Bruxelles_Laique_Echos_2005_02

Page 1

R e p o r t e r s

sans frontières

Vous pouvez agir pour soutenir le combat mené par Reporters sans frontières. Comme chaque année, un album de photos, dont les bénéfices permettent à RSF de financer ses programmes d'aide et de sensibilisation, est mis en vente au prix de 8 euros seulement. Cette année, ce sont les magnifiques clichés de Jeanloup Sieff, un photographe polonais décédé en 2000, qui servent la bonne cause. Il est disponible depuis le 10 mai chez les marchands de journaux. Plus d'informations sur la campagne et les points de vente sur www.rsf.org


Sommaire EDITO

p. 3

De l’expression et du statut de la société civile dans l’ordre international

p. 5

Paroles libres d’un juste-pensant

p. 8

Du pluralisme des médias

p. 13

Reporters sans frontières

p. 15

A CONTRE-COURANT Soeur Caroline

p.16

DOSSIER PEDAGOGIQUE L’exercice de la liberté d’expression et d’opinion à l’école

p.20

A LIRE La censure des bien-pensants

p.24

PORTAIL Pour une cyberliberté d’expression

p.26

DANS NOS ARCHIVES De la démocratie et du citoyen

p.29

EN MOUVEMENT Radio Campus. Un laboratoire de la liberté d’expression

p.30

CARNET DE BORD Bruxelles Laïque, espace d’exposition et d’expression

p.33

ECHOS LAÏQUES DE VOS ACTIVITES BRUXELLOISES

p.34

Bruxelles Laïque est reconnue comme association d’éducation permanente et bénéficie du soutien du Ministère de la Communauté française, Direction Générale de la Culture et de la Communication, Service de l’Education permanente. Bruxelles Laïque asbl Avenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 Bruxelles Tél.: 02/289 69 00 Fax: 02/502 98 73 E-mail: bruxelles.laique@laicite.be www.brux.laicite.be

Les illustrations de cette édition sont extraites de l’exposition “Passeurs de frontières”

Edito rial

Pour une société de parole libre

Les pressions multiples de la société, de l'idéologie et du pouvoir politique ont toujours rendu précaire et aléatoire l'exercice individuel de la liberté d'opinion et d'expression dans l'espace public. Dernièrement l'affaire Naïma Amzil, au nord du pays, qui a ému toute la Belgique démocratique et multiculturelle, en est une illustration irréfutable. On se souvient, en France, des remous de l'affaire Dieudonné et il y a un an, de la mort tragique de Théo Van Gogh, cinéaste hollandais poignardé en pleine rue par un jeune fanatique islamiste. Au quotidien, nombreuses sont les personnes dans notre société qui ne se sentent pas libres de leurs opinions et de leurs choix de vie. Bridés par la famille, la communauté ou l'entourage professionnel, beaucoup partagent le sentiment qu'ils ne peuvent pas dire publiquement ce qu'ils pensent et montrer ce qu'ils sont, surtout lorsqu'il s'agit de questions épineuses d'actualité politique, de choix sexuels, de religions ou de croyances. Ce qu'on affirme volontiers, ce sont les opinions communément répandues, celles qu'en règle générale véhicule la presse populaire et que tout le monde est censé partager. Nous vivons dans une sorte de culture publique de la suspicion qui inhibe complètement le dialogue social, l'expression publique et individuelle des opinions. Les raisons invoquées aussi diverses soient-elles, conduisent certains, prudemment à s'autocensurer publiquement. On s'impose le silence pour éviter le risque de se voir coller une étiquette ou d'être remis en cause dans sa légitimité. Alors la parole libre ne circule plus, elle louvoie pour se frayer un passage parmi les méandres des représentations collectives, des peurs et des tabous sociaux. D'autres, à défaut de pouvoir dire ostensiblement ce qu'ils pensent, l'expriment dans l'intimité de leur urne électorale. Et on sait à qui ces confidences profitent. D'un autre côté les prises d'otages de journalistes, les scandales d'écoutes téléphoniques de leaders d'opinions montrent que le pouvoir n'a jamais renoncé à la tentation de contrôler les opinions et les moyens d'information pour affaiblir, ici comme ailleurs, la contestation des citoyens et leur capacité à s'inscrire dans une action revendicatrice. Relayés par des groupes d'opinion et des medias, la pensée unique et le politiquement correct qui tendent partout à supplanter les règles du jeu démocratique, ont de beaux jours devant eux. Cela montre bien que les enjeux actuels de la démocratie se déclinent principalement autour de la question de l'exercice public et individuel de la liberté d'expression et d'opinions. A l'heure où 2005 est proclamée Année européenne de la citoyenneté, la défense d'une société de parole libre est un enjeu capital du combat démocratique, car il n'y a pas de citoyenneté sans parole libre.

Ariane HASSID, Présidente

3


De l'expression et du statut de la société civile dans l'ordre international De nouveaux acteurs sur la scène internationale De partout dans le monde, des voix s'élèvent et se font entendre qui protestent contre l'idéologie véhiculée par la mondialisation économique et financière et tentent de promouvoir les formes de solidarité concrètes, qui rompent avec la morale du “laissez faire”, sans se confondre pour autant avec les interventions publiques des Etats et des organisations internationales. Ces nouveaux mouvements sociaux, disparates et hétéroclites, issus d'un cadre identitaire commun appelé “société civile”, viennent occuper, sur le devant de la scène politique, un espace laissé quelque peu vacant par le recul des Etats et le rôle ambigu joué en coulisses par les organisations économiques et financières. Ces dernières décennies, les mouvements et les associations qui ont cherché à mobiliser l'opinion publique sur des thèmes concrets et des enjeux précis ou à susciter le développement de nouvelles formes de solidarité, se sont multipliés. Les organisations non gouvernementales internationales ont dans le même temps considérablement accru leur nombre,

leurs capacités d'action, le crédit dont elles jouissent dans l'opinion et par conséquent, l'influence qu'elles exercent sur les Etats et dans les organisations internationales. Ces organisations se distinguent par leur diversité et par la nature non marchande de leurs activités, tentant de promouvoir d'autres valeurs que celles cotées sur les marchés, comme la paix, l'environnement ou les droits de l'homme. Malgré la nature ou la portée politique de leurs actions et revendications, elles pratiquent “l'autolimitation”, en s'interdisant toute stratégie de conquêtes du pouvoir ou d'infiltration de l'appareil politique. Ce tissu d'associations, qui constitue la partie visible et dynamique de la société civile contemporaine, occupe donc une zone intermédiaire entre le public et le privé, une sorte de “tiers secteur”, qui se distingue à la fois du marché et de l'Etat, mais exerce, de l'extérieur, des pressions tant sur l'un que sur l'autre.

Opinion publique et démocratie

Wangari MAATHAI 1940 Wangari Maathai prend conscience très tôt de l'importance de la protection de la forêt non seulement pour préserver l'environnement, mais aussi la paix dans son pays. Elle a en effet constaté qu'une des conséquences de la déforestation est l'affrontement des ethnies pour accaparer la terre encore cultivable. En créant le Mouvement de la Ceinture verte en 1977, Wangari Maathai avait conscience qu'elle se heurterait à des lobbies d'intérêts particuliers qui n'hésiteraient pas à faire raser des milliers d'hectares de forêts pour construire de luxueux complexes touristiques. Après 30 ans de lutte incessante pour le reboisement du Kenya et la sensibilisation de son peuple au développement durable, Wangari peut afficher avec fierté son bilan : 20 millions d'arbres plantés par des femmes qui ont assuré un revenu à 80.000 personnes !

Dans nos sociétés modernes, la démocratie est représentative ; les prérogatives politiques des citoyens se résument pour l'essentiel au droit de vote, exercé lors des élections qui désignent, à intervalles réguliers, ceux qui exerceront effectivement le pouvoir. Cette vision réduit la citoyenneté à peu de choses et méconnaît la part active prise par l'opinion publique, et donc par les citoyens, à la conquête et à l'évolution des institutions démocratiques. Depuis la révolution française jusqu'à nos jours, c'est le plus souvent au sein de la société, et donc à l'extérieur des institutions d'Etat, que naissent les combats politiques, hier pour le suffrage universel et l'amélioration de la condition ouvrière, aujourd'hui pour l'égalité des sexes, le

statut des étrangers ou la défense de l'environnement. La vie politique moderne ne se limite pas aux institutions représentatives. Elle suppose, tant en droit qu'en fait, un dialogue permanent, tantôt ouvert, tantôt musclé et tendu, entre l'opinion publique et l'appareil d'Etat. L'opinion dispose d'un pouvoir permanent de critique, mais aussi d'influence et de contrôle des gouvernants. Les acteurs de la société civile qui animent le débat public accomplissent de ce point de vue une mission importante, dans la mesure où ils contribuent à informer et à mobiliser l'opinion, à structurer les prises de position, et à donc finalement rendre audible, notamment à l'intention des gouvernants, la revendication des citoyens.

5


Les droits constitutionnels de la société civile Le fonctionnement effectif de la démocratie moderne repose donc nécessairement, selon la formule de Habermas, sur le “jeu combiné” des institutions politiques et de la société civile. Les règles de ce jeu, qui déterminent les conditions légitimes d'exercice du pouvoir, sont établies par les constitutions démocratiques qui créent ainsi les conditions d'un contrôle permanent de l'action des pouvoirs constitués. Les modalités de ce contrôle s'organisent sur base de trois grands principes, garants de la démocratie : Le principe de publicité, en vertu duquel les actes du pouvoir ne sont valables et obligatoires qu'à la condition d'avoir préalablement été rendus publics. C'est la condition préalable et essentielle d'un contrôle effectif des pouvoirs constitués. Pour surveiller le pouvoir, encore faut-il savoir ce qu'il fait et ce qu'il décide. Le second principe, qu'Habermas appelle la sanctuarisation de l'espace public, rassemble un faisceau de droits politiques (libertés d'opinion, de conscience, d'expression, d'enseignement, de réunion, et d'association) assurant aux citoyens la possibilité de prendre part au débat public pour défendre ses idées et ses conceptions, de s'organiser et de canaliser les forces vives de la société civile, de manifester et de protester pacifiquement.

La liberté de la presse et, plus largement, les règles qui garantissent le pluralisme dans les médias constituent le troisième grand principe. Les médias remplissent une fonction indispensable dans les démocraties modernes dans la mesure où ils pallient l'absence d'agora, c'est-à-dire de lieu spécifique à la communication politique. Ils contribuent à la formation d'un espace public virtuel, où s'informe le grand public, et qui reflète ses centres d'intérêt et les courants d'opinion qui le traversent. Cependant, ces techniques indispensables constituent des ressources rares, onéreuses et fragiles, particulièrement exposées aux forces de l'Etat et du marché, qui cherchent à se les accaparer, pour les museler ou les instrumentaliser à des fins de propagande ou de publicité commerciales. C'est pourquoi ils doivent faire l'objet d'une protection spéciale et de garanties particulières. Si à travers ces principes, la Constitution offre à la société civile, du moins sur papier, des garanties pour disposer des moyens de s'informer, de débattre des actes et des décisions de l'autorité et lui confère ainsi une fonction importante de contrôle et d'influence sur les politiques publiques et ceux qui les mettent en œuvre, elle ne lui accorde par contre aucun pouvoir propre de décision ou d'exécution.

Vers un nouvel ordre cosmopolite La société civile internationale, qui s'exprime à travers les ONG, les nouveaux mouvements sociaux et, plus récemment, les réunions et les manifestations de masse, recoure aux médias, notamment la télévision et Internet, pour informer et tenter de mobiliser, par-delà les frontières, l'opinion publique au service des causes qu'elle défend. Elle participe ainsi à la constitution d'un espace public global, qui est la condition et peut-être le prélude à une citoyenneté internationale. Cet espace politique permet de faire pression sur les Etats et les organisations internationales, mais aussi sur les marchés, soit directement, par des campagnes de protestation ou de boycott, soit indirectement en réclamant l'établissement de règles internationales contraignantes.

6

Confrontées à l'influence croissante des ONG, les organisations internationales ainsi que leurs Etats membres les invitent de plus en plus fréquemment à participer à leurs travaux, à occuper des postes d'observateurs, voire les associent aux processus de délibération et de décision, tentant par ce biais de combler leur déficit de légitimité. Cette conception participative de la société civile permet aux ONG de prendre une part active à l'avancement des causes qu'elles défendent. Cependant elles ne doivent pas oublier le principe d'autolimitation qui les met en garde contre toute collusion avec les autorités publiques. Le saut de l'action sociale à la décision politique brouille la distinction entre l'instance de pouvoir et l'instance de critique, dont le jeu combiné est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie

moderne. L'intérêt de développer le dialogue et même des collaborations ponctuelles entre organisations internationales et société civile est certain, il importe de veiller à ce que ces rencontres s'effectuent dans le respect de l'identité et du rôle de chacun. Si la constitution d'une société civile internationale représente un épisode important vers l'établissement d'une éventuelle démocratie post-étatique, celle-ci ne pourra pas faire l'économie de structures institutionnelles, dont il est raisonnable d'exiger qu'elles offrent des garanties comparables à celles des constitutions nationales. La priorité consiste dès lors moins à organiser la société civile qu'à réformer les structures et le fonctionnement des organisations internationales, dans la perspective de leur démocratisation. En premier lieu, certaines organisations devraient impérativement élargir et améliorer la publicité de leurs délibérations et de leurs décisions. La négociation confidentielle d'accords “sensibles”, sans consultation de l'opinion ou des parlements nationaux, comme on l'a vécu pour l'AMI ou certaines étapes de la construction européenne, devrait être évitée dans la mesure du possible. Ensuite, les organisations internationales devraient assurer une meilleure représentation des citoyens du monde. Les fonctionnaires internationaux et les représentants des

Etats qui composent actuellement leurs organes ne présentent aucune garantie démocratique. L'ouverture aux ONG n'offre pas non plus de solution satisfaisante, dans la mesure où celles-ci sont les porte-parole auto-désignés de certaines causes, mais non les représentants des citoyens. Enfin, la fragmentation des compétences entre les organisations internationales, gouvernées à l'exception de l'ONU, par le principe de spécialité, crée des obstacles supplémentaires à la solution des questions de justice. Ainsi, l'OMC, chargée de la régulation du commerce internatio-nal, se borne à traiter des problèmes de libre échange, tandis qu'elle renvoie systématiquement les questions connexes, touchant au travail ou à la santé publique, à l'OIT ou à l'OMS. Or le sens de l'action politique consiste précisément à intégrer ces enjeux différents de manière cohérente et équilibrée. Si l'on est encore loin aujourd'hui d'une démocratie à l'échelle du monde ou même de l'Europe, le développement d'une société mondiale, où l'on échange des biens et des services, mais aussi des idées, des préoccupations et des revendications, appelle le renforcement des institutions politiques internationales, ainsi que leur démocratisation. Dans ce jeu à trois entre le marché, la société civile et l'Etat, le pôle institutionnel doit, s'il veut poursuivre la partie, parvenir à coordonner son action au même niveau que ceux qu'il prétend régir. Benoît FRYDMAN(1) Professeur à l'ULB, Directeur du Centre de philosophie du droit.

Ce texte est une synthèse de l'introduction du livre “Philosophie du droit”, de B. Frydman et G. Haarscher, Paris, Dalloz, 2ème éd., 2001.

7

(1) Benoît Frydman vient par ailleurs de publier aux Editions LGDJ-Bruylant, Le sens des lois, Paris-Bruxelles, 2005.


d'un juste-pensant

Paroles libres

Liberté d'expression et démocratie “Quand on parle de démocratie et de liberté en terme de choix, il faut que le choix soit présenté, et il ne l’est pas toujours, en tout cas il est présenté de manière biaisée, ce qui pose un problème.” A propos du traitement médiatique et politique des expressions alternatives et minoritaires comme le mouvement altermondialiste, Dan Van Raemdonck le trouve “un peu culotté dans la mesure où on lui demande une structuration et des solutions que le monde politique ne nous donne pas depuis des décennies.” Même s'il considère que les critiques adressées à ce mouvement sont en partie fondées, mais également saines pour son évolution, il déplore la disqualification systématique à l'égard des altermondialistes qui ont au moins le mérite, selon lui, de partager “un préalable essentiel qui est de dire : la manière dont on conduit le monde nous mène droit dans le mur. On peut dire “c'est des petits jeunes, ça leur passera quand ils en auront marre de faire du camping…”.

On peut s'amuser, mais au-delà de l'ironie, si on ne voit pas l'expression d'un point de vue, on passe à côté d'énormément de choses.” De la même manière, DVR critique la manière dont les médias traitent les petits partis politiques ou les partis politiques émergents. “On a un peu trop tendance à présenter ces partis comme exotiques, ridicules, et moi je préférerais que la presse fasse état de leurs opinions et de leurs idées, et le cas échéant, fasse preuve mais avec la même force critique que pour les autres partis, ce qui n'est évidemment pas encore tout à fait le cas - d'un contrepoint de vue critique à l'égard de ces opinions. C'est-à-dire que l'on puisse - et me semble-t-il, c'est le rôle de la presse - pratiquer une analyse en tenant compte des enjeux, des tenants et des aboutissants qui sont soulevés par ces partis-là, et par la vie en société en général. Et ça me manque !”

Liberté d'expression et citoyenneté “La société civile, c'est le lieu du courant d'air d'opinions, ça ne veut pas dire que c'est juste du vent ; mais c'est là où il y a de l'air qui rentre, de l'air qui sort. La participation des citoyens doit être le poumon de la démocratie.”

Président de la Ligue des droits de l'Homme depuis 2000, Dan Van Raemdonck est depuis peu également administrateur au Centre d'Action Laïque. Il souhaite y promouvoir une vision politique de la laïcité, garante de l'expression de toutes les opinions. Pour lui, les maisons de la laïcité constituent un lieu idéal pour permettre des débats publics où puisse s'exprimer la diversité des opinions dans un espace de neutralité tant politique que confessionnelle. Ces espaces d'expressions plurielles et de débats au sein de la société civile constituent, selon son expression, le poumon de la démocratie. Avec la parole libre qu'on lui connaît, il a accordé un entretien à Bruxelles Laïque Echos au cours duquel il nous a livré certains de ses questionnements actuels sur la liberté d'expression, la démocratie et la défense des droits fondamentaux. Vaste sujet… Extraits choisis.

Pour sortir de la sclérose démocratique actuelle, DVR pense qu'il est essentiel de revaloriser la démocratie représentative par son articulation avec des formes de démocratie participative qui favorisent l'expression permanente de la société civile au-delà des scrutins électoraux. Il ne s'agit pas de rejeter la démocratie représentative dont les acquis sont considérables, mais de lui donner un nouveau souffle. “Entre la fin du XIXème et le début du XXIème siècle, le citoyen a pris du

pouvoir, a pris la parole, même s’il y a des forces relativement contraires qui n'ont pas toujours voulu que ce soit le cas - surtout pour les femmes d'ailleurs - et qui ont toujours tendance à l'infantiliser et à le mettre à distance des organes et des leviers de pouvoir. Mais le citoyen ne s'est pas forcément laissé faire. Vers la fin du XXème siècle, il y a un pas qui se marque au niveau de l'acquisition des droits fondamentaux, avec une espèce de palier et des tentations de reculer, mais l'avantage c'est que les mouvements citoyens sont devenus adultes, ont des capacités d'exigence et n'acceptent plus simplement une forme d'infantilisation.” Mais la société civile, telle que DVR la conçoit, n'a pas non plus à décider à la

9


place de l'élu. Elle s'occupe de “créer un espace et un temps - quel luxe ! - de débat pour que puisse s'exprimer la diversité des opinions, de telle sorte que le débat puisse être éclairé des diverses manières de penser. Et cette société civile, c'est un corps qui n'est pas personnalisé, c'est un corps dynamique qui doit effectivement être traversé de débats, traversé de contradictions et au bout du compte, tout ça doit permettre d'éclairer la décision qui sera prise par l'autre niveau, c'est-à-dire la démocratie représentative. Moi, je n'ai aucune intention en tant que représentant d'association de la société civile, de décider à la place de l'élu. Ce n'est pas notre boulot.” Une démocratie représentative à valoriser En contrepartie, DVR en appelle le politique représentatif à “lâcher du lest”, à arrêter de prendre des décisions dans l'urgence “médiatique” et à veiller à plus de transparence. Il demande aux élus politiques de valoriser la démocratie représentative en respectant la séparation des pouvoirs, en revalorisant davantage le travail parlementaire “pour faire en sorte que le Parlement soit vraiment un organe de contrôle de l'exécutif, et pas seulement une chambre d'entérinement comme on l'a souvent ditet ce qui est souvent le cas.” Pour DVR, une remise en question radicale de la part du politique est nécessaire. “Qu'on mette à plat le rôle des partis

politiques - qui confisquent à mon sens le pouvoir en démocratie -, le rôle des gouvernements, des parlements. Je crois que le grand absent de la définition du pouvoir, c'est le parti politique qui n'est pas dans la Constitution. Je ne suis évidemment pas pour l'élimination des partis politiques mais je suis pour qu'on balise leur fonctionnement. En Belgique, du fait du mode de scrutin proportionnel qui nécessite de négocier, de faire des compromis, on a vu le rôle des partis politiques hypertrophié par rapport au rôle des exécutifs et des parlements. Cela pose un certain nombre de questions. Qu'on mette cela sur la table, qu'on en débatte. Si on fait cela, je crois que le citoyen n'est pas stupide, il peut participer à la discussion et à la redéfinition du rôle.” DVR s'inquiète de la carence d'éducation à la citoyenneté par les écoles et dans les médias. Lutter contre le sentiment d'impuissance du citoyen et lui permettre de petit à petit reprendre pied sur les leviers de pouvoir constitue, pour lui, un enjeu démocratique essentiel, notamment pour contrer l'extrême droite. Et qu'on ne lui dise pas qu'il est poujadiste ! “Il ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit non plus. J'ai énormément de respect pour le politique. On n'est pas dans une république bananière, mais on peut mieux faire. On a un peu tendance aujourd'hui à dire que les discours critiques sont poujadistes.”

Liberté d'expression et dignité humaine “Je suis pour l'expression de la totalité des opinions mais je suis beaucoup trop attaché au respect de la dignité des personnes pour permettre que l'anarchie, qui pour moi n'est pas forcément une mauvaise chose en tant que telle, détricote tous les filets sociaux qui permettent aux gens de vivre en commun les uns avec les autres et pas les uns contre, voire sans les autres.” “Je ne suis pas pour la limitation de la liberté d'expression à tout crin. Je suis pour que, le cas échéant, on puisse tout exprimer ; mais si on passe les bornes de l'atteinte à la dignité de la personne, il faut accepter que, si la société s'organise sur base de ce critère-là (on l'accepte ou on ne l'accepte pas, mais ici, c'est comme ça qu'on l'a construit, ça a été voté

10

démocratiquement), ce soit sanctionné pénalement. Dans notre société, l'incitation à la haine raciale, ce n'est pas une opinion, c'est un délit.” En matière de limitation à la liberté d'expression, DVR fait preuve de beaucoup de prudence, rappelant que les droits de l'Homme et les libertés fondamentales ne constituent pas un corpus harmonieux, que dans certaines circonstances ils entrent en conflit, comme le droit au logement par rapport au droit à la propriété, et qu'il ne peut donc s'agir de droits sans limites, y compris pour la liberté d'expression. Il s'agit donc de trouver un équilibre circonstancié, la solution la moins dommageable en terme de droits fondamentaux et en terme d'atteinte à la dignité humaine.

Légaliste, DVR est cependant conscient qu'on ne lutte pas contre le racisme, le sexisme, l'homophobie simplement par le recours à la loi et à la justice. “Il faut travailler sur le corps social, bien sûr, politiquement, économiquement, socialement. Mais il y a des armes qui existent les lois - et elles doivent s'appliquer à tous.” Il pose également le problème des limites et du contexte social. “Est-ce qu'on va criminaliser la société toute entière qui vit sur des stéréotypes et des manières de penser ? Est-ce qu'on va empêcher les blagues sur les homosexuels, ou les blondes ? (…) On peut ne pas aimer quelqu'un, ce n'est pas cela qui est criminalisé. C'est l'incitation à la haine qui

est condamnée, ce qui est déjà un peu différent. On n'est pas obligé de s'aimer les uns les autres, par contre on doit vivre ensemble. Et donc faire en sorte qu'on ne puisse pas vivre ensemble, ça n'est pas admissible.” Par ailleurs, DVR plaide pour une loi antidiscrimination large et n'est pas favorable à des lois séparées étant donné que le racisme, l'homophobie, le sexisme, l'antisémitisme… reposent sur les mêmes mécanismes. Quant aux problèmes de préséance qui se posent parfois entre ces différentes notions c'est pour lui “intellectuellement irrelevant !”

Je n'ai pas l'impression d'être un bien-pensant ; j'essaye d'être un juste-pensant. S'il est attaché à une forme de limitation de la liberté d'expression pour ne pas porter atteinte à la liberté d'autrui, DVR met en garde contre les dérives de la “bonne pensée”. “Ce n'est pas parce que je refuse l'atteinte à la dignité d'autrui par l'incitation à la haine raciale que je me considère comme un bien-pensant. Je préfère parler de justepensant parce que je préfère considérer que je vis dans une société de justice plutôt que dans une société bonne pour laquelle il faut des critères particuliers que je ne connais pas. Je ne peux pas imposer ma bonté, ou mes critères de bonté. (…) Il faut être juste jusqu'au bout. Il m'arrive, plus qu'à mon tour, de critiquer la politique de Sharon parce que je trouve qu'elle est

attentatoire à la liberté d'autrui, et notamment à la liberté de certains membres du peuple palestinien. Et donc je la critique. Ca ne fait pas de moi un antisémite, ce qui serait assez schizophrène vu que je suis Juif aussi. Mais là, pour le coup, ceux qui parlent d'antisémitisme en l'occurrence, ne sont pas bien pensants, ils sont injustementpensants, c'est-à-dire qu'ils dévoient la notion d'antisémitisme - qu'il faut à tout prix combattre dans toutes ses formes de résurgence -, et ils dévoient la juste critique politique de ce qu'elle est. Ceux qui veulent faire des amalgames pour que justement on n'atteigne pas l'Etat d'Israël politiquement parlant, pour moi ne sont pas juste-pensants.” Propos recueillis par Sophie LEONARD.

11


des médias

Du pluralisme Nous vivons dans une société démocratique et plurielle : sur le plan formel, c'est une évidence. Et nos médias sont le reflet de ce pluralisme, voire leur catalyseur : on le dit, mais est-ce si sûr ? D'ailleurs, au fond, de quoi parle-t-on quand on évoque le pluralisme des médias ? Fait-on référence à la pléthore de médias dont nous pouvons disposer pour accéder à une approche multiple et contrastée des faits d'actualité et des opinions émises à leur sujet ? En matière de quotidiens d'information générale, en Belgique francophone, il faudra déchanter : depuis une quarantaine d'années, leur nombre a fondu comme neige au soleil. De trente et un, en 1966, on est passé à l'heure actuelle à seulement quinze (plus un gratuit). Mais en réalité il n'y a plus que cinq quotidiens qui proposent une information extrarégionale (nationale et internationale) différente. Les doigts d'une main suffisent largement à compter les périodiques d'information générale, alors qu’ils étaient plus nombreux au milieu des années 1960. Certes, là où seule la RTB(F) existait avec ses trois chaînes de radio et sa seule chaîne de télévision, le nombre de stations de radio dépasse maintenant les trois centaines (…mais il n'y a pas de chiffres officiels en la matière) et celui des télévisions, les deux dizaines. Faut-il pour autant considérer qu'une telle prolifération constitue une garantie de pluralisme ? Rien n'est moins sûr. Après tout, seules RTL-TVI (mais pas les autres chaînes télévisées du RTL Group), en télévision, Bel RTL et BXL, en radio, ont incontestablement élargi l'éventail du pluralisme, tandis que la place de l'information est plutôt mince sur Nostalgie et Contact, et elle l'est encore plus ailleurs.

18

Si le champ de l'information générale s'est sérieusement rétréci en presse écrite et quelque peu élargi en audiovisuel, faudrat-il en conclure que le pluralisme se soit renforcé en termes d'acteurs dans le secteur des médias ? Pas vraiment. En

Belgique francophone, l'univers de la presse quotidienne est aujourd'hui réduit à trois éditeurs et celui de la presse périodique surtout à deux. Alors que, en audiovisuel, outre la publique RTBF, le germano-luxembourgeois RTL Group domine largement le secteur de la radio (sept stations) et de la télévision (trois). Même s'il convient de ne pas oublier les douze télévisions locales au statut semipublic, qui jouent un rôle non négligeable en termes d'information de proximité (et de ce fait même, à rayonnement sociogéographique limité). Pour le reste, les télévisions (celles d'AB Groupe comme les autres) et les nombreuses radios locales comptent peu, ou pas du tout, en termes d'information générale. Ces rétrécissements du pluralisme sont-ils compensés par le pluralisme des approches de l'actualité par les médias ? Si l'on veut se référer au pluralisme externe des médias, il faut se rendre à l'évidence : les quotidiens et magazines qui traduisaient des options dites progressistes (démocrates-chrétiennes, socialistes et communistes) ont disparu et ceux susceptibles d'exprimer des sensibilités nouvelles (comme les écologistes) n'ont jamais existé. Alors que, si l'on veut parler de pluralisme interne des médias, il faut bien convenir que des quotidiens autrefois très marqués sur le plan idéologique cherchent depuis plus ou moins longtemps à faire oublier de telles positions : les évolutions récentes de La Libre Belgique et de Vers l'Avenir (d'origine catholique) sont à cet égard significatives, comme l'ont été celles de La Meuse et de La Nouvelle Gazette (d'origine libérale) il y a déjà quelques années. De nos jours, surtout dans la presse, mais aussi, de manière plus feutrée, dans l'audiovisuel, les accents politiques ou philosophiques sont plutôt l'œuvre individuelle de journalistes qui ne parviennent pas à cacher leurs options ou refusent de le faire. Une lecture, une écoute ou un regard attentifs permettent ainsi de comprendre

13


que celui qui écrit ou parle a des engagements particuliers, étant parfois proche de telle organisation ou mouvance. Autrement dit, les médias ont plutôt tendance à être pluriels, pour “ratisser large” et ne pas indisposer une partie de leur public. Ce pluralisme interne est cependant fort relatif, basculant presque toujours dans un consensus mou, fruit d'une démarche où les considérations commerciales pèsent de tout leur poids. Ce qui, ajouté au fait que nos médias disposent de peu de sources externes diversifiées et s'abreuvent avant tout à la seule agence Belga, provoque une grande ressemblance entre les contenus rédactionnels. Certes, les différences de ton existent, mais, pour l'essentiel, le champ de l'actualité couvert est très largement le même, sans divergences de vues clairement perceptibles. Les versions officielles des faits, sur base de conférences et de communiqués de presse issus d'institutions et organisations diverses, dominent l'offre qui est proposée aux lecteurs, auditeurs ou spectateurs. La société civile et, plus largement, la vie quotidienne des citoyens, celle des groupes minoritaires comme les prises de position à rebrousse-poil des courants dominants, trouvent peu de place dans nos médias. Ceux-ci préfèrent clairement la grisaille qui ne fait pas de vagues, au détriment de sujets susceptibles de faire des étincelles, au risque de mettre en question des situations acquises dans une société bien convenue. Et c'est peut-être bien là une des raisons qui expliquent le désenchantement du public et sa prise de distance à l'égard des médias belges francophones.

On pourrait cyniquement se réjouir de cette prise de distance et de la conséquente érosion des audiences de la plupart de nos médias : ce serait pourtant une réaction à courte vue. Certes, la Belgique francophone ne vit pas en vase clos. Nous accédons ainsi journellement aux quotidiens, périodiques, radios et télévisions français, dont nous partageons la langue, voire aux médias de divers pays européens qui nous parviennent dans des conditions comparables à celles des médias belges. À cette différence essentielle près : ils ne parlent qu'exceptionnellement de ce qui se passe en Belgique, dans notre environnement immédiat. Or, toute démocratie a besoin de médias qui fassent écho au pluralisme économique, culturel, politique et philosophique de la société. De médias qui fassent circuler les informations, les analyses et les opinions, en irriguant de la sorte le tissu social, en l'oxygénant, en lui donnant vigueur, de manière à le renouveler, à le redynamiser. De médias qui agissent comme contre-pouvoirs aux abus des détenteurs des pouvoirs politique, économique, social et culturel. De médias qui agissent comme vecteurs de mutation permanente et de progrès de la société dans laquelle ils s'insèrent. Un déficit de pluralisme dans le secteur des médias ne va pas sans poser des difficultés au bon fonctionnement de la société démocratique. Car l'absence de circulation de l'information, d'une information abondante et contrastée, assèche la dynamique d'une société, la livrant à une ploutocratie où les citoyens deviendront eux-mêmes de simples consommateurs…

J.-M. NOBRE-CORREIA, Professeur d'information et communication à l'ULB.

sans frontières :

Reporters

2004, année noire pour les professionnels de l’information A l'occasion de la 15ème journée internationale de la liberté de la presse qui avait lieu le 3 mai dernier, Reporters sans frontières (RSF) a publié son traditionnel Tour du monde de la liberté de la presse.(1) A la lecture de son rapport annuel, on devine que cette organisation, qui “fête” donc ses vingt ans, a encore de nombreuses années d'existence devant elle. Si certains pays sont sortis de la liste noire de RSF comme le Cachemire ou l'Ethiopie, nombreux sont les pays comme Cuba, le Bengladesh, la Chine, ou la Colombie qui continuent d'être épinglés par RSF. Cinq nouvelles figures viennent allonger la liste des “prédateurs de la liberté de la presse” dont les plus connus sont Kim Jong-il, Fidel Castro ou Vladimir Poutine. De plus en plus de professionnels de l'information sont victimes de censures, d'intimidations, d'emprisonnements ou de meurtres. En 2004, 53 journalistes ont été assassinés dans le cadre de leurs fonctions et 13 depuis le début de l'année 2005. L'Irak est le pays le plus dangereux du monde pour les journalistes : 51 journalistes et collaborateurs ont été tués depuis le début du conflit. Les prises d'otages de journalistes occidentaux ont rappelé au public les risques que prennent parfois les professionnels de l'information. Si on peut se réjouir que des chefs d'Etat, des leaders politiques ou religieux et même des groupes extrémistes armés au MoyenOrient aient lancé des appels qui ont contribué à la libération des deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, les mobilisations internationales pour défendre la liberté de la presse restent exceptionnelles.

Parvenir à sensibiliser les opinions publiques sur les conditions de travail des journalistes dans les dictatures et les pays du Sud reste donc un défi à relever. 107 journalistes sont actuellement emprisonnés à travers le monde, dont certains depuis de nombreuses années, à l'instar de Win Tin, un journaliste birman âgé de 75 ans qui croupit en prison depuis 1989. “N'attendez pas qu'on vous prive de l'information pour la défendre”. Le célèbre slogan de RSF est donc toujours tristement d'actualité. La Fédération Internationale des Journalistes(2), a choisi quant à elle cette journée symbolique du 3 mai pour pointer du doigt “la menace croissante que représente la guerre contre le terrorisme et l'utilisation qui en est faite par les gouvernements pour les libertés civiques dans le monde et en particulier la liberté de la presse”(3). Le rapport, co-écrit par l'association Statewatch(4), déplore l'atmosphère de paranoïa qui entrave la liberté d'expression et celle de la presse, et souligne que “La réponse des gouvernements à la menace que représente le terrorisme est hors de proportion (…) Une atmosphère de peur et d'incertitude est créée et les libertés civiques balayées(5), même au sein d'Etats réputés tolérants et pluralistes, conduisant “à des niveaux dangereux d'autocensure” dans les médias. “La guerre au terrorisme aboutit à un défi pour la culture mondiale des droits de l'homme et des libertés civiques établies il y a presque 60 ans”. Un défi de plus. Olivia WELKE

(1) Rappelons que RSF fut créée en 1985 par quatre journalistes français sur le modèle de Médecins sans frontières et que l'association est devenue au fil des ans une ONG mondialement reconnue (2) La FIJ est basée à Bruxelles et représente près de 500.000 journalistes dans plus de 100 pays. http://www.fij.org

14

(3) Source : Belga. Source http://www.inventaire-invention.com, http://.islamlaicite.org (4) http://www.statewatch.org

15

(5) Lire à ce propos : “Mondialisation de la répression et alternatives contestataires”, Bruxelles Laïque Echos n°47, p.11.


A CONTRE-COURANT

Caroline…

Soeur

La rubrique A Contre-Courant de notre trimestriel pouvait difficilement trouver sujet plus controversé que Tariq Ramadan pour ce numéro consacré à la liberté d'expression, tant il semble aujourd'hui difficile de poser librement une réflexion critique, ouverte et objective sur l'homme, sans être directement taxé de naïveté, de complaisance, voire de complicité avec l'islamisme rampant. Au-delà de son aspect polémique, il nous semble cependant que le “cas Ramadan” se situe au croisement de plusieurs enjeux. Il n'est pas seulement emblématique du traitement de l'information concernant l'islam aujourd'hui, il interroge plus largement la responsabilité des journalistes, mais également le rôle des “intellectuels” dans l'ensemble des débats publics actuels et par ricochet, il questionne aussi notre capacité à nous inscrire dans une réelle démarche libre exaministe, c'est-à-dire une démarche critique.

16

“Avez-vous lu Frère Tariq(1) ? - Pourquoi ? Lisez, vous verrez…” , les points de suspension de mon interlocuteur sous-entendant, sans nul doute possible : “c'est effrayant !”. Effrayant, je vous l'accorde… Ainsi, le livre de Caroline Fourest serait devenu la référence ultime à propos de Tariq Ramadan ? Le livre qui répond à toutes les questions, lève tous les doutes de ceux qui oseraient encore s'interroger ? A n'en pas douter la plupart de ceux qui le conseillent ne l'ont probablement pas lu. Quant à moi, pour être tout à fait honnête, je n'ai pas eu le courage d'aller jusqu'au bout, tant c'est à l'opposé de la conception que je me fais d'une démarche journalistique, et plus largement d'une démarche critique.

précité, mais pourtant assez révélatrice des méthodes sensationnalistes et approximatives de C. Fourest. C'est une note en bas de page (p.18), faisant référence à une citation d'une interview de Tariq Ramadan au Journal du Mardi. La note dit ceci : “L'intellectuel musulman fait peur !”, Le Journal du Mardi n°155 du 9 mars 2004, propos recueillis par Laurent Arnauts et Malika Es-Saïdi. Le Journal du Mardi a été fondé par Laurent Arnauts, l'avocat de la jeune Benaïssa, une jeune musulmane violée et assassinée par Marc Dutroux.” Trouvez l'erreur… Elle échappera peut-être au lecteur français, mais pas à nous ! Mais surtout, donnez-moi l'intérêt de cette information dans ce cadre ? Ajouter un zeste de frisson ?

Frère Tariq illustre à merveille un type de “journalisme” trop souvent à l'oeuvre aujourd'hui, très éloigné des préoccupations d'information et de déontologie, usant à l'envi de méthodes malhonnêtes empreintes d'ignorance et d'amateurisme. Outre les mensonges éhontés et le manque de recoupement des sources et des données, l'exercice favori de Caroline Fourest consiste à utiliser des courts extraits de deux phrases issus de discours de Tariq Ramadan et de les déformer en les sortant de leur contexte et en les replaçant dans ses propres diatribes aux interprétations extensives.

Mais plus fondamentalement au-delà du jeu des erreurs, il se trouve encore quelques courageux, et - au sein même des personnes en désaccord avec Tariq Ramadan - , des voix s'élèvent, à l'instar de la journaliste Mona Chollet(3), pour dénoncer l'“entreprise de diabolisation” dont l'intellectuel européen fait l'objet. “Elle surfe sur les fantasmes d'invasion les plus malsains et les plus délirants - ces fantasmes dont l'extrême droite, dans un passé pas si éloigné que ça, était seule à faire ses choux gras. Triste ironie, on trouve à la tête de cette entreprise une ancienne militante contre l'extrême droite, Caroline Fourest, co-éditrice de la revue ProChoix, reconvertie dans la dénonciation du péril islamiste. Selon elle, Tariq Ramadan est un membre des Frères musulmans qui avance masqué, et qui a été désigné par eux pour mettre en orbite la société islamique, islamiser la France, l'Europe et le monde. Rien que ça. Elle veut donc alerter contre le danger qu'il représente. “A croire que même les nonmystiques peuvent parfois se sentir investis d'une mission”, commente-t-elle dans son introduction pour décrire l'état d'esprit dans lequel elle a rédigé son livre ; et on la croit sur parole. Car, pour démontrer sa thèse, tous les moyens sont bons, y compris la mauvaise foi, la calomnie et l'approximation, qu'elle est en passe d'élever au rang des beaux-arts.”(4)

Heureusement, dès la sortie du livre, certains s'en sont donné “à cœur joie, ici et là, au petit jeu consistant à repérer toutes les erreurs qu'il contient”. Alain Gérard, dans Politis, en a mentionné quelques-unes. Par exemple celle-ci : Fourest affirme que, lors du procès intenté en 2003 par Tariq Ramadan à Antoine Sfeir, le “verdict est très dur pour Ramadan” : “La cour d'appel de Lyon estime que les discours de prédicateurs comme Tariq Ramadan peuvent exercer une influence sur les jeunes islamistes et constituer un facteur incitatif pouvant les conduire à rejoindre les partisans d'actions violentes”. Or, cette citation n'est pas extraite du jugement, mais des propos de Sfeir cités par le tribunal dans le texte du jugement, ce qui est très différent… Sur le fond, le tribunal se borne à estimer que les propos de Sfeir relèvent d'une critique légitime. Mais qu'importe : la cause est entendue. Il faut bien constater que, de plus en plus, pour les agitateurs enragés de l'épouvantail islamiste, la vérité et les faits n'ont strictement aucune importance.”(2) J'ai moi aussi débusqué “ma” petite erreur, certes anecdotique par rapport à l'exemple

Denis Sieffert(5) pense lui aussi que “tous les moyens ne sont pas bons pour contredire cet homme, ou occulter les questions qu'il nous pose. Des livres et des émissions de télévision ont récemment constitué de véritables “Guantanamo journalistiques” - comme ces lieux où certains considèrent que le droit n'a pas à entrer. Leurs auteurs ont dû penser que la fin justifiait les moyens, et que tous les

17


coups sont permis, même ceux qui sont les plus manifestement contraires aux principes d'une démocratie. Ils se trompent lourdement, au nom même de la cause qu'ils prétendent servir”. Mon effroi - vous l'aurez compris je l'espère - ne vient pas du fait que l'on puisse critiquer Tariq Ramadan, sa pensée ou son action ; mais du fait qu'aujourd'hui, il semble difficile de le faire hors de “la caricature et du soupçon diffus - celui auquel on ne peut même pas répondre”(6). La diabolisation en cours empêche tout dialogue. Et en dépit du fait que cela déplaise à certains, ce dialogue ne pourra être évité. Alors, peut-on continuer, en dehors de toute démarche critique, à laisser propager la vision d'une Europe menacée par une invasion de terroristes barbus, permettre que s'alimentent les préjugés, l'ignorance, la défiance, la peur et les ressentiments réciproques, avec des thèses grossièrement alarmistes comme celles de Caroline Fourest ? Je pense qu'il est de notre responsabilité de réagir et d'user de notre

esprit libre-exaministe pour pouvoir enfin réellement entrer en débat critique. Il y a urgence. “Il ne s'agit pas d'imposer à tous ceux qui s'expriment sur l'islam l'emploi de quelques précautions oratoires politiquement correctes : s'ils ne sont pas capables de voir par eux-mêmes à quel point le racisme anti-musulmans est aujourd'hui virulent, et la nécessité de tenir un discours suffisamment juste et nuancé pour ne pas y contribuer, c'est très dommage (on empruntera même à Caroline Fourest l'un de ses thèmes favoris : “c'est inquiétant”). On ne peut rien pour eux. Mais, pour autant, qu'ils ne comptent pas sur nous, malgré les méthodes révoltantes qu'ils emploient pour discréditer quiconque n'adhère pas totalement à leurs délires, pour nous taire devant les dégâts qu'ils causent.”(7) “Avez-vous lu ”Faut-il faire taire Tariq Ramadan ?” ? Non ? Je vous le conseille…” Sophie LEONARD

Sources 1. Générales : médias et islam - Alain Gresh (rédacteur en chef du Monde Diplomatique), Islam et médias (Document d'archive de la Commission Islam et laïcité, mis en place par La Ligue de l'Enseignement française - 2000) (voir site islamlaicite.org) - Dominique Pinsolle, Les médias et les Français musulmans : ce ne sont pas des terroristes, mais… (ACRIMED, Action Critique Médias), 20 septembre 2004. - Fatiha Kaoues, Décryptage : l'islam au regard des médias - Thomas Deltombe, Un islamisme télégénique ( Les mots sont importants), (source : islamlaicite.org). - Intolerance and Discrimination against Muslim in the EU, International Helsinki Federation for Human Rights (IHF), mars 2005. 2. Spécifiques à Tariq Ramadan - Aziz Zemouri, Faut-il faire taire Tariq Ramadan ?, Editions L'Archipel, Paris, 2005. - Caroline Fourest, Frère Tariq. Discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Grasset, Paris, 2004. - Denis Sieffert, Tariq Ramadan : islamiste ou citoyen ?, Politis janvier 2005 n°835. - Tariq Ramadan, Des journalistes et de quelques frères humains (source : islamlaicite.org) - Alain Gérard, A propos de “Frère Tariq” de Caroline Fourest (source : islamlaicite.org) - Mona Chollet, Tariq Ramadan, Caroline Fourest et l'islamisation de la France (source : http://www.inventaire-invention.com) - Catherine Samary, Tariq Ramadan a sa place dans le Forum Social européen (source : islamlaicite.org) - Ian Hamel, Quand pourra-t-on critiquer honnêtement Tariq Ramadan (source : oumma.com) - Tariq Ramadan, Les musulmans et la laïcité (source : islamlaicite.org) - Médias n°4, printemps 2005, Entretien avec Tariq Ramadan. (1) Fourest Caroline, Frère Tariq, Discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Editions Grasset, Paris, 2004. (2) Chollet Mona, Tariq Ramadan, Caroline Fourest et l'islamisation de la France. Source http://www.inventaire-invention.com, http://.islamlaicite.org (3) Mona Chollet est née à Genève en 1973. Elle est journaliste indépendante et co-fondatrice du site Périphéries. Elle collabore à Inventaire/invention depuis 2002. Elle est également l'auteur d'un essai, La tyrannie de la réalité, paru chez Calmann-Levy en 2004. (4) Lire Chollet Mona, Tariq Ramadan, Caroline Fourest et l'islamisation de la France. Pour Mona Chollet, être en désaccord avec Tariq Ramadan ne doit pas conduire à cautionner la diabolisation dont il est l'objet. (5) Politis janvier 2005, n°835. Tariq Ramadan : islamiste ou citoyen ? (6) Politis, idem. (7) Chollet Mona, idem.

18

Steve Bantu BIKO 1946-1977 Il y a 27 ans, le 11 septembre 1977, Steve Bantu Biko mourait seul, roué de coups et comateux, dans une cellule de Pretoria et devenait le plus grand martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, par son rôle de catalyseur de la libération noire. Il n'avait que 30 ans, mais son Mouvement de la Conscience Noire avait enflammé des dizaines de milliers de Sud-Africains, enthousiasmés par son appel à libérer leur esprit avant de libérer leur pays. Son nom est resté le symbole des répressions du régime d'apartheid qui le harcela sans cesse pour ses activités politiques. Le combat de ce jeune intellectuel brillant et pacifiste a été immortalisé par le film Cry Freedom de Richard Attenborough et par une chanson de Peter Gabriel.


DOSSIER PEDAGOGIQUE

comme outil de sensibilisation

Le jeu dramatique

Définition Le jeu dramatique “est un jeu collectif qui consiste à inventer à plusieurs une fiction en élaborant le canevas d'une action dramatique, puis à jouer cette fiction sous couvert de personnages, et ensuite à parler et échanger autour de l'expérience vécue dans le jeu…” Objectif global Il s'agit d'éduquer à la vie sociale par l'apprentissage d'un outil d'expression et de communication permettant de s'inscrire dans une démarche de remise en question, d'ouverture, d'échange et de collaboration, mise au service de l'entente collective. Intérêt pédagogique Fondé sur la liberté d'expression, le jeu dramatique favorise l'épanouissement de l'individu et du groupe. Il permet de déplacer les questions épineuses de la vie collective sur un terrain fictif où il est possible d'en discuter sans crispations ni affrontements. En outre, et plus globalement, “le jeu permet à l'individu d'être en situation d'expérimentation, de confrontation et par là, lui permet de modifier son rapport au monde et d'avoir une prise sur le réel, qui est profondément éducatif.” Le jeu dramatique repose sur la mise en avant de l'expérience individuelle et collective de vie sociale du groupe, de sa vision du monde, de ses valeurs et de sa capacité à les traduire, à les interpréter et à les analyser. C'est une démarche collective de création, d'analyse et de confrontation. En tant que tel, le jeu dramatique favorise la mise en confiance et la participation, et peut parallèlement permettre au groupe de déconstruire

20

lui-même ses propres représentations. Bien maîtrisé, il peut être un moyen dynamique de contrer des opinions déplacées, dogmatiques, racistes, sexistes, homophobes ou communautaristes.

bilan des solutions proposées ou envisagées comme modes de résolution. Le rejeu : c'est une étape de maturation de l'expérience et d'opérationnalisation de ses acquis en terme d'enrichissement individuel et collectif. Les participants réinvestissent ces acquis en rejouant le

même jeu revu et amélioré, ou un autre plus conforme à leurs besoins et centres d'intérêt.

Ababacar NDAW

Source Christiane Page Eduquer par le jeu dramatique Collection Pratiques et enjeux pédagogiques ESF Paris, 1997

Principe Il impose cependant de s'inscrire dans une “conception de l'éducation posant l'enfant comme un sujet de sa formation et non comme objet à modeler. Cela a des conséquences pour l'animateur qui met en place des conditions sécuritaires d'expérimentation pour l'individu dans le groupe. Tel qu'il est envisagé, le groupe se réfère à un modèle remettant en question le fonctionnement “monarchique” courant dans les groupes de travail. C'est ainsi que chaque individu assume le projet collectif dans un contexte où l'adulte, animateur ou enseignant n'est pas la référence du savoir à acquérir.” Canevas de réalisation L'activité dure deux heures et comporte quatre temps de jeu : la préparation, le jeu, le débat et le rejeu. La préparation : l'enseignant ou l'animateur, en accord avec le groupe, propose un thème. Les participants se mettent en petits groupes pour inventer ensemble une histoire avec des personnages en se mettant d'accord sur le dénouement. Le jeu : les groupes sont invités à présenter leurs réalisations à un jury composé d'observateurs, c'est-à-dire de l'ensemble des participants non acteurs appelés à donner leur avis et à proposer des alternatives dans la partie débat. Le débat : tous les problèmes rencontrés au cours du jeu sont ramenés en débat. Les joueurs échangent leurs points de vue sur l'expérience vécue à travers le jeu, font le

21


et Dialogue interculturel

Cinéma

Comment encourager le dialogue interculturel, la rencontre entre les cultures et la prise de conscience d’une nouvelle identité interculturelle ? Comment mettre l’accent sur la découverte de l’autre, la richesse de la diversité culturelle ? Comment aborder les problématiques liées aux immigrations en Belgique et à la cohabitation des diverses communautés culturelles ? Quelles sont les productions audiovisuelles belges et d’ailleurs susceptibles d’aller à la rencontre des cultures ? Quels sont les outils qui favorisent la diffusion de films encourageant le débat sur le dialogue interculturel ? Comment encourager les publics à aller voir et apprécier ces films, que ce soit à l’école, dans les associations ou dans les salles de cinéma ? A qui s’adresser ? Quels films conseiller ? Où se les procurer ou les visionner ? Comment les exploiter avec les élèves et le public ? Le répertoire “Cinéma et Dialogue interculturel” présente une soixantaine d’opérateurs culturels et de projets, actifs en Communauté française de Belgique, qui répondent à toutes ces questions. Il propose, aux enseignants et au secteur associatif, des activités cinématographiques et des animations qui ouvrent le débat sur le dialogue interculturel.

VOLTAIRE 1694-1726

22

Vous pouvez vous procurer gratuitement le répertoire en appelant Bruxelles Laïque au 02/269 89 00

Voltaire préfigure l'intellectuel moderne engagé par ses prises de position contre les pouvoirs établis, l'injustice, l'ignorance, le despotisme, le fanatisme et la corruption morale. Provocateur insolent, ennemi juré des despotes de son temps, il dut plusieurs fois choisir l'exil pour sauver sa vie et préserver sa liberté. Ecrivain et philosophe à la verve intarissable, il alterne pièces de théâtre, œuvres de circonstance, poèmes et textes philosophiques dans lesquels transparaissent ses préoccupations humanistes et sa vision politique d'une démocratie animée d'un esprit de tolérance que l'éducation mènerait à sa plus grande perfection.


A LIRE

La censure des bien-pensants

Emmanuelle Duverger et Robert Ménard(1) Editions Albin Michel, 2003.

Bien sûr, nous sommes très nombreux à être attachés à ce droit si précieux, si cher et si fragile qu'est la liberté d'expression. Si quelqu'un a envie de dire quelque chose dans notre pays, et dans l'Union européenne en général, il est libre de le faire. Toutefois, il est des idées que des associations comme, en France, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), l'Union des étudiants juifs ou le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples), entre autres, ne veulent pas voir débouler sur la place publique. A quelles idées s'attaquent-ils ? Le révisionnisme, le racisme, l'islamisme… Sur quoi se basent-ils pour appuyer leurs attaques devant les tribunaux ? Tout repose sur des lois, par exemple la loi dite Gayssot qui précise l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qui déclare que “seront punis (…) ceux qui auront contesté (…) l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international [de Nuremberg] annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945”. Ils évoquent également des valeurs très nobles comme le respect des minorités, de la personne humaine, du devoir de mémoire, etc. Certains pensent que la liberté d'expression ne doit pas s'appliquer à des idées ignobles, veules, insupportables. Emmanuelle Duverger et Robert Ménard rappellent sans cesse qu'il n'est pas question de défendre ces idées et encore moins de les approuver. Néanmoins, même si ces idées peuvent choquer, et c'est très naturel, elles doivent, selon eux, pouvoir être publiées et s'inscrire dans le débat public. Les auteurs ne voient qu'une exception à la liberté d'expression : les idées qui appellent au meurtre ou à la violence. Pour le reste, ils

24

font appel à la responsabilité de chacun et de chacune. Ils estiment qu'en tant qu'adultes, nous sommes aptes à faire le tri entre ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Ils pourfendent tous ceux qui, au nom de beaux et nobles principes, veulent nous mettre sous tutelle en nous privant de notre libre choix face à des idées qu'ils jugent indignes de nos oreilles ou de nos yeux. Les auteurs dénoncent ceux qui en arrivent à désigner à la vindicte publique (avant les tribunaux ?) les personnes qui revendiquent le droit de s'exprimer. De quoi les accuse-t-on ? De partager des idées nauséabondes alors qu'ils les condamnent et qu'ils essayent de leur permettre d'être publiées au nom du droit à la liberté d'expression. Ils prennent également l'exemple du général Aussares. Pour rappel, celui-ci a été condamné pour apologie de crime de guerre car il avait reconnu avoir pratiqué la torture pendant la guerre d'Algérie. Ses éditeurs furent également condamnés à payer une très forte amende. Il s'agit ici, selon les auteurs, d'un exemple emblématique. D'abord parce “qu'il donne l'occasion au parquet de prendre une décision qui est un mauvais coup porté à la liberté d'expression”. Ensuite, parce qu'Aussares est condamné non pour ce qu'il a fait mais pour ce qu'il a écrit ! Robert Ménard et Emmanuelle Duverger nous précisent même qu'il est impossible de prononcer une autre condamnation puisque les faits sont prescrits suite à “une loi d'amnistie taillée sur mesure pour mettre à l'abri militaires et hommes politiques”. Bien sûr, La Censure des bien-pensants peut (doit ?) nous choquer, nous agacer, nous révolter mais il a le mérite de pointer des dérives qui peuvent nous emmener vers des rivages que nous ne

voudrions jamais aborder. De plus, les auteurs estiment qu'à l'heure d'Internet, il s'agit d'un combat d'arrière-garde que certains mènent à travers des lois répressives. A l'heure où n'importe qui peut écrire n'importe quoi et le diffuser à travers le monde, à quoi bon s'acharner à vouloir maintenir une exception française ? N'oublions jamais que la censure, car il s'agit bien de cela, est toujours instaurée pour nous protéger. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre et beaucoup de questions à se poser : pourquoi règlet-on davantage de problèmes d'opinions devant les tribunaux que sur la place publique ? La loi sur le respect de la vie privée, c'est peut être très bien mais où

commence et où s'arrête la vie privée ? Doit-on continuer à légiférer pour empêcher l'extrême droite de s'exprimer plutôt que de s'attaquer aux causes de sa progression ? Il en est de même du racisme, les auteurs posent la question : “la répression de l'expression du racisme est-elle la réponse la plus appropriée pour combattre ce fléau ?”. Toutes ces questions, et bien d'autres, Emmanuelle Duverger et Robert Ménard se les posent et nous les posent dans un style clair et direct. Utile à lire pour ne jamais oublier que les valeurs sont toujours à interroger et qu'il faut se méfier des bons sentiments ! Jean-Marie LECOQ

“Parler de liberté n'a de sens qu'à la condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre” George Orwell

(1) Robert Ménard est journaliste et fondateur de Reporters sans frontières. Emmanuelle Duverger est juriste et responsable de la justice internationale à la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme.

25


www.unesco.org/webworld/observatory/index.shtml ce portail de l'Observatoire de l'UNESCO sur la société de l'information est un gisement riche d’informations : directives internationales, traités, accords et politiques nationales en matière de TIC, statistiques sur la société de l'information en fonction des régions ou des langues, dimensions éthiques, gouvernance… Dans la rubrique Actualités, cliquez sur Enjeux et perspectives pour la liberté d'expression sur Internet : conférence thématique à l'UNESCO, les 3 et 4 février, qui mène à deux autres liens intéressants : UNESCO et la Liberté d'expression (Historique, législation des médias, promotion de la Liberté d'expression...) et Sommet mondial sur la société de l'information.

PORTAIL

Pour une cyberliberté d'expression. Le Net, un champ à investir ! Internet est devenu non seulement un moyen planétaire de communication, d'expression et d'information, mais aussi un phénomène de société et une culture à part entière. Cet outil médiatique offre à quiconque, groupe ou individu, là où il se trouve - à condition d'en avoir les moyens d'accès, sachant que 19% seulement de la population de la terre, représente 91% des utilisateurs d'Internet !(1) - la possibilité de rechercher de l'information et de diffuser ses opinions en un clic sur un réseau mondial.

www.coe.int/T/E/human_rights/media Sur la page d'accueil du site du Conseil de l'Europe, Division Media, on lit : “Attaquer la liberté des médias, c'est attaquer la démocratie”, “Il faut nous employer sans relâche à défendre la liberté des médias, la liberté d'expression et la liberté d'information. Défendre ces libertés, c'est défendre notre droit à être informé”. A partir de la rubrique Institutions, accédez à l'Observatoire européen de l'audiovisuel, où d'autres liens et thèmes, tels que Droits et politiques des médias, sont à votre disposition. http://www.aqolad.net/ Le responsable et propriétaire de ce champ d'expression libre, David Chapuis, alias David Myriam, donne le ton dès la porte d'entrée : “Ici, pas de censure ni de restrictions concernant des idées, tout peut se dire, même les opinions jugées non convenables, dérangeantes, incompréhensibles, dégoûtantes, liberticides... Ici, toutes les minorités (religieuses, politiques, culturelles, sexuelles,

ethniques, philosophiques...) peuvent s'exprimer, même celles qui sont opposées les unes aux autres, même celles qui déplaisent à Aqolad”, autrement dit, c'est la mise en pratique de cette citation : “je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes, mais je me battrais pour que vous puissiez le dire librement” (Voltaire) Agolad milite pour que la liberté d'expression ne soit pas formelle et réservée aux “élites”, il agit pour qu'elle soit un droit réel, à l'intérieur et à l'extérieur de la toile. Avec ses forums libres, espaces de publications libres, documentations, outils techniques, lois diverses, liens utiles, son annuaire de sites web (avec possibilités de les commenter)…, Agolad est Le site libre et libéré de la liberté d'expression. http://www.chez.com/vap/annuaire/pr esse.htm Annuaire des sites de luttes sociales et sociétales (200 références) Presse alternative (55 références). http://www.ifex.org/ L'échange International de la liberté d'expression est l'équivalent d'Amnesty International mais spécialisé en matière de défense de la liberté d'expression. Les organisations membres de l'IFEX sont partout dans le monde (Indonésie, Kenya, Egypte, Chine, Sibérie, Kazakhstan, USA, Chili, Thaïlande, UK, ….), et se vouent toutes à défendre la liberté d'expression. Un vrai réseau dans le réseau. Avec ces reportages régionaux actuels, sujets brûlants, alertes, aides, dénonciations, événements à venir, archives, … ce coin de la toile donne accès à des renseignements précis et à jour sur les questions de liberté d'expression et les cas de violation de la liberté d'opinion. Site à fréquenter sans modération.

Entre parole citoyenne libre et engagée, dérive sécuritaire et cyber-sécurité, diffamation, censure et manipulation médiatique, il est difficile de savoir comment le cartel virtuel est géré, régulé et réglementé. Surfer, naviguer, visiter, chatter, créer…, tous des termes qui présupposent l'état d'un être libre, mais sommes nous réellement libres de nous exprimer via le net ? Y a-t-il des limites à la liberté d'expression ? Parce que liberté d'expression sous-tend expression responsable, pour en savoir plus, et en débattre librement, pour résister et défendre ce droit à travers le web, voici une série de cyberespaces (officiels, alternatifs, associations, centres de recherches…) où vous pouvez voguer en toute liberté. Pour terminer, joignons “l'outil à l'obligatoire”, et agissons pour le secours de ce droit si fragile et si chèrement payé, car si le net pullule de menaces et de manquements envers ce pilier de la démocratie, il est en même temps le meilleur moyen de les pointer et de mieux les connaître pour mieux les contrer, surtout qu'il offre une vitrine efficace pour rendre visible des actions et créer des réseaux. C'est un terrain à investir puisqu'il se prête à la culture de l'action citoyenne et la multiplication des combats pour une liberté d'expression libre et libérée de toutes les entraves.

26

Jam@l EL MANSORI

(1) Ignacio Ramonet, Le nouvel ordre de la Toile, in : Manière de voir, Combats pour les médias, Avril-Mai 2005, p.58.

27


DANS NOS ARCHIVES

De la démocratie et du citoyen Les démocraties n'échappent au populisme que par cet effort en chacun de penser. La démocratie est donc à la charge des citoyens. Allons au bout du paradoxe : le peuple (comme souverain) nous est confié à tous (comme citoyens), le peuple n'existe que sous la sauvegarde des individus! Si nous l'abandonnons à lui-même, ce n'est plus un peuple : c'est une foule, une masse, une multitude, dont on peut craindre le pire. Le peuple, par exemple, s'est donné des tribunaux, des parlements, des scrutins… La foule ne sait que lyncher ou acclamer. Il faut donc perpétuellement défendre le peuple (et défendre les individus) contre la foule - et spécialement, aujourd'hui, contre cette foule médiatique qu'on appelle opinion publique. C'est le gros animal vautré derrière la télé, et toujours prêt à donner raison aux démagogues ou aux populistes… Quoi de plus bête que l'audimat. Le suffrage universel, c'est tout autre chose. Non un spectacle, mais un acte. Non un public, mais des citoyens. Il faut donc faire de la politique, et l'on ne peut en faire qu'à plusieurs : s'informer, réfléchir, discuter, s'organiser, agir. Il n'y aura pas de liberté autrement, pas de justice autrement. Tel est le sens le plus élevé de la démocratie. (…)

On aurait tort de ne voir dans la politique qu'une activité subalterne ou méprisable. C'est bien sûr le contraire qui est vrai : s'occuper de la vie commune, du destin commun, des affrontements communs, c'est une tâche essentielle, pour tout être humain, et nul ne saurait s'en exempter. Vas-tu laisser le champ libre aux racistes, aux fascistes, aux démagogues ? Vas-tu laisser les bureaucrates décider à ta place? Vas-tu laisser des technocrates ou des carriéristes t'imposer une société qui leur ressemble? De quel droit, alors, te plaindre de ce qui ne va pas? Comment, si tu ne fais rien pour l'en empêcher, n'être pas complice du médiocre ou du pire? L'inaction n'est pas une excuse. L'incompétence n'est pas une excuse. Ne pas faire de politique, c'est renoncer à une part de ton pouvoir, ce qui est toujours dangereux, mais aussi à une part de tes responsabilités, ce qui est toujours condamnable. L'apolitisme est à la fois une erreur et une faute : c'est aller contre ses intérêts et contre ses devoirs.

André Comte-Sponville, Présentation de la philosophie, Albin Michel, 2000

André Comte-Sponville, L'amour la solitude, Albin Michel, 2000

George ORWELL 1903-1950 George Orwell est avec son compatriote Aldous Huxley, le plus grand écrivain politique du XXè siècle, célèbre pour ses deux romans de l'après-guerre, Animal Farm et 1984. Le premier propose, sous le prétexte d'une fable animale, une réflexion sur le pouvoir qui montre que c'est la passivité qui rend la dictature possible. Le second, 1984, décrit une société où le conditionnement psychologique et la délation règnent en maîtres, à l'aide de télécrans et de micros. Dans cette contre-utopie cynique, Orwell propose une réflexion sur la ruine de l'homme par la confiscation de la pensée et la prolifération de la technocratie. Il fut l'un des premiers à stigmatiser ce que l'on appelle aujourd'hui la pensée unique, le complexe militaro-industriel et la société de surveillance et de contrôle.

29


EN MOUVEMENT

un laboratoire de la liberté d’expression

Radio Campus,

http://radiocapus.ulb.ac.be/programs/alphabetique.html

Qui ne connaît pas la radio de l'Université Libre de Bruxelles ? Nichée inconfortablement sur la bande FM, Radio Campus, quand on parvient à la capter, est un rayon de soleil dans un paysage radiophonique francophone assombri par la mainmise des grosses radios commerciales sur une bande FM surchargée. Créée en 1980 et devenue la première des radios associatives, Campus a su au fil des années maintenir une programmation pluraliste et fidéliser ses nombreux auditeurs, et ce, bien au-delà de la population estudiantine.

Une grille mosaïque Carte d'identité - Nom de l'association : Radio Campus - Statut juridique : asbl - Fréquence : 107.2 FM - Année de création : 1980 - Siège social : 22 avenue Paul Héger CP 166/21 - 1050 Ixelles - Type de mission : proposer des contenus variés et “intelligents” à ses auditeurs. - Ressources humaines : quatre journalistes à temps partiel et une centaine de bénévoles. - Site Internet : http://radiocampus.ulb.ac.be

La programmation Radio Campus, une autre parole sur notre monde, tantôt experte, tantôt citoyenne, qui nous donne envie de l'écouter toute la journée. Les émissions font la part belle à toutes les musiques (africaine, latine, du reggae à la salsa, en passant par le hip hop, le jazz, le funk…) dans un esprit résolu de découvertes. Ci-dessous une brève sélection. Brouillon de culture (Lundi 14H00 - Dimanche - 17H30) Magazine culturel tous-terrains, littérature, théâtre, danse, musique. Chaque intervenant a sa spécialité. Des interviews d'écrivains qui s'écartent avec bonheur de la formule habituelle de l'entretien promotionnel. Bruxelles nous appartient (Mercredi - 15H00) Une heure en compagnie d'un ou d'une bruxellois(e), quidam ou renommé, qui nous livre sa perception de la ville. La Fibre du Libre : (Lundi - 9H00 - Vendredi - 18H00) Le libre sous toutes ses formes : licence, logiciel, énergie, travail, santé, économie,… la Fibre du Libre se veut une vitrine des solutions à la “crise” actuelle : les alternatives sont là ! Mais trop souvent muselées derrière les mugissements de la pensée unique du global village de Big Brother. Histoire de savoir : le rendez-vous scientifique de Radio Campus. Chaque jour, (9H00 - 18H15) 45 minutes d'intelligence avec un invité qui fait l'actualité des sciences.

30

Descriptions extraites du site de Radio Campus

Radio Campus reflète la diversité des cultures présentes dans notre capitale puisque son objectif principal depuis ses débuts est de faire un large écho aux nouvelles formes d'expressions alternatives et aux cultures émergentes mais aussi de donner la parole à sa population, et plus particulièrement à des communautés minoritaires qui n'ont habituellement pas la possibilité de s'exprimer dans les médias. Une double logique sous-tend son mode de programmation. La première veut que n'importe qui puisse soumettre un projet d'émission au responsable de programmation. Si le projet correspond aux objectifs poursuivis par la radio, il est accepté et inséré dans la grille. Les personnes portant leurs projets les gèrent de manière relativement autonome et travaillent bénévolement. La deuxième logique en œuvre répond à un souci de coordination d'antenne. La radio étant un média d'habitude, on veut faire en sorte que tous les jours à la même heure, le même type d'émission soit proposé pour que l'auditeur

puisse s'y retrouver en terme de style. La diversité des contenus de Radio Campus l'oblige à gérer une grille mosaïque fonctionnant sur base hebdomadaire, qu'il lui est parfois difficile d'ajuster pour installer chez ses auditeurs une logique d'habitude sur un mode quotidien, comme c'est le cas sur les autres radios. Les limites à la liberté d'expression imposées sur les ondes de Radio Campus sont celles que les animateurs se posent déontologiquement. Le contrôle sur chaque émission se fait a priori sur base des dossiers et le projet est ensuite évalué par rapport à ce qui a été annoncé au départ. La liberté de parole est donc énorme sur les ondes de Campus et selon son président Bernard Dubuisson, celle-ci est reconnue et plébiscitée par ses auditeurs, identifiés comme “curieux, culturellement ouverts à d'autres horizons et conscientisés”. Le pari que relève Radio Campus depuis 25 ans est de miser sur l'intelligence de ses auditeurs, d'attiser leur curiosité, tout en appliquant le libre examen au quotidien.

Dans la jungle de la bande FM Radio Campus est à la tête de la coordination des radios associatives qui tentent d'obtenir la reconnaissance d'un statut pour les radios non commerciales, c'est-àdire une reconnaissance sur base des contenus, et non pas à partir de considérations purement techniques qui profitent aux grands groupes de médias, comme c'est le cas depuis 1997. Sans un tel statut, leur

modèle de fonctionnement non-marchand est condamné à moyen terme. Grâce au soutien actif de l'ULB qui participe à son budget, finance des permanents et met des locaux à disposition, le financement de Radio Campus ne dépend ni de l'Etat, ni de la publicité. A ce titre, elle fait figure de privilégiée à côté d'autres radios telles que Radio Air Libre qui se débrouille

31


pour continuer de vivre. Radio Campus réclame que cette réalité soit prise en compte pour la préserver, la logique dominante actuellement étant celle d'une disparition progressive des radios indépendantes. “Le citoyen est prêt à se mobiliser pour la liberté de la presse, les projets d'éducation aux médias concernent la télévision ou Internet, par contre pour la radio, il n'y a pas grand-chose”, affirme Bernard Dubuisson. Garantir une certaine diversité sur la bande FM est pourtant un enjeu essentiel dans la mesure où les médias participent directement au fonctionnement de l'appareil démocratique. “On parle quand même de la radio dès qu'il y a émetteur coupé ou saisi, et à ce moment-là tout le monde se mobilise derrière la bannière de la liberté d'expression mais au quotidien, c'est un média très discret, même s'il est extrêmement répandu. C'est comme si la radio était le décor sonore de notre vie. Cependant, il reste l'un des seuls médias de masse encore capable de donner la parole au citoyen.”

La bande FM n'est pas extensible à l'infini comme l'est Internet, les places y sont limitées. Et pourtant, “la bande FM bruxelloise est une jungle qui s'est développée de façon complètement anarchique”, explique Bernard Dubuisson. Les responsables politiques censés limiter les ardeurs des puissants groupes médiatiques et assurer une certaine équité entre différents organismes qui ont accès aux ondes ont clairement failli à leur rôle de régulateur. “Il faut reconnaître que si les gros médias commerciaux ont pu se développer et imposer leur modèle, c'est grâce à la passivité du politique depuis dix ans”. Radio Campus attend donc depuis huit ans le nouveau plan de fréquence, espérant envers et contre tout obtenir une fréquence dégagée pour qu'enfin, cette radio de qualité puisse être écoutée par tous les bruxellois.

Olivia WELKE

Propos recueillis par Jamal EL MANSORI et Olivia WELKE

CARNET DE BORD

espace d'exposition et d'expression

Bruxelles Laïque, Soucieuse de proposer en permanence des espaces d'expression, Bruxelles Laïque accueille des expositions qui encouragent la construction de lieux de rencontres et de liberté par la découverte de créations artistiques. Depuis 2 ans, Bruxelles Laïque déploie avec enthousiasme, dans ses locaux du n°8 avenue de Stalingrad, un espace qui, au détour de productions les plus diverses, laisse libre cours à l'expression artistique. De ce lieu d'exposition, où les créations d'artistes témoignent de leur sensibilité, émerge un espace qui ne nous laisse jamais indifférent, éprouve nos propres sens et nous pousse ainsi également à venir nous exprimer. L'art d'où qu'il vienne, nous donne l'occasion de nous

exposer parfois sans parole et possède ce principe universel celui de nous émouvoir et de faire résonner ce qu'il y a d'humanité en nous. En déployant une fraction d'un espace d'expression et de culture publique nous tentons humblement de gêner et de déconcerter les entraves aux libertés. A travers ce lieu d'exposition, nous aspirons à ce que chacun puisse se frayer un chemin dans l'exploration des libertés dont nous consentons, parfois dans l'inconfort et l'incertitude, à devoir les gagner et à les assumer. Nous vous invitons et serions très heureux de découvrir et de partager avec vous la prochaine exposition de :

Redouane BENKACHOUR vernissage le 15 juin, à partir de 18h00 8, avenue de Stalingrad - 1000 Bruxelles L’artiste Rédouane BENKACHOUR est né à Oujda au Maroc en 1973. Enfant, il se recueillait dans le dessin et la peinture et après avoir achevé des études d'art au Maroc, il poursuivra ses études à Casablanca à l'école d'arts plastiques. Attiré par la nature, l'architecture et les tenues vestimentaires d'origine marocaine, ses toiles s'inspirent de thèmes exposant son identité orientale arrosée d'un vernis occidental. Artiste discret, Rédouane BENKACHOUR utilise des couleurs pastel tantôt chaudes, tantôt froides, pour effleurer les détails, une issue pour des émotions en équilibre.

32

CIRCONSPECTION - 2004 - expressionnisme peinture à l'huile sur toile - 130/110 cm

Une exposition à découvrir sans modération.

33


Amis de la Morale Laïque d'Anderlecht Du 27 mai au 3 juin Exposition des plus beaux dessins reçus à l'occasion de notre concours annuel destiné aux écoles primaires d'Anderlecht, sur le thème « L'éducation de la fille dans la société ». Lieu : Salle Eugène Baie, rue du Chapelain 1 à Anderlecht. Ouvert tous les jours (sauf dimanche). Entrée gratuite. RReennsseeiiggnneem me en nttss :: 0 02 2/ /5 52 22 22 20 05 57 7o ou u aam mllaa@ @b be ellg gaacco om m..n ne ett

Amis de la Morale Laïque d'Evere Samedi 21 mai à 9h00 Visite guidée de la Grande mosquée de Bruxelles. RDV à la Grande mosquée, située près du Parc du Cinquantenaire. RReennsseeiiggnneem me en nttss e ett ii n nssccrriip pttiio on nss aau upprrèèss ddee M Mm mee DDuucchhaaiinnee :: 0022// 772266 7711 3366 oouu 00449955//2211 6655 8899 oouu aam mlle evve erre e@ @b be ellg gaacco om m..nneett

L'Associatif Financier, en partenariat avec la Fédération Européenne de l'Actionnariat Salarié Les jeudi et vendredi 16 et 17 juin. Conférence européenne : “Cinquième rencontre européenne de l'actionnariat salarié”. Lieu : Grand auditorium de la Banque Nationale de Belgique, Rue Marché aux Herbes Potagères 61 à 1000 Bruxelles. PP..AA..FF.. :: 115500 eeuurrooss.. RReennsseeiiggnneem me en nttss :: 0 02 2/ /2 24 42 26 64 43 30 0o ou um maarrccm maatth hiie eu u@ @m maarrccm maatth hiie eu u..b be e

Laïcité Etterbeek Samedi 4 juin à 10h Visite de l'exposition “Made in Belgium”. Lieu : rue de l'Ecuyer 50 à 1000 Bruxelles PP..AA.. FF :: 1100 eeuurrooss (( aavveecc aauuddiioogguuiiddee)) RReennsseeiiggnneem me en nttss e ett ii n nssccrriip pttiio on nss aau up prrè èss d de eG Gu uyy CC o ou ucch he e :: 0 04 49 99 9/ /3 37 74 41 16 61 1 oouu iinnffoo@ @ll aaiicciitte e--e etttte errb be ee ekk.. b be e

Laïcité et Humanisme en Afrique Centrale ( LHAC ) en collaboration avec le Centre Régional du Libre Examen Vendredi 3 juin de 9h30 à 15h30 Colloque : “L'éducation et l'enseignement en Afrique centrale : analyses et perspectives”. Lieu : salle Dupréel à l'ULB DDrrooiitt dd''eennttrrééee :: 88 eeuurrooss (( rréédduuccttiioonnss ppoouurr VVIIPPOO eett ééttuuddiiaannttss )) .. Vendredi 3 juin à 16h Conférence : “Relations Europe-Afrique” avec Monsieur Louis Michel commissaire européen au développement et l'aide humanitaire. Lieu : salle Dupréel à l'ULB A la suite de ces deux événements, un divertissement musical sera proposé ainsi qu'un verre de l'amitié. Le prix de la soirée est de 8 Euros mais les personnes qui ont payé pour le colloque pourront assister à la soirée gratuitement. Renseignements et inscriptions : 02/ 289 69 17 ou 0484/ 131 229 ou c.mwape@laicite.be


Laïcité Woluwé-Saint-Lambert Samedi 18 juin de 11h à 18h30 Excursion culturelle à Grimbergen. Visite du MOT (Musée des Techniques Anciennes). Lieu : départ en minibus à 11h, au pied de la tour de la Maison communale, avenue Paul Hymans 2 à 1200 Woluwé-Saint-Lambert. PP..AA..FF :: 2266,, 5500 eeuurrooss ppaarr ppeerrssoonnnnee (( ttrraannssppoorrtt,, ppeettiittee rreessttaauurraattiioonn (( bbooii ssssoonnss nnoonn ccoom mp prriisse ess)) e ett eennttrrééee aauuxx 33 m mu ussé ée ess)) Dimanche 24 juillet à 10h30 4ème tournoi amical de pétanque, “Challenge Pierre Vanderwaeren” Lieu : terrain situé avenue du Capricorne, entre les nos 85 et 103, à 1200 Woluwé-SaintLambert. PP..AA..FF :: 22,,5500 eeuurrooss ppaarr ppeerrssoonnnnee RReennsseeiiggnneem me en nttss e ett iin nssccrriip pttiio on nss :: 0 02 2/ /7 77 70 04 47 73 32 2o ou u0 04 47 77 7/ /6 60 07 78 81 16 6 Dimanche 24 juillet à 13h30 Repas estival : barbecue faisant suite au 4ème tournoi de pétanque, à l'intention des boulistes et non-boulistes. Lieu : Maison laïque de Woluwé-Saint-Lambert, avenue du Couronnement 67 à 1200 Woluwé-Saint-Lambert. PP..AA..FF :: 1100 eeuurrooss ppaarr ppeerrssoonnnnee (( bbooiissssoonnss nnoonn ccoom mp prriisse ess)) RReennsseeiiggnneem me en nttss e ett iin nssccrriip pttiio on nss :: 0 02 2/ /7 77 70 04 47 73 32 2o ou u0 04 47 77 7/ /6 60 07 788 1166

Maison de la laïcité Lucia de Brouckère Lundi 13 juin à 19h30 “Police : au-delà de l'uniforme”, conférence-débat par Cécile Vandevandel, commissaire de police. Mercredi 22 juin à 18h00 “Dimension de l'éclatement familial en Belgique”, conférence-débat par Kérim Maamer, politologue, responsable du Centre d'étude des droits parentaux. Lieu : Maison de la laïcité Lucia de Brouckère, rue de la Croix de Fer 60 à 1000 Bruxelles. RReennsseeiiggnneem me en nttss e ett iin nssccrriip pttiio on nss :: 0 02 2/ /2 22 23 34 46 61 13 3o ou um maaiisso on nllaaiiq qu ue eb bxx ll@ @h ho ottm maaiill..cco om m

Service Laïque d'Aide aux Personnes - Régionale de Bruxelles Mardi 31 mai de 19 à 21 h Conférence : “Les conseillers laïques, timides précurseurs”, par Marc Mayer, Coordonnateur de la licence en Assistance morale laïque (Ecole de Santé Publique de l'ULB), auteur de Les laïcités en francophonies (Labor). Lieu : Bruxelles laïque, avenue de Stalingrad 18-20 à 1000 Bruxelles. EEnnttrrééee ggrraattuuiittee.. RReennsseeiiggnneem me en nttss e ett iin nssccrriip pttiio on nss :: 0 02 2/ /2 28 89 96 69 93 32 2o ou u0 04 47 79 9/ /4 41 13 31 16 61 1 oouu aallvvnn.. ssll pp..bbxxll@ @ llaaii ccii tte e.. b be e

Cette convention s'inscrit dans la concrétisation de l'objectif général du CAL de disposer d'une école publique favorisant une démarche citoyenne, respectant les diversités culturelles et philosophiques. Une approche volontairement positive et constructive sera privilégiée visant à donner du sens à la formation et à l'éducation proposées par l'école. Les réflexions seront centrées sur la mise en œuvre des valeurs laïques. A l'issue de ces travaux, nous souhaitons disposer d'éléments concrets permettant d'inscrire les processus d'enseignement et d'éducation dans le cadre d'une démarche libre exaministe. Date Le 15 octobre 2005

Lieu ULB : bâtiments U du Campus du Solbosch

Programme de la journée En plénière - 9h30 à 10h00 : introduction par Philippe Grollet, président du Centre d'Action Laïque - 10h00 à 10h30 : l'école au regard des universaux laïques : Jean-Philippe Cornelis, membre du Cercle Condorcet du Brabant wallon - 10h30 à 11h00 : regard sur la pratique du libre examen à l'école dans l'approche pédagogique : Pol Dupont, professeur à la Faculté des Sciences de l'éducation à l'Université de Mons-Hainaut - 11h00 à 11h30 : pause Travail en atelier : 11h30 à 16h15 16h15 : verre de l'amitié Les ateliers 1. Compétences : apprentissage de la pensée libre 2. La famille, l'école et la vie associative. 3. Cultures d'écoles : dans la diversité 4. Ecole et inégalités sociales 5. Quelle organisation pour des projets d'école réussis ? 6. Décret mission et projet d'établissement 7. Les décrets neutralité et le libre examen 8. La démocratie à l'école 9. L'identité de l'enseignant : Métier, statut et parcours professionnel 10. Formation tout au long de la vie : un instrument d'émancipation ou d'adaptation ? 11. Compétences : vision économique 12. L'école, l'Europe et l'OMC : quelle place pour le service public ?

Le contenu des ateliers ainsi que les personnes-ressources et les animateurs de ceux-ci sont disponibles sur le site www.laicite.be et au secrétariat du Centre d'Action Laïque La convention est ouverte à tous les laïques qu'ils soient ou non membres d'une association laïque. Elle est un lieu de communication directe entre les laïques, un lieu de réflexion, de participation aux débats et d'échanges. Elle permet de dégager des préoccupations synthétisées sous forme de résolutions, de recommandations et de pistes de réflexion qui sont ultérieurement examinées par le conseil d'administration du CAL. Ces contributions sont donc centrales pour déterminer les orientations politiques de notre mouvement. Convention enfants admis

Nom ……………………… Prénom……………………… Fonction ………………………………………….. Association / Ecole………………………………………. Adresse : ……………………. CP ……………………… Ville ………………….. Téléphone …………………………. Courriel …………………..

INSCRIPTION

Mon choix principal d'atelier est : 1.………………………… Mes autres options sont : 2..………………………… 3..………………………… Je verse la somme de 8 euros au compte n° 001-0541564-89 avec la mention “convention 2005” Je serai accompagné de ….enfants âgé(s) de ………………. Inscription avant le 1er octobre : -par courrier ou par fax au 02/627.68.01 - en ligne www.laicite.be Pour toute information, vous pouvez contacter : Bernadette Schyns : 02/627.68.11 - E-mail : cal@ulb.ac.be


Bureau Administrateurs

Direction de rédaction

Comité

Présidente: Ariane HASSID Vice-Présidente: Pascale SCHEERS Vice-Président: Michel PETTIAUX Secrétaire: Francis DE COCK Trésorier: Jean-Antoine DE MUYLDER Philippe BOSSAERTS Sara CAPELLUTO Carmen CASTELLANO Michel DUPONCELLE Francis GODAUX Eliane PAULET Paul Henri PHILIPS Yvon PONCIN Johannes ROBYN

Fabrice VAN REYMENANT

Sophie LEONARD Ababacar N’DAW Olivia WELKE Cécile RASSINFOSSE Jamal EL MANSORI Ricardo LEONARD Jean-Marie LECOQ Hulya ERTORUN

GRAPHISME Cédric BENTZ & Jérôme BAUDET EDITEUR RESPONSABLE Ariane HASSID, Présidente de Bruxelles Laïque, 18-20 Av. de Stalingrad - 1000 Bruxelles ABONNEMENTS La revue est envoyée gratuitement aux membres de Bruxelles Laïque. Bruxelles Laïque vous propose une formule d’abonnement de soutien pour un montant minimum de 7€ par an à verser au compte : 068-2258764-49. Les articles signés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

une nuit pour la démocratie

Il était une Voix

Un ensemble de partenaires, associatifs et particuliers, ont travaillé, et travaillent encore, à l'organisation de l'événement : Il était une Voix - une nuit pour la démocratie. A l'initiative de La Fonderie, cette nuit, qui se tiendra entre le 24 et le 25 septembre 2005, se veut un lieu de rencontre, un lieu de partage d'expériences où le thème de la démocratie sera décliné de diverses façons : expositions, concerts, ateliers plastiques, outil multimédia, jeux, parcours guidés, animations pédagogiques,… La participation y sera le maître mot : le public n'y sera pas seulement spectateur mais bien acteur. En clôture de l'exposition En avant pour le suffrage universel, une histoire inachevée, l'événement s'illustre comme une mosaïque de thématiques, de disciplines et d'acteurs.

Il était une Voix - une nuit pour la démocratie quand : dans la nuit du 24 au 25 septembre 2005 où : la Fonderie rue Ransfort, 27 1080 Bruxelles Les partenaires du projet : La Fonderie, La maison de quartier des Quatre-Vents (Molenbeek), C.I.E.P. (M.O.C.), La maison de quartier La Goutte d'Huile (Molenbeek), La Ligue des Droits de l'Homme, PourEVA, la CNAPD, Marche à suivre, Démocratie ou barbarie, FIJ, le CBAI, PAC - Régionale de Bruxelles, Culture et Démocratie, Démocratie Plus, Oxfam Solidarité, La Rue, L'Ile aux singes, Bruxelles Laïque, Pro Vélo, De Vaartkapoen, le Programme Cohabitation d'Etterbeek, la FGTB de Bruxelles, le CFA et le MRAX. Tout renseignement complémentaire peut être obtenu à La Fonderie, au 02/413.11.83, à Bruxelles Laïque, ou bientôt sur le site http://www.lafonderie.be


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.