Alexandre Seurat

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Alexandre Seurat

© Tina Merandon / Signatures

Né en 1979, Alexandre Seurat est professeur de lettres à Angers. Il a soutenu en 2010 une thèse de Littérature générale et comparée. Originaire de Paris, ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de lettres modernes, Alexandre Seurat, 35 ans, a soutenu en 2010 une thèse de littérature générale et comparée (« Le roman du délire. Hallucinations et délires dans le roman européen [années 1920-1940] ») à l'Université de Paris III-Sorbonne nouvelle. Il a enseigné durant 4 ans à l'IUT de Paris-Est Créteil, avant de rejoindre l'Université d'Angers en septembre 2013. Il donne des cours d'expression, de communication et de culture générale à l'IUT.


La maladroite Éd. du Rouergue, 2015 Prix « Envoyé par la Poste » 2015

Le mot de l’éditeur : Diane, 8 ans, a disparu. Ceux qui l’ont approchée dans sa courte vie viennent prendre la parole et nous dire ce qui s’est noué sous leurs yeux. Institutrices, médecins, gendarmes, assistantes sociales, grand-mère, tante et demifrère… Ce chœur de voix, écrit dans une langue dégagée de tout effet de style, est d’une authenticité à couper le souffle. Un premier roman d’une rare nécessité.

Extrait : La grand-mère « Je voulais tout leur dire, au numéro d’urgence, leur raconter depuis le début, mais tout était tellement compliqué. Et cette angoisse au moment de téléphoner, puis dans l’attente que quelqu’un décroche, ce sentiment de la trahir et la conscience de perdre peut-être à jamais la petite. Alors j’ai été vingt fois sur le point de raccrocher dans les quelques secondes qu’a duré mon attente. Une voix féminine finit par répondre, je dis un mot, ma voix est sourde, elle m’invite à lui expliquer, mais par où il faudrait commencer, j’essaie de lui expliquer mais je m’embrouille, j’en dis trop, pas assez, l’accouchement sous X, la petite reprise au bout d’un mois, l’installation avec son compagnon, et le peu de nouvelles après leur installation. Parfois elle dit, Attendez attendez, puis je reprends, Et l’appeler Diana !, je dis, Diana, elle répond, Oui ?, elle attend que je continue, alors je dis, Aucune nouvelle de toute une année, et ce retard par rapport à mon autre petite-fille du même âge. Elle répète, Votre autre petite-fille, je lui explique, elle répond, Oui ?, et je lui dis la douche froide, les coups sur le genou. Elle me demande si j’ai vu tout ça moi-même, alors je dis, Ma fille cadette, elle me demande si je la vois encore souvent la petite, je lui dis que non, qu’à cause de ça, ils ne me donnent plus de nouvelles. À cause de quoi ?, demande-t-elle. Ce coup de téléphone, c’était insurmontable, avec toutes ces questions qui me rentraient dans le corps comme des épines. Alors j’ai parlé de ma visite chez ma fille aînée, et la réponse de Diana à la question de sa mère, et de ce talent qui me terrorisait pour tout retourner en leur faveur. Elle n’a rien dit, elle m’a juste demandé si j’acceptais qu’ils disent mon nom au moment où ils les contacteraient pour l’enquête, et à ce moment-là j’ai su que tout ce que j’avais dit, ils allaient s’en servir pour me couper de ma petite-fille. Alors que j’ai tout fait pour cette petite, alors qu’au fond Diana était presque ma fille, cette enfant m’a été arrachée. Je savais bien que c’était inutile, que de toute façon ils sauraient tout, mais j’ai dit, Non surtout pas, j’ai dit, Ne dites pas mon nom. Paralysée en raccrochant, parce que je n’avais pas fait ce qu’il aurait fallu, pas dit ce qu’il fallait comme il fallait. »


L’administrateur provisoire Éd. du Rouergue, 2016

Le mot de l’éditeur : Découvrant au début du récit que la mort de son jeune frère résonne avec un secret de famille, le narrateur interroge ses proches, puis, devant leur silence, mène sa recherche dans les Archives nationales. Il découvre alors que son arrière-grand-père a participé à la confiscation des biens juifs durant l’Occupation. Le récit tente d'éclairer des aspects historiques souvent négligés jusqu'à récemment, l’aryanisation économique de la France de Vichy, crime longtemps refoulé par la mémoire collective. Une enquête à la fois familiale et historique bouleversante, s’appuyant sur des documents réels.

Avis de la presse : « Alexandre Seurat est coupable d’aimer la langer, d’aimer l’écrire, la malaxer, en tirer une laitance singulière, poisseuse et fluide, mortifère et vivante, brûlante et glacée ». Dominique Aussenac, LE MATRICULE DES ANGES « Deuxième roman après La maladroite, de cet auteur quadragénaire qui est également enseignant, L’administrateur provisoire a pour sujet la spoliation des biens juifs et un antisémitisme ancien, maurrassien, qui n’a pas disparu. Seurat dessine des êtres rongés par les secrets et les complexes. » Virginie Bloch-Lainé, LIBÉRATION « Alexandre Seurat tire sa force de son impeccable sobriété » Claire Julliard, L’OBS


Un funambule Éd. du Rouergue, 2018

Le mot de l’éditeur : Un jeune homme est réfugié dans la maison de vacances de ses parents, en bord de mer. Cela ne « va » pas, tout l’engloutit, la pensée de sa mère, sa relation avortée à la seule femme qu’il ait aimée, sa non-existence sociale. C’est un être effondré, un funambule qui marche audessus du vide. Alors qu'il retrouve les siens pour la fête des mères, il apprend qu'il doit se rendre avec son père à un rendez-vous médical dont il ne sait rien. Après La maladroite et L’administrateur provisoire, Alexandre Seurat poursuit son exploration des failles familiales. Il plonge le lecteur dans un monde sans repères, dont on ne sait si l’absence de limites tient à la folie du personnage ou à la violence du monde extérieur. Extrait : « À bientôt mon bonhomme, lui dit sa mère, dans le salon, en restant à distance de lui – elle essayait de sourire. Elle ajouta, Bon courage, son regard se perdait dans une direction imprécise. Il avait l’impression qu’elle ne le voyait pas, qu’elle disait au revoir au bouddha sur la cheminée, à la statuette en bronze ou à l’horloge. Il était dans le cadre de la porte du salon (comme toujours enfant, quand le soir il disait à ses parents bonne nuit, ne voulant pas pénétrer dans la pièce, hésitant à partir, en suspension entre deux mondes). La lumière grandissait près de lui, il aurait voulu grandir avec elle, mais il se sentait diminuer de volume. Il regardait le cercle des fauteuils Louis XVI, le secrétaire Empire, la cheminée en marbre, le bronze sur le marbre, l’horloge. L’image de Solenne revient, il s’abîma en elle, s’abandonnant à elle, oubliant tout, s’émancipant de tout, échappant grâce à elle à tout ce qui le retenait encore. Puis le visage de Solenne disparut à nouveau – ou était-ce lui qui s’était dérobé ? Son père avait dit, Bon, puis, Allons-y. Alors il se sentit à nouveau chanceler : ses mains étaient poisseuses, il avait l’impression qu’elles ne seraient jamais propres, une sueur lui collait aux tempes, au dos. Il dit à son père, J’arrive, s’excusa, c’était urgent, puis il se déroba dans le couloir. Il eut juste le temps d’entendre derrière lui la voix de son père : Le plus rapide serait le mieux. Les toilettes : la lumière crue sur les murs jaunes, sa respiration haletante, son visage avait encore perdu de sa couleur. Comme une pâte qui s’allonge, se détache, s’englue à autre chose. Était-ce lui, cette peur ? Autre chose grandissait, des images, des cris. Sa mère le poursuivait : il l’avait sûrement poussée à bout, parce qu’elle hurlait. Il avait dû se forcer à rire, alors qu’elle lui demandait quelque chose ou lui ordonnait quelque chose, ou peut-être qu’il avait seulement arrondi les lèvres pour lui dire seulement, Pute. Sale pute. »


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