoins qu’ils en étalent la diffusion sans généralement diminuer la quantité diffusée totale en fin de processus. Un effet négatif a néanmoins été mis en évidence pour les Fluoro-Quinolones lors d’emploi d’'hydroxyde d'aluminium et d'hydroxyde de magnésium (type Maalox).

4) Lactoferrine- Système Lactoperoxydase (LF-sLP) La lactoferrine et la lactoperoxydase sont des protéines naturelles du lait à propriétés antimicrobiennes non spécifiques par la production d’agents oxydants et la dépolymérisation des LPS de surface des bactéries Gram - . Une formulation est commercialisée (Orolaze) a été testée dans le cadre d’un essai terrain. Elle montre une certaine activité prometteuse de cette association dans le traitement et la prévention des diarrhées colibacillaires sans induire aucun mécanisme de résistance aux antibiotiques.

5) Traitement de la cryptosporidiose Une seule formulation commerciale à base de lactate d’halofuginone est enregistrée dans cette indication. Cette molécule a démontré significativement sa capacité à diminuer le taux d’oocystes excrétés. Néanmoins, la toxicité de la molécule sur des animaux anorexiques, les performances cliniques mitigées en condition de terrain, la difficulté de la distribution quotidienne durant 7 jours sont des freins majeurs à son utilisation. Les mesures hygiéniques classiques et la distribution adéquate d’un colostrum de qualité restent les points pivots de la lutte contre cette maladie.

6) Supplément en IGg Des solutions enrichies en Immunoglobulines, à distribuer par voie orale, sont disponibles. Ces suppléments ne peuvent remplacer la distribution d’un colostrum de qualité provenant des mères éventuellement vaccinées. Néanmoins il apparaît (essais terrain et sur animal modèle) que les veaux recevant une supplémentation de ce type ont montré des signes cliniques de diarrhée moins sévères et un temps de survie significativement supérieur par rapport à des groupes témoin. Ceci n’est bien sûr valable que lorsque ces compléments contiennent les IgG capables d’opsoniser les agents infectieux présents dans l’intestin de l’animal (F5 d’E. coli…).

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9 - Proposition de protocoles de traitement anti-infectieux des entérites néonatales Les propositions de traitement qui suivent se basent d’abord sur la nécessité d’obtenir une efficacité maximale ensuite de protéger au maximum les molécules dites critiques (F-Quinolones et Céphalosporines voire la colistine et les Aminosides surtout par voie orale, utilisées isolément et a fortiori en association) lorsque leur emploi ne s’avère pas nécessaire. Ces propositions découlent des différents faits exposés plus haut et considèrent différemment le type de syndrome (osmotique, dysentérique et septicémique) ainsi que l’âge des animaux. On peut considérer que les animaux de moins de 7 jours sont plus fragiles pour l’ensemble des facteurs de risques (maturité immunitaire, sensibilité à la déshydratation, homéothermie difficile, absence de réserve énergétique, présence plus abondante de certains récepteurs d’attachement…). Par ailleurs, quand, sur la base des éléments de la littérature, de nos connaissances en pathogenèse ainsi que de résultats d’essais terrain, elle ne semble apporter aucun bénéfice supplémentaire, l’antibiothérapie orale a été supprimée des protocoles. Si dans beaucoup d’indications, les bénéfices de l’antibiothérapie orale ne sont plus évidents, demeurent ses indubitables effets négatifs : apparition de résistance plus fréquentes chez les bactéries pathogènes et les bactéries résidentes, sous dosage fréquent, destruction du microbiome régulateur, accroissement de la durée de l’excrétion de certains pathogènes (salmonelles)…

10 - Justification des protocoles thérapeutiques des entérites néonatales du veau Dans tous les cas, il apparaît que la phase la plus urgente d’un protocole thérapeutique est le rétablissement de l’hydratation, du déséquilibre en base et de la glycémie (par voie orale en dessous de 6% de déshydratation et parentérale au-delà). L’éleveur devrait donc être formé à appeler le vétérinaire lorsque le pli de peau se maintient au moins 3 secondes, que les extrémités refroidissent ou que la température descend sous 38,5°C). Dans tous les cas, il semble d’un grand intérêt de diminuer les processus inflammatoires et de placer le veau dans des conditions où l’homéothermie sera facilitée.

1) Vérification de la bactériurie : Absente (absence de bactériémie) 1) Bon état général En absence de bactériémie, lorsque l’appétit est conservé, l’état clinique est bon (vigilance, tonus, température centrale non ou faiblement augmentée), l’animal ne nécessite pas d’antibiothérapie. Chez les animaux de moins de 7 jours cependant, une antibiothérapie de couverture peut être mise en place. Le TMP-S, non critique, est une association de choix même si la fréquence des résistances à E. coli est en augmentation pour ces molécules. Une protection locale est assurée par l’utilisation de pansements intestinaux et/ou de LF-sLP. 2) Etat de l’animal dégradé ou échec du traitement précédent Il peut alors être important de différencier un syndrome osmotique (infection du seul épithélium intestinal, sans infection profonde du tissu ; la détérioration de l’état est rapide et liée aux seuls effets de la déshydratation) et un syndrome dysentérique (infection de l’épithélium et des tissus intestinaux profonds, détérioration de l’état non nécessairement lié à une forte déshydratation). Dans le cas de syndrome osmotique, l’action strictement locale est seule importante et toutes les molécules actives non critiques enregistrées par voie orale sont justifiables :colistine, amoxicilline + colistine, amoxicilline + ac. clavulanique, apramycine. Une couverture systémique permettant d’enrayer tout phénomène ultérieur de bactériémie peut être mise en place (colistine, gentamicine)

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Dans le cas d’un syndrome dysentérique, on souhaite une pénétration tissulaire profonde du traitement distribué par voie orale et que seule permet l’amoxicilline associée ou non à l’ac. clavulanique. Par ailleurs, les risques de septicémie étant plus importants dans ce syndrome que dans le précédent, la couverture systémique par voie parentérale devrait être plus lourde : Association de gentamicine et de colistine ou marbofloxacine si l’antibiogramme est défavorable aux deux molécules précédentes. La portion d’amoxicilline utilisée par voie orale et diffusant dans le compartiment systémique depuis l’intestin est potentiellement synergique avec les 3 molécules citées pour la voie parentérale.

2) Vérification de la bactériurie : Présente (Présence probable de bactériémie) 1) Bon état général Lorsque l’état clinique est correct (vigilance, tonus, température centrale faiblement augmentée), il peut s’agir d’un résultat faussement positif du test de bactériurie ou d’une bactériémie encore sub-clinique. Une couverture antibiotique à base d’antibiotiques non critiques (colistine, gentamicine, isolée ou associée) est justifiable en première intention, éventuellement couplée à une couverture locale à diffusion systémique potentiellement synergique avec les précédents. (amoxicilline associée ou non à l’ac. clavulanique). 2) Etat dégradé, échec préalable, Salmonellose ou résistance démontrée A ce stade de choc septique ou de risque important de choc septique, le veau court un risque majeur de mortalité. L’échec thérapeutique sera rapidement fatal. Ceci rend justifiable l’utilisation de molécules critiques rencontrant les taux les plus faibles de résistance. L’association Colistine + gentamicine ou le ceftiofur sont les solutions les plus actives contre E. coli. L’association Colistine+ gentamicine ne peut pénétrer le phagosome des leucocytes infectés et aucune de ces 3 molécules ne peut gagner significativement la lumière intestinale. Pour ces raisons, il est également justifiable d’utiliser conjointement la marbofloxacine par voie orale dont la partie diffusant dans le compartiment systémique est potentiellement synergique avec les molécules utilisées par voie parentérale. Ces associations permettront de plus une couverture optimale de localisations extra-intestinales post-septicémiques. Remarques : Durée des traitements Il n’existe pas de données fiables intégrant, pour les diarrhées néonatales du bovin, l’efficacité clinique et le risque d’apparition d’antibio-résistance. Il semble raisonnable de proposer que les traitements parentéraux soient maintenus jusqu’à guérison clinique et que les traitements oraux soient généralement limités à 3 jours. L’absence de sous dosage, souvent dû à une sous-estimation du poids vif diminue les risques d’antibio-résistance.

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11 - Exemple de protocoles thérapeutiques anti-infectieux Syndrome osmotique

Traitement systématisé

Syndrome Dysentérique

Syndrome septicémique

1. Fluidothérapie orale ou parentérale, correction de la déshydratation, du déséquilibre en base, de l’hypoglycémie 2. AINS : meloxicam ou flunixine (+ AIS si choc ou risque de choc, non répété) 3. Nursing : température ambiante de 20-25°C et sol isolé, maintien de l’alimentation lactée

Pic de fréquence

0 à 8 jours

5 à 12 jours

0 à 4 jours

Signes cliniques majeurs

Déshydratation rapide, abattement et choc liés à l'acidose

Abattement et faiblesse rapide non nécessairement liés à une importante perte hydrique

Evolution rapide, diarrhée éventuellement absente, choc septique (tachy ou bradycardie, hyperventilation, localisations extra-intestinales)

Bactériurie

Absence

Absence

Présence

Agents bactériens

E. coli (ECET et ECEP) C. perfringens

E. coli (ECST) Salmonella enterica

E. coli (ECPEx) Salmonella enterica

Sites infectieux

Lumière intestinale et épithélium pariétal

Tissu intestinal pariétal superficiel et profond

Sang, phagocytes, organes extra-intestinaux Tissu intestinal pariétal

Veaux de moins de 7 jours

Veaux de plus de 7 jours

Veaux de moins de 7 jours

Veaux de plus de 7 jours

Veaux de moins de 7 jours

Première intention Voie Orale

Protecteur intestinal Et/ou LF-sLP et/ou complément IgGl

Protecteur intestinal Et/ou LF-sLP et/ou complément IgG

amoxicilline-colistine ou amoxicilline-ac. clavulanique et complément IgG (si dans les douze heures après la naissance)

Première intention Voie Parentérale

TMP-S

TMP-S

colistine et/ou gentamicine

-

-

Deuxième intention Voie orale

amoxicilline-colistine ou amoxicilline-ac. clavulanique amoxicilline-colistine ou amoxicilline-ac. clavulanique marbofloxacine ou apramycine

Deuxième intention Voie parentérale

gentamicine ou colistine

colistine et/ou gentamicine ou marbofloxacine

colistine + gentamicine ou ceftiofur

• Suspicion de présence de C. perfringens et échec des traitements précédents : associer un macrolide (Spiramycine, Tylosine, Erythromycine) à la thérapie • Cryptosporidum parvum : Lactate d’halofuginone.

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Veaux de plus de 7 jours


13 - Conclusions Les entérites restent les troubles les plus fréquents de la période néonatale. Leur traitement s’assied essentiellement sur la correction de la déshydratation et des déséquilibres électrolytiques, le nursing ainsi que sur une antibiothérapie maitrisée. Cette démarche se base sur une sémiologie assez simple techniquement et valorisante intellectuellement et comprenant la mise en évidence, en ferme, d’une acidose et d’une bactériémie par examen urinaire ainsi que sur une connaissance de l’épidémiologie de l’exploitation nécessitant des examens para-cliniques. Les vétérinaires précurseurs qui utilisent déjà ce type de démarche ont diminué drastiquement les risques d’apparition d’antibiorésistance en minimisant l’utilisation de la voie orale et en diminuant l’utilisation d’antibiotiques critiques sans pourtant constater d’impact négatif sur le taux de réussite en première intention ou le taux de mortalité.

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