Pour une économie "à la nantaise" dans la mondialisation

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POUR UNE ÉCONOMIE "A LA NANTAISE" DANS LA MONDIALISATION

NOVEMBRE 2012 Hybride solaire en mer et houlomoteur - Copyright ©2011 PAULEY

Michel JOUVET Philippe LAUNAY Henri FAVRE Bruno DESHAYES Manoel DIALINAS Yves JANNIN Marc MOUSSION Alain-Louis GOURDY André-Hubert MESNARD Michel ROMANET Jean NEUILLY Marc PORIER Pierre TREBUCHET Yvonne ABDESSLAM

PISTES A EXPLORER POUR LE PROJET DE TERRITOIRE A L'HORIZON 2030

Contribution collective à



PREAMBULE En juin 2011, huit membres du Conseil de développement se sont associés pour écrire ensemble une contribution intitulée « Vive l'avenir, osons le développement économique ! ». Ce texte a rencontré un très large écho non seulement au sein du Conseil de développement mais aussi dans les réseaux de la décision locale, économique ou politique. Il a permis également de souligner la nécessité de cultiver le débat économique au sein de la société civile pour qu'il ne soit pas seulement alimenté par des clivages stériles et des argumentaires issus de médias qui ont le plus souvent une culture de l'économie assez faible. Il est significatif sur ce point de constater que l'information économique se trouve aujourd'hui bien davantage dans les publications spécifiques ou les blogs que dans les grands médias ; ces derniers disposent de moins en moins de journalistes spécialisés et assurent leur mission d'information en donnant la parole à des « économistes » exprimant plus d'opinions que d'analyses distanciées. Sur la base de ce travail citoyen collectif, le cercle des participants à ce groupe informel du Conseil s'est élargi et a poursuivi sa réflexion. Ils souhaitent livrer aujourd'hui la suite, mais surtout pas la fin, de leur travail en approfondissant plusieurs points qui leur paraissent fondamentaux pour l'avenir. La crise économique et financière est installée et produit ses effets dans la durée, l'actualité de l'été 2012 l'illustre assez bien. Les incertitudes sont grandes : elles ne concernent pas que l'économie et touchent aussi à l'écologie. Dans ces conditions, il faut plus que jamais garder l'esprit combatif et imaginatif ; il faut aussi savoir discerner ce qui fera l'économie de demain et donc les emplois de nos enfants. Ce nouveau texte collectif met donc en exergue plusieurs thématiques pour lesquelles les auteurs ont souhaité approfondir leur réflexion et qui leur semblent constituer aujourd'hui une partie du socle sur lequel doit se fonder l'avenir économique du territoire. Ils l'ont intitulé « Une économie à la nantaise parce qu'il y a des spécificités locales fortes, dans la mondialisation » parce que l'espace est globalisé et ouvert et que les retours en arrière n'existent que dans les œuvres de fiction. Cette démarche va d’ailleurs dans le sens de la première des neuf grandes questions posées à l'issue de la première phase de la démarche « Ma Ville demain » : « Quelle stratégie du territoire dans la mondialisation ? ». Pour appréhender cette stratégie « à la nantaise », les auteurs se sont donc attachés à interroger plusieurs grands secteurs d'activités -actuels et potentiels- pour lesquels il paraît important de discerner atouts et faiblesses à l'horizon 2030 : - les potentialités des énergies marines - l'industrie et les raisons de croire en l’avenir - le développement de l'économie sociale et solidaire. A ces trois thématiques, s’ajoute celle de l’agriculture qui doit être appréhendée comme une activité économique majeure du territoire Les thèmes abordés ici ne sont ni exhaustifs ni exclusifs. La thématique des services n’est pas abordée, même si en Pays de la Loire ils représentent un emploi sur trois du tertiaire marchand avec un lien très fort avec le tissu industriel. Le groupe continuera donc au fil du temps d'explorer d'autres pistes. Le fil conducteur de la réflexion reste la nécessité de continuer à « oser ».


Conseil de développement de Nantes métropole - novembre 2012

SOMMAIRE

Les potentialités des énergies marines

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Les énergies marines à puissance constante ou modulable ............................ Les énergies marines à puissance prédictible ...................................................... Les énergies marines à puissance intermittente et aléatoire ........................... Les micro-algues ........................................................................................................... La mise en jeu des acteurs locaux ........................................................................... Les équipements terrestres ......................................................................................... Conflits d'usage et impacts environnementaux ...................................................

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L'industrie : croire en l'avenir

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Développer le potentiel industriel des PMI du territoire .................................. Placer le capital humain au coeur de la performance des PMI ...................... Initier une Conférence territoriale de l'industrie ................................................. Conforter le triptyque Industrie/Recherche/Formation ...................................... Améliorer la gouvernance économique ................................................................ Favoriser l'adhésion du corps social au développement industriel ............... Anticiper, suivre et promouvoir les innovations technologiques ................... Insuffler le goût d'entreprendre ................................................................................ S'appuyer sur ce qui fait la force des hommes : les solidarités ...................... Recherche et industrie : Alice au pays des quarks ............................................

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Le développement de l'économie sociale et solidaire

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Cartes et chiffres ............................................................................................................ ESS et territoire : l'imagination au pouvoir ? ........................................................ L'ESS : une voie de l'innovation sociale ................................................................ L'ESS : les risques du marketing ................................................................................ L'ESS : une autre définition de la richesse ? ..........................................................

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L'agriculture dans la mondialisation

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Agriculture et mondialisation .................................................................................... Quels enjeux pour l'agriculture et l'agroalimentaire ? ...................................... • Valeur ajoutée et qualité ............................................................................................... • Le marché local ............................................................................................................... • Les nouveaux marchés .................................................................................................. • Le potentiel agricole territorial ................................................................................... • Le rôle des collectivités locales ..................................................................................

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LES POTENTIALITES DES ENERGIES MARINES Parmi les filières d'avenir répondant à la fois aux interrogations économiques et écologiques, celle des énergies marines n'est pas la moindre. Elle suscite des espoirs à la fois de progrès scientifiques et de retombées économiques pour le territoire. Qu'en est-il ?

A court terme, les énergies marines ne constitueront qu'un élément du bouquet énergétique dont doit se doter la France. Pour autant, elles doivent être mises en oeuvre pour pallier la raréfaction de certaines ressources énergétiques actuelles. Elles seront un élément de réponse pour faire face à l’accroissement des besoins qui ne pourront être compensés par les économies d’énergies. Ces nouvelles ressources pourront soit être injectées directement dans les réseaux électriques, soit alimenter des unités de recharge-

ment de batteries, soit offrir une énergie stockable, à partir du « vecteur hydrogène ». Ces sources émergentes doivent être appréciées comme bases d’un projet industriel mobilisateur et fédérateur. Elles doivent être soutenues comme telles, de la phase recherche à la phase exploitation. Par ses prérogatives en matière de planification et de formation professionnelle et universitaire, la Région, en coopération avec les Régions voisines, doit jouer un rôle majeur.

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En 2050, à l'échelle de la planète, les énergies marines pourraient représenter une puissance installée de 180-240 GW, l’équivalent de 112-150 réacteurs nucléaires EPR.

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Les énergies marines à puissance constante ou modulable par l’opérateur

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Energie thermique des mers (ETM) C'est une forme indirecte de l’énergie solaire et donc renouvelable. Dans la zone intertropicale, à 1000 m de profondeur, la température de l’eau de mer est proche de 4 °C, alors qu’en surface elle est supérieure à 25 °C. Cette différence de température peut être utilisée pour produire de l’énergie à puissance constante, mais uniquement dans les zones tropicales.. L'écart de température étant faible, le rendement thermique est peu élevé et les équipements doivent être de taille importante et donc coûteux pour une puissance donnée avec, par exemple, des conduites d’eau de 10 à 15 m de diamètre et d’une longueur de 1000-1500 m, qui sont un des « points durs technologiques ». Le rendement thermique est faible pour de gros investissements. DCNS pilote trois projets de l’ordre de 10 MW, pour une commercialisation vers 2015, à la Réunion, en Polynésie et à la Martinique et compte tirer de ces énergies renouvelables 30 % de son chiffre d'affaires d’ici dix ans, soit un peu plus de 1,5 milliards d'Euros. Un prototype à l'échelle 1/150 est en phase opérationnelle à La Réunion. La technologie ETM est expérimentale et freinée par les coûts. Son développement est envisagé d'abord pour de grandes unités en pleine mer. Le stockage de l'électricité sous forme d’hydrogène

permettrait, à terme, d’accroître l’intérêt pour cette technologie qui pourrait devenir le premier maillon de la filière hydrogène. Le déploiement industriel est envisagé à l’horizon 2030 avec 1200 MW à installer dans 17 zones prioritaires et un coût inférieur à 250 €/MWh. Pour l’horizon 2030-2050, USA et Japon étudient l’extrapolation de la filière ETM à des usines flottantes géantes de plusieurs centaines de MW, opérant sur toute la ceinture équatoriale terrestre, pour la production en mer d’hydrogène et/ou de méthane, d’ammoniac, de méthanol, transportables par navires-citernes et répondant au besoin en énergie primaire des pays industrialisés éloignés des zones où la ressource ETM est disponible. Pour la métropole nantaise, il y a une opportunité de nouvelles activités industrielles à moyen terme, même si Brest apparaît comme la capitale française des énergies marines avec 60 % de l’effort de recherche français. C’est l’enjeu des choix techniques et commerciaux de DCNS et de l’anticipation des dispositifs de formation, car les industriels peinent à trouver les compétences nécessaires, par exemple dans les domaines de l’ancrage en milieu marin, de la géophysique marine ou en-core de l’écologie marine.


Les énergies marines à puissance prédictible Énergie marémotrice Elle est issue des mouvements de l'eau créés par les marées. Elle est utilisée soit sous forme d'énergie potentielle avec l’élévation du niveau de la mer, soit sous forme cinétique avec les courants de marée. C’est une énergie dont on peut connaître à l’avance la puissance qu’elle fournira à un moment donné. La première centrale électrique utilisant l'énergie marémotrice a été la centrale de la Rance, d’une puissance de 240 MW. Cette filière a cependant un impact significatif sur l’environnement, ce qui limite le nombre de sites utilisables. Le Canada a construit une usine marémotrice de 20 MW et développe plusieurs prototypes. Ce pays a établi un atlas des ressources avec 190 sites identifiés, pour un potentiel de 42 000 MW, soit près des 2/3 de la demande canadienne d'électricité en 2008. Trois centrales marémotrices, utilisant les courants de marée avec des machines de type hydroliennes, pourraient être prochainement construites dans la baie de Fundy, sur la côte ouest de l'Île de Vancouver et dans l'estuaire du Saint-Laurent. Ces centrales ne nécessitent pas de barrage et ont un impact limité sur l’environnement. Des projets similaires existent en Inde (50 MW) et en Corée (90 MW). Cette dernière a mis en service en 2011 la centrale marémotrice de Sihwa Lake de 254 MW, et a un projet de 1320 MW à Incheon pour 2017. Actuellement, ni la France, ni le territoire nantais ne sont présents dans cette filière.

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Énergie Osmotique La rencontre de l’eau douce et de l’eau salée est une source potentielle d'énergie. Si les deux milieux sont séparés par une membrane semi-perméable (membrane dite osmotique) permettant le transfert d’un milieu à basse concentration en substances dissoutes (sel marin par exemple) vers un milieu plus concentré, il s’établit une pression équivalente à une colonne d’eau de 120 m qui peut être utilisée dans une turbine pour produire de l’électricité. Les centrales osmotiques peuvent être construites à chaque embouchure de fleuve, de rivière, là où l’eau douce rencontre l’eau salée, à condition toutefois que la concentration en sels soit suffisamment élevée. Pourquoi pas la Loire ? Le potentiel mondial ultime est évalué à 1600-1700 TWh, soit environ la moitié de la production européenne d’électricité actuelle. La puissance est constante et, à la différence de l’ETM, elle n’est pas limitée aux zones intertropicales. Le « point dur » technique reste celui des membranes osmotiques, dont il faut améliorer les performances et diminuer le coût de production.La société norvégienne Statkraft travaille depuis 1997 sur cette filière. Elle a mis en service en 2009, près d’Oslo, un prototype dimensionné pour 10 kW avec 2000 m² de membranes, pour le moment limité à 0.004 kW. L’étape suivante pourrait se situer vers 2015 avec des systèmes de 1 MW. Apparemment, il n’y a actuellement pas de R&D en France et sur le territoire nantais pour cette filière.

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Hydroliennes Elles fonctionnent, sous l'eau, avec des courants marins supérieurs à 2 m/s, liés aux marées. C’est une forme d’énergie marémotrice, et comme cette dernière, on peut connaître à l’avance la puissance fournie à un moment donné. Le potentiel de production électrique est d'environ 30 TWh/an pour l’Europe. Pour le Monde, la puissance potentielle serait de 80 GW. La puissance obtenue augmente avec la vitesse du courant. Il y a plusieurs sites à courants forts en Bretagne et en Normandie : Raz Blanchard (5 m/s) avec un potentiel de 1 000 machines, Fromveur (4 m/s), Chaussée de Sein (3 m/s), Héaux de Bréhat, Cap Fréhel (2 m/s). D'autres sites, de puissance plus modeste, existent en France : goulet de la rade de Brest, goulet du golfe du Morbihan, passes entre îles et continent (Groix, Belle Ile, Noirmoutier, Yeu, Ré, Oléron), embouchures de fleuves et d’abers, goulet du bassin d’Arcachon… La Norvège a exploité la première des hydroliennes en 2003 et met en œuvre aujourd’hui des machines de puissance unitaire de 1.5 MW. La Grande Bretagne met en œuvre des hydroliennes de puissance unitaire de 1 MW et développe des projets de parcs hydroliens de 100 à 400 machines. La France (société Sabella de Quimper, maintenant alliée à GDFSuez) a réalisé un premier prototype de 0.04 MW en 2008, et installé en 2011 le parc pré-industriel hydrolien d’EDF-EN de Paimpol Bréhat (constructeur DCNS), avec une première machine de 0,5 MW

et trois autres machines en 2012 qui seront raccordées au réseau début 2013. Le groupe Alsthom développe à Nantes avec l’Ecole Centrale et Ifremer des hydroliennes (projets Orca et Beluga) avec une ambition mondiale. Les USA ont un projet d’un parc de 1500 MW, dans le Gulf Stream, au large des côtes de Floride. On peut envisager des hydroliennes fonctionnant avec des courants fluviaux quand ils sont supérieurs à 2 m/s, par exemple entre 2 piles rapprochées d’un pont ou sur des torrents. Dans ce cas, c’est une forme d’hydroélectricité sans barrages. La société allemande Smart Hydro Power produit des micro turbines de 5 KW à placer « au fil de l’eau » sur les petits cours d’eau. Pour cette filière, la France a du retard. Avec plusieurs sites potentiels à une centaine de km de Nantes, cette filière peut aussi contribuer à sécuriser la production électrique pour la métropole nantaise, mais ce sont la Bretagne et La Normandie qui ont les meilleurs sites. Les énergies marines à puissance intermittente et aléatoire Ce sont les plus difficiles à intégrer dans un réseau électrique en raison de leur intermittence. Éolien offshore Ce n’est pas tout à fait une énergie marine mais de l’éolien en mer, là où les vents sont plus puissants et plus réguliers que sur terre, le taux de disponibilité


janvier 2012 la France n’a encore aucun parc offshore en service. La production d‘éoliennes offshore est actuellement dominée par l’Allemagne et le Danemark. Le territoire nantais est concerné par l’éolien offshore dans le secteur de la métallurgie, avec l’implication de STX, Alstom, Defontaine. Le territoire nantais est aussi concerné par la possibilité de sécuriser la ressource énergétique métropolitaine avec les meilleurs sites français sur la façade atlantique et au moins 2 parcs offshore potentiels à une centaine de km de Nantes. La Bretagne est présente sur la filière plate-forme flottante (projet WINFLO) avec DCNS et le pôle mer Bretagne. Énergie de la houle, ou énergie houlomotrice L’énergie de la houle est une forme indirecte de l’énergie éolienne. La puissance produite est aléatoire. Le potentiel mondial est évalué à 1400 TWh/an pour l’Europe, dont 37 TWh/an pour la France (potentiel puissance 15000 MW soit 9 réacteurs EPR). L’impact environnemental est faible, les installations houlomotrices étant presque invisibles en surface. La première machine transformant l'énergie mécanique de la houle en élec tricité a démarré en Espagne en 2004, et

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passant de 25-30 % à 40-45 %. Cette meilleure disponibilité atténue l’aspect intermittent de l’énergie éolienne et permet de l’intégrer plus facilement dans un réseau électrique. Le potentiel de l’éolien offshore serait de l’ordre de 15000 MW pour la France (équivalent 9 EPR). En 2012, les éoliennes offshores ont des puissances unitaires de 5 à 7 MW, et des parcs offshores de 150 - 500 MW sont en projet. Cette filière énergétique est techniquement mature, en phase d'industrialisation, avec un coût du kWh produit comparable à celui des modes classiques de production d’électricité. La filière « éolien offshore » comporte 2 variantes, l’une avec plateforme sur pieds dont l’utilisation est limitée aux faibles profondeurs, mais facilement industrialisable avec les techniques de l’offshore pétrolier. L’autre variante, encore à l’étude, utilise une plateforme flottante que l’on pourra installer là où existent de grandes profondeurs (Méditerranée par exemple), et là où les surfaces exploitables ne sont pas limitées. Comme pour l’ETM, on peut envisager des parcs éoliens offshore géants, loin des côtes, avec production et stockage d’hydrogène. Cela supprimerait le caractère aléatoire de l’énergie éolienne. Le marché de l’éolien flottant serait le triple de celui de l’éolien posé. En 2012, pour cette filière énergétique, il y a un retard français de plus de 10 ans, tant pour la maîtrise de la technologie que pour l’installation et la production éolienne offshore : le Danemark a mis en service son premier parc offshore en 1991, au 1er

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depuis 10 ans la commission européenne a contribué au développement de cette filière. La technologie est émergente et un effort de R&D est encore nécessaire avant sa maturité. Le projet SeaRev est en développement à l’École Centrale de Nantes et il est prévu de mettre un prototype en test au large du Croisic pour 2014. Un autre prototype est en expérimentation au large du Portugal avec des projets de fermes de 10 MW (2015) et 50 MW en Grande Bretagne et des puissances unitaires de 2.5 MW. Les USA ont plusieurs prototypes en test. Cette filière ne sera pas industrialisée avant 5-10 ans. Si cela est le cas, on peut espérer que les choix techniques et commerciaux des acteurs locaux soient les bons. Au niveau de la production d’électricité, avec les meilleurs sites français relativement proches de la métropole, l’énergie houlomotrice peut contribuer au « mix énergétique » nantais. Énergie des vagues Cette énergie utilise le déferlement des vagues. La puissance produite est intermittente et aléatoire. Quatre machines fonctionnent avec l’énergie des vagues aux Açores (0.4 MW), en Ecosse (0.5 MW), au Japon (0.12 MW), au Portugal (machine AWS en 2004). Il existe un projet pour la Polynésie française. L’entreprise écossaise AWS développe des projets de machines de 2.5 MW pour 2014 et de 10 MW pour 2016. *

Comme pour l’énergie houlomotrice, la diversité des systèmes proposés traduit le manque de maturité de la technologie et la nécessité d'un effort de R&D pour atteindre le stade industriel. La filière n’est exploitable que le long de certaines côtes, alors que l’énergie houlomotrice peut être exploitée en tout point des océans. Aucun des systèmes en développement n’est encore arrivé à un stade préindustriel. DCNS est présent sur 2 concepts : CETO et Wave Roller. Le coût visé serait 150-200 €/MHh. Les micro-algues Ce n’est pas une énergie marine, mais plutôt une ressource énergétique issue de la mer. Les micro-algues ne produisent pas d’électricité, mais poussent par photosynthèse en transformant l’énergie solaire en énergie chimique, ce qui pourrait, théoriquement, produire 25000 litres de biodiesel (ou de bio-kérosène pour les avions) par hectare et par an, sans consommer d’engrais et de pesticides et en recyclant le CO2, en traitant des eaux usées et sans concurrence avec la ressource alimentaire. Le rendement est très supérieur à celui des plantes terrestres pour produire des agro-carburants. Les micro-algues ne seraient pas exploitées en mer, mais à proximité immédiate des côtes. Le centre IFREMER de Nantes est associé au projet national SHAMASH* qui a pour objectif de produire un biocarburant à partir de microalgues.

Du nom du dieu soleil dans le panthéon mésopotamien, le projet SHAMASH, regroupe équipes de recherche et entreprises

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Les compagnies aériennes suivent de près le développement de cette filière qui pourrait être une alternative aux carburants pétroliers pour le transport aérien. Potentiellement, il y a un secteur industriel en devenir centré sur les biotechnologies et la chimie. Mais il pourrait y avoir des conflits sur l’occupation des espaces à proximité immédiate des côtes : combien d’hectares « neutralisés » pour subvenir à nos besoins en biodiesel ou en bio-kérosène ? Et au détriment de qui ?

Au-delà des problèmes scientifiques et technologiques, passer du laboratoire au « parc énergétique maritime » suscite des questions liées aux process de production, à l’ingénierie et à la logistique, mais aussi aux activités maritimes et littorales existantes, aux aménagements fonciers, à l’environnement, à la formation, à l’emploi, à la législation, … Les énergies marines ne seront pas toutes opérationnelles à l’horizon 2030, mais toutes les conditions d’accueil doivent déjà s'organiser. Bien que qualifiées de "marines", ces énergies auront un impact terrestre, pour leur approvisionnement, leur stockage, leur valorisation, leur distribution… Elles sont consommatrices d’espace, c'est une caractéristique des énergies renouvelables. A titre d’exemple, pour une puissance installée équivalente (480 Mégawatts), le "parc éolien" au large de Saint-Nazaire consommera environ 8000 hectares, alors que la centrale gaz de Montoir en consomme

Établissements de Formations L’Ecole centrale, avec son bassin de houle et son programme de recherche SEAREV, est un partenaire incontournable pour l’énergie houlomotrice. La Faculté des sciences, avec ses programmes de recherches sur les matériaux et les batteries, peut être à la base de coopérations entre constructeurs et producteurs d’énergies. Les travaux de l’Université de Brest constituent une référence pour de nombreuses études liées à la biologie

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La mise en jeu des acteurs locaux

moins de 5. Le développement de ces différentes formes d’énergies nécessitera l’existence et la mobilisation de socles de recherches et de bases industrielles importants. La Loire-Atlantique en particulier et l’Ouest en général peuvent-ils être des acteurs industriels et scientifiques pour la mise au point et l’exploitation de ces énergies ? S’agissant d’activités émergentes, nécessitant jusqu’à deux décennies de mise au point, les décideurs doivent anticiper les conditions de recherche, de développement et d’accompagnement et de formation. Il y aura des coopérations et/ou des concurrences entre laboratoires, qu’ils soient intégrés à des groupes industriels ou qu’ils relèvent du domaine universitaire. Dans leur phase industrielle, ces projets seront portés par de grandes entreprises spécialisées dans la production et la distribution d’énergie, parfois ils seront adossés à des groupes industriels et/ou financiers. De nombreux établissements, y compris des PME de la Région, peuvent trouver naturellement leur place dans ces programmes.

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marine, aux courants marins, aux interactions entre vent et houle à la surface des mers. Ces derniers programmes sont au coeur du LabexMer attribué à cette Université en 2011. Au delà de leurs qualités pédagogiques et théoriques, ces établissements devraient voir leurs compétences expérimentales et numériques confirmées et renforcées par leurs coopérations avec de nombreux laboratoires et entreprises. Établissements de Recherches Le premier d’entre eux est l’IFREMER avec ses laboratoires de Brest à La Rochelle. Ils devront répondre aux multiples questions tout au long de l’évolution de ces programmes. DCNS développe plusieurs projets pour l’exploitation des énergies marines, notamment pour l'ETM, ce qui ouvre la voie à une diversification des activités. A des titres divers, d’autres laboratoires (C.E.B.T.P., IFSTTAR, B.R.G.M., C.N.R.S.) ou groupements d’activités et de services (Néopolia, IRT Jules Verne, EMC2, stations météorologiques), pourront apporter leurs savoirs théoriques, valider des tests, procéder à des expérimentations, épauler des PME. Les recherches sur les micro-algues, déjà mentionnées, sont très présentes dans nos territoires. Établissements Industriels Plusieurs établissements industriels de l’estuaire peuvent apporter leurs savoirfaire dans le développement des filières

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d’énergies marines. En premier lieu, il y a les producteurs d’énergie que sont EDF, GDF-SUEZ, Total. Ils maîtrisent, à des degrés divers, l’ingénierie, le captage off-shore, le transport, le stockage, le raffinage, la liquéfaction, la gazéification, la production, la distribution… Mais plusieurs autres établissements peuvent bénéficier de tels programmes, STX notamment pour la construction de plateformes, de barges ou de navires de transbordement et de pose des éléments métalliques constitutifs des installations off-shore. La flotte de navires câbliers est-elle adaptée et suffisante, ou faudrat-il construire de nouvelles séries de navires ? Le développement de l'ETM, de l’éolien offshore flottant, et de leur corollaire l’hydrolyse de l’eau de mer, conduira à la construction de navires spécialisés dans le transport d’hydrogène. La mise au point de cette filière hydrogène pourra utilement s'appuyer sur la Mission Hydrogène des Pays de la Loire, dont l'action depuis des années mérite d'être saluée. D’autres établissements de l’estuaire peuvent être associés à ces divers projets et l’activité du Grand Port Maritime se verrait consolidée par ces programmes. Les équipements terrestres Ces énergies marines fonctionneront avec des équipements… terrestres : aires de pré assemblage et de stockage des matériels, avant leur installation en mer,


Conflits d’usage et impacts environnementaux Les zones côtières sont ouvertes à de multiples activités : la pêche, les activités portuaires, les équipements nautiques, sportifs et touristiques, les activités militaires… Les impacts varieront selon les sites mais la localisation des équipe-

ments devra être compatible avec la loi littorale, les zones Natura 2000 et tous les sites sensibles. L’installation de lignes aériennes haute tension est souvent l’objet de contestations. Certains impacts pourront être évalués scientifiquement, d’autres relèveront d’appréciations esthétiques ou émotionnelles. Les littoraux sont l’objet d’une grande diversité de dispositions législatives. Il faudra donc définir des règles de compatibilité entre le droit maritime, les directives liées à l’usage du domaine maritime terrestre, les lois d’aménagement du territoire, le droit du travail,… sans oublier l’actualisation des plans ORSEC et POLMAR. En un mot, identifier les contraintes et avantages. Les compétences de la Faculté de droit sont mondialement reconnues en matière de droit maritime et son concours sera précieux pour assurer l'expertise.

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acheminement de l’énergie des « parcs marins » aux lignes de transport terrestres, avec transformateurs sur le littoral. La production d’hydrogène en lien avec le développement de l’ETM entraînera l’installation d’entreprises de liquéfaction dans les régions intertropicales et de cuves de stockage et de gazéification dans les emprises portuaires Avec le méthane, le Port et GDF-SUEZ ont acquis une grande expérience en ce domaine. Ces acquis sont-ils directement transposables à l’hydrogène ? L’usage des micro-algues à des fins énergétiques nécessitera des stations de pompage, de traitement et de rejet de l’eau de mer, pour alimenter les bassins de culture. Cette activité sera plutôt orientée vers la production de carburant. Quelles seront les surfaces et les technologies d’accompagnement nécessaires ?

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L’INDUSTRIE : CROIRE EN L’AVENIR Dans le marasme économique et financier actuel, il est de bon ton de pleurer les industries perdues. Au-delà du choeur des plaintes, il faut plaider aujourd’hui pour un renouveau industriel adapté au temps présent

Elément plus préoccupant : si l'industrie est célébrée partout (souvent d'autant plus fortement qu'elle fuit à l’extérieur), la réalité vécue montre qu'elle est souvent mal acceptée localement. Les implantations industrielles sont loin de toujours rencontrer un accueil enthousiaste. La question autrefois posée par les habitants « Y aura-t-il du travail pour nous dans cette usine ? » est souvent remplacée désormais par une autre antienne « Quels sont les risques que nous fait courir cette nouvelle usine ? ». Les questions d'environnement et de nuisances sont tout à fait légitimes, elles traduisent cependant une évolution majeure de l'attente sociale et du nouveau rapport risques/développement. Le « progrès » est réinterrogé par cette nouvelle attitude de la population, pour laquelle la définition du développement économique se modifie sans connaître encore de réinvention satisfaisante. Dans ce contexte, il est important à la fois de rappeler les repères et de fixer les caps. Nos enfants et petits enfants ont besoin d’activités et d’emplois pour maintenir une société vivable.

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Dans le territoire métropolitain, le terreau classiquement favorable au développement industriel existe. La démographie traduit à la fois des capacités d'attractivité et une certaine forme de confiance en l'avenir. Par ailleurs, les décideurs locaux manifestent une réelle capacité d'anticipation de la société de transition qui se dessine peu à peu. Cela se traduit par des politiques publiques anticipatrices en matière d'eau, d'énergie, de transports, de nouveaux matériaux et bien entendu de soutien aux innovations. Si les atouts existent, les faiblesses sont aussi présentes, comme ailleurs en France. La qualité de la formation est évidente dans les grandes écoles et les filières universitaires mais les filières techniques sont encore trop souvent stigmatisées au Lycée. La désaffection des jeunes pour les filières scientifiques et techniques ne va pas dans le sens du maintien et du développement des activités industrielles. Sur le plan de l'activité économique, les grands groupes industriels sont présents mais les entreprises intermédiaires sont souvent insuffisamment nombreuses.

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Il ne sert à rien de nier les réalités, il faut au contraire les affronter et donner des raisons d’espérer. Le territoire que nous partageons a des atouts sur lesquels il faut s’appuyer. Les chiffres nationaux sont certes préoccupants… Entre 1980 et 2008, la part de l'industrie dans le PIB est passée de 24 % à 14 %, les emplois industriels de 5,32 millions à 3,4 millions et les investissements de 33,8 % à 19 %. Trois facteurs principaux sont à l'origine de la diminution de l'emploi industriel : l'externalisation de services internes des entreprises industrielles vers les entreprises de services (incidence de 25 %), l'augmentation des gains de productivité (incidence de 30 %) et enfin la concurrence étrangère (incidence de 45 %). Par ailleurs, entre 2009 et 2011, 900 sites industriels ont été fermés contre 500 créés. L'actualité de l'été 2012 du secteur automobile confirme ce déclin. …mais le secteur industriel reste important… L'industrie emploie encore 3 millions de salariés avec un effet multiplicateur élevé puisque 1 emploi industriel crée 2 à 3 emplois de services associés. L’industrie et les services marchands aux entreprises constituent le nouveau périmètre d’activité industrielle par leur complémentarité : ils représentent 30 % de l'emploi total. Par ailleurs, le chiffre d'affaires industriel s'élève à 350 milliards d'euros et l'industrie finance près de 90 % de la recherche des entreprises. De leur côté,

les PME (10 à 250 salariés) sont les principales créatrices d'emplois (2,3 millions sur un total de 2,8 millions depuis 20 ans). Elles représentent 55 % de l'emploi salarié, 44 % de la valeur ajoutée, 34 % de l'investissement corporel. …notamment dans la région Les Pays de la Loire se classent au 3è rang des régions industrielles françaises avec 254 000 salariés représentant 21 % de l'emploi régional et au 4è rang pour la valeur ajoutée. La Loire-Atlantique est le moteur principal de l'industrie régionale avec 72 000 salariés dont 37 000 pour la métallurgie. Le département pèse également très fortement pour les services aux entreprises avec 43 000 salariés. L’industrie est le premier client (38 %) du secteur marchand des services aux entreprises. S'agissant des PMI en Pays de la Loire, elles représentent 2/3 des emplois industriels et 76,3 % de la valeur ajoutée régionale. En Loire-Atlantique, ce sont 3 738 établissements PMI qui emploient 46 862 salariés. Les collectivités locales, et notamment les régions, sont aujourd'hui les mieux à même d'intervenir en matière de développement industriel. C'était d'ailleurs l'une des conclusions d'un rapport du Sénat en 2011 sur la réindustrialisation. A la veille d'une réforme territoriale qui devrait conforter les régions dans leur rôle en matière économique, l’expérience de nos territoires peut constituer un des exemples sur lesquels le législateur pourra s’appuyer.


Des raisons de croire en l’avenir Dans un territoire qui ne baisse pas les bras et dont les décideurs refusent la « tentation de la pause », les collectivités agissent pour le développement du territoire et chacun s'en félicite. La Région des Pays de la Loire est particulièrement active en développant la promotion du concept d'intelligence économique et en multipliant les initiatives sur la base d'un schéma directeur ambitieux. Cette position doit être soutenue et encouragée. Pour la conforter, on peut formuler un certain nombre de propositions qui soient de nature à amplifier l'action déjà conduite et à valoriser les atouts locaux spécifiques.

Il s'agit d'aller bien au-delà du programme collectif Dynamic Entreprises, créé en 2007 par l'État et le Conseil Régional des Pays de la Loire et géré actuellement par la CRCI des Pays-de-laLoire. Ce dispositif s'appuie sur 3 fondamentaux des PME : la performance interne, la stratégie commerciale et l'innovation. Un levier d’action complémentaire conçu par M. Capraro* (luimême concepteur des programmes de compétitivité mis en place en Loire-Atlantique pour STX et Airbus et aussi du programme Dynamic entreprises) mériterait d'être mis en place. Il consiste à évaluer la capacité globale des PMI à créer et développer durablement de la valeur ajoutée industrielle. Objectif Le territoire métropolitain doit ancrer la valeur ajoutée industrielle sur son terri-

toire pour assurer l'emploi et conforter la cohésion sociale. Cette valeur ajoutée est la somme des valeurs générées par l'ensemble des entreprises. La démarche consiste donc à apprécier le capital global de l'entreprise au travers de l'analyse de chaque domaine d'activité (commercial, équipements, produits, services, innovation, finances, développement durable…) mesuré par des critères spécifiques. En matière commerciale, les critères peuvent concerner la fidélité clients, la force de vente, le réseau de distribution... Pour les compétences, il s'agit de savoir-faire des équipes, de polyvalence, de polycompétences… Pour le domaine financier, ce sont les capitaux propres, l'endettement, la capacité d'autofinancement... Le but est de permettre aux entreprises les plus exposées d'inverser la pente et aux autres d'accroître leur développement.

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Développer le potentiel industriel des PMI du territoire

* Auteur, avec Gérard Baglin, de « l’entreprise étendue », Presses universitaires de Lyon, 2003

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Positionnement des PMI : 3 niveaux de potentiel possibles : - Les entreprises à potentiel fort. Ce sont celles susceptibles de créer de nombreux emplois directs et induits. Il faudrait alors mettre en place des actions spécifiques pour consolider ce potentiel - Les entreprises à potentiel moyen. Ce sont celles qui ont besoin d'accompagnement plus lourd pour assurer leur ancrage sur le territoire et maintenir le maximum d'emplois - Les entreprises à potentiel faible. Dans ce cas, il faut apprécier si elles possèdent des points forts et examiner comment les exploiter, mais aussi analyser leurs faiblesses et définir les actions correctives indispensables. Un Programme Collectif de Masse à lancer sur la base du volontariat de dirigeants de PMI Le programme reposerait sur une phase diagnostic suivie d'une phase d'accompagnement, les deux étant assurés par des consultants spécialisés qui fonctionneraient en association avec le dirigeant concerné. Les Pouvoirs Publics Régionaux ou Métropolitains, associés aux Organisations Professionnelles et Consulaires, ont un rôle essentiel à assumer. Booster les PMI en impulsant des actions complémentaires : - Les unes sous forme de « meute ». Il s'agit d'entreprises regroupées autour

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d'un leader « chef de meute » se mobilisant sur des enjeux fédérateurs et forts avec pour objectif d'obtenir des résultats bénéficiant à chacun. La meute lance des actions dites « coup de poing », puis se remet en sommeil, et se reconstitue pour de nouvelles actions. Une instance « vigie » est chargée d'assurer une veille et de lancer les opérations. - Les autres à caractère permanent : les Clusters. Il s'agit de coopération d'entreprises qui mutualisent des moyens et développent des complémentarités sur un territoire pour améliorer leur efficacité économique. Des passerelles peuvent être créées avec de grandes entreprises ainsi que l'université et des laboratoires de recherche. Les clusters sont initiés par des collectivités locales ou entre entreprises (exemples : Neopolia à Saint-Nazaire pour la navale et l'aéronautique ou le dispositif Clusters Rhône-Alpes mis en place avec succès par le Conseil Régional. Les IRT constituent aujourd’hui en quelque sorte les clusters de l’avenir. Sur ce point, l’IRT Jules Verne à Nantes est une réussite qui doit appeler des suites dans divers domaines d’activité. Placer le capital humain au coeur de la performance des PMI Le capital humain est en effet un levier de croissance pour l'entreprise et un atout majeur pour le territoire. Ce potentiel humain doit être encore mieux valo-


La question de la "mixité", largement débattue dans tous les domaines de la vie quotidienne, doit prendre aussi tout son sens dans l'emploi industriel. Un autre objectif serait de renforcer et accélérer la professionnalisation en cours des PMI en Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences. Pour ce faire, il serait nécessaire d'aller au-delà des dispositifs proposés actuellement aux PME en facilitant la mise en place de « Pilotes de la GPEC/Formation ». Ce pilote exercerait une mission à temps partiel mais variable suivant les PMI. Choisi au sein de l'entreprise ou détaché par une structure extérieure, il agirait comme relais du dirigeant après une formation aux outils et aux aspects relationnels. Une tête de réseau extérieure serait à créer pour renforcer leur efficacité et les appuyer si besoin. Initier une Conférence territoriale de l’industrie Cette conférence associerait tous les acteurs locaux concernés par le développement industriel, avec l'objectif de créer des synergies dans la gouvernance et la politique industrielle territoriale. Ce serait l'organe de référence en matière de consultation, de propositions et de suivi sur les sujets relatifs au développement industriel régional.

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risé : la formation continue et l'apprentissage jouent un rôle majeur particulièrement pour l'attractivité des métiers techniques. Il ne s'agit pas que de l'Education nationale mais aussi de formation au sein même des entreprises. L'apprentissage est un passeport pour l'emploi des jeunes, même s'il n'a pas toujours la considération qu'il mérite. Il offre des taux de réussite et d'insertion professionnelle importants, ce qui est un atout majeur en période de chômage des jeunes. Les Pays de la Loire sont l'une des premières Académies en matière d'apprentissage, mais les effectifs d'apprentis dans l'industrie régionale restent insuffisants. Un effort important doit être engagé pour développer l'apprentissage industriel. Les entreprises pourront ainsi recruter des jeunes à des postes de production et de techniciens avec des compétences professionnelles solides en s'appuyant sur une pratique d'entreprise. La présence de jeunes femmes en apprentissage est extrêmement faible. Pourtant leur intégration est réussie. Elles ont toutes les qualités utiles à l'entreprise et constituent un élément d'équilibre dans les équipes d'atelier. Encourager l'emploi féminin dans l'industrie est un enjeu pour répondre aux besoins structurels de main d'œuvre. Beaucoup de métiers industriels à dominante traditionnellement masculine sont ou vont se trouver en tension. Il est donc indispensable de faire évoluer la mentalité des acteurs concernés : élus, enseignants, orienteurs, entreprises, médias, parents.

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Conforter le triptyque Industrie/Recherche/Formation

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L'IRT Jules Verne est le bon exemple à suivre en matière d'intégration des PME/ PMI : participation aux projets de recherche mutualisée et exploitation des résultats en liaison avec les grands groupes, orientation des jeunes vers ces entreprises, liaison avec les établissements d'enseignement supérieur. Toutefois, les responsables politiques et économiques devront se donner les moyens d’évaluer la durabilité du lien entre recherche et production. A titre d'exemple les technopoles françaises n’ont pas toujours connu l'osmose entre Recherche et Industrie de type Silicon Valley. Améliorer la gouvernance économique Une partie de la redéfinition des finalités du développement économique se joue dans une manière renouvelée de conduire les entreprises. Il y a de nouvelles aspirations, notamment chez les plus jeunes pour inventer, sinon un nouveau modèle de développement économique, du moins une nouvelle manière de vivre en entreprise. Cela passe par des innovations démocratiques, de nouvelles for-

mes d'association des salariés, une organisation du travail renouvelée, une forme d'économie collaborative. Favoriser l’adhésion du corps social au développement industriel Rien ne sera possible sans que le projet de développement économique soit partagé. Or, ce sujet fait débat et plusieurs conceptions s'opposent aujourd'hui. D'un côté, l'homme a besoin de projets, qu’il s’agisse de construire une pyramide pour les siècles futurs ou une cabane au fond de son jardin. Le projet est un moteur et son absence fait souvent régresser. L’Histoire humaine est une Histoire de projets, plus ou moins utiles mais qui tracent une ligne que l’on appelle souvent Progrès. Les opposants aux projets apparaissent alors conservateurs, manquant d’ambition. Cette dualité de l’ancien et du moderne a rythmé le parcours historique des humains. Une faille apparaît aujourd’hui. Notre éducation s’est construite dans la perspective d’un monde « illimité » dans lequel le progrès permet de faire toujours plus et toujours mieux. Or, un certain nombre de signes nous indiquent désormais que le monde (au moins celui


Anticiper, suivre et promouvoir les innovations technologiques

favoriser l'innovation et accroître la sécurité de fonctionnement. C'est le cas en matière médicale mais aussi dans le domaine automobile. L'idée est de disposer de plate-formes communes, faciles à maintenir et que chacun peut enrichir. Les constructeurs automobiles, par exemple, travaillent sur l'open source pour rendre à terme les véhicules capables de communiquer entre eux et d'échanger des informations. Les FabLab Un FabLab regroupe un ensemble de machines professionnelles à commandes numériques standard, et donc peu couteuses. Organisés en réseau mondial sur le principe de la fabrique numérique collaborative, les FabLab intéressent aujourd'hui les PME pour fabriquer un prototype ou pour inscrire leur développement dans une communauté susceptible de les faire évoluer. Les atouts de Nantes sont importants dans le domaine numérique et méritent d'être encore mieux soutenus qu'ils ne le sont.

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que les humains sont capables de percevoir) pourrait bien avoir certaines limites et que l’objectif deviendrait alors celui de le conserver au mieux. Dès lors la question des nouvelles formes du développement est posée. Qu’est-ce que la modernité ? De grands projets ou une faculté d’adaptation au monde en recherchant de nouvelles solutions ? La croissance classique ou la décroissance ? La première crée de l’activité et de l’emploi mais grignote les ressources dont nous disposons, la seconde semble préserver les ressources mais fige les inégalités criantes et la capacité d’innovation de l’intelligence humaine. Au-delà des aspects « techniques » de la vie économique, c’est bien ce grand débat, de nature philosophique et politique, qu’il faut nourrir pour imaginer des « modèles » partagés de développement. Ces « modèles » ne doivent pas être animés par les craintes, les peurs et les renoncements mais par une capacité à « oser ».

L'open source La conception de certains équipements selon le modèle « open source » peut

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Insuffler le goût d’entreprendre

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La métropole de 2030 a besoin d’entrepreneurs pour réussir à la fois ses mutations et son développement. Les expériences conduites par le Conseil de développement avec les jeunes volontaires du service civique mettent en lumière une certaine défiance vis-à-vis du monde de l’entreprise. Ils ne sont pas représentatifs de la jeunesse dans son ensemble et bien d’autres jeunes, ceux qui sont en apprentissage par exemple, démontrent chaque jour le contraire. Il faut néanmoins être attentif à ce signal de défiance et mettre en oeuvre des moyens propres à insuffler le goût de l’entreprise, l’envie de métier dans toutes

les franges de la jeunesse. C’est une condition d’un territoire gagnant. S’appuyer enfin sur ce qui fait la force des hommes : les solidarités Cette solidarité des hommes, des entreprises, des collectivités, des établissements d'enseignement… est la condition de la réussite. C'est une formule nantaise qui a donné naissance au Pôle EMC2 et à l'IRT Jules Verne. Louis Gallois, Commissaire général à l’investissement, a salué à Nantes cette formule exemplaire.


Recherche et industrie : Alice au pays des quarks

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ALICE est l'une des expériences installées sur le LHC, grand accélérateur-collisionneur de particules (tantôt des protons pour la recherche du boson de Higgs, tantôt des ions lourds pour la recherche du plasma de quarks-gluons) mis en service en 2008 par le CERN à la frontière franco-suisse.. Le CERN fut en 1953 l’une des premières institutions européennes bien avant Airbus, Ariane et l’Euro. Les physiciens européens ont ainsi souhaité mutualiser les moyens humains, matériels et financiers de recherche de chaque pays. L’objet de l’expérience ALICE est de comprendre les premiers instants de notre Univers, en reproduisant et étudiant l’état de la matière au moment du Big Bang, une "soupe" de quarks et de gluons qui, selon la théorie actuelle, sont les composants fondamentaux de la matière. Dans cette expérience ALICE, qui regroupe plus de 1000 physiciens issus de 111 laboratoires dans 31 pays du monde, Nantes tient une place non négligeable avec la participation du laboratoire Subatech, unité de recherche associant l'Université de Nantes, l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS et l'école des Mines. Subatech-Nantes participe ainsi, en collaboration avec des laboratoires européens, américains et asiatiques, à la construction et l’exploitation d’un des détecteur de particules de l’expérience ALICE, le calorimètre électromagnétique, nécessaire à la mesure des photons et jets de particules à haute énergie produits par les collisions du LHC. Au-delà de la notoriété internationale acquise par des équipes de recherche nantaise, souvent méconnues localement, et qui se traduit entre autres par un flux continu d’échanges avec des chercheurs de tous pays, on pourra mentionner la relation directe avec l'industrie locale. En effet, le tissu industriel local, dense et diversifié est compétitif pour répondre aux besoins de grands équipements scientifiques internationaux. A travers la mise au point, par les chercheurs et ingénieurs, des composants, mécaniques, électroniques, informatiques, nécessaires à ce grand équipement de recherche fondamentale, se développe une diversification des activités industrielles, et parfois des innovations techniques qui profitent à l'industrie en général et aux industriels locaux en particulier. A cet exercice, la France est plutôt gagnante, car la part des commandes du CERN allant à l’industrie française est supérieure à la contribution financière française. Au plan local, des entreprises comme la Fonderie Renouard à Héric, Mecaria à Riaillé, Meca Atlantique à Châteaubriant, Meunier à Brest, LRA à Grenoble, ont reçu des commandes significatives de l’expérience ALICE, et sont maintenant référencées dans la base de données du CERN en vue de futurs appels d’offres. Au plan international, des entreprises japonaises et américaines ont pu développer et industrialiser un nouveau type de capteur opto-électronique à travers les besoins d’ALICE.

Manoel Dialinas - laboratoire Subatech

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LE DEVELOPPEMENT DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE L'expression économie sociale et solidaire est de plus en plus présente dans le discours politique sans que ses contours soient toujours clairement définis. Est-ce un effet de mode ou au contraire un élément de réponse à la quête de nouveaux modèles ? Au-delà des idéologies du remplacement d'un modèle économique par un autre, peut-être s'agit-il des prémices d'une économie plurielle fondée sur une réflexion qui privilégie la solidarité pour assurer le développement économique et l'emploi pour tous ?

Appelée aussi « tiers secteur », l'économie sociale et solidaire prend aujourd'hui une nouvelle dimension et connaît un regain d'intérêt notamment dans les jeunes générations. Un sondage réalisé par le CSA en 2011 a d'ailleurs montré que les 15-30 ans sont de plus en plus sensibles aux principes de l'ESS, même s'ils n'en définissent pas très précisément les contours.

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Longtemps dénommée seulement « économie sociale » avec le secteur traditionnel des coopératives, des mutuelles et des associations, l'expression s'est enrichie de l'adjectif « solidaire ». Cet ajout correspond à la fois à un élargissement du secteur d'activités et à un enrichissement de l'approche économique à travers de nouveaux domaines : insertion, commerce équitable, circuits courts…

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Cette sensibilité n'est pas que le fait d'une forme de générosité qui serait propre à la jeunesse ; elle révèle un mouvement plus profond et qui se traduit notamment par l'intérêt désormais porté à l'ESS par les étudiants qui suivent des filières de formation liées à la gestion, au commerce… Le territoire local, compte tenu de ses traditions et de son histoire sociale, est marqué par ce mouvement et les collectivités locales sont aujourd'hui des acteurs majeurs pour le développement de ces activités. La région et la métropole sont particulièrement actives sur ce point.

Cartes et chiffres * En 2010, l'économie sociale et solidaire dans la région des pays de la Loire regroupe 13 673 établissements employant 150 700 personnes pour une masse salariale brute de 3 milliards. Si on rapporte ces chiffres à l'ensemble de l'économie, on constate que les établissements représentent 12,8 % du total des employeurs, 14,1 % de l'emploi salarié et 12 % de la masse salariale.

* On consultera avec intérêt le portail de l'économie sociale et solidaire en Pays de la Loire mis en place par la CRESS (Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire) et notamment son excellent observatoire : www.cress-pdl.org

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ESS et territoire : l’imagination au pouvoir ?

L’ESS : une voie de l’innovation sociale Le monde contemporain est marqué par un double phénomène. D’un côté, les entreprises avec l’appui des pouvoirs publics investissent fortement pour améliorer la compétitivité et mieux s’inscrire dans la concurrence internationale. De l’autre, la satisfaction des besoins sociaux est de plus en plus complexe et

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L'intérêt des jeunes générations pour l'économie sociale et solidaire constitue un atout majeur pour l'économie locale. Confrontée aux réalités d'un système en crise, les plus jeunes ont pris conscience, sans doute un peu plus que leurs ainés, de la nécessité d'imaginer des transitions. Ils développent, pour cela, un certain nombre de principes : - ils ne rejettent pas la mondialisation mais l'envisagent sous l'angle d'une relation plus équitable entre les acteurs - ils souhaitent inventer un nouvel équilibre entre coopération et compétition - ils attachent une importance particulière à la gestion des ressources naturelles - ils placent la culture, et les industries qui vont avec, au premier rang de leurs préoccupations - ils veulent une gouvernance fondée sur de nouveaux rapports démocratiques - ils veulent créer un autre rapport au travail - ils ont compris que la révolution numérique était en train de modifier la donne économique planétaire.

Dès lors, il souhaitent dépasser le seul couple Etat-Marché (pourquoi faire plus confiance à l'un qu'à l'autre ?) et inventent un « ménage à trois » dans lequel la société civile joue son rôle. Ils vont vers l'économie sociale et solidaire, non pas en s'appuyant sur l'Histoire sociale, mais en essayant de dessiner un avenir basé sur une nouvelle gouvernance, autant pour les institutions que pour les entreprises. La métropole nantaise a un rôle majeur à jouer et ce qui se passe dans le secteur du web n'est pas étranger à cette nouvelle donne sociétale. Nantes est devenue la deuxième « ville du web » grâce aux jeunes générations qui ont été portées à la fois par l'esprit d'entreprise et par une nouvelle approche plus « coopérative » du monde.

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l’acquisition de l’autonomie économique par le travail est souvent difficile. L’économie sociale et solidaire peut constituer un facteur de rééquilibrage dans la mesure où elle vise à rendre les individus davantage acteurs de leur travail et à permettre de limiter les effets d’un monde économique qui éloigne ceux qui sont dans la compétition et ceux qui ont du mal à suivre. Elle est aussi un moyen de participer à la création d’emplois non délocalisables parce que liés à la proximité. De ce point de vue, les collectivités ont un rôle à jouer pour faire éclore des initiatives, pour l’accompagnement de la professionnalisation du secteur ou encore pour développer l’expérimentation (à l’exemple des Ecossolies à Nantes). L’ESS : les risques du marketing L'économie sociale et solidaire peut aussi souffrir de son succès. Elle est évidemment porteuse d'un renouvellement des valeurs : souci de l'intérêt général, ancrage territorial, gouvernance démocratique, libre adhésion… elle peut aussi servir d'alibi marketing. Dès lors, il existe un risque de « socialwashing ».

L’ESS : une autre définition de la richesse ? Le PIB est un indicateur utile mais il mesure surtout des flux en occultant d'autres indicateurs sociaux, environnementaux… Par ailleurs, la financiarisation de l'économie fait parfois perdre de vue l'économie réelle. Dans un contexte de crise économique et écologique, l'ESS est un outil parmi d'autres pour s'adapter au monde qui vient. Les collectivités locales et notamment la Région font de gros efforts de pédagogie sur ce thème. L'économie sociale et solidaire n'est pas une idée neuve puisqu'elle puise ses racines dans les mouvements sociaux du XIXe siècle mais c'est une idée profondément renouvelée qui offre au XXIe siècle des solutions pour gérer les tensions, parfois extrêmes, entre la conjugaison du secteur marchand et le souci de placer l'humain au cœur de l'activité économique.

A lire : « les ressorts du dynamisme de l'économie sociale et solidaire dans les Pays de la Loire : l'exemple des services de proximité ». Etude du CESER des Pays de la Loire, Rapporteure : Leïla Chergui A consulter : le site «le labo de l’économie sociale et solidaire», présidé par Claude Alphandéry www.lelabo-ess.org

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L'AGRICULTURE DANS LA MONDIALISATION : UN ENJEU ÉCONOMIQUE A NE PAS OUBLIER L'agriculture de Loire-Atlantique est le plus souvent appréhendée sous l'angle de l'agriculture périurbaine et du développement des circuits courts. Elle l’est aussi sous l'angle des enjeux environnementaux ou de la protection des paysages et des espaces naturels. Mais elle doit être aussi abordée d'un point de vue économique plus global. Souvent perçue avec la nostalgie d'un passé idéalisé, l'agriculture d’aujourd'hui est un ensemble complexe interdépendant des questions économiques, technologiques et sociétales qui traversent la société contemporaine. Rappelons aussi que le secteur agroalimentaire est le premier employeur des Pays de la Loire.

L'agriculture est, sauf quelques cas spécifiques, un secteur fortement capitalistique comparable au secteur industriel avec un investissement du même ordre que celui de l'industrie sidérurgique ou métallurgique : de l'ordre de 75 000 à 150 000 euros par unité de travail (emploi) en production laitière et bovine. L'agriculture est aussi devenue une acti-

vité de haute technologie. Par ailleurs, au niveau des exploitations d'élevage un actif induirait quatre emplois en amont ou en aval dans les filières agroalimentaires. L'agriculture subit enfin de plein fouet la dérégulation de la politique agricole communautaire et la mondialisation des échanges.

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Agriculture et mondialisation

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L’agriculture est directement confrontée à la libéralisation des échanges internationaux avec les accords de l'OMC et la réforme de la PAC (politique agricole commune)

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Les productions de viande bovine ou de lait, les productions végétales de grande culture (céréales, maïs,...) qui étaient relativement protégées par la préférence communautaire jusqu'aux années 19902000 le sont de moins en moins aujourd'hui. De grands secteurs comme la production porcine, le maraîchage, la viticulture... ne l’ont pratiquement jamais été. L’agriculture est donc confrontée à une concurrence accrue dans pratiquement tous les domaines, renforcée par des normes sociales ou environnementales des autres pays moins contraignantes, y compris à l'intérieur de l'union européenne. Avec la dérégulation de la PAC ces dernières années, l'agriculture est confrontée à une forte concurrence intracommunautaire liée à des développements importants de la production dans différents pays de l'union européenne : Allemagne et Pays-Bas pour les productions laitière et bovine, Espagne et Italie pour les productions maraîchères et arboricoles.

L'agriculture est aussi confrontée à la concentration des grandes firmes agroalimentaires privées (Lactalis, Danone,...) ou coopératives (Terrena, SODIAL,...) Les groupes privés ont développé des stratégies de diversification dans l'union européenne et à l’international. L'agroalimentaire français reste un des rares secteurs de l'économie avec un fort excédent commercial bien que fragilisé depuis plusieurs années. L'agriculture est aussi directement concernée par les politiques industrielles de grandes firmes internationales dans le domaine du machinisme agricole (John Deer, New Holland…) ou des fournitures (Monsanto,…). L'agriculture est également concernée par le développement de nouveaux segments de marché, principalement la production d'énergie nouvelle avec le développement des biocarburants et de la biomasse. Elle est enfin touchée par les débats sociétaux liés aux organismes génétiquement modifiés (OGM), à l'application des accords de Grenelle 2 sur la réduction des pesticides et à fongicides, à la diminution de l'empreinte carbone de la production, au rapport entre santé et l'alimentation humaine...


Ici et maintenant, quels enjeux pour l'agriculture de Loire-Atlantique et l’agroalimentaire ? Quelles propositions aux collectivités territoriales ? 4 grands enjeux apparaissent

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Valeur ajoutée et qualité dans les grandes filières de commercialisation Avec un million de consommateurs, la Loire Atlantique constitue un réel marché pour le développement des circuits courts de commercialisation. Mais l'essentiel du devenir de la production restera conditionné par la capacité des filières agroalimentaires à développer leurs activités et à rémunérer la production agricole. Le repli des exploitations agricoles sur le seul « marché » local ne pourrait suffire à maintenir l'activité à son niveau actuel. Ce serait condamner une grande partie de l’agriculture à un déclin assuré. Pour autant, l'agriculture n'a rien à gagner à une fuite en avant reposant sur une course à produire toujours plus par exploitation, au détriment de la valeur ajoutée par unité de travail. Le « modèle breton » des 50 dernières années est aujourd’hui en débat parce qu'il a montré ses limites en n'assurant plus une rémunération satisfaisante des agriculteurs. C’est un modèle devenu insoutenable car plus on produisait de quantité (litre de lait, kg de viande ou de céréales) plus on touchait de subventions publiques de l’union européenne et ce n’est plus alors

la valeur ajoutée par le travail qui crée le revenu. C’est un modèle inéquitable où 20 % des exploitations mobilisent 80 % des aides publiques. Il pousse à l'agrandissement et à la transformation d'exploitations de production animale (lait et viande) vers des productions végétales de grande culture à l'exemple de l'évolution constatée dans les régions Centre et Poitou-Charentes depuis plus de 20 ans avec ses conséquences négatives sur l'emploi dans les exploitations agricoles et les filières agroalimentaires. L’agriculture doit continuer à rechercher en priorité la valeur ajoutée de sa production par unité de travail et mettre l’emploi au coeur de ses priorités. C'est un enjeu capital pour l'installation des jeunes agriculteurs et le renouvellement du tissu productif, sinon la transmission des exploitations agricoles sera principalement orientée vers l'augmentation des surfaces, favorisant la réorientation vers des grandes cultures végétales, notamment céréalières. C'est une évolution déjà engagée depuis plusieurs années. Une nouvelle stratégie offensive pour l’agriculture devra aussi intégrer les questions de l'alimentation et la santé humaine comme des atouts différenciateurs et non pas comme des contraintes.

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Les collectivités territoriales gagneraient à regarder globalement ces évolutions pour orienter leurs interventions vers une prise en compte anticipatrice et non pas au « coup par coup » à la demande des organisations professionnelles comme c'est trop souvent le cas.

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Le marché local Le marché local est un enjeu important pour une partie de l'agriculture de LoireAtlantique. Avec le développement de l'urbanisation, cet enjeu concerne un nombre de plus en plus important de communes et d’habitants. Cela concerne aussi la valorisation de la production locale dans la restauration collective, scolaire ou d'entreprises. Les collectivités territoriales soutiennent déjà largement ce positionnement qui gagnerait à être abordé dans une vision stratégique et systémique globale. Il faut se poser en particulier 2 questions majeures : - la question de la « maturité » de ce marché : quelle part effective de la production agricole départementale le marché local peut-il réellement absorber à l'échéance de 10-20 ans ? Doit-il s'organiser plus collectivement pour atteindre un objectif optimum ?

- la question de son positionnement qualitatif : au-delà de l'effet de mode, à quelles exigences, notamment qualitatives, doit-il satisfaire pour répondre aux attentes des consommateurs locaux ? Les nouveaux marchés L’agriculture et l'agroalimentaire sont également confrontés à de nouveaux marchés pour répondre au défi des énergies nouvelles : biomasse, biocarburants, photovoltaïque… De nombreuses initiatives sont soutenues par les collectivités territoriales. Certaines font débat concernant notamment l'empreinte carbone effective des biocarburants ou des énergies photovoltaïques mais aussi les besoins de surfaces agricoles qu'elles induisent au détriment de la production alimentaire. Là aussi les collectivités territoriales gagneraient ensemble à mesurer les opportunités à saisir dans ce domaine mais aussi les menaces à contrecarrer pour définir une vision partagée, non pas seulement de soutien aux initiatives, mais de développement de réelles filières stratégiques.


Le rôle des collectivités locales Le conseil régional et le conseil général ont développé des politiques importantes en faveur de l'adaptation de l'agriculture et de l'agroalimentaire à une nouvelle donne. Il en est de même de Nantes Métropole, de la CARENE et de la CCEG. Ce sont le plus souvent des politiques sectorielles et parfois au « coup par coup ». Dans un premier temps, les collectivités territoriales dont les compétences économiques sont reconnues au titre du développement, gagneraient à démultiplier l'impact de leurs interventions, de leurs compétences et de leurs moyens autour d'une vision prospective globale et partagée pour donner du sens et de la cohérence à leurs politiques. Elles doivent mettre l'emploi au coeur de leurs politiques auprès de l'agriculture et de l'agroalimentaire et définir, à l'écoute des acteurs concernés, des stratégies anticipatrices pour accompagner l'adaptation de l'agriculture à une nouvelle donne marquée par l'internationalisation des échanges mais aussi par les nouvelles attentes sociétales. Pour cela, une analyse, filière par filière, s'impose tout particulièrement pour les plus concernées par cette internationalisation : laitière, bovine, viticole, maraîchère. Le développement économique est une compétence que le pôle métropolitain Nantes-Saint-Nazaire veut privilégier. En concertation avec le conseil régional et le conseil général, elles pourraient mettre en commun leurs projets, leurs compétences et leurs moyens pour construire avec les acteurs concernés une charte métropolitaine de développement de l'agriculture et de l’agroalimentaire (à l'horizon 2030 ?) lisible pour les citoyens de notre département.

Conseil de développement de Nantes métropole - novembre 2012

Le potentiel agricole territorial Depuis 50 ans, la surface agricole départementale diminue sous le double effet de l'étalement de l'habitat et du développement des zones d'activité artisanale, industrielle, commerciale et des infrastructures. Paradoxalement, les surfaces en friche agricole se sont également développées avec 3 700 ha en friche dans les communes de Nantes métropole et environ 1 000 ha dans celles de la CCEG ; combien dans la CARENE, Loire et Sillon et Coeur d'estuaire ? Les friches sont aussi liées à un phénomène de rétention foncière dans l'attente d'un éventuel changement de destination. Les collectivités, en premier lieu à l'initiative du conseil général, disposent des outils juridiques pour assurer la pérennité du potentiel agricole territorial dans une vision prospective stratégique. Les collectivités ont la capacité de négocier l'équilibre à trouver entre les besoins résultant du développement métropolitain et les besoins de la pérennité de l'agriculture et de l'agroalimentaire comme un des atouts de ce développement métropolitain. Le veulent-elles résolument ? Une récente disposition législative permet la création de périmètres de protection des espaces agricoles et naturels (PEAN). Cette disposition est actuellement expérimentée à l'initiative du conseil général sur quelques communes de Nantes Métropole et de la CCEG. Les collectivités qui ont récemment pris l'initiative de constituer le pôle métropolitain Nantes-Saint-Nazaire gagneraient à étudier attentivement cette initiative qui pourrait s'inscrire dans une initiative plus large des 5 EPCI constituant ce pôle métropolitain.

Remerciements à Jean-Michel Gandreuil, Thierry Le Bihan, Emmanuel Brochard

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POUR UNE ÉCONOMIE "A LA NANTAISE" DANS LA MONDIALISATION PISTES A EXPLORER POUR LE PROJET DE TERRITOIRE A L'HORIZON 2030 NOVEMBRE 2012

Conseil de développement de Nantes métropole - Tour Bretagne - 44047 Nantes cedex 1 T. 02 40 99 49 36 / conseildedeveloppement@nantes-citoyennete.com / www.nantes-citoyennete.com

Contribution collective à


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