Sommaire Editorial ......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 3 L’Europe au risque de la démocratie. La critique libérale ........................................................................................................................................................................................................................... 6 Retour sur la démocratie.......................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 10 Les trompe-l’oeil de la lutte internationale contre les changements climatiques ........................................................................................................................................................... 15 Les traités sur l’investissement privé à l’étranger : contexte et enjeux sociopolitiques ........................................................................................................................................... 19 LIVRE-EXAMEN : Droit international et démocratie mondiale ............................................................................................................................................................................................................ 24 Le terrorisme international : un enjeu pour la constitution d’une justice mondiale ? .................................................................................................................................................. 26 LIVRE-EXAMEN : Les lobbies à l’assaut de l’Europe.................................................................................................................................................................................................................................... 30 EN MOUVEMENT : Pour la Solidarité ou le pouvoir des partenariats .......................................................................................................................................................................................... 32 L’Europe et les clandestins. Peur de l’Autre et construction d’une communauté politique européenne ................................................................................................. 34 Des solidarités à venir dont les migrants ouvrent la voie ........................................................................................................................................................................................................................ 38 Quel Avenir pour Bruxelles ?................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 42 Médias & Pouvoirs. La régression impériale......................................................................................................................................................................................................................................................... 46 PORTAIL : Les blogs...................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 52 LIVRE-EXAMEN : Les nouveaux mots du pouvoir : Abécédaire critique................................................................................................................................................................................... 54 AGENDA : échos laïques de vos activités bruxelloises .............................................................................................................................................................................................................................. 57
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EDITOrial
L’Etat de droit à l’épreuve de la gouvernance internationale
a mondialisation semble désormais un fait incontestable et un processus irréversible dans de nombreux domaines. Des enjeux qui, L hier encore, relevaient des politiques publiques nationales et des prérogatives de l’Etat souverain se discutent aujourd’hui au sein d’enceintes transnationales (telles que BP ou AXA), supranationales (UE), internationales (ONU) ou mondiales (OMC). Les premiers à avoir franchi les frontières nationales sont les flux monétaires. L’économie s’est mondialisée et la finance internationalisée à tel point que la liberté des investisseurs contourne, enjambe ou surplombe le droit et le pouvoir des Etats. Dans un autre registre, les variations climatiques et les catastrophes dites “naturelles” (mais dont les causes sont parfois humaines) ne connaissent pas non plus de frontières. Elles ne s’arrêtent pas à la bordure d’un pays. Ces problèmes ne peuvent donc pas être résolus par des mesures exclusivement nationales. Le terrorisme, lui aussi, a pris depuis un certain temps une dimension internationale. Outre les barrières que les Etats ont mis en place pour s’en protéger, la coopération policière internationale progresse à grand pas sur ce terrain. Celle-ci ne se mène pas sans dommages collatéraux : elle engendre des restrictions aux libertés qui ne touchent pas que les dangereux terroristes. Les migrants, par exemple, font les frais d’un contrôle et d’une suspicion accrus et font l’objet d’un amalgame entre immigration, menace et terrorisme. Les migrations internationales sont à leur tour traitées comme des “problèmes” mondiaux faisant de plus en plus l’objet de politiques concertées au niveau supranational. La construction européenne constitue un échelon de plus en plus important dans une telle internationalisation des politiques. Comment se crée une communauté politique supranationale ? Les Etats-nations se sont édifiés par un processus de double homogénéisation, de territoires et de populations qui, au Moyen Âge, étaient fragmentés. Cette unification passa, entre autre, par la différenciation et le démarquage de tout ce qui lui était étranger. Il semblerait que l’Union européenne tente de reproduire ce schéma. Non sans écueils. Cela nous ramène à nos préoccupations. Ce numéro de Bruxelles Laïque Echos relatif à l’internationalisation du pouvoir est aussi pour nous une occasion de revenir aux fondements de la démocratie. A quelle échelle peut se constituer une communauté politique au sein de laquelle les principes laïques, les droits et la dignité de chacun seraient effectifs et garantis ? C’est évidemment dans la dimension nationale que se sont forgés les principes aussi bien de l’Etat de droit que de la laïcité politique (séparation du temporel et du spirituel). C’est au sein de l’histoire sociale et politique des Etats-nations que les citoyens ont progressivement conquis une extension de leurs droits et de la démocratie. Ainsi, aux libertés fondamentales (de conscience, d’expression,…) et aux garanties de l’Etat de droit gagnées par les premiers libéraux, se sont ajoutés les droits sociaux et les redistributions de l’Etat social remportés par les mouvements sociaux. Dans quelle mesure ces principes fondamentaux et ces conquêtes démocratiques subsisteront-ils face aux bouleversements qu’entraîne la mondialisation ? Comment reposer et repenser la question de la démocratie à d’autres niveaux ou échelles de pouvoir ? Sans une puissance publique qui en est le garant, comment assurer une certaine hiérarchie des normes entre l’intérêt général et les intérêts particuliers, entre les principes universels et les enjeux contingents ? S’il existe des embryons de démocratie internationale – à
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l’ONU et à l’OIT notamment – on en connaît aussi les limites et le peu d’effectivité face à d’autres forces en présence. Dès lors, quels seront ou quels devraient être la place et le rôle des Etats ? Le débat est ouvert : l’Etat est-il toujours un acteur décisif et une garantie indispensable à maintenir dont il faut préserver les prérogatives ? Ne risque-t-on pas de le figer, d’en faire un dogme incapable de remise en question ? Ou bien a-t-il atteint les limites de son évolution et se trouve-t-il dès lors en voie d’extinction ? Il s’agirait alors d’entériner et d’anticiper sa désuétude pour évoluer vers d’autres structures d’organisation politique. L’alternative n’est peut-être pas aussi tranchée : ce modèle pourrait, sans être relégué aux oubliettes de l’histoire, se voir complété, enrichi et rénové par d’autres structures… Et ces autres structures : doivent-elles être plus locales afin de permettre une plus grande participation de tous ou plus globales afin d’être à la taille des enjeux ? Tout cela n’est pas simple, même pour nous, Bruxellois, qui vivons au cœur d’une telle complexité, d’un tel enchevêtrement des enjeux et interrogations, Bruxelles étant ville, région, capitale régionale, capitale nationale, capitale européenne, siège de l’Otan… Les contre-pouvoirs – médiatiques et associatifs par exemple – n’échappent pas à une telle évolution s’ils veulent demeurer à la hauteur d’un pouvoir qui s’internationalise et se complexifie. Ici aussi beaucoup de questions se posent. Ne serait-ce pas aussi pour échapper au face-à-face de la critique ou contestation locale que les prises de décision se sont envolées vers des sphères plus lointaines ? Vouloir rivaliser avec les multinationales dans la course à la mondialisation, n’amène-t-il pas certains contre-pouvoirs à se dévoyer, à perdre leur contenu ? Face à certaines dérives de la mondialisation, n’est-ce pas plutôt par un retour au local, au contact réel avec les humains et la terre, que prendra corps la résistance ? Autant d’interrogations qui ont animé, dans leurs champs de préoccupations respectifs, les différents auteurs de la présente publication. Un vaste questionnement qui demeure en chantier.
Ariane HASSID Présidente
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Débat démocratique Il n’y a pas de libre examen possible sans confrontation d’ idées. La laïcité politique suppose et préconise le débat. On sait aussi que l’humanisme laïque est revendiqué par les courants politiques progressistes libéraux et sociaux-démocrates (sans qu’il soit nécessaire de les assimiler à tel ou tel parti, à l’égard desquels notre association préserve son indépendance). Pour introduire ce dossier relatif aux principes démocratiques face à l’internationalisation du pouvoir, il nous a paru important de revenir sur les fondements de la démocratie tels qu’ils sont interprétés d’un côté comme de l’autre : exclusivement comme garantie au libre exercice des libertés ou comme nécessaire articulation entre liberté et égalité. Corinne Gobin, chercheure au FNRS et directrice du Groupe de recherche sur les acteurs internationaux et leurs discours (GRAID) à l’ULB, a bien voulu se livrer pour nous à ce “Retour sur la démocratie”. Pour l’autre sensibilité, les auteurs auxquels nous nous sommes adressés ne nous ont pas répondu ou ont décliné l’invitation (celle-ci reste ouverte). Nous nous sommes alors permis de vous proposer des extraits et compressions de l’article de Vincent Valentin : “L’Europe au risque de la démocratie. La critique libérale” (in Raisons politiques, no 10 –2003/2 : “Démocratie européenne”). Vincent Valentin est Maître de conférences en droit public à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris I). Il a récemment publié Les conceptions néolibérales du droit (Paris, Economica, 2002) auquel cet article se réfère. Son article nous a paru à la fois opérer un synthétique retour sur les fondements libéraux de l’Etat de droit et interroger leur transposition au niveau supranational. Par de nombreux points, il ouvre le débat avec le texte de Corinne Gobin qui essaie de démontrer que la démocratie ne se limite pas à un simple Etat de droit, son ambition étant beaucoup plus large et généreuse. Par souci d’équité autant que par contrainte technique, nous l’avons réduit à la même taille, ce qui le prive de ses nombreuses références et exemples (le texte originel est consultable auprès de la rédaction).
Mathieu BIETLOT Coordinateur sociopolitique
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L’Europe au risque de la
démocratie.
La critique libérale En ces temps d’élargissement de l’Union et de réflexion sur son avenir constitutionnel, la construction européenne offre l’intérêt de permettre un retour aux principes les plus essentiels de la philosophie politique et, particulièrement, de la démocratie. En quoi la construction européenne appelle-t-elle la démocratie ? Et quel type de démocratie, avec quelle finalité ? C’est la façon dont les libéraux reprennent ces questions que nous voudrions ici analyser.
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précisions sont toutefois Quelques nécessaires, tant le terme de ‘libéralisme” est aujourd’hui polysémique. Le libéralisme occupe une place à part dans la modernité, puisqu’il en est, à la fois, le fondement et l’une des interprétations. Il fonde ce qui est aujourd’hui le cadre général de l’organisation politique et juridique (démocratie et droits de l’homme), mais il est, en même temps, une lecture particulière des principes sur lesquels repose cette organisation. Être libéral aujourd’hui, c’est certainement être démocrate, mais c’est aussi plaider pour une réduction de l’intervention de l’État au profit du principe d’autorégulation. C’est donc défendre une conception particulière de la démocratie, indissociable d’un attachement premier à la liberté individuelle et à l’économie de marché. Démocratie (libéralisme politique) et marché (libéralisme économique) sont les deux lieux d’épanouissement et de protection de la liberté de l’individu, l’une dans la sphère publique, l’autre dans la sphère privée. Ils sont historiquement comme théoriquement liés et indissociables : la liberté ne se divise pas. Ces conceptions inspirent l’ensemble de la tradition libérale, de Locke à Hayek, en incluant les néolibéraux, à l’origine moins d’une rupture que d’un renouvellement du corpus classique, et en excluant les liberals. Hayek a renouvelé le libéralisme en réfléchissant aux fondements anthropologiques de la civilisation occidentale1. Selon lui, ce qui sépare libéraux et socialistes est d’ordre scientifique. L’erreur du constructivisme, dont il fait remonter la paternité à Descartes et qu’il situe à l’origine du
socialisme, consiste, selon lui, à attribuer la responsabilité et l’efficacité de l’ordre social à une volonté créatrice. L’idée que la société ne serait pas viable sans un contrôle et une direction permanents conduit à une intervention du pouvoir dans l’ensemble des activités sociales. Peu à peu, cette intervention détruit non seulement la spontanéité, qui selon Hayek est à l’origine du progrès, mais aussi la liberté, jugée incompatible avec une direction consciente de l’ordre social. De ce point de vue, la planification autoritaire et la social-démocratie sont de même nature. Elles reposent sur la même erreur anthropologique (l’homme a délibérément créé la société) et conduisent aux mêmes impasses (dégénérescence des institutions politiques et sociales, privation de liberté). La démocratie est l’un des piliers de la pensée libérale. Le libre choix des gouvernants, le consentement sur les règles de dévolution et d’exercice du pouvoir, le pluralisme des opinions, la reconnaissance de l’opposition sont inscrits au cœur du libéralisme. Néanmoins, si les libéraux considèrent qu’il n’y a pas de meilleur système que la démocratie, c’est seulement au nom d’une conception précise de celleci. S’il s’agit de considérer que la politique doit être fondée sur la volonté arbitraire de la majorité et que cette majorité fonde toute politique, les libéraux ne peuvent se dire démocrates. S’il s’agit d’étendre le pouvoir démocratiquement fondé à tous les aspects de la vie des individus, ils ne le sont pas non plus. En définitive, la démocratie ne concerne que le domaine de l’État à l’intérieur duquel elle est la seule organisation politique possible.
À quoi sert la démocratie ? Pour les libéraux, la démocratie n’est qu’une technique : elle est au service des droits naturels de l’individu, dont fait partie le droit de suffrage. Elle est subordonnée à la société civile qui, par le jeu des interactions, est le véritable lieu de production des règles de droit. Le marché, lieu d’épanouissement de l’autonomie, a sa propre légitimité, fermée au politique. La communauté des individus existe spontanément, se fait d’abord par des liens d’échange et invente ensuite la démocratie pour un besoin particulier : la désignation de ses chefs, d’emblée soumis au respect des valeurs en circulation. La démocratie n’est pas productrice, mais seulement conservatrice de droits. Elle n’est pas un facteur d’évolution mais de conservation sociale. Elle ne saurait donc être en soi le critère d’évaluation des phénomènes sociaux. Hors du champ politique, la démocratie est sans valeur et doit être combattue. D’une part, le pouvoir issu de la démocratie ne doit pas s’étendre à ce qui relève naturellement de la liberté individuelle, d’autre part, la méthode démocratique ne doit pas s’appliquer aux relations qui ne sont pas directement celles du citoyen à l’État (par exemple dans l’entreprise). Dans les deux cas, le risque est de dissoudre la sphère privée dans le collectif, d’aboutir à une situation où aucun échange n’échappe au contrôle de l’autorité démocratiquement mise en place. Pourquoi limiter la sphère d’influence de la démocratie ? Pourquoi ne pas admettre qu’elle puisse s’étendre à des domaines
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qui, sans viser le pouvoir politique, impliquent quand même des relations conflictuelles et engagent la collectivité ? La réponse se trouve dans l’analyse de l’État. Si l’immense majorité des libéraux compte sur l’État pour garantir l’autorégulation de la société civile, leur attitude est extrêmement critique à l’égard des justifications traditionnelles de l’État, perçues comme des constructions abstraites à vertu pédagogique ou, plus brutalement, comme des mensonges destinés à masquer que le roi est nu. Selon eux, l’État est d’abord le résultat d’un rapport de force, peu à peu enrobé de justifications tentant de faire accepter un monopole de la contrainte qu’il ne remet lui-même jamais en cause. Les théories du contrat social, de l’impôt volontaire ou le constitutionnalisme, pourtant si liées au libéralisme, ne peuvent effacer la nature profondément criminelle de l’État2. Par conséquent, loin de justifier l’État, la démocratie est pour les libéraux essentiellement un contre-pouvoir. Méthode de protection contre la tyrannie, elle ne saurait fonder un pouvoir de contrainte. La problématique centrale du libéralisme est moins la fondation que la limite de la loi. Le véritable pouvoir du peuple est plus dans son droit de résistance que dans la participation à la souveraineté. La décision à la majorité n’a pas de valeur en soi, c’est seulement la particularité des services fournis par l’État qui la justifie. C’est par défaut que le consommateur se fait citoyen, quand la logique coercitive de l’État fait taire la logique de l’échange propre au marché. La démocratie est utile dans la sphère politique seulement parce que les hommes de l’État ne sont pas soumis au contrôle que représente le régime de la concurrence. À
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l’inverse, le secteur privé, qui permet de se retirer de la coopération – chose impossible par nature dans la sphère publique : on est citoyen sans engagement préalable – n’a pas besoin de la démocratie. La vigilance des clients maintient la qualité du service. Ce qui oppose fondamentalement les libéraux aux sociaux-démocrates, c’est le poids accordé à la démocratie comme instance de création de droits. Pour les libéraux, les droits de l’individu ainsi que l’ordre spontané du marché précèdent, en droit en en fait, l’organisation politique. L’Europe libérale Deux aspects de la construction européenne satisfont globalement les libéraux, ses dimensions économique et juridique. Du point de vue même de certains libéraux, l’Union européenne réalise “le triomphe du libre-échange … un rêve fantastique, la remise au marché du pouvoir de décision économique”3. À travers la construction européenne, les États organisent leur impuissance ; faisant le choix de réduire leur capacité de régulation (privatisation, déréglementation), ils sont de moins en moins des lieux de décision de politique économique. Ils entérinent le retrait, depuis une vingtaine d’années, du keynésianisme. Le second aspect concerne la place du droit comme instrument de régulation. Malgré ses ambiguïtés, la juridicisation de l’action politique, incarnée par l’essor des autorités indépendantes de régulation, diminue la marge du volontarisme politique et produit un état du droit que la
politisation du processus d’intégration ne devrait pas remettre en cause. L’assujettissement de l’exécutif au droit est renforcé par la mise en place d’un “État de droit international”, qui réalise l’internationalisation du libéralisme politique4. La construction européenne, à travers la primauté du droit, la référence au marché et le dépassement des nationalismes, tend à ériger le droit communautaire en instrument de défense de la société contre l’État. Les retombées sur le droit interne ont une importance considérable : le contrôle de conformité des lois nationales a ainsi permis une profonde libéralisation du droit. Le droit communautaire est perçu comme le fondement d’une dépolitisation du droit et d’une désétatisation de la société. Au-delà du résultat, qui ne satisfait pas nécessairement les libéraux (en témoigne la reconnaissance des droits économiques et sociaux par la Charte européenne des droits fondamentaux), c’est le processus lui-même qui est donné comme vertueux. Se construit peu à peu une Europe du droit, fondée non pas sur le volontarisme politique mais sur une “citoyenneté juridique”, et trouvant son unité dans le droit civil. Reprenant un principe d’évolution cher à Hayek, on serait en présence de l’émergence d’un ordre européen du droit spontané. L’arbitraire des gouvernements serait ainsi empêché par la mise en place d’un nouvel espace juridique, sur le modèle du droit romain avant l’éclatement des codes nationalistes. Dans ce schéma, l’espace public repose davantage sur une communauté économique et juridique que politique.
Que peut apporter la démocratie à ces acquis que sont le marché et l’émergence d’un droit européen ? Comme processus d’élaboration de la règle, rien ; elle est hors de propos et constitue même une menace, puisque la démocratie est du ressort de la politique, et ne doit pas se mêler des domaines d’activité qui obéissent à une autre logique. Le marché obéit à la loi de la concurrence, selon un processus spontané et décentralisé qui échappe par nature à toute tentative de pilotage étatique. De la même façon, le droit a sa propre autonomie. Il ne s’agit pas de nier que le droit communautaire soit né d’une volonté politique, mais d’affirmer que les principes et valeurs de ce droit échappent aujourd’hui au contrôle par une instance politique. L’Europe du droit repose sur d’autres types de légitimation que le suffrage universel ou le parlementarisme ; elle n’appelle pas un gouvernement européen pour approfondir sa logique. Elle contourne la difficulté sur laquelle achoppent beaucoup de partisans d’une démocratie européenne, qui est de faire naître un peuple européen et un espace public suffisamment homogènes pour constituer un principe de souveraineté. L’humilité libérale permet d’envisager l’avenir avec plus d’optimisme, une “Europe gendarme” étant plus facile à mettre en place qu’une “Europe providence”. La dénonciation du déficit démocratique révèle l’incompréhension de la nature profonde du processus européen. Elle veut inverser le sens de l’intégration, qui se fait par le bas, par la concurrence et par le droit, pour la soumettre à une logique politique, par laquelle serait réintroduite la
prépondérance de l’exécutif. Évoquer la démocratie, dans un contexte interventionniste, c’est appeler à la prise en charge de l’intégration européenne par une autorité centrale. Les libéraux craignent que la démocratie prépare une vague d’interventionnisme européen, constitutif d’une éventuelle démocratie providence de même échelle, qui détruirait les acquis économiques et juridiques, non seulement de l’Union, mais de la civilisation européenne. Le thème central de la critique libérale de la construction européenne est sans doute celui de l’harmonisation, à laquelle elle oppose la concurrence des normes. Le droit doit-il être le résultat du choix de ceux qui l’utilisent (ses consommateurs) ou doit-il être imposé par une décision politique, selon des critères extérieurs à ce que serait une pure rationalité juridique ? La voie de l’“harmonisation”, qui finalement l’a emporté, consiste, pour une autorité centrale, à faire la législation. On ne laisse pas la norme émerger, on l’impose comme un phénomène de pouvoir. L’erreur fondamentale, soulignée par les libéraux, est de croire qu’il est nécessaire d’harmoniser les différences nationales avant même de les rapprocher, parce qu’on ne compte pas sur la capacité d’autorégulation du social pour structurer le nouvel espace européen. Elle repose sur l’ignorance des mécanismes fondamentaux du progrès et conduit à des solutions sans légitimité pratique ou morale.
comme le fruit des théories économiques libérales. Pour les libéraux, le principe d’une monnaie unique gérée par une banque centrale constitue un oubli supplémentaire des mécanismes réels de l’économie – c’est-à-dire des phénomènes d’échange. La monnaie, comme les règles de droit ou les biens de consommation, est susceptible d’être orientée vers la qualité par la concurrence. C’est donc le marché de la monnaie qui devrait désigner celle qui serait la plus apte à servir l’économie européenne, et non les décisions arbitraires et centralisées des autorités publiques. On voit qu’à rebours de beaucoup d’idées reçues, qui présentent la construction européenne comme le cheval de Troie de l’ultralibéralisme, celle-ci apparaît plutôt aux libéraux comme un obstacle à une véritable mondialisation, une tentative désespérée de maintenir une régulation d’origine publique dans un contexte de globalisation. Friedrich Hayek, La constitution de la liberté, Paris, Litec, 1994 ; Droit, législation et liberté, 3 t., Paris, PUF, 1980, 1982, 1983 ; La présomption fatale : les erreurs du socialisme, Paris, PUF, 1993. 2 Pour une version aussi synthétique que radicale de l’État comme organisation criminelle, cf. Lysander Spooner, Outrage à chefs d’État, trad. de l’angl. par Jeannie Carlier, Paris, Les Belles Lettres, 1990. Spooner est l’une des références privilégiées des libertariens et anarchocapitalistes contemporains, comme David Friedman, Vers une société sans État, Paris, Les Belles Lettres, 1992, et Murray Rothbard, L’éthique de la liberté, trad. de l’angl. par Fr. Guillaumat, Paris, Les Belles Lettres, 1991. 3 Victoria Curzon-Price, 1992 : la dernière chance pour l’Europe ?, Paris, Institut Euro 92, 1988, p. 8 et 58. 4 Cf. J. Chevallier, “La mondialisation de l’État de droit3, Mélanges Ardant, Paris, LGDJ, 1999. 1
Il faut aussi évoquer l’euro, illustration la plus achevée de mode de pensée interventionniste, pourtant souvent perçue
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Retour sur la
démocratie
Durant ces dernières décennies, de nombreux phénomènes ont fortement déstabilisé le contenu démocratique de nos systèmes politiques nationaux en Europe occidentale : internationalisation de l’économie, transfert de souveraineté des Etats nationaux vers des lieux de pouvoir peu soumis au contrôle démocratique (Union européenne, poids grandissant de l’expertise de l’OCDE, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international,…), rétrécissement des possibilités de politiques économi- Tant et si bien que les principes de base ques diversifiées au nom de la bonne gestion de la “crise”, montée des extrêmes droites, paupérisation et précarisation d’une part importante de la population salariée, montée des particularismes communautaires (entre autres religieux), renforcement des processus sécuritaires de l’Etat, notamment envers les sans-papiers, …
du fonctionnement démocratique semblent s’émousser dans les consciences des dirigeants politiques comme des citoyens. Tant et si bien qu’il a été possible pour les classes politiques dirigeantes, à l’aide des principaux médias, de diffuser à large échelle des transfigurations historiques étonnantes telle que la fable qui fait de l’économie de marché capitaliste une des conditions nécessaires à la démocratie. Il est dès lors important de revenir, par l’explication, sur des éléments moteurs de la dynamique démocratique afin que chacun de nous puisse assumer ses choix et comprenne mieux dans quelle pièce politique il joue.
Le conflit pour mieux réaliser l’égaliberté Quelle définition donner de la démocratie comme modèle réalisable ? Je reprends celle, à la fois précise et générale, que l’on peut tirer de l’œuvre de Cornélius Castoriadis, philosophe fondamental pour sa réflexion sur la démocratie. Il s’agit de l’autogouvernement de la communauté politique des citoyens libres et égaux. Cette définition claire insiste sur la notion d’autogouvernement, c’est-à-dire que c’est le peuple qui est souverain et que toute décision ne peut qu’être l’expression de cette souveraineté populaire. Ceci implique pour Castoriadis que les êtres humains soient conscients que toute institution (Etat, monnaie, religion,…) est le produit de l’activité humaine, et donc que ce que l’homme a fait, il peut le défaire, le modifier, l’améliorer, l’abandonner. La démocratie assume, ainsi, pleinement l’idée de l’être humain-fondateur/bâtisseur de société, qui jouit d’une extraordinaire liberté collective pour inventer et réinventer, ensemble et sans cesse, la signification du vivre ensemble. Par ailleurs, dans la pleine réalisation démocratique, les valeurs d’égalité et de liberté sont indissociables, elles sont impensables l’une sans l’autre, ce qui a amené le philosophe Etienne Balibar à créer le nouveau mot d’égaliberté. Le dernier terme de cette définition est la “communauté politique”. La démocratie, par essence, est une société politique, c’est-à-dire que l’essentiel de son activité est de débattre et d’organiser cette délibération collective de façon permanente. Elle est “communauté”, c’est-à-dire
qu’elle réunit l’ensemble des citoyens, sans distinction, autour de la définition commune de grandes valeurs et de grands principes de fonctionnement de la société qui peuvent être par exemple gravés dans une Constitution. Mais comme le fait remarquer le politologue canadien Boris Dewiel, il n’existe pas une valeur suprême à ces valeurs qui permettrait que celles-ci soient univoques. Dès lors, le pluralisme politique en tant que déclinaison plurielle de l’interprétation de ces valeurs communes est au cœur de la constitution démocratique. Il y aura autant de courants politiques que d’interprétations de ces grandes valeurs communes. Et il n’y aura pas de vérité finale… Ce qui implique que le conflit permanent est inhérent au système démocratique tout comme l’élaboration de compromis, certains stables, d’autres instables, découlant de la délibération collective. L’on dispute sans cesse dans les débats d’idées, et puis l’on tranche, momentanément. “Il n’y a pas de meilleur compromis possible entre les valeurs ultimes parce qu’il n’existe pas de valeur supérieure qui nous permette de mesurer et de juger. […]. Le mieux que nous puissions faire est de discuter à n’en plus finir.[…] Ce sont les conflits entre valeurs, comme les significations irréconciliables de la liberté, qui sont les moteurs de la politique en démocratie. La démocratie n’est pas une simple théorie ni un simple idéal ; c’est une dispute alimentée par un conflit d’idéaux. […] S’il existe un pluralisme des valeurs, la démocratie est un débat dont personne ne pourra jamais sortir vainqueur. Son enjeu réside dans un terrible conflit entre valeurs, semblable à une guerre civile au paradis. La démocratie n’est pas le
triomphe du bien commun, mais une guerre du bien contre le bien que personne ne pourra jamais remporter.”1 Mais grâce à la valeur centrale de l’égaliberté, la démocratie assume aussi profondément qu’une société se définit nécessairement par des liens étroits de solidarité, toujours à construire et reconstruire. L’être humain est un être social ou il n’est pas. On ne bénéficie pas de cette solidarité parce que l’on est “différent” ou “pauvre” ou “problématique”, c’est-à-dire hors norme mais parce que l’on est identifié en tant que citoyen comme un membre de la communauté humaine à protéger et aider, par l’établissement de solides droits sociaux collectifs et universels. Il n’est pas question de faire de la charité à des êtres perçus en état d’infériorité ou de manque. Il est question de droit, ce qui consacre chacun non comme demandeur de quelque chose mais comme producteur, reconnu, assumé, du travail permanent de la construction démocratique. Dès lors les droits à ressources sont centraux (salaire, sécurité sociale et protection sociale) et ne peuvent être bradés car ils nous consacrent bien comme les créateurs, par notre travail, non seulement de la richesse matérielle mais surtout de la société. Une société irrémédiablement politique Dans ce modèle, il n’y a pas de distinction entre société politique et société civile, cela n’a pas de sens. Chaque être humain est une parcelle de l’exercice du politique et le politique circule à travers l’ensemble des rapports sociaux car l’essentiel du travail démocratique est de définir le cadre légal de notre existence pour que la liberté
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des uns n’empêche pas celle des autres et n’entrave pas l’égalité. Castoriadis identifiait trois niveaux différents de la société, afin que l’on parvienne à réaliser un bon équilibre entre la nécessité de s’organiser collectivement et la nécessité de se réaliser individuellement : le publicpublic, lieu suprême de l’exercice du politique auquel tous doivent participer de façon directe ou indirecte, le public-privé, espace de la production de la somme de travail nécessaire à la production des besoins identifiés collectivement, le privéprivé, espace des relations affectives et des réalisations individuelles, notamment par le travail libre. Ainsi, l’espace productif fait bien partie du politique dans le sens que l’Autorité publique démocratique définit et contrôle les conditions de son exercice. La société n’est plus schizophrénique entre une sphère de pouvoir détenue par un groupe d’experts et/ou d’élus en relativement petit nombre, vécue comme un monde à part face à la sphère productive au sens large, en situation de méfiance de l’Etat perçu comme un corps étranger à réduire. L’existence d’un pouvoir centralisé est essentiel, il est de tradition de l’appeler “Etat”, et pourquoi pas ? Ce pouvoir centralisé est le garant, par l’arbitrage permanent, de la primauté de l’intérêt général collectif ; c’est le ciment qui permet que nous nous sentions d’abord un être de la communauté politique générale, avant de s’identifier à d’autres ordres de nature cette fois privée (et ne pouvant dès lors primer sur l’ordre public général).
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La mondialisation du pouvoir contre la démocratie L’histoire nous montre que de nombreuses formes d’Etats peuvent exister et certaines peu recommandables qui tournent le dos à la démocratie. Mais nous avions dans notre histoire proche, inventé un modèle étatique qui avait permis à l’Europe occidentale d’entamer réellement la marche vers une société d’égaux, l’Etat social de services publics, entre 1960 et 1975. C’est grâce aux structures institutionnelles et aux droits qui avaient été alors collectivement créés que l’espérance de vie dans nos pays fut accrue et que globalement, autant de personnes que jamais auparavant ont pu accéder à un partage beaucoup plus marqué des connaissances et des richesses. C’est parce que la forte redistribution des richesses opérée entre 1970 et 1975 par l’Etat et l’action syndicale nous montrait la voie d’une société moderne, une société d’égaux, où l’essentiel des richesses étaient socialisées dans l’activité publique et non plus détournée par la rente privée que ce modèle fut vilipendé, et brisé. Et nous sommes depuis lors plongés dans la voie libérale du libre profit qui déstructure les rapports sociaux et nous mène à vive allure vers le gouffre. Il est clair que le transfert de souveraineté politique des Etats nationaux vers des pouvoirs internationaux peu ou pas contrôlés démocratiquement (Union européenne, Banque mondiale, Organisation mondiale du Commerce,…) a représenté une démarche consciente des élites politiques et économiques pour casser la marche des peuples vers l’émancipation (l’imaginaire autogestionnaire notamment
était alors très puissant). Maintenant nous formons bon gré, mal gré en Europe une Union de 27 Etats et bientôt, nous arriverons à une petite trentaine. La fuite vers l’élargissement a servi à noyer l’idée de suffrage universel et de souveraineté populaire. Il semble en effet bien difficile de structurer la solidarité démocratique dans un ensemble aussi vaste. Mais comme il serait très déstabilisateur de revenir en arrière, il est de notre devoir de créer l’imagination nécessaire pour pouvoir penser une communauté politique démocratique dans un ensemble aussi vaste. Ce n’est d’ailleurs qu’un premier pas, la juriste Monique ChemillierGendreau nous propose de repenser le droit international pour inventer la démocratie mondiale2. Le frein à la démocratie : le refus de l’égalité Ce n’est pas tant en effet l’extension spatiale de la démocratie qui pose problème. Depuis que nous avons historiquement créé l’Etat-nation et accepté ainsi de dépasser déjà la notion de communauté liée aux seules relations de proximité affective, religieuse ou spatiale (communauté familiale, religieuse, villageoise,…) pour nous réaliser comme citoyen, c’est-à-dire comme être politique, au sein d’une vaste communauté politique assimilée au peuple ou à la nation, l’idée de la démocratie directe n’était plus concrètement réalisable. La représentation parlementaire est vraiment une superbe invention du moment qu’on donne la possibilité aux députés d’être les acteurs-clés de l’activité politique. Ce qui est de moins en moins le cas, tous les
parlements connaissant en Europe occidentale une perte massive de leur pouvoir législatif (les décisions se prennent de plus en plus non démocratiquement dans les sphères diplomatiques internationales) et une perte massive de leur pouvoir de contrôle sur le gouvernement (lois-cadres ou de pouvoirs spéciaux, diminution de pouvoir ou disparition d’une deuxième chambre,…). Par ailleurs, le suffrage universel d’abord masculin, ensuite féminin n’a pas conduit, ce qui aurait été logique, à un accroissement conséquent du nombre de parlementaires. Ceux-ci par ailleurs ne se consacrent pas entièrement à leur fonction, conservant pour la plupart leur ancienne activité professionnelle. Ce qui existe et a existé peut être vu comme une préhistoire du parlement : tout serait encore à inventer pour poursuivre l’approfondissement de la marche démocratique (double assemblée de 1000 représentants, désignation par tirage au sort pour des mandants à durée limitée, ce qui permettait à tous d’exercer cette haute fonction et de ne pas la rendre “professionalisée” ou “familiale”,…). Cette représentation parlementaire comme vecteur démocratique est une invention essentielle : elle crée un lien symbolique fort entre un mandataire collectif, le peuple, et un mandaté et par là même, légitime l’idée de la responsabilité directe de chaque personne qui exerce un pouvoir au nom d’autres. Mais c’est bien parce qu’elle pourrait devenir un vecteur extraordinaire d’une activité démocratique décuplée que les assemblées parlementaires furent et sont de plus en plus bridées. Aujourd’hui, il s’agit de les réinventer et non de les liquider ! Ainsi de très grandes assemblées organisées à des niveaux de pouvoir
distincts (internationaux, régionaux, nationaux, locaux) seraient à organiser comme un véritable système de maillage de l’expression du vivre ensemble où l’activité première de la société serait de délibérer. En effet, la loi de l’urgence est une loi antidémocratique. Ce ne sont pas les idées qui manquent pour approfondir la démocratie, les véritables freins ne sont ni l’imagination ni la dimension de l’espace politique à organiser (finalement, la Terre, maintenant que l’on en a bien fait le tour, et que l’on se rend compte de l’infinité du cosmos, n’est pas si grande que cela). Les véritables freins sont constitués par les idéologies antidémocratiques qui sont incapables d’accepter le sublime de cette révélation3 : nous sommes tous cousins ! Chacun de nous a une valeur égale, et les multiples divisions inventées au fil du temps n’ont jamais eu qu’une seule origine : le manque radical d’imagination d’une partie de l’humanité, qui par son incapacité à s’assumer comme part sociale de la même communauté politique, s’avilit dans l’exercice de la domination et de l’exploitation de ses semblables.
Boris Dewiel, La démocratie : histoire des idées, Les presses de l’Université Laval, 2005. 2 Monique Chemillier-Gendreau, Droit international et démocratie mondiale, Editions Textuel, Paris, 2002. 3 Notamment scientifique avec le développement du travail génétique qui invalide cette vieille idée absurde de races humaines distinctes. 1
Corinne GOBIN Politologue à l’ULB
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Les trompe-l’oeil de la lutte internationale contre les changements
climatiques L
’automne prochain, on commémorera le dixième anniversaire de la signature du Protocole de Kyoto (PK) qui vise à amorcer la concrétisation de l’objectif ultime de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adoptée à la Conférence de Rio de 1992. C’est sur la base de ce texte, signé dans l’ancienne capitale du Japon impérial, que sera posée la première pierre de ce long cheminement dont l’aboutissement devrait être la stabilisation des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre (GES) à un niveau qui soit compatible avec l’absence de perturbation grave du système climatique. Nous ne prendrions pas beaucoup de risques en supposant qu’à l’occasion de la célébration de cet anniversaire, de nombreuses voix se feront entendre pour déplorer les limites de ce dispositif âprement négocié :
modestie des engagements contractés, absence d’objectifs contraignants pour les pays considérés comme étant en développement et ce, quel que soit leur degré d’industrialisation, existence d’échappatoires… Dans un réflexe discursif quasi pavlovien, d’autres répondront qu’au-delà de ses lacunes, le Protocole de Kyoto incarne ce fameux “premier pas dans la bonne direction”, ce mouvement certes modeste mais célébré ad nauseam puisqu’il initie une évolution dont seuls quelques pétro-réactionnaires contestent encore la nécessité. L’enthousiasme affiché par une large part des élites politiques d’Europe occidentale, à l’égard du Protocole de Kyoto, repose notamment sur la conviction que, dans un contexte marqué par la globalisation de l’économie et l’imposition corrélative d’une logique essentiellement marchande et financière,
la mise sur pied, au niveau international, de dispositifs qui s’apparentent à des formes d’action publique, initie un rééquilibrage salutaire au profit du politique. En d’autres termes, ce serait par le biais de ces dispositifs internationaux d’action publique, que les peuples retrouveraient des moyens de s’auto-instituer, de maîtriser collectivement leur destin et de faire ainsi barrage aux effets délétères de la globalisation. Au risque de malmener l’image d’un régime international auquel on prête a priori bien des vertus, nous souhaitons questionner l’équivalence exposée ci-dessus, en montrant comment certaines dispositions du cadre international de lutte contre le réchauffement échappent à la possibilité d’un contrôle démocratique. Nous focaliserons notre attention sur un des mécanismes du Protocole de Kyoto :
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le Mécanisme pour un développement propre. Nous montrerons comment certains des dispositifs qui encadrent ce mécanisme peuvent être vecteurs, non pas d’une ré-appropriation par les peuples de la capacité à maîtriser leur destin, mais bien d’une confiscation de celle-ci par des instances qui évoluent en marge des procédures qui permettent l’exercice d’un contrôle démocratique. Le Protocole de Kyoto organise, au niveau international, une diminution des émissions de six gaz à effet de serre. Seuls les Etats visés à l’Annexe I, c’est-à-dire les pays industrialisés, ont souscrit à des engagements chiffrés de réduction de leurs émissions. Au cours de la période d’engagement qui court de 2008 à 2012, ils devront maîtriser leurs émissions de sorte que l’ensemble des émissions des pays industrialisés baisse de 5 % par rapport aux niveaux de 1990. Pour atteindre les objectifs de réduction ou de limitation de leurs émissions de GES, les Etats industrialisés qui sont parties au Traité peuvent soit adopter des mesures domestiques, soit recourir aux mécanismes de flexibilité prévus par le PK. Ces mécanismes sont au nombre de trois : l’“échange de droits d’émission” (i.e. les Etats disposant de certificats d’émission excédentaires les cèdent à des Etats souhaitant combler l’écart entre le quota d’émissions prévu par le PK et leurs émissions réelles), le “Mécanisme de mise en œuvre conjointe” (i.e. les Etats industrialisés qui sont parties au Traité peuvent réaliser conjointement des projets de réduction d’émissions), et le “Mécanisme pour un développement propre” (MDP). Ce dernier mécanisme permet à des Etats industriali-
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sés, ou à des entreprises ayant reçu l’autorisation du gouvernement d’un de ces Etats, d’obtenir des certificats de réduction d’émissions en échange du financement de projets de réduction d’émission dans les pays en voie de développement. Tel que présenté, ce dernier instrument permet de réduire le coût de réalisation de la lutte contre le réchauffement, tout en contribuant à l’institutionnalisation d’une forme de développement qualifiée de durable dans les pays qui ne sont pas repris sur la liste des pays industrialisés. Si le manque de recul historique interdit de formuler quelque conclusion que ce soit quant au bien-fondé de cette généreuse ambition, trois éléments nourrissent notre doute quant au caractère démocratique de cet instrument. L’impossible sanction. Dans sa forme moderne et représentative, la démocratie suppose la possibilité, pour le peuple souverain, de sanctionner l’action de ceux à qui il a provisoirement confié l’exercice du pouvoir. C’est à l’occasion d’élections qui bornent les périodes de délégation de l’exercice du pouvoir que le peuple peut faire usage de cette sanction. Un instrument comme le MDP ne peut donner lieu à la mise en branle de cette mécanique démocratique. En effet, les promoteurs d’un projet ne sont jamais confrontés au jugement de ceux qui bénéficient des retombées positives ou qui subissent les effets négatifs de ces projets. L’espace de mise en oeuvre des projets étant différent de celui où sont légitimées les politiques climatiques qui sont à l’origine du recours au MDP, le
MDP échappe pour l’essentiel aux mécanismes qui organisent une forme de contrôle des sociétés sur leur propre développement et sur les décisions politiques dont ils sont les destinataires. Il nous faut toutefois mentionner que le PK prévoit l’obligation pour les projets d’obtenir l’assentiment du gouvernement sur le territoire duquel il doit être mis en œuvre. De nombreux observateurs ont fait remarquer que l’absence d’institutions démocratiques dans la plupart des pays bénéficiaires des projets MDP, ainsi que l’appât de l’investissement, ont poussé bon nombre de gouvernements à transformer cette procédure d’approbation en simple ratification des projets présentés. En somme, le MDP permet aux Etats industrialisés de délocaliser, au moins pour partie, leur politique de lutte contre le réchauffement, sans que les populations concernées par les effets de ces mesures puissent les sanctionner. Ceci est d’autant plus dommageable que certains types de projet ont des répercussions sociales et/ou environnementales non négligeables : projets hydro-électriques de grande dimension, projets de plantation qui supposent l’acquisition de vastes surfaces de terres cultivables... La dissociation entre l’espace de production des effets des projets et l’espace de légitimation de ces projets tend à accentuer l’hétéronomisation des sociétés du Sud qui, sous couvert de lutte contre le réchauffement, voient des aspects fondamentaux de leur projet de société, devenir fonction de la volonté des Etats du Nord ou de leurs entreprises, de satisfaire à moindre coût aux impératifs de la lutte internationale contre le réchauffement.
Une évaluation réductionniste.
Un contrôle autoréférentiel.
Les effets négatifs de certains projets MDP amènent à soulever la question de la procédure de validation des projets et des critères mobilisés pour leur évaluation. Lorsque les modalités de mise en œuvre de ce mécanisme ont été négociées, les Etats soucieux de préserver l’intégrité environnementale du traité ont réussi à imposer une procédure de validation au cours de laquelle la contribution réelle des projets à la réduction des émissions doit être démontrée. Si ce souci d’objectivation des vertus écologiques des projets est à saluer, il est regrettable – mais significatif – que la procédure de leur évaluation se cantonne à mesurer leur contribution à la réduction des émissions. En filigrane de cette procédure, apparaît une représentation réductionniste du monde : tout se passe comme si un projet MDP ne consistait qu’en l’implantation d’une pompe à carbone dans un milieu inerte et que les effets des projets se limitaient aux concentrations atmosphériques des GES. Or, nous l’avons vu, ces projets peuvent générer d’importants effets sur la société hôte. Leur mise en oeuvre suppose des débats fondamentaux, qu’il s’agisse d’aménagement du territoire, de régime de propriété des terres cultivables, de mode de production d’énergie, de préservation de certains sites naturels, ou encore de maintien de la biodiversité. Réduire l’évaluation de ces projets à sa dimension la plus technique, c’est nier le caractère profondément politique de ces projets, c’est substituer au débat démocratique un examen essentiellement technique.
La procédure de validation des projets est dirigée par le Comité exécutif du MDP qui est une émanation de la Conférence des parties, qui est quant à elle un organe intergouvernemental classique. Dans cette procédure, l’évaluation des projets est concrètement menée par des firmes d’audits mandatées à cet effet et que l’on nomme “Entités opérationnelles désignées”(EOD). La délégation de missions de contrôle ou d’évaluation à des acteurs privés pose tout d’abord la question de la compatibilité entre, d’une part, la logique de maximisation du profit qui guide l’entreprise privée dans un système capitaliste et, d’autre part, l’impératif d’intégrité critique qui doit guider toute mission de vérification menée au nom de la puissance publique. En outre, une forme de pression fonctionnelle entoure le travail des EOD. Pour que le MDP rencontre un certain succès, il faut que les investisseurs suivent le mouvement. Or, l’on n’attire pas les investisseurs avec des procédures de contrôle draconiennes, a fortiori lorsque les coûts de réalisation des projets sont déjà si importants. Pour que la machine tourne, pour que le MDP et l’important dispositif bureaucratique qui l’entoure justifient leur existence, il est nécessaire que les projets rentrent, qu’ils soient accrédités. L’actualité récente a d’ailleurs montré que des doutes pouvaient être émis quant à la qualité de l’évaluation réalisée par les entités opérationnelles désignées1. D’un point de vue sociologique, la logique d’action qui tend à devenir dominante au sein du microcosme MDP, et qui fait la part belle à l’efficacité et au rendement, semble difficilement compatible avec la
logique démocratique qui suppose quant à elle la libre discussion des projets au regard de principes généraux considérés comme légitimes par la société concernée. D’un point de vue plus politique, un aspect essentiel de l’élaboration de projets qui affectent l’orientation de la vie collective des sociétés du Sud est confié à des instances qui échappent à tout contrôle démocratique. Dans de nombreux pays potentiellement bénéficiaires du MDP, un tel contrôle n’est pas possible en raison du caractère très peu démocratique de leur régime (pas d’élections ouvertes et régulières, exercice fortement contrarié des libertés d’expression et d’association…). L’obligation, pour les projets MDP, d’obtenir l’accord du gouvernement du territoire hôte, ne peut en aucun cas être assimilée à une forme de contrôle démocratique. Nonobstant quelques mesures supplétives telle une vague consultation des “parties prenantes”, aucun mécanisme international ne vient pallier ces carences domestiques. L’ensemble des opérations de validation des projets se déroule sous la supervision du Comité exécutif du MDP qui ne rend compte de ses activités qu’à un organe intergouvernemental, à savoir la Conférence des Parties. Tous les Etats de la planète seraient-ils démocratiques, qu’il serait néanmoins extrêmement délicat d’attribuer à ces instances, telles qu’elles fonctionnent actuellement, une légitimité démocratique en quelque sorte dérivée. L’étirement des liens entre décideurs et mandants propres à la démocratie représentative classique, ainsi que la démultiplication des instances de médiation qui interviennent dans ce rapport “décideurs-
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mandants », soustraient ces décisions et ceux qui les prennent du champ de la responsabilité politique. C’est au sein d’un appendice de la bureaucratie internationale voué à la lutte contre le changement climatique, véritable microcosme technicien, que s’apprécient les mérites et faiblesses des projets présentés dans le cadre du MDP. Rappelons que la démocratie suppose quant à elle que les décisions qui orientent la vie collective d’une société soient discutées au sein d’une instance qui reflète les sensibilités différentes et les intérêts multiples qui caractérisent cette société. Notre propos n’est pas de disqualifier le Protocole de Kyoto dans son ensemble et encore moins de contester la nécessité de construire une réponse politique à la question du réchauffement de la planète. Au regard de l’évolution des connaissances scientifiques telle que présentée notamment par les rapports du GIEC, la mise en œuvre, au niveau international, d’une politique ambitieuse de lutte contre le réchauffement apparaît désormais comme une exigence de survie. De manière plus générale, l’internationalisation de l’action publique manifeste dans une certaine mesure l’adaptation de la “géographie de l’agir politique” à la “géographie des problèmes”. Il nous semble néanmoins que dans cet effort d’élaboration de réponses politiques à l’échelle des problèmes à traiter, il faut veiller à ne pas omettre de conférer des prolongements institués à l’impératif démocratique. En faisant de l’international, le lieu de définition des instruments de l’action politique, et en confiant la mise en œuvre de ces instruments à des instances techniques
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fonctionnant de manière largement autonome, l’espace de production des décisions collectives s’éloigne des espaces de légitimation, qui eux demeurent essentiellement nationaux. Se crée ainsi un gouffre entre, d’une part, les procédures d’élaboration et de mise en oeuvre des décisions et, d’autre part, les procédures de légitimation. Dans ce contexte, le risque est grand que sous couvert de nécessité impérieuse d’internationaliser l’action publique, le droit des peuples à orienter librement leur destin soit placé sous le boisseau de nouvelles autorités, beaucoup plus internationalisées et technicisées que celles que l’humanité à connu jadis, mais dont l’efficacité pourrait bien être beaucoup plus redoutable.
Benjamin DENIS Politologue aux Facultés universitaires Saint-Louis (FUSL) Un récent rapport des Nations Unies met en doute la réalité d’à peu près 20% des réductions d’émissions au nom desquelles les certificats de réduction ont été émis. Le travail des firmes de surveillance - les EOD- semble particulièrement mis en cause. “Abuse and incompetence in climate fight”, The Guardian Weekly, 8 juin 2007.
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Les traités sur l’investissement privé à l’étranger :
contexte et enjeux sociopolitiques “ L’investissement international est le moteur de la mondialisation. Les flux d’investissement ont triplé en 10 ans et les stocks de capitaux étrangers représentent maintenant le double du PIB mondial. Les accords internationaux d’investissement, instruments de coopération pour la promotion, la protection et la libéralisation des investissements étrangers, sont en hausse depuis une dizaine d’années. Plus de 2300 accords bilatéraux d’investissement et environ 150 accords d’intégration économique et commerciale assortis de dispositions relatives à l’investissement ont été conclus. Quelque 60 accords supplémentaires sont en cours de négociation. L’architecture juridique des accords d’investissement a aussi considérablement évolué pendant cette période et le volume croissant de la jurisprudence pose de nouvelles questions d’interprétation et d’application aux pouvoirs publics et aux investisseurs, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.” Symposium organisé par le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements), L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) : Tirer le meilleur parti des accords sur l’investissement international : un objectif commun, OCDE, Paris, 12 décembre 2005.
Les accords bilatéraux d’encouragement et de protection des investissements À l’instar de la tentative avortée d’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), les accords bilatéraux de promotion et de protection des investissements (ABI) constituent les outils pratiques mis discrètement en oeuvre par le monde des affaires et les gouvernements pour compléter l’arsenal du régime international des investissements constitué des législations nationales (codes des investissements et législations libérales favorisant le secteur privé au détriment de l’action publique) et d’accords régionaux (ALENA, MERCOSUR, UE…) afin de permettre l’ouverture des marchés et une circulation mondiale des capitaux sans contrainte réglementaire, politique, sociale ou environnementale. Les ABI sont signés par deux Etats souverains qui offrent une protection mutuelle aux investissements faits par une personne (morale ou physique) d’un des deux Etats dans l’autre. Force est de constater l’accroissement impressionnant du nombre d’ABI
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conclus au cours des vingt dernières années, le nombre d’accords en vigueur étant estimé par la Banque Mondiale à quelque 2500.1 Il semble qu’une grande majorité des pays de la planète ont choisi ou ont été contraints de choisir de compléter leurs législations nationales avec des traités sur la promotion et la protection des investissements étrangers. À la fin de 1997 (derniers chiffres communiqués), 169 Etats (rappelons que les Nations Unies comptent 192 Etats membres) avaient conclu au moins un traité bilatéral sur l’investissement. La Belgique fait preuve de zèle en la matière, une septantaine d’ABI ayant été signés par l’Union économique belgoluxembourgeoise (UEBL).2 L’aspect bilatéral de ces négociations d’accord est battu en brèche d’une part, par la multiplication réticulaire de ces accords très semblables juridiquement et politiquement et, d’autre part, par les techniques de négociation mises en œuvre. En effet, le texte des ABI se base généralement sur un modèle rédigé dans les années 1980 à l’OCDE ce qui permet aux Etats occidentaux d’imposer au travers d’un certain vocabulaire un point de vue général, un cadre qui délimitera la discussion à leur avantage et ce avant même le début des négociations bilatérales. Sous couvert de donner des garanties aux pays exportateurs de capitaux en réponse à une demande en capitaux des pays “pauvres”, les ministres et hauts fonctionnaires occidentaux ont recours au vocabulaire des obligations mutuelles et réciproques pour masquer l’inégalité de fait de ces obligations. Les chefs d'Etat et de gouvernement
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réunis au Sommet du G-8 à Heiligendamm (Allemagne) du 6 au 8 juin (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie) ont d’ailleurs jugé que les examens des politiques d'investissement effectués par la CNUCED constituaient des “mécanismes précieux”. Aux termes de la Déclaration du Sommet : “Nous invitons la CNUCED et l'OCDE à inciter ensemble les pays industrialisés, les pays émergents et les pays en développement à établir de bonnes pratiques pour créer des conditions institutionnelles propices à l'augmentation de l'investissement étranger et au développement durable. Cet effort général devrait être étroitement lié à la douzième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, qui doit se tenir du 20 au 25 avril 2008 à Accra (Ghana).”3 La CNUCED a en effet établi des rounds multilatéraux de négociations bilatérales pour faciliter la conclusion d’accords d’investissement entre pays moins avancés (PMA) ou entre PMA et pays industrialisés. Ces négociations se tiennent non seulement au siège de la CNUCED à Genève mais aussi au Pérou, au Sri Lanka, au Japon ou à Bruxelles. Le bilatéral devient dans ce cas une sous-espèce du multilatéral. Un réseau d’une telle densité d’accords ne connaît pas d’autre équivalent que celui des accords bilatéraux pour éviter les doubles impositions. Comment dès lors expliquer le phénomène d’engouement frénétique pour de tels accords ? L’accord multilatéral sur l’investissement La première tentative de négociation pour établir un système mondial de protection
multilatérale des investissements qui garantirait la libre circulation des capitaux et assurerait la suprématie définitive de la société de marché date de 1976, déjà sous l’égide de l’OCDE. Elle se soldera par un échec à l’instar de la deuxième tentative, menée dans la plus grande discrétion à l’OCDE encore, qui sera abandonnée en 1998 sous la pression des ONG et des pays en voie de développement qui avaient été tenus à l’écart des négociations. L’objectif était la libéralisation définitive et irrévocable des investissements pris au sens le plus large, y compris par exemple ceux liés à la propriété intellectuelle. Les critiques portaient sur la subordination du droit international et national du travail, des politiques économiques nationales ou régionales de régulation, des préoccupations environnementales et culturelles tant nationales qu’internationales à la liberté de circulation des investissements. Le texte proposait aussi un système d’arbitrage des différends entre Etats et investisseurs tel que l’intérêt général que représente un Etat pouvait se trouver contré par l’intérêt particulier d’un quelconque investisseur. En quelque sorte, en érigeant la liberté de circulation des investissements comme règle absolue, c'est la souveraineté des Etats contractants qui tombait en quenouille. Des traités comme l'AMI instituent une limitation à la capacité de légiférer de manière interne sur un nombre de matières extrêmement large et autorise un investisseur étranger à en appeler à un arbitrage international contre une législation quelconque d'un Etat dont il considère qu'elle met en péril son investissement. Il s’agit d’une consécration radicale de l’exercice absolu du droit de propriété définitivement supérieur à tous les autres droits.4
Or, cet abandon de souveraineté au profit des marchés de capitaux a été négocié dans le secret d’une organisation internationale et signé par les gouvernements. Ce n’est qu’au moment où cet accord aurait dû obtenir l’approbation des parlements (ratification) que les opposants auraient enfin pu faire entendre leurs voix, trop tard.
La mobilisation contre le projet d’AMI a attiré l’attention des parlements et a permis que se tiennent des débats parlementaires dans un certain nombre de pays de l’Union européenne5, ainsi qu’au parlement européen qui vota une résolution le 11 mars 1998. De l'AMI aux accords bilatéraux On ne peut mieux le dire que M. Carlos Garcia Fernandez : les accords bilatéraux sur l’investissement sont là pour remplacer “en douceur”, discrètement, l’accord multilatéral qui a capoté en 1998 sous la pression des ONG.6 Les négociations menées à l’OMC depuis 2001 (cycle de Doha) pour aboutir à un
Accord général sur le commerce et les services reprennent ces objectifs mais ne concernent que les investissements liés au commerce et ne couvrent pas, notamment, le secteur des biens manufacturiers. Or, nombre d’ABI offrent des conditions d’entrée et d’établissement beaucoup plus larges, tous les secteurs de l’économie sont a priori concernés. Il n’est dès lors pas surprenant de voir se signer à titre subsidiaire à l’AMI un vaste réseau d’accords bilatéraux qui maillent le monde et construisent la base d’un futur AMI. Comme l’explique Mme Julie Raynal, parlant au nom de la DG Commerce de la Commission européenne à une table ronde sur l’investissement, le réseau d’ABI qui se constitue sera la force qui mènera d’une part à la conclusion d’un accord multilatéral de “consolidation, d’harmonisation”, et d’autre part, entraînera les Etats au-delà de ce que l’AMI (ou son substitut) pourrait proposer comme plate-forme commune.7 Les ABI reprennent les mécanismes d’arbitrage, le type de protection accordé, y compris la clause de la nation la plus favorisée, ainsi que la notion extrêmement large de l’investissement, tous points qui avaient suscité la critique des démocrates, des ONG et des syndicats. Ces critiques et inquiétudes ont d’ailleurs été relayées lors d’une réunion de la souscommission des droits de l’Homme de l’ONU : “Les traités bilatéraux de libre commerce et de protection et promotion des investissements, composants de la trame très dense des conventions économiques internationales qui ont pris le pas sur les instruments de base du droit national et international, produisent des effets des plus néfastes sur les droits des peuples. Ils octroient le “traitement le plus favorable” à
l'investisseur étranger quel qu'il soit, interdisent l'aide aux investisseurs nationaux, font fi de la protection de l'économie nationale (comme favoriser des matières premières locales dans l'industrie, etc.), s'ils ne la prohibent pas, et enfin facilitent le transfert à l'étranger des bénéfices.”8 Les organes législatifs européens offrent une image pour le moins confuse : leur refus de l’AMI se conjugue à l’approbation d’accords bilatéraux qui en sont l’ersatz et qui sont adoptés par des majorités larges si pas même à l’unanimité (c’est le cas en Belgique). Pourtant, il n’est pas assuré que tous les membres de ces assemblées admettent que le seul investissement privé (garanti contre tout risque social ou politique) soit le moteur unique du développement social. C’est pourtant ce que contient chaque projet d’AMI et chaque accord bilatéral ou régional de protection de l’investissement étranger.9 Cependant, depuis la discussion sur l’AMI, des voix s’élèvent régulièrement dans les assemblées pour demander que des clauses sociales et environnementales, explicites et contraignantes pour les parties contractantes, ainsi qu'une référence explicite au respect par celles-ci des droits de l'Homme, des droits syndicaux et des libertés fondamentales, soient systématiquement insérées dans ce type d’accord. Sans succès10. Le député fédéral Vincent Decroly (19952003) s’est particulièrement intéressé aux enjeux soulevés par les ABI en termes de transparence et de contrôle démocratique, l’automaticité de la procédure de ratification s’étant avérée jusqu’alors défavorable à tout débat parlementaire. Ses questions et interpellations, tant en commission qu’en séance plénière de la Chambre des
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représentants, ont ainsi permis d’attirer l’attention des élus, de militants syndicaux et associatifs, de chercheurs et de citoyens sur l’adéquation entre le mode d’association des parlements (en phase terminale et sans droit d’amendement) et l’importance des enjeux sous-jacents aux politiques transnationales en matière d’investissement (ou, plus largement, en matière de libéralisation des échanges). Force est cependant de constater l’accumulation de nombreux accords qui ne font aucune référence au droit international créé dans le système ONU, que ce soient les accords sur l’exploitation des mers, la réduction de CO2 ou le corpus des conventions de l’OIT.11 Souveraineté et légitimité La légitimité des lois internes des Etats trouve sa source dans la souveraineté que les Etats se sont vu reconnaître par les autres Etats lors de leur constitution à la suite du démembrement de l'Empire ou en conséquence des processus de “décolonisation”. La légitimité démocratique des législations et des institutions trouve son fondement dans l'attribution au peuple de la souveraineté, même si l'exercice de cette souveraineté est en réalité déléguée à des représentants. La constitution du système des NationsUnies visait à donner au droit international une légitimité similaire à celle que la reconnaissance mutuelle et la démocratie représentative conféraient au droit interne des nations démocratiques. L'Assemblée générale des Nations-Unies est ainsi composée d'Etats dont les droits sont égaux. Les conventions des NU visent en général à l'universel et ne sont pas fondées
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sur un modèle contractuel. Par ailleurs, au sein de ce système existe aussi un embryon de démocratie fonctionnelle puisque au sein de l'OIT, les représentants des travailleurs organisés, les représentants patronaux et les gouvernements œuvrent à une législation du travail universelle. Cependant, au sein de l'ONU, la représentation égalitaire en droit des Etats s'arrête à l'entrée du Conseil de sécurité, où certains membres sont à la fois permanents et disposent d'un droit de veto. Malgré ces énormes défauts, ce système paraît encore trop contraignant quand il s'agit de régler l'activité économique et spécialement l'exercice du droit de propriété sur les biens productifs de richesse. L'AMI, tout comme l'OMC et les conventions qui s'y négocient, se trouvent en dehors du système ONU. Les références aux acquis onusiens comme la reconnaissance des droits de l'Homme, les conventions sur le travail des enfants, le droit des puissances publiques à réglementer l'activité économique en fonction d'un projet général politique de bien-être collectif, etc. sont systématiquement ou inexistantes ou cantonnées dans les préambules sans portée immédiate sinon symbolique. Le recours à l'arbitrage en lieu et place du recours à un système judiciaire montre aussi que loin de constituer un système légal, ce qui se met en place à travers ces instruments est un système purement contractuel, dans lequel évidemment sous l'égalité des parties se cache le rapport de force. Le recours12 à un faisceau de conventions bilatérales de protection de l'investissement remplace donc assez efficacement l'AMI au sens où il ne comporte pas non plus ni référence aux conventions
onusiennes, ni recours à un système judiciaire international qui se met péniblement en place. Au contraire, le modèle OCDE de l’accord bilatéral qu’utilisent les pays européens et les Etats-Unis confère à des “tribunaux d’arbitrages internationaux”, dont certains délibèrent et arrêtent des sanctions dans le plus complet secret, le droit non seulement de contester des décisions judiciaires des pays concernés, mais même de juger du bon fonctionnement des pouvoirs judiciaires, car en matière d’investissement, la liberté et l’intérêt de l’investisseur étranger prime et sur le droit national. Le CIRDI dans son rapport annuel de 2006, signale d’ailleurs que le nombre d’affaires qui lui ont été soumises pour l’année 2006 atteint un niveau record (224 cas connus depuis sa création en 1966, dont les deuxtiers enregistrés depuis 2002). La CNUCED constate également la récente hausse du nombre de différends entre investisseurs et Etats : “Cette poussée est le signe que l´objectif des accords internationaux d´investissement, qui est de créer un climat favorable aux investissements, est atteint. Elle n´en suscite pas moins des préoccupations, ayant trait non seulement aux questions de fond et de procédure, mais aussi aux incidences monétaires et à la capacité technique limitée des pays en développement de régler ces différends”.13 Loin de se cantonner à la dénonciation et au fatalisme, certains analystes proposent toutefois des pistes de réflexion et d’action pour sortir de ce carcan, comme la possibilité pour les gouvernements d’invoquer la nullité des traités en se basant notamment sur la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.14
Conclusion Il est aujourd'hui évident que l'Etat national tel qu'il subsiste n'est pas le cadre optimal de la démocratie d'autant plus qu'il laisse s'échapper les outils de construction de la démocratie soit vers des ensembles politiques régionaux (UE, ALENA, etc.) soit directement en dehors de la sphère de la responsabilité politique (OMC, AMI, Organes d'arbitrage). La construction de l'ONU visait aussi à offrir une vitrine de la démocratie à l'occidentale face au système soviétique lorsqu'il représentait une voie possible d'organisation sociale. La chute du mur de Berlin a contribué à souligner l'inutilité de ce système pour l'expansion du libéralisme économique. La réflexion et l'action pour le dépassement des démocraties nationales vers une démocratie mondiale, que l'ONU avait cependant contribué à faire naître, sont délaissées au profit du partage de la richesse entre puissances économiques (c'est-à-dire les réseaux de finances et les multinationales) et au détriment de toute régulation politique. Malgré leurs déficiences, les parlements nationaux, le parlement européen, l'assemblée générale des Nations-Unies mais aussi les conseils nationaux du travail, les assemblées de l'OIT sont les organes desquels doit surgir une résistance à l'érosion du pouvoir de contrôle démocratique. Cependant une telle résistance ne peut surgir que s'ils sont à nouveau conçus comme des lieux de débats où s'exprime le conflit social et non comme des lieux de co-décisions consensualistes.
“La démocratie pacifiée que nous connaissons, avide de consensus, tente de liquider le rapport litigieux des parties. La démocratie réactivée réintroduit le litige et surtout fait en sorte que tous, sans exception, soient réintroduits dans le litige. Ce faisant, elle permet de distinguer le politique de la pure survie biologique. Mais surtout elle ramène la dignité de chacun conditionnée par la dignité de tous. L'enjeu de la démocratie réactivée est bien au centre de toute réflexion sur la pauvreté internationale. Et cette dernière ouvre la problématique du politique dans la société internationale.”15
Jean-Claude DEROUBAIX, sociologue & Michaël ROBERT, communication socio-politique
UNCTAD, The Entry into Force of Bilateral Investment Treaties (BITs), IIA Monitor n°3, United Nations, New York and Geneva, 2006, p. 2. 2 Pour la Belgique et le Luxembourg, il y a eu une accélération du nombre d’accords signés entre 1964 et 2000, principalement à partir des années nonante et surtout depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition arc-en ciel. Cette tendance est confirmée par la CNUCED qui, pour les années 2004 et 2005, classe notre pays dans le top 10 des signataires d’ABI. Voir UNCTAD, Developments in international investment agreements in 2005, IAA Monitor n°2, United Nations, New York and Geneva, 2006, pp. 2-3. 3 http://www.unctad.org/Templates/Page.asp?intItemID =4286&lang=2 4 Dans l'un de ces cas particulièrement sujets à controverse, la compagnie Ethyl, basée aux USA, a porté plainte contre le gouvernement canadien pour 250 millions de dollars Us de dommages et intérêts, prétextant une perte de bénéfice et de réputation suite à l'interdiction d'un additif pétrolier toxique. Un arrangement à l'amiable, à l'automne 1998, a forcé le gouvernement à verser à Ethyl 20 millions de dollars canadiens. Pour une analyse plus détaillée de l’AMI voir notamment Belén Balanya and co., Europe inc. Liaisons dangereuses entre institutions et milieux d’affaires européens, Observatoire de l’Europe industrielle, Agone éditeur, coll. Contre-feux, 2000. 5 Il est à cet égard intéressant de rappeler les propos de M. Maystadt à propos de l’AMI : “La Belgique peut se rallier au consensus qui se dessine sur les éléments constituant le corps 1
de texte […]. Pour nous, il n’y a pas grand-chose de nouveau. Il s’agit de reprendre sur le plan multilatéral le type de dispositions auxquelles nous souscrivons régulièrement et que nous avons acceptées dans les nombreux accords bilatéraux sur la promotion et la protection des investissements [ratifiés par le parlement belge]”. Annales parlementaires du Sénat de Belgique, 1-166, Séance du jeudi 19 février 1998. 6 Carlos Garcia-Fernandez, Directeur général au ministère de l’économie du Mexique, Chef de la délégation mexicaine aux négociations de l’OCDE sur l’AMI, exposé au Forum mondial sur l’investissement international de l’OCDE, Ciudad de Mexico, 26 et 27 novembre 2001. 7 Julie Raynal, “Bilateral Investment Treaties and a possible basic Multilateral framework on Investment: two independent stories or a mutually reinforcing process ?”, Roundtable on Bilateral Investment Treaties for the Protection and Promotion of Foreign Investment in South East Europe, Dubrovnik, Croatia, 28-29 may 2001. 8 Sous-commission des droits de l'Homme 2004, Point 4 : Droits économiques, sociaux et culturels. Déclaration conjointe CETIM et AAJ. Cote ONU : E/CN.4/Sub.2/2004/NGO/10. 9 Quelle est la “nationalité” d’un investissement fait par une société dont le siège est en Belgique ? Belge si l’on en croit les accords bilatéraux de l’UELB. Pourtant l’argent transnational n’a pas de nationalité, si ce n’est celle qu’il est opportun pour les détenteurs de capitaux de lui donner pour bénéficier de la protection des Etats. 10 Les sénateurs P. Mahoux et P. Jonckheer furent les premiers, dès 1998, à interroger les ministres successifs sur cette question. Josy Dubié a encore déposé une proposition en ce sens, le 26 janvier 2006. 11 Parfois pourtant, ces accords y font une référence dans leur préambule, mais la valeur de cette référence est toute relative, elle ne conditionne en rien le droit de l’investisseur. 12 Dans cette communication, nous nous sommes limités à montrer comment le refus public d’un instrument de libéralisation forcée amène des manœuvres de contournement visant au même objectif. L’ensemble de cette problématique mériterait d’être replacée aussi dans un cadre stratégique élargi. On verrait alors que les accords bilatéraux dont nous parlons s’inscrivent dans la droite ligne des disciplines que s’imposent les Etats de l’UE et les Etats-Unis dans un accord signé à Birmingham en mai 1998. Cf. Xavier Declercq, “l’AMI, l’accord de Birmingham, la loi Helms-Burton : la croisade des USA pour imposer l’intérêt des multinationales contre le droits des états partout dans le monde”, in L’année sociale 1998, éd. de l’Université libre de Bruxelles, 1999. 13 UNCTAD, Investor-state disputes arising from investment treaties : a review. UNCTAD series on International Investment Policies for development, 2006. 14 http://www.elcorreo.eu.org/article.php3 ?id_article=2451 15 Monique Chemillier-Gendreau, Droit international et démocratie mondiale. Les raisons d’un échec, Les éditions Textuelle, coll. La discorde, Paris, 2002, p. 104.
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et démocratie mondiale [Monique Chemillier-Gendreau • Les éditions Textuelle, coll. La discorde • Paris, 2002 • 270 pages] Pour présenter la problématique du droit international et de ses rapports avec la démocratie mondiale, il nous a semblé intéressant de reproduire le compte rendu de l’ouvrage de Monique Chemillier-Gendreau fait par le journaliste Christian de Brie, sous le titre Plaidoyer pour la loi internationale - La révolution par le droit, dans l’édition du Monde Diplomatique d’octobre 2002. voulez laisser un monde viva“V ous ble derrière vous ? Alors, entrez en résistance, passez vos nuits à essayer de comprendre et vos journées à organiser la lutte dans des réseaux planétaires où se construira la loi internationale du futur.” C’est depuis longtemps le parti pris par Monique Chemillier-Gendreau, juriste militante, parti pris fondé sur une analyse simple et clairvoyante. Avec la mondialisation capitaliste se forme
Image tiré du site : http://www.local.attac.org/paris19/article.php3?id_article=152
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une société mondiale. Mais c’est une société sans loi, soumise au pouvoir arbitraire du plus fort, faute d’un droit mondial effectif. Or il n’y a pas de société sans droit, donc pas d’avenir pour l’humanité sans le développement de mécanismes juridiques internationaux fondés sur les principes démocratiques. On est loin du compte. Pour de multiples raisons. Tout d’abord, si les relations internationales sont censées être guidées par les
principes de liberté (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) et d’égalité (entre tous les Etats membres), affichés par la Charte des Nations-Unies, les procédures autorisent les grandes puissances à s’en affranchir. Qu’il s’agisse, dans l’ordre politique et militaire, du droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité ou, dans l’ordre économique, du vote en fonction des quotes-parts financières à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. La séparation des pouvoirs n’est pas davantage garantie, les mêmes s’arrogeant le législatif et l’exécutif, tandis que le judiciaire (la Cour internationale de justice) est sans autorité contre ceux qui refusent sa juridiction ou l’exécution de ses arrêts. Ensuite, fondé historiquement sur la logique de la souveraineté des Etats, le droit international est un droit contractuel qui ne répond pas aux exigences de l’Etat de droit, fondé sur la loi. Il se révèle impuissant à garantir les droits et libertés des individus et des minorités nationales ou la protection de tout ce qui constitue le patrimoine commun de l’humanité, sans passer par le canal de l’Etat et de son bon vouloir à intégrer en droit interne des résolutions dénuées de caractère obligatoire. Enfin, la mondialisation a fait voler en éclats le cadre territorial et national du contrat social légitimant le pouvoir de l’Etat, désormais de moins en moins souverain. La crise du politique, devenue universelle, laisse proliférer les zones de non-droit, les activités hors la loi (mafias, trafics illicites, commerce frauduleux, corruption) et les cohortes déshumanisées des “sans” : sans-droits, sans-papiers, sans-travail, sans-abri. Avec, pour seule parade, le recours à l’action humanitaire,
substitut à un droit international indifférent au phénomène de la pauvreté et au principe d’égalité entre les peuples. Multipliant les exemples et analyses des dérives et des impasses auxquelles conduisent tant les logiques étatiques que le détournement du droit (en particulier dans les cas emblématiques de la Palestine et de l’embargo contre l’Irak), Monique Chemillier-Gendreau nous force à prendre conscience de nos responsabilités dans les violences et l’injustice du monde d’aujourd’hui, le chaos et la barbarie qu’elles annoncent pour demain, si nous laissons faire. Si la voie d’une démocratie internationale passe par la mutation de la souveraineté, des Etats aux peuples, elle impose prioritairement de repenser le politique, récit fondateur de l’unité sociale, de définir le bien commun universel et les moyens de le garantir autrement que dans ses aspects formels. Il faut faire la révolution. Une révolution par le droit, planétaire et tranquille. En faisant sien le propos cité de Jules Verne : “Tout ce qui s’est fait dans le monde s’est fait au nom d’espérances exagérées.” Christian DE BRIE journaliste
Source : Le Monde Diplomatique en ligne www.mondediplomatique.fr/2002/10/DE_BRIE/17018
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Le terrorisme international : un enjeu pour la construction d'une justice mondiale ? Evoquer la justice sous l’angle de son internationalisation ou de sa mondialisation mène le plus souvent à considérer ses avancées depuis la fin de la seconde guerre mondiale, lorsque fut mis sur pied le tribunal de Nuremberg. Il est vrai que depuis le début des années nonante, les développements en la matière ont été spectaculaires avec la création des Tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, ainsi que celle des juridictions mixtes pour le Sierra Leone, le Cambodge etc., mais surtout avec celle de la Cour pénale internationale. Même si ces instances ne sont vouées qu’à la répression des infractions les plus graves, et même si leur compétence ne s’exerce qu’à l’égard de certains conflits ou à l’égard des Etats en ayant accepté la juridiction, il n’en reste pas moins que ces développements témoignent de la volonté d’élaboration progressive d’un cadre pénal à l’échelle internationale. Ces avancées ne doivent cependant pas occulter les inquiétudes de ceux qui, depuis les lendemains du 11 septembre 2001, avertissent des risques de remise en cause des principes élémentaires de la justice pénale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Priorité absolue des stratégies de sécurité, le terrorisme n’en finit pas de défier les juristes – ceux qui peinent à lui trouver une définition (juridique) « internationale » (A), et ceux qui n’ont de cesse de dénoncer les dérives auxquelles conduit sa répression (B), les deux questions étant indissociables. © http://www.morguefile.com/archive/?display=166277& • by blary
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A. L’introuvable définition juridique du terrorisme Définir le terrorisme sur le plan international représente un véritable défi pour le droit1. Même s’il est vrai qu’à l’échelle régionale – notamment dans le cadre de l’Union européenne – une définition du terrorisme a vu le jour, tel n’est pas le cas à l’échelle internationale. A ce niveau, on remarquera que, depuis 1963, treize conventions dites sectorielles ont été signées par les Etats, parmi lesquels la Belgique, qui toutes répriment des actes constitutifs de terrorisme, tels les attentats à l’explosif, les prises d’otages, les attentats contre l’aviation civile, etc. L’enjeu demeure cependant l’élaboration d’une convention générale sur le terrorisme international censée compléter l’arsenal juridique disponible, en posant une définition autonome du terrorisme, et sur ce point les travaux initiés au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies en 1997 n’ont toujours pas trouvé d’épilogue. Preuve supplémentaire de cette difficulté, la conférence d’élaboration du Statut de la Cour pénale internationale a elle-même - après avoir examiné la question – préféré la reporter à plus tard afin de ne pas fragiliser la Cour à ses débuts. Il reste cependant que des actes de terrorisme constitutifs de crime de guerre, de crime contre l’humanité ou de crime de génocide – des crimes pour lesquels s’exerce la compétence de la Cour – devraient bel et bien pouvoir être poursuivis. Si l’exercice de définition juridique du terrorisme semble si périlleux, c’est notamment en raison du “juste milieux” à
trouver entre une définition qui, si elle est énoncée de façon trop étroite, privera l’infraction de tout effet utile, et qui, si elle est trop large, risquera immanquablement de porter atteinte à la sauvegarde des libertés individuelles. Préserver l’équilibre entre sécurité et liberté, voilà le mot d’ordre adressé aux rédacteurs d’une convention internationale sur le sujet. Cette mise en garde semble d’autant plus pertinente au regard des problèmes posés par les définitions insérées dans la décision-cadre de l’Union européenne, adoptée dans la foulée des attentats du 11 septembre, et ensuite inscrite par certains Etats, dont la Belgique, dans leurs droits nationaux respectifs. Dans le cadre des travaux européens, on retiendra que c’est essentiellement au regard de l’intention terroriste de son auteur, qu’un acte devra être considéré comme tombant sous le coup de l’infraction de terrorisme, et non plus sous le coup d’une infraction de droit commun. L’intention terroriste est considérée comme présente lorsque le but est de gravement intimider une population, de contraindre indûment des pouvoirs publics à accomplir un acte quelconque ou à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales (constitutionnelles, économiques, sociales) d’un pays ou d’une organisation internationale. La critique principale portée aux efforts de définition de l’infraction porte sur les contours relativement flous du “but terroriste” et sur la subjectivité qui entoure inévitablement cette appréciation. Les organisations alter-mondialistes ne fontelles pas le vœu d’un bouleversement des structures économiques et sociales, et
que dire des syndicats ou des ONG ? Indéniablement, définir le terrorisme à partir de l’intention de son auteur ouvre une interrogation corollaire, celle de la légitimité de la lutte menée. La question n’a pas échappé aux rédacteurs de la décision-cadre européenne qui ont tenu à préciser dans une déclaration jointe que “la lutte contre le terrorisme concerne les actes qui sont considérés par tous les Etats membres de l’UE comme des infractions graves à leur législation pénale commises par des individus dont les objectifs constituent une menace pour leur société démocratique respectueuse de l’état de droit et pour la civilisation sur laquelle ces sociétés sont fondées. […]On ne saurait, sur son fondement, faire valoir que le comportement de ceux qui ont agi dans le but de préserver ou de rétablir ces valeurs démocratiques, comme cela a notamment été le cas dans certains Etats membres durant la deuxième guerre mondiale, qui pourraient être aujourd’hui considérés comme ressortissant à des actes terroristes”2. On ne sera pas surpris dès lors que, dans le cadre des travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies, la définition du terrorisme achoppe sur le problème de sa conciliation avec le droit de résistance ou d’usage de la force armée face à l’occupation étrangère, et plus particulièrement dans le cadre du droit à l’auto-détermination du peuple palestinien consacré par la même Assemblée générale. Plus flagrante encore est la dérive lorsque l’on sait que l’incrimination du terrorisme s’accompagne de celle de l’appartenance à une organisation terroriste. En Belgique, l’application des législations anti-terroris-
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tes a montré dans l’affaire du DHKP-C que la distribution de tracts de l’organisation par certains de ses membres, sans qu’ils ne soient mêlés aux actes violents du DHKP-C, pouvait mener à une condamnation3. Ce sont ici les libertés fondamentales d’expression, de réunion, d’association ou de manifestation qui très clairement sont menacées lorsque l’appartenance à une organisation jugée terroriste devient un délit. Si l’élaboration de la définition de l’infraction terroriste reste source d’importantes difficultés à l’échelle universelle, il faut cependant constater qu’au fil des plans et stratégies de lutte contre le terrorisme s’élabore un cadre répressif dont l’une des caractéristiques est de déroger aux droits humains fondamentaux.
B. Les voies extrajudiciaires de la répression du terrorisme Comme le souligne le Secrétaire général des Nations Unies dans son rapport sur la lutte antiterroriste, “le respect et la défense des droits de l’homme – non seulement des personnes soupçonnées de terrorisme, mais également de celles qui en sont victimes ou en subissent les conséquences – est l’élément commun à tous les volets d’une stratégie antiterroriste efficace. Ce n’est qu’en honorant les droits de l’homme et en les renforçant que la communauté internationale réussira dans sa lutte contre ce fléau”4. La répression du terrorisme doit s’exercer dans le respect des droits de la personne – et en particulier du droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
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dans un délai raisonnable par un tribunal impartial et indépendant ; de l’interdiction de la torture ; de la liberté d’expression et d’information ; et du respect de la vie privée. Ce sont précisément ces droits fondamentaux qui sont menacés par le mode répressif instauré dans le cadre des Nations Unies, mais aussi de l’Union européenne – les listes terroristes. A la fin des années 1990, et en vue de lutter contre les talibans, les Etats membres du Conseil de sécurité ont adopté une résolution prescrivant à tous les Etats de procéder au gel des avoirs appartenant aux talibans ou contrôlés par eux. Cette disposition inaugurait un mécanisme de sanctions relativement original dans le cadre des Nations Unies, dans la mesure où il s’agit de sanctions individuelles décidées par les représentants des Etats membres siégeant au Conseil de sécurité. D’abord élaboré dans le but de contrer les talibans, le mécanisme a été étendu, en 2000, à Oussama ben Laden et Al Qaïda, et ensuite à d’autres organisations et individus. Concrètement, le Conseil de sécurité s’est doté d’un comité des sanctions (où siègent les représentants des Etats membres du Conseil de sécurité), celui-ci étant chargé d’élaborer des “listes” d’organisations et d’individus soupçonnés de terrorisme que devront ensuite sanctionner les Etats. Force est de constater que la décision d’inscription sur les listes revient aux représentants de l’exécutif des Etats membres, sans intervention du juge et donc sans que les informations qui sont à l’origine de l’inscription sur les listes ne présentent les garanties de fiabilité d’une
information judiciaire. Plus fondamentalement, de quel type de recours disposera un particulier dont les avoirs auront été gelés après avoir été inscrits sur ces listes de façon erronée, notamment en raison d’une homonymie ou d’une erreur de retranscription du registre national ? Aucun à vrai dire, si ce n’est le fait de tenter de convaincre les Etats présents au Conseil de sécurité de retirer un nom de la liste, laissant en définitive peu de place aux droits de la défense… La discussion n’a rien du cas d’école puisque, en Belgique, deux personnes – Monsieur Sayadi et Madame Vinck – ont vu leurs avoirs bloqués pendant plusieurs années car l’organisation dont ils étaient directeur et secrétaire (Fondation secours mondial) était liée à une organisation américaine inscrite sur la liste. Le gel des avoirs a été décrété sans qu’aucun tribunal ne se soit prononcé, sans que la présomption d’innocence n’ait été respectée, mais sur la base d’une décision politique et au terme d’une procédure secrète et opaque5. Au-delà de l’atteinte aux libertés fondamentales que représentent les listes terroristes, il faut constater que l’existence du mécanisme peut aussi contredire le principe des élections démocratiques et même poser un problème d’ordre plus strictement politique. Les questions suscitées par la participation du Hamas – une organisation placée sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne en 2003 - aux élections législatives palestiniennes de 2006, mais surtout par la victoire de ce mouvement, n’avaient manifestement pas ou peu été anticipées par l’Union européenne ensuite “obligée” de
ne plus verser son aide au gouvernement palestinien formé par le Hamas. Il est certain que dans ce cas, l’Union a été confrontée aux limites de sa politique : comment prôner la tenue d’élections libres et démocratiques tout en décidant, à Bruxelles, de qui peut ou ne peut pas gouverner ? Et c’est sans parler de la situation des diplomates présents sur le terrain, empêchés de s’adresser à l’un de leurs interlocuteurs et incapables, dès lors, d’exercer leur fonction. C’est d’ailleurs au nom de son rôle de médiateur neutre dans le processus de paix que la Norvège a rapidement décidé de ne plus s’aligner sur la liste européenne des organisations terroristes6.
cas de Guantanamo, emblématique d’une répression tantôt opaque tantôt “spectacle”, mais échappant toujours aux principes les plus essentiels d’une justice garante des droits fondamentaux. Quelle qualification juridique retenir pour les actes de terrorisme ? Comment et où juger leurs auteurs ? C’est à l’aune des réponses à ces questions que seront jugés les efforts de la communauté internationale en vue de l’élaboration d’une justice mondiale car, comme le soulignait Koffi Annan, toute stratégie de lutte contre le terrorisme qui compromet les droits de l’homme fera immanquablement le jeu des terroristes.
En définitive, et quelle que soit l’appréciation portée à l’efficacité des “listes” dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la mise sur pied d’une procédure juridictionnelle en matière d’inscription sur les listes fait encore défaut. Des pistes ont pourtant été avancées, notamment dans le cadre européen où l’on a suggéré la mise sur pied d’une cour pénale, ainsi que d’un procureur européen pour poursuivre les actes de terrorisme.
Par Laurence WEERTS Dr en science politique Administratrice de la Ligue des Droits de l’Homme
1 V. Anne Weyembergh, “L’impact du 11 septembre sur l’équilibre sécurité/liberté dans l’espace pénal européen”, in Emmanuelle Bribosia et Anne Weyembergh (éd.), La lutte contre le terrorisme et les droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 2002. 2 Conseil de l’Union européenne, Déclaration n° 109/02, doc. n°11532/02 annexe II page 19, jointe à la décisioncadre n° 2002/475 du Conseil de l’Union européenne qui fixe le droit commun en matière de lutte contre le terrorisme. 3 V. Comité de vigilance en matière de lutte contre le terrorisme (Comité T), Rapport 2006, disponible sur le site de la Ligue des droits de l’Homme : http://www.liguedh.be/medias/680_rapport_comteT_2006.p df. 4 Rapport du Secrétaire général des NU, S’unir contre le terrorisme : recommandations pour une stratégie antiterroriste mondiale, A/60/825, 27 avril 2006, §118. 5 V. Comité de vigilance en matière de lutte contre le terrorisme (Comité T), Rapport 2006, op. cit. 6 Royaume de Norvège, Ministère des affaires étrangères, communiqué de presse n°02/06, disponible sur http://odin.dep.no/ud/english/news/032201-070016/dokbn.html. V. également le rapport de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), Couler l’Etat palestinien, sanctionner son peuple : l'impact de l’asphyxie économique du Territoire palestinien occupé sur les droits de l’Homme, octobre 2006, disponible sur le site.
Comme l’ont souligné nombre d’observateurs, les dispositions adoptées pour lutter contre le terrorisme l’ont été dans l’urgence et sous le coup de l’émotion suscitée par les attentats, en particulier ceux du 11 septembre 2001. Les réponses apportées jusqu’à présent font l’objet de multiples critiques et toutes n’ont pas été abordées dans le cadre de cet article, notamment celles qui touchent au régime carcéral. Inutile en effet de revenir sur le
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LIVRE-EXAMEN
Les lobbies
à l’assaut de l’Europe
[Bernard Lecherbonnier • Éditions Albin Michel • Paris, 2007 • 183 pages]
Interroger le pouvoir en Europe passe de nos jours inévitablement par une réflexion sur le fonctionnement des institutions européennes en charge de la gestion d’aspects toujours plus nombreux de notre vie. L’influence avérée qu’exercent les lobbies sur les politiques européennes suscite de nombreux ouvrages et prises de position. Certains réclament une meilleure reconnaissance et une réglementation de ce qui est devenu une profession, d’autres dénoncent le danger qu’elle fait peser sur nos systèmes démocratiques.
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titre du L eLecherbonnier
livre de Bernard laisse évidemment deviner qu’il fait partie de cette seconde catégorie1. En introduisant son livre par un dialogue caricatural entre deux eurodéputés - sans préciser s’il est réel ou imaginaire - ce professeur d’université parisienne annonce en effet d’emblée la couleur. Le bref historique que nous brosse l’auteur montre que le lobbying européen a
différé, dès le début, de sa pratique anglosaxonne, mais sans vraiment en donner les raisons. Si les lobbyistes anglais cherchaient à concilier intérêts publics et privés, celui qui s’est imposé sur le vieux continent ne défendrait que les intérêts particuliers des grands groupes industriels. Quand sont passées en revue les méthodes employées par les lobbyistes, comparées à celles du mercenaire ou de l’espion, on croirait lire un roman noir. Les
principaux organes européens de décisions y sont décrits avec une image aussi peu flatteuse qu’un billard à trois bandes où “en fonction du dossier, le lobbyiste averti jouera la Commission, le Parlement ou le Conseil”. Bien que le manque de transparence dans la gestion des politiques européennes ne soit pas une révélation, peu d’affaires rapportées dans ce livre ont été relayées par les médias de masse comme cela avait été fait concernant la directive Reach2. Pourtant, on n’a que l’embarras du choix tant l’auteur multiplie les anecdotes de pratiques de type mafieux comme la subvention d’oliviers européens et de vaches corses imaginées par le contribuable européen ! Pour apporter plus de crédit à sa démarche, Bernard Lecherbonnier “balance” sans état d’âmes : des “officines” aux “parrains”, il nous livre par dizaines les noms des personnes et des entreprises, cabinets et autres clubs très privés avec le groupe Bilderberg et l’ERT (European Round Table) dans le rôle des parrains. Il n’oublie pas de souligner la passivité souvent complice des eurocrates impliqués dans les processus décisionnels. Sa critique de l’action des grandes ONG, “pataugeant dans les subventions” de la Commission européenne, et dont les dirigeants obnubilés par leur plan de carrière se déroutent de leur objectif initial de défense de l’intérêt général, déligitime leur prétention à défendre le bien commun auprès des institutions européennes. Le récit de la malheureuse évolution d’organisations telles que la Confédération
Européenne des Syndicats (CES), le Comité des Organisations Professionnelles agricoles (COPA) et le lobby européen des femmes dont les bases militantes ont disparu depuis bien longtemps en est une illustration. Au-delà du lobbying économique et financier, Lecherbonnier nous rappelle que le danger vient aussi du lobbying idéologique, notamment les pressions permanentes exercées par les lobbies religieux ou sectaires, du Vatican à la Scientologie, qui rencontre la résistance des fédérations européennes laïques. Quand il s’agit d’expliquer l’irrésistible montée en puissance des lobbies politicoéconomiques transnationaux, on regrette la simplification et une sorte de fatalisme dans les raisons avancées. L’auteur se demande si face aux nouvelles problématiques transfrontalières et supranationales, “les grandes organisations internationales étaient-elles, en dehors de leur légitimité institutionnelle, en mesure de faire valoir la moindre compétence opérationnelle ? Possédaient-elles un degré d’expertise suffisant ? Evidemment non. Aussi durentelles avoir recours aux acteurs du marché, aux détenteurs du savoir technologique et du pouvoir économique, en un mot aux industriels et aux marchands. Au niveau de l’UE, la Commission (…) n’aurait pu alimenter sa réflexion si la substance, les contenus, les méthodes, ne lui avaient pas été fournis par les acteurs privés”. Le fait que les dirigeants politiques s’entourent d’experts ou de conseillers a existé bien avant l’européanisation et la mondialisation, mais en quoi la haute technicité des problématiques les empêche-t-il, une fois l’expertise livrée, de prendre des déci-
sions qui aillent dans le sens de l’intérêt général ? N’est-ce pas à cette question qu’il aurait fallu répondre ? Si le style direct et le ton cynique choisis par l’auteur rendent l’ouvrage plutôt agréable à lire – et aident à faire passer la pilule ! – d’aucuns ne manqueront de lui reprocher le manque de nuance de son plaidoyer. Mais ne nous y trompons pas, ce livre est avant tout le “coup de gueule” d’un pro-européen déçu par une réalité institutionnelle, et qui veut faire réagir. On regrette qu’il n’apporte rien de nouveau, d’un point de vue analytique, par rapport aux autres études et livres qui ont déjà traité ce thème. Cela reste une bonne lecture pour une personne qui veut découvrir cette problématique, mais pas pour celui qui veut en apprendre davantage. Olivia WELKE communication socio-politique
1 Nous avions au départ prévu de présenter ici deux livres, un de chaque tendance, mais le prix dissuasif du second, Daniel Guéguen, Lobbying européen, Éditions Europolitique (collection GDE. Pratique), 2007, 140p. (50€) nous a fait changer d’avis. 2 REACH : Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals, directive concernant la régulation européenne des produits chimiques, où des centaines de produits figurant sur la liste initiale d’interdiction avaient finalement été autorisés à la production sous la pression des lobbies industriels, une pratique dénoncée a la télévision par quelques eurodéputés après le vote de la loi.
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EN MOUVEMENT
Pour la Solidarité ou le pouvoir des partenariats Pour ce numéro, nous avons choisi de vous présenter une (nouvelle) association membre de notre régionale qui dépasse le cadre national par ses visées européennes. Pour la Solidarité, se caractérise tout d’abord par sa forme : il s’agit d’un think tank, ce qui signifie littéralement “réservoir à idées”. Ce concept nous vient d’outre-Atlantique et s’est fortement développé à Bruxelles à partir de la fin des années 90 dans le giron des institutions européennes. Il désigne généralement des associations dont l’influence auprès des décideurs politiques européens se veut idéologique ou politique, et non commerciale.
Si les objectifs de Pour la Solidarité ne sont en effet pas commerciaux, ses champs d’action depuis sa création en 2003 n’en restent pas moins peu investis par les think tank traditionnels : ceux de la cohésion sociale et de la solidarité. Plus précisément, il s’agit de promouvoir un “modèle économique européen solidaire”et “des valeurs éthiques et démocratiques”1 . Pour atteindre ses objectifs, le travail de l’association consiste à mettre en relation les cinq types d’acteurs et de décideurs : ceux des entreprises, des pouvoirs publics, des syndicats, des associations de la société civile et des centres de recherche, à dessein de créer un réseau de compétences. Son président Denis Stokkink estime que les différents types de structures “restent trop souvent dans leur univers et ne s’enrichissent pas de l’expérience des autres. S’il y a bien un pouvoir qui n’est pas assez utilisé jusqu’à présent, c’est bien celui des partenariats”. Si ses projets sont aussi développés au niveau local ou national, la vocation de Pour la solidarité se veut avant tout européenne. Des séminaires, des colloques et des rencontres thématiques organisés par
l’équipe abordent des thèmes tels que la démocratie participative, la politique de la ville, l’économie sociale, la diversité ou l’inclusion sociale et se veulent directement utilisables par les décideurs économiques, sociaux et politiques à qui ils s’adressent. Des études socio-économiques sont aussi régulièrement réalisées et publiées. Une collection de “Cahiers de la solidarité” a d’ailleurs vu le jour en février dernier. Malgré l’absence d’un financement structurel, Pour la solidarité fonctionne actuellement avec six salariés. Reconnue comme organisation d’éducation permanente à titre provisoire, l’association décroche chaque année plusieurs subventions européennes et bénéficie aussi du soutien des pouvoirs publics français, espagnols, autrichiens, roumains… Jusqu’à présent, elle a développé des partenariats avec une quinzaine de pays européens, dont plusieurs d’Europe centrale, ce qui est remarquable quand on connaît la trop faible proportion de projets européens qui voient le jour en partenariat avec nos voisins de l’Est. Selon Denis Stokkink, les institutions européennes, contrairement aux gouvernements nationaux, cherchent l’avis des citoyens organisés, notamment à travers
les fameux livres verts et en tiennent compte. “La Commission européenne organise le financement structurel de réseaux, elle promeut et souhaite la représentation européenne d’intérêts citoyens”. S’il est vrai que la Commission européenne alloue directement à des projets d’ONG des centaines de millions d’euros chaque année, on peut rester sceptique quant à l’influence réelle des mouvements citoyens face aux moyens déployés par les lobbies commerciaux. Mais on ne peut nier la nécessité de créer davantage de liens entre les acteurs de différents pays et différents secteurs d’activités, notamment pour lutter contre le démantèlement de nos législations sociales. A cet égard, mieux qu’une pierre supplémentaire, Pour la Solidarité veut jouer le rôle de ciment dans la construction d’un édifice européen somme toute encore à consolider.
Olivia WELKE communication socio-politique
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Voir le site http://www.pourlasolidarite.be
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L’Europe
et les clandestins
Peur de l’Autre et construction d’une communauté politique européenne Pour beaucoup d’Européens, les mois d’été sont synonymes de vacances et de voyage. La grande transhumance estivale mène nombre d’entre eux vers les côtes de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Mais, dans le même temps, une autre transhumance, bien moins réjouissante celle-là, s’opère également. Elle conduit les migrants clandestins des rives de l’Afrique vers le continent européen. Les mois d’été correspondent à une période marquée par des conditions climatiques favorables permettant les traversées clandestines de l’Afrique vers l’Europe. Le voyage reste néanmoins périlleux. Chaque année, ce sont des centaines de candidats à l’exil qui perdent la vie sur le chemin de l’Europe.
34 E C H O S N ° 5 8 http://www.africamission-mafr.org/image4/clandestin_pirogue.JPG
Les morts aux frontières : la responsabilité des Européens engagée Le réseau UNITED, qui fédère plusieurs centaines d’associations engagées dans la lutte contre le racisme et la protection des droits des migrants, dresse annuellement une liste des victimes de l’immigration clandestine. S’appuyant sur les informations récoltées par ses membres, UNITED dénombre ainsi quelque 8 855 morts entre janvier 1993 et mars 20071. Le compte est macabre mais il est éloquent : noyades, disparitions en mer, asphyxies ou écrasements à bord de camions ou de containers, explosions dans les champs de mines à la frontière gréco-turque, hypothermies dans des soutes d’avions de ligne ou encore violences exercées par les services de sécurité des pays européens ou des pays de transit. Projetés sur une carte de l’Europe, ces chiffres donnent à voir une situation contrastée. Le bassin méditerranéen et les côtes espagnoles apparaissent particulièrement dangereux. Pour la période allant de novembre 2005 à juin 2006, l’Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía (APDHA), estime que près de trois mille migrants, essentiellement subsahariens, ont perdu la vie en tentant de rallier l’archipel des Canaries2. Bien que difficilement vérifiables ces chiffres sont confirmés par les autorités espagnoles. En mars 2006, un rapport confidentiel, attribué aux services de renseignement de la Guardia Civil et rendu public par la presse, évoque la mort de 1 200 à 1 600 migrants au large des Canaries pour la seule période de novembre à décembre 20053.
Ces morts aux frontières de l’Europe sont le reflet de l’extrême motivation des candidats à l’immigration clandestine. Ils témoignent de la force des motifs économiques ou politiques qui poussent les migrants à quitter leur pays et de l’attraction exercée par l’“eldorado” européen. Mais ce que révèlent également ces chiffres ce sont les effets pervers des politiques de lutte contre l’immigration clandestine. La crise humanitaire aux larges des côtes africaines ne s’explique en effet pas au premier chef par une évolution soudaine des conditions de vie en Afrique subsaharienne. Elle découle plutôt du renforcement des dispositifs de lutte contre les flux clandestins mis en place par les Etats européens. Le cas de la frontière sud de l’Espagne Le cas de la frontière sud de l’Espagne illustre bien cette intrication du renforcement des contrôles aux frontières et de l’augmentation du nombre de morts. Revenons quelques années en arrière. En 1999, l’Espagne fait face à une augmentation sensible du nombre de clandestins interceptés dans le détroit de Gibraltar. Selon la Guardia Civil, ces interceptions passent de 2 681 en 1999 à 12 281 en 20004. L’Espagne décide alors d’investir dans un système de surveillance électronique (S.I.V.E.) destiné à détecter et intercepter les bateaux de clandestins avant qu’ils n’atteignent les côtes de l’Andalousie. Mis en œuvre à partir de l’été 2002, ce dispositif s’appuie sur un système intégré de caméras vidéo haute définition (optiques et infrarouges), de radars mobiles et d’unités de patrouilleurs. Son déploiement va entraîner une diminution
très nette du nombre de passages clandestins dans le détroit. Confrontés à l’intensification des contrôles, les clandestins vont adopter une stratégie d’évitement consistant à accéder au territoire Schengen non plus par la mer mais par les enclaves de Ceuta et de Melilla, sur la côte Nord du Maroc. En 2004, 55 000 personnes ont ainsi tenté de franchir les grillages ceinturant les deux enclaves espagnoles. D’abord effectuées individuellement ou en petits groupes, ces tentatives s’organisent au cours de l’automne 2005. Elles prennent la forme d’actions collectives au cours desquelles des centaines de personnes tentent de franchir simultanément les clôtures à l’aide d’échelles de fortune. Ces “assauts” massifs se reproduisent à plusieurs reprises au cours des mois de septembre et d’octobre. Ils se soldent par la mort d’au moins onze personnes suite à divers accidents mais aussi à des tirs de balles en caoutchouc – tirs dont les autorités espagnoles et marocaines se rejetteront la responsabilité5. Devant ces phénomènes extrêmes, l’Espagne fait une nouvelle fois le choix du renforcement du contrôle des frontières. Les grillages de protection sont surélevés et des militaires sont chargés d’appuyer le travail de surveillance de la Guardia Civil. De manière prévisible, les migrants continueront cependant à tenter leur chance. Refoulés du détroit de Gibraltar et du Maroc, ils partiront désormais des côtes de la Mauritanie et du Sénégal vers les Canaries. Nous connaissons le bilan humain de ces entreprises.
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L’action de l’Union européenne ou pourquoi changer une formule qui perd ?
locale des mouvements migratoires illégaux, elle est par contre une aubaine pour les filières clandestines.
Face à l’ampleur des flux clandestins et compte tenu de leur implication à l’échelle régionale, l’Espagne mais aussi Malte, l’Italie et la Grèce ont fait valoir le principe de solidarité communautaire pour solliciter l’intervention de l’UE. L’Union organise ainsi depuis l’année dernière des opérations conjointes de patrouille en Méditerranée et dans l’Atlantique. S’appuyant sur la nouvelle Agence pour la gestion des frontières extérieures (Frontex), ces opérations reproduisent à l’échelle européenne la logique sous-tendant la stratégie de Madrid dans le détroit de Gibraltar. Derrière l’argumentaire humanitaire du sauvetage des clandestins perdus en mer, l’objectif reste le même. Il s’agit d’endiguer les “vagues” d’illégaux qui “submergent” l’Europe en mobilisant des moyens navals et aériens de détection et d’interception.
Le renforcement des contrôles force les migrants à recourir aux passeurs pour organiser leur voyage vers l’un des Etats membres de l’Union. Le trafic de migrants est désormais aussi lucratif que le trafic de drogue, tout en étant nettement moins dangereux pour les passeurs. La sécurisation des frontières conduit par ailleurs à un endettement important des clandestins qui favorise le développement, sur le territoire de l’Union, d’une économie souterraine basée sur l’exploitation de sanspapiers obligés de rembourser l’“investissement” consenti par les passeurs. Enfin, la stratégie européenne repousse loin de l’espace Schengen le lieu véritable du contrôle des étrangers. Ce contrôle glisse progressivement de l’Europe vers les pays du Sud. Entre le début des années 2000 et aujourd’hui, le “front” de la lutte contre l’immigration illégale est descendu des côtes de l’Andalousie vers la rive marocaine de la Méditerranée avant de se localiser le long des côtes de la Mauritanie, du Sénégal et de l’Algérie. À l’Est de l’Europe, un processus analogue peut être observé. L’Union sous-traite ainsi une partie de la gestion des flux migratoires à des pays tels que le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, l’Ukraine ou la Moldavie. Dans ce transfert, la protection des droits fondamentaux des migrants se voit lourdement hypothéquée.
Le choix communautaire est celui de la sécurisation des frontières de l’espace Schengen, voire d’une forme larvée de militarisation du combat contre les clandestins. L’expérience espagnole nous montre pourtant l’inefficacité de ce type de stratégies. Les flux migratoires sont d’une incroyable plasticité. Chaque renforcement des dispositifs de contrôle s’accompagne d’une réorientation des parcours migratoires. Et dans ce jeu du chat et de la souris, les migrants, ou plutôt faudrait-il dire les passeurs, ont toujours une longueur d’avance. Car si la sécurisation des frontières ne permet jamais qu’une réduction temporaire et
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Rhétorique du péril et communauté de la peur La stratégie européenne de lutte contre l’immigration clandestine se trouve confrontée à un défi qu’elle a peu de chances de remporter. Les moyens mis en œuvre dans le cadre des opérations Frontex sont dérisoires au regard des besoins. Au début du mois de juin, le Commissaire européen Franco Frattini en charge de la liberté, de la sécurité et la justice lançait d’ailleurs un appel aux Etats de l’Union en déclarant avoir besoin d’une coopération réelle et non pas seulement sur le papier. Car si les Vingt-sept ont en principe mis à disposition de l’Union quelque 150 navires, 25 hélicoptères et 23 avions, à peine un dixième de ces moyens ont effectivement été confiés à Frontex6. Or, l’Agence européenne ne dispose d’aucun moyen spécifique. Elle est totalement dépendante de la bonne volonté des Etats membres pour remplir sa mission. De manière plus générale, c’est l’objectif même d’une politique de maîtrise des flux illégaux qui pose question. En l’absence de toute volonté politique réelle en matière de prévention des flux migratoires, c’est-à-dire en l’absence de toute stratégie en faveur du développement et de la stabilisation des pays d’origine des migrants, on voit mal comment l’Union pourrait lutter efficacement contre les flux illégaux. A plusieurs reprises, la Commission européenne a d’ailleurs reconnu le caractère illusoire d’un contrôle effectif des flux migratoires. Alors, puisque la politique menée se révèle inadaptée, puisqu’elle occasionne chaque année un nombre croissant de
morts et d’importantes violations des droits des migrants, comment peut-on expliquer qu’une telle politique se soit développée et, surtout, qu’elle se maintienne, au risque de provoquer chez les citoyens européens un sentiment d’inefficacité des institutions communautaires susceptible d’aggraver la défiance à leurs égard ? Sans doute faut-il chercher la réponse à cette question dans les dimensions non explicites de la politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine. Cette politique ne peut en effet se réduire à un simple dispositif de gestion des flux de migrants. Comme toute politique d’immigration, elle est chargée de symboles et d’implicites. Elle est porteuse d’un discours sur l’Autre et sur sa place qui appelle en retour la construction d’un sentiment d’appartenance au sein d’un groupe de référence. La dynamique n’est pas neuve. L’histoire de la formation des Etats-nations européens est aussi l’histoire de la construction des identités collectives et de la définition de groupes humains se considérant comme unifiés car partageant certaines caractéristiques communes. Ce processus de construction des identités collectives a bien souvent été sous-tendu par l’identification d’un autre groupe perçu comme extérieur et menaçant. De ce point de vue, l’Union n’emprunte donc pas une voie originale. Nous sommes bien loin du projet cosmopolitique kantien fréquemment présenté comme le substrat idéologique de l’intégration européenne. C’est plutôt le modèle politique du penseur anglais Thomas Hobbes qu’il faudrait mobiliser pour comprendre l’action européenne. Il nous semble en effet que la
logique à l’œuvre est celle de la construction d’une communauté politique par la peur de l’Autre. Tout comme chez Hobbes où c’est cette peur qui pousse les individus à conclure le pacte social pour donner naissance au Léviathan – c’est-à-dire à l’Etat –, il nous semble que la figure du clandestin joue ici un rôle de repoussoir grâce auquel les Européens peuvent se rapprocher. La figure du clandestin est une figure consensuelle. Suffisamment vague tout en étant évocatrice, elle permet de donner un support tangible aux inquiétudes et aux angoisses de la plupart des Européens. Il s’agira pour certains du travailleur clandestin destructeur d’emplois. Pour d’autres, il s’agira plutôt du criminel ethnicisé, du terroriste en puissance ou encore du profiteur qui abuserait des systèmes européens de protection sociale. Dans tous les cas, la figure du clandestin favorise toutefois le rassemblement des Etats membres autour d’un projet politique défini sur une base négative : la protection des acquis et la préservation des identités.
communauté politique sur le rejet d’un clandestin mythifié, l’Union tourne le dos à son projet initial, celui de l’ouverture sur l’autre et de la réconciliation entre les peuples. En trouvant “son” Autre, l’Union européenne pourrait donc se trouver ellemême et faire ainsi émerger un “Nous” européen aujourd’hui encore largement fantasmé. Mais ce qu’elle gagnerait d’un côté, elle le perdrait certainement de l’autre car, en empruntant cette voie, il y a fort à parier qu’elle perdrait ses valeurs en chemin.
Denis DUEZ Politologue à l’ULB 1 Voir UNITED, “List of 8855 documented refugee deaths through Fortress Europe”, 14 March 2007, http://www.unitedagainstracism.org. 2 APDHA, Canarias : Políticas migratorias, víctimas de derechos humanos, Junio 2006, http://www.apdha.org/documentos/InformeCanariasJunio2006.doc. 3 STATEWATCH, “Spain : The number of migrant deaths rises again”, February 2006. 4 ESPINOSAS NAVAS, Francisco, “Le système intégré de surveillance maritime”, La Revue Maritime, n°465, juin 2003. 5 Voir MÉDECINS SANS FRONTIÈRES, Violence et immigration. Rapport sur l’immigration d’origine subsaharienne (ISS) en situation irrégulière au Maroc, septembre 2005. 6 La Libre Belgique, 7 juin 2007.
De ce point de vue, la lutte contre l’immigration illégale peut être considérée comme un palliatif parmi d’autres comblant une absence de projet positif et fédérateur susceptible de porter le processus d’intégration européenne. Ce palliatif est d’autant plus commode qu’il ne fait que très peu appel à la raison. Il mobilise directement les affects les plus communément répandus : la peur de l’Autre et la peur de l’insécurité personnelle, qu’elle soit économique, sociale, civile ou identitaire. Mais en fondant la
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Des solidarités à venir dont les migrants ouvrent la voie “Ces hommes qui circulent en tous sens, et qui innovent là où les Etats, eux, ne font guère preuve d'imagination, nous montrent que la mondialisation peut aussi conduire à diversifier les conduites sociales. L'étranger – et pas seulement l'« ethnique » – retrouve aujourd'hui le rôle d'acteur et de témoin qu'il a toujours joué aux grandes époques de changement historique. Il anticipe sur notre existence de demain dans la mesure où, ne trouvant plus sa place dans des dispositifs d'accueil obsolètes, le voilà contraint de bricoler, et peut-être de frayer les chemins d'un nouvel avenir collectif.”1
Ces derniers temps, la question de la régularisation des Sans-papiers a été très présente dans les débats et mobilisations. Nonobstant le peu d’espoir qu’annonce le futur gouvernement, nous pensons que cette question mérite d’être dégagée des urgences humanitaires et de la real politique, d’être interrogée dans une perspective plus vaste afin de relier la nécessité immédiate d’une régularisation à la durée de la réflexion et de l'action qui ouvrent sur un avenir encore à inventer. En effet, une régularisation, aussi massive et nécessaire soit-elle, n'épuisera pas les questions sociales, culturelles, politiques que soulève la figure du Sans-papiers. Le Sans-papiers en ce début de siècle dit quelque chose sur notre monde, ce monde en mouvement où se mondialise un nombre croissant de dimensions de notre existence. Alain Tarrius, La mondialisation par le bas : Les nouveaux nomades de l'économie souterraine, Paris, Ed. Balland, 2003, p. 168
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Les vagabonds Le Sans-papiers est le vagabond, le gueux, l'errant des temps modernes. Il questionne l'avenir, comme le vagabond de la fin du Moyen-Age annonçait le basculement de l'Histoire. Robert Castel disait du vagabond du XIVe siècle, qu'il était l'avant-garde du prolétariat. Il voyait en lui le début d'un mouvement de migration qui, sur un temps long, historique, a fait passé l'Europe de la société féodale aux sociétés modernes, industrielles, nationales et démocratiques. Alors que dans le monde féodal, toute la vie sociale était fondée sur la localité – on était d’un fief, d’un hameau et pas encore d’un pays – une foule d’indigents commencèrent à échapper à ces inscriptions locales et leurs allégeances traditionnelles. On quittait son village et sa communauté de base pour mille raisons – guerres entre seigneurs, famines, épidémies, refus du joug du servage – en vue d’aller vers les villes alimenter une proto-industrialisation. Dans l'entre-deux de ce temps long, le vagabond errait, mendiait, sans plus d'attaches, alimentant les bandes de pillards. Souvent, il était stigmatisé comme terreur des campagnes et facteur d’insécurité : criminalisé, enfermé ou requis par les seigneurs qui l'utilisaient à bas prix pour les travaux des champs. Le vagabondage était perçu comme un fléau social au même titre que les famines et les épidémies… Les mesures prises à leur égard était davantage spectaculaires qu’efficaces, puisque elles visaient avant tout à
sauver la face du pouvoir féodal et à dissuader le reste de la population. C'était une manière pour le féodalisme dont la fin s'annonçait de refuser son inéluctable déclin et l'incertitude de l'avenir. L'ordre du monde changeait, le vagabond en était le signe avant-coureur mais pour le féodalisme, il était impensable. On ne lui trouvait pas sa place dans un ordre social reposant sur l’attachement à la localité et l’appartenance au seigneur du fief, il ne répondait pas aux critères de la charité et des zones d’assistance. On l’appelait le poids inutile de la terre. Au fil des siècles, les villes se gonfleront pourtant de ces errants venus grossir les rangs d’un prolétariat cherchant son autonomie en vendant son temps de travail au capitalisme florissant. Sans affiliations, en proie aux maladies, à la vieillesse, au chômage, les travailleurs, souvent isolés, créaient des poches de pauvreté en plein coeur de la production de richesses. La question sociale, née avec la désaffiliation du vagabond, se posait au début de l'ère moderne avec clarté. Elle trouvera des décennies, des conflits et des conciliations plus tard à se résoudre par l'invention de la sécurité sociale, ce mélange de solidarité et d'assurance institutionnalisé. Ce faisant, l'Etat social naissant se confondra dans l'ordre de l'Etat-nation, fruit des Lumières et du siècle des révolutions. Le vagabond ayant pointé les limites rencontrées par le cadre local pour l’organisation de la solidarité, celle-ci s’édifia quelques siècles plus tard dans le cadre national. C'est encore cet ordre politique là qui nous détermine aujourd'hui.
On ne peut qu'être interpellé par le parallèle évident entre le vagabond du Moyenâge et le Sans-papiers de notre époque. Alors que toute la planète est organisée, saturée, en Etats-nations, une foule croissante de sans états ne trouvent plus leur place ni dans celui qu’ils fuient, ni dans celui qu’ils atteignent. Cet homme ou cette femme, cherchant refuge et dignité, fuit la misère, la pauvreté, la maladie, le joug d'une domination quelconque, la crainte de la persécution. Il est également attiré par les lumières des villes et l'espoir d'une dignité retrouvée par le travail, l'accès, enfin, à l'idée qu'il se fait de la modernité. Assurément, le Sans-papiers d'aujourd'hui rouvre la vieille question sociale pour lui donner une dimension mondialisée. Mais, à la place des forêts profondes que le vagabond devait pénétrer avant de buter sur les remparts de la ville, le Sanspapiers traverse le désert et les mers pour venir s'accrocher aux barbelés et fortifications de nos nationales frontières. Il forme des poches de pauvreté au cœur de nos quartiers et vit d'expédients à moins qu'il ne soit exploité par des entrepreneurs peu scrupuleux. Tout comme le vagabond du XIVe siècle l'était, le Sans-papiers est stigmatisé comme facteur d’insécurité (physique, économique, sociale ou culturelle), criminalisé, enfermé, rejeté. Nos gouvernements bâtissent des centres fermés, connectent transnationalement des bases de données informatiques et rivalisent de fermeté apparente dont l’efficacité se réduit bien souvent à rassurer la population nationale et dissuader les migrants les plus fragiles. C’est une manière pour le pouvoir étatique de
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retrouver du crédit auprès de ses électeurs, de se crisper sur sa souveraineté nationale dont l’étiolement s’annonce et s’accélère avec la mondialisation. Bref, de refuser le déclin de formes anciennes et l’incertitude de l’avenir. Le Sans-papiers nous apparaît tout autant impensable que le vagabond de naguère. Il ne trouve pas sa place dans un ordre social fondé sur l’appartenance à une nation et l’attachement à un Etat. On l'appelle la misère du monde. L’impensable Hannah Arendt disait déjà du réfugié qu'il était l'avant-garde des peuples. Elle pointait ainsi le paradoxe de notre temps où les droits universels de l'Homme ne sont garantis que dans le cadre de la Nation, ne sont en fait que les droits universels du citoyen. La citoyenneté se définit encore et toujours sur la base de l'appartenance à une nation, elle fait référence à la naissance et pas au projet. La philosophe pointait encore que le réfugié fuyant de peuples en peuples annonçait l'enfermement de tous les peuples d'Europe. La criminalisation du Sans-papiers, son enfermement, prend le risque d'ouvrir nos imaginaires à d'autres enfermements. Si pour l'ordre de l'Etat-nation le Sans papiers est impensable, du point de vue de l'universalité des droits de l'Homme, le Sans-papiers qui n'a commis aucun crime, ne peut être éliminé, éloigné, enfermé, enfin, criminalisé. L’ordre du monde change, le Sans-papiers en est un signe avant-coureur. C'est le politique qui doit s'adapter à cette nouvelle donne et l'ordre de l'Etat-nation comme horizon
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unique de la construction du politique et du social doit être dépassé. Le Sanspapiers pointe les limites actuelles du cadre national pour l’organisation de la solidarité : dans quel cadre se réinventerat-elle demain à l’ère de la mondialisation ? Il n'y aura pas de baguette magique et la croyance au Grand soir est passée de mode. Assurément, il nous faut tous contribuer à l'invention d'un vivre ensemble qui suive les nouveaux contours de la mondialisation. La citoyenneté doit être réinventée. La citoyenneté moderne, inscrite dans l’ordre de l’Etat-nation, fut d’abord seulement civile. Ensuite civile et politique, prenant plus d’un siècle à concerner toute la nation, indépendamment de la fortune ou du sexe. On a ensuite pu parler de citoyenneté sociale et plus récemment culturelle. Cette progression de la citoyenneté demeure cantonnée dans le cadre étatique. Elle n’est pas tombée du ciel : elle résulte d’évolutions à la fois économiques et politiques, ainsi que de la parole prise par certain(e)s laissé(e)s pour compte. Ainsi les droits sociaux ontils clairement répondu à l’apogée de l’industrialisation et la colonisation les a rendus possibles. La citoyenneté à venir – à venir pour peu que nous l’inventions et l’invoquions, que nous donnions voix à ses sujets – répondra à l’ère postindustrielle dans laquelle nous entrons et résultera de la mondialisation en marche. Elle sera moins nationale, plus universelle. Elle ne sera pas seulement représentative, elle sera plus active, inscrite dans la démarche et les projets des personnes davantage que sur le papier et le bulletin de vote. Les frontières
devront se dépasser et les affiliations se complexifier, prendre en compte les identifications multiples et mouvantes qui déjà délogent l’appartenance et l’identité nationales dans la représentation des individus et le tissage des solidarités. La citoyenneté devra intégrer le mouvement, elle sera faite de réseaux et de mobilités plutôt que de territoires et de frontières. La souveraineté démocratique devra rester l’apanage des peuples mais les contours des peuples se redessineront ou s’effaceront. Les nomades Avec Hannah Arendt, nous voyons à travers le Sans-papiers l’avant-garde de ces peuples à venir et à inventer. Une partie des migrants ouvrent déjà des voies vers ce futur du vivre ensemble, de la citoyenneté et de la solidarité. C’est connu, les immigrés dans le Nord sont les premiers mécènes du développement des pays du Sud : les transferts privés de capitaux (épargnes des migrants) arrivent directement entre les mains des populations, se chiffrent à plus du double de l’aide publique des pays riches au Tiers-Monde et représentent la deuxième source de financement externe des pays en développement. En avance sur toutes les ONGs et ministères de la coopération au développement, ce sont les migrants eux-mêmes, avec ou sans papiers, qui mettent effectivement en œuvre la solidarité mondiale et le rééquilibrage Nord/Sud. Les nouvelles formes de migrations – qu’on dit transnationales, pendulaires ou circulatoires – nous devancent, elles
aussi, dans le dépassement des frontières. De plus en plus, les migrants d’aujourd’hui ne sont plus d’ici ou de là-bas mais d’ici et de là-bas à la fois. Ils ne s’installent pas, ils circulent : nous montrant ainsi que la mondialisation ne concerne pas que les capitaux. Alain Tarrius les appelle les fourmis de la mondialisation par le bas. Comme une riposte aux ghettos traditionnels, aux impératifs et impasses de l’intégration, ces circulations multiples et incessantes tissent des réseaux qui dessinent de nouveaux territoires. Par là, ils anticipent le dépérissement de l’Etat-nation. Leur liberté de marcher rejoue aussi, à sa manière, l’économie de marché. Ces réseaux déploient leur fluidité, leur savoir-traverser les frontières, leur continuité humaine, à travers les barrières instituées par les économies officielles. Il faut bien se nourrir... Les nouveaux nomades vivent alors du différentiel de richesses entre les nations. Ce libre-échange souterrain transgresse les douanes et les impôts sans pour autant verser dans les trafics de produits illicites. A travers ces échanges, ce sont d’autres façons de vivre et d’entrer en relation qui se mettent en place. Le lien social y prime sur le commerce. C’est leur principale ressource. Il assure la continuité dans cette société mobile. Ces territoires mouvants instaurent de nouvelles mixités, de nouvelles porosités. On y fait magnifiquement l’expérience du dialogue interculturel et de la laïcité. Alors que l’installation confine à l’affirmation communautaire, le mouvement génère une capacité de dés-ethnisation, de reconnaissance de l’autre quelle que soit son origine ou sa religion. Le réseau articule toutes les différences, il vit
de leurs connexions. Avec les marchandises, c’est aussi une éthique sociale qui circule, basée sur la parole donnée. Celleci, dans quelque langue que ce soit, s’impose à tous. La mobilisation du lien social exprime in fine des valeurs et normes communes, tacites, orales le plus souvent. Avec une vitesse d’avance sur les règlements écrits et les contrôles impersonnels des machines étatiques. Dans le quartier Belsunce à Marseille, un des carrefours de ces nouveaux territoires circulatoires, quelques migrants sont devenus de véritables “mailleurs” de réseau. Ce sont les “notaires informels” rencontrés par Tarrius. Riches de leur expérience, ceux-ci prodiguent des conseils, orientent les nouveaux venus. Bipèdes, ils ont une jambe dans le domaine public, l’autre dans le monde souterrain. Cooptés par l’ensemble des nomades, leur réputation en fait les garants de la cohésion du réseau, de sa régulation éthique. Sans qu’il ne soit besoin de lois, de tribunaux, de police… Enfin, ces notaires gèrent parfois un petit magot constitué des cotisations des “fourmis” et destiné à dépanner celle qui un jour ferait face à un coup dur imprévu. Les migrants transnationaux réinventent de la sorte les caisses ouvrières, ancêtre de notre sécurité sociale. Et leur donnent une dimension non étatique et transnationale.
d’en faire des héros, des grands résistants, des révolutionnaires éclairés, nos sauveurs ou messies. La plupart sont avant tout victimes des inégalités de la mondialisation. Ils tentent vaille que vaille de survivre, d’inventer des systèmes de débrouille. Ce sont les chemins qu’ils frayent et les questions qu’ils posent qui sont éclairants. Nous pouvons nous en nourrir pour notre cheminement à travers l’espace des possibles. Pour cet exil auquel nous sommes poussés, cet exil en terres inconnues que nous avons à explorer si nous voulons inventer l’à venir d’un vivre ensemble et vivre mieux qui nous concerne tous. Car c’est à nous tous, et seulement à nous, qu’il revient de l’imaginer et de le mettre en œuvre. De nous mettre en route vers demain.
Mathieu BIETLOT Coordinateur socio-politique Dominique NALPAS Parcours citoyen
Les migrants, avec ou sans-papiers, nous ouvrent peut-être la voie vers des formes de sociabilité et de solidarité par lesquelles s’esquisse l’horizon d’un au-delà de l’ordre des Etats-nations. Avant-garde, disions-nous… Gardons-nous cependant
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Avenir Quel
Bruxelles ? pour
“Bruxelles est une maîtresse compliquée, mais elle sait que la Flandre est un amant déterminé”1
Propos de Yves Leterme cités par Dirk Vanoverbeke dans Le Soir du 15 septembre 2006.
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© picture by Clarita 2006
Bruxelles a toujours occupé une place à part au cours du processus de réforme qui a transformé un État très centralisé en un État très fédéralisé. Parce que Bruxelles est à la fois un acteur mais aussi un enjeu – l’un des plus importants - de ce processus. Historiquement ville brabançonne dont les habitants parlaient un dialecte flamand, Bruxelles s’est francisée au cours du XIXe siècle jusqu’à devenir une ville essentiellement francophone. En ce début de XXIe siècle, Bruxelles est évidemment une ville multiculturelle où sont parlées de nombreuses langues autres que le néerlandais et le français. Les étrangers constituent plus d’un quart de la population bruxelloise, et il n’est pas certain que la proportion de Bruxellois ayant le français comme langue maternelle dépasse aujourd’hui les 50 %. Cependant, le français demeure, de très loin, la langue de communication principale. A la fin du XXe siècle, Bruxelles, capitale bilingue de la Belgique, mais ville essentiellement francophone, a éprouvé quelque difficulté à se situer dans un enjeu communautaire qui, d’essentiellement culturel à l’origine, s’est transformé en un antagonisme entre Flandre et Wallonie.
1989, la Région sort du frigo Le “fait bruxellois” a mis du temps à être traduit sur le plan institutionnel. Territoire limité à 19 communes depuis la fixation de la frontière linguistique en 1963 (pour enrayer “la tâche d’huile”, c’est-à-dire la francisation de la périphérie), Bruxelles est proclamée Région au même titre que les deux autres lors de la première phase de la réforme de l’État (1970), dans le célèbre article 107quater de la Constitution. Cet article ne trouvera son application qu’en 1989, au terme de ce qu’on a appelé la “mise au frigo” : avec neuf ans de retard sur les autres Régions, la loi du 12 janvier 1989 crée les institutions de la Région
bruxelloise. Ces institutions sont beaucoup plus complexes que dans les deux autres Régions, puisqu’on dénombre 5 pouvoirs différents : la Région, l’Agglomération2, la Commission communautaire française (Cocof), la Commission communautaire flamande (Vgc) et la Commission communautaire commune. Par ailleurs, tant la Communauté française que la Communauté flamande exercent leurs compétences à Bruxelles, sur les institutions qui relèvent de chacune d’elles en fonction de leur langue d’organisation ou d’activité. Cette situation se compliquera encore avec le transfert de compétences de la Communauté française à la Cocof en 1994.
Quelles relations entre les flamands, les francophones et leur capitale ? Les rapports entretenus par la Flandre et la Wallonie avec Bruxelles sont contrastés. Les institutions flamandes, qui sont à la fois communautaires et régionales, sont installées à Bruxelles. Il en va de même pour les institutions de la Communauté française. La Wallonie s’est choisie quant à elle Namur pour capitale. Ces choix institutionnels différents et le déséquilibre démographique entre francophones et néerlandophones à Bruxelles conduisent à l’existence de relations très différentes, entre d’une part, les francophones bruxellois et les Wallons, et d’autre part, les
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néerlandophones bruxellois et les Flamands. Si près d’un francophone belge sur quatre est bruxellois, ce n’est le cas que d’un flamand sur quarante, au maximum… La faiblesse de la population néerlandophone à Bruxelles induisait une faible représentation des partis flamands au sein du parlement régional. Pour cette raison, un mécanisme de protection a été mis en place, et la répartition entre députés flamands et francophones au sein du Parlement bruxellois est prédéterminée : 72 francophones et 17 néerlandophones. La loi impose par ailleurs la présence de deux ministres flamands au sein du gouvernement bruxellois qui en compte cinq. Par ailleurs, la Communauté flamande investit beaucoup à Bruxelles en matière culturelle, souvent en visant un public qui dépasse la communauté néerlandophone (théâtre dans d’autres langues que le néerlandais ou avec sous-titres au KVS et au Kaai, concerts à l’Ancienne Belgique, investissements au Flagey, agenda culturel hebdomadaire gratuit trilingue dans Brussel Deze Week…) et en matière d’enseignement (ses écoles sont majoritairement fréquentées par des enfants dont les parents ne sont pas néerlandophones et sont attirés tant par la qualité de l’enseignement que par la volonté de donner à leurs enfants la maîtrise du néerlandais). Des revendications anciennes ou nouvelles… C’est dans le contexte qui vient d’être brièvement rappelé que s’inscrivent différentes prises de position au cours des mois qui ont précédé la campagne pour
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les élections fédérales du 10 juin dernier. Le modèle radical flamand de la cogestion de Bruxelles par les deux Communautés a refait surface, tandis que du côté francophone la perspective soit d’élargir Bruxelles au-delà des dix-neuf communes soit de détacher une commune flamande pour établir une continuité territoriale entre la Wallonie et Bruxelles était évoquée (le “corridor de Rhode”). L’idée d’une co-gestion de Bruxelles par les deux grandes Communautés s’accompagne parfois d’une vision d’un État fédéral de type 2 + 2 : deux grandes entités, la Flandre et la Wallonie, et deux plus petites, Bruxelles et la Communauté germanophone. Une autre variante de la mise sous tutelle de la Région serait l’octroi d’un statut spécial, comparable à celui de Washington DC. Cette idée de district européen lancée par Louis Tobback à la fin des années 1990 revient régulièrement dans la presse du nord du pays. A cette vision répond parfois, côté francophone et surtout germanophone, le modèle d’un État fédéral avec quatre Régions dotées des mêmes compétences : ce serait la disparition de la Communauté française et le transfert des compétences communautaires à la Région bruxelloise et des compétences régionales à la Communauté germanophone. Mais face aux revendications flamandes, la majorité des francophones réclame surtout un élargissement de la Région de Bruxelles-Capitale. Même si de nombreux indicateurs socio-économiques plaident pour la constitution d’une métropole d’une trentaine de communes, améliorant ainsi les ressources de la Région par l’arrivée de contribuables à
hauts revenus et rééquilibrant les forces linguistiques, cette perspective est politiquement très difficilement envisageable vu les positions flamandes. Sans forcément remodeler les institutions bruxelloises ou les frontières de la Région, d’autres propositions de réformes institutionnelles avancées durant la campagne électorale auraient un impact sur Bruxelles. Citons notamment une réforme de la fiscalité qui aurait pour résultat d’accroître les différences entre les niveaux d’imposition à Bruxelles et dans la périphérie et donc de renforcer l’attractivité de cette dernière. Ou une régionalisation de nouveaux pans de la politique sociale et de la politique de l’emploi, forcément défavorable à une Région qui connaît le taux de chômage le plus élevé du pays. Ou encore la refédéralisation des normes de bruit qui priverait la Région de toute possibilité d’intervention dans la gestion de l’aéroport de Zaventem. Une identité bruxelloise en devenir Face à ces perspectives de réformes institutionnelles négociées dans un face à face entre Flamands et francophones, des Bruxellois ont souhaité faire entendre leur voix. Considérant que pour beaucoup de Bruxellois, l’appartenance à leur ville et à la Belgique ne se faisait plus par l’intermédiaire de l’une des deux grandes communautés linguistiques, les auteurs de l’appel “Nous existons ! Wij bestaan !” estiment que dans des domaines comme l’emploi, le logement, la mobilité, mais aussi l’enseignement et la culture, Bruxelles réclame une politique propre et des moyens supplémentaires3. Ils ont été
rejoints par près de 10 000 signataires. Cet appel a été le thème choisi par la revue Politique pour son numéro d’avril 20074. On peut y découvrir les réactions et critiques suscitées par cet appel, dont la plus récurrente est sans doute qu’il a pour effet de briser la solidarité entre francophones bruxellois et wallons, et donc de les affaiblir face aux revendications flamandes. Reste que le succès de cet appel est le témoin d’une évolution du “fait bruxellois” qui fait progressivement place à une “identité bruxelloise”.
2 Familièrement dénommée “l’agglo”, cette structure a été mise en place en 1971. Ses compétences (lutte contre l'incendie, aide médicale urgente, immondices) sont actuellement exercées par la Région. 3 Le texte de l’appel est disponible sur http://www.bruxsel.org 4 Le retour des Bruxellois. La troisième région s’invite à la table ; Politique, revue de débats, n° 49, avril 2007. http://www.politique.eu.org 5 Ce texte a été écrit à la fin du mois de juillet.
Vers un nouveau gouvernement fédéral Les négociations qui se sont engagées après les élections en vue de constituer une coalition dite orange bleue5 laissent augurer la formation d’un gouvernement qui ne disposera pas d’une majorité des deux tiers au Parlement, indispensable pour une nouvelle réforme de l’État. Un soutien de parlementaires de l’opposition à de telles réformes n’est pas inenvisageable (surtout du côté flamand), un tel mécanisme ayant déjà été observé au début des années 1990. Cependant, la perspective d’une réforme de grande envergure, telle que réclamée par la quasitotalité des partis flamands et portée par la N-VA en cartel avec le CD&V d’Yves Leterme, s’est aujourd’hui quelque peu éloignée, et avec elle la probabilité d’une réforme en profondeur des institutions bruxelloises.
Caroline SÄGESSER chargée de recherche au Centre de recherche et d’information socio-politique (CRISP)
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M é d i a s
&
P o u v o i r s
La régression impériale Dans l’indifférence citoyenne, l’indépendance des médias dominants vit sous respiration artificielle. Quasiment éradiquée de la télé et survivant à grand-peine en radio et presse écrite, la fonction de contre-pouvoir démocratique se consume sur le bûcher de l’orthodoxie néolibérale. Pressions, boycotts et menaces économiques se conjuguent à l’autocensure pusillanime d’une majorité de journalistes. Illustrations d’une régression dont le « modèle » français n’est pas sans influence chez nous …
voués à servir de caisA pparemment ses de résonnance aux intérêts des puissants, les médias dominants continuent de clamer leur indépendance vis-àvis des pouvoirs. Tartufferie qu’une série d’exemples et de témoignages ont mis à mal ces dernières années. Avril-mai 2006. “L’affaire Clearstream” bat son plein dans les médias français. Quelle affaire, exactement ? Celle qui concerne la dissimulation par la Chambre de compensation luxembourgeoise de centaines de comptes douteux appartenant à des banques et à plusieurs multinationales (Siemens, Accord Wagons-Lits, Unilever, etc.) ou les rivalités et manipulations qui opposent Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, respectivement Premier ministre et ministre de l’Intérieur du gouvernement
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français de l’époque, tous deux candidats officieux aux Présidentielles 2007 ? Plus simpliste et croustillante, la personnalisation politique l’a évidemment emporté sur le fond de dossier. S’en donnant à cœur joie, les médias français ont tartiné des semaines durant sur des barbouzeries indémêlables impliquant corbeau, services secrets, industrie aéronautique, ministres et Président de la République. Comme souvent, les médias belges francophones se font l’écho de l’affaire “qui fait trembler le sommet de l’Etat français”… Boycott ordinaire Dans ce contexte, j’ai la naïveté de proposer un article sur Denis Robert à Thierry
Fiorilli, chef d’édition au quotidien Le Soir. Robert, c’est le journaliste-écrivain français qui a sorti la véritable affaire Clearstream en publiant “Révélations”1 (2001), un livre coécrit avec Ernest Backes, ex-cadre fondateur de Clearstream. Je propose aussi à Fiorilli les interviews des parlementaires Jean Cornil (PS) et Jean-Jacques Viseur (CDH). Sur la base des infos révélées par Robert, les deux hommes politiques souhaitent toujours créer une commission d’enquête. Fiorilli ne se montre pas intéressé par “l’aspect belge” des papiers. En revanche, il me commande un “portrait” de Denis Robert qu’il prévoit pour la rubrique L’acteur2…
Nous publions ici des extraits de l’article censuré : Lorsqu’on lui demande de résumer de manière accessible ‘son’ affaire Clearstream, Denis Robert ne tergiverse pas : “C’est la découverte au cœur de l’Europe d’une entreprise dont un des buts cachés est de dissimuler les transactions financières internationales les plus troubles aux yeux des citoyens et des démocraties”. En 2000, Clearstream clôturait une gestion annuelle de transactions équivalente à 50 trillions d’euros, soit cinquante mille milliards d’euros … Au-delà de sa fonction de clearing visant à faciliter les échanges entre banques, Clearstream permet donc à ses affiliés “invisibles” de transférer fonds et valeurs en toute opacité. Des transactions cachées susceptibles de présenter un lien avec le blanchiment de profits issus des trafics de la criminalité internationale (drogues, armes, terrorisme, etc.). Autre élément capital : le témoignage de l’ancien responsable du service des programmateurs informatiques chez Clearstream. En 2001, Régis Hempel confiait à Robert, puis devant une mission parlementaire française, qu’il avait été payé par la société de clearing pour dissimuler certaines transactions en créant de fausses pannes informatiques. En clair : supprimer toute trace d’un échange effectif de titres entre clients portant souvent sur des montants vertigineux. Cette déclaration édifiante d’un insider n’a jamais été contestée ou attaquée en justice par les dirigeants de Clearstream... Selon Denis Robert, “ce qui pose fondamentalement question, c’est une multinationale financière qui dissimule les traces de milliers de transactions douteuses. Clearstream véhicule des valeurs dans 107 pays dont 45 paradis fiscaux. Elle a aussi un rôle d’archivage et cautionne d’énormes prêts. C’est une banque des banques. Elle est devenue indispensable à tous les professionnels de la finance qui ont besoin de faire évader des capitaux. C’est la plus importante clé qui permette de comprendre la mondialisation financière. L’enjeu de l’affaire Clearstream, la vraie, c’est l’acceptation ou non de ce système mis en place par des initiés pour enrichir encore davantage les plus riches. Se dire altermondialiste ne sert à rien si l’on ne s’attaque pas d’abord au contrôle de ces outils financiers apatrides qui sont la cause essentielle de la ruine de nos économies”. Des propos auxquels certains de nos parlementaires ne sont pas insensibles. Et pour cause : l’enquête de Robert a aussi identifié une vingtaine de banques et de sociétés belges possédant un compte occulte chez Clearstream ! En 2002, les sénateurs Jean Cornil (PS) et Jacky Morael (Ecolo) ont souhaité créer une commission d’enquête parlementaire “chargée d’enquêter sur l’utilisation de comptes auprès des sociétés de clearing et de routing financier à des fins de fraude fiscale ou de blanchiment d’argent”. Dans le collimateur : Clearstream, Euroclear (basée à Bruxelles) et Swift. La proposition sera rejetée. A la faveur de l’actualité française, Jean Cornil et Isabelle Durant (Ecolo) remettent le couvert. Fin mai, ils relanceront l’idée d’une commission d’enquête, soutenus par le député Jean-Jacques Viseur (CDH). Mais inutile de se le cacher : la cuisine interne de puissances financières effraye plus d’un politique. L’objectif de transparence parlementaire évitera-t-il cette fois de se fracasser contre le “mur de l’argent” ? ...
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Ce papier (cf. encadré) se fracassera contre le “mur de la peur” journalistique. Après lecture, Thierry Fiorilli refuse sa publication en ces termes précis : “Bien reçu l’article. Qui me pose problème : il est plus proche de l’analyse de l’affaire que du portrait de Robert. Comme tel, on ne le passera pas. Je vois avec le service monde si l’interview et/ou l’encadré sur les ‘ricochets’ belges peuvent être utilisés chez eux et je vous dis quoi rapidement”. Mais Fiorilli ne dira plus rien et deviendra injoignable… Proposés ensuite à La Libre Belgique, au Vif-l’Express et à Télémoustique, les trois papiers connaîtront le même sort : refusés ! Il ne s’agit pas, ici, de régler quelques comptes, mais de mettre en évidence un boycott médiatique ordinaire, qui montre toutes les limites du journalisme actuel. Décrire un auteur à travers son enquête dérangeante mettant en cause l’un des vrais pouvoirs - la finance mondiale -, et signaler au passage que les médias français font diversion et non éclairage sur les enjeux du dossier ? Une démarche journalistique devenue inconcevable pour la presse belge francophone. Critiquer ou mettre en cause des politiques ? Oui, bien sûr ! Tenter de contribuer à éclaircir des mécanismes financiers troubles susceptibles de nuire à l’économie mondiale ? Non, trois fois non ! D’une certaine manière, on peut les comprendre : Depuis six ans, Denis Robert a dû essuyer plus de 70 procédures judiciaires intentées par Clearstream qui lui réclame des dizaines de milliers d’euros. La plupart du temps, Robert a gagné et Clearstream perdu. Mais ce harcèlement
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procédurier, épuisant et coûteux, est aussi dirigé contre Les Arènes et Canal +. Les supports médiatiques qui ont permis au journaliste de faire connaître son enquête. Leçon magistrale et d’une efficacité certaine. Les responsables des médias belges “désargentés ne semblent pas l’avoir manquée... Ses propos également boycottés, le sénateur Jean Cornil en tirait un constat amer: “Les grandes stratégies industrielles, l’absorption de certains secteurs de l’économie européenne par les fonds de pension américains, ces transactions et comptes occultes qui véhiculent des sommes mirobolantes, ce totalitarisme financier a une réelle incidence sur la vie des gens. Chaque jour dans le monde ! Mais cela n’intéresse personne sauf s’il est possible de mettre en scène un fait divers entre deux ‘people’ présidentiables. C’est dramatique parce que cela ne permet pas aux gens de comprendre les enjeux de cette affaire. Qu’est-ce qui devrait intéresser davantage les citoyens : une rivalité entre deux présidentiables de la droite française sur fond de manipulations ou le contrôle de l’évolution économique du monde par un petit nombre de multinationales financières ? Pour moi, c’est ce second élément qui est capital. C’est en ce sens que Denis Robert a essayé d’éclairer le jugement des citoyens sur des questions difficiles d’aspect mais concernant des montants vertigineux qui demeurent hors de tout contrôle”… La ligne Sarkozy Plus tard, le candidat Sarkozy obtenait le licenciement du rédacteur en chef de
Paris Match au motif de lèse-Cécilia2. Après un entretien privé avec le même candidat, un éditeur décidait d’envoyer au pilon 150 000 exemplaires d’un essai qu’il avait publié. Le contenu du bouquin ? Une enquête, parfois critique, sur Cécilia Sarkozy réalisée par une journaliste du magazine Elle. Au lendemain du second tour des Présidentielles, un article du Journal Du Dimanche (JDD) était censuré à la dernière minute. Le papier signalait que Cécilia Sarkozy n’avait pas été voter le 6 mai dernier. Etrange : le JDD appartient aussi à Lagardère … Autant d’atteintes anti-journalistiques qui ne semblent pas concerner le paysage médiatique belge francophone. Illusion d’optique. Comme l’a démontré « l’affaire Boever ». Le 7 juin dernier, le présentateur du JT de la RTBF diffusait les célèbres images d’un Président Sarkozy visiblement sous influence au G8. Problème : interdites de diffusion en France, le “Sarkozy bourré”» fait le tour du monde sur Internet ! Si on en était resté là, l’indépendance journalistique belge à l’égard du pouvoir politique français était sauve. Mais Boever s’est “francisé” et a cru utile de présenter ses excuses à l’ambassade de France : “Si votre président était effectivement malade comme certains l’affirment, alors mes excuses pour avoir laissé entendre qu’il était pompette”4. Ajoutant, dans la même interview accordée à Télémoustique : “Je reste persuadé qu’il a bu un verre de vodka avec Poutine, mais comme il paraît qu’il ne boit jamais, eh bien… Il l’a payé au début de sa conférence de presse”…
Excuses à l’ambassade française et musculation factice devant la presse belge. La contorsion de Boever invite à penser qu’il a connu ce que nombre de confrères français vivent à l’idée d’irriter le pouvoir politique suprême : la trouille ! Enfin, l’adhérence médiatique à une communication officielle aussi sotte que mensongère confirme le manque d’indépendance et de courage critique des médias français envers le pouvoir politique. En soi, ces images interdites ridiculisent surtout un homme qui a naturellement tendance à être ivre de lui-même. Mais ce qu’elles ont provoqué (dénégations d’une réalité visible ou censures protectrices) en dit malheureusement assez sur “l’idéal d’indépendance” des journalistes. In fine, la trouille journalistique se développe davantage à l’égard des puissants amis de Nicolas Sarkozy que du Président lui-même. Autrement dit : les PDG de Bouygues, Lagardère ou Dassault, propriétaires de 70 % des médias français5… Qu’adviendra-t-il lorsque - avec ou sans image - il sera question de sujets autrement plus importants liés au(x) pouvoir(s) ? Influence politique nécessaire Auteur d’un projet de loi visant à limiter la concentration des médias dans les grands groupes industriels, le député centriste Jean-Christophe Lagarde tempère son optimisme. “Si le sujet n’est évidemment pas le dada du Président, j’espère que je ferais partager à de plus en plus de gens, le fait qu’il s’agit d’une nécessité démocratique. Si ça ne se produit pas, on va aller de mal en pis (…) Lorsqu’on parle de
ces Groupes, on parle de milliards d’euros de commandes publiques. Lagardère, il se fout éperdument de ses amis ! Ce qui l’intéresse, c’est de vendre des armes et des missiles. Que ce soit Sarkozy, Ségolène Royal ou un autre, c’est exactement la même chose ! Tant que Lagardère a entre les mains un moyen de pression à travers les médias qu’il contrôle… Et s’il essaye de vendre à la France - ou que la France l’aide à vendre à l’étranger - un certain nombre de choses, je ne suis pas persuadé que les journalistes seront exempts de toutes pressions lorsqu’ils doivent réaliser un reportage ... En plus, si le pouvoir est en difficulté à ce moment-là, je pense que les médias - que ce soit Dassault, Lagardère ou Bouygues - auront tout intérêt à être bienveillants et bien-pensants… C’est ce que ma proposition de loi veut éviter !”6. Appuyant là où ça fait mal, Lagarde estime aussi que les journalistes ont une part de responsabilités dans leur perte d’indépendance. “C’est parce qu’il n’y a pas eu de travail journalistique et éditorial suffisant que la presse s’est cassée la figure. Du coup, des Groupes, qui ont des intérêts importants vis-à-vis de l’Etat, s’en sont emparé ! Bolloré dirige un grand groupe industriel et, d’ici peu, il aura un groupe médiatique de plus en plus conséquent. Je ne suis pas persuadé qu’aujourd’hui cela soit rentable, mais si Bolloré7 le fait, c’est parce qu’il veut intervenir dans ce champ-là. Parce que ce champ est un moyen d’exercer une influence politique nécessaire au reste de son groupe industriel”… Sur le terrain, pour Arnaud Vivian, journa-
liste au chômage8, l’heure est grave : “Ça fait 20 ans que j’ai cette putain de carte de presse ! J’ai travaillé à Libération, pour différentes émissions à Radio-France, à Canal +, pour le magazine Les Inrockuptibles, etc. J’ai vu ce métier changer ! Aujourd’hui, tu as un rédacteur en chef qui te dit : ‘Voilà ce que tu vas écrire ; voilà ce que tu vas dire !’… Avant, ce n’était pas comme ça : Le journaliste allait faire son reportage et il revenait en disant : ‘Voilà, ce que j’ai vu !’ (…) On ne peut pas continuer à précariser le métier de journaliste ! Ce métier doit être pérennisé, sinon il n’y aura plus de liberté d’expression, ce sera l’autocensure où chacun se dira : ‘Ah non, ça, je ne vais pas le dire parce que ça va déplaire !’”9… Lentement, mais sûrement… L’influence sarkozienne s’est aussi décomplexée dans la campagne électorale de Didier Reynders. Avec fortune, le grand argentier belge a recyclé plusieurs slogans de son ami de vingt ans. Nos médias y étaient-ils imperméables ? Il est permis d’en douter au vu, par exemple, du boycott médiatique frappant un livre très critique envers le bilan de l’ex-ministre des Finances. Intitulé “Didier Reynders : l’homme qui parle à l’oreille des riches”, le livre de Marco Van Hees est sorti le 1er mai 2007. Soit plus d’un mois avant le soir des élections législatives. Pourtant “dans l’actualité”, cet ouvrage a royalement été chroniqué par deux médias francophones10... Au sujet de cette indifférence médiatique calculée, Luc Delfosse, rédacteur en chefadjoint du Soir, se fait alpaguer par un
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internaute : “Connaissez-vous le livre de Marco Van Hees : Didier Reynders, l’homme qui parle à l’oreille des riches ? Le bilan accablant du Ministre des finances détaillé dans ce livre le prouve jusqu’au malaise : Les holdings d’Albert Frère paient moins d’impôts que sa concierge. Par ailleurs, le financier carolo a reçu à dîner Didier Reynders et sa famille dans sa somptueuse villa de Marrakech… Pourquoi n’en parle-t-on jamais, même dans Le Soir, quotidien indépendant ?”11. Réponse du rédacteur en chef-adjoint : “Vous me mettez l’eau à la bouche, je cours l’acheter.”12… Vieux routier du journalisme politique, Luc Delfosse a-t-il désormais besoin des internautes pour se tenir aux courant des sorties de livres politiques ? Doit-on s’étonner qu’un mois et demi plus tard, pas la moindre chronique du “brûlot” de Van Hess dans le quotidien indépendant ? Si le gosier de Delfosse s’est desséché à la lecture de ce bouquin, pourquoi ne pas critiquer l’opus de manière argumentée dans Le Soir ? Pourquoi choisir, en toute “indépendance”, le silence plutôt que le débat ? Entretemps, il est vrai que Didier Reynders a remporté les législatives, a été nommé informateur par le Roi et s’octroiera sûrement un ministère de choix dans le gouvernement d’Yves Leterme. En résumé : Médiatiser le bouquin de Van Hees ? Avant les élections, trop risqué. Après, encore plus risqué donc “plus d’actualité”. Et pourtant ! Le chroniqueur Marc Moulin osait récemment retourner la tarte à la crème de “l’éducation aux médias” vers ceux qu’il est convenu de ne pas déran-
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ger : “On peut rêver ? Eduquer les patrons de médias à être indépendants et compétents, et à ne pas être les bons toutous d’un parti politique ou d’un actionnaire – ou des deux. Eduquer les producteurs et présentateurs à travailler pour le public et dans le respect de l’intérêt général, et non pour leur gloriole, leur intérêt pécuniaire et sous la censure des fournisseurs de pub. Eduquer les journalistes à embarrasser vraiment ceux qu’ils interviewent, et à ne pas permettre qu’un patron de parti les insulte parce qu’ils n’ont pas assez servi la soupe”13. Avant Moulin, 27 Sociétés de journalistes français ont poussé un cri d’alarme dans un remarquable silence médiatique : “L’indépendance et le pluralisme de l’information sont gravement menacés”. Interpellant leur nouveau Président, ces journalistes veulent principalement obtenir “la reconnaissance juridique des Sociétés de Journalistes (SDJ)” et “un droit de veto quant à la nomination des directeurs de rédaction”. Grande première, l’initiative a le mérite de conscientiser à l’obligation d’une lutte collective des professionnels. Néanmoins, il y a comme une indécrottable candeur à attendre un geste constructif en provenance d’un des acteurs majeurs de l’écrasement de l’autonomie journalistique… Fin juin, le grand perdant des Présidentielles, François Bayrou, se fendait d’un appel qui risque de résonner encore de longues années : “La nomination à la tête de la plus grande télévision de France, TF1, nomination annoncée par l’Elysée et non pas par l’entreprise, de l’un des plus proches collaborateurs de
Nicolas Sarkozy, sans aucune expérience préalable dans l’audiovisuel, c’est une illustration de plus de ce mouvement qui est désormais en cours au vu et au su de tout le monde ! Cela, ce n’est plus une question pour les intellectuels, les théoriciens ou les puristes. C’est une question pour tous les démocrates ! Nous voulons une presse, des radios et des télévisions libres non inféodées ! Nous ne voulons pas être conduits à soupçonner tout le temps, tous les jours, que ces médias puissent répondre à de pareilles influences. C’est un drame pour une société démocratique quand la confiance envers les médias est atteinte ! Et je pense aussi aux journalistes, à leur vie de tous les jours. Comment exercer le dur métier de journaliste avec, au-dessus de la tête, ce type de crainte, ce type de contrainte et même seulement avec le soupçon que pourrait exister ce genre d’influence ?”14.
Olivier MUKUNA Journaliste indépendant
1 Aux éditions les Arènes. En 2002, sur le même sujet et chez le même éditeur, Denis Robert publiera “La boîte noire”. Il réalise ensuite deux documentaires avec Pascal Lorent (“Les dissimulateurs” ; “L’affaire Clearstream expliquée à un ouvrier de chez Daewoo”). En 2006, il publie le roman “La domination du monde ” (Editions Julliard) et, l’année suivante, “Clearstream L’enquête”, aux éditions Les Arènes/Julliard. 2 Celle-ci prend place dans l’espace inférieur de la dernière page du premier cahier du Soir 3 En publiant en « Une » la photo de Cécilia Sarkozy et de son amant, Richard Attias, le rédacteur en chef, Alain Genestar a déclenché l’ire du ministre de l’Intérieur. Quelques semaines plus tard, Arnaud Lagardère, propriétaire de Paris-Match et ami de Nicolas Sarkozy, licenciait sans explication Genestar. 4 Télémoustique, 20 juin 2007. 5 Bouygues est un Groupe industriel diversifié dans le Bâtiment et les Télécoms-Médias (TF1, Bouygues Telecom) ; Lagardère group possède deux sociétés principales : Lagardère Media (dont la filiale Hachette Filipachi Médias est le 1er éditeur mondial de presse magazine avec plus de 200 titres) et EADS (n°2 mondial de l’industrie spatiale, aéronautique et de défense) ; Le Groupe Dassault est le constructeur aéronautique majeur de l’aviation civile et militaire française. Il détient aussi le “groupe Figaro” (qui édite le quotidien Le Figaro, ses suppléments magazines Madame Figaro, Figaro Magazine, Figaro Patrimoine, Figaro Réussir ainsi que divers titres spécialisés tels TV Magazine, Journal des Finances, etc.). 6 La TéléLibre.fr, le 12 juillet 2007. 7 Autre milliardaire proche de Sarkozy, Vincent Bolloré a invité le nouveau Président des Français à fêter sa victoire électorale sur son yacht. 8 Suite à la suppression controversée de l’émission La Bande à Bonnaud (France-Inter) où il était chroniqueur. 9 LaTéléLibre.fr, le 1er juillet 2007. 10 Les hebdos Solidaire et Le Journal du Mardi. 11 http://www.lesoir.be/chat/?p=197&cp=2#comments, le 6 juin 2007. 12 Ibidem. 13 Télémoustique, le 11 juillet 2007. 14 Extrait d’un discours tenu le 24 mai 2007 au Zénith de Paris.
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PORTAIL
Une fois n’est pas coutume, c’est à notre vieux pote l’oncle Sam aux dents longues que notre continent et l’ensemble de la planète connectée doivent l’apparition du phénomène des blogs, nouvel espace d’expression publique, qui à force de se démultiplier, a fini par enfanter une blogosphère sidérale, parfois sidérante. Les internautes auraient-ils donc finalement pris le pouvoir ? Véritables acteurs de la toile, nous ne serions plus passifs mais ferions désormais partie d’un système collaboratif alimenté par ses utilisateurs : de l'adolescent à l'élu politique, du journaliste à la ménagère au foyer, les bloggeurs n’en finissent plus de soulager leurs désirs (peut-être frustrés) d’expression dans un espace qui leur est propre. Une véritable Blogomania. Ayant gagné le statut de véritable phénomène de masse, le blog se présente aujourd’hui comme un nouveau média d'information, libre et incisif, susceptible de constituer un réel pouvoir d’influence. Certains sont devenus extrêmement populaires, voire puissants, notamment aux Etats-Unis, et attirent chaque jour des milliers de visiteurs. Conséquence de cet engouement phénoménal voire politiquement inquiétant : en mars 2006, les services de renseignements américains ont été jusqu’à mettre en ligne des documents originaux saisis en Irak, à la demande d'élus souhaitant que “le pouvoir de la blogosphère” aide à analyser quelque 48 000 caisses d'informations saisies dans la guerre contre le terrorisme. Par ailleurs, lors de la dernière campagne présidentielle française, le candidat qui n’avait pas son propre blog n’était ni plus ni moins qu’un ringard en puissance… Mais que traduit réellement ce phénomène ? Le besoin d’un réel espace de liberté et de parole qui sonnerait le glas des médias traditionnels ? Une révolution cognitive qui concentrerait le savoir de l’Humanité ? Ou une gigantesque manipulation ourdie par de puissantes multinationales pour ficher les internautes et vendre des espaces publicitaires ? A vous de voir…
http://www.agoravox.fr/ ou ces nouveaux médias qui font trembler. Tous reporters, c’est bien beau. Mais en matière de journalisme-citoyen, le leader incontestable reste Agoravox.com. Dans ce domaine, le site fait même figure d’ancêtre. Basé sur le principe “every citizen is a reporter”, Agoravox donne la parole à une population de “journalistes citoyens” qui rédigent des articles, les commentent et choisissent ceux qui feront la une du site. Excellente qualité. Une menace pour les grands médias ?
http://www.jeanyveshuwart.be/ Il semble malheureusement que la majorité des blogs politiques belges francophones manquent franchement d’intérêt. La blogosphère politique belge reste apparemment dominée par les blogs des hommes politiques eux-mêmes. Tous ? Non, des initiatives citoyennes existent. Jean-Yves Huwart, journaliste économique au magazine “TrendsTendances”, tente à travers son blog de contribuer à bâtir une autre vision de la globalisation. “Aujourd’hui, le monde n’est plus seulement ouvert : il devient collaboratif. Cette révolution collaborative porte aujourd’hui des noms aussi divers que Web 2.0, médias participatifs, clusters, communautés virtuelles, etc. Elle s’apprête à changer durablement le visage de l’économie moderne. La Belgique, Bruxelles, la Wallonie peuvent tirer profit de cette évolution.” Jean-Yves vous expliquera tout cela en détail… http://www.bloggingthenews.info/
http://thebenitoreport.typepad.com/ Journaliste, animateur radio et chroniqueur télé, ce blog est le centre névralgique de l’activité professionnelle de Damien Vanachter. Il y partage depuis juillet 2005 le fruit de sa veille technologique, podcasts audio/vidéo et coups de coeur/de gueule sur l’actualité en général et belge en particulier. Dérision, humour, tribunes corrosives, insolence, dérapages contrôlés sont de bons arguments pour y faire un petit tour.
Attention, Benitoreport a été référencé comme blog politique très influent. Benito et ses chroniqueurs prennent leur pied à montrer sous un autre jour le monde de la politique française. Résultat : un site hyper dynamique jonglant entre textes de fonds, films humoristiques, investigations, et j’en passe… Pas mal.
http://being-homeless.livejournal.com/ Des SDF américains publient leur site perso pour bousculer les idées reçues. Crystal Evans édite un blog, c’est-à-dire qu’elle raconte sa vie sur un site web, comme des milliers d’autres internautes. Rien d’original à cela. Sauf que cette Bostonienne de 22 ans décrit un quotidien dont on entend rarement parler : faire la queue pendant des heures pour obtenir un lit dans un centre d’accueil de SDF. Dormir malgré le bruit et parfois le danger. Passer la nuit dehors, quand il n’y a plus de place, à trembler de froid et de peur. Se faire cracher dessus par un passant...
http://ludovic.over-blog.net/ Plaidoyer pour un journalisme libéré… A voir M@rio FRISO relations publiques
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LIVRE-EXAMEN
Les nouveaux mots du pouvoir :
Abécédaire critique
[Pascal Durand (éd.), • Éditions Aden (Collection : Grande Bibliothèque Aden - N° 7) • 2007 • 461 pages] sens se cache derrière ces mots, Q uel ces expressions qui reviennent en boucle, quotidiennement, dans le discours politique et journalistique : “gouvernance”, “employabilité”, “flexibilité”, “compétitivité”, “dysfonctionnement”, “adaptation”, “réformes”, “processus de Bologne”, “dialogue social”, “État social actif”, “monde de plus en plus complexe”, “modèle danois”, “tolérance zéro”, “égalité des chances”, “contrat pour l'école”, “populisme”, “excellence”. Autant de ces termes dont l'emploi outrancier finit par obscurcir le référent. Si présents, si fréquents qu'ils passeraient presque inaperçus de ceux qui les formulent, comme de ceux qui les reçoivent. D'où viennent-ils ? A quels univers de représentation et d'assignation sont-ils associés ? Que signifient-ils ? Que nous signifient-ils en fait d'attitude politique ou de comportement social ? Opposer à la pensée bête et têtue des nouveaux mots du pouvoir un effort de connaissance
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conjuguant ironie et rigueur : tel est l'enjeu du présent abécédaire recensant plus de 130 mots, expressions, syntagmes figés ou ayant glissé de la sphère politico-journalistique à la doxa. Tâche nécessaire à laquelle se sont attachés près de septante spécialistes venus de différents horizons scientifiques et nationaux, politologues, historiens, sociologues, théoriciens du langage, économistes, écrivains, philosophes. Tous portés par un même souci d'y voir plus clair dans l'opacité des mots dont on nous paie et de décortiquer la nouvelle langue de bois du système. Ils ont choisi un mot du pouvoir pour le peser, l'analyser et finalement le démonter. Les mots composés récemment forgés sont également pris en compte, qu'ils soient de nature oxymorique (“flexi-sécurité”) ou fondés sur un principe de redondance (“signe ostensible”, “plan stratégique”). Le but : dévoiler le sens caché de mots qui se disent neutres et qui ne sont que des armes au service du pouvoir. Etablir
de la sorte un lexique du pouvoir ne revient pas seulement, en effet, à livrer un abécédaire idéologique - de A (comme Adaptation) à Z (comme Zéro). Cela revient aussi, en amont comme en aval, à dresser la carte des discours maîtres, et à extérioriser les fibres dont se compose cette nouvelle novlangue. Sans échapper aux macro et microstructure du dictionnaire traditionnel, il ne respecte cependant pas la neutralité théoriquement impliquée par les ouvrages de référence. Ce positionnement est ce qui fait son efficacité. Idéalement, la démarche devrait être poursuivie au gré des ans dans la mesure où le lexique est intrinsèquement sujet à modification, érosion et renouvellement.
Michael ROBERT communication socio-politque
AGENDA
Aiguillages asbl, service laïque d'accompagnement administratif organise un repas convivial. Date : dimanche 21 octobre 2007 à 12h. Lieu : restaurant du CPAS de Saint-Gilles, rue Bernier 40 à 1060 Bruxelles PAF : 18 € pour le repas, 5 € pour apporter son soutien. Renseignements et réservations : Aiguillages asbl, le jeudi de 9h30 à 18h30 au 02/534 10 47 ou aiguillages@skynet.be
Les Associations des Amis de la Morale laïque d'Auderghem et de WoluwéSaint-Pierre proposent un rallye pédestre pour adultes et enfants accompagnés dans la forêt de Soignes. Date : samedi 13 octobre 2007 à 14h. Lieux : gare de Groenendael, pour le départ et école primaire de Woluwé-SaintPierre - Val des Epinettes, pour le buffet
(tartines/fromage blanc). PAF : 4 € pour le rallye et 8 € pour le buffet (réduction possible pour les enfants) à verser au compte 310-0273472-18. Renseignements : Mme Monique Moreau, 02/770 19 45, ou monique.moreau@skynet.be ou Mme Denise Massin, 3 avenue Van Nerom à 1160 Auderghem.
L'Association des Amis de la Morale laïque de Jette et le CCLJ, avec le soutien de l'Echevin de l'Enseignement de Jette Merry Hermanus proposent une table ronde avec Paul Danblon, Ch. Khan, l'association Ni putes ni soumises, le CCLJ, l'association Tels Quels ; Comment réaliser le vivre-ensemble avec nos différences ? Date : jeudi 8 novembre 2007 à 20h. Lieu : salle communale des Fêtes, Place Cardinal Mercier à 1090 Jette. PAF : 3 €.
Renseignements : mironczyk_christine1@yahoo.fr
L'Association des Amis de la Morale Laïque de Schaerbeek, BIBLA (Bibliothèque Laïque) et le Centre Cuturel Omar Khayam proposent une exposition Le voyage magique d'un certain zéro. Cette exposition retrace le voyage du zéro des Indes en Europe en passant par l'empire musulman. Elle nous permettra d'appréhender l'apport de l'interculturalité. Dates : du lundi 8 octobre 2007 au vendredi 26 octobre 2007. Lieu : bibliothèque (1er étage) de Schaerbeek, rue de la Ruche 30 à 1030 Schaerbeek. PAF : gratuit Renseignements : 02 248 16 83 ou bibla@skynet.be
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Le Conseil de l'Education Permanente de l'Université Libre de Bruxelles (CEPULB) séance inaugurale de son cycle de conférences 2007/2008 L'Union Européenne hier et aujourd'hui par Mme Antoinette Spaak, Ministre d'Etat. La conférence sera suivie d'un débat. Date : mardi 25 septembre 2007 à 16h. Lieu : auditoire PE Janson avenue F.D Roosevelt 48 à 1050 Bruxelles. PAF : gratuit Comment les Flamands voient les Wallons par Mme Johanne Montay, journaliste à la RTBF. Date : lundi 1er octobre 2007 de 16h30 à 18h30. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne ( UD2.120). Nous aurons tous besoin de soins intensifs par Mr Jean-Louis Vincent, chef de service des soins intensifs de l'Hôpital Erasme. Date : mardi 2 octobre 2007 de 14h à 16h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120). Invectives littéraires et poétiques entre esthétique et abjection par Mme Laurence Rosier, linguiste, professeur à l'ULB. Date : jeudi 4 octobre 2007 de 15h à 17h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Guillissen (UA2.218) Evolution de la politique en Flandre par Kris Deschouwer, politologue, professeur à la VUB
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Date : lundi 8 octobre 2007 de 16h30 à 18h30. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120). La neurochirurgie aux confins de la science et de la fiction par Mr Jacques Brotchi, chef du service de neurochirurgie de l'Hôpital Erasme, professeur à l'ULB. Date : mardi 9 octobre de 14h à 16h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120) Condorcet : l'optimisme des Lumières par Marcel Voisin, philologue romaniste, professeur honoraire à l'ULB. Date : jeudi 11 octobre de 15h à 17h Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Guillissen (UA2.218) Le tumulte du religieux à l'orée du XXIe siècle Alliance et confrontations (présentation de thèse) par Jacques Rifflet, professeur honoraire de droit, de politique internationale et d'analyse des facteurs religieux de l'UMH. Date : lundi 15 octobre 2007 de 16h30 à 18h30. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120) La chirurgie du cœur à la croisé des chemins : défis du passé, chantiers du futur par Didier de Cannière, chef de service de cardiologie de l'Hôpital Erasme ULB. Date : mardi 16 octobre 2007 de 14h à 16h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120) La musique dans l'œuvre de Molière par Manuel Couvreur, philologue romaniste,
professeur à l'ULB. Date : jeudi 18 octobre 2007 de 15h à 17h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Guillissen (UA2.218) Les grands défis du christianisme à l'aube du troisième millénaire par Mr Gabriel Ringlet, docteur en communication et théologien, pro-recteur de l'UCL. Date : lundi 22 octobre 2007 de 16h30 à 18h30. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120) De l’idée au roman : comment Jean-Paul Sartre a écrit “La Nausée” par Vincent de Coorbyter, philosophe, directeur général du CRISP à l’ULB. Date : mardi 23 octobre 2007 de 14h à 16h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Chavanne (UD2.120) Le traité de Rome : genèse, ambitions, résultats par Jacques Nagels économiste, professeur émérite de l’ULB. Date : jeudi 25octobre 2007 de 15h à 17h. Lieu : ULB, Campus du Solboch, square Groupe G, auditoire Guillissen (UA2.218) Renseignements : 02 650 24 26 (le matin).
L’association Pour la Solidarité propose les activités suivantes : Journée de formation sur les perspectives offertes par la nouvelle programmation budgétaire 2007-2013, en partenariat avec Europe Initiatives Rhône-Alpes – Lyon.
Date : 18 Septembre 2007 Plus d’infos : denis.stokkink@pourlasolidarite.be Grande journée de dialogue sur la pauvreté et l’inclusion sociale organisée à Gand en partenariat avec la Fondation Roi Baudouin. Date : 24 septembre 2007 Plus d’infos : ariane.fontenelle@pourlasolidarite.be Séminaire Femmes et Ville sur base du Cahier de la Solidarité “Femmes et villes : que fait l’Europe ? Bilan et perspectives”, en partenariat avec le Mouvement européen – Bruxelles. Date : 4 octobre 2007 Plus d’infos : severine.karko@pourlasolidarite.be Grande conférence organisée à Namur en partenariat avec SAW-B en direction des acteurs de l’économie sociale et de l’insertion – Bruxelles. Date : 25 octobre 2007 Plus d’infos : ariane.fontenelle@pourlasolidarite.be Midi de la Solidarité “Décrochage scolaire, comprendre pour agir” – Bruxelles. Date : Courant octobre Plus d’infos : severine.karko@pourlasolidarite.be Open Meeting “Peut-on mesurer la lutte contre les discriminations ?” sur les indicateurs de discrimination en entreprise – Liège. Présentation de l'événement : l’égalité de tous les citoyens, pourtant assurée dans notre Constitution, reste bien souvent lettre morte en terme d’intégration socioé-
conomique. Dans le cadre de l’année européenne de l’Égalité des Chances pour tous, Pour la Solidarité vous propose de mettre en question la mesure des discriminations, plus que jamais d’actualité. Lors de cet Open meeting, nous nous interrogerons sur la pertinence de se doter d’instruments de mesure, ainsi que sur l’impact des politiques et stratégies mises en œuvre pour réparer les tords commis envers les personnes discriminées. Cet Open meeting est organisé en partenariat avec la Ville de Liège et la Région Wallonne. Date : courant octobre Plus d’infos : francoise.kemajou@pourlasolidarite.be Grand colloque de clôture à Bruxelles organisé par le Think tank européen Pour la Solidarité en collaboration avec l’ensemble des partenaires du projet. Date : courant novembre Plus d’infos : ariane.fontenelle@pourlasolidarite.be Coordination d'un projet européen portant sur le programme “L’Europe pour les citoyens”, pour promouvoir la citoyenneté en Europe. Au programme : la création d’un réseau européen d’organisations de la société civile active dans ce domaine ; des expériences innovantes à découvrir à travers un site Internet participatif ; des newsletters ; des conférences européennes ; etc. Pour la Solidarité se réjouit de poursuivre ses travaux au niveau européen pour la promotion de la citoyenneté, qui constitue un de ses axes de travail privilégiés. De plus, ce projet sera l’occasion de partager des échanges fructueux avec nos parte-
naires de la société civile notamment en France, Autriche, Hongrie, Roumanie et Bulgarie, sources d’apprentissages mutuels en matière de dialogue civil. Les activités démarreront très prochainement à travers l’Europe, alors rendez-vous à la rentrée pour en savoir plus ! Projet cofinancé par l’Union européenne dans le cadre du programme “L’Europe pour les Citoyens” 2007-2013. Date : 2007-2008 Plus d’infos : fanny.gleize@pourlasolidarite.be Renseignements : Pour la Solidarité, rue Coenraets 66, 1060 Bruxelles. Tél : +32 2 535 06 87 Fax : +32 2 539 13 04 cecile.marquette@pourlasolidarite.be, www.pourlasolidarite.be Service Laïque d'Aide aux Justiciables et aux Victimes - Bxl II - asbl – SLAJ-V. Siège social : 148, avenue Ducpétiaux – 1060 Bruxelles Tél. : 02/537.54.93 Fax : 02/343.78.15 E-Mail : coordination@slaj.be • president@slaj.be Atelier d’écriture pour victimes d’infraction pénale : communiquer de manière créative son vécu de victime par un autre biais que la parole, celui de l’écriture (texte, poème, réflexion) ou toute autre forme d’expression (dessin, peinture, collage, …). Pour ceux qui le souhaitent, les réalisations peuvent s’inscrire dans le journal “Jonctions” qui est un moyen d’échanges entre les victimes et les auteurs d’in-
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fractions pénales (atelier d’écriture en prison). Animateurs : Martine Stassin et Charlotte Soumeryn-Schmit. Entretien préalable nécessaire. L’atelier a lieu le premier jeudi de chaque mois de 17h30 à 19h30 à “l’Aide aux Victimes” au 314 rue Haute – 1000 Bruxelles (Porte de Hal). Formation aux prises en charge des victimes de violence sexuelle – janvier à juin 2008 Pour quel public ? Professionnels (et étudiants en stage) du secteur psycho-médico-social qui rencontrent ce type de situations. Quel contenu ? Abord clinique des vécus et réflexion autour de leur prise en charge dans le cadre de différentes professions. Type de formation ? Le style est participatif et non académique. Sur base de témoignages vidéo de victimes et d’échanges autour des différentes pratiques cliniques, nous procéderons à la construction collective du savoir. L’apport théorique et clinique des formatrices et, éventuellement, le recours à la représentation dans des mises en situations cliniques viendront soutenir l’élaboration. Modalités pratiques ? La formation est organisée en un cycle de 7 modules autour des thèmes suivants : • le viol à l’âge adulte ; • l’abus sexuel dans l’enfance homme/femme, • le harcèlement sexuel,
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• les groupes de paroles, • traumas sexuels / traumas non sexuels : quelle différence ? Les sessions auront lieu un mardi par mois de janvier à juin 2008 de 9h à 16h30 à Bruxelles - 6 à 10 participants. Prix ? 30 euros par module, soit 210 euros pour le cycle (Echelonnement de payement possible). Renseignements / inscription : Martine Stassin ou Anne-Françoise Dahin, psychologues et psychothérapeutes, Tél. : 02/537.66.10 Atelier Enfants “Vivre son deuil”. L’atelier s’adresse aux enfants de 4 à 11 ans qui ont perdu un proche dans le contexte d’une infraction pénale (homicide volontaire ou involontaire, décès suspect, accident de roulage…). Objectifs : • Favoriser le processus de deuil chez l’enfant et en prévenir les complications en éveillant ses ressources et sa créativité. • Permettre aux enfants endeuillés de partager leur vécu avec d’autres enfants et de découvrir, partager et s’appuyer sur de nouvelles ressources. • Soutenir les parents dans l’accompagnement du processus de deuil chez leur enfant. L’Atelier Enfants est animé par une assistante sociale et une psychologue. Chaque Atelier Enfants comprend cinq séances qui ont lieu le samedi de 10h à 13h. Une participation de 5 euros par atelier est demandée pour les frais de matériel.
Inscription / renseignements : Caroline Boland et Eva Plaes Tél. : 02/537.66.10 Sections “Aide aux détenus et leurs proches” “Aide pré et post-pénitentiaire et leurs proches” 148, avenue Ducpétiaux – 1060 Bruxelles Tél. : 02/537.54.93 Fax : 02/343.78.15 (répondeur). Activité particulière : “L’Accueil” : espace d’accueil chaleureux et agréable, salle d’attente et de détente en nos bureaux pour les familles, proches et enfants qui rendent visite à une personne incarcérée. Salle de jeux pour enfants et tout-petits. Ouvert tous les matins de 8 h 30 à 13 h et le mercredi après-midi de 15 h à 17 h. L’écoute offerte peut déboucher sur une aide sociale, psychologique, juridique. Permanence juridique le jeudi matin : pour les familles et leurs proches.
Le mardi 25 septembre 2007 – 19h30
conférence
Le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle et Bruxelles Laïque
Parlons “Nous”… Dans le prolongement de la publication simultanée de l’Agenda Interculturel et de Bruxelles Laïque Echos autour d’une question commune : comment construire un “nous commun” au-delà de nos identités et appartenances respectives ?, nous souhaitons poursuivre la réflexion et la mise en débat public sur cette thématique. Laïcité et interculturalité ont en commun le projet de favoriser un “vivre ensemble” harmonieux basé sur des principes d’égalité, de liberté de conscience et de non discrimination. La construction d’une communauté politique ne peut se faire sans la reconnaissance des identités individuelles et collectives dont sont porteurs les acteurs de cette construction ; elle ne peut s’envisager sans égalité, ni dans un schéma de culture dominante qui refuse le partage du pouvoir politique. • Comment favoriser cette reconnaissance à un niveau individuel, collectif, mais aussi institutionnel ? • Comment éviter l’écueil du “mono-identitaire”, c’est-à-dire résumer les individus à une seule de leurs identités possibles ? • Les politiques à destination de groupes minoritaires n’ont-elles pas amené à les stigmatiser davantage et à annihiler leur participation citoyenne ? • Quelles actions mener ? Comment favoriser des espaces d’interaction, de construction du nous commun ? Comment valoriser la diversité sans renoncer à construire des liens forts au sein d’une communauté ? Lieu :
Bruxelles Laïque, 18-20 Avenue de Stalingrad • 1000 Bruxelles
Introduction : “Les enjeux communs de l’interculturalité et de la laïcité” Par Edouard Delruelle, philosophe, directeur-adjoint du Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme. Intervenantes : Eliane Deproost, secrétaire générale du Centre d’Action Laïque Christine Kulakowski, directrice du Centre Bruxellois d’Action Interculturelle Modératrice : Florence Caeymaex, chercheur qualifié du FNRS, Service de philosophie morale et politique de l’ULG. Service de philosophie morale et politique de l’ULG. En présence d’une bonne partie des auteurs ayant contribué à ces deux publications. Dans le cadre de la campagne Interculturalité 2007 du Centre d’Action Laïque
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“Un cahier, un crayon” pour les enfants du Congo A vous qui êtes enseignant, parent d’élève, militant d’association ou tout simplement un citoyen sensible à la solidarité internationale et à l’importance de l’éducation… Nous vous proposons de participer concrètement à la rentrée solidaire “Un cahier, un crayon” en faveur des enfants du Congo-Kinshasa et du CongoBrazzaville. Cette campagne, se déroulant du 4 septembre au 30 novembre, consiste à collecter des fournitures scolaires neuves, qui contribueront à améliorer les conditions d’enseignement dans les écoles officielles de ces pays. Car dans ces régions, riches en ressources naturelles mais avec une majorité de la population vivant dans le dénuement et la pauvreté, l’enseignement est délaissé et les infrastructures scolaires sont en mauvais état. La plupart des écoles publiques sont mal équipées et manquent de matériel didactique, les enseignants sont sous-payés… Ces facteurs rendent les conditions de travail particulièrement difficiles. Or, une éducation de qualité sans discriminations ni restrictions est indispensable à la construction de toute démocratie et à son développement durable. Avec nos partenaires sur le terrain, nous pratiquons une coopération d’accompagnement et non de substitution aux autorités locales, dont la responsabilité en la matière est primordiale.
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Comment participer ? Diffuser l’information Divers documents sont disponibles et peuvent être commandés à LHAC pour la Belgique (lhac@laicite.net / 02/649.00.36) ou téléchargés sur www.uncahier-uncrayon.org. • Un dépliant de 4 volets présentant l’opération, à distribuer dans les écoles, à mettre en dépôt dans des organismes concernés par la solidarité et l’éducation, ... • Un fichier PDF à télécharger ou à recevoir par mail. Ce document est une reprise du dépliant de présentation. • Une affiche format A4 à apposer dans les lieux publics, les écoles, les associations,… Médiatiser l’opération • Reprendre l’information dans vos publications et la diffuser auprès de vos contacts. • Mettre en place un lieu de dépôt. • Organiser un événement de sensibilisation relatif au Congo (conférence-débat, animation,…) ou une manifestation en faveur de l’opération (match de foot, repas…). Organiser la collecte de matériel • Collecter du matériel neuf (cahiers, crayons, bics, gommes, feuilles de dessin,…). Au niveau des écoles, les parents ou élèves peuvent être incités à déposer leurs fournitures scolaires dans le hall de
l’établissement en y apposant l’affiche de l’opération. • Conditionner ce matériel trié par nature (cahier, crayon…) dans un carton, en y collant l’inventaire du matériel avec vos coordonnées postales et mail. • Apporter ou envoyer votre colis au lieu de dépôt le plus proche (en consultant la liste des lieux de dépôt en Belgique sur www.ulb.ac.be/cal/lhac dès début septembre). Une dimension pédagogique “Un cahier, un crayon” pour les enfants du Congo est aussi l’occasion pour les enseignants, les éducateurs, les parents et les élèves de sensibiliser et d’être sensibilisés à la solidarité internationale et à l’importance de l’éducation. La rentrée solidaire est organisée depuis 2001 par Solidarité Laïque-France, et cette année, pour la première fois en Belgique, en partenariat avec l’asbl Laïcité et Humanisme en Afrique Centrale (LHAC), avec le concours du Mouvement Laïque, de la FAPEO et des associations Soliécole et ASD. Plus d’infos : www.uncahier-uncrayon.org Contact (pour la Belgique) : lhac@laicite.net – 02.649.00.36 rédigé par l’asbl LHAC sur base de la lettre d’information de juin 2007 de Solidarité Laïque de l’opération
Ciné Libre présente
SORTIE NATIONALE LE 12 SEPTEMBRE 2007 AU CINEMA ARENBERG Un documentaire de Heidi Ewing et Rachel Grady 85 min. Les familles que vous verrez dans le film représentent une force électorale influente qui fait de plus en plus entendre sa voix dans la vie culturelle et politique américaine. Elles préparent non seulement le retour de Jésus, mais elles s’apprêtent également “à reprendre le pouvoir en Amérique au nom du Christ” entraînant avec elles leurs enfants. Des enfants qui attendent de recevoir la parole divine et s’agitent, en transe, comme possédés, quand l’Esprit Saint parle en eux, des mômes qui maudissent Harry Potter parce qu’un héros sorcier est une chose sacrilège, des gamins qui vénèrent le leader de leur pays et embrassent son effigie en carton...
Oscar Nomination Best Documentary 2006 Sterling Feature Grand Jury Award, AFI/Discovery Silver Docs Festival, 2006 Outstanding Achievement in Documentary, Tribeca Film Festival, 2006
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Ariane HASSID, Présidente
Conseil d’Administration
Direction Comité de rédaction
Philippe BOSSAERTS Clément DARTEVELLE Francis DE COCK Jean-Antoine DE MUYLDER Francis GODAUX Eliane PAULET Michel PETTIAUX Paul-Henri PHILIPS Yvon PONCIN Johannes ROBYN Pascale SCHEERS Laurent SLOSSE Dan VAN RAEMDONCK Cédric VANDERVORST
Fabrice VAN REYMENANT
Mathieu BIETLOT Mario FRISO Paola HIDALGO Sophie LEONARD Ababacar N’DAW Michaël ROBERT Olivia WELKE
GRAPHISME Cédric BENTZ & Jérôme BAUDET EDITEUR RESPONSABLE Ariane HASSID, Présidente de Bruxelles Laïque, 18-20 Av. de Stalingrad - 1000 Bruxelles ABONNEMENTS La revue est envoyée gratuitement aux membres de Bruxelles Laïque. Bruxelles Laïque vous propose une formule d’abonnement de soutien pour un montant minimum de 7€ par an à verser au compte : 068-2258764-49. Les articles signés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
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