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Propriétaires, défendez-vous

DROIT IMMOBILIER

PAR MMES JEAN-LUC ADDOR ET XAVIER PANCHAUD, AVOCATS ÉTUDE ADDOR & KÜNZI, SION

ZONES RÉSERVÉES EN VALAIS Propriétaires, défendez-vous!

La révision de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), entrée en vigueur le 1er mai 2014, a pour objectif principal de réduire la surface des zones à bâtir. Elle a contraint les cantons à modifier leur législation. Le Valais l’a fait en adoptant une révision de sa LcAT, entrée en vigueur le 15 avril 2019. Quant au nouveau Plan directeur cantonal, il a été approuvé par le Conseil fédéral, avec réserves, le 1er mai 2019.

Les communes doivent prendre des mesures conservatoires: les zones réservées.

Nous nous trouvons aujourd’hui en plein dans la phase la plus douloureuse, celle de la concrétisation: la révision des plans d’affectation communaux pour les adapter à ces contraintes qui s’avèrent terribles. L’heure de la facture, pour les propriétaires, a sonné. Cette procédure est longue et laborieuse. Dans l’intervalle, pour éviter que les nouveaux objectifs d’aménagement ne soient compromis, les communes doivent prendre des mesures conservatoires: ce sont les zones réservées. Ce qualificatif est trompeur. En effet, il ne s’agit pas de réserver des terrains pour une affectation ultérieure. Le terme allemand Planungszone est plus parlant: il s’agit d’une zone de travail à caractère formellement provisoire (la durée de la procédure de révision des plans d’affectation), un provisoire qui, de fait, dure toutefois des années. Notion de droit fédéral (art. 27 al. 1 LAT), la zone réservée est un instrument de planification à disposition des Autorités communales dont les plans doivent être adaptés ou qui ne disposent encore d’aucun plan en force. A l’intérieur de territoires qui doivent être exactement délimités, rien ne doit être entrepris qui puisse entraver l’établissement du nouveau plan (art. 19 al. 1 LcAT). La décision initiale, de la compétence du Conseil municipal, peut être prise pour une durée de cinq ans, prolongeable de trois ans par le Législatif communal (art. 19 al. 2 LcAT). Cinq plus trois, ça fait quand même huit ans, sachant que d’expérience, la durée initiale est presque systématiquement prolongée sans que dans l’intervalle, le Conseil d’Etat n’ait statué. Frappés par des mesures décidées, on le comprend, sans préavis, les propriétaires disposent d’un moyen: dans les trente jours, faire opposition en faisant valoir que la zone réservée n’est pas nécessaire, que sa durée est excessive

Une opposition justifiée peut permettre d’achever son projet.

ou que le but poursuivi est inopportun (art. 19 al. 3 LcAT), puis le cas échéant saisir le Conseil d’Etat comme unique instance cantonale (art. 19 al. 4 LcAT) et enfin le Tribunal fédéral. Les conséquences pratiques? Les projets autorisés peuvent être réalisés et les chantiers en cours achevés. Une nouvelle autorisation de construire peut également être délivrée, toutefois seulement à condition que la construction ne compromette pas le cours normal de l’élaboration du plan d’affectation envisagé, dans le respect du principe de la proportionnalité (ATF 1C_260/2019 du 18.10.2019). A cet égard, le Tribunal cantonal valaisan a interdit la construction d’une route d’accès privée de 50 mètres à un chalet (RVJ 2020, pp. 14-20). La validité des autorisations de construire dont les chantiers n’ont pas débuté ne peut a priori plus être prolongée. Restriction très importante de droit public au droit de propriété, la zone réservée n’est toutefois pas considérée comme une forme d’expropriation. A ce titre, pour autant qu’elle respecte les exigences constitutionnelles et légales (notamment de proportionnalité et de durée), elle n’ouvre la voie à aucune indemnisation. Pourtant, les propriétaires touchés sont toujours soumis à l’impôt foncier. Ils subissent en outre de lourdes conséquences, dès lors qu’il s’agit de mettre en gage un terrain de fait inconstructible. De plus, les Autorités communales peuvent être tentées de dézoner en priorité les parcelles dont les propriétaires renoncent à contester la collocation en zone réservée. Un conseil s’impose donc pour tout propriétaire désireux d’éviter un déclassement assimilable à une forme de dépouillement: contester systématiquement toute décision imposant une zone réservée. n

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