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Sommaire Editorial (Ariane Hassid) ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 3 Un désir commun de singularités (Jean-Louis Colinet et Jan Goossens) .................................................................................................................................................................................. 5 De la pensée unique dans un monde multiple (Mathieu Bietlot) .......................................................................................................................................................................................................... 6 De l’extension sociale de la norme à la servitude volontaire (Roland Gori) ........................................................................................................................................................................... 11 La liberté de faire “comme on doit” … Derrière la subjectivité des journalistes (Alain Accardo) .................................................................................................................... 16 Le documentaire : outil d’émancipation contre uniformisation culturelle (Olivia Welke)........................................................................................................................................... 20 Musique sans conscience, culture du loisir et désengagement collectif (Ababacar Ndaw) ................................................................................................................................. 23 LIVRE-EXAMEN : Raison et contradiction : le mythe au service de la pensée (Sophie Léonard) .................................................................................................................... 26 La diversité ou la mort (Vinciane Capelle) ............................................................................................................................................................................................................................................................... 28

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Quand la politique revêt l’uniforme de la gouvernance (Thomas Lambrechts) .................................................................................................................................................................. 31 L’Union européenne, unie dans la diversité ? (Marianne Dony).......................................................................................................................................................................................................... 35 Paroles de rue : Deuxième Forum International des Travailleurs Sociaux de Rue (Véronique Martin) ....................................................................................................... 38

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Surpêche : biodiversité et moyens d’existences menacés (Yann Yverniaux) ....................................................................................................................................................................... 42 LIVRE-EXAMEN : Humanitaire, diplomatie et droits de l'homme (Cédric Tolley) .............................................................................................................................................................. 44

Avec le soutien de la Communauté française. Bruxelles Laïque Echos est membre de l'Association des Revues Scientifiques et Culturelles - A.R.S.C. ( http://www.arsc.be/) Bruxelles Laïque asbl Avenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 Bruxelles Tél. : 02/289 69 00 • Fax : 02/502 98 73 E-mail : bruxelles.laique@laicite.be • http://www.bxllaique.be/

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omme chaque année à la même période, je suis heureuse d’introduire ce numéro de Bruxelles Laïque Echos dédié au Festival des Libertés dont il constitue le dossier thématique. Un festival qui grandit d’année en année sans jamais perdre de sa pertinence, tant la défense des libertés et des droits humains reste d’actualité dans une société qui connaît des évolutions inquiétantes. Un Festival qui, dans sa formule actuelle ouverte à tous les publics et à de nombreuses disciplines, fête son dixième anniversaire ! Par vocation, le Festival des Libertés cherche à donner la parole à des voix qui ne trouvent pas d’échos dans les canaux de diffusion dominants et à faire connaître des créations qui réveillent notre curiosité et interpellent le regard que nous portons sur les choses. Cette année, la volonté de sortir des autoroutes et de ne pas suivre le conformisme en est explicitement le fil conducteur. Depuis ses origines, le festival s’inquiète d’une société toujours plus éclatée, barricadée de préjugés, de murs ou de sens interdits. Il cherche à mettre en avant ce qui peut créer du lien et unir par-delà les singularités de chacun. Unir certes, mais pas uniformiser. Nos sociétés sont beaucoup plus métissées et ouvertes sur le monde qu’en d’autres temps. Nous ne vivons pas sous le joug d’une dictature ni sous l’emprise d’une religion omniprésente. Et pourtant, on observe, aujourd’hui, des formes souvent insidieuses de mise au pas des citoyens : uniformisation des façons de voir et de penser, homogénéisation des populations, standardisation des consommations ou normalisation des comportements. Tels sont les questionnements qu’abordent les articles de notre dossier et que déclinera la programmation du Festival des Libertés 2010. Celle-ci se déroulera dans le cadre spacieux du Théâtre National, avec qui nous sommes ravis de reconduire un partenariat fructueux et de l’élargir au KVS. Aux antipodes de la crise qui déchire le gouvernement, nous réaffirmons ainsi notre volonté de proposer un événement bilingue au cœur de Bruxelles. Comme de coutume, les préoccupations du Festival s’exprimeront par l’image, la parole, la musique et le spectacle. Les documentaires dresseront un inventaire atterrant des violations des droits et de la dignité humaine tout en rendant hommage à ceux qui résistent aux quatre coins de la planète. Des débats inviteront les citoyens à mieux comprendre notre société, à décrypter les mécanismes de conditionnement qui réduisent nos visions ou enlisent nos marges de manœuvre et à agir en toute autonomie. Les concerts, plus nombreux et toujours plus métissés, déploieront leur puissance d’émerveillement, de rassemblement et de mobilisation. Des formules innovantes proposeront des rencontres de musiciens réunis spécialement pour l’occasion. Sur la scène théâtrale également, à côté de quelques créations internationales, le Collectif de jeunes acteurs du Théâtre National présentera un spectacle conçu pour le Festival autour de sa thématique. C’est donc un programme riche, diversifié et surprenant que je vous convie, avec enthousiasme, à découvrir du 21 au 30 octobre au Théâtre National et au KVS (du 26 au 29). Un enthousiasme que j’espère contagieux ! Belles découvertes et bonne lecture. Ariane HASSID Présidente

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Un désir commun de singularités e Festival des Libertés a décidément de quoi séduire : l’actualité criante des questions dont il se saisit, la qualité du débat citoyen qu’il provoque, le vaste champ de perspectives qu’il ouvre, la diversité et la convivialité d’une programmation qui sait donner ensemble envie de danser et envie de penser le monde… Le Théâtre National exprimait ici il y a un an l’enthousiasme qu’il mettait à soutenir l’aventure. Et, vraiment, quelle belle équipée que cette première édition au boulevard Jacqmain, quelle formidable réponse du public ! Si belle et si rayonnante qu’elle ne demande qu’à se déployer encore, à être portée par davantage d’énergies, à trouver en chemin de nouveaux partenaires.

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C’est donc un tandem déjà bien rôdé qui s’associera pour cette édition 2010 à l’équipe vaillante et engagée du Festival. Le KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg), si proche voisin et déjà complice à plus d’une reprise du Théâtre National, sera aussi de la fête, ouvrant ses scènes et ses espaces publics à plusieurs événements. Outre qu’il s’agit là d’une jolie réponse en miroir au double équipage que compose Bruxelles Laïque avec son homologue flamand de l’U.V.V. (Unie Vrijzinnige Verenigingen), cette participation de nos deux scènes, chacune à la proue d’une communauté culturelle et linguistique, témoigne, en actes, des valeurs d’ouverture et de dialogue qui nous animent. Même si nos programmations respectives signalent deux maisons aux personnalités

uniques et aux identités irréductibles, il y a plusieurs années que nous nous sommes reconnu des affinités, des préoccupations semblables. Nos sensibilités artistiques proches nous ont plus d’une fois amenés à collaborer, à coproduire ou à co-présenter des artistes formidables (ce sera encore le cas cette saison avec Josse De Pauw). Nous avons en commun le désir de rassembler un public large et diversifié autour de propos d’artistes engagés. Nous partageons la conviction qu’un théâtre qui se tait sur l’actualité du monde se cantonne à l’esthétisme. Nous sommes certains de surcroit que ce théâtre politique que nous aimons peut être libre de tout militantisme, vivifiant, touchant et proche des gens. Le thème choisi par l’équipe du Festival, – résister à l’uniformisation – nous parle beaucoup ! C’est presque une définition de nos métiers : chercheurs de singularités, épris d’artistes atypiques, programmateurs de spectacles parfois aux antipodes du politiquement correct et du déjà-vu-bienconsensuel-prémâché… La diversité des cultures et des points de vue, des langues et des langages, le bigarré des tons, l’exercice de la dialectique, le renouvellement incessant des formes, l’éclosion de visions inventives et déconcertantes, tout cela – qui ne tolère pas l’uniforme –, agite et fertilise naturellement le creuset de la création artistique. C’est le cœur de notre activité.

ne répondent pas aux attentes les plus formatées, c’est que nous préférons rendre hommage à la curiosité de nos spectateurs, soutenir leur désir de sortir des sentiers battus du prêt-à-voir et du prêt-àpenser, oser les paris et les confrontations, encourager les débats, éveiller le sens critique, affûter les regards. Le théâtre est un art vivant et ce brouhaha, cette effervescence concrète dont il naît et qui l’entoure depuis la nuit des temps, ce remue-méninges qui fait de lui depuis toujours un laboratoire de la démocratie active, lutte aujourd’hui encore contre l’installation d’une pensée unique. Certains diront que c’est David contre Goliath… Nous répondrons que le théâtre est alors peut être le petit caillou très pointu dans la chaussure de Goliath… Un cauchemar pour un géant… ! Bonne route à l’édition 2010 du Festival des Libertés et bienvenue à tous dans nos maisons de théâtre !

Jean-Louis COLINET, Directeur du Théâtre National Jan GOOSSENS, Directeur du K.V.S.

Mais notre travail ne s’arrête pas à soutenir des artistes et des productions originales et authentiques. Il faut encore les faire dialoguer avec le public. Si nos programmations

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La mise au pas, l’uniformisation et la normalisation idéologique ne sont pas le propre des régimes autoritaires ou des systèmes moraux rigides et fermés sur euxmêmes. On en découvre des manifestations même là où la différence, la liberté et la multiplicité sont exaltées. Qu’en est-il des ces formes de conditionnement et d’enfermement à l’air libre ?

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Tout est possible Nous vivons dans un monde globalisé et dans une société métissée. Les nouvelles technologies ont sensiblement réduit les échelles spatiotemporelles et multiplié les sources d’information. Tout circule toujours plus. Nous pouvons entrer en contact avec de nombreuses réalités, au plus près de nous ou aux quatre coins de la planète. Toutes les connexions sont possibles. Les choix et les possibilités se démultiplient. Nous ne vivons pas dans un régime autoritaire qui homogénéise tout violemment par la propagande, la discipline et la répression. De nombreuses dictatures ont été renversées. Nos régimes politiques se disent démocratiques. Nous avons le choix entre de nombreuses listes à chaque scrutin et, pour peu qu’il récolte les signatures nécessaires, chacun peut en déposer une. Nous ne vivons plus dans une société écrasée par une morale dominante et omniprésente comme a pu l’être le catholicisme en d’autres temps. Les privatisations et le jeu de la libreconcurrence sont censés étendre la gamme des produits ou services qui nous sont proposés. Nous pouvons désormais choisir la poudre à lessiver, le fournisseur d’électricité, le téléphone, la voiture, les vacances, etc. qui nous conviennent le mieux. Cette démultiplication des possibles et cette mise en connexion des différences peut créer des heurts et donne parfois l’impression d’un monde de plus en plus

éclaté dans lequel il devient difficile de “vivre ensemble” et de participer à un projet commun de société.

considèrent que nous vivons dans le moins pire des systèmes et qu’il n’y a pas de meilleure alternative…

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Si la face positive de la mondialisation réside dans l’ouverture à d’autres mondes et la mise en relation de réalités multiples, sa face négative se situe dans son pouvoir d’imposer un système, des points de vue et des pratiques à l’ensemble du globe. Il faut se rappeler que cette mondialisation s’est développée au terme de la guerre froide lorsque le monde occidental pensait avoir gagné la bataille et pouvoir imposer sa “pensée unique” à la planète entière. N’a-t-on pas pu lire à ce moment des théories de la fin de l’histoire et des idéologies, dans un monde enfin unifié1 qui avait atteint son maximum de perfection dans la généralisation de l’économie de marché et de la démocratie libérale ?

Et pourtant, parallèlement à l’émiettement de la société, on peut observer des tendances à l’uniformisation, l’homogénéisation, la standardisation ou la normalisation. Et ce, dans des domaines aussi variés que les comportements dits normaux, la morale, les goûts, les modes et les consommations, les procédés de fabrication des biens, les modèles de gestion, la production culturelle et les loisirs, les médias, les réponses uniques et simplistes données à des questions complexes… En effet, dans des régions parfois très éloignées et des contextes ou milieux sociaux très différents, énormément de gens mangent les mêmes hamburgers et boivent les mêmes sodas, suivent les mêmes modes vestimentaires, adulent les mêmes stars du top 50 ou de la téléréalité, désirent le même nouveau téléphone mobile, tiennent le coup avec les mêmes antidépresseurs, se nourrissent des mêmes sources d’information principale et, par là, adhèrent à une même vision du monde ou des événements, s’émeuvent des mêmes drames (faits divers sordides ou catastrophes naturelles), s’inquiètent de l’augmentation de l’insécurité et du terrorisme, estiment qu’on a raison d’enfermer les mineurs et qu’il faudrait castrer les pédophiles, reconnaissent que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde et qu’il est légitime d’expulser les Roms,

“Puisqu’il est désormais le seul et unique système d’organisation de la vie à l’échelle planétaire, le capitalisme n’a plus de nom ; parce qu’il occupe toute la réalité, il ne peut être distingué de luimême, ne peut plus être nommé. C’est ce qui le rend de plus en plus difficile à penser. Cette unité sans contraire du Capitalisme-monde pose en termes nouveaux la question du totalitarisme.”2 Rien n’est choisi Les moyens de communication décuplés par la mondialisation sont davantage déployés pour amener la majorité silencieuse sur une longueur d’onde unique que pour organiser le débat, la polyphonie et la confrontation des points de vue.

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Contrairement aux apparences, la profusion de l’offre – dans les rayons d’un supermarché ou lors d’une campagne électorale – ne mène pas à une diversité de choix possibles. Soit que le choix s’avère illusoire dès lors que sous des emballages différents se présentent des produits ou des propositions qui ont, en réalité, été moulés par la même multinationale, par le même mode de production ou le même schéma de pensée dominant. Ainsi, en matière de biens de consommation, de service ou de médias, les politiques de libéralisation et de concurrence conduisent souvent, via actionnariat, rachat et fusion, à des monopoles déguisés par la multiplicité des marques : un même groupe est propriétaire de la plupart des journaux d’un pays ou de la plupart des marques de poudre à lessiver. Même entre grands groupes concurrents, on assiste à la standardisation des procédés de fabrication les plus compétitifs, donc à la standardisation des produits. Sur le plan politique, sous couvert de débat démocratique, la compétition entre les différents partis aboutit souvent à l’uniformisation des propositions politiques. Ces propositions politiques sont celles qui correspondent à l’air du temps, celles qui sont gages de succès électoraux, celles qui sont développées par des experts placés au-dessus de la démocratie et celles qui rencontrent les intérêts des lobbys les plus puissants (à nouveau les multinationales). Il y a certes des questions qui divisent le monde politique mais un consensus flagrant autour des grandes tendances : dérégulation et tout au marché, politiques d’austérité, focalisation

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sur les questions sécuritaires et inflation des politiques de contrôle ou de répression,… En outre, ce qu’on appelle le “politiquement correct” et une communication toujours plus aseptisée laissent peu de place à des discours ou visions politiques qui sortent des sentiers battus. Soit que le choix se révèle téléguidé par la publicité, le bourrage de crâne scolaire, le lavage de cerveau médiatique, les œillères de pensée ou la pression sociale (invitation à faire comme tout le monde…). Un des ressorts les plus retors de cette technique de manipulation des choix réside dans le fait qu’elle mise, aujourd’hui, énormément sur l’individualisme, la singularité et la différence : “parce que vous êtes unique, faites tel choix”, “pour être vous-même, adhérer à telle nouvelle mode”, “soyez différents, prenez telle option”. Et chacun est invité, pour être différent, à faire comme tout le monde… Nous avons ainsi l’impression d’avoir toujours plus de choix mais l’initiative et la décision nous échappent in fine. La puissance d’endoctrinement et de domination s’avère donc moins explicite, moins flagrante, moins brutale qu’au temps de l’Inquisition ou dans les dictatures. Mais elle est plus insidieuse ou sournoise, puisqu’elle se fait sous couvert de liberté et de démocratie. Et elle possède des moyens techniques ou stratégiques bien plus efficaces (c’est dans le domaine de la publicité que les recherches psychologiques sont actuellement les plus poussées). La normalisation idéologique, le conditionnement des attitudes attendues et le contrôle social

paraissent toujours plus intériorisés par une majorité de citoyens qui se surveillent eux-mêmes et redoutent de quitter les sentiers battus. Rien n’est permis Dans les années soixante, en pleine croissance et société d’abondance, Marcuse a développé la thèse de l’homme et de la société unidimensionnels. Il y voyait une structure subtile et perfectionnée de totalitarisme intégré à la démocratie, reposant sur des formes de répression passive acceptées par tous dès lors que les droits et libertés avaient été acquis une fois pour toutes et que les progrès technologiques étaient à même de combler tous les besoins, voire de gaver les ouailles. “Mieux que jamais auparavant les individus et les classes reproduisent la répression subie. Car le processus d’intégration se déroule, pour l’essentiel, sans terreur ouverte : la démocratie consolide la domination plus fermement que l’absolutisme.”3 Cette thèse s’est amplifiée avec les années, les mécanismes de répression passive et d’intégration de la norme se sont perfectionnés mais dans un contexte de crise socioéconomique où les besoins ne sont plus satisfaits et où toutes les populations ne sont plus absorbables par le système. Et il arrive que les “déchets” se rebiffent… Dès qu’une réelle différence, qui n’a pas été prévue ou promue, s’exprime, elle est mal accueillie. Les débats houleux relatifs à la diversité culturelle en témoignent incontestablement. Dès qu’une dissidence s’affirme, elle se heurte au déni, à

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la disqualification et finalement à la répression. A travers ses caméras de surveillance, ses législations antiterroristes, ses contrats de sécurité ou sa chasse aux chômeurs, notre société, qui se prétend citoyenne et démocratique, se méfie de ses citoyens, considérés comme potentiellement dangereux et immatures, dont il faut orienter les pensées et les conduites, surveiller les faits et gestes, circonscrire et restreindre les droits et les libertés de crainte qu’ils n’en abusent ou n’en fassent un usage non approprié.

1 Certes, l’Occident triomphant ne rencontrait plus l’opposition du “bloc communiste” mais l’altérité n’a pas tardé à s’exprimer, en venant cette fois-ci du Sud et de l’Orient ; déplaçant, au passage, l’antagonisme du plan politique ou économique au plan culturel ou civilisationnel alors que ces régions du monde interrogent clairement notre modèle politique et économique. 2 Jean-Paul Curnier, “Un monde en guerre”, Lignes, n°9, pp. 70-71 3 Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, éd. de Minuit, 1964, p.7

Une société uniformisée, faite d’une population homogénéisée, de politiques monotones, de comportements normalisés, de productions standardisées, de choix téléguidés, d’idées conformées et de dissidences neutralisées, est une société sans débat, sans créativité, sans progrès, sans liberté et finalement sans vie. A nous de, non seulement dénoncer les pouvoirs normalisateurs, mais de revendiquer notre droit à la différence, de tracer nos chemins en dehors des autoroutes, de célébrer la richesse de la diversité et d’expérimenter la fertilité de l’altérité. Faisons entendre nos voix dissidentes et soyons solidaires face à ceux qui voudraient les étouffer. Et n’oublions pas qu’“on a raison de se révolter”.

Mathieu Bietlot Bruxelles Laïque Echos

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L’extension sociale de la norme Je suivrai Michel Foucault pour considérer aujourd’hui que nous devenons davantage une société articulée sur la norme que sur la loi. Ce qui ne veut pas dire que le pouvoir de la loi soit en train de régresser mais plutôt qu’il s’intègre dans un pouvoir plus général, celui de la normalisation. La multiplication des règlements, des directives, des circulaires et des décrets, par exemple édictés par la Commission européenne, proviennent de l’augmentation sans cesse croissante des normes et des exigences de standardisation du fait même de l’absence d’une autorité politique légitime qui pourrait se fonder sur la loi. En un mot comme en cent, le conformisme auquel nous nous plions tous les jours s’exerce “dans les petites affaires”, nous asservit de manière toujours plus étendue et douce, nous fait perdre l’habitude de nous diriger nousmêmes et nous habitue toujours davantage à consentir dans les marges d’un pouvoir véritablement disciplinaire à notre propre aliénation, à notre propre mutilation. Le Maître aujourd’hui, ce n’est plus le tyran religieux ou laïc, c’est un Maître anonyme, disséminé, dans de multiples dispositifs réticulaires et capillaires où s’exerce moins le pouvoir d’un seul que la servitude de tous. C’est ce Maître anonyme qui impose à l’humain de se transformer en ressource pour faire fructifier le capital en ingurgitant des nouvelles règles de conduite, une nouvelle langue et de nouvelles valeurs. Et ces nouvelles formes de domination, ces nouvelles servitudes sont souvent installées au nom même de

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la liberté et de la transparence démocratique. Ce que Yves-Charles Zarka appelle “nos nouvelles servitudes”. Et ces nouvelles formes de subordination et de domination exigent un consentement volontaire des sujets, adhésion volontaire à des normes plutôt qu’à des lois. Nous avons à révéler et à déconstruire l’impensé social et politique des normes que le Pouvoir présente comme des évidences “naturelles” ou des faits objectifs. Ce travail est déjà en lui-même une pratique de résistance citoyenne autant que philosophique. Ce n’est pas seulement le partage entre le permis et le défendu qui est en jeu, mais davantage l’intoxication, la colonisation de nos existences par une manière de penser et de vivre le monde, autrui et soi-même. Et cette manière de s’habituer à ce que Deleuze appelait “les petits fascismes de la vie ordinaire”, cette manière de s’habituer à une domination invisible et insidieuse, conditionne dans les temps de crise et de terreur l’obéissance à des actes cruels, barbares et inhumains. On ne peut pas comprendre la soumission à des systèmes totalitaires et à leur logique monstrueuse si on ne prend pas en compte cette première idée : la normalisation des esprits prépare progressivement à cette “banalité du mal” dont parle Hannah Arendt à propos des bourreaux nazis, de ces fonctionnaires zélés d’un Etat délinquant où le meurtre de masse devient un boulot comme un autre. Voilà pourquoi je crois que le premier acte de résistance consiste à analyser et à déconstruire le fonctionnement de nos dispositifs de normalisation. C’est là où se

trouve la tyrannie du pouvoir contemporain et je dirai avec de Tocqueville que « la nature du Maître m’importe bien moins que l’obéissance.” Alors comment ça se passe aujourd’hui ? Eh bien c’est l’évaluation qui constitue le dispositif matriciel de ces servitudes et qui transforme chacun d’entre nous en “tyranneau” de lui-même et des autres. “Tyranneau”, le terme est de La Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire : le pouvoir tyrannique est faible, instable et il ne tient que par la servitude volontaire des sujets qui ne s’y prêtent qu’en croyant tirer profit de la tyrannie qu’ils imposent aux autres comme à euxmêmes. Cette abnégation politique corrompt le lien social et menace la “fraternelle communauté” de la vie civile pour satisfaire les ambitions et les avarices individuelles. C’est pour ça qu’il est important, deuxième acte de résistance, de restituer à nos pratiques professionnelles leur dimension politique. Ce n’est pas faire de la politique mais c’est révéler l’existence du politique dans les métiers. Quand la génétique ou la neurobiologie des comportements sont instrumentalisées pour détecter les délinquants en coucheculotte ou sélectionner les candidats lors des entretiens d’embauche, c’est aux scientifiques de refuser et de faire objection. Ce n’est pas la désobéissance civile, mais un refus de se soumettre à une politique qui tend à transformer les professionnels en tyranneaux. Et là il est nécessaire par les temps qui courent de mobiliser l’opinion, de faire du lobbying et des actes symboliques de résistance. Quand

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des rédacteurs en chef de revues européennes demandent à ce que leurs prestigieuses revues soient retirées des banques de données qui assurent l’hégémonie culturelle des Etats-Unis sur le marché de l’information scientifique, c’est une insoumission aux normes, ce n’est pas une désobéissance à la loi. Quand les universitaires démissionnent de leurs responsabilités collectives et administratives, ce n’est pas une désobéissance civile mais un refus de se soumettre au dispositif de normalisation qui assure la revanche du pouvoir technico-administratif sur les missions d’enseignement, de recherche ou de soin. On pourrait multiplier à l’infini les exemples. Je voudrais simplement dire qu’aujourd’hui la cible de nos révoltes devrait être à mon avis ce qui justifie la servitude volontaire, je veux parler de l’évaluation. L’évaluation : un dispositif anthropologique Nous sommes dans une société de l’évaluation généralisée qui dévalorise la substance humaine de nos actes au profit de leur décomposition en unités techniques mesurables, quantifiables et commensurables. Le pouvoir, dans nos démocraties libérales, interdit moins qu’il oblige à penser, à vivre et à mourir selon certaines normes, dans une gestion économique des populations et une fabrique de leur opinion. Ces normes sont codifiées dans des règlements de toutes sortes qui ne sont pas des produits à proprement parler d’une Loi juridico-politique, c’est-à-dire d’une autorité. C’est plutôt un dispositif de capture du vivant qui modèle, fabrique et traque l’humain par les filets de normalisa-

tion d’un réseau de tyranneaux toujours plus capillaires, denses et obscurs. On le sait, les populations deviennent des objets technico-politiques d’un gouvernement individualisé des sujets qu’il faut suivre à la trace, dépister, marquer, ficher, enregistrer dans le grain le plus fin des anomalies et dans les replis les plus intimes de leur existence. Dans cette bio-économie, le comportement humain se gère comme le grain de blé ou les flux de marchandises et ce d’autant plus si les professionnels renoncent à leur pensée critique et à leur faculté d’analyser, de juger et de décider. Alors pour mieux les exproprier de leur existence privée et professionnelle, les démocraties modernes ont découvert le pouvoir de normalisation de l’évaluation. On n’a pas besoin de penser à ce qu’on fait, il suffit de compter les actes, de les comparer et si possible dans une culture du résultat à court terme pour mieux rester le nez sur le guidon. Ce n’est peut-être pas productif mais au moins ça fait partie des dispositifs de civilisation et de servitude où l’homme mutilé n’a pas besoin de la présence d’autrui et où il est condamné à ne détenir sa valeur que de ses performances instrumentales. Ici, quelle que soit la nature juridico-politique d’un système, les procédures de normalisation contiennent en elles-mêmes les germes des petits fascismes ordinaires. Or l’évaluation, c’est aujourd’hui la matrice permanente d’un pouvoir politique qui nous demande de consentir librement à cette servitude technique. A l’hôpital le rapport Larcher comme le rapport Vallancien placent l’expertise

au cœur du système de gouvernance. La tarification à l’activité à l’hôpital, le classement des revues par Impact factor à l’Université, l’évaluation des travaux de recherche à partir de la marque des revues dans lesquels ils sont publiés, la durée limitée à deux ou quatre ans des habilitations de laboratoires et accréditations diverses, l’hégémonie anglo-américaine sur le marché des éditions scientifiques, les standardisations diverses et variées, tous ces dispositifs fabriquent l’opinion et permettent un quadrillage des populations en général et des communautés professionnelles en particulier. Ces dispositifs d’évaluation quantitative, qu’il s’agisse du classement de Shangai des Universités, des indices bibliométriques ou des diverses tarifications à l’acte technique peuvent être largement critiqués, se révéler faux et contre-productifs, il n’empêche, ils sont maintenus, ils se multiplient, se reproduisent et créent de véritables réseaux de tyranneaux et de scribes des nouvelles servitudes. Et cela parce que ce dispositif est d’abord et avant tout une machine de gouvernement. Alors comment résister à cette machine de gouvernement qui une fois encore passe par la norme avant de s’imposer comme loi ? La réponse est simple et complexe : en construisant du “collectif” de résistance aux normes lorsqu’elles pervertissent les finalités de nos métiers ou modifient leurs significations anthropologiques. Résister en refusant la servitude volontaire Refusons la perversion de nos métiers en instruments d’un contrôle social ou

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de molécules de propagande. Résister, déjà, c’est faire notre boulot au regard des finalités qui l’ont créé. S’il faut soigner ou cocher, choisissons de soigner. S’il faut chercher ou publier, choisissons de chercher. S’il faut soigner ou surveiller, choisissons comme ces infirmiers psychiatriques de soigner plutôt que d’escorter les patients D 3982. Simplement, c’est à un collectif que peut revenir la charge de construire ces formes de résistance. Si un rédacteur en chef de revue enlève sa revue des banques de données, ça n’aura aucune importance et cela permettra la promotion de tyranneaux plus cyniques et accommodants. Quand c’est toute une section du Conseil National des Universités qui refuse le classement des revues, on peut encore travailler. Nous avons aujourd’hui, avec Internet, le meilleur et le pire. On peut vaincre le conformisme, non seulement par l’amitié et la fraternité auxquelles La Boétie se réfère pour sortir de cette servitude volontaire qui n’est pas que le fait d’un tyran politique mais, d’abord et avant tout, cette inclination qui pousse chacun de nous à devenir ce tyranneau qui s’assujettit lui-même autant qu’il assujettit les autres. Se révolter, dit Camus, c’est “refuser l’humiliation […] sans la demander pour l’autre.” Ne l’oublions pas. Alors comment sortir de cette corruption de la normalisation et de la servitude volontaire qu’elle exige ? Ne m’en voulez pas si c’est dans une nouvelle de Melville, “Bartleby”, que je verrais volontiers la métaphore des actions que je propose. Vous vous souvenez de cette œuvre remarquable dans laquelle un avoué des

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plus conformistes se trouve corrompu, pourrait-on dire, par ce copiste étrange qu’était son subordonné Bartleby. Ce copiste, à la “silhouette lividement nette, pitoyablement respectable, incurablement solitaire” (p. 16). Quasiment anorexique, affamé de copies, silencieux, blême et mécanique, et qui un jour à la requête coutumière de son patron répond “Je préfèrerais n’en rien faire”. Et à toutes les requêtes, y compris celles qui lui demandent des explications sur son étrange comportement, il répond “I would prefer not to”. Et avec cette douceur magique qui désarme tous ses interlocuteurs Bartleby produit ce que Melville appelle “une fraternelle mélancolie”. Bartleby, ce copiste de Wall Street, publié au milieu même du XIXe siècle, n’est-il pas la figure mélancolique sur laquelle se fracasse le management de notre civilisation qui naufrage au moment même de son triomphe, comme disait René Char ? Famélique Bartleby, ombre qui hante désespérément toutes nos habitudes dont la vocation originaire est peut-être de nous oublier nous-mêmes, cet oubli de nousmêmes, condition première de l’obéissance, mélancolique Bartleby qui restitue aux scribes leur étincelle d’humanité par cette résistance passive et obstinée qui finit par corrompre le langage des maîtres, car les scribes et les copistes dans les cabinets desquels Bartleby préfèrerait ne pas, finissent aussi par être corrompus par son langage. Ils emploient malgré eux le verbe “préférer”. Il y a un discours de la servitude comme il y a un discours de la résistance qui désintoxique la langue de ses corruptions

morales et sociales. De la même manière qu’on a pu lire la Princesse de Clèves trop vite et l’avoir imprudemment mise au rebut au profit des Rolex, ne pourrait-on imaginer une réponse collective à tous les donneurs d’ordre par la formule de Bartleby “je préfèrerais ne pas”. Et puis plus sérieusement, ne pourrait-on restituer à notre désir sa portée critique en nous demandant si nous ne préfèrerions pas “ne pas”. Mais bien sûr pour avoir quelque portée, cette désobéissance à la norme, qui n’est pas encore une désobéissance à la loi, ne saurait avoir sa pleine force politique qu’à la condition de se construire sur une scène du collectif où les rédacteurs en chef des revues scientifiques préfèreraient tous ensemble ne pas se trouver dans les banques de données bibliographiques et d’asservissement social et de mondialisation culturelle. Que tous les médecins, psychologues et soignants préfèreraient ne pas remplir les cases imbéciles qui traquent moins les malades que ceux qui les soignent. Que les universitaires préféreraient ne pas exercer les fonctions administratives et collectives dès lors qu’on les transforme en tyranneaux de la gestion de la pénurie ou d’initiateurs à la servitude sociale volontaire. Que les directeurs de laboratoires et les responsables de maquettes pédagogiques préfèreraient ne pas recevoir des experts nommés et non pas élus de leur communauté. Les experts, ces scribes et tyranneaux de nos nouvelles servitudes. Que les spectateurs indignés par la colonisation de l’information préféreraient ne pas répondre aux questions débiles de l’audimat et de l’enquête d’opinion, parce qu’ils refusent d’être réduits à du

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“temps de cerveau disponible à vendre à Coca-Cola”, etc. Mais cela suppose une construction du collectif qui n’embrasse pas, parfois au nom même de la démocratie, les figures de la servitude pour s’ouvrir au risque de l’amitié, cette figure antique sur laquelle La Boétie fait reposer les liens sociaux authentiques. Cela suppose aussi qu’à distance de l’avarice et de la cruauté, dont La Boétie met en évidence qu’ils constituent les liens occultes du pouvoir tyrannique, on puisse se laisser aller au don, à la générosité et à l’amour. Ce qui suppose qu’on puisse aussi donner ce que l’on n’a pas pour le partager avec d’autres dans cette fraternelle mélancolie qui permet véritablement la création. Mais ça, il faut bien le dire, c’est difficile pour tout le monde, non seulement parce que nous sommes corrompus par les valeurs culturelles du capitalisme mais aussi parce que, comme nous l’enseigne notre pratique de soignant, se laisser aller, vulnérable et démuni, à l’autre provoque de l’angoisse et de la méfiance. Et c’est normal, car l’autre n’est pas toujours pourvu des meilleures intentions à notre égard et parfois, au nom même de votre Bien et du Salut collectif, l’autre peut se conduire en rapace. Il y a des rapaces humanistes, comme il y a des rapaces néolibéraux.

contamine le discours instrumental du copiste. Il nous restitue notre humanité que menacent le pragmatisme et le rationalisme de ce rêve américain dont Deleuze nous dit qu’il fabrique un “homme sans particularités”. C’est à cette inservitude volontaire que j’avais appelé.

Roland GORI psychanalyste et professeur à l’Université de Provence

Roland Gori participera au débat du Festival consacré à la santé mentale, avec Christophe Adam, Pierangelo di Vittorio et Roland Gori, le 29 octobre à 20h30. En partenariat avec L’Autre “lieu”. Le débat sera précédé du film Sainte-Anne, hôpital psychiatrique (cf. www.festivaldeslibertes.be)

Extrait de : L’Appel des appels, pour une insurrection des consciences, sous la direction de Roland Gori, Barbara Cassin et Christian Laval, Editions Mille et une nuits, 2009. 2 Il s’agit, en France, d’une personne qui ne peut être détenue en raison de sa maladie mentale, alors qu’elle est effectivement condamnée à une mesure privative de liberté, elle est alors gardée sous surveillance. (ndlr) 1

Chacun des tyranneaux apparaît comme un tyranneau non seulement pour les autres, mais d’abord pour lui-même. Là est la matrice de cette servitude volontaire dont j’ai voulu parler aujourd’hui et à laquelle Bartleby fait obstacle en ravageant le langage et la rationalité du petit Maître. Son langage devient contagieux. Il

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Pourquoi le discours médiatique semble-t-il converger spontanément vers la légitimation de l’ordre établi et apporter ainsi une contribution indispensable à la pérennité du système social ? Nul complot là-dedans. L’aspect concerté semble en effet minoritaire. Le recrutement social des journalistes et leur capacité à s’imprégner de l’idéologie des classes dirigeantes créent entre eux une communauté d’inspiration. Il leur suffit souvent de travailler “comme ils sentent” pour travailler “comme ils doivent”. C’est-à-dire comme ils ne devraient pas. 1

Article initialement paru dans Le Monde Diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/2000/05/ACCARDO/13807 - MAI 2000

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’observateur du système médiatique devrait poser en principe que les journalistes ne sont pas, dans leur grande masse, machiavéliquement préoccupés de manipuler le public pour le plus grand profit des actionnaires des entreprises de presse. S’ils se comportent en “conditionneurs” de ceux à qui ils s’adressent, ce n’est pas tant qu’ils ont la volonté expresse de les conditionner que parce qu’ils sont eux-mêmes conditionnés, à un degré que la plupart ne soupçonnent pas. Chacun, en faisant spontanément - ou en ne faisant pas - ce qu’il a envie de faire, s’accorde spontanément avec tous les autres. A la manière du poète Robert Desnos, on pourrait dire qu’ils obéissent à la logique du pélican : “Le pélican pond un œuf tout blanc. D’où sort, inévitablement/ Un autre qui en fait autant”.

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Les financiers et les marchands qui ont fait main basse sur l’essentiel des médias n’ont pas besoin de dicter aux journalistes ce qu’ils ont à dire ou à montrer. Ils n’ont pas besoin de violenter leur conscience ni de les transformer en propagandistes. Le sens de la dignité journalistique ne s’en accommoderait pas. Il vaut bien mieux laisser le personnel journalistique faire librement son travail (sauf circonstances et cas particuliers) ou, plus exactement, il faut lui laisser le sentiment que son travail n’obéit pas à d’autres exigences, à d’autres contraintes que celles qu’imposent les règles spécifiques du jeu journalistique acceptées par tous. Il faut s’en remettre à la “conscience professionnelle”. Pour cela il faut et il suffit de confier les rênes du pouvoir journalistique, dans les rédactions, à des personnes qualifiées de “grands professionnels”, ce qui veut dire en particulier qu’elles n’ont cessé de donner des gages de leur adhésion à une vision du

monde dont elles partagent les croyances fondamentales avec leurs employeurs. Une fois les postes supérieurs d’encadrement occupés par des professionnels idéologiquement fiables, il n’y a plus qu’à laisser jouer le mécanisme de la cooptation, qui assure, là comme ailleurs, un recrutement évitant, dans la plupart des cas, de faire entrer des renards au poulailler et des hérétiques à la messe. Ce mécanisme commence à jouer dès l’entrée dans les écoles de journalisme et il se poursuit continûment dans les rédactions. Ainsi les médias sontils solidement tenus en main par un réseau à qui il suffit de travailler “comme il sent” pour travailler “comme il doit”, c’est-à-dire pour défendre les normes et les valeurs du modèle dominant, celui sur lequel s’est réalisé le consensus entre une droite en panne d’idées et une gauche en rupture d’idéal. Mais l’efficacité d’un tel système repose fondamentalement sur la sincérité et la spontanéité de ceux qui s’y investissent, même si cet investissement implique un certain niveau d’automystification. On est en droit de faire à l’information journalistique beaucoup de critiques et de reproches bien fondés, y compris celui d’enfermer les esprits dans la pensée unique. Mais il y a un reproche qu’on ne peut pas faire aux journalistes, sauf cas particulier, bien sûr : celui de ne pas être de bonne foi dans leur travail. Ayant bien intériorisé la logique du système, ils adhèrent librement à ce que celle-ci leur commande de croire. Ils agissent de concert sans avoir besoin de se concerter. Leur communauté d’inspiration rend inutile la conspiration. Pour résumer leur croyance fondamentale, on pourrait dire qu’ils croient sincèrement au bilan finalement positif d’un capitalisme à

visage humain, et ils croient que cette croyance n’a rien d’idéologique ni de dépassé. Bien entendu, comme chez tous les acteurs de tous les champs sociaux, leur vision des choses se caractérise par un mélange à doses variables, selon la position occupée dans le champ, de lucidité et de cécité, de vu et de non-vu ou de bévue. Ils voient bien, par exemple, les innombrables manifestations d’inhumanité de l’ordre capitaliste partout où il a libre cours ; mais ils se refusent à y voir un trait consubstantiel, inhérent à l’essence même du capitalisme, pour en faire un simple accident. Ils parlent de “dysfonctionnements”, de “dérives”, de “bavures”, de “brebis galeuses”, condamnables certes, mais qui ne compromettent pas le principe même du système qu’ils sont spontanément enclins à défendre. Une forme d’imposture Ainsi, ils réprouvent sincèrement les “excès” entraînés, en matière de recherche et de traitement de l’information-marchandise, par la concurrence, l’obligation de rentabilité, l’Audimat, bref par la logique du marché. Mais que cette même logique entraîne un développement massif de l’emploi précaire dans les rédactions, avec un contingent croissant, d’année en année, de jeunes journalistes sous-payé(e)s et jetables, exploité(e)s de façon assez indigne par leurs employeurs, ce qui est compréhensible, mais aussi par nombre de leurs chefs et collègues, ce qui l’est moins, voilà un “dysfonctionnement” qui n’a provoqué jusqu’ici aucune mobilisation de la profession comparable à la défense des 30 % d’abattement fiscal, et il est significatif qu’au cours de la

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grande grève qui a affecté, en 1999, les chaînes du service public, grandes consommatrices de travail précaire, pas un mot n’ait été prononcé en public à ce sujet. Le champ journalistique, comme beaucoup d’autres, ne peut fonctionner qu’au prix de ce qu’il faut bien appeler une forme objective d’imposture, en ce sens qu’il ne peut faire ce qu’il fait, à savoir contribuer au maintien de l’ordre symbolique, qu’en faisant comme s’il ne le faisait pas, comme s’il n’avait d’autre principe que l’utilité publique et le bien commun, la vérité et la justice. S’agit-il d’hypocrisie ou de tartuferie ? Non. Aucun système quel qu’il soit ne peut fonctionner sur le mode de l’imposture intentionnelle et permanente. Il faut que les gens croient à ce qu’ils font et qu’ils adhèrent personnellement à une idéologie socialement approuvée. En l’occurrence, celle-ci ne peut pas consister à crier cyniquement “Vive le règne de l’argent-roi, à bas l’humanisme archaïque, enrichissons-nous et malheur aux pauvres !”, mais elle consiste à considérer en toute bonne foi, ne serait-ce qu’implicitement, que le bonheur du genre humain exige qu’on reste au sein de l’Eglise libérale, hors de laquelle il n’est point de salut possible. Pour que la logique économique devienne hégémonique, il faut qu’elle se transmute dans la tête et le cœur des gens en une idéologie philosophique, éthique, politique, juridique, esthétique, etc., relativement autonome, faute de quoi ils percevraient le poids de l’économie sur leur destin comme une intolérable contrainte extérieure, dépourvue de toute légitimité, un épouvantable “matérialisme”. En fait, le propre d’un système, c’est de ne pas rester extérieur aux agents

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mais d’entrer en eux pour les façonner de l’intérieur, sous forme d’un ensemble structuré d’inclinations personnelles. Et, finalement, sa vitalité repose beaucoup plus sur les dispositions de ses membres en matière de mœurs, de rapport au savoir, au pouvoir, au travail, au temps, et sur leurs goûts et dégoûts, en matière de pratiques culturelles, domestiques, éducatives, sportives, etc., que sur leurs options et opinions expressément politiques. Des esprits bien conditionnés sont d’abord et surtout des variantes incorporées de l’“esprit du temps”. Et celuici se flatte de transcender clivages politiques et consultations électorales. Ainsi, fort heureusement pour les maîtres de l’Argent, ils peuvent peupler les médias qu’ils ont achetés de gens intelligents, habiles et sincères, personnellement conditionnés à transfigurer les lois d’airain du capitalisme en conditions permissives et en postulats indiscutables de ce qu’ils appellent la “modernité” ou, si l’on préfère, la “démocratie de marché”. Les conclusions qui valent pour les médias valent pour des pans entiers de la structure sociale. Le microcosme journalistique est à cet égard un espace privilégié pour l’observation in vivo de ce qui se passe dans les champs de production et de diffusion des biens symboliques – dont la population professionnelle appartient très majoritairement aux classes moyennes (professions intellectuelles de l’enseignement, de l’information, du travail social, métiers de conseil et d’encadrement, de présentation et représentation, etc.). C’est principalement la nouvelle petite-bourgeoisie qui a injecté dans ce système, en s’y investissant à fond, la dose d’humanité, d’intelligence, d’imagination, de tolérance, de psychologie, bref le

supplément d’âme dont il avait besoin pour passer de l’exploitation barbare du travail salarié, qui sévissait encore avant la seconde guerre mondiale, à des formes apparemment plus civilisées, compatibles avec la montée des aspirations démocratiques. La modernisation du capitalisme a consisté à développer des méthodes de “gestion des ressources humaines” et de communication visant à euphémiser les exactions patronales et à impliquer davantage psychologiquement les salariés dans leur propre exploitation. Bien sûr, cette collaboration comporte des gratifications, matérielles et morales, dont la première est d’assurer la subsistance des intéressés, et la seconde de leur donner le sentiment d’une certaine importance et utilité pour leurs semblables. Et ce n’est pas rien. Il se trouve cependant que, par une de ces ruses objectives dont l’histoire abonde, leur travail profite encore bien davantage au système et aux féodalités qui le dominent, et que croyant servir Dieu ils servent aussi, et parfois surtout, Mammon. Mais ils le font sub specie boni, en toute bonne conscience, parce qu’à peu près tout ce qui pourrait leur donner mauvaise conscience est automatiquement autocensuré ou transfiguré. Ils ont en eux, comme aurait dit Pascal, “une volonté de croire plus forte que leurs raisons de douter”. Probablement parce que les journalistes maîtrisent professionnellement les technologies du faire-voir et du faire-savoir, l’observation de leur milieu permet de voir, mieux que chez d’autres catégories des classes moyennes, que l’imposture objective de ces dernières, qui consiste à n’être et à ne faire jamais tout à fait ce qu’elles-mêmes croient qu’elles sont et qu’elles font, se traduit

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par une mise en scène constante de soi, destinée à se donner à soi-même en la donnant aux autres, la représentation la plus valorisante de son importance.

Stendhal, “la grande affaire est de monter dans la classe supérieure à la sienne, et tout l’effort de cette classe est de [vous] empêcher de monter”.

S’il est vrai qu’aucun jeu social ne pourrait se dérouler si ses acteurs n’acceptaient pas, peu ou prou, de “se raconter des histoires”, d’en faire accroire à soi-même et aux autres, il faut admettre que les classes moyennes sont particulièrement enclines à “se faire du théâtre” ou “du cinéma”. Cette propension plutôt narcissique à la “dramaturgisation” de son existence est liée à l’appartenance à un espace social intermédiaire, entre les deux pôles, dominant et dominé, de la puissance sociale.

Il y a là une source de frustration intense et de ressentiment, une sorte de foyer de pathologie de la reconnaissance sociale, qui est à l’origine d’innombrables cas de cette souffrance existentielle qu’on pourrait réunir sous l’appellation de syndrome d’Emma Bovary et de Julien Sorel. Souffrance d’autant plus difficile à réduire qu’elle est structuralement programmée et par là réfractaire à toute thérapie médicale. Une enquête sur le journalisme de base fournit d’éloquentes illustrations de ce rapport ambigu à leur position, à la fois enchanté et exaspéré, amoureux et dépité, suffisant et douloureux, des dominants-dominés de l’entre-deux social.

Tous les traits caractéristiques de la petitebourgeoisie tiennent fondamentalement à cette position en porte-à-faux entre le troppeu et le trop-plein, entre l’être et le nonêtre, dans un monde où la valeur socialement reconnue est devenue directement proportionnelle au degré d’accumulation du capital en général, et de l’économique en particulier. “Les plus démunis”, comme on dit pudiquement, ont beaucoup trop peu pour pouvoir même se préoccuper de valoriser ce qu’ils ont et sont. Les plus privilégiés ont beaucoup trop pour avoir besoin de se rassurer en se donnant en spectacle. Ressentiment et souffrance Mais le résultat de cette quête perpétuelle de réassurance est rarement tout à fait satisfaisant. Les petits-bourgeois, à cause de leur position moyenne, sont généralement plus sensibles à l’écart avec les positions supérieures, qu’aux avantages intrinsèques de la position occupée. Comme le notait

On est en droit de penser que la seule façon de tenter d’y remédier consisterait à rompre avec la logique du système. Entreprise difficile, car elle ne peut aller sans remettre en question tout ce qu’on a personnellement intériorisé au plus profond, tous les liens “inviscérés”, toutes les adhérences charnelles par lesquels les individus “font corps” avec un système qui les a engendrés et conditionnés à faire ce qu’il attend d’eux, par exemple, à s’affronter les uns les autres dans une compétition implacable pour des enjeux factices et dérisoires, dont la poursuite et la conquête ne prouvent rien, sauf précisément qu’on est très bien conditionné. Jusqu’ici les membres des classes moyennes, parce qu’ils y sont conditionnés, y compris par toute leur socialisation, ont dans leur grande majorité entrepris avec

persévérance de cultiver leur rêve d’ascension sociale et leurs espérances de réussite personnelle à l’intérieur d’un univers dont, au demeurant, ils sont nombreux à dénoncer les iniquités. Mais ces opinions critiques, parce qu’elles restent cantonnées dans le seul registre politique (voire politicien), et le vote “à gauche” qui peut s’y associer, loin de mettre la logique dominante en péril, ont pour effet d’optimiser le fonctionnement d’un système qui, non seulement peut se reproduire pour l’essentiel, mais encore peut se glorifier d’entretenir, par médias interposés, un logorrhéique débat public qui ne porte presque jamais sur l’essentiel. Alain ACCARDO Coauteur de Journalistes au quotidien et de Journalistes précaires, Le Mascaret, Bordeaux, 1995 et 2000, respectivement.

La question des médias publics – vecteur ou rempart du conditionnement ? – sera débattue au Festival avec Eddy Caekelberghs, Jean-François Dumont, Evelyne Lentzen et Marc Lits, le 22 octobre à 19h. Le 24 octobre (17h), un forum sera dédié aux médias alternatifs, comme prolongement du débat précédent, avec le JIM (Journal indépendant et militant), le CEMAB (Centre de médias alternatifs de Bruxelles), A voix autre, le collectif le Ressort, Radio Panik et Radio Campus. (cf. www.festivaldeslibertes.be)

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our les jeunes comme pour les moins jeunes, le support audiovisuel reste un vecteur de sensibilisation souvent plus accessible que d’autres expressions présentes dans le Festival, comme les conférences. Prendre connaissance de problématiques à travers des images et des personnes de la vie réelle est autrement attractif qu’à travers des discours ou des livres. Le documentaire engagé, même s’il livre toujours un point de vue (par définition subjectif) du réalisateur, se veut informatif, voire dénonciateur, et peut relever de l’expertise s’il est particulièrement bien réalisé. Et les thèmes ne manquent pas. L’égoïsme, la folie et la barbarie humaines sont une source intarissable de sujets pour les réalisateurs.

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en organisant une compétition internationale de films documentaires inédits en Belgique. Celle-ci fut principalement conçue par M. Rudi Barnet, riche de plus de trente ans d’expérience dans le secteur du cinéma. Au-delà de nos espérances, l’appel à candidatures en vue de la présélection a ramené la première année plus de 150 films, dont une trentaine retenus pour la programmation. Cette année-là, le jury composé de personnalités issues du monde du cinéma et du secteur associatif et de journalistes a consacré le film Gitmo d’E. Gandini & T. Saleh comme premier lauréat du Festival des Libertés avec une enquête superbement réalisée sur le camp de Guantanamo (cf. encart films lauréats). La sélection des films

Retour sur un processus Bruxelles Laïque a toujours cru au potentiel du film comme outil de sensibilisation. Depuis de nombreuses années, le film est l’un des supports récurrents des animations en milieu scolaire. Le film documentaire a aussi toujours été présent dans la programmation du Festival des Libertés, qui s’appelait initialement “Le Festival du cinéma des Libertés”. En 2003, le Festival laisse tomber le cinéma de son titre, non pour l’oublier dans sa programmation, au contraire, mais pour laisser la place à d’autres expressions : théâtre, musique, expositions, conférences et débats, avec comme intention de “conjuguer les libertés” au travers de différentes thématiques. A partir de 2006, Bruxelles Laïque choisit de renforcer ce volet de la programmation

Les films éligibles à la compétition doivent être des documentaires (et non des fictions) traitant d’une question relative aux droits de l’Homme, produits dans les deux années précédant la date de leur candidature, être inédits en Belgique (pas de programmation en salle ni aux chaînes de télévision captées en Belgique avant sa projection au Festival), ce qui explique le faible nombre de films belges programmés, et durer au moins 26 minutes. Certains films non-inédits en Belgique, mais correspondant aux objectifs du Festival, peuvent être sélectionnés “hors compétition”. La compétition de films présente l’avantage d’attirer, moyennant un travail de prospection fouillé, un nombre toujours plus important de films candidats. Pour l’édition 2010 du Festival des Libertés, ce sont près de 400 films candidats qui nous

sont parvenus. Parmi la diversité des œuvres proposées, nous choisirons celles traitant tantôt d’une problématique peu connue (cette année, par exemple, “Dirty Paradise”, “Scientists under Attack”, “The End of the Line”, “Life for sale”), tantôt d’un aspect inconnu d’une problématique médiatisée (par exemple “Jerusalem moments”, “Les meurtres de Cradock”, “Torture made in USA”, “Standing Army”, “Tibet in Song”). D’autres films sont sélectionnés parce qu’ils témoignent, à travers le quotidien de personnes “ordinaires”, d’une résistance à des modes de vie qu’on voudrait leur imposer ou du refus de céder à la pensée unique, à la haine ou au désespoir (“The Jungle Radio”, “Kinshasa Symphony”, “Mourir ? Plutôt crever !”, “Sounds like a Revolution”). Guyane, Sierra Leone, Tanzanie, Niger, Nicaragua, Philippines… Cette année encore, la sélection nous fait voyager dans des pays oubliés des médias dominants. Les films présentés sont alors bien éloignés des reportages réalisés dans l’urgence pour les journaux télévisés. La compétition s’est consolidée avec la création de nouveaux jurys et donc de nouveaux prix, notamment en partenariat avec la FIDH, la RTBF et la VRT. Les prix distribués sont des sommes d’argent ou des heures d’antennes destinées à la promotion et la diffusion des films lauréats. Dans la mesure du possible, les réalisateurs sont invités à parler de leur film après la projection. Depuis cette année, une cérémonie d’ouverture (jeudi 21 octobre à 19h30) et une remise de prix en fin de festival (samedi 30 octobre à 20h30) ouverts à tous ponctueront la programmation cinéma.

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Le soutien à la diffusion documentaire en Belgique La situation du documentaire belge en Belgique francophone, tant en terme de production que de distribution, est préoccupante. Alors que la production augmente, les budgets de la Communauté française pour le soutien à la production du documentaire ont baissé ces cinq dernières années (1,3 millions d’Euros en 2009 contre 1,6 millions en 2006) et ce au profit de la fiction. Pourtant, il existe une vraie demande du public pour le cinéma documentaire. Les documentaires, particulièrement ceux dit “de contenu”, peinent à trouver des espaces de diffusion en Belgique. Ils peuvent être diffusés à travers les canaux suivants : la télé, le cinéma d’art et d’essai et le milieu associatif (les festivals). La télé reste évidemment le média qui rassemble le plus de (télé)spectateurs. Lorsque les chaînes font l’effort de programmer à des heures de grande écoute, le public répond présent. La politique de la RTBF s’est récemment améliorée en la matière même si cela reste insuffisant. L’appel à projets pour la collection documentaire “TO BE OR NOT TO.be” a reçu 114 propositions, alors qu’il n’y avait la place que pour six productions. Certaines d’entre elles ont attiré plus de 100 000 téléspectateurs alors qu’une fiction rassemble généralement 30 000 spectateurs. Beaucoup de documentaires, surtout ceux qui viennent de lointains pays, ont du mal à se frayer un chemin jusqu’aux écrans belges. Les cinémas d’art et d’essai ont une fréquentation trop peu importante (à titre

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indicatif, l’Actor’s studio a reçu en moyenne 4 spectateurs par séance pour l’année 2009) et devraient, selon certains, se tourner vers une logique de programmation plus événementielle. Les festivals se multiplient et souhaitent proposer une programmation plus éclectique et moins formatée, moins uniforme. Une meilleure communication entre eux améliorerait sans doute cet aspect des choses et un travail de longue haleine reste à faire dans cette optique de collaboration. D’autres projets tels que “Espaces de diffusion” de Willy Perelsztejn, producteur, qui visent à créer une centaines de nouveaux espaces de diffusion en Communauté française dans les cinq années à venir, méritent d’être soutenus. L’idée est d’organiser des projections dans des endroits non habituels, tels que les maisons de retraite ou les bibliothèques, en se rapprochant du public et en le cueillant là où il se trouve, dans son cadre quotidien. Disposant d’un catalogue de films souvent introuvables ailleurs en Belgique, Bruxelles Laïque soutient la diffusion de ces films en Belgique au-delà de sa programmation au Festival des Libertés. Dès 2006, des professionnels de la diffusion de l'Union européenne (Commissioning Editors et agents internationaux) sont invités aux “Screenings” du Festival pour visionner les films de leur choix issus du catalogue reprenant une sélection des meilleurs films candidats. Pendant la durée du Festival, les films du catalogue peuvent être vus en journée sur simple demande. En outre, Bruxelles Laïque met ses catalogues de films à disposition des associations qui organisent des festivals, des ciné-clubs ou autres projections publiques.

Au fil des années, la programmation cinéma du festival est devenue une référence pour les férus de documentaires car elle propose une offre de films diversifiée et aborde des sujets variés mais toujours engagés. Une manière de défendre le documentaire de contenu non pas comme une sous-catégorie du septième art, mais comme le résultat d’un noble savoir-faire, beau et utile à la fois.

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Zone de visionnage Pour les curieux et les cinéphiles qui en veulent plus, une zone de visionnage libre permet de voir individuellement, de 19h à 22h, les documentaires de notre catalogue 2010 non projetés au cours de cette édition (plus de 200 films) sur simple demande. Les inscriptions et demandes de renseignements se font à l’accueil. Films Lauréats du prix “Festival des Libertés” des années précédentes 2009 : Alone in four walls de Alexandra Westmeier (Allemagne) 2008 : Slingshot Hip Hop de Jackie Reem Saloum (USA) 2007 : La Leçon de Bielorusse de Miroslaw Dembiski (Pologne) 2006 : Gitmo The new rules of war, d'Erik Gandini et Tarik Salem (Suède)

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La musique a un pouvoir qui, longtemps fut mis au service d’un idéal commun. “Free people with music” chantait feu Bob Marley ! En 1967, au premier festival de l’histoire du rock, le Montery Pop Festival, en Californie, tous les artistes, et non parmi les moindres, puisqu’il y avait Jimi Hendrix, Otis Redding et Janis Joplin, avaient joué gratuitement. Et la recette fut

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eux ans plus tard, en 1969, le Festival de Woodstock issu du mouvement de contre culture américain, pacifiste et anticapitaliste des années ‘60, élevait la musique au rang de manifeste politique, d’action collective et d’outil communautaire. “Si Woodstock est devenu une légende, et, est resté présent dans l’imaginaire collectif mondial, c’est bien parce qu’il est non seulement un évènement musical, mais aussi historique.”1 C’est pour cette raison, qu’il y eut “un après Woodstock”, pour tous ceux qui avaient vécu cet évènement. Des liens, une vision commune, un mode de vie, une communauté de valeurs, voilà ce qu’ils avaient partagé avant, pendant et après.

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qu’on respecte scrupuleusement les procédures et les lois sacro-saintes du marketing culturel. Ce qui compte, c’est la qualité du rassemblement festif proposé. Et apparemment certains artistes savent la garantir mieux que d’autres, telles des épices rares entrant dans la composition d’un plat précieux. La qualité, on le sait, coûte toujours cher. Mais elle a ses avantages.

Aujourd’hui, on se rend à un festival comme on va à un Mc Donald, avant tout pour consommer un produit, individuellement ou en petit comité. Et comme tout produit Mc Donald, le festival est désormais aseptisé et standardisé. Servi au choix – sous l’étiquette rock, reggae, jazz, world music – dérégulé et voué à une consommation immédiate. Les effets recherchés étant avant tout le plaisir partagé comme autour d’une bonne table, la bonne humeur, le divertissement, le décalage culturel, l’aventure et l’évasion.

N’en déplaise aux puristes, les festivals de musique en été ressemblent de plus en plus à des Mc Donald de la culture et du divertissement, tournés vers la consommation de masse et le profit. La musique y est présentée comme un produit à consommer et non comme un sens à partager. Un produit pour divertir, qui détourne de la réalité, sous la fausse apparence d’y plonger. Sa fonction étant de mettre en scène une représentation, une imitation de l’apparence du monde. Une réalité incomplète et passagère dont souvent, après les concerts, il ne reste d’autres traces que le sentiment de s’être bien amusé, d’avoir bien bu ou de s’être payé le trip du siècle ! Rarement une conscience en intentionnalité. Voilà pourquoi, les festivals d’aujourd’hui n’ont jamais “d’après”. Tout est digéré sur place !

Si les programmations des grands festivals se calquent réciproquement ou se clonent sans crainte de voir chuter leur taux de fréquentation, c’est parce que chaque produit est adapté à un type de consommateur bien ciblé et à un mode de consommation standardisé. Ainsi les mêmes recettes et ingrédients sont utilisés partout, parce que le résultat est presque garanti à cent pour cent, à condition

Il n’y a pas si longtemps, un peu plus de quarante ans (tout de même !), organiser un festival était un acte politique. Et y participer, une adhésion à un sens, un engagement, une solidarité avec d’autres. Depuis, l’industrie de la musique et du spectacle a instrumentalisé le pouvoir de la musique pour faire du profit. Fini le temps de la bande de copains illuminés qui s’endette jusqu’au coup pour

satisfaire un idéal. L’heure est à la spéculation. C’est le temps des opérateurs culturels, comme on les dénomme si faussement, oubliant, sans doute, que la culture est un outil pour créer du lien et partager un sens commun, et non un terrain d’exploitation ! Gros moyens. marketing – ciblage précis des publics – programmation pointue – stratégie de communication – attaché de presse (de préférence avec un carnet d’adresse bien rempli). Tout est désormais au service de l’efficacité et de la rentabilité. Live Nation, le géant américain à vocation mondiale, maître absolu du marché de la musique et du spectacle, est côté à Wall Street avec un chiffre d’affaire estimé à cinq milliards de dollars ! En l’espace de quelques décennies, le marché des festivals de musique a connu une explosion exponentielle, drainant des profits énormes, au point aujourd’hui d’atteindre un seuil presque complet de saturation. Chaque été leur nombre augmente : près de 3000 cet été en France, 300 en Belgique, plus de 400 en Allemagne. Aucun pays d’Europe n’échappe au phénomène.

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Ce qu’il faut surtout considérer et retenir, c’est que l’idéologie des organisateurs actuels de festivals de musique n’a plus rien à voir avec celle de leurs aînés de la fin des années ‘60, qui a produit le Montery Pop Festival et Woodstock. Woodstock était une action collective de revendication, à l’instar du Festival des Libertés, visant à créer une identité culturelle et des perspectives nouvelles pour la jeunesse de l’époque. Aujourd’hui, ce qu’on propose sous l’étiquette “Festival © D.Vizet

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de musique” est plus proche d’un produit de consommation de masse que d’un registre d’action collective. Un produit qui surfe sur la mode actuelle des rassemblements festifs qui, semble-t-il, est un phénomène qui touche toutes les catégories sociales et provoquent de nouvelles formes de transhumances interculturelles, interfrontalières et festives. C’est sans doute une bonne chose que des jeunes Belges, Français, Allemands, Italiens, Anglais et Hollandais franchissent leurs frontières pour se rencontrer. C’est seulement dommage que ce soit juste pour faire la fête. Toujours est-il que les jeunes présents à Woodstock voulaient changer le monde et la musique y jouait un rôle de manifeste politique. Les festivaliers d’aujourd’hui aspirent surtout à changer de monde et non plus nécessairement à le transformer. Si bien que les festivals de musique ne

sont plus des lieux de contestation. On ne s’en sert ni pour agir, ni pour faire agir sur la réalité, mais pour s’en distraire avec profit. L’esprit rebelle se limite à l’accoutrement, à la dégaine, au nombre de bières avalées et de joints échangés en toute impunité. Juste un moment de dérapage collectif toléré, encadré et maîtrisé. Le mirage d’une liberté accordée pour nous faire oublier combien nous en manquons. Mais quels espoirs avons-nous de changer un monde que nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir oublier ?

Le formatage d’une culture qui s’industrialise fera l’objet d’un débat au Festival avec Philippe Kopp, Luc Pire, Gwenaël Breës, Marc Ysaye, Stéphane Mangin et Daniel Hélin, le 26 octobre à 19h30. (cf. www.festivaldeslibertes.be)

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Pascal Corderecx, “Woodstock, 40 ans après”, In Chroniques n°49, Août 2009 1

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LIVRE-EXAMEN

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Raison et contradiction

Le mythe au secours de la pensée [Gérard Bouchard • Editions Nota bene/Cefan • Québec, 2003]

Dans une perspective de cohésion sociale, à la recherche d’une culture commune respectueuse des identités multiples de ceux qui composent la société, les travaux de l’historien et sociologue québécois Gérard Bouchard sur les imaginaires collectifs ouvrent des pistes de réflexion intéressantes, tant par les analyses développées que par les questions sur lesquelles il nous invite à réfléchir. Partant du constat que les membres d’une collectivité agissent en fonction d’une vision du monde fondée autant sur l’expérience et la réalité empirique que sur la fiction et le mythe, les travaux de Gérard Bouchard se sont attachés à comprendre les ressorts des imaginaires collectifs qu’il définit comme “l’ensemble des représentations par lesquelles toute collectivité se donne une définition d’elle-même et des autres, au passé, au présent et au futur ou, en d’autres mots, tout ce qui compose une vision du monde, au sens le plus étendu du terme incluant l’identité, la mémoire et l’utopie.” A contre-courant d’une vision plus familière où l’Occident aurait peu à peu abandonné la pensée mythique pour une pensée ration-

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nelle, le point de vue proposé par l’auteur sur le mythe et la raison est celui “d’un couple qui a traversé l’histoire en entretenant une succession de rapports, d’articulations, d’équilibres variables”. Il invite donc à ne pas réduire la pensée au seul exercice de la raison, et l’ouvre au contraire à l’apport du mythe, “non comme produit de l’inconscient ou de la raison folle”, mais “dans son rapport fonctionnel, utilitaire même avec la raison”. Envisageant la cohésion comme “le produit négocié, instable et provisoire d’une situation contradictoire”, Gérard Bouchard s’est plus particulièrement attelé à comprendre par quels procédés la pensée sociale et politique parvient à surmonter les contradictions.

“L’objectif de tout discours collectif (le discours national, par exemple) est de produire de la cohésion, ce qui s’accorde avec sa finalité de convaincre, de réaliser un consensus autour d’un ensemble de propositions fondatrices, d’inculquer des représentations communes, de soutenir des programmes d’action, de structurer des modèles de conduite. C’est un résultat qui n’est jamais atteint aisément du fait que, parmi les données premières du discours, parmi son matériau constitutif, se trouvent ordinairement des éléments contradictoires : des visions divergentes, des impératifs contraires, des valeurs ou des idéaux concurrents, des intérêts inconciliables.” Afin de mieux saisir les moyens par lesquels la raison dépasse la contradiction, Gérard

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Bouchard propose ainsi trois types de pensée – radicale, organique et équivoque – entretenant chacune une relation spécifique avec le mythe.

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La pensée radicale surmonte la contradiction en supprimant l’un des termes de l’aporie. Elle institue sa cohésion par un coup de force, en amputant ou en simplifiant le tout au nom de la rationalité et de la logique. Elle fait cependant appel au mythe qui agit comme catalyseur en mobilisant le rêve, l’affectivité… afin de compenser l’appauvrissement opéré par la rationalisation. L’idéologie de la France révolutionnaire et ses entreprises d’uniformisation sont emblématiques de cette pensée radicale ; la raison, les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, l’universalité française comptant parmi les mythes mobilisateurs puissants sur lesquels elle s’est appuyée. La pensée organique préserve, quant à elle, le donné contradictoire : elle s’en accommode, le plus souvent “en s’appuyant sur un mythe efficace d’où il résulte des tensions structurantes, créatrices, un dynamisme”. Ici, “le mythe remplit une fonction médiatrice entre les deux termes de la contradiction. Il intervient à la fois comme soudure et catalyseur”. Système ouvert, la pensée organique laisse place à la souplesse, l’indétermination et la négociation, ce qui, contrairement à la pensée radicale, lui assure une certaine pérennité dans le temps. Parmi les exemples donnés dans son ouvrage, Gérard Bouchard s’attarde sur le “montage idéologique” complexe de l’Etat-nation qui constitue, selon lui, un exemple extraordinaire de cette pensée, composant avec “une logique de l’universel et une logique du singulier” en particulier

grâce au mythe de “la civilisation et de sa diffusion internationale”. Dans la pensée organique, le mythe est multivoque : revêtant plus d’un sens et servant plus d’un maître, il renforce chacune des propositions divergentes en tirant de leur articulation un bénéfice mutuel. Enfin, la pensée équivoque, fragmentaire, laisse subsister le contradictoire sans parvenir à assurer la cohésion, laissant ainsi une tension déstructurante et paralysante, “inapte à rendre compte et à soutenir efficacement des démarches collectives de prise en charge, de mobilisation”. Le mythe se heurterait ici à des blocages l’empêchant de résorber le contradictoire. Pour Gérard Bouchard, cette pensée a dominé au Québec des années 1840 à 1850, où n’a pu émerger de “grand projet politique porteur de changement”. Contrairement à la pensée radicale et à la pensée organique qui s’appuient sur des mythes projecteurs, “la pensée équivoque se caractérise par une incapacité ancrée dans des mythes dépresseurs”, nourrissant des dispositions contraires : “inertie, procès permanent de soi, peur de l’avenir, méfiance à l’endroit de l’autre, refus des audaces collectives, stagnation, aliénation, frustration, impuissance”. Qu’est-ce qui fait que la contradiction engendre ici une tension créatrice et là, une division stérile, une impuissance ? Comment articuler les différentes visions du monde – identités, mémoires et utopies -, présentes au cœur de nos sociétés plurielles ? De quelle manière la pensée sociale et politique peut-elle surmonter les contradictions et devenir vectrice de cohésion,

de créativité et de mobilisation ? Comment réaliser un consensus sur l’universel ? D’un point de vue socio-politique, en nous invitant à réconcilier le mythe et la raison et en abordant la pensée sociale sous l’angle de la contradiction, les recherches de Gérard Bouchard – dont il souligne par ailleurs l’inachèvement et les nombreux champs encore inexplorés –, ont certainement déjà le mérite d’ouvrir à de passionnants horizons et des manières nouvelles d’interroger les défis actuels de nos sociétés démocratiques en prise notamment avec les réalités de la diversification ethnoculturelle.

Sophie LEONARD Bruxelles Laïque Echos

Gérard Bouchard est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la dynamique comparée des imaginaires collectifs. En 2007, il a coprésidé avec le philosophe Charles Taylor “la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles” au Québec. Il sera au Festival en discussion, le 27 octobre (20h30) au KVS, avec Vincent de Coorebyter, philosophe et directeur général du CRISP, et Edouard Delruelle, directeur adjoint du CECLR et professeur de philosophie à l’ULG. www.festivaldeslibertes.be

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On n'a jamais autant parlé de dialogue interculturel qu'aujourd'hui. En 2008, l'Union européenne consacrait ce thème comme une priorité transversale pour renforcer l'identité et la citoyenneté européenne. La rapidité croissante des effets de la mondialisation et l'élargissement de l'Union européenne ont accru son caractère multiculturel, avec tous les défis que cette situation entraîne. Explorer la diversité des cultures et reconnaître sa valeur, c'est faire d'un patrimoine commun une richesse à partager. Vouloir connaître les spécificités culturelles d'un groupe donné requiert une certaine ouverture d'esprit. Reconnaître et accepter que ces spécifités culturelles puissent faire partie d'une réflexion commune qui réconcilie les différences au lieu de les réduire à un dénominateur commun, qui n'est que l'expression d'une volonté assimilatrice à un modèle prétendument “universel”, demande un engagement plus conséquent. Cela implique d'élaborer des propositions pour un vivre-ensemble qui ne prenne pas l'argument du relativisme culturel comme raccourci et qui considère avec entièreté les aspirations qui ne relèvent pas toutes des mêmes priorités. 28

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es femmes sont bien placées pour savoir ce que le mot “priorité” signifie. Elles connaissent la délicate affaire qui consiste à concilier vie privée et choix professionnels. Elles font l'expérience de l'impossibilité de faire passer l'une avant les autres ou l'inverse. Piégées entre leur désir d'une famille épanouie et leurs aspirations profondes à s'émanciper dans un projet professionnel, elles regrettent peutêtre de ne pouvoir trouver une formule d'une autre mesure, celle que certaines femmes issues d'une seconde vague du féminisme aimeraient encore inventer pour s'échapper de schémas de vie dits “trop masculins”. Inventer une formule, qui oserait encore y croire ?

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Trouver une nouvelle manière de concevoir, de nouvelles façons d'agir, invite d'aucun à faire preuve de créativité et à croire en de nouveaux possibles. Puiser dans les ressources pour recréer du sens, faire appel à sa culture pour se découvrir sous un jour neuf et faire réfléchir cette rencontre inattendue sur le monde. Mais la culture, ce vaste ensemble comprenant à la fois les sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois et les coutumes, que l'Homme élabore dans la durée à l'occasion de sa rencontre avec le monde, s'essouffle aussi vite que la créativité si elle n'est pas nourrie par des sentiments attentifs et bien intentionnés, soignée, valorisée. Pire, elle flétrit quand on s'en sert comme passepartout. Elle disparaît quand on lui intime que les résultats de sa production sont farfelus et irraisonnés et qu'elle ferait bien de s'en remettre aux expériences qui ont déjà fait la preuve de leur réussite en matière d'émancipation.

Les cultures sont le souffle des peuples et c'est aujourd’hui le Nord qui a le vent en poupe, se dirigeant sans fléchir vers le but de sa quête insaisissable du progrès. Les femmes peinent à naviguer aussi vite car elles ne sont invitées qu'à moitié à faire partie de la course. Le veulent-elles seulement ? Et les populations qui restent en rade, va-t-on les abandonner à la noyade ? Le dialogue interculturel, c'est bien, à condition que cela ne se réduise pas à la mise en vitrine des traditions et du folklore, même si cette approche comporte l'avantage de divertir quelques ouailles désespérées en quête de mysticisme. La construction d'un pont nécessite deux berges bien solides et de même niveau. Ensuite, il faut encore que la circulation soit permise dans les deux sens. Les femmes, longtemps assimilées à la nature, cette “autre” dont il était bon de s'émanciper par la culture au nom du progrès, ont subi un déni de culture de la part des hommes. Elles occupent peut-être aujourd'hui une position qui leur donne la légitimité de revendiquer cette culture, mais différemment, en la remodelant à l'image d'un monde qui respecte la valeur intrinsèque des autres cultures et se gardant bien de faire de cette culture un outil de domination sur les autres peuples et la nature. En 2006, le centre de ressources Amazone a lancé, à l'initiative de Simone Susskind, le projet Femmes et sociétés en transition. Ce projet a pour ambition de rassembler des femmes de cultures musulmanes et occidentales appartenant

à des contextes sociopolitiques différents (Iran, Maroc, Turquie, Belgique) pour leur permettre d'échanger des bonnes pratiques et de se renforcer dans le partage d'expériences vécues communément. En Belgique comme dans les trois autres pays du réseau, des femmes vivent la double discrimination d'être femme et d'être issues d'une autre culture d'origine que l'Occident. De quoi alimenter les réflexions sur le rôle important qu'elles peuvent jouer ensemble pour lutter contre les stéréotypes au sujet des femmes en Islam, ouvrir leurs horizons à des luttes où les femmes, pour résister à la domination de l'uniformisation, font jouer la diversité de leurs priorités et de leurs référents culturels en leur faveur plutôt qu'au détriment de toutes et tous.

Vinciane CAPELLE Amazone

Ces multiples voies du féminisme, représentantes belges, marocaines, turques et iraniennes de ce réseau “Femmes et sociétés en transition” (Shahla Sherkat, Zeïnep Gögüs, Khadija Errebbah, Fery Makek-Madani, Fatiha Saïdi) ainsi que l’initiatrice du projet, Simone Susskind, se feront l’écho de cette expérience au Festival le 29 octobre à 19h. En partenariat avec Amazone (cf. www.festivaldeslibertes.be)

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“Gouvernance” : il nous semble utile de nous interroger sur la nature et la fonction de ce terme, tant la place qu’il prend est inversement proportionnelle au questionnement dont il fait l’objet. La gouvernance mondiale que certains appellent de leurs vœux les plus sincères est-elle une amie de la diversité ou de l’uniformisation politique ? L’idée de “bonne gouvernance”, déclinaison fort usitée, suppose-t-elle un seul et unique bon fonctionnement des choses, des institutions, des peuples, etc. ?

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Qu’est-ce que la gouvernance ? Selon le Petit Robert, le terme de “gouvernance”, né au XIIIe siècle, s'appliquait aux baillages de l'Artois et de la Flandre. Depuis quelques années seulement, le Robert ajoute qu’ “il nous revient par l'anglais “governance” au cours des années ‘90 pour tenter de définir une notion assez complexe et encore pas mal abstraite dans les faits”. Aujourd’hui, cette notion abstraite et complexe1 est pourtant appliquée, dépêchée, déclinée dans de nombreux domaines, remplaçant tantôt le terme de gouvernement, initiant tantôt l’idée d’une régulation dans des domaines qui en étaient jusque là exempts tels que l’économie ou l’information tant au niveau local que mondial. La notion est issue du grec ancien kubernân, qui signifie piloter un navire et fut utilisée métaphoriquement par Platon pour désigner l’art de gouverner. Cette racine est commune aux mots Gouvernance, Gouverner, Gouvernail et Cybernétique. Des mots dont les significations paraissent fort différentes mais qui pourtant se réfèrent finalement à des formes de pilotages. La Commission européenne nous propose une définition plus précise : “Le mot anglais governance a été remis à l'honneur dans les années 1990 par des économistes et politologues anglo-saxons et par certaines institutions internationales (ONU, Banque mondiale et FMI, notamment), de nouveau pour désigner “l'art ou la manière de gouverner”, mais avec deux préoccupations supplémentaires : d'une part, bien marquer la distinction avec le gouvernement en tant qu'institution ; d'autre part, sous un vocable peu usité et donc peu connoté, promouvoir un nouveau mode

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de gestion des affaires publiques fondé sur la participation de la société civile à tous les niveaux (national, mais aussi local, régional et international)”2 . Cette définition à caractère officiel, qui apparait fortement policée, livre néanmoins deux informations. D’une part, un déplacement du pouvoir décisionnel au-delà du gouvernement étatique impliquant la nébuleuse société civile et, d’autre part, la volonté affichée de faire usage d’un mot sans connotation, un mot qui ne dit pas son nom, pour “promouvoir un nouveau mode de gestion”. A côté de cette définition de la Commission européenne, de nombreux auteurs ont produit des réflexions et des définitions qui, théoriques ou opérationnelles, s’évertuent à être moins abstraites et polyvalentes. Zaki Laïdi3, qui prend le parti de s’approprier la notion, oppose gouvernance à souveraineté et distingue société politique de société économique, renonçant ainsi à abuser du concept de société civile. La gouvernance serait alors ce nouveau modèle politique qui veille à articuler le pouvoir dans l’Etat et en dehors de l’Etat à la manière d’une transaction. Christopher Bickerton4 observe que, suite à la crise que connut le monde occidental à partir des années septante, l’Angleterre et la France se sont attelées à dépolitiser un certain nombre de décisions, invoquant les obligations vis-à-vis de l’extérieur (FMI, Europe, etc.). Pour lui, c’est à cette époque que les gouvernements furent séduits par un langage et un discours leur permettant de justifier cette démarche de dépolitisation des décisions. Ce discours nouveau, ce fut notamment les théories des réseaux et des

systèmes ainsi que le paradigme de la gouvernance. C’est suite à cette période que les institutions internationales ont en effet remis à l’honneur le terme de gouvernance mais elles l’avaient puisé dans l’expérience politique britannique (et française dans une moindre mesure). Au début des années quatre-vingt et dans ce cadre conceptuel nouveau, M. Thatcher affirmait, parlant du capitalisme, son célèbre T.I.N.A. (there is no alternatives). On observe ici, certes de manière un peu floue et abstraite, le lien qui semble unir la logique de gouvernance au sens unique du capitalisme. Avec l’apparition d’un “nouveau” terme, c’est donc une modification du paysage conceptuel, de la grille de lecture politique, à laquelle on assiste. Le chemin qui va du gouvernement à la gouvernance est celui de l’affaiblissement de l’Etat-nation dans un contexte de “mondialisation”. En somme, derrière le vocable mystérieux de gouvernance, nous devrions trouver avant toutes autres choses, une invitation à repenser l’Etat et la démocratie pour participer à la construction d’une humanité et d’une communauté mondiale. Mais, à l’analyse, le terme de gouvernance, qui accompagne et légitime la construction des politiques publiques, a des propriétés bien définies et s’apparente le plus souvent à un outil pour contenir les tensions produites par le système. C’est en tout cas la thèse de Christopher Bickerton qui a recensé les invariables propriétés de la gouvernance. En premier lieu, la décentralisation de la politique et sa dissociation d’avec l’Etat. Ce qui correspond, en quelque sorte, à un schisme

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entre pouvoir et responsabilité. Puisque l’Etat (libéral ou social-démocrate) occidental est tenu de rendre des comptes à ses citoyens, il a la responsabilité du pouvoir qu’il exerce. Si le pouvoir se situe ailleurs, rien ne garantit que celui qui prend une décision soit responsable des effets qu’il produit devant ses “sujets”. Le second élément est une compréhension de la politique comme la nécessité de guider et de maintenir l’équilibre du statut quo. On retrouve ici la figure du pilotage mais un pilotage automatique qui s’interdit la remise en question de ses fondements. Troisième élément : l’inclusion d’acteurs non-étatiques. C’est la société civile dont fait mention la Commission européenne. Mais derrière cette “société civile”, c’est la présence croissante d’intérêts privés que l’on découvre. La société économique dont parlait Zaiki prend une place considérable dans la gouvernance, bien plus considérable que dans l’État-nation. Nous ne tirerons pas de conclusions hâtives sur la nature uniformisatrice de la gouvernance mais ces éléments invitent à rester particulièrement attentif à ce nouveau mode de gestion de la société qui ne s’appelle plus “politique”, et particulièrement à la place qu’il laissera, à terme, à la possibilité de construire des alternatives. La tentation cybernétique contre l’art de naviguer La logique de gouvernance, en tout cas au niveau européen, tient compte des spécificités locales, notamment à travers le principe de subsidiarité active selon lequel si les problèmes se posent à un niveau global, les

solutions, quant à elles, peuvent varier considérablement dans leur application locale. Il n’en reste pas moins que les “questions” qui sont posées d’en haut visent à gérer le vivant, par des structures qui échappent au contrôle démocratique et qui ont une compréhension du monde excessivement quantitative, pour ne pas dire économiste. Cette compréhension du monde renvoie aux théories cybernétiques des années cinquante. L’étymologie nous rappelait la parenté des mots gouverner, gouvernance et cybernétique, tous issus d’un art de naviguer. La cybernétique n’est pas l’art de construire des cyborgs ou des machines miraculeuses mais une grille de lecture interdisciplinaire développée par Norbert Wiener, mathématicien américain. Il s’agit d’une approche du réel qui ne distingue plus le virtuel du réel ou la machine de l’humain, pour se concentrer sur la relation, c'est-à-dire les échanges d’informations, qui lie les éléments, quels qu’ils soient.5 Pour la cybernétique, l’humain est “sans intérieur”, seul importe ce qu’il émet et ce qu’il reçoit comme information, exactement comme un robot ou, plutôt, un de ces automates dont Wiener avait justement la passion. La dérive cybernétique consiste donc à nourrir une illusion, celle de pouvoir gérer le vivant et a fortiori l’humain et ses relations sur base de modèles mathématiques. Wiener dans ses écrits définissait la cybernétique, au niveau social, comme l’art du gouvernement ou du pilotage à travers la “noise” (bruit, turbulences, nature). Pour reprendre la métaphore platonicienne de la navigation, la “noise” est l’océan incontrôlable et imprévisible. Mais cette “noise” n’estelle pas aussi ce qui fait que l’humain est humain, capable de créer, de surprendre et

le cas échéant de se mutiner. N’y a-t-il pas la tentation d’un projet totalitaire visant à contrôler tous les éléments susceptibles de changer la direction du bateau, fut-ce la volonté de l’équipage ? La gouvernance n’est pas la cybernétique. Mais elle pose la question de comment nous allons diriger ce bateau qu’on appelle la Terre. Or rappelons que c’est une vue de l’esprit et qu’il s’agit davantage d’une multitude d’embarcations de natures très diverses que d’un énorme Titanic. L’art de naviguer n’est pas une science et c’est une nuance que voudraient nous faire oublier les gestionnaires promoteurs de la gouvernance. Thomas Lambrechts Bruxelles Laïque Echos

Le 28 octobre, un débat sera consacré au pouvoir de la société civile avec Nigel Cantwell, Charles Lejeune, Benoit Van Der Meerschen. En partenariat avec le Réseau International des Travailleurs de Rue dans le cadre de leur deuxième Forum international. (cf. www.festivaldeslibertes.be) 1 Nous ferons l’impasse sur la signification strictement managériale de ce terme mais il n’est pas inutile de retenir que c’est dans ce domaine que la gouvernance s’est développée en premier lieu. 2 Corinne Huynh-Quan-Suu, “Etymologie de la gouvernance”, cf.http://ec.europa.eu/governance/docs/doc5_fr.pdf 3 “Les enjeux de la gouvernance mondiale” Zaki Laïdi. Z. Laïdi est économiste, il a notamment été conseiller de Pascal Lami lorsque ce dernier était commissaire européen à la concurrence. 4 C. Bickerton “Une histoire politique de la gouvernance”. Actes du congrès de l’ASPB, Louvain-La-Neuve, avril 2008. 5 Nous n’aborderons pas ici tout l’intérêt conceptuel de la cybernétique ni les théories qui en sont héritières tant dans les sciences exactes que dans les sciences humaines.

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L “In varietate concordia” en latin ou “Unie dans la diversité”, en français : telle est la devise de l’Union européenne, choisie en mai 2000 par un jury européen présidé par Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, à la

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suite d’un concours auquel plus de 2000 écoles aux quatre coins de l’Union européenne ont participé. Elle constitue l’un des symboles de l’Union européenne, aux côtés du drapeau étoilé, de l’hymne européen “l’Ode à la joie”, de la Journée de l’Europe célébrée le 9 mai, date anniversaire de la déclaration Schuman, et de l’Euro comme monnaie de l’Union1.

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a dialectique unité – diversité est au cœur de la construction européenne depuis l’origine. Réaliser l’unité dans la diversité est en effet un enjeu particulièrement complexe. Pour le comprendre, il faut souligner que la diversité à l’échelle de l’Union européenne diffère à plusieurs égards de la diversité au niveau national.

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D’abord, comme le soulignait un des considérants du traité constitutionnel, abandonné dans le traité de Lisbonne, avec le projet européen, “les peuples d'Europe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun”. En d’autres termes, nos diverses identités se sont en grande partie forgées au cours d'affrontements avec ceux-là mêmes qui sont nos partenaires dans l'Europe d'aujourd'hui. En ce sens, l’unité dans la diversité est un idéal, qui n’ira jamais de soi.

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Ensuite, lorsqu’on parle de diversité au niveau national, on distingue souvent des modèles, en termes de langues, religions, traditions ou modes de vie, dont certains sont qualifiés de “nationaux” et d’autres de “minoritaires”. La situation est tout à fait différente au niveau de l’Union européenne, où il s’agit de faire coexister une pluralité de cultures nationales, “chacune bien ancrée et revendiquant chacune pour elle-même et au niveau européen, sa prétention à la validité”2. S’y ajoute encore une diversité au deuxième degré, qui tient à la coexistence de visions différentes de ce qu’est ou doit être l’Union, son projet politique et ses finalités pratiques, de ce qui en fait la légitimité3.

En ce sens, la diversité est une caractéristique et non un problème de l’Europe. Dans ce contexte, aucun des pôles du binôme unité/diversité ne peut tendre à son extrême, car le danger serait alors soit qu’une recherche à tout prix de l’unité détruise la diversité et mène à une uniformisation synonyme d’appauvrissement, soit qu’une sublimation de la diversité génère la discorde et conduise finalement à un repli sur ses particularismes. Pour dépasser la contradiction, l’Union doit réussir à respecter la diversité tout en permettant une harmonie d’ensemble4. Elle doit être une machine à orchestrer une diversité fondée sur un partage des identités et pas sur leur fusion, ni sur une juxtaposition de différences qui s’ignorent5. A la recherche de l’unité dans la diversité au fil des traités La recherche de l’unité dans la diversité est présente dans diverses dispositions des traités tels que modifiés par le traité de Lisbonne. Ainsi, dans le préambule du traité UE modifié, dans la foulée du préambule du traité constitutionnel, les chefs d’Etats se réfèrent aux (divers) “héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles qui constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’Etat de droit”. Ils continuent, en se déclarant “soucieux d'approfondir la solidarité entre leurs peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions”.

L’article 4, § 2, du traité UE modifié, dispose ensuite que l’Union respecte non seulement l’égalité entre ses Etats membres mais aussi “leur identité nationale inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale”. Ici, il s’agit d’une référence aux diversités entre les Etats : Etats grands et petits, anciens ou nouveaux, fédéraux ou encore largement centralisés. Unité et diversité sont encore conjuguées dans les objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité UE modifié, aux termes duquel l’Union “respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen”. On les retrouve dans le chapitre du traité sur le fonctionnement de l’Union consacré à la culture (article167 TFUE). L’Union y est invitée à“contribue(r) à l'épanouissement des cultures des États-membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun” et à tenir “compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures”. Comment se conjugue l’unité dans la diversité ? C’est maintenant ce que nous allons essayer d’analyser au travers de deux exemples. Le premier est la définition des valeurs communes de l’Union ; le deuxième est l’apparition du principe de reconnaissance mutuelle.

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Les valeurs communes Comme le souligne bien le préambule du traité UE, l’identité plurielle de l’Union – “les héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe” – débouche sur un socle de valeurs communes. Mais le périmètre de ces valeurs communes a fait l’objet de multiples discussions notamment lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe. Le débat le plus acharné a porté sur la référence ou non aux valeurs chrétiennes dans les valeurs de l’Union. Les revendications des uns tendant à l’inscription d’une référence à l’héritage religieux voire, de façon plus restrictive, à un héritage chrétien, au christianisme ou encore aux valeurs judéo-chrétiennes, dans les valeurs de l’Union se sont heurtées à l’opposition des défenseurs vigilants de la laïcité. Mais de nombreux autres amendements ont également été déposés visant à élargir la liste des valeurs. Ont ainsi été évoqués l’égalité, la non-discrimination, l’égalité entre hommes et femmes, la justice sociale, la diversité culturelle et linguistique, le respect des identités nationales et régionales, la protection des minorités, le pluralisme et même le développement durable. Ces demandes ont été dans une certaine mesure satisfaites. L’article 2 du traité UE, reprenant à l’identique le texte de l’article I-2 du traité constitutionnel, se compose de deux phrases.

respect des droits de l’Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Le respect de ces valeurs et l’engagement de “les promouvoir en commun” est une condition d’admission des nouveaux membres (article 49 du traité UE modifié) et leur violation par un Etat membre est susceptible de conduire à des sanctions (article 7 du traité UE modifié), ce qui leur confère un rang essentiel dans la hiérarchie des normes du droit de l’Union. La deuxième phrase, quant à elle, tend plutôt à décrire “le modèle de société” européen en le caractérisant par “le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes”, qui ne sont donc pas consacrés à proprement parler comme “valeurs”, en raison du fait qu’ils s’apparentaient davantage à des objectifs ou à l’expression d’une éthique qu’à une obligation juridique bien établie6. On relèvera l’accent mis sur le partage de valeurs communes. L’Union s’affirme ainsi comme une communauté de valeurs. Ces valeurs partagées sont le patrimoine commun de tous les peuples participant au projet européen. On notera aussi la présence, dans les éléments caractéristiques du modèle de société européen, du pluralisme et de la tolérance, deux composantes indispensables à la mise en œuvre de l’unité dans la diversité. La reconnaissance mutuelle

La première phrase dresse une très brève liste des valeurs européennes fondamentales : le respect de la dignité humaine, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, le

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Avec l’Acte unique européen, la Communauté européenne – devenue maintenant Union européenne – a rompu avec la

conception harmonisatrice qui prévalait jusque là et qui risquait de la transformer “en une sorte de rouleau compresseur uniformisant et harmonisateur”7 au profit de l’affirmation et de la mise en œuvre du principe de la reconnaissance mutuelle. Ce principe est né dans le cadre de la libre circulation des marchandises où il implique que, en l’absence de réglementations communes ou harmonisées, un Etat ne saurait en principe interdire la vente sur son territoire d'un produit légalement fabriqué et commercialisé dans un autre Etat membre, même si ce produit est fabriqué selon des prescriptions techniques ou qualitatives différentes de celles imposées à ses propres produits, sauf s’il peut invoquer des “exigences impératives” découlant d’une réglementation nationale applicable indistinctement aux produits nationaux et importés. Loin d’harmoniser les produits à la disposition des consommateurs, l’application du principe de reconnaissance mutuelle a donné aux consommateurs la possibilité d’avoir accès à une plus grande diversité de produits, libre à ces derniers de continuer à préférer par la suite “leurs” produits nationaux. Grâce à lui, le marché intérieur n’a pas débouché sur un melting pot dans lequel se seraient noyées les particularités et traditions de chaque Etat membre8. Ces particularités ont au contraire pu être conservées et trouver des débouchés plus vastes. Ce principe a ensuite été “exporté” aux autres libertés et en particulier aux services. Mais là, des résistances sont apparues. En effet, la reconnaissance mutuelle crée une compétition entre les systèmes

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règlementaires nationaux et suppose donc nécessairement une confiance mutuelle. Or, alors que, en matière de biens, la plupart des mesures restrictives nationales sont liées à la protection de la sécurité, de la santé, de l’environnement et des consommateurs – domaines dans lesquels il y a une assez grande convergence de vue entre les Etats-membres –, en matière de services, ce sont d’autres règlementations autrement plus complexes et plus contestées, notamment dans le domaine social, qui sont en jeu9. Et, dans le contexte d’une Union européenne élargie, marquée par de plus grandes diversités politiques, idéologiques mais aussi socioéconomiques, la crainte du nivellement par le bas a rendu cette confiance mutuelle plus fragile. On peut donc penser que le principe de reconnaissance mutuelle ne sera vraiment accepté dans le domaine des services que lorsque se dégagera un accord minimal sur des questions bien plus vastes et délicates.

Des chercheurs (du projet européen ENACT), politologues, juristes et fonctionnaires européens vont interroger la notion de citoyenneté européenne, le 27 octobre à 19h30. En partenariat avec CEPS (Centre for European Policy Studies) Le lendemain 28 octobre à 19h30, l’auteure Marianne Dony participera avec Sophie Heine et Pierre Defraigne à un débat sur la construction européenne : harmonisation ou homogénéisation ? Après ce tour d’analyse et de déconstruction, deux députés européens – Guy Verhofstadt et Daniel Cohn-Bendit – débattront des impacts réels de la construction européenne et des enjeux de sa démocratisation. (cf. www.festivaldeslibertes.be)

Ces symboles fédérateurs avaient été expressément consacrés à l’article I-8 du traité constitutionnel mais la renonciation à toute approche de type constitutionnel a conduit à leur suppression dans le traité de Lisbonne. Néanmoins, ils conservent toute leur pertinence et 16 Etats membres, tout comme le Parlement européen, ont exprimé leur attachement à ces symboles. 2 J. Pelabay et K. Nicolaïdis, “Comment raconter l’Europe tout en prenant la diversité narrative au sérieux ?”, Raison publique, n°7, octobre 2007, p. 63 et s. 3 “Ibidem. 4 M. Delmas-Marty, professeur au collège de France, “Le pluralisme ordonné et les interactions entre ensembles juridiques”, http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/article_Dalloz.pdf 5 K. Nicolaïdis, “UE : un moment tocquevillien”, http://www.confrontations.org/IMG/pdf/UE_un_moment_tocquevillien.pdf 6 A-L Chavrier, “Les valeurs de l’Union dans la Constitution européenne”, Fondation Robert Schuman, Supplément de la Lettre, n° 185, 25 octobre 2004. 7 A. Mattera, “Le principe de reconnaissance mutuelle : instrument de préservation des traditions et des diversités nationales, régionales et locales”, RMUE, 1998, p. 7 et suivantes. 8 Ibidem. 9 Vassilis Hatzopoulos, “Le principe de reconnaissance mutuelle dans la libre prestation de services”, Collège d’Europe, Cahiers juridiques, n° 2/2009. 10 J.-L. Dehaene, “Relancer l’Union européenne”, Politique étrangère, n°4, 1994, p. 1109 et suivantes. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit _0032-342x_1994_num_59_4_4345#. 1

En conclusion, pour être unie dans la diversité, l’Union doit veiller à “sauvegarder la diversité en évitant l’émiettement et (…) réaliser l’unité en évitant la centralisation”10.

Marianne DONY Directrice de recherches, chargée de cours à l'Institut d'Etudes Européennes, ULB

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Dynamo international coordonne le Réseau International des Travailleurs Sociaux de Rue qui dans le cadre du programme de la Présidence belge de l’Union Européenne et de 2010 année européenne de lutte contre la pauvreté, organisera son deuxième forum international sur les thèmes du travail de rue, des droits de l’enfant, de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Ceci en partenariat avec des acteurs de terrain, de la société civile et de Bruxelles-Laïque. L’enjeu de ce forum est la présentation de recommandations aux autorités politiques nationales, européennes et internationales. 38

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’évolution du Réseau International composé de 421 pays répond à la volonté des travailleurs sociaux de rue à travers le monde de se fédérer pour une reconnaissance légitime de leur travail qui permet de relayer la voix des enfants les plus défavorisés, des populations paupérisées et des personnes en situation d’exclusion sociale. Mais aussi pour l’échange d’expériences, réflexions, pratiques et méthodologies de travail et enfin pour interpeler les pouvoirs publics nationaux et internationaux quant aux mesures politiques à prendre pour enrayer les phénomènes de paupérisation, de violence politique et sociale, de stigmatisation et d’exclusion.

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Le Forum des travailleurs sociaux de rue au Festival des Libertés Le Réseau International des travailleurs sociaux de rue désire réitérer son adhésion aux valeurs de solidarité et de justice sociale en contribuant activement à la construction de réponses structurelles et durables pour les populations les plus exclues. Ce Forum sera l’occasion de la construction d’un dialogue entre une pluralité d’acteurs concernés par la lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale et le respect des droits de l’enfant. L’édition 2010 du Festival des Libertés “... invitera à la vigilance et à la résistance dans une logique de dénonciation (des pouvoirs normalisants), de revendication (de la liberté de tracer son propre chemin et du droit à la différence), et de proposition constructive (en faveur de la richesse de la diversité, de la fertilité de

l’altérité et du dialogue comme moteur de progrès).” Dynamo international et le Réseau International s’unissent à la diversité “… de voix dissidentes …” dont le Festival des Libertés “… tentera de s’en faire la caisse de résonnance2”. Le travail de rue : rendre visible l’invisible A travers son histoire et son actualité, le travail de rue constitue un excellent révélateur et analyseur de l’espace social, de sa structure et des rapports de force qui traversent nos sociétés. Il répond à l’insuffisance de l’Etat à prendre en considération les besoins des plus démunis et des plus exclus. Pour le travailleur de rue, il s’agit d’être le plus facilement accessible pour un public vivant dans des conditions précaires et subissant des formes multiples d'exclusion. Il constitue le premier et le dernier maillon de la chaîne éducationnelle et de l’aide sociale, lorsque toutes les autres instances ont failli. La pratique du travail de rue, présente dans une large majorité de pays, s’est développée à la suite d’initiatives visant à faire face à des problèmes sociaux variés et des enjeux partagés. La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en fait partie intégrante. Une lutte qui passe entre autre par l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant et par le respect et la protection systématique des droits humains dans le monde. Depuis plus de dix ans, au sein du Réseau International, les travailleurs de rue se réunissent et construisent

des pistes de réflexion face aux problématiques rencontrées par les populations les plus exclues. Ils réaffirment que la prévention, la formation, la cohésion sociale, le soutien à la vie associative sont de véritables investissements et de véritables économies. L’existence des associations n’enlève pas aux pouvoirs publics le devoir d’assumer leurs responsabilités politiques et financières dans le respect des principes de l’Etat de droit. La Convention relative aux droits de l’enfant a 20 ans… La Convention internationale des droits de l’enfant adoptée en 1989 par les Nations Unies et ratifiée par 193 pays contient tous les droits devant être garantis aux enfants. Elle a permis d'étendre la reconnaissance de la dignité humaine fondamentale de tous les enfants et met l'accent sur le besoin urgent de garantir leur bien-être et leur développement. Pourtant le constat est cruel, des millions d’enfants sont toujours victimes du non respect, d’un manque de garanties et de la violation de leurs droits fondamentaux. Dans de nombreux pays, les enfants sont exposés à des violences physiques, psychiques et morales dans leurs contextes intrafamilial, social, politique et culturel. “Plus d’un milliard d’enfants dans le monde endurent des privations extrêmes liées à la pauvreté”3. Par ailleurs, des disparités au niveau du genre sont à remarquer. L'application de la Convention à travers des réformes judiciaires et sociales pourrait pourtant

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garantir à tous, filles et garçons, une enfance heureuse. Ces problèmes se rencontrent aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Ainsi en Belgique, les conditions de vie et le vécu de certains groupes d’enfants vulnérables peuvent être très difficiles et leurs droits pas forcément respectés. On pense ici aux enfants issus de milieux socio-économiquement défavorisés, en conflit avec la loi, porteurs de handicaps, aux enfants migrants, aux mineurs non accompagnés, ... qui méritent toute notre attention. Que penser de la Belgique qui, lors de son rapport quinquennal auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies en juin 2010 à Genève, se targuait d’être un bon élève avec un taux de pauvreté infantile de seulement 17 % alors que la moyenne européenne est de 20 %. Cynisme ? Déresponsabilisation des pouvoirs publics, des autorités politiques ? Tendance à “normaliser” une situation d’injustice ? Face à ce véritable problème social, il s’agit d’apporter une réponse sociale. Une réponse impliquant une approche

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holistique face à la complexité des phénomènes et associant les différents niveaux d’acteurs autour des principes de base de la Convention, à savoir la non discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie et au développement, le droit à la participation. 2010 Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale Depuis 1983, l’Europe initie chaque année une campagne de sensibilisation appelée “année européenne” dont l’objectif est de faire évoluer les mentalités et comportements des citoyens européens et d’interpeler les gouvernements nationaux sur des thématiques de nature sociétale. Le rapport de 2008 de l’UE sur la protection sociale et l’inclusion sociale souligne que 78 millions de citoyens parmi lesquels on compte 19 millions d’enfants, sont exposés au risque de pauvreté. La pauvreté a un impact néfaste sur le bien-être des populations. Elle pèse sur la santé, sur le développement cognitif, sur les aspirations, sur l’image de soi, sur les relations avec autrui, induit des comportements à risque et compromet les perspectives

d’emploi. Cette thématique constitue une préoccupation centrale pour Dynamo International dont l’action éducative est une force mobilisatrice d’épanouissement et d’émancipation afin de rompre l’engrenage de la pauvreté. Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) Les OMD, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2000 et à atteindre d’ici 2015, représentent le cadre mondial de référence des stratégies officielles de lutte contre la pauvreté. Atteindre ces objectifs transformerait la vie de millions de personnes et d’enfants car il leur serait garanti un accès aux soins de santé, à une scolarité primaire complète, à l’eau potable et une protection contre la malnutrition et la pauvreté extrême. Cependant des voix dissidentes tant au Nord qu’au Sud, en font une analyse critique et dénoncent les OMD “ … comme le symbole du nouveau paradigme consensuel sur le développement4” et de se demander “… s’ils constituent un réel outil de développement ou si au contraire, ils ne sont qu’une nouvelle

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composante de la stratégie des acteurs dominants pour lever certains obstacles dans leur effort permanent de restructuration du monde en fonction de la logique de l’accumulation5”. L’objectif de promouvoir un tel type de développement économique et social de l’ensemble de la planète nécessite analyse et exige une vigilance accrue quant aux mécanismes mis en place pour les restreindre. Notamment sur des questions importantes telles que l’appauvrissement du débat sur le développement au profit de la lutte contre la pauvreté, la dimension sécuritaire de l’objectif de réduction de la pauvreté, la réduction des inégalités, la justice sociale, le caractère technocratique des stratégies formulées et le travail décent. Recommandations

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Lors du 1er Forum International des travailleurs sociaux de rue organisé en novembre 2002 à Bruxelles, des recommandations furent produites qui visaient essentiellement une meilleure reconnaissance du travail de rue et l’arrêt de programme stigmatisant ou sécuritaire à destination des jeunes. Le but étant de

sensibiliser à la réalité des conditions de vie des enfants en situation de rue et de précarité tant au Nord qu’au Sud et au travail de rue en général. En octobre 2010, le cahier de recommandations autour du thème de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale sera le fruit d’un travail réalisé en partenariat avec des acteurs de terrain et de la société civile. L’objectif étant de faire le point sur la situation actuelle et d’interpeler des décideurs politiques à un niveau local, européen et international. Véronique MARTIN Travailleuse sociale Dynamo International 1 Philippines, Népal, Vietnam, Burundi, Burkina Faso, Egypte, R.D.C., Sénégal, Tchad, Togo, Gambie, Bénin, Congo Brazzaville, Mali, Maroc, Brésil, Haïti, Martinique, Guadeloupe, Mexique, Nicaragua, Pérou, Bolivie, Québec, Albanie, Allemagne, Royaume Uni, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Suède, Suisse, Autriche, Slovénie. 2 Note d’intention 2010 : “Résister à l’uniformisation”, Bruxelles-Laïque - Festival des Libertés. 3 Rapport UNICEF 2005 – L’enfance en péril. 4 Article : Frédéric Lapeyre, “Objectifs du Millénaire pour le développement : outils de développement ou cheval de Troie des politiques néolibérales ?”, Paris, Centre Tricontinental et Editions Syllepse, Alternatives Sud, 2006, Volume 13-2006 / 1, p 9. 5 idem.

Le travail de rue (dans le Nord et le Sud) et ses enjeux feront l’objet d’un débat avec Ricardo Petrella, Bernard De Vos, Abraham Franssen, et Helder Luis Santos au Festival des Libertés. Le 26 octobre à 20h. Le 28 octobre (de 16h30 à 19h), les Conclusions du 2ème Forum International des travailleurs de rue seront présentées par Edwin de Boeve, suivies d’un débat sur le pouvoir de la société civile avec Nigel Cantwell, Charles Lejeune et Benoit Van Der Meerschen. En partenariat avec le Réseau international des travailleurs de rue dans le cadre de leur deuxième Forum international. (cf. www.festivaldeslibertes.be)

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’Union européenne, où 80% des stocks de poissons recensés sont surexploités, est décrite comme l’un des acteurs clés de la surpêche. Présente dans tous les océans du monde, la flotte de pêche européenne exerce une influence déterminante sur les politiques de pêche mondiales et sur les conditions de vie des communautés côtières, tant au sein de ses États-membres que dans les pays tiers avec lesquels elle signe des accords de pêche. Des années d’exploitation industrielle intensive, dans et hors des eaux européennes, ont entraîné un déclin considérable des ressources halieutiques autrefois abondantes, bien souvent aux dépens des communautés de pêche artisanale dépendantes de ces ressources. Pourtant, à l’inverse de l’exploitation moderne uniformisée, ces communautés ont bien souvent développé des méthodes de pêche sélectives et respectueuses de l’environnement marin, promouvant ainsi un modèle d’exploitation responsable et durable. Encore faudrait-il qu’on leur accorde les moyens de valoriser ce savoir faire…

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La réforme de 2012 de la Politique Commune de la Pêche est l’occasion de mettre un terme à la surpêche et aux pratiques de pêche destructrices afin d’instaurer une gestion durable, juste et équitable des ressources de la mer. Pour parvenir à une transformation radicale de

la gouvernance de la pêche, la Coalition OCEAN2012 plaide pour une politique permettant que les décisions soient prises aux niveaux les plus appropriés et de manière transparente. En effet, le caractère opaque de la PCP et son mode de fonctionnement “top-down” ont jusqu’à présent été les principaux vecteurs de la surpêche. D’autre part, les membres de la Coalition réclament que l’accès aux ressources soit conditionné par des critères sociaux et environnementaux, que les pratiques responsables soient récompensées et que les communautés de pêche locales répondant à ces critères aient la priorité en termes d’allocation des droits. Avec la même volonté d’attirer l’attention de tout un chacun sur ce drame silencieux, le film The End of the Line nous ouvre les yeux sur la progressive disparition de cette ressource dont les hommes vivent depuis des siècles. Des côtes de Terre-Neuve, où les stocks de morue ont presque été réduits à néant au début des années 1990, aux eaux profondes de l'Atlantique, où des multinationales déciment les dernières réserves de thon rouge, en passant par les côtes d’Afrique de l’Ouest, où opèrent des navires du monde entier, partout, le constat est le même : la surpêche mène inexorablement à l’appauvrissement de la mer. D’après les experts, si cette tendance n’est pas renversée, on pourrait même assister d’ici

cinquante ans à l’extinction de la plupart des espèces commerciales du globe. Ce documentaire, tiré de l’ouvrage du journaliste britannique Charles Clover, parcourt les cinq continents afin de faire la lumière sur ce phénomène dramatique pour l’Homme et son environnement, et d’attirer l’attention tant des décideurs que des producteurs et consommateurs. The End of the Line est l’exemple d’un nouveau style de film documentaire qui entraîne le grand public au cœur du débat politique. Yann YVERNIAUX Assistant de Projet CIAPA/CAPE

1 Les membres fondateurs d’OCEAN2012 sont la Coalition pour des Accords de Pêche Équitables, Fisheries Secretariat, nef (new economics foundation), Pew Environment Group et Seas at Risk. Cf. www.ocean2012.org

Les enjeux politiques de la biodiversité – qui ne peuvent laisser indifférents le citoyen européen soucieux de la planète – seront débattus avec Charles Clover (Auteur du livre The End of the Line) et Béatrice Gorez (OCEAN 2012), le 27 octobre à 21h. Le débat fera suite au film The End of the Line (cf. www.festivaldeslibertes.be)

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L’action humanitaire est en débat. Qu’on l’accable ou qu’on l'encense, elle est au centre de passions et d’intérêts immodérés. Que ses professionnels soient en recherche quant à ses modalités de mise en œuvre ou aux principes qui doivent la diriger, que les politiques locales l’instrumentalisent, que les grands stratèges de la géopolitique la tordent et cherchent à la conformer à telle ou telle vision du monde, que les médias de masse en fassent un mythique dernier rempart contre la barbarie des hommes ou la furie aveugle de la nature, en appeler à elle est aujourd’hui un réflexe largement partagé. Rony Brauman, qui a présidé Médecins Sans Frontières France pendant douze années, a accumulé une expérience éclairée en la matière et propose de brosser un tableau d’une finesse et d’une intelligence à contre-courant dans son dernier ouvrage : Humanitaire, diplomatie et droits de l’homme, paru en 2009 aux éditions du Cygne. Il n’est pas question ici de résumer ni même d’approcher la somme de connaissances que nous rapporte cet auteur. Tout au plus, mettre quelques constats et quelques analyses de Rony Brauman au service de notre intuition librexaministe. Cette intuition qui nous donne à penser que l’humanitaire, comme beaucoup d’autres formes d’action, représente aussi un moyen de pression à l’uniformisation, ici, l’uniformisation politique et économique alignée sur le modèle occidental des démocraties capitalistes.

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La fin du politique ? D’une manière générale, l’auteur regrette que la dimension politique cède le pas à un sentimentalisme exacerbé par les gouvernements, la presse et les organisations humanitaires : “plus que jamais, les bons sentiments, et surtout leur mise en scène, tiennent lieu de discours politique, dans un jeu où chacun des acteurs, organisations humanitaires, médias, gouvernements, tient un rôle qui n’est pas vraiment le sien, et encaisse quelques profits.” Il constate que cette mise en scène qui mobilise principalement les figures de la “victime” et du “secouriste” fait absolument l’impasse sur la question de la citoyenneté, de la politique et même sur la responsabilité souvent assumée des populations soumise aux catastrophes humanitaires. Et que de cette façon, les “victimes” sont très généralement présentées comme entièrement soumises aux réalités qui les accablent, incapables de réagir et en demande insatiable d’un secours extérieur seul capable de leur apporter un quelconque salut. Et ce que Brauman désigne comme le “tout-humanitaire” prendrait ainsi une dimension incontestable, qui ne permet ni le doute ni la remise en question tant son objectif annoncé est noble puisqu’il s’agit de venir en aide à des personnes éminemment dépourvues et dans l’attente d’une solution salvatrice venue d’ailleurs et à laquelle elles ne peuvent répondre par elles-mêmes. A cela, il répond par l’expérience qui n’est jamais rapportée par les médias de masse, celle qui montre qu’en réalité, sur le terrain, l’aide humanitaire émanant des organisations non-gouvernementales, et l’aide humanitaire internationale en général, ne

représentent qu’une infime partie de l’aide apportée aux populations soumises aux catastrophes. Et que l’écrasante majorité de l’aide vient directement de l’organisation de la solidarité entre voisins. Il constate, comme une sorte d’invariant de la catastrophe – et c’est sans doute ce qui oriente le propos de l’auteur qui nous offre finalement un plaidoyer pour la confiance en l’homme – que c’est toujours de la part des proches que vient l’essentiel de l’aide. Quitte à ce que les querelles et les intérêts en jeu dans le cours normal de la vie se taisent momentanément pour permettre à chacun de reprendre, justement, le cours normal de cette vie avec le concours de tous. Et Brauman d’ajouter que, bien souvent, dans les pays qui sont présentés comme les pires des “républiques bananières”, les autorités locales jouent parfois un rôle bien plus important qu’il n’y paraît dans les médias occidentaux quant à l’aide à la population. Ceci se vérifiant tout particulièrement dans le cas des catastrophes naturelles. Mais il n’est pas besoin d’aller jusqu’en Birmanie et au Soudan pour connaître ce phénomène. Toulouse avec AZF ou, plus anciennement, l’incendie souterrain du Bois du Cazier à Marcinelle ont montré des réalités parfaitement similaires à celles que Brauman nous rapporte comme des quasi constantes de la catastrophe humanitaire. Pour la question qui nous occupe, nous voilà bien dans un schéma qui assoit, au moins symboliquement, la domination esthétique de nos démocraties sur le reste du monde “incapable et dans le besoin”. Ainsi chez nous, lorsque la Croix Rouge intervient sur les lieux d’un sinistre, les

médias la confondent avec les secours hospitaliers réguliers. Tandis que lorsque qu’elle intervient au Sri Lanka, ce sont plutôt les hospitaliers locaux qui tendent à être présentés par les médias comme une force d’appoint de l’action humanitaire. Par ailleurs, Brauman nous invite à considérer la dramatisation médiatique qui donne un aperçu généralement très exagéré de la situation, multipliant le nombre de morts, de blessés, de déplacés mais qui, pire, qualitativement, colporte des idées fausses sur ce qui est en train de se passer et sur les risques qui persistent. Il en va ainsi, par exemple, de la peur irraisonnée des épidémies après les catastrophes. Mais l’auteur exhorte à garder les idées en place. Ce sont les épidémies qui provoquent la mort, pas le contraire. Il invite à considérer que l’on ne constate jamais d’épidémie consécutive à une catastrophe naturelle sans qu’elle n’ait déjà été présente avant la catastrophe. Pourtant, cette peur de l’épidémie, relayée massivement par les médias, incite la multiplicité de dons dont les organisations humanitaires ne savent plus quoi faire, mais pire, incite les organisateurs et les pouvoirs publics à mettre en œuvre des grandes campagnes de vaccinations qui sont absolument inutiles, qui alourdissent considérablement le dispositif humanitaire et le neutralisent sur les terrains où il pourrait vraiment être efficace. En cette matière, Brauman observe avec finesse que l’air du temps structure la façon dont est pensé l’humanitaire au point que même les acteurs présents sur le terrain rapportent moins ce qui s’y passe réellement que ce qu’ils pensent devoir y voir

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en fonction des grandes oppositions simplificatrices qui marquent l’idéologie occidentale : humanité / barbarie, progrès / archaïsme, victimes / bourreaux. Un humanitaire de conquête ? Un autre enjeu est, pour les organisations humanitaires, celui de l’accès à l’espace d’intervention en cas de conflit. Il en va comme d’une rengaine de l’idée que l’espace humanitaire est de plus en plus restreint. Pourtant, selon Brauman, jamais la capacité d’intervention des ONG n’a été aussi grande. Et seuls deux conflits font exception, l’Irak et l’Afghanistan. Ce qui est vrai en revanche, c’est que la cruauté des guerres n’est pas en recul et que les populations civiles restent, comme elles le furent toujours, un enjeu militaire majeur utilisé par les belligérants, autant d’ailleurs que le sont parfois les acteurs de l’aide humanitaire présents. Que, par ailleurs, il est toujours difficile de faire la part des choses entre un civil et un belligérant tant, en situation de conflit, les civils font partie du dispositif et sont une composante non extractible de la crise. Mais c’est justement là qu’intervient le principe même de l’aide humanitaire qui se veut neutre et sans parti. “MSF apporte des soins aux personnes en situation précaire et s’efforce de concourir à les rendre à nouveau maîtresses de leur destin”, selon les principes de référence de l’ONG. Ainsi, Brauman va jusqu’à mettre en cause le bien-fondé de certaines interventions humanitaires et parfois même le principe “d’y aller”. Car, en effet, des situations sont parfois si compliquées et porteuses d’intérêts, notamment internationaux, gigantesques, que la présence même d’une aide extérieure ne ferait qu’augmenter la complexité de la situation et repousser le

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règlement, même militaire, d’un conflit. Et c’est ainsi qu’il fustige l’idée de l’humanitaire à tout prix qui pousse certaines organisations à requérir quelque concours armé pour appuyer leur action. “On pourrait multiplier les exemples d’ONG appelant à la mise en œuvre de moyens militaires et policiers, donc à l’exercice de la violence, alors que leur raison d’être est le secours et le soin. On est plus proche ici de la “mission civilisatrice” de l’occident que de l’aide humanitaire dans un monde post-colonial et il y a quelque inconséquence à s’étonner des crispations que suscitent de telles positions.” Deux points de vue s’opposent ici en matière d’action humanitaire. L’un qui voudrait s’en tenir strictement au soin et au soutien aux personnes en situation précaire, l’autre qui tend à considérer que les réalités devraient être autres et que l’humanitaire peut aller jusqu’à orienter la façon dont il faut sortir des conflits, voire même dans quelle perspective il faudrait en sortir. C’est à partir de cette seconde position qu’émergent les idées de guerre juste et d’ingérence humanitaire qui se confondent avec une volonté d’imposer au monde et, en particulier, au tiers-monde, le modèle politique et économique de l’occident. Les Etats, privés symboliquement de leur souveraineté au titre, notamment, de la corruption (dont le tiers-monde n’a pourtant pas le monopole), les peuples présumés incapables, seraient donc réduits à prendre exemple et à accepter des modalités choisies à leur place et présentées comme garantes, entre autres, des droits de l’Homme dont Brauman regrette qu’ils soient “à la tête du client”. “Soit, par exemple, un pays dans lequel se déroule une crise majeure se traduisant par 200 000 à 300 000 morts en quelques

années et plusieurs millions de réfugiés et déplacés. Si ce pays s’appelle Soudan, de tels chiffres manifestent la pire “crise humanitaire” en cours dans le monde […] Mais si il s’appelle Irak, les mêmes données n’évoquent rien d’autre que la nécessité de dialoguer. Ainsi va la diplomatie des droits de l’Homme.” Face à cela, l’auteur ne sombre cependant ni dans le manichéisme ni dans l’idée du complot géostratégique : “résumer les déboires actuels au recul de la (bonne) raison humanitaire devant les assauts de la (mauvaise) raison d’Etat serait manquer l’essentiel, à savoir la nécessité impérieuse d’une reconfiguration desdites pratiques dans un contexte de retour des souverainetés étatiques dont rien ne dit qu’il se fait exclusivement pour le pire.” Si notre préoccupation est de promouvoir l’autonomie, l’autodétermination et l’indépendance de jugement, il nous faudra questionner plus avant le regard souvent biaisé que nous portons sur le tiers-monde, ses peuples et ses gouvernements. Peut-être méditer sur cette phrase criée par une femme iranienne à un journaliste français : “Nous n’avons pas besoin de vos droits de l’Homme pour savoir que le sort des femmes est injuste !” Cedric TOLLEY Bruxelles Laïque Echos

Le débat se poursuit le 25 octobre à 19 heures au Festival des Libertés avec Rony Brauman et Christopher Stokes, Directeur général de la section belge de Médecins Sans Frontières. (cf. www.festivaldeslibertes.be)

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