Apprentissage précoce des langues - conseil de développement de nantes métropole

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UN PARCOURS MULTILINGUE DE LA CRÈCHE À L'UNIVERSITÉ

Pour une politique métropolitaine d'excellence en matière d'apprentissage précoce des langues

mai 2015


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UN PARCOURS MULTILINGUE DE LA CRÈCHE À L'UNIVERSITÉ Pour une politique métropolitaine d'excellence en matière d'apprentissage précoce des langues

mai 2015


"La compétence linguistique est une forme d’expression propre à l’espèce humaine. Elle prend des formes vocales, textuelles ou de signes. Nous avons, ici, abordé un élément essentiel et le plus répandu, l'usage de pratiquer plusieurs langues. Notre propos est nécessairement limité face à la richesse scientifique qui est aujourd'hui disponible." Alain Grand Guillot

Ce document retrace les travaux du groupe de travail mis en place au sein du Conseil de développement, à l'initiative d'Alain Grand Guillot. Au fil de ses séances cet atelier a regroupé plus d'une centaine de participants différents et permis d'entendre une série d'intervenants qui sont venus nourrir la réflexion générale. On en retrouvera ici l'essentiel à travers les principaux éléments des interventions et les apports et commentaires issus des débats. C’est sur cette matière citoyenne que peuvent se fonder les propositions du groupe de travail. Les documents, enregistrements, diaporamas peuvent être consultés sur le site du Conseil de développement : http://www.nantes-citoyennete.com/Tx_Atelier_Besoins_linguistiques.html


PRÉFACE DE MARIANNA SAMSONOVA

Linguiste, Docteure en philologie de langue française et directrice du Département de français à l'Institut des langues étrangères et des études régionales, à l'Université de la République de Sakha en Russie

Selon les estimations de l’UNESCO, la moitié des quelques 6 000 langues parlées aujourd'hui disparaîtront d'ici la fin du siècle. Quelles sont les causes principales de la disparition de langues, de cultures, de modes de pensée, d’expériences de plusieurs siècles accumulées par les peuples, à la fois uniques et porteuses de visions diverses du monde ? Souvent, nous cherchons des raisons politiques, économiques, religieuses, pour expliquer pourquoi les langues ne sont plus utilisées sur leurs territoires. Le constat est triste : dans le monde contemporain les locuteurs arrêtent plus ou moins consciemment, voire refusent de parler leur langue maternelle, en préférant une autre langue qui constitue souvent pour eux « une langue de prestige » qui leur donne accès à une meilleure intégration dans la vie sociale et le monde professionnel. Aujourd’hui, quand nous commençons à réaliser le danger uniformisant de la mondialisation, mais aussi les larges possibilités qu’elle donne aux locuteurs plurilingues, nous comprenons qu’il faut faire quelque chose pour soutenir les langues et les cultures menacées, avant qu'il ne soit trop tard. Je crois que les régions de France ont beaucoup avancé dans la préservation des cultures et des langues locales ; leur expérience pourrait servir de bon exemple aux pays où l’on trouve encore des langues et des cultures locales en danger. L’histoire des langues de la Bretagne peut être comparée avec la situation des langues autochtones de la République de Sakha (Yakoutie) dans la Fédération de Russie en Sibérie Orientale. Ici, sur un territoire de plus de 3 millions km², égal à six fois la France, il y a moins d’un million d’habitants, dont seulement la moitié est représentée par les peuples autochtones. Les langues de ses 6 peuples courent un danger permanent. Si la langue de l’ethnie titulaire, la langue de Sakha (ou la langue yakoute) connaît depuis les années 90 une certaine résurrection, l’état des langues de 5 peuples minoritaires autochtones, dont les Evènes, les Evenkis, les Dolganes, les Tchouktches et les Youkaguires, représentant tous ensemble seulement 4,16% de la population de Yakoutie, est plus que triste. L’assimilation, au début forcée et ensuite devenue consciente et volontaire des peuples du Nord à l’époque soviétique, a porté ses fruits. C’est seulement les locuteurs du milieu rural continuant à pratiquer les métiers ancestraux, tels que l’élevage de rennes, la chasse, la pêche, qui ont conservé leur langue comme outil de communication, en famille et dans le milieu professionnel. Les représentants de ces peuples qui ont grandi dans des internats où ils étaient obligés de parler russe, loin de leurs parents éleveurs de rennes semi-nomades, se sont éloignés des modes de vie ancestraux et ont préféré faire leurs études dans des villes pour y rester vivre et ainsi ne plus pratiquer, voire oublier leur langue maternelle.

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La meilleure transmission de la langue ancestrale doit avoir lieu tout d’abord en famille, ce qui est impossible dans ces cas. Alors ils cherchent des écoles, des cercles d’intérêt pour que leurs enfants apprennent la langue et la culture des ancêtres. Le problème essentiel c’est qu’on trouve très peu d’écoles où l’on apprend les langues des peuples autochtones du Nord. D’ailleurs, même dans le cas où l’enfant apprend les bases de la langue ancestrale à l’école, il faut ensuite qu’il la pratique aussi en dehors de l’école, qu’il l’entende, qu’il puisse communiquer dans des situations de vie. Et là, on se heurte à un grand problème, celui de l’absence de milieu linguistique. Il existe seulement une émission à la télévision locale, une émission radio et un journal publié en langues des peuples minoritaires du Nord. Ce n’est pas suffisant pour le prestige de ces langues presque inutilisées dans les villes, et pour construire un milieu linguistique pour les citadins qui ont perdu leur langue. La situation de la langue yakoute est plus avancée. On observe, grâce à l’autonomie, que la République Sakha (Yakoutie) a obtenu en 1991, comme l’une de 22 républiques dites « nationales » de la Russie, le droit d’avoir une constitution, un parlement et un président. La constitution définit, comme langues officielles de la république, la langue de Sakha (la langue yakoute) et la langue russe. Les langues des peuples autochtones minoritaires du Nord sont officielles dans les régions d’habitation de ces peuples. On n'abordera pas ici le problème de l’équilibre des langues dans l’usage quotidien, car la langue russe prédomine dans les domaines de la communication professionnelle, l’enseignement etc. Mais l’avantage d’avoir deux langues officielles consiste en ce que le bilinguisme parmi les peuples autochtones est devenu la norme. Le bilinguisme précoce commence des l’âge du nourrisson et quand les enfants grandissent dans les familles yakoutophones ; pour eux c’est très naturel de grandir dans un milieu à la fois russophone (les livres, la télévision, les jouets, l’enseignement à la crèche, à l’école...) et yakoutophone (la communication en famille, entre les amis, les livres, la télévision, les radios, le cours de yakoute à l’école et dans certains établissements les matières enseignées en yakoute, la musique contemporaine et récemment des jouets qui parlent yakoute). Dans la vie adulte les bilingues continuent à utiliser le yakoute en famille, en dehors de la correspondance officielle qui est toujours en russe. Le bilinguisme, dans la vie de la société contemporaine, est un atout ; les bilingues, les plurilingues trouvent facilement le contact avec les gens, s’adaptent mieux aux changements et trouvent plus vite du travail. Le bilinguisme est entré dans la société contemporaine du marché et c’est surtout visible dans le commerce et les services. A titre d'exemple, les grands magasins de la capitale de Yakoutie pratiquent maintenant le service en deux langues, et recrutent des vendeuses bilingues. Les avantages du bilinguisme sont démontrés par les études contemporaines menées en Russie : - Les bilingues ne maîtrisent pas seulement deux langues, mais aussi deux cultures. Ils sont plus attentifs à autrui, comprennent mieux les autres cultures, ont une culture générale meilleure que les monolingues. - Leur perception métalinguistique est plus développée, ils repèrent mieux les fautes de langues, comprennent mieux les règles de grammaire. Souvent, on observe dans les écoles de Yakoutie que les enfants yakoutes bilingues sont plus à l'aise avec l’orthographe russe que les enfants russes unilingues, car ils maitrisent le changement de systèmes linguistiques très différents - En passant d’une langue à l’autre, les enfants bilingues s’habituent à accomplir plusieurs tâches en même temps. - Les bilingues sont plus aptes à utiliser la pensée divergente dans leurs processus de réflexion. Les bilingues adultes ont une intelligence plus souple et sont plus résistants aux maladies mentales liées au vieillissement. Par ailleurs, l’histoire démontre que beaucoup de grands créateurs ont été bilingues. Le bilinguisme précoce doit être soutenu par l’Etat, les administrations, les parents et les professeurs. Un enfant qui connaît bien la langue de ses ancêtres et la « langue de prestige » qui est souvent pour eux l’une des langues maternelles, maîtrisera deux cultures différentes et aura toutes les chances pour réussir dans la vie. Il pourra aussi apprendre parallèlement une ou des langues étrangères ; les études démontrent que les capacités neurocognitives sont très élevées. L’école doit donner la possibilité à l’enfant bilingue de se développer de manière harmonieuse en lui permettant d’apprendre ses langues maternelles et des langues étrangères dès le plus jeune âge, comme le démontrent tous les contributeurs de cet ouvrage. Le français est l’une des premières langues étrangères enseignées en république yakoute depuis le début du 20e siècle. Il est à noter que la phonétique du français a beaucoup de similitudes avec la phonétique yakoute : les sons nasaux, le "r" francais, les diphtongues existent dans les deux langues. Notre département de français existe depuis 1965 à l’université locale, qui est maintenant l’une des neuf universités fédérales de la Russie. Notre Université Fédérale du Nord-Est Maxime Ammosov développe la coopération avec les universités françaises, et 9 accords ont été signés depuis 2007. La langue française redevient actuellement la langue donnant la possibilité d’avoir accès à l’enseignement européen, aux diplômes français reconnus partout dans le monde. Les réflexions présentées dans ce document méritent d’être connues et diffusées dans les pays où l’on se pose encore la question de savoir s’il faut éduquer les enfants dans le bilinguisme. Le bilinguisme et le plurilinguisme constituent à l’évidence des voies harmonieuses d’épanouissement de l’enfant.

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SOMMAIRE Introduction / 5 Les débats du Conseil de développement Mise en oeuvre de l'atelier "besoins linguistiques dans la métropole" / 9 La présence internationale à Nantes - Intervention de Cécile Michaut et Patrick Pailloux, directeurs d'études à l'AURAN / 11 - Réflexions, commentaires et débats / 30 Le plurilinguisme précoce : le point sur la question - Intervention d'Agnès Florin et Isabelle Nocus, chercheuses de l'Université de Nantes / 35 - Réflexions, commentaires et débats / 54 Une action concrète : EMULI (Ecole MULtilingue Innovante) - Intervention d'Hélène Ernoul, responsable du projet EMULI / 59 - Réflexions, commentaires et débats / 67 Les filières bilingues - Enseignement précoce bilingue et les langues régionales - Intervention de Visant Roué, directeur de l'office public de la langue bretonne / 71 - Réflexions, commentaires et débats / 93 Visite du lycée international, conduite par Chantal Levy, proviseure / 101 Le développement des capacités cognitives par l'apprentissage précoce des langues - Intervention de Gilbert Dalgalian, germaniste, docteur en linguistique et spécialiste en éducation multilingue - Réflexions, commentaires et débats / 103 Préconisations pour une politique linguistique de la métropole / 107

En guise de conclusion / 109 Annexes Annexe 1 : Langue(s), culture(s) et identité(s) : contribution d’André-Hubert Mesnard / 111 Annexe 2 : Les accueils linguistiques : témoignage de Katia Briand / 115 Annexe 3 : Le projet de la JCE de Nantes pour développer les "crèches multilingues" / 119

Ils agissent à Nantes... / 121

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INTRODUCTION

Pourquoi le Conseil de développement se saisit-il de cette question ?

À l'occasion du grand débat "Ma Ville demain, Nantes à l'horizon 2030", un constat est apparu. Bien que de nombreux axes intéressants aient été dégagés pour bâtir une Métropole de niveau international, la question de la capacité plurilingue du territoire métropolitain n'a pas été ouverte ni fait l’objet d’une alerte. La question de l’apprentissage des langues pour les Nantais n'est pas apparue comme une question centrale de l’attractivité de la Métropole et de son hinterland. Parmi les membres du Conseil de développement et à titre de "pionnier", André-Hubert Mesnard avait proposé une approche originale. Partant de l’absence de politique d’enseignement de la langue arabe dans le cadre de l’Education Nationale, il avait mis en garde contre cette perte de richesse. Il avait étendu cette analyse pour une connaissance approfondie des cultures méditerranéennes ayant eu comme vecteur linguistique l’arabe, présentement intégrées à notre avenir européen. (Texte en annexe) Les objectifs soulevés par cette contribution ont ouvert la voie d’un atelier propre au Conseil de développement, animé par Alain Grand Guillot, dont l’hypothèse de travail s'est fondée sur trois grands questionnements : • Comment enseigne-t-on les langues à Nantes (dans le cadre académique ou associatif) pour devenir plurilingue et pour appréhender et comprendre la culture que chacune d'elles porte ? • Le dialogue entre cultures, entre peuples, n’est-il pas une abstraction dès lors qu’on ne valorise qu’une seule langue de communication et de connaissance dans un secteur d’activité ? La généralisation de l’emploi de l’anglais dans le domaine de la recherche n’aboutit-elle pas parfois à un regard unique ? • Dès lors que l’on parle d’industrie de la connaissance comme d’une activité phare de tout territoire ouvert au monde, ne faut-il pas refuser la hiérarchisation des langues à apprendre pour plutôt privilégier la capacité humaine au multilinguisme en formant précocement les capacités neurocognitives de l’être humain ? Sur cette base, le Conseil de développement a proposé au groupe de travail de vérifier l’opportunité d’un éclairage citoyen sur la question. Il en est résulté plusieurs éléments : • Les exercices de prospective territoriale négligent souvent la question des besoins linguistiques, autant pour le territoire que pour les individus de plus en plus mobiles au sein de l’Europe. Il s'agit d'investissements d'avenir que la Cité doit prendre en compte. Dans ses propositions pour Nantes à l'horizon 2030, le Conseil

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de développement avait fait sienne la formule de la chercheuse nantaise Agnès Florin, "L'investissement dans la petite enfance est au moins aussi important que celui de l'enseignement supérieur". • Le constat du faible niveau de plurilinguisme dans la population est fait régulièrement sans que l'approche politique des origines de cet handicap se modifie au fil du temps alors que le métissage linguistique et culturel est de plus en plus évident dans toute entreprise ou collectivité sur le sol français. • La question du plurilinguisme précoce est essentielle pour l'avenir professionnel de chaque individu et pour un territoire capable d'accueillir les expatriés non francophones. • L'important est d'apprendre plusieurs langues en dehors de celle qu'on peut qualifier de "langue du cœur" ou de "langue affective". C'est la condition d'une ouverture culturelle de plus en plus nécessaire dans le cadre de la mondialisation des échanges. C'est ainsi qu'un premier travail a été réalisé par le Conseil sur le thème d'apprentissage précoce des langues. Deux grands chapitres structurent ce travail : • d'abord une synthèse des commentaires et débats après les interventions des experts qui ont bien voulu participer aux ateliers thématiques • ensuite des préconisations destinées aux élus en charge de la décision publique. Pourraient être abordés dans un second temps la question des "communautés étrangères" présentes dans la métropole et dans un troisième temps les besoins conjoncturels d'apprentissage des adultes nantais dans le cadre de leur mobilité professionnelle. •

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LES DÉBATS DU CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT Apports, échanges, débats : ce qu'on peut en retenir

L’intégralité des présentations, documents, enregistrements est disponible sur le site du Conseil : www.nantes-citoyennete.com

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MISE EN OEUVRE DE L'ATELIER "BESOINS LINGUISTIQUES DANS LA MÉTROPOLE" Séance du 3 mars 2014 Apprendre des langues, c'est apprendre le monde

La sociologie et les parcours professionnels des participants ont souligné, sans surprise, le contexte de la nécessité de l'ouverture au monde. Il faut pouvoir justifier d’une politique moderne de l’apprentissage des langues, c’est à dire promouvoir l’impératif d’en maîtriser plusieurs.

• Il existe une reterritorialisation culturelle, soit au sein de l'entreprise, soit au sein des régions clientes ou des zones géographiques de production, qui oblige à une adaptation constante à maîtriser la langue de ces différents pôles d’accueil ou d’échanges ; - Ainsi, de futurs expatriés sortant de l’université ou de formation équivalente sont demandeurs de cours d’allemand pour travailler au sein des entreprises germaniques. - Une étude déjà ancienne (20 ans) avait souligné la demande des entreprises régionales pour avoir des cadres avec une maîtrise sociale des langues de leurs clients. Cela est confirmé encore aujourd’hui par les cadres qui soulignent l’isolement des français dans les réunions internationales, ce qui n’est pas sans conséquences en matière de réussite d'affaires. - A titre d'exemple, Jean-Luc Domenach(1), invité par la CCI de Nantes-St Nazaire, a alerté les chefs d’entreprises sur le devenir de la coopération économique avec la Chine, laquelle passe

Les échanges ont mis en lumière plusieurs éléments : • La mondialisation est fractionnée d’espaces continentaux où chacun devra s’adapter à l’établissement d’un échange globalisé, qu'il s'agisse de l'entreprise, de la formation, du loisir… • Tout acteur de la chaîne de la valorisation de la production et de la commercialisation doit tenir compte, au-delà de la compétence commerciale ou technique, de la dimension culturelle de plus en plus essentielle dans les échanges professionnels et de la création de réseaux de coopération et de filières dont la plus value passe par la confiance. (1)

Sinologue, chercheur à la Fondation nationale des sciences politiques

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par les connaissances linguistiques et culturelles des communautés économiques partenaires.

• Il faut une réelle politique de diversification de l’apprentissage des langues sans en hiérarchiser la qualité par leur utilité. Les êtres humains ont une forte capacité d’apprentissage, et particulièrement les enfants. Le nœud du problème se situe à l'intérieur du système d’enseignement, lequel n’a pas d’obligation de résultats en matière d'apprentissage de langues.

• Il existe une accélération de la consolidation d’une éducation européenne, basée sur le plurilinguisme, pour penser dans la langue pratiquée dans chaque contexte de son usage. Il est désormais fréquent que les familles soient mixtes ; dans ce contexte, comment comprendre, pour tous ces enfants, la notion de "langues étrangères" ? Il y a la langue de la mère, celle du père, celle de la résidence, celle du cœur… Il faut sans doute en finir avec la seule idée de la langue "maternelle"

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LA PRÉSENCE INTERNATIONALE À NANTES Séance du 20 mai 2014 Intervention de Cécile Michaut et Patrick Pailloux, Directeurs d’études à l'AURAN

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Après l’intervention : réflexions, commentaires et débats

Plusieurs éléments ressortent de cette intervention : A Nantes Métropole, les immigrés sont au nombre de 32 500 sur 45 500 en Loire Atlantique (42 % des Pays de la Loire), soit 5,5 % de la population de la Communauté urbaine. Nantes se situe au 10e rang des Métropoles régionales. La moitié des immigrés(1) de Nantes Métropole sont nés en Afrique et 23 % en Europe. Le classement des 10 premiers pays est le suivant : Algérie, Maroc, Turquie, Portugal, Tunisie, Roumanie, Cameroun, Côte d’ivoire, Russie, Vietnam… (On peut noter que seule, Bordeaux, parmi les Métropoles, semble accueillir des immigrés nés aux USA de façon significative). Pendant les 5 dernières années, sur 100 000 personnes devenues résidents nantais, 10 890 sont des personnes nées à l’étranger. 66 % sont des actifs contre 58 % pour la France, 59 % pour la population non immigrée. 62 % sont employés ou ouvriers, 10 % sont étudiants, 38 % sont d’Afrique, 27 % d’Asie, 22 % d’Europe, 7 % d’Amérique latine, 6 % d’Amérique du Nord. Si 29 % n’ont aucune notion de français, ils sont 38 % à avoir un bon ou très bon niveau. Leurs enfants sont souvent plurilingues, français et autre langue pour 49 % et 10 % pour au moins 3 langues. Les enfants ne réussissent pas toujours très bien sur le plan scolaire, 24 % ont des difficultés contre 16 % pour la population non immigrée.

Les statistiques présentées se fondent uniquement sur des individus déclarés. Elles ne prennent pas en compte l'immigration dite "irrégulière". Il n’y a pas un suivi sur une longue durée des étrangers qui ont été résidents à Nantes, en particulier pour les étudiants. Il faudrait pouvoir vérifier ce que deviennent les étrangers qui restent en France après le passage par l'université (nantaise notamment). On connaît mal l’ensemble des pays de naissance d’immigrés, car les petits effectifs sont regroupés statistiquement dans une catégorie de type "autres pays". Ces statistiques n’analysent pas toujours très finement les origines régionales précises des immigrés de grands pays. De même, sauf commande spécifique pour un projet, on ne peut avoir d’étude fine par quartier de la localisation des immigrés ; il existe par contre des collèges qui regroupent des nationalités de réfugiés, peut-être l'éducation nationale a-t-elle des statistiques de ce type ? Affiner un travail de localisation des populations immigrées et étrangères et de suivi des anciens résidents nantais

Les enfants d’immigrés nés en France ne figurent pas dans les statistiques.

Si l’immigration à Nantes ne montre pas de spécificité particulière, que sait-on de la pratique du français dans les familles de parents immigrés ? Comment appréhende-t-on l'adaptation de ces familles et leur participation à la vie sociale et éducative de leurs enfants, à partir de témoignages d’accompagnateurs de terrain ?

En ce qui concerne les partenariats universitaires, ils concernent essentiellement des universités d’Europe (Erasmus), d’Asie et d’Amériques.

Pour les étrangers ayant résidé à Nantes et en particulier les étudiants, aucune indication n’est possible sur leur parcours après leur passage à Nantes. On ignore

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L'immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France,1 sur 4 devient français

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leur localisation selon le pays d’origine. On ne sait pas non plus ce qu’ils deviennent.

A titre d’exemple : la ville de St Herblain, où le dispositif des cours de français destinés aux familles immigrées permet aussi un suivi de leur installation et leur intégration dans la vie scolaire de leurs enfants.

De la même manière, on ne connaît pas la mobilité des expatriés professionnels au cours des différentes étapes de leur vie et la nature de leurs choix après leur carrière.

Il faut aussi adapter la méthode au public concerné ; On peut citer en exemple individuel le cas d’un chinois, en France depuis 6 ans, qui a un niveau très bas de pratique du français car on ne tient pas compte de son éducation d’origine, la méthode d’apprentissage ne lui étant pas adaptée.

On connaît les dispositifs réglementaires vis-à-vis des étudiants étrangers de certains pays comme l’Afrique s’ils sont boursiers ou la Chine, qui leur procurent une série d’avantages dont la reconnaissance de leur diplôme acquis en France. On connaît pour la Chine et certains pays, leur politique vis à vis de la diaspora. Mais que reste-t-il des liens noués ?

Mettre en œuvre une politique d’apprentissage des langues dans le socle commun du primaire et du collège, à partir des langues existantes pratiquées par les collégiens

Consolider et renforcer les services d’apprentissage du français auprès des familles immigrées

Un témoignage d'enseignante a attiré l’attention sur le cas précis des enfants de familles immigrées :

A partir des statistiques, il faut appréhender la réalité vécue en ce qui concerne la pratique du français dans les familles immigrées.

• on oblige les enfants à s’adapter tout de suite au cursus de l’école en français, avec la logique propre de notre pays, sans aucune mesure d’analyse de leurs freins d’intégration,

Si 29 % ne parlent pas le français, c'est donc une minorité importante des immigrés qui reste en dehors de la vie sociale française et sans interaction avec l'entourage.

• parallèlement, on ne valorise pas leurs langues qui devraient pourtant constituer un atout éducatif dans l’établissement, l’adaptation est trop courte et 78 % des enfants perdent leur langue d’origine, ce qui est un gâchis dans un monde ouvert.

Il faut, à partir des expériences mises en place dans les quartiers, se fixer des objectifs de formation des familles afin qu’elles puisent jouer pleinement leur rôle éducatif dans le contexte français.

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Il y a un autre gâchis vis-à-vis des familles d’immigrés qui attendent beaucoup de l’école, puissant vecteur d’ascension sociale pour leurs enfants. L’importance de l’école est un sentiment beaucoup plus fort que pour les familles autochtones, la reconnaissance de leur langue et de leur culture pourrait être un signe fort pour l’apprentissage de plusieurs langues (on rejoint ici les travaux d’Albert Rasch(2) et la contribution d'André Hubert Mesnard citée plus haut). Il faut souligner le cas de familles mixtes pour lesquelles l’Education Nationale n’offre pas de solution souple pour la poursuite de la connaissance de langues pratiquées dans le cadre familial, contrairement aux Etats Unis où les écoles peuvent mettre en place des offres didactiques multiples pour que les enfants de familles étrangères ne soient pas coupés de leurs racines.

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Cette question est aussi posée pour les expatriés des entreprises étrangères, car selon l’âge de l’enfant ses capacités seront très différentes pour devenir plurilingue, voire pour ne pas être handicapé dans sa langue dite "maternelle" (ex des enfants japonais). Faut-il, devant l’urgence de la situation, se replier sur l’anglais comme langue commune au sein des établissements scolaires, passerelle universelle vers un plurilinguisme post-collège ? Cette piste est plutôt écartée par la recommandation constante des institutions européennes : l’enseignement doit devenir plurilingue dès le plus jeune âge pour que la diversité linguistique soit un élément essentiel de la citoyenneté.

Albert Rasch, Linguiste , Professeur à l’Université de Sarrebrück

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À RETENIR...

A l'issue des deux premières séances de travail, ce qu'on a déjà pu retenir : • La nécessaire adaptation des écoles et collèges pour répondre à la mixité culturelle des résidents à Nantes et en conserver la diversité linguistique. Il s’agit de valoriser les langues et les cultures pour en faire une aide pédagogique d’accès à la connaissance

années 50, l’élite se destinait à gérer un monde fermé dans ses frontières nationales avec le mythe de la langue universelle : le français. L’éducation nationale s'est peu préoccupée de l’apprentissage des autres langues parlées par les familles immigrées

• Le besoin de modifier le système d’enseignement des langues au sein des établissements scolaires pour fournir les moyens de commencer la pratique dès le plus jeune âge

• L’adaptation des écoles et collèges à la diversité culturelle des scolaires se pose vraiment aujourd’hui ; il existe des solutions qui font leurs preuves par la méthode de l’apprentissage précoce des langues, par l’immersion et par la valorisation de la langue maternelle qui peut devenir, par exemple, dans la classe, une langue d’enseignement

• Le besoin d’une réforme du service public, ce constat ne se limitant pas aux familles de l’immigration puisqu'il concerne l'ensemble des familles où se pratique une langue autre que le français

• La question de l’apprentissage du français des familles de l’immigration afin que les parents soient pleinement intégrés dans la vie sociale reste d’une autre nature

• Le souci d’acquérir une expertise et une réactivité face aux demandes des familles d’expatriés, Nantes gagnerait en attractivité et en qualité de vie pour les familles mobiles métropolitaines soucieuses de cette maîtrise des capacités linguistiques de leurs enfants, qu’elles soient françaises ou de toute autre nationalité

• En France, on ne peut dissocier la question de l’apprentissage des langues de la question de l’emploi du français sur l’ensemble des territoires (de Brest à Biarritz, de Strasbourg à Perpignan, de la Savoie à Tahiti, aux Antilles...) et de celles des langues régionales et minoritaires. Ces dernières se sont inscrites dans un combat de reconnaissance par rapport à l'administration centrale. En 1973, dans son livre "Le Parler Croquant" (Ed Stock), Claude Duneton, parlait de "colonialisme linguistique par un usage clivant du français.

• La perte du potentiel d’apprentissage précoce par les langues locales des familles qui illustre une difficulté d’adaptation de la France aux nouvelles mobilités des populations • La doctrine de l’école française est devenue la doctrine des français avec le développement de la formation des élites (cf Bourdieu et la "reproduction des schémas", schémas dont l’apprentissage des langues est le plus caractéristique). Jusqu’aux

• La France, au sein de l’Union européenne, est tenue de mettre en oeuvre les recommandations communautaires en matière d’enseignement précoce des langues, pour respecter leur diversité et réduire l’écart de maitrise des langues autres que le français.

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LE PLURILINGUISME PRÉCOCE : LE POINT SUR LA QUESTION Séance du 12 juin 2014 Intervention d'Agnès Florin et Isabelle Nocus, chercheuses de l'Université de Nantes

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Après l’intervention : réflexions, commentaires et débats

Cette rencontre, avec deux chercheuses de premier plan, a permis aux membres du groupe de mieux appréhender le rapport particulier de l’enfant avec les langues. Il ne maîtrise pas une langue dès les premiers mois, il a d’abord besoin de communiquer en utilisant les outils à sa disposition. Le langage commence avant qu’il puisse parler, d’où l’importance des interactions avec son entourage et les affinités qu’il tisse dès les premiers mois de son existence. L’apprentissage des langues, les sons qui produisent des actes, tout cela se fera par de multiples sollicitations, sans effort spécifique. La situation de communication de l’homme est plurilingue. Les travaux académiques conduisent à remettre en cause les idées reçues sur l’apprentissage bilingue dès l’entrée de l’école, tant dans l’administration que dans les familles. Ces idées fausses associent la réussite scolaire et l'acquisition de connaissances à la maîtrise exclusive d'une seule langue. Il existe, en outre, un contexte réglementaire qui handicape l'acceptation de l’usage pédagogique des langues locales ou secondes, fondé sur des lois qui définissent la langue française comme la seule légitime à être pratiquée en dehors des cercles familiaux ou "folkloriques". À la fin du XIXe siècle, la République a mis en place un enseignement obligatoire avec le seul usage du français à l’école et dans l’administration. Pourtant au début du XXe siècle, moins de 20 % des français parlent la langue de Ile de France dans leur quotidien. Avant la Première Guerre, certaines études ont recommandé l’usage de plusieurs langues dans le parcours scolaire, dont les langues locales. Mais l’Education Nationale reste globalement fidèle aux principes qui affirment que leur pratique handicaperait la maîtrise du français, langue des Lumières et du progrès. Encore aujourd’hui, ces arguments du monolinguisme sont repris pour refuser l’apprentissage précoce d’autres langues supra-locales, et mêmes européennes. Pourtant, la situation change vite et dans les années 2000, 25 % des français ont entendu leur parentèle parler une autre langue que le français.

La collecte des données et les évaluations sur les acquis scolaires, faites sur le terrain par Isabelle Nocus et Agnès Florin, confirment le rôle capital de l’enseignement bilingue. Elles apportent un éclairage sur les moyens à mettre en œuvre pour une pleine réussite au profit de l’enfant. L’Education Nationale dispose, selon les territoires, d’un choix de 30 langues locales et de près de 20 langues dites de l’immigration. À ce titre, l’importance de l’exposition à plusieurs langues dès la toute petite enfance mériterait une adaptation de la formation du personnel dans les crèches et les maternelles, comme d’autres pays le font, afin de profiter de cette opportunité due souvent à l’immigration. Depuis l’après guerre, plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre qui valorisent les langues à travers le mode d’apprentissage. Les critères suivants sont constants : • l’introduction tardive de l’apprentissage (après 8 ans) condamne la majorité des enfants à ne pas atteindre le stade de bilingue • la méthode choisie ne souffre pas d’économie de moyens : il faut au minimum 5 heures et un petit groupe d’enfants pour que la communication orale soit privilégiée • la formation des enseignants doit être de bon niveau car tout se joue dans ces premières expositions à la langue seconde. Le système souffre aussi du contexte externe à l’école du fait de la valorisation de la seconde langue choisie par la famille et de la reconnaissance de la valeur de langue, tant par le corps enseignant que par la population. Il est constaté que les écoles des langues régionales, à l'exemple de Diwan en Bretagne, ont démontré l’excellence de la méthode dite d’immersion : elle consiste dans une pratique évolutive des langues suivant l’âge des enfants. Les évaluations nationales de 2010 sur un échantillon significatif de collégiens et de lycéens en bilingue français/breton ont montré des résultats supérieurs à la moyenne nationale. Une autre

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méthode est celle de la parité horaire où les matières sont enseignées selon une répartition égale entre les deux langues d’enseignement. Les méthodes les plus courantes, comme l’introduction de l’anglais en primaire ou le programme ELCO (Enseignements Langues et Cultures d'Origine) depuis 1977 pour enfants de l’immigration, consacrent de 1h30 à 3h par semaine à l’enseignement d’une langue seconde. L’étude faite dans les DOM-TOM (Nouvelle Calédonie, Polynésie et Guyane) par Isabelle Nocus(1) précise les conditions des performances scolaires pour l’ensemble des jeunes écoliers : • la valorisation de la culture propre sans soumission à la langue dominante comme seul vecteur de progrès • la connaissance par les enseignants de la culture de la langue locale et de l’apprentissage social spécifique des populations locales • l’utilisation du patrimoine dans l’apprentissage des matières académiques plus abstraites, à l’exemple des mathématiques • l’importance de la formation des enseignants. Les évidences de l’apprentissage précoce des langues • Être bi ou plurilingue est la norme dans le monde, être monolingue est une exception. • Il n'y a aucun risque cognitif, ni affectif à apprendre plusieurs langues. • Il faut commencer les apprentissages à l’âge le plus jeune. • Le bilinguisme est un atout et non un handicap. • Il n’existe pas de "petites" et de "grandes" langues, elles sont toutes bonnes à apprendre dans le cadre d’une stratégie d’apprentissage précoce. • Toute langue est un vecteur pour appréhender l’abstraction et la connaissance du monde et toute langue est limitée dans son interprétation du monde, d’où l’efficacité des locuteurs plurilingues. •

Hiérarchie des langues ? La hiérarchie des langues est une convergence d’opinions d’acteurs ne reposant sur aucune base scientifique. Elle est plutôt le produit d'une résistance à la reconnaissance du fait plurilinguistique de la part de l’administration, parfois aussi des familles. Elle découle aussi d'une certaine intériorisation de l'utilité de la langue apprise en fonction d’objectifs de carrière, traduite dans les formules "à quoi ça sert d'apprendre une langue minoritaire ?, "il faut apprendre une langue utile"… Cet état d'esprit bloque la prise de conscience de la nécessité de l’usage d’une autre langue dès la petite enfance. Le contexte de l’emploi de la langue, en particulier dans le cadre familial ou affectif et notamment pour les langues locales, peut freiner la mise en place d’un programme d’apprentissage précoce. Cela concerne plusieurs facteurs : • un parent convaincu d’appartenir à une catégorie sociale "exclue" • la langue locale vécue comme celle de l’interdiction, les enseignants des DOM-TOM eux-mêmes originaires de la région l’employant pour réprimander les enfants hors de la classe • les langues locales ont parfois une histoire de conflits comme l’a exprimé Claude Duneton dans plusieurs de ses ouvrages : depuis l’interdiction à l’école jusqu’aux revendications culturelles des années 70 et le démarrage d’expériences comme Diwan, forme spécifique d’enseignement laïque en Bretagne. La logique administrative refuse souvent une adaptation de l’école à son implantation géographique, et repose sur une volonté d'unifier. Les innovations pédagogiques ont besoin de temps pour se mettre en place, mais les cadres de l’Académie changent tous les 3 ans ; cette insécurité du suivi aboutit à percevoir la méthode d’apprentissage précoce bilingue comme un luxe. La langue locale à l’école ne sert souvent qu’à une animation et pas à l’enseignement des matières académiques "nobles".

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"L’école plurilingue en outre-mer" Isabelle Nocus, Jacques Vernaudon et Mirose Paia, Presses Universitaires de Rennes, 2014

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L'égalité des familles devant l'offre pédagogique

La performance pédagogique

L’administration a une méthode uniforme pour répondre aux demandes des familles en matière éducative ou sociale. L’Académie joue sur le temps : d’une part, elle oblige à avoir le nombre minimum d'enfants en âge d’entrée au primaire et, d’autre part, elle oppose des contraintes obligeant à des reports d’ouverture ; pendant ce temps, l’enfant dépasse l’âge optimum en matière de bilinguisme.

Aux apports universitaires, les débats du groupe de travail ont ajouté plusieurs éléments : • le manque de savoir-faire des enseignants, à cause de lacunes évidentes de formation • l’inadaptation des enseignants à une pratique moderne et sociale de la langue : monotonie des séquences d’apprentissage, langue datée...

Cette rigidité devient une forme d’inégalité en matière d’acquis scolaires, et ce sont les enfants des familles les moins aisées qui sont handicapés pour la pratique effective de langues étrangères souvent exigée lors des sélections des formations post-bac. L’apprentissage précoce du plurilinguisme nécessite des processus souples d’ouverture de classes ; les exemples ne manquent pas en Europe, dont pourrait s’inspirer la France : • ouverture de filière plurilingue dès qu’il existe un seuil minimum de locuteurs sur le secteur de l’école (800 personnes), ce qui concerne aussi les langues de l’immigration • reconnaissance d’un secteur spécifique "langue locale" pour un enseignement bilingue, selon la demande des familles • reconnaissance de la nécessité d’un enseignement bilingue dès la petite enfance au niveau des territoires de culture minoritaire et sensibilisation des populations résidentes pour inscrire leurs enfants.

La priorité n’est-elle pas d’améliorer la formation audelà de l’augmentation des heures de langues. La qualité avant la quantité ? Des efforts sont faits, surtout pour la génération actuelle à l’Université, mais il est vrai que les enseignants ne sont pas toujours bilingues. Toutes les expériences qui ont échoué se rapportent au manque de personnes-ressources suffisamment formées. La qualité du corps enseignant a un coût, il faut un pilotage politique, à l'exemple de la Polynésie (voir ouvrage d’Isabelle Nocus déjà cité) où une cellule a été mise en place au sein de l’administration territoriale. Ce qui n’empêche pas les enseignants de concevoir eux-mêmes leurs propres outils en plus de leur travail en classe. Cette chaîne de qualité pédagogique s’étend aussi à un travail avec les familles car des parents peuvent se sentir mal à l’aise faute de savoir-faire extra-scolaire linguistique.

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Plusieurs questions ont été posées dans le débat : • la question du plurilinguisme précoce est-elle un sujet de recherche ? • bilinguisme certes mais la performance augmentet-elle avec 3, 4 langues ou plus ? La recherche apporte un élément de réponse en ce qui concerne la "plasticité cérébrale", et dans ce domaine le potentiel du nourrisson est énorme. On sait que des millions de neurones vont disparaître dès lors qu’ils ne servent à rien. Le cerveau n’est pas terminé à la naissance, il se construit sous les impacts des sollicitations dès la naissance ; une étude japonaise a montré que, dès l'âge de 9 mois, le nourrisson perdait la faculté d'acquérir les sons de certaines langues, faute de les entendre. C’est davantage le contexte de la pratique des langues et de leur emploi qui permet la qualité de l’apprentissage. Le maintien postérieur des capacités neurophysiologiques pour apprendre des langues, même en dehors d’une fonction académique, est le fait de l’apprentissage précoce. Pour autant, cet ancrage est indissociable de la fonction culturelle, d’où la valorisation de la culture transmise par la langue. Les observations de terrain montrent que l’enfant peut "jouer" avec 4, 5 ou 6 langues. • Au lycée français de Munich, dès la maternelle (particularité de ce lycée international), l’enseignement du matin est en français et celui de l’après-midi en allemand. Les enfants de familles mixtes grandissent avec les deux langues, celle de

l’enseignement et la langue nationale, sans souci de mélange de mots : ils adaptent la langue en fonction des interlocuteurs • Au Cameroun, se pratiquent plus de 250 langues ; les enfants grandissent en 5/6 langues dans leur vie quotidienne. L’apprentissage bilingue précoce avec une langue locale ne s’arrête pas pédagogiquement à la seule pratique de plusieurs langues, il permet d’appréhender des matières abstraites ou académiques ; quand des élèves sont en échec, on peut utiliser les formes géométriques de leur culture locale ou des productions patrimoniales pour en expliquer le sens et ensuite retourner à un transfert traditionnel des connaissances. De même, la question d’empathie est facilitée avec l’apprentissage de plusieurs langues amenant à une vraie connaissance interculturelle. La pédagogie et la pratique musicales ont la même fonction éducative des individus. L’apprentissage des langues, et en particulier de la langue locale pour les minorités culturelles, contribue aussi à développer une estime de soi. Il faut rappeler que l’apprentissage précoce des langues a plusieurs objectifs : • en fin du cursus scolaire, maîtriser plusieurs langues nécessaires à une intégration sociale et professionnelle dans le pays de résidence • avoir la capacité à en apprendre de nouvelles • s’adapter au monde contemporain dans lequel la mobilité des individus est constitutive de la modernité des pays.

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La performance pédagogique mesurée à l’échelle d’une génération d’écoliers dépend d’une volonté politique vis-à-vis du bilinguisme Les moyens ? Les moyens donnés aux enseignants, comme aux élèves, diffèrent en fonction de la domiciliation de leur établissement, avec des écarts importants constatés dans les résultats. Il en va de même pour l'affectation des moyens en fonction des langues enseignées (langue arabe notamment pour les familles de l’immigration) et le contexte de cet apprentissage quand il s’agit de langues locales (patois du français...). Pour justifier l’absence d’enseignement de la langue, l’administration l’enferme souvent dans un statut d’option, d’animation ou de découverte : la langue n’est pas valorisée et la culture qu’elle porte n’est pas une matière académique. Au-delà des polémiques, il faut cesser de s’en tenir à des idées fausses pour décider d’une politique d’apprentissage précoce des langues et reconnaitre des faits : • le bilinguisme favorise le français • on ne devient pas enseignant d’une langue parce qu’on la parle, il faut une formation, des personnes ressources et des outils pédagogiques

• par une formation appropriée, il faut valoriser les compétences du personnel auxiliaire pour les crèches ou les maternelles. Aujourd’hui encore, on peut empêcher l’emploi de toute autre langue que le français, même avec une auxiliaire parlant la langue maternelle de l’enfant • les bébés et les jeunes enfants n’apprennent pas une langue, ils apprennent d’abord à communiquer avec leur entourage • apprendre une langue à partir du collège est insuffisant ; non seulement le moment est trop tardif pour utiliser le potentiel neurophysiologique donné à la naissance, mais cela intervient après des années d’absence de pratique. Après l’âge de douze ans, il devient beaucoup plus difficile de devenir bilingue. Parmi les méthodes, il ne faut pas avoir peur de l’immersion, les enfants n’ont pas de crainte des autres langues ; cette méthode a fait ses preuves sous toutes les latitudes. Elle ne sanctionne pas la peur de mal parler. On formate souvent l’élève à ne répondre que s’il apporte la bonne réponse ; or pour l’apprentissage, il est important de donner la priorité à l’oral, donc de pratiquer encore et encore...

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UNE ACTION CONCRÈTE : EMULI (Ecole MULtilingue Innovante) Séance du 10 septembre 2014 Intervention d'Hélène Ernoul, responsable du projet

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Après l’intervention : réflexions, commentaires et débats

L’association EMULI a pour objet de promouvoir l’apprentissage précoce des langues qui participe de la réussite scolaire et de la cohésion sociale. Elle s’appuie sur des analyses déjà présentées par d'autres intervenants en y apportant une expérience de terrain et en constatant que les engagements du gouvernement en matière d'apprentissage précoce des langues souffrent de freins qui amènent une inégalité de l’application des programmes scolaires. L’objectif d’EMULI : exposer l’enfant le plus tôt possible à plusieurs langues et dans des situations scolaires ou extra-scolaires. S’appuyant sur les recherches les plus récentes, Hélène Ernoul, elle-même enseignante, fixe des objectifs pour sensibiliser et offrir une voie face à l’absence de méthode vivante pour les enfants : • Exposer les enfants aux langues le plus tôt possible, à la maison, à la crèche, ou dès 3 ans à l’école • Plonger les enfants dans une langue au moins 10h/semaine • S’adapter aux représentations du public français monolingue, pour évoluer en douceur vers un environnement scolaire plurilingue • S’approcher le plus possible de l’apprentissage naturel des langues (comme on apprend sa langue maternelle) • Développer et renforcer l’implication des parents ou des locuteurs/animateurs non francophones dans le processus d’apprentissage des langues des enfants. L’opportunité d’une mise en pratique s’est offerte avec la crèche d’Airbus Saint Nazaire : • une intervenante anglophone native • des interrogations de certains parents au départ • une méthode : l’intervenante passe toutes les matinées à la crèche, en interagissant avec les enfants, toujours en anglais • un double enjeu : être apprivoisée par les enfants et par les professionnelles de la crèche

• après un an de fonctionnement : les parents sont conquis, les enfants "adorent" et même les professionnelles de la crèche se mettent à chanter des comptines en anglais... Pour les jeunes enfants scolarisés, EMULI met au point un programme pour les activités périscolaires ou extrascolaires adaptables aux demandes de l’école en reprenant la méthode d’immersion pour les activités et loisirs offerts. Dans la mesure du possible, les activités en périscolaire reprennent des thèmes abordés en classe. Pendant les vacances, lors des accueils en immersion en journée complète, le rythme journalier des enfants, repos ou détente en cours des activités, est pris en compte. Les jeunes enfants assimilent rapidement que l’on peut exprimer la même chose en plusieurs langues. Des enfants qui n’ont eu aucun contact avec une langue étrangère vont rapidement s’intégrer dans les activités proposées. La grande différence avec l’école : il n’y a pas d’évaluation sommative, mais les parents peuvent se rendre compte des progrès de leur enfant lors de petites représentations théâtrales en fin de semaine d’accueil de loisirs, par exemple. Les animateurs, eux, sentent l’évolution des enfants tout au long de la semaine : en quelques jours, certains mécanismes linguistiques sont pris, et permettent d’évoluer de façon beaucoup plus efficace en fin de semaine qu’en début de semaine. La meilleure récompense, pour EMULI, arrive quand les parents envoient des mails spontanés disant à quel point leur enfant s’est amusé, et ils espèrent pouvoir renouveler l’expérience. Les animateurs ont une double qualification d’animation (50 % BAFA acquis) et souvent, pour la maîtrise de la langue, ceux-ci sont des natifs des pays de la langue étrangère.

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2013-2014 : - 2 sites d’intervention dans 2 villes (1 crèche et 1 école) - 40-50 enfants en charge - 1 salarié à mi-temps + 3 temps partiels + animateurs saisonniers

La qualité des ressources humaines, dans le cadre d’EMULI, est primordiale, et il n’est pas facile de trouver des animateurs ayant une double compétence et dont les qualifications sont reconnues par la DDCS (BAFA, BAFD, ou professeur qualifié). EMULI accompagne ses animateurs dans la mise en place pédagogique des activités, et dans la mesure du possible, paie la formation du BAFA à ceux qui souhaitent s’investir pour l’association. Il ne suffit pas de parler une langue pour être un bon animateur et inversement, il faut parler la langue aussi bien qu’un natif si l’on veut que cela paraisse naturel aux enfants.

2014-2015 - 4 écoles en Loire Atlantique - 1 crèche - 8 écoles à Agen - Diversification des langues : anglais, espagnol, russe ... - 3-4 salariés à mi-temps + 8 temps partiels - + de 350 enfants en charge

EMULI est novateur dans sa démarche et bouscule les situations établies. Sa compétence se fonde sur son expérience, laquelle lui permet une reconnaissance par les services de l’Administration. Il faudrait cependant une mobilisation plus large d’acteurs pour installer le projet d’une façon pérenne : élus, famille, professeurs…

LES QUESTIONS AU PROJET Le fonctionnement L'association ne bénéficie pas de subventions des administrations, chaque intervention doit trouver ses partenaires financeurs, dont la CAF. C’est un système de contrat avec des élus qui ont des contraintes budgétaires et des écoles qui ont leurs programmes pédagogiques. La coopération avec les enseignants est aussi importante que la satisfaction des enfants.

Il existe des résistances dans le corps enseignants, mais l’orthodoxie sur laquelle elles se fondent n’est plus aussi prégnante auprès des décideurs. Ainsi, un inspecteur de l'Education Nationale suit avec intérêt le projet, même si celui-ci est encore dans une phase de conviction et bénévolat. La méthode L’anglais reste dominant dans les projets EMULI, mais une attention est portée à l'élargissement du

L’association souhaite augmenter les heures d’interventions afin de pérenniser les emplois des animateurs et renforcer l’effet "immersion".

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panel des langues proposées. Au-delà de la seule sensibilisation à l’apprentissage des langues par des français monolingues, ce projet s’adresse aussi aux familles étrangères qui craignent que leurs enfants perdent le contact avec leur langue et culture maternelles. Il faut vaincre les réticences de l’Education Nationale mais aussi innover sur l’ensemble du dispositif au service des enfants : à l’exemple de nombreux pays de l’Europe du Nord, il faut créer des chaînes de diffusion de dessins animés, des animations sur l’espace public pour les jeunes enfants en langues étrangères pratiquées sur la zone de diffusion. EMULI permet aussi, par son intervention, d'offrir une solution au blocage de la pratique d’autres langues que le français en classe. On peut jouer avec la langue, notamment pour les plus âgés en primaire, et sensibiliser à la découverte d’autres cultures présentes localement. À titre d’exemple dans un collège de Rezé, l’équipe pédagogique a décidé de mettre en valeur les 9 langues et cultures présentes. Cela passe par le "bonjour" du matin en 9 langues pour découvrir les pays d’origine de chacun. Par différentes actions de terrain, dans ou autour des classes, les élèves apprennent autre chose grâce aux langues étrangères. Il y a ainsi valorisation de l’autre, du voisin. La méthode a un objectif de "démonstration". Tous les enseignants ne sont pas convaincus de la nécessité de commencer si tôt le plurilinguisme. Pourtant il ne faut pas cantonner l’apprentissage des langues aux seules familles. Ce serait le début d’une inégalité pour des enfants dont les familles modestes n’ont pas les moyens de les soutenir dans l’apprentissage de langues étrangères.

Les personnes ressources Trouver des enseignants est une des difficultés de l’association. A l’exemple des écoles de langues régionales ou des territoires d’outre-mer, plus la politique de l’apprentissage précoce des langues est retardée, plus le rattrapage se fait dans des conditions de pénurie de formation des enseignants. Même des pays qui ont décidé de mettre en œuvre un programme ambitieux, comme la Nouvelle Zélande depuis la fin des années 1970 pour le maori, il est difficile d’avoir des enseignants formés pour dispenser des cours depuis le primaire jusqu’au lycée ; tous les enfants passés par les écoles bilingues n’ont pas vocation à devenir instituteur ou professeur… Un potentiel d’enseignants existe à partir de certaines individualités, notamment les parents, quitte à assurer des formations afin que l’Administration accepte des intervenants extérieurs : • L'Ecole japonaise de Rennes fonctionne le mercredi avec des mamans afin que leurs enfants ne soient pas handicapés à leur retour au Japon • Il y a un besoin de partenariats entre différents acteurs afin d’accompagner des initiatives prises pas des mamans donnant des cours d’arabe ou de russe à Nantes. EMULI, par son travail de communication, a rencontré beaucoup d'enseignants compétents en langues étrangères. Certains, isolés, prennent des initiatives pour l’apprentissage précoce bilingue mais beaucoup ne sont pas valorisés ou n’osent pas se mobiliser.

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Histoire d’une association qui pense que


Le retard pris par rapport aux évaluations normées des acquisitions : nombre de mots à la sortie de la maternelle On a souvent évoqué les évaluations auprès des écoliers de Diwan qui ont de meilleurs résultats en anglais que les collégiens de filière classique. Renvoyant à l’intervention d’Isabelle Nocus et Agnès Florin, l’importance de la méthode de l’immersion a été confirmée dans l’obtention de ce résultat. On peut arriver à un résultat similaire avec l’arabe, le chinois, etc…

coce : le stock des mots est-il réduit de moitié, par comparaison avec les jeunes enfants de même âge ? La réponse est clairement négative. Ponctuellement, la quantité de vocabulaire d’un enfant du système monolingue peut varier par rapport à celui d’un enfant bilingue, mais, aux âges clef des tests officiels, les bilingues sont plus aptes à s’exprimer. Les travaux de neurophysiologie démontrent l'avantage des enfants bilingues, lesquels sollicitent davantage le fonctionnement de leur cerveau. La maîtrise des capacités élargie du cerveau se démontrera par le nombre de langues parlées. A titre d'exemple, Diwan est l’une des deux filières complètes depuis les années 1980 en France et les acquisitions des élèves sont évaluées périodiquement pour s’assurer qu’il n'existe aucun retard par rapport aux élèves "classiques" de l’Education Nationale : dans toutes les matières et selon les critères de performances, les élèves Diwan obtiennent les meilleurs résultats. Les travaux universitaires, notamment ceux de Mme Nocus, le soulignent aussi pour les résultats des écoliers Polynésiens. Le tahitien profite au français selon les critères exposés précédemment, à savoir des heures minimum de pratiques, une valorisation de la langue et un environnement affectif et familial.

Aucune langue n’est supérieure à une autre pour mettre en place un projet d'apprentissage : • l’enjeu essentiel est celui de l’apprentissage précoce • il faut un environnement affectif de la langue pour sa valorisation • l’importance du choix de la méthode, avec un nombre d’heures minimum de pratique quotidienne : la méthode immersive étant la plus efficace en l'adaptant au programme et à l’âge des enfants. D’autre part, en privilégiant l’oral, on est dans l’ordre naturel des acquisitions langagières de l’enfant ; les plus jeunes commencent à jouer oralement avec les langues. Puis vient la période des contes, histoires et comptines qui préparent à l’écrit, l'enfant passant naturellement d’une langue à l’autre. Une inquiétude est souvent soulevée en matière de bilinguisme pré-

Cette rencontre avec Emuli a conforté les précédentes séances sur l’urgence pour l’Education nationale de se saisir de l’apprentissage précoce des langues.

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LES FILIÈRES BILINGUES ENSEIGNEMENT PRÉCOCE BILINGUE ET LES LANGUES RÉGIONALES Séance du 15 octobre 2014 Intervention de Visant Roué, Directeur de l'Office public de la langue bretonne

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Après l’intervention : réflexions, commentaires et débats

HISTOIRE, LANGUES ET CULTURES Pour comprendre la situation de l’enseignement bilingue en France, il faut se saisir de l’histoire de la reconnaissance des langues et des cultures régionales. Une logique a été mise en œuvre en France depuis la loi de scolarisation de Ferry (1881-1882), celle de l’unilinguisme scolaire. La pratique d'une seule langue n'a pourtant pas de réel fondement, scientifique ou social, et peut même constituer un obstacle à la cohésion sociale. Les élites intellectuelles ont d'ailleurs toujours eu le souci du libre accès aux textes originaux fondateurs de la culture européenne. Cette position autoritaire de l'Etat, sous la IIIe République, s'appuyait sur des positions et des déclarations qu’on juge aujourd’hui contraires aux droits démocratiques et discriminantes. Anatole de Monzie, Ministre de l’Instruction Publique déclarait ainsi en 1925 : "Pour l'unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître". Sous la Ve République, Georges Pompidou, Président de la République, poursuivait sur le même registre en 1972 : "Il n’y a pas de places pour les langues et cultures régionales dans une France qui doit marquer l’Europe de son Sceau". Contre toute efficacité pédagogique moderne, ces positions ont longtemps servi aux adversaires de l’enseignement précoce multilingue fondé sur les langues régionales. La contestation de la politique de la IIIe République fut très tôt source de mobilisations locales et s'est appuyée sur des mouvements existants de mise en valeur des littératures régionales à l'exemple du Félibrige(1) et des bals deis trouvers (auquel participa Tristan Tzara, initiateur du mouvement dadaiste) pour les pays de langue d'oc. Pour la Bretagne, on peut citer la publication par Théodore Hersart de La Villemarqué en 1839 du Barzaz Breiz ou histoire poétique de la Bretagne, suivi de l’Appel aux celtes de Charles de Gaulle (oncle du Général) en 1864, qui ont contribué à la renaissance littéraire et linguistique de la Bretagne.

La mobilisation pour des écoles bilingues avec langues régionales s'est construite dès l’Entre-deux-guerres avec le soutien d’élus et d’instituteurs. Dès 1934, 357 communes ont voté un vœu en faveur du breton à l’école. En 1937, 5 000 enseignants de l’école laïque signèrent la charte d’Ar Falz. Après 1968, l’émergence de nouveaux droits a créé les conditions d’une action dans les régions métropolitaines, marquée par le slogan "Vivre et travailler au Pays". En 1977, furent créées des écoles associatives bilingues par immersion "Diwan", qui passèrent en contrat d’association en 1984. Une action similaire fut conduite en Alsace, au Pays basque et dans les "païs d’oc" où le théâtre en langue d’oc est alors diffusé sur les radios d’onde moyennes de l'ORTF comme Radio Limoges. Peu à peu, l’administration a reconnu la pertinence de l’enseignement plurilingue dans l’école en s’inspirant du laboratoire qu’a constitué l’enseignement des langues régionales dans le primaire : • 1951, la loi Dexonne autorise l'enseignement facultatif de 4 langues : breton, basque, catalan, occitan • 1982, la circulaire Savary organise l’enseignement bilingue spécifique • 2001-2003, une circulaire définit les modalités de mise en œuvre de l’enseignement bilingue à parité horaire de la maternelle au lycée • 2008, l'article 75-1 de la Réforme constitutionnelle stipule que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". ENSEIGNEMENT BILINGUE EN FRANCE, LES FILIÈRES "LANGUES RÉGIONALES" Contexte législatif et réglementaire Les langues régionales, quant à leur transmission par l’école, ne sont pas toujours égales en droit. La loi de refondation de l’école de 2013 donne désormais le droit aux familles d’être informées. Auparavant, l’ad-

(1)

Félibrige (ou Felibritge) : association de promotion et de sauvegarde de la culture et de tout ce qui constitue l'identité des pays de langue d'oc

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ministration pouvait disposer d'un pouvoir de blocage vis-à-vis des familles demandeuses d'enseignement bilingue. La loi reste cependant floue en matière de formation des enseignants ; on parle d’encouragement sans nommer les responsables de la mise en œuvre des formations. Sans objectif de formation des enseignants bilingues, il est difficile de prévoir un développement. Chaque Académie propose des postes au concours et les repartit en postes "monolingue" ou "plurilingue" (1 poste en 44 en 2015). 10 % sur l'Académie de Rennes concernent les postes bilingues. Le pouvoir des Académies reste important. Les conditions opérationnelles sont variables selon la langue. En Bretagne, à statut équivalent, les contraintes sont supérieures pour Diwan et sa méthode d’immersion. Il faut autofinancer l’école pendant 5 ans, dont les salaires des enseignants, et sans aide du forfait scolaire. Au Pays basque, l’école associative créée est tout de suite prise en charge par l’administration selon son statut associatif, sans pénalisation financière sur 5 ans. L’application de la loi connaît ces variations dans la mesure où le choix d'origine de l’école publique, laïque et monolingue reste prégnant dans les esprits. Depuis plusieurs générations, l'absence d'enseignement des langues régionales peut éteindre la pratique sociale et mettre en danger leur survie. Pourtant, dans la société européenne contemporaine, le multilinguisme est la condition d'une nouvelle citoyenneté.

souvent au contact d’Etats non-francophones) et dans 13 lycées français de l’étranger. Pour y entrer, il faut réussir des tests, souvent difficiles pour des collégiens ayant un cursus normal. Ce sont les filières des langues régionales qui permettent en France un diagnostic pédagogique de l’apprentissage précoce des langues en milieu scolaire, depuis la primaire jusqu’au lycée, et qui sont ouvertes à l’ensemble des catégories sociales d’une population résidente dans un secteur académique. En s’appuyant sur leur patrimoine historique et culturel, certaines régions ont pu entamer des actions pour démontrer la pertinence de leur revendication d’enseignement de langues locales dans le cadre des grands objectifs académiques de l’école de la République. Ces passerelles entre les langues dites "régionales" et langues "internationales" sont un élément majeur, trop souvent négligé, de la réussite scolaire.

L'ÉTAT DES LIEUX DANS LES RÉGIONS Pour les DOM-TOM, on se référera aux études essentielles présentées par Isabelle Nocus et Agnès Florin et mentionnées précédemment. Les associations de promotion des langues d’oïl n’ont pas toujours pu organiser un rapport de force politique local ou régional leur permettant de mettre en place une filière similaire aux langues d’oc ou non latines. Souvent, elles sont renvoyées à la pratique dite de patois ou à un français déformé, mises en scène d’une façon festive ou touristique (caricature de l’accent).

Du régional à l'international Il existe des sections internationales dans 15 lycées en Métropole (aucune dans les DOM-TOM pourtant

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Il n'y a pas d'égalité réglementaire selon les régions : • la Corse met en place un bilinguisme dans chaque école • le Pays Basque ne finance pas les premières années de fonctionnement des écoles • les parents de Bretagne autofinancent entièrement les 5 premières années du coût de fonctionnement de l’école sans obtenir aucune aide au titre de la pédagogie • les "païs d’oc" sont confrontés à la diminution démographique pour l’ouverture de nouvelles écoles par l’Académie En 2015, on dénombre 3 filières en France : - la filière publique, 53 000 élèves (dont 8 000 en Corse) - la filière associative, 11 000 élèves - la filière confessionnelle, 10 000 élèves Depuis plusieurs années, les filières bilingues du 1er et Second degré en France sont présentes sur les régions "historiques" de la Bretagne, l’Alsace, la Lorraine, la Catalogne et certains "païs" de langue d’oc. Le Corse : Le Corse est mis en place par l’Académie en fonction des demandes des familles. C'est une langue de recherche à l’Université. La Corse a une seule filière : publique. Le Francique : C'est la langue que parle les Luxembourgeois. La France met en place des options de classe bilingue pour éviter que les transfrontaliers mettent leurs enfants dans le cursus scolaire du Luxembourg. La France met aussi en place une politique de "zone dialectale germanophone" sans lutter contre la baisse de son usage dans les jeunes générations ni en promouvoir son usage culturel. L'Alsacien : Le standard de l’écriture de l’alsacien est la graphie allemande, sa pratique orale est forte dans les familles et dans les cantons. L’alsacien est une forme dialectale de l’allemand. Il existe une vie culturelle intense orale (chansons et théâtre) qui crée une pratique sociale réelle dans les métropoles alsaciennes. Dans les années 1970/1980, le Rectorat a laissé l’Allemagne participer intensivement, par le biais des fonds Interreg de l’Union Européenne, à la création des écoles bilingues français-allemand, répondant ainsi à la demande sociale des transfrontaliers français et résidents expatriés allemands en Alsace.

La filière bilingue repose aujourd'hui davantage sur une organisation communale et familiale que sur une politique académique. LANGUE RÉGIONALE ET APPRENTISSAGE PRÉCOCE DES LANGUES Il n’existe pas en France de filière complète d’enseignement bilingue à l’école sauf pour les langues régionales ; C'est le cas de la pédagogie du mouvement DIWAN dont on peut tirer aujourd’hui des enseignements statistiques. On peut oser une comparaison entre Etats européens ayant une langue à prétention universelle et ayant eu un rôle d’empire (Grande Bretagne, France, Espagne) et les Etats ayant eu une langue de culture (Pays-Bas, Allemagne, Italie, Suède…). Ces derniers, ayant sans doute conscience de la richesse culturelle portée par la langue de chacun de leurs voisins et de la fragilité temporelle de la souveraineté des empires universels, ont très tôt reconnu la diversité linguistique de leur Nation. Ils ont donc généralisé l’apprentissage de langues étrangères dans le primaire, suivant en cela les recommandations de l’Europe. Continuité scolaire et mobilité familiale L’essaimage des autorisations administratives et l’absence de volonté politique en matière d'apprentissage précoce des langues impacte l’efficacité du système. La mobilité des familles en France est une réalité, or il est très important de commencer tôt l'apprentissage des langues, dès le primaire, et de continuer jusqu’au lycée. L’enseignement bilingue en maternelle est ouvert à tous, mais on n’accepte plus ensuite les élèves extérieurs à la filière, l’écart d’une pratique multilingue étant trop important. Actuellement, le modèle est structurellement à la baisse au fur et à mesure des mobilités de la famille, de la maternelle à la Terminale. Il y a une perte des familles sans toujours en intégrer suffisamment de nouvelles. Ce manque de visibilité sur l'avenir est un handicap pour les familles. En Bretagne, les élèves de Douarnenez doivent obligatoirement aller à Quimper au collège de pôle Diwan. Les filières en Bretagne travaillent aujourd'hui à une concentration d’écoles autour de collèges de secteur, ainsi l’action menée à Nantes sur le secteur du collège Rutigliano.

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ENSEIGNEMENT BILINGUE DES LANGUES RÉGIONALES EN EUROPE

L'ENSEIGNEMENT PRÉCOCE BILINGUE FRANÇAIS-BRETON

L’ensemble des pays de l’Europe du Nord ont mis la maîtrise plurilingue au programme de leur enseignement primaire et secondaire. Les jeunes de ces pays maîtrisent souvent 3 langues et aucun pays ne crée d’ostracisme vis à vis de leurs langues régionales pour qu’elles participent ainsi à un apprentissage précoce multilingue. Il existe différentes formes de protection et de développement de l’usage social des langues régionales en Europe qui n’ont de succès que lorsque ces langues deviennent des vecteurs de connaissances académiques au sein des établissements scolaires (voir l’étude de Mmes Nocus et Florin). Constitutionnellement, sont mises en œuvre des solutions au sein des écoles locales, à l'exemple du Schleswig-Holstein en matière d’apprentissage du danois pour les familles de culture scandinave, région annexée en 1866 par la Prusse ; chaque famille a une garantie, par la loi organique du Land, de disposer pour ses enfants d’un enseignement en danois au sein de l’école de secteur. La Communauté autonome basque (Espagne) a mis en place une politique rigoureuse basée sur des objectifs pour sauver la langue ; 65 % des basques suivent aujourd'hui leur scolarité en basque (80 % uniquement en espagnol en 1983). Le Pays de Galles, depuis 1988, met en place une généralisation de l’enseignement du gallois, proposé à plus de 200 000 écoliers en 2015. Des langues dites régionales sont souvent aussi des langues nationales pour d’autres pays : la Belgique avec le flamand ou le wallon, le Luxembourg avec le francique, la Suisse avec le tyrolien ou l’italien, le frison (Pays-Bas et Allemagne)… En Italie, ce sont souvent les pratiques d’usages locaux qui sont reconnues dans leurs variantes dialectales ; à l’italien parlé s’ajoute une protection des langues non dialectales(2). Deux pays ont un modèle identique à celui mis en place en France, ancré sur un usage universel et prioritaire d’une seule langue pour l’enseignement primaire : la Grèce et la Turquie.

UN OFFICE PUBLIC SUR LES TERRITOIRES "HISTORIQUES" DE LA BRETAGNE L’office public de la langue bretonne est un établissement public créé en 2010, dont les administrateurs sont les 5 départements bretons, les deux régions Bretagne et Pays de Loire, l’académie de Rennes et le Ministère de l’Education Nationale. Il comporte 2 pôles : • la langue et son actualisation • l’étude et le développement de l’enseignement bilingue et de sa pratique publique. Il dispose de 25 agents de droit public. Il joue aussi le rôle de conseil pour la mise en œuvre des politiques publiques. L'Office propose, avec le soutien des associations, une simplification administrative de la filière d'enseignement précoce des langues. Une réforme réglementaire alignant Diwan sur les critères des écoles basque est en cours de discussion au niveau gouvernemental : réduction de 5 ans à 18 mois du temps d’ouverture assumée à 100 % par le financement des parents et baisse du nombre d’enfants à 15 lors de l’ouverture. L'ÉTAT DES LIEUX DU BILINGUISME FRANÇAISBRETON La Bretagne est une région qui offre une filière dans trois réseaux : • 1977, 1ère école Diwan, enseignement bilingue immersif, gratuit, laïc • 1982, 1ère école bilingue dans l’Education Nationale, enseignement bilingue dans un cadre de parité horaire • 1990, 1ère classe bilingue dans l’Enseignement catholique avec la même méthode que dans la filière publique. A la rentrée 2014, 15 840 élèves sont concernés dans ces réseaux, soit de 2004 à 2014 une crois-

(2)

Site de la Commission Européenne : apprentissage et diversité linguistique http://ec.europa.eu/languages/policy/linguistic-diversity/regional-minority-languages_fr.htm

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sance de 70 %. L’ancienneté de la filière Diwan permet des études et des tests auprès de la population scolaire concernée de la maternelle au Bac à un enseignement précoce des langues en immersion.

la pression sociale des étudiants à s’inscrire au concours (300 inscrits cette année pour 40 postes, contre 100 inscrits auparavant). Sur ce faible nombre d’enseignants, le problème des remplacements est cause de frictions vu la faiblesse des effectifs des enseignants pleinement formés. Au moment où le débat de l’éducation scolaire pose la question des objectifs du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, cette formation en breton concerne aussi des enseignants de matières académiques diverses comme les mathématiques, l’EPS, les arts, l’histoire… Il y a une réponse à apporter à cet intérêt évident pour une approche nouvelle du rôle de l’enseignant.

Les contraintes d'une filière en l'absence de choix politiques clairs Il subsiste un problème après le collège, puisque ceux-ci ne suivent pas la progression des écoliers dans les classes bilingues du primaire. Structurellement, il y a une baisse des effectifs du fait de la mobilité de plus en plus fréquente des familles avec un abandon entre le CM2 et l’entrée au collège. De même, on refuse des élèves au CP car l’apprentissage bilingue commence dès la maternelle. Seules les filières bilingues subissent cette inégalité en France avec impossibilité d’avoir un parcours scolaire complet. Enfin, l’absence de postes aux concours crée une discordance entre la demande des familles et les ouvertures des classes. Le Conseil Régional crée cependant des bourses et des aides financières pour que les enseignants se forment à la filière bilingue. Il faut aussi admettre que les élèves ne sont pas destinés à devenir tous enseignants ; la filière bilingue peut être considérée comme un secteur jeune au sein de l’Education nationale depuis les années 2000. On retrouve les mêmes problématiques que celles soulignées dans l’étude de Mmes Nocus et Florin dans les territoires ultra-marins, il faut aussi une politique de formation des enseignants bilingues et non se contenter d'une logique d’expérimentations successives.

NANTES ET SON AGGLOMÉRATION L’Académie de Nantes est dotée d’un conseil des langues régionales depuis 2002. La Mairie de Nantes a manifesté à plusieurs occasions son soutien au développement de l’enseignement bilingue françaisbreton, suite à son efficacité pédagogique. Les familles répondent à l’offre des filières bilingues à Nantes et toutes refusent des inscriptions. En 2014, 500 jeunes nantais sont dans les filières nantaises (écoles et collèges) bilingues français-breton, dont 206 à Diwan. Les découpages scolaires selon les périmètres de l’administration démontrent un attrait des familles pour cette formule d’apprentissage précoce bilingue, dès lors que l’accès à l’école n’est pas pénalisant et que l'établissement s’inscrit dans le paysage académique du quartier. Une option langue bretonne au bac est assurée au lycée de la Colinière pour Nantes, avec un déplacement des lycéens des autres établissements pour suivre les cours de l’option breton. La présence de la langue bretonne dans le cursus élémentaire est ponctuée de dates importantes : • 1978 : ouverture de la 1ère école Diwan • 1999 : ouverture de la 1ère filière bilingue publique et catholique • 2007 : continuité de la filière publique au collège • 2008 : collège Diwan à Saint Herblain • 2010 : ouverture de la seconde filière bilingue publique • 2012 : ouverture de la seconde école Diwan.

Le suivi administratif de la croissance de la demande des familles Comment répondre à la demande sociale des familles ? Face à la progression forte des effectifs, la courbe des enseignants augmente aussi grâce aux dispositifs de formation mis en place par les Collectivités Territoriales de Bretagne. C’est une action volontariste de la Région Bretagne qui met en place des bourses pour master bilingue, en échange d’un engagement de 10 ans dans l’enseignement, ou bien une aide pour passer de la filière monolingue à bilingue en formation intensive de 9 mois. La responsabilité de l'Etat en termes d’objectifs est réelle face à

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A RETENIR :

de la population française de référence, qui est de 4 %. Les tests qui concernent le succès des lycéens au Bac et les chances des élèves de Seconde pour obtenir leur bac, placent le lycée de Diwan de Carhaix dans le top 2 des lycées de France depuis son ouverture. Les emplois demandant une maîtrise du breton sont en 2012 de 1300 postes, ils progressent en vue de l’augmentation des apprenants (en 5 ans + 30 %). Pour les britophones, ils concernent surtout l’enseignement (le Finistère 70 %, la Loire Atlantique 82 %). Mais les emplois concernent aussi aujourd’hui l’ensemble des qualifications et des secteurs économiques, tant publics que privés.

DÉPASSER LES LACUNES FRANÇAISES PAR UNE POLITIQUE PUBLIQUE LINGUISTIQUE QUI SOIT L'INDICE DU BIEN ÊTRE D’UN TERRITOIRE EUROPÉEN MODERNE Répondre à une demande d'international Sans remonter à la Grèce socratique ni aux miracles des apôtres pouvant s’adresser du jour au lendemain aux païens et barbares dans leur langue native pour les convertir, on sait, depuis au moins Venise et Marco Polo en ce qui concerne l’époque moderne, l’importance de la maîtrise des langues pour développer sa Cité et créer une synergie des cultures. Le danger aujourd’hui n’est pas la domination d’une élite sur les "terres émergées" mais la perte d’un projet suffisamment fort en matière éducative pour nos concitoyens immergés dans la mondialisation et les échanges multiculturels au sein de toute entreprise collaborative. La politique linguistique est de définir des objectifs sans ambiguïté capables de répondre en profondeur à des demandes sociales précises en matière d’apprentissage précoce multilingue. Il faut des moyens mais force est de constater qu’il faut aussi une réforme réelle pour définir le socle commun des connaissances au niveau de chaque niveau d’évaluation des acquis scolaires et cela dès le primaire. Le retard constaté des élèves monolingues en comparaison avec ceux qui ont l’opportunité de suivre un cursus bilingue ou multilingue, oblige à définir des objectifs et à laisser libre cours à l’énergie et l’initiative des personnes compétentes pour offrir à la fois des solutions intermédiaires et préparer des réformes de fond. Le Conseil de développement, par ce travail collectif, souhaite, à son niveau, y participer.

L'apport du bilinguisme précoce aux territoires : un socle commun de connaissances, de compétences et de culture de niveau européen Ce socle est celui attendu par toute entreprise, qu’elle soit publique ou privée, pour être compétitive, réactive et efficace. C'est celui de tout territoire européen s’inscrivant dans l’industrie de la connaissance et en particulier pour des Métropoles qui se veulent modernes et en phase avec leurs futurs partenaires dans le monde. Ce socle est celui qui permet d’avoir un seuil de compétence en matière d’apprentissage de langues pour les publics des générations d’étudiants en qualifications professionnelles des années 2020. Les filières bretonnes et britophones de l’apprentissage précoce des langues sont à la fois jeunes et matures, comme le constate chaque nouvelle étude scientifique en matière de didactique des langues ; elles sont aussi porteuses de solutions efficaces et parfaitement maîtrisées socialement. Elles sont aussi porteuses d’un seuil important d’étudiants mobilisables à court terme et répondant à un objectif de politique linguistique globale à moyen terme ; à Rennes, 800 étudiants sont en filière bretonne. Depuis 3 ans les effectifs progressent fortement dans la filière par immersion Diwan, le seul lycée Diwan héberge 380 élèves. La montée des effectifs est à venir.

Analyser les retombées du bilinguisme : l'exemple français-breton En 2013, la proportion de jeunes maîtrisant 2 autres langues que le français et le breton est de 60 % pour les britophones et 32 % pour les non britophones. En 2012, une étude sur la mobilité des étudiants (à l’étranger) a révélé que les anciens lycéens de Diwan partent à plus de 12 % dans des universités étrangères, chiffre à comparer avec la même tranche d’âge

Le risque du retard français Après les Grandes Ecoles, ce sont les formations de BTS qui mettent en place une sélection fondée sur la maîtrise de l’anglais, voire sur la pratique d’une se-

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La langue régionale est un élément de la formation de la vie civile de tout territoire. Pour certains Pays, le français est une langue minoritaire comme le soulignent les Québécois ou les acadiens de Louisiane. Il y a 2 % de francophones sur le continent américain. Dans quelques années, 20 000 ou 25 000 scolaires pourraient fréquenter la filière plurilingue par immersion français-breton en Bretagne, la métropole Nantaise saura-t-elle enrichir ses indices de qualité de vie avec cette opportunité patrimoniale ? Les élus sauront-ils à terme transformer cette ressource pour développer une politique linguistique ambitieuse répondant aux critères des Métropoles européennes les plus attractives et dynamiques ? L’offre éducative fait partie des critères attractifs essentiels d’un territoire à vocation moderne et durable ; la politique d’apprentissage précoce multilingue sera sans doute à terme un indice de qualité de vie intellectuelle de la Métropole et de son arrière-pays. La renaissance d’une langue régionale à travers un projet pédagogique fort pour la population jeune est aussi une marque démocratique d’un territoire pleinement inscrit dans le XXIe siècle : le langage est une expression culturelle propre aux humains, toute langue qui disparaît est une perte d’une partie de la mémoire de l’humanité.

conde langue pour l’entrée dans leur cursus. L'objectif est évidemment d'avoir des étudiants capables de suivre des cours en anglais. Or, on sait pertinemment que l’apprentissage des langues au sein du secondaire ne permet pas d’atteindre un niveau suffisant. De plus en plus, l’apprentissage des langues pour les post-bacs ou le pré-emploi devient un marché caractéristique propre à la France. Regarder loin vers le monde Les langues régionales en Europe contiennent la mémoire de notre histoire, c’est l’expression du "parler croquant", du "parler populaire" qui est souvent refusé par une certaines élites. Les codes linguistiques sont aussi ceux du pouvoir, et cela s'exprime en France par la tradition centralisatrice. Cette domination du code linguistique dans les milieux "dirigeants" explique que les langues transfrontalières ont une vitalité plus forte que celles qui n’ont pas le recours de la comparaison "de l’outrerive" : le flamand, le basque ou le catalan. Les langues régionales, comme élément-clef d’une didactique des langues pour les jeunes enfants sont une réponse alternative à un projet de formation mondialisée qui repose aujourd'hui sur l’anglais mais demain peut-être sur le chinois ou une autre langue.

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VISITE DU LYCÉE INTERNATIONAL Séance du 19 novembre 2014 Visite conduite par Chantal Levy, Proviseure

Les participants au groupe de travail "langues" auxquels se sont ajoutés de nombreux autres membres du Conseil de développement ont effectué une visitedécouverte du nouveau Lycée Nelson Mandela, qualifié aussi de "Lycée international". Cette visite conduite par Mme Chantal Levy, Proviseure du Lycée, a permis de découvrir l'ensemble des équipements de ce nouvel établissement Ouvert depuis la rentrée 2014, l’établissement dispose d’un internat et accueille 900 élèves venus des lycées Vial et Leloup-Bouhier ainsi que 200 élèves de seconde, en provenance des collèges du secteur. Il comptera à terme, 1 600 élèves et souhaite garder une dimension de "lycée de secteur". Etablissement à forte dimension internationale, le lycée propose déjà une section américaine et deux

bacs binationaux français-allemand (Abibac) et français-espagnol (Bachibac). L’Abibac permet d’obtenir le baccalauréat français et l’Abitur, son équivalent allemand. Pour la section espagnole, le BachiBac permet l’obtention du baccalauréat français et du Bachillerato, son équivalent espagnol. L'établissement a vocation à accueillir aussi des élèves étrangers, dont les parents viennent travailler pour une durée plus ou moins longue à Nantes et dans la région des Pays de la Loire. C’est l'occasion pour ces élèves de profiter d’une scolarisation dans un établissement français tout en gardant un lien avec leur langue et leur culture d’origine. Des sections artistiques pour les musiciens et les danseurs existent également dans cet établissement situé à deux pas du conservatoire de musique.

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LE DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS COGNITIVES PAR L'APPRENTISSAGE PRÉCOCE DES LANGUES Séance du 3 décembre 2014 Intervention de Gilbert Dalgalian, germaniste, docteur en linguistique et spécialiste en éducation multilingue

Après l’intervention : réflexions, commentaires et débats D'abord pourquoi un apprentissage précoce ? De toutes les situations d'apprentissage des langues, c'est l'apprentissage précoce qui est à la fois le plus formateur et le plus efficace : formateur dans toutes les dimensions au bénéfice et non pas au détriment de la langue première, ce qui veut dire au bénéfice du français par exemple. C'est la base linguistique qui permet à l'enfant les transferts les plus faciles et les plus rapides ; il n'est pas forcément nécessaire de mettre toujours l'anglais en apprentissage précoce, si l'on est assuré que le bilingue français-breton ou français-allemand apprendra aisément, et avec de nombreux transferts, l'anglais en 3e langue, mieux que son camarade monolingue apprenant l'anglais en seconde langue. Il faut insister particulièrement sur le fait qu'une seconde langue précoce favorise la maîtrise de la langue première ou "maternelle". On peut évoquer un fait vécu qui a valeur de constat sociologique. A l'occasion de ses conférences dans toutes les régions françaises, Gilbert Dalgalian a constaté que les auditoires sont presque toujours des parents d'élèves qui viennent là pour se conforter dans l'idée qu'ils ont bien fait de choisir une filière bilingue pour leur enfant, ou qui veulent se renseigner avant de prendre cette décision. Quel est le profil de ces pères et de ces mères ? Il s'agit de 70 % de parents monolingues francophones qui ont, soit perdu leur langue d'origine, soit ne l'ont jamais reçue en transmission familiale. Ce constat est indépendant de la région. Ces parents ne se sont pas concertés entre eux. Ils ont pourtant fait le même choix d'un bilinguisme précoce

pour leurs enfants. Il y a plusieurs leçons à tirer de ce constat. D'abord, tous ont ressenti la perte de la langue régionale comme une perte inutile. Ensuite, ce sentiment les a conduits à déléguer à la génération suivante le devoir de réappropriation linguistique, ne se sentant pas à même de réussir cela pour eux-mêmes. Enfin, en choisissant ici le breton ou ailleurs le basque, l'occitan ou l'alsacien, ils n'ont pas fait le choix d'éradiquer le français, mais au contraire de permettre aux enfants de jongler avec les deux codes et de les maîtriser d'autant mieux. Les apports des apprentissages précoces de langues Une langue précoce s'apprend à l'oral et seulement à l'oral pour quelques années, à l'école maternelle. Ce trait distinctif n'est pas anodin : il signifie que, grâce à cette particularité d'un cerveau plus plastique et très actif, l'enfant acquiert et construit à l'oral tous les automatismes qui vont constituer les fondements des deux langues, mais aussi du langage. Il apprend les langues à l'âge du langage. Il faut insister sur les automatismes : comme dans beaucoup d'apprentissages – le vélo, la natation, le sport, la musique instrumentale, la conduite automobile – il y a une grande part de gestes qu'il a fallu automatiser, car s'il fallait réfléchir avant de les performer, ce serait l'échec assuré. Ces automatismes sont à tous les niveaux de la langue. D'abord au niveau des sons, car pour parler et échanger il faut percevoir les phonèmes de la langue et pouvoir les reproduire. Ce sont des automatismes perceptifs et articulatoires/phonatoires (dans les ap-

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prentissages tardifs, c'est la principale et la première difficulté parce que l'oreille n'est plus la même ; pensons aussi à la difficulté pour une oreille européenne d'aborder une langue à tons comme le mandarin ou le thaï). En outre, le très jeune enfant commence très tôt à mettre en place le schéma moteur de reproduction des sons et des mots, avec des erreurs et approximations au début, mais avec une grande capacité à rectifier et à imiter les modèles de son entourage.

mes c'est que lors d'un exposé, l'orateur est, comme l'auditeur, concentré sur le message ; les conjugaisons, les prépositions, les temps des verbes, les féminins et les pluriels viennent se mettre automatiquement au service du message sans qu'il soit besoin de contrôler les formes des phrases. Chez l'auditeur, le décodage des verbes, des pluriels… se fait aussi de façon automatique, car il est focalisé sur le message et non sur les formes qui sont traduites automatiquement. Ce qui signifie qu'ayant tous en commun la grammaire du français, chacun dispose et construit les mêmes automatismes. Le plus intéressant dans un apprentissage précoce, c'est que la morphosyntaxe n'est pas la même dans les deux langues : par exemple, le français et l'anglais ont un ordre des mots assez figé (sujet, verbe, compléments) alors que le breton ou l'allemand peuvent commencer la phrase par n'importe quel complément. En allemand, parce que la fonction du mot est indiquée par sa forme comme en latin. Un autre avantage d'un bilinguisme français-breton par exemple, c'est la présence d'un accent tonique de mot (Trégonnec, Plogonnec), ce qui va faciliter la maîtrise de l'accent tonique présent dans presque toutes les langues : l'italien, l'espagnol, l'allemand, l'anglais, le russe. Le français est une des rares langues sans accent tonique de mot. Cette maîtrise est transférable lorsqu'on l'a automatisée tout-petit. Des linguistes, notamment canadiens, ont introduit le terme de "mémoire procédurale" pour désigner

Un exemple de POTENTIALITE: l oreille

"Tétine électronique" qui met en évidence que nous arrivons au monde avec une oreille universelle que nous perdons en sept ou huit ans.

Ensuite arrivent les automatismes les plus décisifs : ceux qui concernent la morphosyntaxe, c'est-à-dire la grammaire intériorisée par chacun de nous toutpetits déjà. La preuve qu'il s'agit bien d'automatis-

AIRES DU LANGAGE

Coupe schématique du cerveau avec les aires de Broca et de Wernicke dont les fonctions sont très différentes : Wernicke est l'aire de la compréhension/ production de sens – le "laboratoire du sens" – et Broca gère la mise en œuvre automatique des formes

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cette maîtrise des formes linguistiques. Certes, il s'agit bien de procédures, mais s'agit-il de mémoire au sens habituel de mémoire consciente ? Il s'agit plutôt d'automatismes de langage. Ce qui a l'avantage de souligner une forme de maîtrise qui ne fait pas appel à une réflexion préalable. Ou alors il s'agit d'une forme de mémoire très réflexe. La sémantisation des mots est doublement favorisée quand il y a deux entrées lexicales pour un même concept. Ce qui va être à l'œuvre en permanence dans les filières bilingues où les matières sont enseignées alternativement dans les deux langues et où les mots sont formés différemment selon la langue pour désigner un même objet ou concept. Par exemple, géographie se dit en allemand Erdkunde, ce qui est plus simple et plus explicite au premier coup d'œil : Kunde = le savoir, Erd = la terre. La science de la terre. Quadrilatère se dit Viereck : le 4 angles … Encore plus savant et sophistiqué est le mot "sphincter" qui se dit en allemand Schliessmuskel, c'est-à-dire un muscle de fermeture, ce qui permet de comprendre immédiatement la fonction et de l'élargir à la bouche et aux yeux qui ont aussi leurs sphincters. Là où l'anglais et le français ont des mots synthétiques, l'allemand recourt à des mots construits à partir d'autres mots. C'est un double bénéfice quand il s'agit de construire en classe les significations, les concepts des différentes disciplines à l'aide des deux langues d'enseignement. Un autre avantage capital réside dans les doubles compétences textuelles des bilingues. Certes, les structures du récit, de la description et de l'argumentation ont beaucoup de points communs, voire identiques, d'une langue à

l'autre. Mais les rhétoriques peuvent différer, parce que cela est déjà culturel : qu'on pense à la structure des Mille et une nuits qui a des points communs avec nos contes et légendes, mais aussi tant de différences liées aux cultures de l'Orient. Ainsi le bilingue a accès à deux mondes culturels, des modes d'interaction plus riches, et l'expérience d'environnements plus variés. Enfin et ce n'est pas le moindre avantage : le bilingue ayant déjà fait deux fois l'expérience de l'acquisition linguistique, celui permet d'avoir des stratégies plus diverses dans sa panoplie lorsqu'il va aborder d'autres langues. C'est le phénomène des transferts multiples et rapides. La langue, c'est la vie, c'est la culture. Mais deux langues ou trois, c'est une plus grande richesse de vie, une plus grande richesse de cultures.

A RETENIR L’avenir de l’enfant est très dépendant de son éducation pendant la petite enfance et la maîtrise des langues en est la clef universelle et indispensable. Celleci commence par une exposition aux sons des cultures du monde. Le petit homo sapiens fait alors un raccourci en quelques mois de ce que l’horloge humaine a mis des centaines de milliers d’années à maîtriser. L’immersion précoce est donc la clef du plurilinguisme pour vivre au cœur de la connaissance humaine en fonction des langues nécessaires au développement personnel et collectif.

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L'ADAPTATION DU CERVEAU A la naissance, le cerveau humain est ouvert à tous les sons audibles. Si cette ouverture n'est pas sollicitée avant 3 à 4 ans, les choses sont irréversibles. Le problème est d’autant plus important pour les français que leur langue est pauvre en hauteur et mélodie par rapport à d’autres langues européennes. L’aire de Broca, explicitée par Gilbert Dalgalian, se constitue en fonction de chaque langue, d’où la difficulté, en cas d'apprentissage tardif, de développer une pratique similaire aux natifs des langues étudiées. La masse de cette aire de Broca est plus importante en fonction du nombre de langues apprises et pratiquées. D'où l'intérêt de l'apprentissage précoce. L’aire de Wernicke est le siège de l’interprétation. Quel que soit le nombre des langues, le même Wernicke est activé. La relation entre les deux canaux est ce qu'on appelle "le faisceau arqué". Si les aires Broca (expression et automatisme) ou Wernicke (compréhension) sont touchées par des lésions, leur fonction peut être récupérée sous forme de rééducation, celle qui consiste à construire une zone de substitution. LES MÊMES AIRES POUR TOUTES LES FORMES DE COMMUNICATION PAR CODE LINGUISTIQUE ?

et la production du son. Là encore, l’apprentissage précoce est un avantage pour la maîtriser pleinement. On constate aussi que la zone du cerveau pour la perception auditive est annexée par la perception visuelle. La musique ? L’aire de Broca gère aussi les calculs exacts et les sons mélodiques d’où le succès des bilingues en mathématiques observé dans les tests d’évaluation scolaire. La défaillance en mathématiques selon des objectifs académiques est une question de facteurs complexes et n’est pas liée à la seule aire de Broca. L'ORALITÉ : LA CLEF UNIVERSELLE DE L'APPRENTISSAGE PRÉCOCE L’écrit, dans l’horloge de l’humanité, arrive tout juste hier. L’oral est la structure fondamentale de l’éducation de l’homo sapiens depuis des centaines de milliers d’années. Chaque enfant fait en raccourci ce parcours et l’oral est fondateur dans l’acquisition de la culture de l’homo sapiens. Ceci explique le plaidoyer de l’immersion précoce dès les premiers jeux linguistiques du jeune homo sapiens. Cette immersion précoce est aussi indispensable pour les français qui ont une difficulté supplémentaire pour les langues à tons qui affichent une autre dimension du son (ex du mandarin).

La langue morte ? C’est une langue et son apprentissage doit répondre aux mêmes critères que toute autre langue, si celleci est considérée comme l’une des langues d’apprentissage précoce. Elle est dans ce cas une langue de communication et d’enseignement de disciplines autres que littéraires. Même en absence d’oralité sociale, c’est bien l’aire de Broca qui va être sollicitée.

QUE VEUT DIRE PRÉCOCE ?

La langue des signes ? C’est une aire spécifique du cerveau qui se construit après la naissance, l’aire de l’écrit : le gyrus angulaire. Elle est située entre le centre visuel et l’aire de Wernicke. Elle est fortement sollicitée dès l’âge de 5 ans ; c’est l’aire de l’articulation entre l’écrit graphe

Quelques ouvrages de Gilbert Dalgalian :

La notion de précocité s'établit au plus tard dès la maternelle et avant 6 ans. C’est l’âge de la fonction du langage chez l’enfant, de la manipulation des symboles, du jeu avec les codes de communication. Au-delà de cet âge commence le… tardif .

- Enfances plurilingues, Ed l'Harmattan, 2000 - Reconstruire l'éducation : ou le désir d'apprendre, Institut de recherches FSU/éditions du temps - Apprentissage et enseignement des langues dans le contexte des villes jumelées, La documentation française, 2004 (Avec Jacqueline Feuillet et Héléna Kalve)

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PRÉCONISATIONS POUR UNE POLITIQUE LINGUISTIQUE DE LA MÉTROPOLE : UN SERVICE PUBLIC LOCAL

Ces préconisations s'appuient sur plusieurs fondamentaux recensés au fil des débats du Conseil de développement. Elles sont énoncées sous forme de principes généraux qui sont de nature à constituer l’ossature d’une ambitieuse politique linguistique de la métropole nantaise. Exposer l’enfant le plus tôt possible au plurilinguisme Construire un projet pédagogique pour tous les enfants de la crèche jusqu’au lycée Hausser le niveau, hausser les moyens pour une politique publique ambitieuse Valoriser toutes les langues et leurs cultures dans ce projet pédagogique Poser l’apprentissage précoce des langues comme principe éducatif de base pour les citoyens de ce siècle et un point de passage obligé pour garantir une carrière réussie Encourager la mobilité-agilité physique, linguistique et culturelle pour en faire un atout personnel collectif prioritaire

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Favoriser la reconnaissance des langues et cultures minoritaires des territoires et régions de la République Conforter la spécificité du développement des filières bilingues bretonnes sur la métropole nantaise S’appuyer sur des personnes ressources pour établir un programme de pratique de bilinguisme sur une durée de séquences longues avec le concours de l’offre associative experte (Emuli, Diwan...) Élargir la formation pédagogique à l’ensemble du personnel au contact des enfants en sensibilisant ces acteurs du quotidien à l’utilisation de leurs langues natives Mettre au point des outils d’évaluation des modalités d’attribution de postes des enseignants Répondre rapidement et efficacement aux demandes des familles non francophones (ou pas) pour obtenir la mise en oeuvre d’une offre d’apprentissage précoce plurilingue sur leur secteur académique Relancer les jumelages sur la base de projets de bilinguisme dans chacun des territoires concernés et permettant des échanges multiples et à diverses échelles : rural-urbain, métropoles-villes moyennes... Valoriser l’expertise universitaire et académique sur la didactique de l’apprentissage précoce des langues.

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EN GUISE DE CONCLUSION Quelques enseignements à tirer pour le groupe de travail Les participants et intervenants de cette séquence de travail du Conseil de développement ont mis en lumière une lacune fondamentale : la difficulté de l’Education nationale à intégrer les expériences de tous les pays modernes qui démontrent pourtant que l’apprentissage précoce des langues et un cursus en plurilinguisme sont des facteurs de progrès économique, social, culturel. Il existe des filières qui ont fait leur preuve et qui permettent de poser les jalons d’une politique d’enseignement plurilingue répondant à des objectifs de formation citoyenne et d’efficacité académique. Le groupe de travail a validé la méthode de l’immersion à adapter aux publics d’âge en la fondant sur deux principes : • hausser les moyens, pour hausser les objectifs • mettre le niveau d’exposition des apprenants en heures au niveau des objectifs de pratiques de la langue étrangère pour ne pas les handicaper dans leur mobilité tant scolaire que professionnelle future.

Les thématiques à approfondir Pour l’accueil des étrangers comme pour celui des immigrés, les bases de l’apprentissage des langues partent des mêmes constats de diagnostics formulés lors du lancement du groupe, il faut se donner comme objectifs une égalité d’accès à l’apprentissage de qualité de langues afin que par l’apprentissage du français : - les familles étrangères expatriées n’aient pas d’appréhension à séjourner et que leurs enfants continuent à avoir une éducation qui ne les coupe pas de leurs racines maternelles - les immigrés et réfugiés puissent participer pleinement à la vie citoyenne française et assumer leur rôle de parents dans le cadre des interactions avec l’école. Les "langues de Nantes" sont aussi au service d’une politique d’apprentissage précoce : - pour profiter des ressources humaines, issues de pays étrangers ou de territoires français ayant une langue locale, présentes sur la Métropole, il pourrait être mis en place, avec l’apport de l’Université, une formation spécifique pour le personnel enseignant et un programme "langues de Nantes" répondant aux demandes des familles - pour valoriser les différentes cultures régionales ou des familles immigrées et permettre à leurs membres volontaires de se qualifier dans des fonctions de soutiens pédagogiques pour les communautés de leur langue maternelle - pour les familles étrangères, offrir aux mamans et à des étudiants des pays concernés de pouvoir se former aux publics écoliers qu’ils soutiendront dans leur cursus scolaire "international".

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Il existe donc deux familles de public d’apprenants : ceux qui sont concernés par l’apprentissage précoce des langues, c'est-à-dire par une exposition de plus de 5 heures en classe avec l’objectif d’une méthode d’immersion généralisée, et ceux qui doivent améliorer ou apprendre rapidement une langue qui leur est étrangère pour des raisons de mobilité imposée ou volontaire. La question des "langues" doit donc être partie intégrante des politiques publiques liées au rôle international que joue une métropole multi-scalaire et multi-culturelle, à la fois en matière d’attention aux langues régionales et à l’accueil des réfugiés et immigrés (de plus en plus souvent ayant eu une éducation urbaine, voire métropolitaine) résidents sur son territoire. Cette thématique des langues est aussi un facteur d'attractivité pour les acteurs des échanges mondiaux : séjour de managers ou chercheurs de pays étrangers et français intégrés dans des services d’exportation. A Nantes, la filière bilingue français-breton constitue une expérience réussie sur laquelle on pourrait s’appuyer pour mettre en oeuvre une structure de type "Agence d’ingénierie" pour l’enseignement précoce des langues. En combinant expérience associative et expertise universitaire, un pôle opérationnel pourrait ainsi voir le jour pour créer un service public d’apprentissage précoce des langues sur la base des recommandations issues des cursus européens.

Pour poursuivre : L'ouverture d'une réflexion au sein du Conseil de développement a suscité de l'intérêt par sa fréquentation qui mérite néanmoins d'être élargie. Pour poursuivre le travail engagé, plusieurs points sont à prendre en compte : • la nécessité d'ouvrir davantage la réflexion sur les langues à la fois à l'intérieur du Conseil de développement et avec des acteurs extérieurs • la nécessité de mieux lier la question des "langues" à l'évolution des échanges économiques mondiaux. Cela pourrait se traduire par deux nouveaux sujets à définir plus précisément : • Nantes terre d’accueil aux voyageurs de la planète • Nantes pôle international plurilingue d’affaires matérielles et immatérielles.

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ANNEXES / ANNEXE 1 Contribution d’André-Hubert Mesnard - 22/10/10

LANGUE(S), CULTURE(S) ET IDENTITÉ(S) Dans les bons lycées classiques d’Alger, avant la guerre d’indépendance de l’Algérie, et comme cela se passait à Bordeaux, à Grenoble ou à Marseille, on « faisait » du latin, de l’anglais, de l’allemand et de plus, à partir de la quatrième, du grec ou une deuxième langue vivante. C’est à ce titre seulement, éventuellement, que l’on pouvait choisir l’arabe. Comme cette dernière langue n’était pas non plus enseignée dans les écoles primaires, elle n’était finalement connue que des arabophones, à une petite minorité « européenne » prés, celle qui vivait au contact des ruraux des périphéries urbaines et pouvaient ainsi la pratiquer. Ainsi dans les écoles et les lycées, nos camarades arabophones avaient le privilège de connaître une langue de plus, ce qui ne les empêchait pas de pratiquer, parfois mieux que nous, le français. A coté de ce système « français » de droit commun, il y avait certes un enseignement arabe traditionnel dans les écoles coraniques et les médersas, auxquelles avaient seuls accès les musulmans. C’était cela l’instruction publique et l’éducation de la jeunesse à Alger et dans toutes les grandes villes d’Algérie, sous les troisième et quatrième Républiques, pour les millions de jeunes des départements algériens. Cela a durablement laissé à beaucoup un goût de « trop peu » et un regret quasi définitif de ne pas savoir, et de ne pas pouvoir, parler ni comprendre la culture d’autrui, son voisin. Cette analyse schématique peut-elle amener les français d'aujourd’hui, 50 ans après l’indépendance de l’Algérie, à revoir leur approche des langues et des cultures régionales et minoritaires en France ? La France actuelle comprend quelques millions de citoyens d’origine maghrébine, de la première, de la seconde ou troisième génération, sans oublier ceux qui sont d’origine turque ou d’un autre pays du Moyen–Orient, les kurdes par exemple ou les libanais. Cet afflux de minorités du sud de la Méditerranée est assez récent, même pour les nord-africains. Il est à peu prés concomitant de la guerre d’Algérie et de l’indépendance, sans être nécessairement lié à ces événements forts et traumatisants. On rappellera que la plupart des travailleurs nord-africains ont été appelés en France par et pour le développement économique sans pareil des « trente glorieuses ».C’est un fait qu’environ un français sur dix provient actuellement de cette origine, auxquels s’ajoutent d’autres immigrants, généralement plus récents, de même provenance venus pour quitter la misère de leur pays d’origine, sa ruine politique, et rejoindre sinon le mirage français, tout au moins tel ou tel membre de leur famille déjà implanté en France, et l’espoir d’une formation et d’un travail. Ces chiffres importent peu d’ailleurs et sont difficilement vérifiables, les fichiers ne pouvant pas faire état de la provenance ethnique ou religieuse, ou encore de la langue maternelle, des personnes. Retenons seulement, à titre anecdotique, que le pourcentage atteint par ces minorités en France est assez semblable à celui que représentaient les populations d’origine européenne en Afrique du Nord dans les années cinquante, dans un contexte certes très différent. La langue parlée est un élément essentiel du statut effectif, culturel, matériel et socio-économique d’une population. Elle joue, c’est vrai, un rôle important dans la bonne intégration dans la société d’accueil. Aussi est-il

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nécessaire que notre langue soit fortement proposée aux arrivants, et encore plus à leurs enfants qui prétendent à la citoyenneté, ou en ont hérité. Mais il faut aller plus loin. Considérant que le multilinguisme est une richesse, comme la diversité culturelle, il faut porter une attention particulière aux langues maternelles de ces nouveaux arrivants, qui arrivent avec une identité, et une culture, et ne doivent nullement avoir à y renoncer pour faciliter le succès de leur nouveau parcours et l’acquisition de leur nouvelle identité. Leurs enfants aussi doivent pouvoir parler correctement leur langue maternelle, celle de leurs parents et de leurs grands-parents. Cela renforcera les liens familiaux, toujours utiles et nécessaires à un bon épanouissement et une bonne éducation dans quelque pays que ce soit. Ils connaîtront ainsi leurs premières racines et une partie importante de leur identité, au lieu de fantasmer dessus, et de se contenter de rechercher leur identité, et la langue qu’on ne leur aura pas apprise, dans des pratiques marginales, voire dans une conception extrême de leur religion, qui leur servirait de « grand tout » culturel et d’unique repère culturel et identitaire. En acceptant de prendre en compte les langues d’origine on s’apercevra d’ailleurs de leur multiplicité, et donc des différences entre ces langues minoritaires : l’arabe classique n’est pas l’arabe parlé, et c’est une très belle langue d’une extrême richesse littéraire, qui permet certes de lire le Coran, mais aussi toute une vaste littérature ancienne et contemporaine (la presse par exemple) provenant d’une vaste partie du monde. C’est d’ailleurs aussi la langue de minorités chrétiennes fort cultivées, au Liban, en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Irak et ailleurs. D’autres parties importantes de ces populations immigrées ne parlent d’ailleurs pas l’arabe, mais les langues berbère, turque, kurde… qui ne sauraient être négligées ni confondues. Sans doute convient-il alors de proposer, chez nous, c'est-à-dire chez eux, aux parents et surtout aux enfants intéressés, de pouvoir suivre, sérieusement et durablement, un enseignement de leur langue maternelle, ou de celle de leurs parents, dès les classes maternelles et les crèches. Pour les jeunes, ces enseignements viendraient en plus du cursus normal, l’arabe ou la langue d’origine pourrait cependant remplacer l’apprentissage d’une autre langue, étrangère ou régionale, en deuxième ou troisième langue. Actuellement, quelques enseignements d’arabe sont proposés dans quelques établissements, mais en nombre très insuffisant, donnés par trop peu de professeurs de langues ayant un statut d’enseignant de l’Education nationale (à chaque niveau de l’instruction publique). On ne saurait se contenter durablement d’enseignants vacataires et contractuels, en trop petit nombre, recrutés pour faire quelques cours dans quelques établissements, par exemple choisis parmi des boursiers de l’enseignement supérieur, souvent venus de l’étranger. A défaut de l’organisation et de la banalisation de cet enseignement officiel, il y a, et il y aura, de plus en plus d’enseignements délivrés dans des établissements confessionnels, ou dans les centres culturels annexes des mosquées, voire par des groupes incontrôlés. Ajoutons aussi tout de suite que l’apprentissage de la langue (et de la culture) des minorités nationales doit tout autant être proposé aux autres jeunes français, au même titre que l’italien, l’allemand, l’espagnol, le portugais et l’anglais ou autres langues de nos concitoyens européens. Pour bien se connaître, et se reconnaître, et même bien connaître sa propre identité, il convient de connaître l’identité de l’autre. Ceci s’impose d’autant plus lorsque celui-ci est un concitoyen. Car derrière la langue il y a la littérature, l’histoire, la civilisation. Ce débat sur les identités, nationales, minoritaires et autres, est un débat essentiel et sans fin. Le débat est délicat, mais le refus de débattre entretient les peurs, les replis ; c’est d’ailleurs parfois un aveu de faiblesse. Ainsi derrière la langue maternelle il y a aussi le débat sur les identités. De quoi sont faites nos identités ? Disons tout d’abord qu’elles ne sont pas monolithiques, mais variées à l’infini. Elles existent, très fortement. On les ressent, on les recherche, on s’en prévaut. On est fortement renvoyé à son identité nationale lorsque l’on vit à l’étranger, et ceci même lorsque l’on s’en défend. On s’inquiète et on s’interroge en permanence sur l’identité d’autrui, pour l’approcher, travailler, vivre en bonne entente ou intimité avec lui. Mais qu’est-ce que l’identité ? Pas plus que la culture l’identité n’est définie en droit positif, dans notre

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code administratif par exemple. Par contre la carte d’identité est une réalité administrative, ainsi que les éléments de notre identité : nationalité, domicile, âge, sexe et patrimoine, profession, statut matrimonial. Il s’agit d’abord pour l’administration d’une identification précise à travers des éléments importants de notre personne, de nos moyens et de notre existence. C’est pour l’administration un travail de mise en fiches (certes) et de mise en cartes pour saisir et gérer la réalité, pour organiser notre place dans la totalité de la société, et nous prendre en charge. Mais, pour nous-mêmes, en notre for intérieur, quelle est la réalité de notre identité ? C’est notre personnalité qui répond à la question de savoir qui nous sommes. Cette identité personnelle est multiple, forte, évolutive. Faite aussi d’aspirations, elle est en devenir, mais elle repose aussi sur un passé plus ou moins connu, reconnu, et sur la certitude ou l’espoir d’être ou de devenir ceci ou cela. On doit pouvoir changer de profession, de lieu de résidence, voire encore de citoyenneté en émigrant à l’étranger, voire de confession, tout en restant nousmêmes, au fond de nous-mêmes. Ainsi l’identité est aussi faite de la certitude de pouvoir se construire, voire en jouant sur les mots, de se « déconstruire » et reconstruire. Tout homme porte ainsi son identité avec lui, où qu’il soit. Il a ses racines identitaires, personnelles, en lui-même. C’est du moins ce que nous croyons, dans une conception fortement individualiste de la personne. Mais il y a d’autres éléments d’identité, plus collectifs, voire communautaires, très prégnants qui laissent en nous la marque d’un certain contrôle social, et d’une réalité culturelle : la famille, la religion, le pays, au sens braudélien (auvergnat, gascon, de tel ou tel pays…) (1)… On ne peut pas vivre pleinement sans une identité bien établie, et reconnue, faite de plusieurs liens, et de plusieurs volets. Il faut les connaître, voire les accepter, pour être conscient et libre, y compris à leur égard. Ainsi que l’on soit réfugié, apatride, ou immigré, ou simplement résident étranger comme nous en avons fait l’expérience, on cherche tout d’abord à acquérir des « papiers »d’identité, sans lesquels on vit sous un masque, sous un camouflage de tous les jours, dans la clandestinité. Mais ces papiers ne sont qu’une étape vers la (re)constitution d’une véritable identité, pleine, entière, mais peut-être composite. C’est cette reconstitution qui est le gage d’une bonne acceptation réciproque, d’une bonne « intégration ». Cette intégration n’est pas « assimilation », mais pourra, éventuellement le devenir. Et l’on rencontre ainsi et aussi la question des minorités. Celles-ci peuvent être régionales, c'est-à-dire géographiques et historiques, culturelles et parfois linguistiques. C’est en France le cas de la Bretagne, de la Corse, de l’Alsace, du pays Basque, et d’autres cas moins caractérisés, qui peuvent d’ailleurs poser des questions de délimitation, à leur périphérie. Se posent des questions de statut des langues régionales, ou encore, éventuellement, d’autonomie administrative. Ces questions sont connues, débattues et prises en compte dans un débat politique et juridique à présent très ouvert. Le débat régional est d’abord un débat constitutionnel interne, comme en témoignent la diversité des solutions retenues par la France, l’Italie ou l’Espagne. Ces deux derniers pays reconnaissent bien mieux les spécificités régionales, parce qu’ils n’ont pas du tout connu le même passé, volontairement unitaire, que la France. Mais les minorités n’ont pas toutes un ancrage territorial bien affirmé. En France les roms, les tziganes, et autres gens « du voyage » partagent une volonté très forte de liberté à l’égard de tous liens territoriaux, et il parait cependant difficile de nier leur particularisme culturel, historiquement consacrée. Leurs communautés se retrouvent de façon assez semblable sur l’ensemble des territoires de l’Union européenne et au-delà, nécessitant une reconnaissance particulière. Les populations arabophones et les autres minorités linguistiques disséminées sur le territoire national peuvent-elles se prévaloir également d’un statut ? Ce n’est sans doute pas leur prétention ce qui ne veut pas dire

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qu’elles ne posent pas de problème minoritaire spécifique, appelant éventuellement des politiques publiques spécifiques. Au-delà du débat régional interne, les droits culturels des minorités sont à présent bien étudiés et reconnus aux niveaux mondial et européen. Au regard du droit international et du droit européen les droits des minorités tendent de plus en plus à influer sur les pratiques souveraines des Etats, pas toujours consentants(2). La reconnaissance des droits culturels individuels entraîne la reconnaissance de la diversité culturelle, de l’identité culturelle et donc des minorités culturelles, tant sur le plan universel que sur le plan européen. Désormais l’UNESCO affirme que toutes les cultures font partie du patrimoine commun de l’humanité (Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale, article 1°). L’affirmation est développée en 2001 dans la déclaration sur la diversité culturelle. Les Etats sont donc redevables de ce patrimoine commun, riche de sa diversité, devant la communauté mondiale. La France, qui participe à l’ONU, et soutient fortement l’action de l’UNESCO(3) n’a cependant toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, du Conseil de l’Europe en 1992, qui considère que les langues régionales et minoritaires font partie de la richesse culturelle de l’Europe, et rappelle « le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique ». Voila d’ailleurs un beau et vrai débat national à mener, que celui qui porterait sur l’identification , l’ampleur, les caractéristiques, et les souhaits des minorités nationales, cherchant leur place dans la nation : qu’elles fussent régionales et historiques, linguistiques, avec ou sans attache territoriale. Mais l’idée même d’un tel débat fait peur à beaucoup. Mais ces relations entre le pouvoir autonome et les identités se posent elles dans les mêmes termes pour les diverses minorités et les diverses confessions ? Les aspirations des identités à une totale reconnaissance ne sauraient faire oublier l’idéal de l’autogouvernement de la nation (par rapport aux religions par exemple), avec ses dimensions d’unité collective et de "généralité publique" (4), nécessaires fondements communs de la société, propres à tout gouvernement démocratique, fondé sur le respect intégral des droits de l’homme (et des femmes). Ainsi la place et les liens respectifs des identités, des langues, des minorités ne peuvent pas cesser d’évoluer. Pour cela il convient d’en parler et d’aller vers une large reconnaissance. N.B. "Pour Nantes une bonne façon de faciliter la reconnaissance et l'intégration linguistique et culturelle des minorités serait de prévoir un nombre suffisant de crèches bilingues là où il y aurait une demande significative. Des enseignants devraient également être recrutés en nombre suffisant dans les établissements primaires et secondaires. Tout ceci en collaboration avec l'Education nationale, bien évidemment, mais également dans le cadre de programmes spécifiques des collectivités territoriales compétentes. Ce bilinguisme permettrait une meilleure maîtrise... de la langue française !"

(1)Fernand Braudel, "L’identité de la France, Espace et histoire", Arthaud-Flammarion, Paris 1986. (2)Sur cette question lire de Alain Fenet "Droits culturels et communauté mondiale", in "l’homme, ses territoires, ses cultures", dir.J.Fialaire et E.Mondielli, JGDJ 2006, p. 247 et s. (3)Comme le montrent les déclarations du président Chirac lors de la réception des peuples amérindiens , le 25 juin 2004, et à la 32° Conférence générale de l’UNESCO à Paris, le 14 octobre 2003, citées par Alain Fenet , op. cit.p.260 et 261 (4)Pour reprendre les termes de Marcel Gauchet dans sa conclusion de "La religion dans la démocratie" Gallimard 1998

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ANNEXES / ANNEXE 2 Les accueils linguistiques Comment aider de jeunes étrangers au bilinguisme, une autre façon de vivre le bilinguisme en France Témoignage de Katia BRIAND

Les familles sont souvent à la recherche de formules d'échanges ou d'accueil de jeunes étrangers. Elles peuvent trouver toute l'information nécessaire auprès de structures comme la Maison de l'Europe ou le centre culturel franco-allemand. À titre d'exemple, est présenté ici le témoignage de Katia Briand, de l'association WEP2.

Des initiatives se développent sur la métropole nantaise pour découvrir une autre langue et développer ses compétences linguistiques. Nous pensons le plus souvent aux cours de langues, aux écoles et aux crèches bilingues. Des ateliers à destination des enfants et des adultes, sous diverses modalités pédagogiques et ludiques, sont aussi mis en place. Afin de permettre à leurs enfants d’améliorer leurs capacités linguistiques, les parents ont également le réflexe des séjours linguistiques à l’étranger. L’immersion semble en effet la meilleure méthode pour progresser plus rapidement. Cependant, toutes les familles ne peuvent pas bénéficier de ces opportunités. L’accueil linguistique en famille est alors une alternative intéressante. C’est aussi un moyen de participer au développement du bilinguisme des jeunes étrangers et de participer au rayonnement de la langue française. De plus, cette alternative apparait intéressante pour les territoires et notamment pour la métropole nantaise en termes d’image à l’international. Une personne qui aura découvert la France en séjournant à Nantes et dans la région pourra en parler dans son pays d’origine, décider de venir s’installer sur place ou avoir le réflexe d’échanges professionnels lors de sa future carrière professionnelle. Nantaise d’origine et de retour aux sources depuis quelques années, je porte un vif intérêt au bilinguisme, au multilinguisme, notamment précoce, et m’inscris dans le développement de différents projets sur la métropole. Après avoir passé quelques années à accompagner les jeunes Français en séjours linguistiques vers les pays anglophones, j’ai tenté l’expérience de devenir famille d’accueil pour les lycéens étrangers désirant découvrir notre pays et notre culture. Attachée à ma région et à ma ville, j’ai eu très à cœur de partager ce qui fait notre spécificité pour donner l’envie de revenir et encourager leur entourage à venir également. Je suis coordinatrice locale pour l’association WEP3 afin d’aider d’autres familles et d’autres jeunes à vivre la même aventure. Je suis persuadée que plus les échanges entre les personnes de différentes origines se multiplieront, plus nous serons à même de nous comprendre et de mieux vivre ensemble. Ainsi, l’association WEP propose différents types d’accueil avec toujours comme ligne directrice le partage, la découverte, les échanges : • le programme scolaire • le language buddy • les séjours "à la ferme" ou "en centre équestre" • les stages • les assistants scolaires.

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L'ASSOCIATION Le 9 septembre 1988 marqua la naissance d’un rêve un peu fou de deux jeunes Belges. WEP voyait le jour en se concentrant sur l’envoi de jeunes Belges comme élèves-échanges aux Etats-Unis. Après 5 ans d’existence, l'équipe s'agrandit et WEP s'est installé dans la capitale belge. Le succès des formules proposées par WEP est grandissant, d’autant plus que la réputation s’est vite établie. Après les programmes scolaires, les projets de jobs, stages ou volontariats, WEP propose à partir de 1998 des séjours linguistiques. L’évolution et la croissance de WEP n’ont pas cessé et l'association étend son réseau international pour ouvrir un bureau en Australie, en Argentine avant d'entamer l'aventure en France. En septembre 2006, WEP implante son premier bureau français à Lyon puis en septembre 2008 à Paris. L’envie de nouveaux projets, d'innover et de rechercher des formules adaptées aux aspirations des nouvelles générations reste encore aujourd'hui présente au cœur de l’équipe WEP. WEP est présente sur les territoires au plus près des familles par le biais d’un réseau de coordinateurs locaux. LES DIFFERENTS PROGRAMMES D’ACCUEIL Le programme scolaire est le plus prisé des jeunes étrangers qui souhaitent partager la vie d’une famille française et la vie au lycée. Ainsi, le jeune est accueilli comme un véritable membre de la famille et va développer ses compétences linguistiques. La famille profite également de ces échanges pour découvrir une autre culture et mettre en parallèle les façons de vivre. Qu’est-ce qu’une famille d’accueil ? Les familles d’accueil WEP sont des personnes chaleureuses, curieuses, ouvertes, tolérantes et désireuses de découvrir une autre culture, un autre style de vie, un autre mode de pensée, d’autres traditions et habitudes. Les familles d’accueil WEP veulent découvrir "autre chose", elles veulent en quelque sorte "voyager dans leur fauteuil". Être une famille d’accueil signifie ouvrir son foyer et proposer son mode de vie à un élève d’un pays étranger. Les familles hôtes agissent comme les parents naturels de l’élève étranger. Celui-ci devra faire les efforts nécessaires pour s’adapter à leur style de vie, aux habitudes et aux règles de la famille. Le jeune fréquentera quotidiennement une école secondaire (collège ou lycée en fonction de l'âge, du niveau de français, de la disponibilité, etc.) de la région nantaise. Jour après jour, la famille aura l’opportunité de découvrir les différences entre cultures. Ce sera l’occasion de nouveaux sujets de conversation. Qui peut devenir famille d’accueil ? Ces familles d’accueil viennent de tous horizons. Qu’elles aient des enfants ou non, que les enfants soient plus âgés ou plus jeunes que l’élève-échange, qu’elles soient un couple jeune ou plus âgé, un parent seul avec un ou plusieurs enfants, qu’elles habitent dans une maison ou un appartement, en ville ou à la campagne, elles peuvent accueillir ! Dans la sélection d’une famille, WEP donne la priorité aux qualités suivantes : • le désir réel et profond de s’impliquer dans l’expérience de l’accueil • le respect des normes usuelles de moralité • le respect des normes usuelles d’hygiène. Qu’est-ce qu’un élève-échange ? C’est un jeune qui souhaite s'ouvrir à des valeurs nouvelles, qui a envie de se forger le caractère et de consolider sa capacité d’adaptation et d’interaction avec les autres. C’est aussi un élève qui envisage sérieusement son avenir et qui veut connaître parfaitement notre langue en la pratiquant d’une manière constante. Les élèves échanges de WEP sont âgés de 15 à 19 ans et viennent d’Europe (Est/Ouest), des Etats-Unis, d’Australie, du Brésil, d’Argentine, du Venezuela, du Mexique… Les élèves qui viennent dans notre pays ont délibérément fait le choix de venir en France ; C’est notre culture qu’ils ont envie de connaître. Il ne nous reste donc qu’à leur faire honneur ! Pour être accepté dans le programme d’accueil WEP France, le candidat "échange" doit posséder les qualités suivantes : • avoir une maturité certaine • être prêt à s'ouvrir à l'inconnu

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être apte à séjourner dans un pays étranger durant une longue période être capable d'accepter des différences culturelles sans aucun préjugé avoir un certain dynamisme et enthousiasme avoir conscience des efforts consentis par les familles d'accueil, savoir montrer du respect et de la reconnaissance • s'avoir s'intégrer à un groupe • avoir des résultats scolaires satisfaisants (et un niveau intermédiaire en français). POURQUOI ACCUEILLIR ? Grâce à l’accueil, les familles WEP vont : • découvrir un monde inconnu à travers la personnalité d’un jeune étranger désireux de s’ouvrir l’esprit • comprendre et percevoir un mode de vie et une façon de penser différents • enrichir la famille sur le plan humain • établir des relations humaines durables • avoir une meilleure connaissance des difficultés rencontrées par un jeune élève séjournant à l’étranger, ce qui vous permet d’envisager différemment la même expérience pour ses propres enfants • donner une chance à un élève de découvrir notre pays, notre culture • permettre à cet élève d’apprendre efficacement notre langue • donner, au travers de notre vie quotidienne, une image réelle de la France et mieux faire connaître notre pays et également notre région, notre ville à travers le monde. Le programme de l'Association WEP France est basé sur le principe du bénévolat des familles d'accueil. Le but est de donner aux familles d'accueil l'opportunité de partager leur vie quotidienne avec des lycéens étrangers venus découvrir la culture française. Le jeune, lui, doit couvrir le coût de la cantine scolaire, du transport scolaire, et toutes ses dépenses personnelles (communications téléphoniques en France et avec son pays d'origine, achats divers -vêtements, livres, etc.-, sorties avec ses amis -cinéma, pizzéria, etc.-, fournitures scolaires, ...). Il vient en France aussi avec une assurance médicale (consultations chez le médecin, pharmacie, hospitalisation), rapatriement, responsabilité civile. La famille choisit le jeune qui, selon elle, correspond le mieux à ses attentes. Plusieurs profils peuvent être proposés à chaque famille. La durée d'accueil est d'un trimestre, un semestre ou une année scolaire. L'Association WEP France demande à la famille d'accueil de procurer l'hébergement et les repas pris à la maison (en période scolaire, le repas du midi, s'il est pris à la cantine, est à la charge du jeune). Mais surtout, ce qui est demandé, c'est de considérer le jeune hôte comme un enfant de la famille, de l’aider à s'adapter à son nouvel environnement, d’être patients dans son apprentissage du français, de partager son quotidien avec lui, avec les mêmes droits et responsabilités que tous les autres membres de la famille. Le jeune va s’imprégner totalement du mode de vie en France en partageant également le quotidien des lycéens de son âge. L’inscription à l’école va dépendre de la connaissance de la famille des établissements scolaires publics de la région. Si elle a des enfants en lycée, la logique est que le jeune hôte aille dans le même établissement. Si les enfants sont dans le primaire ou au collège ou si la famille n'a pas d'enfants à la maison, l’inscription se fait dans le lycée le plus proche. Un appui peut être apporté dans cette démarche. L’accueil d’un jeune étranger au lycée peut être moteur pour l’ensemble de sa classe et apporter des éléments de connaissances supplémentaires lors notamment des cours de langues. Coordinatrice locale pour WEP, je suis là pour assurer le suivi du séjour et voir comment la famille et le jeune vivent cette expérience. En tant que représentante de l’association, je recherche, recrute, sélectionne des familles d'accueil. Une fois le jeune arrivé en France, je suis en proximité pour m’assurer du bon déroulement du séjour, être à l’écoute des familles et à celle du jeune, apporter un soutien et éventuellement en cas de difficultés relationnelles, agir en tant qu'arbitre.

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Je suis régulièrement en contact avec les familles et les jeunes. En général, il y a une première rencontre au domicile au cours de laquelle je m'assure des motivations à accueillir, je demande à visiter la maison, voir où dormira le futur hôte, je laisse un dossier à compléter. Une fois que la famille est sélectionnée pour accueillir, elle choisit le jeune qu’elle aimerait accueillir. Au début du séjour, je rends visite pour rencontrer à nouveau la famille et faire connaissance avec le jeune. Pendant le séjour, si tout se passe bien, j’assure un contact une fois par mois. Le language buddy Ce programme est un des meilleurs moyens pour une famille d’apprendre une autre langue tout en restant chez soi. Le candidat est un étudiant de l’enseignement supérieur âgé de 21 ans minimum ou un adulte. De langue maternelle anglaise, espagnole ou allemande (autres langues sur demande), le participant donne 15 heures de cours de conversation /semaine aux membres de la famille. Il est accueilli en pension complète, en chambre individuelle. Étant donné que le "language buddy" est majeur, il gère son temps libre et a le droit de voyager seul pendant son séjour. D’une durée de 1 à 3 mois, cela permet de faire des progrès linguistiques rapidement et efficacement. C’est une véritable occasion d’échange entre l’hôte et la famille d’accueil et un excellent moyen de développement des compétences linguistiques dès le plus jeune âge au sein de la famille hôte. Les assistants scolaires Découvrir la langue grâce à une personne native est un atout non négligeable. Non seulement, il n’y a pas de déformation des sonorités mais l’assistant va également transmettre sa culture, sa façon de vivre et de penser. C’est l’occasion pour les jeunes Français de s’imprégner de la langue étudiée tout en restant dans leur environnement. Ce programme permet à une personne anglophone de venir aider un ou plusieurs professeurs à l’enseignement de l’anglais au sein de leur école (primaire ou secondaire). L’assistant de langue est âgé de 19 à 30 ans ; la durée du programme est d’un ou deux mois ; le programme est possible toute l’année. L’assistant de langue commence son programme par une semaine de cours de français à Paris, pour une remise à niveau, puis enseigne l’anglais durant trois ou sept semaines, dans le cadre d’un stage non indemnisé, avec une convention signée. Il donne 20 h de cours par semaine maximum. L’hébergement est en famille d’accueil. Les séjours à la ferme ou en centre équestre Le séjour à la ferme est un programme insolite qui donne l’opportunité à un jeune entre 18 et 30 ans de vivre 1 à 3 mois au sein d’une ferme française. En échange du gîte et du couvert, le participant aidera dans les tâches quotidiennes (25h/semaine) : soins aux animaux, cueillette de fruits, vendanges, travaux d’entretien, vente de produits sur les marchés locaux …. Les stages Ce programme est ouvert aux étudiants étrangers qui souhaitent acquérir une expérience professionnelle significative. Le stagiaire a un niveau intermédiaire ou intermédiaire supérieur en français. Il choisit le domaine dans lequel il souhaite effectuer son stage. Le stage est non indemnisé. Une convention de stage est signée entre le stagiaire, l’entreprise, l‘école/université et WEP. L’entreprise ne prend pas en charge l’hébergement, mais WEP peut proposer un placement en famille d’accueil. WEP offre la possibilité à des étudiants de travailler au sein d’un hôtel, hôtel-restaurant ou camping français. Différentes tâches peuvent êtres confiées au participant, telles que : l’accueil, la restauration ou l’entretien. Il/ Elle travaille 35h par semaine et l’entreprise d’accueil offre le gîte et le couvert. Si la durée est de 2 mois ou plus, il perçoit une indemnité mensuelle de 479,66 euros en échange de son travail. Le participant est âgé de 19 à 30 ans, possède de l’expérience dans ce domaine mais aussi une bonne compréhension du français pour leur permettre d’être efficace et performant le plus rapidement possible. Quatre élèves WEP ont pu ainsi découvrir Nantes et sa métropole en 2014-2015. Carolin partage la vie d’une famille Herblinoise et a intégré une classe du lycée Carcouet depuis septembre. Elle repartira avec beaucoup de souvenirs en Allemagne en juin. Trois élèves Australiens ont décidé de passer leurs deux mois de vacances d’été parmi nous. D’autres élèves du monde entier souhaitent suivre leurs traces. À nous de leur offrir aussi cette opportunité.

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ANNEXES / ANNEXE 3 Les crèches multilingues Le projet de la Jeune Chambre économique de Nantes pour développer les crèches multilingues

La Jeune Chambre Economique de Nantes, association ayant vocation à offrir aux jeunes professionnels les moyens d’apporter des changements positifs sur leur territoire, a constitué en 2014 une commission sur le sujet du multilinguisme précoce. La commission "Crèches Multilingues", après un état des lieux et une enquête approfondie, a décidé de porter un projet précis : l’intervention d’étudiants ou de citoyens étrangers résidants en agglomération nantaise au sein des crèches nantaises pour interagir avec les enfants dans leur langue maternelle par le biais de comptines, de chansons, de contes, de jeux, etc. Afin de médiatiser notre projet et de le faire connaître au plus grand nombre d’acteurs locaux, nous avons organisé en novembre 2014, une conférence débat sur le thème de l’éveil linguistique pour les jeunes enfants, au sein des crèches. Intervenaient à cette occasion Mme FRANÇOIS, professeure de didactique des langues à l’Université de Nantes, Mme ERNOUL, directrice de l’association EMULI, Mme RABIN, directrice de la crèche bilingue franco-allemande Hansel & Gretel et Mme LAPORT, directrice de la crèche Boite à Musique. Les échanges entre les intervenants et le public, constitué notamment de directrices et de personnel de crèches ou encore de membres d’associations linguistiques, ont notamment porté sur les façons d’appréhender les langues dans les crèches, mais aussi sur les expériences de l’association EMULI et de la crèche Hansel & Gretel. Mme François, pour sa part, est intervenue sur la place de l’enfant en crèche face à une intervention extérieure. L’accent a particulièrement été mis sur les dangers d’une projection par les adultes de leurs attentes ou de leurs interprétations sur les enfants. En effet, les enfants, quelle que soit la langue employée, sont attirés et intéressés dès lors qu’on leur porte attention, qu’ils sont stimulés. Suite à cet événement, nous avons mis en place l’intervention au sein de la crèche Boite à Musique, dirigée par Mme Laport, d’une brésilienne, bibliothécaire de formation et conjointe de chercheur, Simone Paduan. Cette intervention a eu lieu une fois par semaine pendant 4 mois, à raison d’une heure à chaque fois. Dès la quatrième séance, il a été observé une réaction, une répétition des chansons par les enfants. Mme Laport, de son coté, est très satisfaite des interventions mais relève l’importance d’impliquer l’ensemble de l’équipe pédagogique d’une crèche dans le projet avant de le mettre en place. Dans le cadre de notre projet, nous avons contacté de nombreux partenaires. Nous avons reçu un retour très enthousiaste des crèches associatives de Nantes, notamment Ribambelle ou Jour2crèche. D’autres crèches contactées nous ont indiqué qu’elles pensaient mettre le projet en place de manière interne, avec les parents étrangers des enfants dont elles ont la charge.

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Par le biais d’associations étudiantes telles qu’Autour du monde, ou encore par le biais de l'Association des Chercheurs étrangers, nous avons également été mis en contact avec des personnes dont la langue maternelle n’était pas le français, telle que des étudiants effectuant des échanges universitaires ou des conjoints de chercheurs étrangers. Jusqu'à maintenant, le projet leur a toujours été proposé comme un engagement volontaire, sans autre contrepartie que le partage de leur langue maternelle. Malgré cela, nous avons eu de nombreux retours positifs. On constate en effet que, si un certain nombre d’étudiants potentiellement intéressés par le projet ne peuvent pas s’y consacrer en définitive, les problématiques sont en général liées à leurs disponibilités, aux transports ou à la durée de leur présence à Nantes. Nous sommes désormais en discussion avec 3 crèches prêtes à accueillir un intervenant et au moins autant d’intervenants potentiels notamment russophones. Pour étendre le projet, il est nécessaire de reprendre une communication ciblée vers les étudiants à la rentrée universitaire prochaine. L’OGEC Talensac, qui ouvrira une crèche en septembre, souhaite également intégrer notre projet à son programme éducatif. Nous envisageons de reprendre contact avec l’université de Nantes afin de prévoir, si possible, une formation sur une journée ou une demi-journée des intervenants aux bases de la didactique et de la psychologie infantile. Ces différents points ont été évoqués avec nos contacts universitaires ainsi qu’avec les potentiels intervenants sollicités lors de notre enquête préliminaire. Nous sommes aujourd’hui convaincus qu’un tel projet, s’il était porté par les institutionnels (Mairie, Université, Nantes métropole…) ou une association spécialisée, pourrait sans grand frais être généralisé à l’ensemble des crèches nantaises. L’éveil précoce aux langues vivantes ouvre un grand nombre de possibilités déjà évoquées dans ce document. Notre projet permet à des personnes d’origines étrangères, étudiants ou résidents, ne parlant pas forcément le français avec aisance, de s’impliquer dans la vie de leur cité et d‘être valorisés, en faisant découvrir leur langue et leur culture.

Contact : Grégoire COUSIN, Directeur de la commission Crèches Multilingues Jeune Chambre Economique de Nantes Site internet : www.jcenantes.fr mail : jce.commission.creche@gmail.com

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Ils agissent à Nantes...

FÊTE DES LANGUES À NANTES https://www.facebook.com/FetedeslanguesdeNantes? fref=ts EMULI (ECOLE MULTILINGUE INNOVANTE) www.emuli.fr 06 22 69 62 01 contact@emuli.fr

EURADIONANTES 9, rue Jeanne d'Arc - 44011 Nantes Cedex 1 02 40 20 48 00 euradionantes@gmail.com

MAISON DE L’EUROPE www.maisoneurope-nantes.eu 33, rue de Strasbourg (2e étage) - 44000 Nantes 02 40 48 65 49 contact@maisoneurope-nantes.eu CENTRE CULTUREL FRANCO-ALLEMAND www.ccfa-nantes.org 1, rue Du Guesclin - 44000 Nantes - 02 40 35 39 43 ccfanantes@gmx.net GRAINE D’EUROPE www.grainedeurope.eu 15 quai Ernest-Renaud - 44100 Nantes 02 40 20 16 34 contact@grainedeurope.eu OFFICE PUBLIC DE LA LANGUE BRETONNE www.fr.opab-oplb.org 17 Rue Auvours - 44000 Nantes - 02 51 82 48 35 CID-ORIGI’NANTES www.cid-nantes.org Bâtiment Ateliers et Chantiers de Nantes 2 bis, Boulevard Léon Bureau - 44200 NANTES 02 40 47 88 36

DIWAN NANTES naoned.diwan44.org 160 rue du Corps de Garde - 44100 Nantes 07 82 44 93 22 diwan.naoned@yahoo.fr

JEUNE CHAMBRE ECONOMIQUE DE NANTES Grégoire COUSIN, Directeur de la commission Crèches Multilingues Site internet : www.jcenantes.fr mail : jce.commission.creche@gmail.com CRÈCHES MULTILINGUES : • La maison de Jordan - Français-anglais-espagnol Crèche associative 68 places (7 en accueil d’urgence) 2 chemin Petite-Noë - 44300 Nantes 02 40 50 07 22 http://lamaisondejordan.fr • Crèche Fluffy - Français-anglais 4 rue Paul Delaroche - 44100 Nantes 02 40 46 74 78 • Crèche Hansel et Gretel - Français-allemand Crèche associative 30 places 3 rue de la planche au gué - 44300 Nantes http://hanselgretel.44.primiweb.com • Crèche Youn Ha Solena 13, rue du Remouleur 44800 Saint-Herblain kti-legoff@hotmail.fr

ESPACE INTERNATIONAL COSMOPOLIS 18 Rue Scribe - 44000 Nantes - 02 51 84 36 70 MAISON DES CITOYENS DU MONDE http://www.mcm44.org 8 rue Lekain - 44000 Nantes - 02 40 69 40 17 mcminfos@mcm44.org BABEL 44 19, rue Auguste Renoir - 44100 Nantes 06 79 09 71 22

TIRE TA LANGUE : la journée des langues du Lycée Carcouet http://carcouet.paysdelaloire.e-lyco.fr/espace-pedago gique/tire-ta-langue/

A écouter : tous les dimanches à 14h sur France Culture, l’émission d’Antoine Perraud "Tire ta langue"

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nantes-citoyennete.com Conseil de dĂŠveloppement de Nantes mĂŠtropole Tour Bretagne - 44047 Nantes cedex 01 - 02 40 99 49 36 conseildedeveloppement@nantes-citoyennete.com

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UN PARCOURS MULTILINGUE DE LA CRÈCHE À L'UNIVERSITÉ Pour une politique métropolitaine d'excellence en matière d'apprentissage précoce des langues

mai 2015 nantes-citoyennete.com Conseil de développement de Nantes métropole Tour Bretagne - 44047 Nantes cedex 01 - 02 40 99 49 36 - conseildedeveloppement@nantes-citoyennete.com


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