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Sommaire Editorial (A. Hassid) ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 3

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Education : quelles histoires ? (T. Lambrechts).................................................................................................................................................................................................................................................... 4 Les recherches menées dans les services de sciences de l’éducation en Belgique et ce depuis leurs émergences (E. Roland) ................................. 10 On ne parle pas de ça ici ! Censure et autocensure à l'école (A. Ndaw) .................................................................................................................................................................................. 14 PRÊT-À-PENSER : Emancipation (C. Tolley) .......................................................................................................................................................................................................................................................... 17 Que penser de l'éducation préscolaire ? (P. Hidalgo)................................................................................................................................................................................................................................... 20

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Une autre éducation à l'environnement est possible (B. Legros) ..................................................................................................................................................................................................... 24 Pédagogie interculturelle (X. Remacle)....................................................................................................................................................................................................................................................................... 27 Nouvelles technologies et apprentissage : Quelles TIC nous ont piqués ? (A. Riveros) ............................................................................................................................................ 30 Evaluation de l’acquisition des compétences ? (C. Tolley)...................................................................................................................................................................................................................... 32

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Pour un cours “philosophique” commun en Belgique (J. Lacrosse)............................................................................................................................................................................................. 35 Initiative privée versus inertie publique (M. Bietlot)........................................................................................................................................................................................................................................ 40 PORTAIL : Interroger, c’est enseigner ! (M. Friso) ............................................................................................................................................................................................................................................ 44 AGENDA : échos laïques de vos activités bruxelloises .............................................................................................................................................................................................................................. 46

Bruxelles Laïque est reconnue comme association d’éducation permanente et bénéficie du soutien du Ministère de la Communauté française, Direction Générale de la Culture et de la Communication, Service de l’Education permanente. Bruxelles Laïque Echos est membre de l'Association des Revues Scientifiques et Culturelles - A.R.S.C. ( http://www.arsc.be/) Bruxelles Laïque asbl Avenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 Bruxelles Tél. : 02/289 69 00 • Fax : 02/502 98 73 E-mail : bruxelles.laique@laicite.be • http://www.bxllaique.be/

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’éducation et l’instruction ont une importance de premier ordre. C’est par là qu’une société transmet ses bases aux jeunes générations et surtout prépare son avenir. L’école constitue un enjeu laïque historique et fondamental. Nous nous sommes toujours battus pour qu’elle soit ouverte à tous, impartiale, émancipée de toute tutelle ou emprise particulière et vecteur d’émancipation.

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En ces temps où la majorité des Pouvoirs Organisateurs en Belgique sont confessionnels, la lutte pour un enseignement laïque de qualité garde toute son actualité. La mission de l’école est avant tout de former des citoyennes et des citoyens, bien dans leur tête et dans leur corps, épanouis, prêts à voir leur avenir avec confiance et détermination, capables de construire cette société que nous voulons plus juste et plus solidaire.

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Or le constat est connu : l’école va mal, les conditions de travail s’y précarisent, la violence y gronde, les inégalités sociales et les clivages culturels s’y reproduisent… Tout cela est inquiétant et fait l’objet de nombreuses publications. Au lieu de nous limiter à réitérer ces dénonciations, nous avons pris l’option, dans ce 67ème numéro de Bruxelles Laïque Echos, de tenter d’envisager l’école autrement et d’inscrire clairement notre réflexion dans une perspective d’avenir. Il s’impose, en effet, de repenser le fonctionnement de la machine éducative, afin d’éviter qu’elle ne se réduise à une machine à exclure et hiérarchiser.

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Pour réinventer l’école, nous prenons le parti de mettre en jeu ce que nous connaissons aujourd’hui du système éducatif afin de contribuer à fonder une manière de penser et d’agir qui soit mieux adaptée aux valeurs que nous défendons et aux enjeux contemporains, tels que les nouvelles technologies, l’écologie ou l’interculturalité. Interroger ce qui nous semble parfois évident, c’est une des dimensions de la démarche libre exaministe qui doit animer celui qui cherche à dépasser les contradictions actuelles. Les valeurs que nous voulons transmettre dans notre système éducatif sont notamment la liberté d’expression et l’émancipation, concepts qui peinent à se faire une place dans la pratique de l’institution scolaire. Au plus près de ces valeurs, nous avons intégré dans notre réflexion prospective une question qui se trouve davantage à l’agenda, celle de l’avenir des cours dits “philosophiques”. En la matière, un changement crédible s’avère possible, en théorie. Certes l’institution scolaire est en crise, mais elle n’est pas le seul foyer d’apprentissage dès lors qu’il se poursuit tout au long de l’existence. Peut-on s’en passer ? Faut-il lui chercher des alternatives ? Ou la compléter par d’autres dispositifs ? Comment mettre en œuvre le changement ? Celui-ci doit-il être attendu des pouvoirs publics ou pris en charge par la société civile ? Vu l’importance du sujet et l’ambition de notre approche, nous ne vous proposerons, dans les pages qui suivent, que des amorces de réflexions. Chacun des articles de ce numéro aurait pu fournir la matière pour un dossier complet. Les textes publiés ne reflètent pas forcément la position de Bruxelles Laïque mais ont pour vocation de participer à l’ouverture et l’enrichissement d’une réflexion globale sur l’éducation, ouverte à tous. Je vous en souhaite une passionnante lecture Ariane HASSID Présidente

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ans une véritable “généalogie”, sans une véritable mise en perspective qui permette de contextualiser et donc de problématiser la notion d’éducation, on se retrouve souvent désarmé face à la complexité des problématiques et des enjeux de notre époque.

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Pour se faire une première idée et mettre en avant les difficultés qui peuvent surgir de l’utilisation du terme “éducation” au cours d’époques foncièrement différentes nous nous proposons de reprendre le bref historique de M. Soetard dans le Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation des éditions Retz. Histoire Cette encyclopédie de l’éducation, certes “occidentalo-centriste” a le mérite d’être assez exhaustive du point de vue de son historique ; elle ne limite pas l’histoire de l’éducation à quelques auteurs particuliers et reste assez représentative d’une vision largement diffusée et acceptée aujourd’hui. Soetard considère que l’éducation naît “avec le premier geste du père dessinant devant son enfant le bison qui leur permettrait de se nourrir”. Il en déduit, que “toute communauté constituée et relativement stable tend par simple nécessité de vivre et de survivre à se conserver en sauvegardant et en transmettant ses caractères physiques et intellectuels”. Mais pouvons-nous réellement parler d’“éducation” dans ce contexte ? Eduquer est-il un simple phénomène d'apprentissage de quelqu’un qui ne sait pas par quelqu’un qui sait afin d’assurer la survie de l’espèce ?

Ensuite, Soetard aborde la question de l’éducation “dans le berceau athénien de la réflexion philosophique”. Dans ce contexte, il explique que le “soin des enfants” devient un problème crucial autour duquel ont dû s’affronter les défenseurs du dressage autoritaire (sur le modèle de Sparte), les promoteurs d’une éducation liée à l’intérêt (les sophistes) et ceux qui se préoccupaient en priorité de l’unité de la cité et son fondement rationnel (Socrate, Platon, Aristote). Or, la période dite de la “Grèce Antique” n’est pas un tout homogène ; elle recouvre de nombreux changements sociaux, politiques, économiques et philosophiques. Dès lors, on peut se demander s’il n’est pas difficile de comprendre l’apparition de ce débat en dehors de toute réflexion sur le contexte très particulier qu’est l’émergence de la démocratie grecque, son application et son évolution ? N’existe-t-il pas de différences fondamentales entre Socrate, Platon et Aristote ? Quelles sont les différentes conceptions de l’éducation à cette époque ? A qui est-elle destinée ? Quel est son contenu ? Comment est-elle envisagée ? Où a-t-elle lieu ? Quels sont les termes utilisés pour nommer ce que l’on appelle aujourd’hui l’éducation ? Quel est le lien qui existe entre l’éducation et la famille ? Peut-on parler de professeur et d’élèves ? Plus loin, sans avoir approfondi la question de l’éducation à Rome, M. Soetard considère que “l’avènement du christianisme va inscrire l’éducation dans une perspective transcendante […] L’éducation ne sera achevée qu’au jour où la Loi sera inscrite au cœur de chaque

homme. En attendant, cependant, il appartient à l’Eglise enseignante d’assurer la mission d’instruction et de correction”. Il est sûrement illusoire de penser que l’éducation chrétienne ait réellement eu pour objectif l’instruction de tous les hommes alors qu’à cette époque très peu de personnes ont accès à l’instruction. Que signifie dans ce contexte “inscrire une Loi dans le cœur de chaque homme” ? Pourquoi cette volonté ? La renaissance et le mouvement de la Réforme vont désormais “placer l’individu au centre d’un monde fait pour lui et où il a désormais à se former. Il s’agit de faire retour vers la “nature”, c’est-à-dire vers la condition première et originelle de l’homme en deçà de la chute et de faire en sorte que se développent le plus librement les semences du savoir, des vertus et de la religion que la Providence divine à déposée en nous”. Ici encore, l'auteur procède à de multiples simplifications. Effectivement, M. Soetard fait l'impasse sur les nombreux courants qui s’opposent à propos de la question de l’homme et de son éducabilité ; il ne fait pas référence à l’apparition de la forme scolaire ; il ne met pas en évidence les nombreuses césures qui existent dans les domaines artistique, philosophique, scientifique, technique et bien entendu éducatif. Est-il possible de parler d’une période qui va de la fin du Moyen-âge jusqu’au mouvement des Lumières, en passant par la réforme et la contre-réforme en quelques lignes ? Quel est le lien entre la science, le politique et le religieux ? Quelles écoles s’affrontent et pourquoi ? Qui va à l’école ?

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Existe-t-il différents systèmes d’enseignement et différentes pratiques ? Quel est le contenu des études ? Existe-t-il différents niveaux d’enseignement ? Les questions qui émergent à travers les périodes évoquées montrent déjà qu’il y a encore de nombreuses recherches à mener si l’on souhaite appuyer la réflexion sur une connaissance fiable de l’histoire de l’éducation. Dans la deuxième partie consacrée à la “modernité”, il considère qu’avec l’avènement des traités d’éducation (dont les auteurs les plus connus sont Rousseau, Kant, Pestalozzi, Condorcet, …) à la fin du XVIIe siècle et durant le XVIIIe siècle, l’éducation se conjugue avec la liberté individuelle et elle s’identifie désormais au devoir d’humanisation. C’est pourquoi, M. Soetard considère qu’il n’est pas surprenant que le concept d’éducation “finit par pénétrer toutes les formes de l’activité humaine. Elle accompagnera la constitution de l’Etat moderne et elle creusera ses grandes divisions idéologiques ; elle imprégnera toutes les structures qui ont en charge le développement de l’enfant et elle s’étendra sur la vie entière ; elle s’emploiera à cultiver chacune des aptitudes humaines et elle se chargera d’aller “sauver” les individus rejetés aux marges du système social. Elle se donnera encore comme le point de convergence et de concurrence des sciences humaines et il lui arrivera de se confondre avec le rêve d’une régénération radicale du genre humain. Il semblerait que rien de ce qui est humain ne puisse plus désormais échapper à l’éducation”.

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Mais où sont les réflexions sur l’école telle que définie par Bourdieu et Althusser ? Qu’en est-il des conceptions de liberté et pourquoi cette notion prend-elle tellement d’importance à cette époque ? Que signifie-t-elle ? Quel est le statut du savoir ? Quels sont les principes sociopolitiques qui sous-tendent notamment la question de l'obligation scolaire ? Intégrer ces questions et ces réflexions dans l’histoire de l’éducation suppose, on le constate, d’en réécrire quelques chapitres… Etymologie L’éducation, sa polysémie et ses contradictions, montrent bien la diversité des conceptions en matière d’éducation et laissent entrevoir quelques-uns des problèmes qui se posent à son propos. Un détour par le sens étymologique des termes “éducation”, “école”, “formation” s'impose. L'“Education” (n. f.) est emprunté (1527 ; 1495 d’après Bloch et Warburg) au latin educatio “action d’élever (des animaux, des plantes)” et “éducation, instruction, formation de l’esprit”, de educatum, supin de educare. Le mot désigne, comme en latin, la mise en œuvre des moyens propres à former et à développer un être humain. Le verbe “éduquer” prend au XVIIIe s. le sens de “développer une faculté particulière par un entraînement” (apr. 1750 ; éduquer son courage, son oreille) puis il se spécialise : “apprendre à qqn les usages de la société” (déb. XIXe s.), “former le caractère”, avec un sujet nom de chose (fin XIXe s.)1

D’un point de vue historique, il est à noter que les termes “éduquer” et “éducation” ont seulement été introduits dans la langue française à partir des XIVe et XVe siècles. Jusque-là l’ancien français utilisait nourrir et nourriture pour signifier l’acte d’élever un enfant. Pourtant, deux étymologies sont souvent proposées dans la littérature contemporaine. L’une rattache le verbe éduquer au latin “educare”, synonyme de nourrir, d’élever. Dans ce premier sens, pour M. Develay, “l’éducation vise à aider l’individu à être plus grand qu’il n’est en s’appuyant sur ce qu’il est”2. M. Soetard explique cette étymologie par la “référence à une Nature, horizon et source de toute sagesse, en même temps que moteur de la créativité humaine et de sa liberté. Il s’agissait encore et toujours de puiser à une source, de retrouver le mouvement de la création, d’alimenter une croissance naturelle qui était celle de la Providence divine”3. L’autre fait venir le verbe éduquer de “educere” c'est-à-dire “ex-ducere”, conduire hors de, faire éclore, aider à mettre au monde. Mais il est souvent admis que la deuxième étymologie n’est pas fondée car comme l’explique F. Buisson (1883-1887) dans le premier dictionnaire de Pédagogie, “les dictionnaires français-latin du XVIe siècle traduisent tous les mots latins educatio par nourriture, nourrissement, institution”.4 Pour F. Morandi, cette fausse étymologie est une métaphore pour notre société moderne occidentale “qui suggère

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l'accompagnement participant à l'œuvre éducative, ainsi qu'une dimension d'à venir, d'histoire ou/et de développement personnel”5 mais celle-ci ne peut en aucun cas être utilisée pour placer notre système éducatif dans le prolongement d’une histoire linéaire dont les racines plongeraient dans la nuit des temps. Effectivement, notre école contemporaine caractérisée par Bourdieu “d’instrument de reproduction sociale” ou par Althusser “d’appareil idéologique d’Etat” a peu en commun avec la skholè grecque. La skholè grecque : Le temps libre et de méditation-contemplation qui se définit en totale opposition par rapport au travail (ergasia), Aristote l’appelle “loisir” (skholè). Aristote prend soin également de la différencier clairement de la paresse ou l'oisiveté. La Skholè aristotélicienne consiste à se former soimême en opposition à la naturalité ou l’animalité puisque ce qui est à réaliser, c’est ce qui fait de nous des hommes, à savoir, l’esprit, la raison, ce qu’Aristote considère comme les “activités plus hautes” de l’esprit. Toutefois il convient de relever que cet accomplissement de l’humanité n’est possible qu’à condition qu’il y ait des esclaves, qui, eux, travaillent. Pour satisfaire les besoins de la maisonnée et du maître. En grec tardif et helléniste la Skholè prend le sens d’“étude”, d’“école philosophique” et désigne un groupe de philosophes ayant non seulement une doctrine commune, mais une organisation, un lieu de réunion, un chef.

Le Ludus, le Paedagogus et la Schola latine :

de la Schola latine et non de la Skholê grecque.

Pour évoquer la Skholè grecque, les latins parlaient d’Otium Graecum (le loisir grec) que les “vieux Romains” regarderont avec agacement. La société romaine accorde une grande importance à la formation des enfants, le paterfamilias peut choisir de faire élever son enfant à la maison, en le confiant à un “professeur particulier”, qui peut être un esclave instruit ; mais généralement, il l'envoie à l'école primaire (magister ludi). Les écoles romaines sont mixtes ; les filles cependant ne poussent pas leurs études aussi loin que les garçons. Un esclave, le “pédagogue” (paedagogus, qui conduit les enfants) s'occupe de l'enfant et l'accompagne à l'école, quand il n'a pas lui-même la tâche de l'instruire. Le ludus qui donnera ludique, que l’on traduit souvent par “jeux”, signifie davantage “exercice” en général (d’où son lien avec les univers scolaire et militaire), que le jeu au sens d’amusement que rend mieux le terme latin jocus qui avec le temps recouvrira le sens de ludus. Même si ludus ne peut pas être confondu avec Skholè car il se pratique en vue d’une utilité potentielle, il manifeste d’un certain sérieux qui a peu à voir avec le jocus.

Formation : Dressage ou élevage ?

Ludus a progressivement été remplacé par Schola qui signifie “loisir consacré à l’étude”, “lieu où l’on enseigne, école”. À Rome, en effet, l’école était désignée par un terme générique valant pour toute activité conçue en dehors d’une fin pratique (ludus, exercice scolaire, mais aussi jeu). La Schola doit dès lors être comprise comme le temps disponible pour l’étude. Le terme école est donc directement issu

Nous ne pourrons pas nous pencher ici sur tous les termes qui traversent le monde de l’éducation, mais il nous semble opportun d’en interroger un dernier, celui de “formation”, tant ce terme est présent dans les politiques éducatives contemporaines. Former, v. tr. est emprunté (v.1135) au latin formare “donner une forme”, d’où “façonner, former”, “arranger”, “instruire”, “régler”, dérivé de forma. L’idée de création l’emporte dans une série d’emplois : le verbe signifie “créer” (v.1150 ; Dieu a formé l’homme) et par extension “émettre hors de soi, formuler” (1172) sens sorti d’usage aujourd’hui comme ceux de “faire entendre” (1664) et “engendrer” (1647). Dans l’usage moderne, former se dit pour “concevoir par l’esprit” (1604) “donner des formes” en grammaire (1680) et “faire exister selon une forme” (1690). Le noyau sémantique semble s’être déplacé de “créer”, “faire exister (par une forme)” à “organiser”. Mais l’idée d’être la cause de quelque chose domine encore dans certains sens du verbe : former signifie alors “prendre la forme de” (1563 ; au p. p. formé “qui a pris sa forme” dès 1160) et “donner une forme à quelque chose”. Quand on parle de l’esprit (1580, Montaigne ; se rattache à), le

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pronominal se former, “s’instruire, se cultiver”. Former a aussi le sens d’ “entrer dans un ensemble en tant qu’élément”. Plusieurs mots sont des emprunts à des dérivés de formare ou de son supin dont le terme de formation. FORMATION n. f. (v.1770), emprunt au latin formatio “forme, confection”, désigne l’action de former quelque chose, de se former en géologie. Il se dit spécialement (1898) en parlant de l’espèce humaine des processus qui aboutissent à l’état adulte. On parle depuis le XVIe siècle (1550) de la formation d’un mot, ensuite d’une langue. Par métonymie, formation se dit de ce qui est formé (une formation nuageuse) et s’emploie spécialement pour désigner un groupement de personnes (1789, une formation politique ; formation militaire (1790)). Formation s’emploie aussi à propos de l’éducation d’un être humain (v. 1930), pour désigner l’ensemble des connaissances dans un domaine. On parle depuis le milieu du XXe siècle de la formation des adultes (1951) et de la formation permanente. Nous constatons ici que les significations attribuées à cette notion ont fortement évolué avec le temps pour envahir progressivement le monde de l’éducation. Une affaire de mots ou un remaniement de la raison pédagogique ? Selon P. Goguelin, ce changement terminologique marquerait une révolution profonde dans nos façons de penser la pédagogie.6 Pour M. Fabre aussi, la question de la

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formation dans le champ de l’éducation “dérange les traditions en s'insinuant là où ne l'attendait pas : à l'école où il faudrait désormais “former des lecteurs”, voire “former des citoyens[…]. L'idée de formation brouille également les distinctions conceptuelles et obscurcit le discours pédagogique en s'insinuant quelque part entre “instruction”, “éducation”, “enseignement”, “apprentissage”, sans qu'on puisse lui assigner un site, la fixer sur un territoire. Savons-nous bien désormais ce que nous sommes : enseignants, éducateurs, formateurs ou rien de tout cela, ou encore tout cela à la fois ?”7 Nietzsche ouvre le débat en nous proposant une différenciation éclairante autour de la notion de formation. Celui-ci isole en effet deux sous-catégories de la notion de formation : le dressage et l’élevage. D’une part, la formation comme dressage peut être entendue en tant que formatage physique et mental. Il s’agit de l’opération consistant à donner une forme plate à un objet. Le mot n’est usuel qu’à propos du domptage d’un animal ou de l’éducation rigide d’une personne. Dressage, vient de dresser, du latin drecier “tenir ou rendre droit”. Dans le formatage, il y a donc peut-être de manière insidieuse, l’idée d’instrumentalisation et d’industrialisation du travail éducatif. A ce sujet, on peut reprendre cette phrase de Berger “grâce à la formation, la société choisit les personnes dont elle a besoin pour fonctionner et éliminer d’une façon ou d’une autre celles qui ne font pas l’affaire, et si ces personnes nécessaires au fonctionnement d’une société n’exis-

tent pas, il faut en fabriquer”8. Et en effet, on retrouve dans les textes officiels, avec l’industrialisation et la mise en place de “l’instruction” professionnelle et technique, la nécessité d’adapter la “maind’œuvre” aux exigences de la production (taylorisme, fordisme, etc). D’autre part, la formation comme élevage relève, pour Nietzsche, d’une volonté de discipliner le corps humain, s’enracinant tout à la fois dans l’éducation de soi et dans la définition d’un but qui élève l’homme. L’élevage est donc l’action d’élever, de lever au dessus, de porter plus haut (elevare en latin). C’est-à-dire, d’amener un être vivant à son plein épanouissement physique, intellectuel et moral. Il est nécessaire d’en prendre acte : il existe dans nos sociétés occidentales et dans leur histoire une diversité, une pluralité dans la manière de concevoir l'éducation qui est parfois contradictoire. Evidemment, chercher une éducation idéale et universellement efficace, nous fait penser à la chanson de Brel sur l’“inaccessible étoile”. Par contre, une multiplicité de réponses coexistent. Cette pluralité partage les groupes, et mieux encore, les individus eux-mêmes, traversés par ces tensions entre des pôles irréductibles. Il faut donc prendre cette pluralité comme point de départ : Eduquer se pense au pluriel !

Thomas LAMBRECHTS Bruxelles Laïque Echos

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1 A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, ed. Robert. 2 M. Develay, Propos Sur Les Sciences De L'éducation Réflexions Épistémologiques, Esf Editeur, Paris p. 31. 3 Soetard, Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation - ed. Retz, Paris. 4 A. M. Drouin-Hans, L'éducation une question de philosophie Anthropos Education Poche , Paris p. 9. 5 F. Morandi, Philosophie de l'éducation, edition Nathan, Paris p. 14. 6 P. Goguelin, La formation continue des adultes, PUF, Paris, 1970. 7 M. Fabre, Penser la formation, Paris, PUF, 1994, pp. 19/20. 8 P.Berger, La perspective sociologique, Comprendre la Sociologie, Paris, 1973.

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Afin de ne pas m’égarer dans la présentation de l’état de mes recherches - ce qui me mènerait vers des considérations très décousues et la présentation de concepts très spécifiques - j’aimerais plutôt tenter de partager avec vous les chemins parcourus ainsi que les questions qui m’ont amenée à spécifier ainsi mon domaine d’investigation. Mon expérience personnelle d’abord et puis surtout les livres, les auteurs qui ont orienté, non seulement le thème de mes recherches, les manières de les mener mais surtout qui ont bouleversé ma manière de penser la science et l'éducation.

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’ai toujours été passionnée par la recherche, le savoir, les aventures intellectuelles, les rencontres avec les livres, certains auteurs, mots ou concepts, … bref ; ce que Nietzsche qualifierait peut-être de “gai savoir”. C’est pourquoi ma rencontre avec l’institution scolaire traditionnelle a été pour moi, comme le début d’une descente aux enfers : ne plus réfléchir, ne plus poser de question, ne plus pouvoir s’étonner… mais apprendre avec monotonie, ne jamais dépasser le programme, obéir et restituer. Ainsi, tout au long de mon parcours scolaire, la passion s’était transformée en devoir, la quête en évaluation.

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En parallèle de mes études de sciences de l’éducation, j’ai donc commencé des études de sciences politiques pour pallier à ce manque. Là aussi, même si la question de l’éducation reste très marginalisée, il m'a semblé qu'elle restait également bien souvent sous l’emprise d’analyses techniciennes et économistes, qui n’interrogeaient pas non plus le caractère polémique de cette question de l’éducation.

Je me suis alors demandée si l’école pouvait être émancipatrice ? Si elle pouvait être autre chose qu’un instrument de hiérarchisation et de normalisation, autre chose qu’un instrument qui assujettit le désir de savoir, qui permet à l’évaluation d’être une épée de Damoclès qui menace sans cesse toute personne, même celle qui réussit et qui semble tuer la curiosité et le désir d’apprendre ?

Ainsi, si les découvertes techniques et pratiques continuent à se multiplier, ne se trouvent plus posées, les questions de savoir comment en est-on venu à vouloir éduquer, quelles volontés et effets derrière l'institution scolaire, son obligation et ses ramifications, comment un discours sur l’éducation devient légitime, comment un savoir sur l’éducation est produit, comment l’objet “éducation” a été constitué, uniformisé et rationnalisé pour ainsi être utilisé à tout va dans des recherches scientifiques, dans les médias, dans nos discussions quotidiennes, dans nos valeurs, sans jamais devoir être questionné sur ses significations.

Ce sont ces questions qui m’ont poussée à commencer mes études en sciences de l’éducation et qui m’ont taraudée tout au long de mon cursus. Pour des raisons historiques, que je ne pourrais expliquer dans cet article, la section des sciences de l’éducation de l’ULB est inscrite dans la Faculté de psychologie. De ce fait, ainsi que pour d’autres raisons, la question du sens politique et philosophique de l’éducation se trouve bien souvent repoussée au profit de débats sur l’efficacité et la “scientificité” des méthodes et des technologies psychologiques et pédagogiques.

José-Louis Wolfs (chef du service des sciences de l’éducation, ULB), m’a alors proposé pour l’un de mes stages de compléter son syllabus sur les grands courants de la pensée et de la recherche en éducation avec ce qui m’avait toujours manqué, avec ce que j’avais toujours recherché. J’ai donc commencé à m’interroger sur les sens du concept d’éducation, ses histoires, ses pensées dominantes, ses pensées minoritaires, sur les sens et les histoires de l’institution scolaire et de l’université. Durant ces recherches, j'ai souvent eu l'occasion de lire Une histoire

glorieuse et linéaire de l'éducation, Histoire du progrès, de l'éternelle évolution du simple au complexe, du sauvage au civilisé, de l’obscurité vers la lumière avec ses précurseurs, ses révolutions. Pendant longtemps, j’avais ainsi recherché le propre de l’éducation, son sens premier et son progrès ultime... mais j'avais beau chercher et lire, m'intéresser à l'étymologie, aux grands auteurs, aux histoires locales, nationales et internationales...je ne trouvais rien de tel. Une infinité de pensées, oui ; un nombre incalculé de controverses et de paradigmes aussi, mais aucun paradis éducatif ni en avant, ni en arrière de l’histoire, aucune “essence” de l'éducation. J'étais complètement désarçonnée. C'est alors que j'ai découvert des penseurs et des livres tels que L'école mutuelle d'A. Querrien, Le maître ignorant de J. Rancière, La fabrique de l'impuissance de C. Nordmann, ainsi que Surveiller et Punir et les nombreux cours au Collège de France de M. Foucault. Des sociologues, des philosophes, des enseignants, des psychologues pour qui la pensée n'est pas déjà toute faite mais vivante. Pensée dans laquelle la force de vérité n'est pas déterminée mais se trace un chemin : chemin forcément compliqué, car il ne peut aller tout droit vers un but. Ses objectifs, ses questions, il doit les inventer, et les refaçonner, au fur et à mesure de son déroulement qui est voué à n'aboutir jamais et à se poursuivre toujours dans de nouvelles directions1. Il n’y avait pas et il n’y aurait sans doute jamais de communauté authentique au bout du voyage qui donnerait son “vrai”

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sens à la question éducative. Il n’y avait pas de “nature humaine”, de “Raison”, ou de “réalité en soi” pour insuffler “La” voie dans les chemins de la connaissance vers “Le” monde de l'éducation. Il n’y avait qu’une infinité de déplacements, de changements de sens dans les discours, à travers les temps et l’espace. Dès lors, l’histoire n’est plus l’évolution linéaire du plus simple vers le plus compliqué, ou du faux vers le vrai, puisque chaque époque possède son propre système de pensabilité de ce qu’il faut entendre par simple et complexe, par vrai ou par faux. Le travail d’archives auquel va alors se confronter Foucault, ainsi que bien d'autres penseurs, consistera alors à faire revivre toutes ces existences minoritaires qui ont été écartées de l’histoire par les formes historiques du pouvoir. Ce qu'il nous propose avec cette généalogie, c’est une pratique qui fait appel à la fois aux connaissances érudites, aux mémoires locales, aux savoirs historiques des luttes, et aux éléments disqualifiés par la hiérarchie des connaissances et des sciences. C'est ce qu’à la suite de Louis Althusser on peut appeler une “insurrection des savoirs”, c’est-à-dire une insurrection contre les effets d’un pouvoir centralisateur (celui des institutions et du discours scientifiquement organisé à l’intérieur de nos sociétés). J'étais séduite. Bouleversée mais séduite. Toutes les évidences auxquelles je m'étais toujours raccrochée branlaient dangereusement mais l'aventure qui s'annonçait semblait bien plus attrayante. Il ne s'agissait plus de trouver le sens de l'éducation ou de l'école, mais de s'intéresser et d'interroger les évidences qui habitent notre quotidien et de

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rechercher leurs historicités pour comprendre les rapports de domination qui traversent l'institution. Des rapports qui traversent bon nombre d'institutions scolaires mais qui nous traversent également tels les rapports enfant/adulte, ignorant/savant, apprenti/maître, famille/administration2. Un ensemble de rapports qui n'ont pas toujours existé mais qui structurent aujourd'hui les rapports éducatifs et que nous continuons à reproduire sans même les penser. J'ai alors voulu partir à la recherche des discours sur l'éducation durant la guerre d'Espagne, la Commune de Paris ou le Yiddishland révolutionnaire. Plonger dans les archives perdues des partis politiques, des universités, des journaux ainsi que dans les nombreuses tentatives de construire une école révolutionnaire qui y ont vu le jour. Tenter de comprendre les rapports de domination qui éclatent, qui sont mis à jour et ceux qui se perpétuent, dans les cris ou les silences. Comprendre les débats, les questions, les controverses, les impasses, les découvertes. Cependant, riche de mes lectures de Foucault, je savais que je ne pourrais mener à bien toutes ces recherches si je ne m'étais pas dans un premier temps interrogée sur mon propre rapport à l'éducation et, dès lors, sur ma formation en sciences de l'éducation. Sur les “sciences de l'éducation” mais tout d'abord sur la section des sciences de l'éducation ici à l'ULB, puis en Belgique. La question du rôle des sections de sciences de l'éducation ainsi que la question de leurs histoires, leurs tensions et leurs

écueils et leurs rapports avec les autres disciplines, les sphères politico-administratives et professionnelles, si elles sont vives dans nos universités, elles restent bien souvent sans réponses. Pourtant, analyser les sciences de l’éducation me semble très instructif pour comprendre les places, les rôles et les héritages des chercheurs en sciences de l’éducation mais également pour interroger notre système scolaire aujourd’hui. A partir des premières recherches d’archives déjà effectuées, plusieurs pistes de recherche peuvent être mises en évidence. Premièrement, il s’agira de questionner le lien qui peut exister en Belgique entre une science de l’éducation et le monde politico-administratif et professionnel et plus spécifiquement entre l’instauration de l’instruction obligatoire et la naissance d’une section de pédagogie dans les universités belges. Comme le montre la littérature sur les sciences de l’éducation en France, en Suisse et en Allemagne, l’émergence dans les milieux académiques d’une science de l’éducation ne répond pas à une demande des professionnels de l’éducation et est liée à la nécessité d'une discipline pour appuyer son nouveau système d'éducation national. Qu'en est-il en Belgique ? Dans notre université ? Comment évoluent ces rapports ? Qu'en est-il aujourd'hui ? Dans un deuxième temps, il s’agira d’interroger les rapports entre les sciences qui s’occupent de l’éducation et les différentes disciplines dont elles s’inspirent, de la fin du 19e siècle jusqu’à nos jours. Ces

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questionnements visent ainsi à comprendre l'évolution des rapports entre les sciences de l'éducation en Belgique et les différentes disciplines qui étudient également l'école, l'éducation et l'enfance telle que la médecine, la psychologie, la sociologie, la philosophie ainsi que les différentes didactiques des disciplines. En outre, ils permettent de comparer ces architectures institutionnelles et épistémologiques avec la situation dans d'autres pays européens (la France, l'Allemagne, la Suisse) et ainsi comprendre les spécificités de la situation éducative belge sur le plan épistémologique, social et politique.

Dernière publication CGé, dans la collection : “l’école au quotidien” Au front des classes – face à la classe, aux côtés des élèves, dans les luttes sociales. Deuxième édition augmentée par DE SMET Noëlle aux Éditions Couleurs Livres, 2009. Ces textes nous invitent à pénétrer dans la classe et à vivre ces aventures mouvementées et personnelles. On y découvre tout ce qui devient possible, malgré les parasitages, dans ces groupes-classes qui peu à peu parlent, s’organisent et travaillent. Info et commande sur www.changement-egalite.be

Cette recherche n'est évidemment qu'à ses débuts mais j'espère qu'elle permettra non seulement de continuer mes recherches mais aussi d'enrichir la section et les sciences de l'éducation plus généralement.

Elsa ROLAND Doctorante en science de l’éducation ULB

P. Maherey, La force de normes, p. 32. M. Foucault, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France de 1976, Paris, Seuil, Hautes Etudes, 1997. 1 2

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Censure et autocensure à l’école Mais pourquoi l’école a-t-elle peur d’un débat sur le “ça”, c'est-àdire, l’homosexualité, l’euthanasie, le voile, la sexualité, le genre, la mixité, la place des religions, l’islam, le christianisme, les Arabes, les Noirs ou les Juifs ? Pourquoi les enseignants craignent-ils tant de faire débattre les élèves sur ces questions ? Et pourquoi de leur côté, les élèves n’arrivent-ils pas à discuter sereinement de ces sujets ? 14

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A cela sans doute plusieurs raisons mais, entre autres, celles qui suivent et qui relèvent de constats faits par nos équipes d’animation, dans le cadre de nos activités de promotion de la Laïcité et de la culture du débat démocratique à l’école. Cet article s’inspire à ce propos, très largement d’un dossier pédagogique que nous avions publié il y a quelques années dans Bruxelles Laïque Echos, sous le titre La liberté d’expression à l’école. Les obstacles à la communication et aux interactions pacifiques entre professeurs et élèves, et entre les élèves eux-mêmes, que nous dénoncions alors, loin de s’estomper, se sont structurés, rendant presque certains débats impossibles, tant les confrontations s’érigent très vite en affrontements. L’école n’est plus sans doute le lieu ou l’on apprend à bien parler mais plutôt à savoir se taire quand on vous le demande et dans certains cas, sans qu’on vous le demande. Le poids de la culture institutionnelle de l’école La culture institutionnelle de l’école est une culture autarcique, autoritaire et uniformisante par vocation naturelle et idéologique. Elle a donc du mal à se démocratiser de peur de se sentir dépossédée de son pouvoir, mais aussi par esprit d’hostilité organique à toute forme de changement. Elle tolère les différences certes, mais avec méfiance et susceptibilité. Et malgré l’hétérogénéité de sa réalité, elle s’obstine à imposer un modèle homogène au mépris des mutations, des métamorphoses et des exigences de son environnement social et culturel. Les méthodes de gestion de la diversité, loin de s’inscrire dans une démarche interculturelle, y sont encore normatives, correctives, répressives, rarement démocratiques. Les opinions contraires à celles communément admises n’ont pas droit de cité. L’esprit contestataire ou de contradiction y est indésirable. La plupart du temps, il est dévalorisé, marginalisé ou carrément

banni. En règle générale, les élèves stigmatisés pour des opinions et des propos qualifiés de “dérangeants”, finissent par ne plus rien dire publiquement. Comme si en contestant leur point de vue, on leur ôtait en même temps, le pouvoir et le droit de l’affirmer. Le contexte scolaire L’école, du fait de la diversité de ses acteurs, est en permanence agitée par des tensions et des conflits en tous genres : idéologiques, politiques, culturels et sociaux. Ces tensions se cristallisent autour de questions comme la religion, la contraception, la création de l’univers, l’homosexualité, et les transforment en enjeux autour desquels s’érigent des rapports de forces, des affrontements et des conflits ouverts. L’exercice de la liberté d’expression et d’opinion à l’école se heurte aux mêmes barrières communautaires que dans le reste de la société. On a le droit de parler, mais on s’interdit de parler de tout par peur de se voir

remettre en cause ou agressé. La liberté d’expression n’y est reconnue qu’à condition qu’elle reste une aspiration, et non un droit. N’ayant pas d’espace organisé pour s’exprimer, ni de lieu d’écoute, les opinions personnelles sont parfois refoulées ou confinées dans des champs interpersonnels de tensions, conduisant rarement à des solutions constructives et apaisantes. Les enseignants pris de court, démunis face à ces situations du quotidien, ont pour certains fréquemment recours à l’autorité pour s’éviter l’aventure de débats dont ils ne sont pas sûrs de maîtriser les développements et les aboutissements. Il devient de fait plus simple de “botter en touche”» plutôt que de courir le risque d’un affrontement imprévisible et par définition incontrôlable. L’école ayant du mal à s’adapter à l’évolution des comportements, pour garantir sa sécurité et sa cohérence, impose son propre canevas aux individus qui lui sont confiés. Ces derniers n’ont alors, aucune autre alternative en dehors de la soumission ou de la révolte. Aujourd’hui, certes on n’y obéit

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encore, non sans contrainte énergique, mais on s’y rebelle de plus en plus.

L’impuissance et l’autocensure des enseignants

Censure et autocensure chez les élèves

Les enseignants aussi s’autocensurent, victimes de fantasmes liés à des représentations communautaristes ou ethnicisantes. “Je n’ose pas aborder ce sujet dans ma classe parce cela va dégénérer en affrontement”, nous ont confié certains d’entre eux. Parler de l’islam, de l’homosexualité, de l’égalité, de la mixité, du voile, de l’antisémitisme, de l’euthanasie ou de l’avortement, dans certains cas, estiment-ils, peut être potentiellement dangereux. La raison invoquée : “J’ai trop d’Arabes, trop de Juifs trop, de musulmans, trop de catholiques, trop d’Africains, trop de filles, trop de garçons”, etc. C’est délicat.

Il existe à l’école une pression très forte des groupes d’appartenance ou d’affiliation à laquelle les individus savent difficilement se soustraire. Sur les sujets que nous avons évoqués plus haut, très peu d’élèves osent affirmer leurs opinions personnelles dans les débats en classe, de peur d’être sanctionnés par le professeur ou catalogués par leurs condisciples. En moyenne, dans les discussions, seule une minorité s’exprime et son opinion finit souvent par prévaloir. Assez fréquemment, après une intervention, des élèves viennent voir l’animateur pour le prendre à témoin d’une opinion qu’ils n’ont pas osé assumer publiquement devant les autres. La peur de marquer sa différence et surtout de courir le risque de s’aliéner l’estime des autres, de se voir rejeté, l’emporte sur le droit et l’envie de dire ce que l’on pense. Parce qu’à l’école comme ailleurs sans doute, il est essentiel de s’intégrer dans un groupe pour ne pas s’exposer. On est fidèle à son groupe, on adopte ses opinions et on s’aligne sur ses prises de positions par soumission, servilité ou commodité. Néanmoins, que faire d’opinions qu’on ne peut afficher ni à l’école, ni à la maison et qui pourtant, ont le droit en tant que telles de s’exprimer ? Elles n’ont pas d’autres choix alors que de s’emparer de la rue et des lieux publics, les stades de football en particulier, pour exister, se manifester, se faire entendre.

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Et on brandit l’excuse ethnique, religieuse, sexuelle ou sociale pour éviter d’ouvrir ce qu’on estime être la boîte de Pandore. En l’occurrence des débats qu’on n’a ni le temps, ni les arguments et le savoir-faire d’organiser et d’assurer. Au nom de la tranquillité, ils rejettent toute idée de confrontation, et choisissent de tuer le débat dans l’œuf. Inhibés par un sentiment d’impuissance, l’inédit de la situation, sans moyens réels de convaincre ou par peur de perdre du temps, ils s’interdisent d’aller au delà de l’injonction. Beaucoup arguent généralement du manque de temps, pris en tenailles entre les impératifs d’un calendrier chargé et des devoirs administratifs tout aussi lourds et impérieux. “Je sais bien qu’il est important d’en discuter, mais je ne vois pas comment je peux le faire. Je ne les vois que deux fois dans la semaine !”. Ce

sont des arguments entendus et par ailleurs bien souvent justifiés. Le temps manque pour discuter et parler de la vie. Aussi très peu de place est laissée aux débats d’idées, à la confrontation d’opinions nécessaires à toute vie démocratique. Par manque de temps, il est vrai dans beaucoup de cas, mais aussi par peur d’avoir à gérer des chocs d’opinions, souvent perçus comme des “querelles improductives ”. “Surtout qu’ils ne savent pas discuter sans s’insulter ! Je passe mon temps à sanctionner !”. On peut comprendre que dans ces conditions un débat ne puisse véritablement se dérouler, surtout lorsqu’il est intempestivement interrompu par des “tais-toi ! Tu as assez parlé. On ne parle pas de ça ici” ! “On ne parle pas de ça ici”, plus qu’une injonction sommative, elliptique, c’est une mesure, dirait-on, de salut public pour garantir la paix sociale, quitte à sacrifier le droit à la liberté d’expression des élèves, comme des enseignants. Quelqu’un n’a-t-il pas dit que la vraie “liberté consiste à comprendre la nécessité”1 ? Et qu’en définitive, pourrait-on ajouter, la fin justifie, après tout, les moyens. Ababacar NDAW Bruxelles Laïque Echos 1

Friedrich Engels.


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Il n’est cependant pas aisé de discerner ce que recouvre la notion d’émancipation. Faut-il s’émanciper ou être émancipé ? Faut-il émanciper les élèves ou permettre aux élèves de s’émanciper ? Si l’on s’attache au décret, qui n’est pas très explicite, l’acquisition de chances égales d’émancipation sociale peut vouloir dire que la formation et l’enseignement reçus par les enfants devraient leur permettre, devenus adultes, de choisir librement leur façon de vivre leur vie sociale, d’être libres de leurs attaches, d’être autonomes quant à leurs références morales, leurs interactions avec les autres, avec les groupes, avec les idées, et d’agir délibérément et avec responsabilité sur les rapports sociaux dans lesquels ils sont pris. Tant d’intentions qui recoupent d’ailleurs les définitions que le mouvement laïque donne aux notions d’émancipation et d’autonomie. Cependant, ces propositions semblent nous faire entendre que l’émancipation serait une valeur en soi, une chose concrète et autosuffisante. C’est pourtant loin d’être le cas. A suivre la définition du dictionnaire, il s’agit en fait de l’action d’affranchir ou de s’affranchir d’une autorité, de servitudes ou de préjugés. Ou d’affranchir quelqu’un de la tutelle d’une autorité supérieure. On ne s’émancipe donc pas, mais on s’émancipe de quelque chose. Dans le cas qui nous occupe, il reste encore à savoir de quoi... Les prescriptions officielles en matière d’enseignement n’en disent mot. L’émancipation sociale telle que nous l’avons définie supposerait alors que

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l’adulte, passé d’abord par le statut d’enfant et d’élève, se soit affranchi des certitudes, des préjugés, des contraintes morales dogmatiques et des servitudes sociales et économiques afin de cultiver la mise en doute, la critique, la liberté de conscience et la liberté d’expression. Or ces contraintes, dogmes et servitudes ne viennent pas de nulle part. Ils viennent de l’éducation, de l’enseignement et, de façon générale, de la vie en société et de l’influence mutuelle que les individus ont les uns sur les autres. Et en ce qui concerne les élèves, ils viennent donc principalement de leurs lieux de vie majoritaire : le foyer et l’école. Le foyer et l’école qui sont aussi les contextes dans lesquels les enfants incorporent des compétences techniques, sociales et relationnelles utiles pour acquérir leur autonomie de futurs adultes. Si l’on jette un coup d’œil dans le rétroviseur, sur les corporations qui furent jadis un mode majoritaire d’apprentissage institué, on voit se dessiner différemment – et plus simplement – le rapport entre l’enseignement et l’émancipation. La transmission d’un savoir ou d’un savoir-faire par le maître vers l’élève était conçue comme un moment de sujétion totale. Le savoir-faire acquis, l’élève devenu compagnon l’exerçait à l’entier service du maître et à la façon de ce dernier. C’est enfin quand le compagnon s’affranchit de la tutelle de son maître et décide de mener son art lui-même qu’il devient autonome. C’est donc de l’enseignement et de la tutelle du maître que l’élève s’émancipe. Ceci n’est pas sans rappeler cette petite phrase répétée par les professeurs de première année d’études supérieures : “vous allez

devoir oublier ce que vous avez appris à l’école”. Ou encore cette rengaine que les travailleurs expérimentés adressent aux novices : “ce n’est pas à l’école qu’on apprend le métier”. Afin d’accueillir et d’acquérir des pratiques, des savoir-faire, des connaissances, l’élève en milieu scolaire institutionnel est contraint par des méthodes, des rythmes et des disciplines qui le changent, transforment son être, répriment tels penchants et stimulent telles inclinations. Ainsi, si l’éducation et l’enseignement peuvent apporter des outils d’autonomisation, il est difficile de prétendre qu’ils sont émancipateurs par eux-mêmes. On serait plutôt tenté de dire que l’éducation et l’enseignement revêtent des aspects d’aliénation plus que d’émancipation. D’autant que la massification scolaire et la pression à l’homogénéisation (désindividualisation) des nombreux élèves d’une classe tendent à transformer la discipline scolaire en approche relativement synthétique et simplificatrice pour donner des assertions aussi fausses que “si tu te comportes mal, tu seras puni1”. Autant de propositions que l’élève devra installer en lui telles des certitudes ou des habitudes s’il veut réussir son insertion scolaire. Ainsi, ce serait bien de l’enseignement, de l’éducation et de la tutelle de l’école que l’élève devra s’émanciper pour gagner son autonomie d’adulte. Comme le jeune adulte s’émancipe de la tutelle parentale pour prendre en main lui-même les différents aspects de sa vie. Nous voyons une fois de plus que les mots et les expressions méritent d’être

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déconstruits et analysés. Dans le cas de l’émancipation, ce terme qui sonne bien à l’oreille, qui fait plaisir parce qu’il parle de quelque chose qui rime avec liberté et épanouissement, mais qui en réalité reste une notion creuse si elle n’est pas mise en relation avec ce dont elle parle en réalité. Cedric TOLLEY Bruxelles Laïque Echos

ERRATUM ECHOS N°66 Légende manquante pour la photo p. 19 Le dessin est un montage réalisé par des enfants de Qalqilya (territoire palestinien occupé) dans le cadre de l’atelier photo organisé en juillet 2009 par “Artistes Contre le Mur”.

Plus aucun criminologue sérieux n’oserait prétendre que la transgression d’une norme engage automatiquement une sanction. 1

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Nous intéresser à l’éducation au sens large nous oblige à regarder audelà du système scolaire, à interroger le rôle ou la place de l’école dans la société. Au-delà, à côté, mais aussi en-deçà de l’école puisque l’apprentissage et la socialisation sont des réalités qui accompagnent l’individu tout au long de sa vie et qui sont, dans notre société, surtout valorisées au début de celle-ci.

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l est donc question ici de puériculture, de cet ensemble de pratiques et de savoirs qui se rattachent au fait d'élever des enfants en bas âge. A l’heure où l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire à 5 ans semble être “un instrument pertinent d’insertion sociale et de réussite”1, ce qui se passe avant l’école devient politique, comme, d’ailleurs, d’autres aspects de ce qui avant relevait de l’“intime”.

vide d’un point de vue pédagogique, pour lequel la société avait du mal à définir des attentes de manière collective. Serionsnous face à un malaise provoqué par la prise en charge collective récente des jeunes enfants, intégrée dans un système de “solidarité froide” ? Est-ce que la société propose des moyens suffisants pour faire face aux exigences du modèle qu’elle impose à ses membres ?

D’après l’expérience de beaucoup d’entre nous – parents d’enfants d’âge préscolaire –, une bonne partie d’institutions de socialisation “officielles” peinent à proposer des objectifs pédagogiques innovants pour cette tranche d’âge. Les projets pédagogiques de certaines crèches et maisons d’enfants consistant à “préparer les enfants à l’école”. Sans ignorer que certaines institutions et gardiennes se démarquent clairement de cette situation, proposant des projets d’accueil intéressants d’un point de vue pédagogique, il nous semble que, de manière générale, les dispositifs d’évaluation du secteur se limitent trop souvent aux aspects sécuritaires, négligeant les démarches éducatives et humaines.

Avant de l’éduquer, j’élève mon enfant… à moins que je n’en sois pas à la hauteur

Quant à la classe d’accueil, dans de nombreux établissements scolaires, elle se définit souvent comme un “lieu d’apprentissage des rudiments nécessaires à l’intégration en première maternelle”. Définition d’objectifs en creux, renvoi de la patate chaude à l’étape ultérieure…, ces lacunes ne peuvent que nous interpeller. Tout se passe comme si la petite enfance était une période de latence, un moment

À l’heure où le travail se présente comme l’élément prédominant d’intégration des individus à la société, les parents des deux sexes sont censés s’épanouir dans des activités rémunérées à l’extérieur du foyer. Or, le manque de places d’accueil dans des structures adaptées est structurel et les efforts vers l’augmentation de celles-ci visent l’accroissement du chiffre, sans ambitions d’en améliorer leur qualité. Ainsi, alors que le discours officiel des “experts” va dans le sens d’une nécessaire – voire salutaire – intégration précoce des jeunes enfants dans des lieux collectifs d’accueil, les possibilités réelles des familles pour concilier vie familiale et vie professionnelle sont rares et la prise en charge des enfants en âge préscolaire présente des lacunes à différents niveaux. Il faut aussi avoir à l’esprit que le temps où la prise en charge des plus jeunes était l’apanage des mères n’est pas très loin ni dans le temps, ni dans l’espace (dans plusieurs pays de l’UE, ce modèle reste d’ailleurs d’actualité et les congés de

maternité/parentaux sont plus longs et assortis d’allocations substantielles). Nous semblons être face à deux modèles antagonistes dans le domaine de l’éducation de la petite enfance : un modèle de socialisation institutionnelle précoce versus un modèle où l’éducation des enfants en bas âge reste la responsabilité des familles (en réalité, et malgré le discours grandiloquent sur l’avènement des nouveaux pères, nous parlons ici des mères). Le discours des “experts puériculteurs” prend clairement partie du côté du modèle de socialisation précoce au sein du système de prise en charge collective. Il est aussi chargé d’un message normatif véhiculé dans les brochures et autres médias officiels (notamment, Le carnet de la mère ; Le carnet de l’enfant distribués massivement par l’ONE à toutes les femmes dès la première visite prénatale et lors de la sortie de la maternité) : c’est normal d’être un parent travailleur (et surtout une mère travailleuse). Or, “La pseudo-neutralité éducative de ces textes, leur pseudo-universalité, dissimulent mal la charge idéologique de leurs concepts, propres à certains courants de la société…”2 La réalité défie ce modèle. Non seulement il est mis à mal par le manque de places d’accueil, en outre le taux grimpant de chômage rend impossible pour nombre de femmes de réaliser cette identité de mère-travailleuse. Que faire, alors ? Face à cette injonction (paradoxale ?) qui invite à “s’épanouir en tant que mère-travailleuse”, le refus ou l’impossibilité de s’y

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plier se traduit par l’acceptation d’un modèle traditionnel de “mère au foyer”, de plus en plus perçue comme marginale, voire pathogène. La mauvaise mère, actuellement, serait la mère “trop” maternante, “trop” fusionnelle, non intégrée à la société à travers le travail ? Il est intéressant de remarquer la confusion – entretenue souvent par la littérature dédiée aux parents d’enfants en âge préscolaire – entre faits sociaux (la généralisation du modèle de la “mère travailleuse” et les effets que cette généralisation peut avoir sur les familles ou mères qui s’éloignent de ce modèle) et explications psychologiques. Ce glissement nous semble significatif dans la mesure où le discours sur les relations familiales et sur les difficultés scolaires tentent de se justifier à partir de théories psychologiques, dont la scientificité semble aller de soi et face auxquelles les autres discours semblent disqualifiés. Néanmoins, dans certains cas, le choix du “maternage intensif” est imposé (par la tradition, par l’impossibilité de trouver un travail…), mais il peut être aussi le fruit d’une décision, certes marginale, résultante du refus de réduire son identité à des approches productivistes ou consuméristes de l’intégration à la société3. Dans ce sens, nous aimerions attirer l’attention sur la surenchère des savoirs qui semblent devenir nécessaires pour (bien) élever un enfant. Autrefois les puériculteurs se limitaient à préconiser des pratiques en fonction d’une norme claire : la principale activité d’une mère, c’est de s’occuper de ses enfants. Ils se présentaient comme des “experts” dont les connaissances faisaient autorité.

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Actuellement, les manuels de puériculture, les magazines spécialisés et autre brochures informatives se veulent moins normatifs et proposent des choix plus divers… Bien qu’ils aient laissé tomber le ton pontifiant, ils suggèrent des modes de faire, des attitudes et des explications des difficultés ou dysfonctionnements à partir de théories psychologiques. Il est attendu des parents d’être à la page sur les évolutions et trouvailles dans cette discipline… et de se plier aux recommandations du psy à la mode.

2001, pp. 7-18] indiquent qu’en termes de carrière scolaire, ce sont les élèves étrangers ou issus de l’immigration qui semblent tirer le plus grand bénéfice de cette mesure.”6

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Que penser des mesures de gestion des difficultés scolaires d’un groupe spécifique d’élèves par la contrainte et l’injonction (tout comme on gère souvent d’autres problèmes soulevés par ce même groupe à d’autres moments de leur vie par l’interdit) ?

Scolariser plus tôt pour éviter les défaillances parentales ?

Les prescriptions, contraintes et obligations qui se multiplient nous semblent révélatrices d’une restriction des objectifs du système éducatif. Au lieu de questionner sa pédagogie, les conditions de l’accueil, l’idéal pédagogique et d’autres éléments de fond, ils se limitent à “permettre la reconduction de la société dans ses spécificités du moment, donc de conditionner l’enfant à reproduire les conduites nécessaires à l’adulte”7.

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Que penser, alors, de l’abaissement progressif de l’âge d’obligation scolaire comme “un instrument pertinent d’insertion sociale et de réussite scolaire”4 ? L’objectif avoué des défenseurs de la scolarisation précoce est de diminuer les différences en termes de carrière scolaire entre les élèves. Ils constatent que “la maternelle procure un avantage pour la suite de la scolarité, tant sur le plan des acquisitions, qu’en termes de carrière scolaire en réduisant la probabilité de redoubler une classe ; les effets de la préscolarisation étant d’autant plus positifs que la scolarisation en maternelle a été longue”5 Mais, en même temps, le public visé par cette mesure est très spécifique “Certaines études menées en France [Caille J.P., “Scolarisation maternelle à 2 ans et réussite de la carrière scolaire au début de l’école élémentaire”. Education et formations, n° 60, juillet-septembre

L’éducation, ça sert à quoi ? Si, d’un point de vue laïque, le rôle de l’éducation – qu’elle soit scolaire ou qu’elle s’exerce avant ou en dehors d’un cadre institutionnel –, c’est d’être un vecteur de transformation des individus et de la société vers plus d’égalité et d’émancipation, comment dépasser les écueils et les risques que notre société fait courir à cette utopie ? L’enjeu est de taille et les mesures en matière d’apprentissage devraient viser à libérer l’éducation des dérives d’une société de plus en plus uniformisante, qui

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semble vouloir reproduire des individus (et encore, individu c’est un grand mot, on aurait envie de dire consommateurs) conformes à l’étape présente de son évolution.

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Il nous semble que des pistes pour une telle évolution existent et elles ont été abordées dans d’autres articles de ce numéro. Nous pensons qu’elles permettraient une articulation plus féconde entre l’école et les autres lieux de socialisation, ainsi qu’une meilleure adaptation de celleci aux grands défis qui pèsent sur notre société, comme le sont les relations interculturelles, les dangers que notre modèle de développement fait peser sur l’environnement et la possibilité d’un épanouissement non cantonné à une activité productive.

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Versele, M., Abaissement de l’âge de l’obligation scolaire. La pré-scolarisation, facteur d’intégration sociale : http://www.ligue-enseignement.be/default.asp?V_DOC_ID=2353 Delaisi de Parseval, G. & Lallemand S. L’art d’accommoder les bébés, Poches Odile Jacob, Paris 2001, p.16 3 Voir notamment l’article paru dans l’hebdomadaire Marianne à ce sujet. Dans cet article sont discutés (non sans une certaine disqualification) des nombreux témoignages de femmes universitaires ayant choisi de rester au foyer pour s’occuper de leurs enfants. Ce choix préoccupe des féministes telles que Elisabeth Badinter qui est d'ailleurs persuadée que “ce discours écologique n'aurait jamais rencontré un tel succès si les femmes n'avaient pas été déçues par le monde du travail”. Elles occupent toujours en masse les emplois subalternes piètrement rémunérés et, dans ce contexte de crise économique et de précarisation extrême, sont les premières touchées. “D'où une terrible lassitude des jeunes femmes qui se sont peu à peu désengagées du monde professionnel pour surinvestir leur rôle de mère respectueuse de la nature et de l'environnement. Persuadées qu'elles ne trouveront pas d'épanouissement dans le monde du travail, ces femmes considèrent leur enfant comme leur chef-d'oeuvre ultime”. http://www.marianne2.fr/Quand-l-ecologie-renvoie-les-femmes-a-la-maison_a93655.html. 4 Versele, M., ibidem 5 ibidem. 6 ibidem. 7 Delaisi de Parseval, G. & Lallemand S. L’art d’accommoder les bébés, Poches Odile Jacob, Paris 2001, p. 251, 1

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Lundi 25 et mardi 26 janvier 2010 à Bruxelles Laïque Un proverbe rwandais dit qu’on ne raconte pas de fable à des enfants endormis. Au lieu de contraindre les élèves, les enfants, les jeunes, il faudrait plutôt les réveiller… Paola HIDALGO Bruxelles Laïque Echos

Formation “Cérémonies laïques” Objectifs : • Mettre en place une procédure de travail pour ceux qui réalisent les cérémonies laïques. • Identifier la place des demandeurs au centre de la cérémonie et les pièges à éviter. • Identifier les limites des interventions et ses propres limites. • Développer le style personnel du volontaire. • Personnaliser les cérémonies. • Apporter des idées pour la réalisation des cérémonies. • Encourager la créativité des officiants et des familles… Formation ouverte aux volontaires ainsi qu’aux délégués laïques. Renseignements : Bruxelles Laïque Tél. : 02/289 69 00 Email : Bruxelles.laique@laicite.be Site : www.bxllaique.be

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“Ce n’est pas l’espoir impensé qui libère l’avenir, mais le désespoir pensé.” Jean-Claude Besson-Girard En faisant nôtre le slogan altermondialiste, nous pourrions affirmer que quelque chose d’autre est possible et souhaitable, que l’“éducation relative à l’environnement – ErE” (en Belgique) ou l’“éducation au développement durable – EDD” (en France), deux démarches bien implantées et considérées aujourd’hui comme la panacée. Non qu’elles soient totalement dénuées d’intérêt, mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Flash-back 24

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epuis quelques années, le discours des classes dominantes sur l’écologie a changé. Du simple déni, il est passé au souci de ne pas rater la nécessaire transition vers une économie, toujours productiviste, mais qui cette fois tien(drai)t compte des contraintes naturelles. Pour poursuivre l’accumulation infinie de capital dans ce nouveau contexte, l’oligarchie et leurs affidés publicitaires ont inventé le greenwashing (ou éco-blanchiment), dernier avatar du “développement durable”, expression oxymorique née en 1987 aux Nations Unies. Transposé dans l’enseignement, le greenwashing a accouché d’une stratégie : l’ErE, qui ne questionne pas, ou si peu, les postulats économicistes, utilitaristes, progressistes, technoscientistes, pour tout dire libéraux, qui ont fondé notre modernité depuis trois siècles. Au temps des catastrophes à venir – sentiment désormais apodictique –, l’ErE apparaît comme une démarche frileuse, naïvement prophylactique et gentiment citoyenniste qui ne risque pas de menacer les pouvoirs établis et les rentes de situation de certains. Le regretté philosophe Paul Gimeno y voyait une “ruse écotechniciste” qui ferait de l’éducation relative à l’environnement un moyen de discipliner l’individu avec l’objectif de promouvoir les attitudes et les comportements qui conviennent au capitalisme industriel.1

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On ne s’étonnera pas que nombre d’acteurs de l’enseignement l’aient ainsi adoptée avec plus ou moins d’enthousiasme, puisqu’ils sont aujourd’hui, en grande majorité, issus de la petite bourgeoisie, et à ce titre, ont tendance à s’identifier aux gagnants provisoires du jeu socio-économique. Or l’enseignement,

face à l’urgence écologique, a besoin de remuer les plis ordonnés de la bonne conscience citoyenne, qui s’inculque dès l’école fondamentale. Le “développement durable” (et son éducation scolaire) a dépolitisé la question écologique en la mutualisant (“chacun est responsable de l’avenir de la planète”, dit-il), sans désigner le principal responsable : l’économie capitaliste de marché, aujourd’hui globalisée. C’est elle qui, dans sa volonté de contrer la baisse tendancielle du taux de profit, a conquis toujours davantage de territoires jusque-là restés à l’abri de ses prédations : l’enseignement, les brevets sur le vivant, les nanotechnologies, bientôt les ressources naturelles de l’Arctique et des hauts plateaux de Bolivie, etc. Ce que l’on appelle par euphémisme les “problèmes écologiques” sont avant tout le reflet de l’omni-marchandisation du monde. Cependant, c’est à tous les productivismes qu’il faut déclarer la guerre intellectuelle, y compris dans leur version socialiste et internationaliste, toujours portée par une bonne partie de la gauche de gauche. Le mythe occidental matérialiste – à la fois libéral et marxiste – du développement et de la société d’abondance n’adviendra pas faute de ressources naturelles en quantité suffisante, et d’ailleurs tant mieux : une telle société n’est pas non plus éthiquement souhaitable. Parce que l’humanité a, une fois de plus, besoin d’un nouveau paradigme débarrassé des institutions imaginaires de la société qui apparaissent, avec le recul, les plus nuisibles pour la collectivité, par exemple : le culte de la croissance infinie ; la foi dans l’inéluctabilité du Progrès linéaire et universel ; l’expansion

illimitée de la maîtrise rationnelle du monde par la Science et la Technique (ce que Heidegger appelait “l’arraisonnement”) ; l’axiomatique de l’intérêt propre (et égoïste) chez les individus ; la civilisation commerçante considérée comme la dernière étape de l’évolution historique de l’humanité (après la chasse, l’élevage et l’agriculture), la pensée cyclique (et quasimagique) qui permet de (se) masquer la linéarité du temps historique2, la mondialisation vue comme une eschatologie, etc. Ces croyances, axiomes et fausses évidences, issus de la pensée grecque, du judéo-christianisme et de l’esprit des Lumières, ensuite recyclés par notre mentalité hypermoderne, sont légions. C’est une “décolonisation de l’imaginaire”, selon l’expression de Serge Latouche, qu’il est urgent d’initier envers les nouvelles générations, à vrai dire un vaste chantier philosophique qui devrait enthousiasmer tout enseignant digne de ce nom. Encore faut-il que les professeurs aient préalablement décolonisé leur propre imaginaire, ce dont on peut douter en observant leur mode de vie conformiste et consumériste, en contradiction avec l’exigence écologique et sociale.3 Aucun espoir n’est permis sans sevrage par rapport à “l’esprit du capitalisme” chez les éducateurs, sans autosocioanalyse (cf. A. Accardo) de leur part, démarche qui permettra de mettre à jour les mécanismes intériorisés qui font spontanément adhérer à l’ordre établi. Quant aux quelques enseignants désobéissants, lucides et radicaux, ils subissent souvent les remontrances de leur hiérarchie. En supposant ces deux démarches entamées et suivies avec une assiduité

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comparable à celle d’une cure de désintoxication, on peut commencer à imaginer que les enseignants s’investissent de la mission de faire émerger cette nouvelle réflexion, en privilégiant le pôle émancipateur de l’École plutôt que son versant intégrateur au monde tel qu’il est. Que peuvent-ils attendre d’un pouvoir politique qui fonctionne en connivence avec les puissances économiques et leurs groupes de pression4 ? Et des directions d’établissements, qui obéissent habituellement à l’autorité publique ? Aux enseignants de prendre les devants en profitant de leur relative liberté de parole et en dépassant la paralysie induite par l’interaction spéculaire. L’enseignement appartient avant tout à ceux qui le dispensent en classe et secondairement à ceux qui le pilotent tant bien que mal depuis les cabinets ministériels. Que les professeurs puissent faire la différence, c’est le pari de l’Appel pour une École démocratique (Aped)5, pari encore plus hasardeux quand on prend en considération les autres acteurs de l’École que sont les élèves et leurs parents. Les premiers, trempés dans le liquide amniotique publicitaire depuis le berceau, sont dès le départ culturellement désarmés pour résister à la décomposition sociétale en cours ; les seconds se comportent de plus en plus comme une clientèle qui attend d’être satisfaite ou remboursée. Les enseignants qui n’ont pas renoncé à transmettre le flambeau de la résistance disposent de peu de temps avant que les derniers espaces de liberté ne se contractent par l’action, insidieuse et déterminée, du nouvel État sécuritaire qui aide le capitalisme à muter pour survivre. Pour le moment, en Belgique francophone, ils sont toujours visités par des inspecteurs

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du ministère ; au Royaume-Uni, l’inspection des écoles primaires est sous-traitée à des sociétés privées depuis 1993… Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là ? “Nous”, les Occidentaux. Que faire maintenant ? Voilà les deux questions fondamentales que les pédagogues seraient bien inspirés de poser successivement à leurs élèves. Il ne suffit désormais plus d’enseigner les valeurs de la résistance – dans le meilleur des cas ! –, mais de résister personnellement et activement. Bernard LEGROS Enseignant, essayiste et objecteur de croissance (dernier ouvrage : L’enseignement face à l’urgence écologique, avec Jean-Noël Delplanque, Aden, 2009, préface de Serge Latouche).

1 Cf. Paul Gimeno, Pour une écologie de l’éducation, Labor, 2003. 2 Comme les cycles de Kondratieff qui donnent encore l’illusion que l’on va s’en sortir quasi “naturellement”. 3 .Cette aliénation des classes moyennes a été brillamment étudiée aux États-Unis par Christopher Lasch (La culture du narcissisme, Climats, 2000 ; Le moi assiégé, Climats, 2008), en France par Alain Accardo (Le petit bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyenne, Agone, 2009) et Jean Luc Debry (Tous propriétaires ! Du triomphe des classes moyennes, Homnisphère, 2008) ; Bernard Stiegler parle, lui, d’une “organisation systémique de l’irresponsabilité”. 4 Pour s’en convaincre, voir la “stratégie pour l’éducation au développement durable”, du Grenelle de l’environnement : w w w. c g e . a s s o . f r / p re s s e / S t r a t e g i e _ p o u r _ l education_au_DD.pdf 5 Collectif d’enseignants belges qui luttent contre la marchandisation de l’enseignement et pour des conditions véritablement démocratiques d’accès au savoir. Voir www.skolo.org.

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Pédagogie interculturelle Durant mes premières années d’enseignement dans des classes fréquentées essentiellement par des jeunes issus de l’immigration, je sentais intuitivement que je pratiquais “sur le tas” une pédagogie interculturelle mais il m’a fallu des années pour formaliser cette pratique, en proposer un modèle théorique et même aujourd’hui, je suis bien en peine de la définir avec précision. Une situation professionnelle m’a fait prendre conscience des malentendus possibles autour de cette notion.

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’avais préparé un module de formation pour une équipe d’enseignants bretons qui menaient un projet pilote de pédagogie interculturelle. Je pensais les faire réfléchir à des situations où l’on doit gérer les relations interculturelles en classe. Sur place, j’ai découvert que leur pratique interculturelle consistait essentiellement à sensibiliser leurs élèves aux relations Nord-Sud, entre autres par la pratique de jumelages avec des écoles du TiersMonde, pour la simple raison que leurs classes étaient plutôt homogènes. Cet exemple nous apprend au moins deux choses : d’abord que la pédagogie interculturelle n’est pas une “méthode de secours” réservée aux écoles-défavorisées-fréquentées-par-des-immigrés, ensuite que la notion de “pédagogie interculturelle” sera comprise différemment selon qu’on appréhende la mission interculturelle de l’école en amont ou en aval.

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A quoi formons-nous ? (en aval) L’école pilote de Bretagne voulait former de futurs citoyens du monde à vivre dans une société cosmopolite aux enjeux mondialisés. Dans cette perspective, une pédagogie interculturelle serait celle qui élargit les horizons de l’élève au-delà des frontières de son quartier, sa ville, son pays, quel que soit le public qui fréquente les classes, même une classe très homogène. Cela suppose bien sûr de donner plus de culture générale, élargie à l’échelle planétaire. Le citoyen du monde est un sujet cultivé. Plus il en sait sur lui-même et les autres, plus il a d’outils pour aller à la rencontre de l’autre et comprendre le monde dans lequel il évolue. Ce n’est pas nouveau, ce modèle a commencé avec

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l’Humanisme, qui a donné aux études secondaires le beau nom d’Humanités. Un programme interculturel pourrait être celui d’un néo-humanisme axé davantage sur les sciences humaines : histoire, géographie, sociologie, anthropologie, philosophie. Cette pédagogie-là n’hésiterait pas à humaniser jusqu’aux disciplines dites “sèches” comme les mathématiques ou les sciences exactes, en les situant dans une perspective historique (histoire de la pensée, des découvertes) et en faisant la lumière sur les apports des différentes civilisations au patrimoine savant. On en est loin. L’école peine à nager à contre-courant d’une société de consommation qui ridiculise la personne “cultivée” (Dans certains médias, il est de bon ton d’être inculte). Elle a presque abandonné la partie en investissant plus que jamais la formation utilitaire au service du marché de l’emploi et sacrifie depuis longtemps les sciences humaines. Mais à supposer que l’école se donne les moyens de former aux cultures du monde, il faut tout de suite se poser la question de l’esprit dans lequel elle va le faire. On ne peut parler des autres cultures sans s’interroger sur le statut qu’on leur donne, sans remettre en question les rapports de domination qui les lient. Former des citoyens du monde n’est pas neutre idéologiquement, cela suppose de considérer l’étranger comme un autre citoyen, mon égal, et reconnaître dans toute culture humaine une valeur intrinsèque, comme le préconisait Levi Strauss. Ce “néo-humanisme” interculturel est donc résolument postcolonial et multipolaire, non ethnocentriste en tout cas.

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Quand on appréhende la multiculturalité en amont, on part plutôt du constat que l’environnement immédiat des enfants est multiculturel. Des questions de valeurs, de mode de vie, de croyances, de niveaux socio-économiques différents vont nécessairement se poser en classe. Il y a des écoles qui décident délibérément de ne pas y répondre. On demande à chacun de laisser ses différences au vestiaire et de revêtir l’uniforme de l’écolier. On adopte la culture commune de l’école, ses règles, ses valeurs, ses objectifs, sa méthode. On fait silence sur le vécu familial. Mais il y a fort à parier que le non-dit va ressurgir sous une forme parfois violente à la cour de récréation (moquerie, exclusion, harcèlement). Une pédagogie interculturelle en amont met la question de la recherche identitaire au centre de la démarche pédagogique. Mais comment le faire en respectant le caractère privé et intime de l’identité ? Comment le faire sans stigmatiser, sans

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Enfin, cette culture générale sur le monde n’est pas réduite à de la pure érudition. Il s’agit d’un véritable savoir être dans son rapport à autrui et à la différence. Un rapport qui bouscule les certitudes et provoque une décentration vis-à-vis de son système de référence. C’est déstabilisant et pas toujours facile à accepter pour des enfants et des adolescents qui en sont au stade de la construction de leur propre système de valeurs. L’outil est donc délicat à manier pour éviter le piège du relativisme outrancier. Il requiert une approche réellement interdisciplinaire et intégrée, une certaine façon de travailler en équipe.


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caricaturer, sans blesser ? J’ai parlé d’une identité en “recherche”. Il s’agit d’outiller les élèves pour se situer dans une société de plus en plus complexe et gérer une identité ouverte et en mouvement. Il ne s’agit pas de les enfermer dans une identité assignée, une identité d’origine, qu’elle soit sociale, religieuse, ou culturelle ! Il faut donc aider les élèves à mettre des mots sur les différences comme sur les ressemblances dans les situations spontanées de la vie scolaire, et non de forcer des débats de manière artificielle. C’est tout simplement la question d’être attentif dans la gestion de la classe à la dynamique de groupe en général et socioculturelle en particulier.

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Mais la pédagogie interculturelle ne concerne pas que les relations entre les élèves, elle touche aussi la relation de l’école avec le monde extérieur, surtout le monde de la famille. J’ai parlé plus haut de “décentration”, je pense que l’école interculturelle modèle est tout simplement celle qui a conscience du caractère “relatif” du cadre de référence scolaire. Le choc culturel ne se pose pas qu’entre les communautés religieuses, linguistiques, entre les pays ou les classes sociales, il se produit aussi entre les institutions porteuses de modèles culturels propres. L’école, après s’être imposée aux familles avec une certaine coercition pendant plus d’un siècle, vit trop souvent dans l’illusion que ses valeurs et son mode de fonctionnement sont maintenant évidents pour tout le monde. La pédagogie interculturelle part du principe que non. Elle explicite davantage son fonctionnement et développe des moyens de médiation avec les familles, non seulement pour mieux se

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faire comprendre d’elles, mais pour se remettre en question. La famille a des choses à apprendre au monde de l’école, ne fût-ce que parce qu’elle est le baromètre du monde “réel”. Les deux approches en “amont” ou en “aval” ne s’excluent pas, bien au contraire. Il faut les combiner. Pourtant dans les faits, on constate que les écoles défavorisées s’enferrent dans la culture d’origine, et la vie du quartier comme un assujettissement tandis qu’une élite seulement accède à une culture suffisamment “générale” pour appréhender le vaste monde. Une des raisons de cette discrimination réside dans la hiérarchisation des filières scolaires. Les classes populaires fréquentent davantage l’enseignement technique et professionnel qui est “écrémé” des cours généraux. Ce sont les cours généraux qui excluent encore et toujours parce qu’ils sont dispensés dans un esprit de compétition et d’érudition. Or il faut “des racines et des ailes” à chacun et peut-être plus “des ailes au déraciné” ! Les jeunes issus de l’immigration ont un besoin urgent de sortir mentalement de leur quartier pour comprendre les enjeux planétaires parce que le destin de leurs familles (les mouvements migratoires) est la conséquence de la mondialisation. Cet enjeu renvoie à la question de la revalorisation de l’enseignement technique et professionnel qui doit aussi former des citoyens et pas seulement produire des “travailleurs”. Conclusion

humaniste, pour former des citoyens du monde, des têtes bien faites, des êtres cultivés, ouverts et tolérants, et doués d’esprit critique ? Former à la vie en société en travaillant la dynamique du groupe classe dans toutes ses dimensions y compris socioculturelles ? Une pédagogie qui rend l’école lucide et humble sur son cadre de référence et ses missions, en dialogue constant avec les familles ? Une pédagogie qui a compris que pour enseigner les mathématiques à John il faut connaître John autant que les mathématiques ? N’est-ce pas tout simplement de la pédagogie élémentaire ? Faut-il la qualifier absolument d’interculturelle ? La question mérite d’être posée… L’école est un lieu de passage, de transition, entre la famille et la société des adultes. Pour assurer sa mission, elle se doit de tenir compte de la réalité des familles et de la réalité de la société extérieure. Je dirais que le monde est devenu interculturel, le monde proche autant que le monde lointain, et qu’il s’agit tout simplement d’une pédagogie réellement en prise avec le monde actuel. Loin d’être un vernis pour rajeunir une vieille institution, loin d’être un cours supplémentaire dans le programme, elle engage une remise en question en profondeur de la pédagogie classique.

Xavière REMACLE philosophe, islamologue, enseignante, formatrice en communication interculturelle

Qu’est-ce donc que la pédagogie interculturelle finalement ? Un programme plus

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Nouvelles technologies et apprentissage Quelles TIC nous ont piqués ? L’expression “Technologies de l’Information et de la Communication”, reprise par l’acronyme TIC, désigne les nouvelles techniques de traitements des données et celles de la transmission de ces dernières. Il s’agit notamment de l’ordinateur, connecté ou pas au réseau Internet, tous les périphériques multimédias ou les télécommunications.

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L’usage des TIC représente un enjeu considérable vu l’ampleur qu’elles ont prise cette dernière décennie. Aussi, les personnes qui n’utilisent pas ces technologies s’en trouvent-elles pénalisées, (socialement, culturellement et professionnellement). En Belgique, cette fracture numérique dite “du premier degré” concernait seulement l’accès à ces technologies. À présent, celle-ci est en train d’évoluer vers une fracture numérique “du second degré” qui toucherait à la connaissance et aux compétences requises par les utilisateurs de ces technologies (trier l’information recueillie, bénéficier des offres de services et diffuser son propre contenu). L’enjeu devient, par la même occasion, éducatif : pour lutter contre cette fracture numérique, il faut pouvoir former à l’utilisation des TIC, notamment en développant l’autonomie, l’esprit critique et la créativité. Comme toute innovation, l’utilisation des TIC à l’école et en formation butte face à une certaine résistance au changement. Les craintes se manifestent principalement autour du changement de la relation entre le professeur et les apprenants, les compétences techniques requises, de même que les investissements dus aux coûts d’achat et d’entretien du matériel informatique. Ces arguments somme toute légitimes ne devraient pas faire perdre de vue les conséquences sociales qui en découlent, à savoir, le fait de contribuer à creuser la fracture numérique. En outre, l’école ne peut être considérée comme un monde replié sur lui-même et doit pouvoir s’ouvrir au monde extérieur et s’exposer à ses réalités (y compris technologiques).

L’attitude inverse, qui considérerait les TIC pour l’apprentissage comme une solution miracle aux problèmes d’échec et de décrochage scolaires, comporte, elle aussi, des menaces. Changer le support sans adapter sa pédagogie à l’outil utilisé, à l’individualisation des parcours et des modes d’apprentissage ne relèverait pas le défi éducatif que représente l’utilisation des TIC en formation. De plus, développer l’autonomie des apprenants ne revient pas à faire de l’auto-formation : les interactions complexes (affectives, sociales, pédagogiques) entre les apprenants, et entre le professeur et les élèves resteront primordiales dans le processus d’apprentissage. L’engouement de certains pour les TIC ne devrait pas encourager les politiques qui tendent vers une commercialisation (voire une privatisation) de l’enseignement. En effet, en voulant lutter contre les inégalités, ils contribueraient (à leur insu ?) à les amplifier.

L’intégration judicieuse des TIC à l’école devra nécessairement passer par : l’équipement des écoles, un changement d’habitudes pour les enseignants et la formation initiale et continue des enseignants. L’école du XXIe siècle doit évoluer vers des formes d’apprentissage favorisant l’autonomie, l’esprit critique, et la créativité. Les TIC et l’éducation aux médias sont intimement liés à ces finalités... reste à mettre en place des structures permettant le décloisonnement des disciplines afin de mieux développer ces compétences transversales.

Ariane RIVEROS Enseignante - Chercheuse au Laboratoire de Soutien à l'Enseignement Télématique de l'Université de Liège (2006-2008)

L’équipement informatique des écoles est bien sûr nécessaire afin de résorber la fracture numérique, mais cela n’est en rien suffisant ! La grande majorité des plans d’action se concentre sur le problème d’accessibilité aux TIC. Il est plus que temps, voire urgent, de réaliser des projets de grande ampleur en vue d’émanciper les utilisateurs de ces nouvelles technologies et non en faire des consommateurs “branchés” mais... passifs. Quid d’une éducation technologique systématique des élèves, mais aussi – et surtout ! – des futurs enseignants ? À quand une éducation aux médias pertinente, l’un des nombreux domaines oubliés (ou presque) des programmes scolaires belges ?

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Evaluation de l’acquisition des compétences ? La question de l’évaluation des compétences acquises à l’école n’arrête pas de se poser partout où l’on essaie de penser l’enseignement. Nombreux sont ceux qui réfléchissent à l’instauration, dans notre enseignement officiel, d’une évaluation externe en vue de certification.

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ar évaluation externe, il faut entendre un examen coordonné au niveau de la communauté (et non plus école par école) qui serait le même pour tous les élèves et qui porterait sur les compétences qui doivent avoir été acquises par l’élève au moment de l’examen. Cette solution aurait, selon ses promoteurs, l’avantage de mettre tous les élèves à égalité face à une épreuve certificative au terme d’un cursus commun dont le contenu est supposé uniforme et égalitaire. Il serait alors nécessaire, afin de garantir des chances égales à tous les élèves, de s’assurer que tous les établissements scolaires dispensent un enseignement homogène selon un objectif commun.

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Sachant les missions assignées à l’enseignement, notamment par décret, nous pouvons adresser quelques critiques à cette proposition. Les missions annoncées sont : “1° promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ; 2° amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle ; 3° préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures ; 4° assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale.”1 La critique s’adresse à l’idée même d’évaluation, en général, des compétences acquises. En effet, une épreuve évaluative

quelle qu’elle soit, peut difficilement prétendre informer sur l’acquisition des qualités, ci-dessus énoncées, que l’enseignement doit apporter aux élèves. Tant l’incorporation de ces qualités que leur actualisation dans la vie sont des processus qui prennent place dans une temporalité totalement étrangère à la temporalité d’une épreuve d’évaluation. Lorsque l’on demande à un élève de résoudre un problème en trente minutes, on entend tester sa capacité à résoudre ce type de problème. Si dans sa vie, il est confronté à un problème similaire, que se soit à l’occasion de sa formation scolaire, dans le monde du travail ou dans sa vie privée, peut-être le résoudra-t-il en vingt minutes, à raison de cinq minutes par heure pendant quatre heures… La mémoire et l’intelligence humaine ne sont pas linéaires, la temporalité de la réflexion n’a pas de commune mesure avec celle, artificielle, de l’évaluation sous forme d’examen ou de test. Francisco Ferrer à cet égard, parle de l’imposition artificielle d’une discipline qu’il faudrait rationnellement remplacer par l’imposition naturelle des faits2. En clair, les mathématiques de l’école ne sont pas les mathématiques de la vie, les équations ne s’y résolvent pas de la même manière. A partir de ce constat, ainsi que de l’expérience que font les élèves et les professeurs français qui, en classe terminale, doivent envisager sérieusement le passage du BAC, nous pouvons dire que ce type d’épreuve renseigne assez peu sur l’acquisition des qualités et des compétences requises. En réalité, elle renseigne certainement sur la capacité de l’élève à satisfaire à cette épreuve particulière à un

moment déterminé qui ne tient pas compte de son état d’esprit, du contexte et des dispositions personnelles de chaque élève à un moment donné de son parcours arbitrairement homogénéisé pour tous, à tel âge, au mois de juin. Les enseignants français qui ont en charge des classes de terminale, sont particulièrement conscients de cette réalité. Si bien qu’ils consacrent l’essentiel de leur temps de cours, non pas à promouvoir la confiance en soi, à favoriser l’acquisition de qualités permettant aux élèves de se projeter dans l’avenir en tant qu’adultes responsables, autonomes et critiques, mais seulement à préparer la réussite de l’épreuve spécifique que représente le BAC. Cette épreuve tend à devenir un but en soi, loin de la vérification de compétences acquises pour la vie. “80% au BAC… et après ?” titrait adroitement le sociologue Stéphane Beaud3. Par ailleurs, l’épreuve d’évaluation certificative place inexorablement les élèves dans l’alternative infernale de la “réussite” et dans un climat de peur de l’échec qui est peu propice à leur épanouissement dans le cadre scolaire. Qui n’a pas vu, à l’issue du BAC, les nombreux reportages à la télévision française qui rapportent les cris de joie de ceux qui ont réussi et les pleurs désespérés de ceux qui ont raté ? C’est à juste titre que le CEDEP4, dans une note de réflexion sur l’enseignement, indique qu’il est temps de remplacer la peur de l’échec par la soif d’apprendre. La question de la certification est intéressante elle aussi, car elle nous renvoie indirectement à l’efficience du système scolaire et plus directement à sa relation

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avec le monde du travail. De manière opérationnelle, le certificat et le diplôme, servent principalement à habiliter une personne à exercer une profession ou un métier, à lui donner accès à un statut qui lui donne des droits tels que l’inscription dans des études d’un niveau supérieur et, renseigner un éventuel employeur quant aux compétences supposées acquises d’un employé potentiel. La certification fait donc porter l’essentiel de la responsabilité en termes d’acquisition de compétences sur l’élève sans poser la question de l’efficience du système scolaire. Si l’on accepte l’exercice qui consiste à ne plus prendre au sérieux la validité de l’épreuve certificative, s’ouvre à nous d’autres pistes de réflexion qui vont dans le sens de ce que propose le CEDEP. Suivant Francisco Ferrer, admettons que l’incorporation de pratiques et de compétences se fonde dans l’expérience sensible, “l’imposition naturelle des faits”. Dans cette perspective, offrir à l’élève de faire l’expérience concrète de l’esprit critique et de l’autonomie de la pensée, pourrait prendre place dans un moment d’évaluation et de bilan où les élèves peuvent réfléchir à leur parcours scolaire et renvoyer à l’institution le regard qu’ils posent sur elle de façon à ce que d’une part, les élèves aient meilleure conscience pour eux-mêmes de ce qu’ils pourraient désigner comme des lacunes ou des habiletés et, d’autre part, que l’institution puisse profiter de l’expérience de ces intellectuels spécifiques que sont les élèves pour perfectionner le système d’enseignement et améliorer son efficience en vue des objectifs annoncés. L’épreuve devient un exercice de partage réflexif dans lequel les dépositaires de

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l’institution et les élèves sont acteurs et apportent un substrat à leurs respectives évolutions futures. Exit la peur de l’échec, exit l’asymétrie autoritaire qui finalement n’apportait pas les renseignements voulus. Ainsi, le certificat pourrait ne plus porter sur une épreuve à réussir “avec fruit” (quel(s) fruit(s) ?), mais sur le fait que l’élève ait suivi le parcours scolaire de bout en bout. A charge pour l’institution de rencontrer effectivement les missions qu’elle s’assigne et d’être attentive au parcours de chacun des élèves qu’elle prétend vouloir “élever”.

Cedric TOLLEY Bruxelles Laïque Echos

1 Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, page 4. 2 In Ferrer, L’école moderne, éditions Couleurs livres, Bruxelles, 2009. 3 L’auteur montre, entre autres, que l’objectif atteint des 80 % de réussite au BAC, en France, ne change pas la donne en termes d’intégration socioéconomique. 4 Centre d’Etude et de Défense de l’Ecole Publique, www.cedep.be


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“Philosophie” et “philosophie” Les Belges, pour se démarquer de leurs voisins français, ont quelquefois recours à des doublons conceptuels. Ainsi, par exemple, ils ont ajouté au concept de laïcité “politique” à la française, une seconde laïcité, typiquement belge, dite “philosophique”. Pour comprendre cette expression, il faut savoir qu’il y a aussi, en Belgique, deux significations distinctes pour l’adjectif “philosophique” : la première renvoie à une discipline universitaire, de facto interdite aux moins de 18 ans, la seconde à un choix de type identitaire qui doit être posé dès l’âge de 6 ans !

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Plutôt hostile aux idées abstraites et à la culture “philosophique”, mais, en même temps, défini dès son jeune âge par l’appartenance à un groupe “philosophique”, privilégiant ainsi la signification secondaire du terme “philosophie” (vision du monde, idéologie propre à un groupe social ou religieux) au sens premier du terme (démarche conceptuelle questionnant les ingrédients du réel en les envisageant à leur plus haut degré de généralité), le Belge – en caricaturant à peine – a pris l’habitude, toutes tendances “philosophiques” confondues, de penser à l’intérieur d’un pilier, “en troupeau”. Cette soumission de la pensée libre à la pensée grégaire – de la philosophie à l’idéologie – a amené les Belges, depuis le fameux “Pacte scolaire” de 1959, à préférer dans leurs écoles officielles l’organisation de cours dits “philosophiques” (où l’on enseigne séparément les multiples “philosophies” reconnues, c’est-à-dire les différentes religions – catholique, protestante, orthodoxe, israélite, islamique et, depuis peu, bouddhiste – et la morale non confessionnelle) à l’instauration d’un cours commun de “philosophie” et d’étude des grandes religions, comme cela se fait au niveau de l’enseignement secondaire, selon des modalités différentes, dans de nombreux pays européens. Je voudrais ici me pencher sur la maladie typiquement belge des cours dits “philosophiques” en suivant un cheminement en trois étapes : diagnostic, prescription, guérison.

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Le diagnostic : l’échec des cours dits “philosophiques” Une cinquantaine d’années plus tard, il faut le dire : la création de ces cours “philosophiques”, où l’on cantonne chaque troupeau “convictionnel” dans un espace intellectuel restreint et délimité, est, à bien des égards, un échec pédagogique, et ce même sans tenir compte des problèmes importants que posent, d’une part, le coût financier de ce système d’options (il suffit qu’un seul élève soit demandeur pour contraindre légalement l’établissement à créer un nouveau cours) et, d’autre part, l’organisation concrète de ces cours (casse-têtes horaires, professeurs à cheval sur plusieurs écoles, etc.) Bien entendu, il y a un certain nombre d’exceptions, de points positifs, de réussites importantes, mais le tableau d’ensemble est plutôt sombre. Aujourd’hui, les symptômes de cet échec sont nombreux, et bien connus des acteurs de terrain : désintérêt des élèves pour ce type de cours (parfois confondus d’emblée avec une école des devoirs, ou même une cour de récré), clientélisme dans le chef des enseignants (“venez chez moi, il n’y a jamais de devoirs !”), chantage de la part des élèves (“si vous faites trop d’interros, je choisis la religion bouddhiste, le prof est plus zen !”), homogénéité de l’auditoire qui contrarie la tenue de débats réellement contradictoires, groupes parfois trop restreints (de 1 à 6 élèves) qui empêchent d’instaurer une dynamique collective, démission de certains professeurs qui transforment ces cours en cours “dvdvidéocassette”, programmes vagues et matières redondantes, perplexité de

certains chefs d’établissements par rapport à la valeur pédagogique de ces cours (dont témoignent l’absence quasi généralisée d’examens ou la non-prise en considération des échecs – quand ils existent – lors des délibérations), etc. A tout cela s’ajoutent une série de problèmes d’identité de ces cours, notamment pour le cours non confessionnel (dont l’identité de départ, “a-thée” ou “a-gnostique”, est négative, et dont la morale, appelée tour à tour, “laïque” et “libre-exaministe”, ne peut en aucun cas être enseignée par un diplômé de l’UCL, fût-il lui-même athée ou agnostique), mais aussi pour les différents cours de religion chrétienne, confrontés à l’émergence de nouvelles obédiences (notamment évangélistes) dont les doctrines échappent aux divisions traditionnelles (catholiques, protestants, orthodoxes), et également en proie à une pénurie d’enseignants (si bien que les cours de religion catholique, à Bruxelles, sont de plus en plus souvent donnés par des diplômés de l’ULB ou simplement par des non-croyants), ou encore pour les cours de religion musulmane (qui ne parviennent pas toujours à composer avec les diverses composantes de l’islam, comme me l’a confirmé récemment un élève de confession chiite qui avait atterri dans mon cours de morale) et israélite (dont les élèves potentiels n’osent parfois pas se déclarer pour éviter d’être stigmatisés par les élèves membres d’autres confessions), etc. Cet échec était prévisible dans la mesure où, en cloisonnant ainsi les élèves de convictions différentes, on confondait une simple “pluralité” – faite de juxtaposition,

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d’évitement et d’ignorance mutuelle, faisant parfois le lit de la thèse (fausse) du “choc des civilisations”, pouvant même donner libre cours, dans les pires des cas, à un certain nombre de manifestations d’intolérance (homophobie, révisionnisme, créationnisme, islamophobie, anticléricalisme primaire, etc.) –, avec un authentique “pluralisme” citoyen, nourri par l’ouverture à autrui et par la confrontation respectueuse des différences, mais aussi par la reconnaissance des convergences et des valeurs communes qu’il invite à discerner. La prescription et les obstacles : créer un cours commun, oui, mais comment ? Il y a plus de dix ans, le Ministre Hasquin avait proposé de remplacer les cours “philosophiques” actuels par un cours unique de philosophie et d’histoire comparée des religions. Cette proposition avait donné lieu à une série de débats au Parlement de la Communauté française de Belgique (voir La philosophie à l’école, éds. Luc Pire, 2001), portant notamment sur la question de savoir s’il fallait remplacer les cours existants ou ajouter de nouvelles heures de cours au programme. Ces débats avaient débouché – notamment suite à une pétition lancée par le syndicat chrétien, qui avait recueilli 151 500 (!!!) signatures – à… un maintien pur et simple de la situation antérieure, avec la recommandation vague et formelle d’introduire un peu plus de philosophie dans les cours de morale et de religions. Depuis lors, la Communauté française a créé un Machin, le “Comité consultatif des

cours philosophiques”, censé réfléchir sur ces questions (notamment celle du “socle de valeurs communes à toutes les religions et convictions”), mais dont il faut reconnaître qu’il fait très peu parler de lui, y compris parmi les enseignants directement concernés par cette réflexion. Certes, il a été récemment recommandé, une fois encore, aux professeurs de cours “philosophiques” de “collaborer” les uns avec les autres afin de lutter contre la tentation du repli communautaire, mais cette recommandation n’ayant pas valeur de contrainte, peu de professeurs ont réellement changé leurs habitudes, et la collaboration, ponctuelle et superficielle, se limite, comme par le passé, à des sorties ou à des animations communes. L’argument qui consiste à dire que cette réforme est inutile car les cours actuels sont déjà ouverts à l’altérité (en montrant, par exemple, que les cours de religion catholique proposent déjà très souvent une introduction aux autres religions et à l’athéisme) me paraît irrecevable pour deux raisons. La première, c’est que, lorsque c’est vrai, la réforme n’est pas à craindre puisqu’elle ne ferait qu’entériner et légitimer une situation existante, mais officieuse, qui plus est en permettant aux élèves séparés par des frontières idéologiques de se rassembler. La seconde, c’est que cette analyse est partiellement fausse, dans la mesure où il existe encore beaucoup de cours qui envisagent une seule tradition “philosophique” de manière exclusive, sans aucune ouverture à l’altérité. Bref, il est plus efficace de changer tout le système que de compter sur la bonne volonté individuelle de chaque professeur.

La création d’un tel cours commun correspondrait non seulement aux attentes de l’école définies par le Décret “Missions”, mais elle permettrait aussi aux élèves de développer des compétences importantissimes (rigueur argumentative, créativité conceptuelle, capacités synthétiques et analytiques, etc.) qui ne doivent pas être l’apanage exclusif des cours de français, et surtout de s’ouvrir, à l’ère de la mondialisation et de l’interculturalité, à la diversité des systèmes de pensée et à leur commune humanité. Alors, comment expliquer qu’une réforme qui va dans le sens de l’Histoire suscite tellement de réticences et rencontre tellement d’obstacles ? Le premier facteur, ce sont les conservatismes de tout bord et la peur qu’on n’encourage les élèves à remettre en question des valeurs familiales ou communautaires bien établies. Cependant, la possibilité de s’arracher au conditionnement de la tradition, pour mieux vivre avec elle, n’estelle pas un paramètre essentiel de la citoyenneté moderne ? L’enseignement obligatoire a-t-il vocation à s’effacer frileusement devant toutes les exigences des familles ? Par ailleurs, un argument central qui avait été utilisé par le syndicat contre une telle réforme était son coût social : on allait menacer l’emploi des professeurs de morale et de religions. Il faudra donc veiller, si l’on veut porter une telle réforme, à donner des garanties concernant l’emploi des professeurs actuellement en place. Un autre aspect problématique de la réforme proposée par Hasquin était son caractère unilatéral : tout se passait

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comme si on voulait imposer une idéologie (celle de la laïcité “philosophique”) au détriment des autres. A tort ou à raison, cette réforme a été vécue comme une offensive de la laïcité contre les cultes et la tentative d’écarter les représentants de ces derniers au profit des seuls “laïques”. Si l’on veut réussir, il faut, au minimum, reconnaître que l’agressivité, volontaire ou non, de certains représentants du pilier “laïque” risque de desservir les causes qu’ils défendent, et faire preuve de plus de respect pour la situation des cultes en Belgique, Etat dont la “neutralité”, qu’on le veuille ou non, n’est pas équivalente à la “laïcité politique” à la française, où les cultes ne peuvent revendiquer aucune place dans le système scolaire. En outre, il y a des obstacles politiques : en sondant les propositions des partis francophones, lors de la dernière campagne électorale, j’ai été frappé par le silence assourdissant du CdH, mais aussi par la frilosité de ceux qui sont plutôt favorables à une telle réforme. Le MR est divisé sur la question, qui est défendue avec vigueur par certains de ses représentants et refusée par d’autres. Au PS, où il y a pas mal de personnes qui verraient d’un bon œil la création d’un cours philosophique commun, les échéances électorales suscitent néanmoins beaucoup de timidité sur une question jugée “sensible”. Quant à Ecolo, qui a inscrit ce point dans son programme, il ne semble pas avoir mis beaucoup de zèle à le défendre lors de la négociation gouvernementale. En créant récemment un groupe (“Pour un cours philosophique commun en Belgique”) voué à cette cause sur un

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célèbre site de socialisation virtuelle (Facebook), j’ai pu encore me rendre compte que cette réforme, pourtant reconnue comme indispensable par l’écrasante majorité de mes interlocuteurs, suscite un nombre impressionnant de réticences et active toute une batterie de peurs, allant de la crainte du prosélytisme des professeurs de religions, en passant par celle d’une censure ou, au contraire, du non-respect de la neutralité des enseignants. Pourtant, il me paraît évident qu’un cours commun, où des intervenants “philosophiquement engagés”, se “neutraliseraient” par leur succession même, seraient moins dangereux en termes de “prosélytisme” que le système actuel. D’ailleurs, un adulte qui affiche des convictions en les présentant comme telles n’est-il pas plus “objectif” que celui qui prétendrait incarner à lui tout seul “l'objectivité” ou “la neutralité” en tant que telles ? Sur ce point, imaginons le pire : une école où se côtoieraient dans le corps enseignant un catholique islamophobe, un musulman révisionniste, un laïcard “bouffeur de curés”, un protestant créationniste, etc. Les dégâts causés par ces différents discours sur des jeunes encore très influençables seraient potentiellement énormes. Toutefois, même dans ce cas extrême et heureusement fort improbable, il est évident que les élèves confrontés à ces discours de haine et de rejet selon une succession presque “carnavalesque”, où leurs contradictions sauteraient aux yeux, développeraient beaucoup plus leur jugement personnel et leur esprit critique que s’ils sont confrontés, comme c’est le cas actuelle-

ment, à ces discours “philosophiques” de façon séparée et juxtaposée ! La guérison : une utilisation optimale des moyens humains actuels Je propose donc, afin de guérir cette maladie des cours “philosophiques” séparés, la création d’un cours philosophique commun - sans coût social, en faisant appel à tous les professeurs actuellement en place, - conçu et élaboré de façon multilatérale, dans l’intérêt de tous, croyants et non-croyants, - revendiqué et porté par de simples citoyens et par des acteurs de terrain, et non imposé “d’en haut”, - soumis à un principe de neutralité “adapté”, où l’engagement “philosophiquement situé” des professeurs serait paradoxalement, en vertu du pluralisme et de la succession des enseignants, une garantie de neutralité ! Ce tronc commun serait organisé en une série de modules donnés par les professeurs de morale et de religions actuellement en place : le professeur de religion musulmane enseigne les fondamentaux de l’islam (sunnite et chiite) à tous les élèves, le professeur de religion protestante lit et commente certains textes bibliques et enseigne la diversité des courants dits "protestants", les licenciés en philosophie enseignent la philosophie, les théologiens la théologie, etc. Il serait regrettable que l’enseignement libre se démarque de l’enseignement

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officiel et ne rejoigne pas le train d’une réforme aussi vitale. Peut-être faudrait-il, à ce niveau, trouver une formule qui permette de tenir compte de la spécificité de cet enseignement et de rassurer les acteurs (parents, pouvoirs organisateurs) auxquels un enseignement confessionnel tient à cœur. Une fois la réforme lancée, une première étape consisterait à faire l’inventaire du matériel humain existant. Quels diplômes ? Combien de professeurs licenciés en philosophie ? Combien de théologiens ? Combien d’anthropologues, de sociologues, etc.? Quelles compétences ? Quels desiderata ? Qui connaît quoi, qui veut enseigner quoi (par exemple, ma collègue de religion orthodoxe dans un établissement bruxellois est également passionnée d’hindouisme ; telle collègue de morale est bouddhiste, etc.) ? Ensuite, une deuxième étape consisterait dans la distribution des professeurs en fonction de “modules” issus d’un programme provisoire. Par exemple, chaque professeur actuellement en place choisirait de 2 à 6 modules dans une liste à déterminer. Dans le modèle que je propose, il s’agit d’une liste qui reprend en alternance, sur un mode chronologique, les “grandes religions” et les grandes philosophies : - 4ème année : Module 1. Introduction générale. Différences entre sciences, philosophies et religions. Module 2. Religions africaines, amérindiennes et asiatiques. Module 3. Introduction à la religion hébraïque.

Modules 4-5. Aperçu des philosophies antiques (des cités grecques à l’Empire romain). - 5ème année : Module 6. Introduction générale à la religion chrétienne. Module 7. Le catholicisme Module 8. L’orthodoxie et les protestantismes. Module 9. Introduction à l’Islam. Module 10. Aperçu des philosophies médiévales (de l’Empire romain à la Renaissance). - 6ème année : Module 11. Sagesses et philosophies orientales. Module 12. Histoire des religions dans les sociétés modernes et contemporaines. Modules13-14. Aperçu des philosophies modernes (de la Renaissance au début du XXème siècle). Module 15. Approche thématique des philosophies contemporaines (travaux de fin d’études). Exemple : un professeur de religion catholique va naturellement choisir les modules 6 et 7, mais pourrait aussi avoir envie de s’essayer à d’autres (4, 5, 10, 13 et 14 s’il est philosophe ; 2, 11, 12 s’il est historien des religions ou anthropologue). Il y aura bien sûr des formations à prévoir pour mettre tout le monde à niveau, mais le moins possible : l’idée est chaque fois d’utiliser de façon optimale le personnel actuellement en place.

éviter le double emploi avec les cours d’histoire et de français, notamment pour les modules 12, 13 et 14. Par ailleurs, d’autres modèles peuvent être imaginés : moins ambitieux, plus thématiques, etc. Le programme du cours de tronc commun devrait, en tout cas, trouver un juste milieu entre la flexibilité liée aux compétences des professeurs en place et la rigueur d’une formation complète pour les élèves, entre les exigences d'un cours où la parole de l'élève est importante et celles d'un enseignement sérieux où les contenus priment sur les messages ou les slogans. Enfin, troisième et dernière étape : la mise en place effective d’un cours philosophique commun. En fonction de la répartition des diplômes, des compétences et des desiderata exprimés par les professeurs déjà en place, on mettrait au point un programme définitif, en adaptant les modules initiaux, pour tenter de premières expériences pilotes, avant d’étendre la réforme à tout l’enseignement subventionné.

Joachim LACROSSE professeur de philosophie et de morale (FUSL, ISTI, ERG, A.R. Jean Absil, A.R. Gatti de Gamond) .

Il faudrait aussi (comme avec les cours actuels, mais de façon plus systématique)

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Depuis l’instauration de l’enseignement obligatoire pris en charge par l’État, la majorité des innovations pédagogiques pertinentes sont imputables à des initiatives citoyennes, individuelles ou collectives. Et ce, que ce soit à l’époque de Francisco Ferrer, Decroly, Freinet ou aujourd’hui avec des projets tels que “Pédagogie nomade”. Cette situation témoigne sans doute de la vivacité citoyenne dans le secteur. Elle pose cependant un certain nombre de questions aux défenseurs du bien commun et de l’enseignement public, vecteur d’égalité pour toutes et tous.

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l semble admis que les écoles animées par une pédagogie alternative (active, participative, collective, de projet, de motivation,…) offrent des conditions et des résultats plus satisfaisants que l’enseignement traditionnel ou public. Leur portée demeure néanmoins très limitée. Leurs atouts ne profitent qu’à une infime minorité. Ces initiatives privées sont en effet loin de foisonner et de couvrir tout le territoire. Leurs infrastructures ne sont pas en mesure d’accueillir beaucoup d’élèves, donc certainement pas la population générale.

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À cette énorme limite quantitative, il faut ajouter une barrière qualitative. Le grand public n’y a quasiment pas accès : il n’en connaît pas l’existence, il n’en mesure pas l’intérêt, il ne possède pas les capacités ou prédispositions financières, sociales et intellectuelles qu’elles requièrent. C’est de fait une certaine élite – économique ou culturelle – qui fréquente l’école “en couleurs” ou “Decroly”. On pourrait presque dire que ces pédagogies s’adressent principalement aux enfants qui n’en ont pas besoin, qui jouissent déjà de suffisamment de ressources pour avoir envie d’apprendre, progresser de manière autonome et faire leur chemin dans l’existence. Or ce sont les jeunes en difficulté, défavorisés, désaffiliés, démotivés, sans perspective qui auraient besoin de ces outils de transformation de sa propre condition et d’élargissement des possibles. Nous n’avons jusqu’ici évoqué que des institutions pédagogiques progressistes, inspirées par des valeurs que nous partageons (autonomie, motivation, solidarité,

soif d’apprendre et plaisir de connaître…). Or, au rayon des initiatives privées en matière d’enseignement, il faut aussi compter les (bien plus) nombreuses écoles privées dont la finalité, le moteur et le régime sont avant tout économiques. Celles-là revendiquent fièrement leur élitisme : un enseignement très onéreux, réservé à la progéniture de l’aristocratie économique pour en faire la fine fleur du monde des affaires de demain. Les valeurs se situent ici du côté de l’efficacité, le profit, l’avidité, l’impassibilité voire la cruauté (devenir des “requins”). Il existe aussi les écoles privées de rattrapage ou de préparation aux jurys d’État qui s’adressent aux quelques recalés qui disposent d’assez de moyens pour pouvoir se payer une formation intensive et personnalisée de remise à niveau.

forte tendance à reproduire aussi bien les inégalités socioéconomiques que les clivages ou exclusions culturels.

Ce petit éventail des initiatives scolaires privées nous amène à relativiser un enthousiasme trop rapide pour la recherche d’alternatives pédagogiques en dehors du cadre officiel et étatique. Cet enthousiasme fut, notamment, celui de Francisco Ferrer qui ne voulait rien attendre de la puissance publique et confier l’avenir de l’enseignement aux seules démarches autonomes. Il ne voyait dans l’État que le garant du maintien de l’exploitation économique et de la domination idéologique de la bourgeoise. Les visées de l’enseignement public ne pouvaient dès lors être autres que l’entretien de la hiérarchie sociale et le formatage de futurs travailleurs habiles, dociles et lobotomisés. Cette analyse de la fonction étatique n’était pas fausse à l’époque et ne l’est toujours pas totalement aujourd’hui : l’école publique reste marquée par une

Le risque est grand de voir cet optimisme d’une société prise en charge par la spontanéité “libertaire” se désenchanter dans le cauchemar du néolibéralisme et de sa loi de la jungle. Entre promouvoir l’initiative privée et la privatisation, la frontière s’avère parfois infime et fragile quand bien même la nuance est de taille. Les ravages de la privatisation, eu égard au socle des principes démocratiques, sont connus. S’ils ne sont plus inféodés au pouvoir politique de l’État, les projets pédagogiques deviendront d’autant plus tributaires de l’emprise économique des sources de financement. Ces ressources proviendront soit de caisses de solidarité et de récoltes de fonds, soit du minerval et du portefeuille des parents argentés, soit de certaines entreprises qui subsidieront la formation de leurs futurs employés ou la promotion de leurs valeurs et produits.

Cette critique de l’État légitime-t-elle l’ouverture d’une voie royale à la sphère privée ? Nous n’en sommes pas convaincus. Tout d’abord, il ne faut pas surévaluer la société civile, ni dans sa puissance d’initiatives – rares sont ceux qui ont des idées novatrices et le courage de les concrétiser – ni dans ses moyens – il est difficile au niveau individuel de réunir les moyens d’une entreprise collective1. Ensuite, l’option privée n’offre aucun contrôle démocratique sur le contenu et la qualité de l’enseignement2, ni aucune garantie d’égalité et d’une base commune de savoirs et compétences à acquérir par toutes et tous.

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Comme c’est déjà le cas actuellement, les deux dernières possibilités supplanteront très probablement la première, bien plus précaire. Ce qui aboutira à un système scolaire non plus à deux mais à mille vitesses, sans la moindre base commune pour relier les citoyens vers un même idéal démocratique.

situait la citoyenneté du côté de l’État (sphère politique) et non de la société civile (sphère économique). Il nous invite de la sorte à nous réintéresser à l’État. Si la critique d’inspiration marxiste qu’en opérait Ferrer n’est pas fausse, elle aurait tort d’être figée et de faire de l’État un mastodonte immuable.

Ce glissement entre projet citoyen et profit économique avait déjà été repéré par Hegel, au début du XIXe siècle. Dans ses Principes de la philosophie du droit, la société civile constitue un moment de médiation entre le cadre familial privé et l’État. Après avoir décrit l’unité morale du noyau familial, Hegel remarque que “la famille se divise en une multitude de familles qui […] sont dans une relation extérieure entre elles” et se rencontrent au sein de la “société civile”, règne des subjectivités atomisées dont “l’union est introduite par les besoins qui attachent et par l’action réciproque de leur satisfaction”3. C’est par les besoins et leur satisfaction via le travail et les échanges commerciaux que les individus, sortis du cadre familial, entrent d’abord en relation, avant de pouvoir former ensuite la communauté politique du peuple. Pour Hegel, la société civile désigne clairement la sphère des échanges économiques, intermédiaire entre le privé et le public. De nos jours d’ailleurs, lorsqu’on parle de consultation de la société civile, ce sont avant tout les acteurs économiques qui sont consultés ou qui influencent par lobbying la décision politique (qu’on songe, par exemple, aux think tanks aux Etats-Unis ou à l’European Round Table en Europe).

En théorie au moins, l’État a pour rôle de veiller au respect d’une série de principes (liberté, égalité, solidarité…), de déployer des moyens et proposer des services destinés à garantir la mise en œuvre effective de ces principes, d’être impartial et indépendant... Les objectifs que Ferrer assignait à son école s’inscrivent clairement dans ces missions de la puissance publique. En outre, et en théorie toujours, l’État, dans nos contrées, est censé être démocratique. L’ensemble des citoyens devraient pouvoir contrôler la manière dont il s’acquitte de ses obligations et réorienter son action si nécessaire.

Contrairement à la mode actuelle, Hegel

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Hélas, ici comme ailleurs, le fossé se creuse toujours plus entre la pratique et la théorie. Au point que cette dernière parait complètement ensevelie et semble n’exister qu’en des terres et temps lointains… Inutile de détailler : dans le concret, l’État ne respecte pas ses principes, remplit peu et mal ses missions, ses actions sont entravées voire perverties par les lourdeurs et lenteurs administratives, ses représentants et les politiques qu’ils mènent sont partiaux et intéressés, le déploiement des services publics est soumis à des logiques partisanes… Du reste, le pouvoir de l’État se voit toujours plus débordé par d’autres puissances, internationales ou économiques. Si confier l’enseignement à l’initiative

privée s’avère hasardeux et source d’inféodation économique, miser sur la puissance publique demeure inefficace et source d’inféodation politique ou bureaucratique. Source aussi de contrôle social et de conditionnement ou “disciplinarisation” des individus puisque, loin d’œuvrer à l’émancipation des citoyens, les institutions publiques ont tendance à gérer et encadrer la population pour qu’elle marche au pas ou dans le bon sens. Mais, répétons-le, l’État n’est pas immuable ! En démocratie, nous faisons le pari que les citoyens et les associations peuvent le rappeler à l’ordre – comme ne cessent de le faire le CAL ou la Ligue des Droits de l’Homme sans, malheureusement, beaucoup d’impact – et au besoin le transformer. L’optique démocratique invite à voir l’État comme une émanation des citoyens à leur service et non comme une machine d’oppression contre leurs intérêts… Une belle théorie encore, à laquelle nous adhérons. Bien qu’en pratique, tout reste à faire ! Et c’est là que l’initiative citoyenne peut prendre tout son sens. Agir moins en dehors et contre l’État que face et avec lui pour l’amener à évoluer. Outre le vote et les mobilisations ou pressions citoyennes, une des manières de rappeler à l’État ses principes et ses devoirs consiste à prendre en charge certaines de ses attributions où il défaille, non pas pour s’y substituer ou le conforter dans ses lacunes en les compensant, mais pour le titiller, lui ouvrir les yeux, lui révéler des possibles, le faire réfléchir et l’inciter à agir. Telle est la philosophie qui anime les actions sociales du mouvement laïque : “nous avons moins à

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compenser les carences des pouvoirs publics qu’à leur rappeler leurs missions, par nos revendications, nos suggestions, voire l’exemplarité de nos actions”4. Des initiatives pédagogiques privées pourraient également s’inscrire dans cette perspective, voire s’acheminer vers une synthèse des logiques privée et publique. Un projet de pédagogie innovante pourrait être envisagé et mis en œuvre en tant qu’expérience pilote destinée à faire évoluer l’enseignement public. À ce titre, il serait donc soutenu et financé par l’État. Le droit de regard ou de contrôle de ce dernier serait proportionnel à son obligation d’intégrer les résultats de l’expérience dans sa politique afin de les rendre accessibles à tous. Il faudrait encore que l’institutionnalisation et la généralisation de l’expérience ne la pervertissent pas…

1 Francisco Ferrer put mener à bien son projet d’École Moderne grâce aux deniers d’un mécène privé, désintéressé si ce n’est moralement pour l’entretien de la bonne conscience de sa belle âme. 2 Dans certaines écoles privées dont le projet pédagogique inclut (quand il ne repose pas sur) la démocratie participative et l’autogestion par l’ensemble de la communauté scolaire, le contrôle démocratique de l’enseignement se révèle bien plus poussé, effectif et constructif qu’au sein de l’État démocratique. Mais comment garantir ou imposer cette démocratie interne dans tous les établissements si l’on refuse l’instance étatique ? 3 HEGEL G. W. F., Principes de la philosophie du droit, trad. de l’allemand par A. Kaan, Paris, Gallimard (coll. “idées”), 1940 (1821), § 181 (pp. 216-217 dans notre édition). 4 Centre d’Action Laïque, “Regards laïques pour une société plus juste – Plan stratégique”, mars 2008, p. 19.

La reconnaissance de “Pédagogie nomade” par la Communauté française pourrait poser un premier pas dans ce sens. Nous verrons ce qu’il en sera.

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PORTAIL “Il y a un art de savoir et un art d'enseigner.” Cicéron

A l’heure ou l’on parle beaucoup de l’enseignement, certains pour s’alarmer de sa situation en évoquant “la crise”, d’autres pour s’inquiéter de sa qualité, notamment ses méthodes de transmission, son manque d’attractivité, il nous semble opportun, parce que nous défendons l’école publique et un enseignement de qualité, de rappeler qu’apprendre est avant tout un plaisir et qu’enseigner reste une vocation.

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http://www.legrainasbl.org/ Pour une pédagogie émancipatrice Une pédagogie qui libère progressivement l’individu de ses tutelles et le conduit tout à la fois à l’autonomie et à la solidarité, voilà l’utopie que défend Le Grain. Cette utopie a pris au fil du temps différentes formes et s’est concrétisée dans plusieurs champs d’action : l’éducation permanente, la formation-insertion, le développement local et l’enseignement. Les destinataires de son action sont les publics dominés, ceux dont la capacité d’initiative est limitée, pour de multiples raisons. Le site offre de nombreuses analyses pointues, des textes de références ainsi que l’ensemble des articles publiés depuis mai 1975 par des membres.

http://www.enseignons.be/ Partager pour mieux enseigner Voici un portail pédagogique destiné aux instituteurs et professeurs de l’enseignement fondamental et l’enseignement secondaire qui souhaitent échanger leurs ressources pédagogiques et leurs expériences de classe. Pour ce faire, l’accès à un forum regroupant près de 60 000 membres, des blogs ainsi que de nombreux documents de travail à usage des professeurs sont disponibles sur le site.

http://www.changement-egalite.be/ Changer l’école c’est aussi changer la société

formation en vue de l’égalité et de l’émancipation sociale, le CGé entend favoriser des changements dans le monde éducatif. A cette fin, le site met à disposition des différents acteurs des moyens pour interroger leurs conceptions et leurs pratiques. Le CGé offre également des espaces de débats, d’échanges et de mise en commun des savoirs. Un site très bien alimenté en réflexions politiques et pédagogiques, offrant des outils d’informations sur les problématiques éducatives.

http://www.skolo.org/ L’école démocratique L’Appel pour une école démocratique (Aped) est un mouvement Belge de réflexion et d’action qui milite en faveur du droit de tous les jeunes d’accéder à des savoirs porteurs de compréhension du monde et à des compétences qui leur donnent force pour agir sur leur destin individuel et collectif. L’Aped analyse et combat les mécanismes économiques, les réalités institutionnelles, les choix budgétaires, les discours idéologiques et les pratiques pédagogiques qui tendent à maintenir ou à développer l’inégalité sociale devant l’école ou à réduire l’enseignement à une fabrique de main d’œuvre productive. L’Aped étudie, encourage et diffuse activement, tout ce qui remet en question l’école comme appareil de reproduction des hiérarchies sociales existantes. Textes de base, publications, communiqués font de ce site une source pointue d’information militante.

http://www.meta-educ.be/ META, Atelier d’histoire et de projet pour l’éducation, est une association sans but lucratif (asbl) qui a pour but : • la rédaction et la diffusion d’études prospectives et rétrospectives sur l’évolution des institutions éducatives (enseignement, formation et insertion professionnelles, éducation permanente, éducation à la jeunesse) ; • l’exercice de missions de conseil et d’expertise, au bénéfice des acteurs de ces institutions ; • la rédaction et la diffusion de synthèses de travaux issus des sciences humaines, utiles aux acteurs de l’éducation. Le site très bien fourni en documents offre notamment un “réservoir d’idée”, rassemble des outils d’analyse, propose des pistes pédagogiques et des points de vue en débat. A voir. M@rio FRISO Bruxelles Laïque Echos

Mouvement sociopédagogique pour et avec les acteurs de l’éducation et de la

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Brouckère, 60-62, rue de la Croix de Fer à 1000 Bruxelles. Date : mercredi 24 février 2010 à 20h00 P.A.F : 3 euros Renseignements : 02/223.46.13 ou maisonlaique.bxl@gmail.com

LA FAMILLE HEUREUSE, CENTRE LAÏQUE DE PLANNING FAMILIAL propose une Journée portes ouvertes, prévention, informations, animations pour lutter contre le SIDA, les MST, distributions de préservatifs, de kits Saint Valentin… Date : vendredi 12 février 2009. P.A.F : gratuit. Renseignements : tél 02 217 44 50 ou fam.heur.stjosse@skynet.be.

L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA MORALE LAÏQUE D’AUDERGHEM EN COLLABORATION AVEC LES AML D’IXELLES ET DE WATERMAELBOITSFORT proposent deux conférences : - Initiation, une voie vers l’émancipation humaine : la psychanalyse, le marxisme, le boudhisme, la franc-maçonnerie par Monsieur Jacques Rifflet, professeur honoraire de droit et d’analyse des facteurs religieux. Date : vendredi 18 décembre 2009 à 20h15. - Le symbolisme des labyrinthes (conférence-débat illustrée de diapositives) par Monsieur Jean Flamme de l’AML d’Ixelles. Lieu : auditorium des Ecuries de la Maison Haute 3, place Paul Gilson à Watermael Boitsfort.

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Date : vendredi 22 janvier 2009 à 20h15. P.A.F : 5 euros pour les membres des AML organisatrices et les membres du CEPULB, 6,5 euros pour les non membres et 2,5 euros pour les étudiants. Renseignements : tél 02/673 13 12 ou vogelsa@scarlet.be.

LA MAISON DE LA LAÏCITÉ LUCIA DE BROUCKÈRE propose : Impact de l’environnement sur la santé publique, défis à débattre, conférence suivie d’un débat par le docteur Guy Aloïs Magnus, Procurator European SREH (www.eph-info.net Research and Prevention, www.ephe.org partnerships and Advocacy ) Lieu : Maison de la Laïcité Lucia de

LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'EDUCATION PERMANENTE ASBL propose le programme de formations suivantes : Des réunions au service de nos projets Patrick Hullebroeck,directeur à la LEEP et formateur en gestion de projets. Date : les 7 et 8 janvier 2010 de 9h30 à 16h30. Groupe limité à 12 personnes. Lieu : CEMPA – LEEP, Place Rouppe, 29 1000 BXL. P.A.F : 69 euros/95 euros. L’accueil et la remobilisation du public Sophie Devuyst, psychologue, conseillère d’orientation, formatrice en remobilisation, insertion socioprofessionnelle et communication. Date : les 11 et 12 janvier ainsi que le 8 février 2010 de 9h30 à 16h30.

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Eveil de l’attention chez l’enfant Marianne Obozinski,kinésithérapeute, thérapeute du développement et enseignante de yoga. Date : les 14 et 15 janvier 2010 de 9h30 à 16h30. Groupe limité à 12 personnes. Lieu : CEMPA – LEEP, Place Rouppe, 29 1000 BXL. P.A.F : 69 euros/95 euros. Honte de la demande et violence de l’aide Christophe Callebaut, psychologue, criminologue. Formé aux thérapies et interventions systémiques, familiales et institutionnelles. Date : les 19 et 21 janvier 20010 de 9h30 à 16h30. Lieu : CEMPA – LEEP, 29 place Rouppe à 1000 Bruxelles. P.A.F : 79 euros/95 euros.

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Bien-être et émotions au travail dans le secteur non marchand Date : les 29 janvier et 5 février 2010 de 9h30 à 16h30. Caroline Rivière, psychologue et superviseuse d’équipe dans le domaine non marchand. Groupe limité à 14 personnes. Lieu : LEEP, rue De Lenglentier, 1A - 1000 BXL P.A.F : 69 euros/ 95 euros. Danses traditionnelles - danses de groupe Nele Lavachery, formatrice spécialisée dans l’animation de stages de danses

traditionnelles pour enfants et adultes et François Chamaraux, musicien, pianiste, violoniste et accordéoniste, spécialisé dans l’accompagnement de la danse. Date : les 6 février de 13h à 18h, le 7 février de 10h à 16h et le 13 février 2010 de 13h à 18h. Lieu : la maison de la Solidarité, rue du Viaduc, 133 / 1050 Bruxelles. P.A.F : 79 euros/99 euros. Médiateurs et animateurs efficients Bruno Barbier, formateur en communication et développement personnel. Date : les 8, 9 et 10 mars 2010 Groupe limité à 15 personnes. Lieu : LEEP, rue de Lenglentier, 1A - 1000 BXL P.A.F : 85 euros/99 euros. Les P.A.F. au prix réduit s’adressent aux membres adhérents de la Ligue. Pour en savoir plus sur nos stages et tout notre programme de formations visitez le site de la Ligue : www.ligue-enseignement.be ou contactez le secteur formation au 02/511 25 87.

SERVICE LAÏQUE D'AIDE AUX JUSTICIABLES ET AUX VICTIMES - BII - ASBL – SLAJ-V. Agréé par la Communauté française et la Commission communautaire française. Aides psychologiques, sociales et juridiques à la demande des personnes concernées. L’ensemble des services est gratuit et ouverts de 8h30 à 17h30 du lundi au vendredi.

Section “Aide aux Victimes et proches” 281 chaussée de Waterloo 281 - 1060 Bruxelles. Tél : 02 537 66 10 Fax : 02 537 12 22 Email : aideauxvictimes@skynet.be Atelier pour enfants en deuil “Etoile au cœur”. S’adresse aux enfants âgés de 4 à 11 ans ayant perdu un proche (parent, membre de la famille, ami, professeur…) dans le cadre d’une infraction pénale (homicide volontaire ou involontaire, décès suspect, accident de la route). L’atelier permet aux enfants d’exprimer leur vécu, leurs questions, leurs angoisses… de manière créative (par le dessin, peinture, travail de la terre…) et par le jeu (marionnettes, théâtre, lectures de contes…) et de pouvoir partager avec d’autres enfants connaissant une situation similaire. Les séances se déroulent le mercredi de 14h à17h. Personnes de contact : Caroline BOLAND, psychologue et Eva PLAES, assistante sociale. Lieu et renseignements : “Aide aux Victimes et proches” au 281, ch. de Waterloo - 1060 Bruxelles. Tél. : 02/537 66 10 Fax : 02/537 12 22 Groupe thérapeutique pour personnes victimes de violence sexuelle à l’âge adulte ou dans l’enfance. S’adresse à toute personne adulte ayant vécu une transgression sexuelle dans l’enfance ou à l’âge adulte ( viol, abus sexuel, inceste…) et souhaitant partager leurs questions et difficultés avec d’autres dans un cadre thérapeutique.

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Les séances ont lieu deux fois par mois le mercredi de 17h30 à 19h. Animateurs et personnes de contact : Benoit DE MEYER et Fanny MEURICE, psychologues. Lieu et renseignements : “Aide aux Victimes et proches” au 281, ch. de Waterloo - 1060 Bruxelles. Tél. : 02/537 66 10 Fax : 02/537 12 22 Groupe thérapeutique pour personnes victimes d’infraction pénale. Le traumatisme peut rendre la personne étrangère à elle-même, aux autres et au monde. Ce vécu est douloureux et difficilement communicable. Ces réunions proposent des échanges en groupes comme outil thérapeutique. Atelier d’écriture pour victimes d’infraction pénale. Communiquer de manière créative son vécu de victime par un autre biais que la parole, celui de l’écriture (texte, poème, réflexion) ou toute autre forme d’expression (dessin, peinture, collage, …). Pour ceux qui le souhaitent, les réalisations peuvent s’inscrire dans le journal “Jonctions” qui est un moyen d’échanges entre les victimes et les auteurs d’infractions pénales (atelier d’écriture en prison). Entretien préalable nécessaire. Animatrices : Martine STASSIN et Eva PLAES. L’atelier est gratuit et a lieu le premier jeudi de chaque mois de 17h30 à 19h30. Lieu et renseignements : “Aide aux Victimes et proches” au 281, ch. de Waterloo - 1060 Bruxelles. Tél. : 02/537 66 10 Fax : 02/537 12 22

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Toute l’équipe de Bruxelles Laïque vous souhaite une année 2010 pleine de plaisirs et de liberté !


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Conseil d’Administration

Direction Comité de rédaction

Philippe BOSSAERTS Jean-Antoine DE MUYLDER Anne DEGOUIS Isabelle EMMERY Francis GODAUX Ariane HASSID Christine MIRONCZYK Michel PETTIAUX Johannes ROBYN Laurent SLOSSE Benoît VAN DER MEERSCHEN Cédric VANDERVORST Myriam VERMEULEN

Fabrice VAN REYMENANT

Juliette BÉGHIN Mathieu BIETLOT Mario FRISO Paola HIDALGO Thomas LAMBRECHTS Sophie LEONARD Alexis MARTINET Ababacar N’DAW Cedric TOLLEY

GRAPHISME Cédric BENTZ & Jérôme BAUDET EDITEUR RESPONSABLE Ariane HASSID 18-20 Av. de Stalingrad - 1000 Bruxelles ABONNEMENTS La revue est envoyée gratuitement aux membres de Bruxelles Laïque. Bruxelles Laïque vous propose une formule d’abonnement de soutien pour un montant minimum de 7€ par an à verser au compte : 068-2258764-49. Les articles signés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

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Chacun prend son plaisir où il le trouve. Intense ou furtif, innocent ou défendu, solitaire ou partagé, intellectuel ou physique… La vie est une source intarissable de plaisirs. Il y a probablement autant de plaisirs différents qu’il y a d’individus. Pour mettre en relief cette diversité, merci de nous confier anonymement quels sont vos petits plaisirs en complétant ce formulaire (totalement ou partiellement)1. Nous vous invitons à renvoyer le questionnaire par mail, fax ou courrier à Bruxelles Laïque. D’avance merci !

• Citez un plaisir que vous aimez partager :

• Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?

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• Citez un plaisir que vous ne partagez pas avec d’autres :

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• Ecrivez une phrase personnelle qui parle du plaisir :

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• Citez un plaisir qui vous a surpris :

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1 Vos réponses sont susceptibles d’être publiées et largement diffusées dans le cadre d’une campagne du Centre d’Action Laïque visant à mettrre en avant la diversité des plaisirs et le refus du conformisme en la matière. L’anonymat est garanti.


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