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NE ME KIT PAS!

Tout le monde connaît les joies incommensurables des meubles à monter soi-même. Un challenge en matière de bricolage mais aussi une épreuve pour le couple.

La vie moderne est parfois compliquée. Certaines se retrouvent dans une ville, entre deux mecs. Moi je me retrouve avec un mec, entre deux villes. Et un jour, il faut réaménager l’un des deux appartements pour accueillir deux ados dans 35 mètres carrés. Vous voyez le Tetris. Ce qui est bien, c’est qu’en plus d’être un défi immobilier, c’est aussi un test de résistance de votre couple. Car qui n’a pas eu à monter des lits superposés livrés en kit, dans la fausse couleur, avec une notice de merde, et des vis qui manquent, n’a jamais vraiment mis son amour à l’épreuve. Mais reprenons depuis le début.

Le corps à l’épreuve

Déjà, trier et vider une chambre, cela s’appelle un déménagement, cela consiste donc à mettre des affaires dans des cartons, porter les cartons, ressortir les affaires des cartons ailleurs. Moi, je finis par craquer et je jette les choses n’importe comment dans des sacs bleus Ikea, après ils sont trop lourds, les livres se plient, les choses se cassent, et il faut 12 séances de massages balinais pour remettre mon épaule droite en place. Ensuite, il faut tout réaménager. Ben oui, une chambre d’adolescentes ne ressemble pas à une chambre de préretraités, et heureuse- ment. Il faut un bureau pour faire les devoirs, des étagères, un miroir en pied, et les fameux lits superposés. Ils sont livrés mardi. Donc on attend mardi. Et le mardi, ah ben non, ils sont livrés le mercredi. Donc on attend mercredi. Allelujah, ils arrivent dans plein de cartons hyper lourds. Il faut évidemment porter lesdits cartons hyper lourds dans l’escalier, car il n’y a pas d’ascenseur. Une fois que tout est entassé dans la petite pièce, on en ouvre un. Zut, ça devait être noir, et c’est gris. Regards croisés désespérés avec mon amoureux, mais nous sommes soudés dans la même pensée: «On s’en fout, on va garder gris, car tout renvoyer et tout recommander c’est au-dessus de nos forces, et puis ça n’a qu’à leur plaire quand même, avec les draps et les couettes ça se verra à peine, merci au revoir». Fort naïvement, nous nous fions à la notice (il ne faut jamais croire une notice, c’est la base, mais on est idiot parfois, et/ou très fatigué). La notice qui affirme qu’il faut 2 heures pour les monter. Hahahahahahahaha, pardon c’est nerveux. On a mis 3 jours.

Des notices incompréhensibles Le mode d’emploi est en 18 langues, il y a tout ce qu’on veut, même du mandarin et du tchèque, mais il manque juste une langue dans laquelle ce soit com- préhensible. On trie les vis, les écrous, les machins dans des tasses à café, on sort l’intégralité de la trousse à outils, la future chambre d’ados ressemble à une allée du Brico-Loisirs. Mais dans l’allée du Brico-Loisirs, il y a éventuellement un employé qui peut vous aider, ici personne. On commence à monter le lit d’en bas, et on s’aperçoit qu’il manque des vis. Monsieur prend sa moto pour retourner au magasin à l’autre bout de la ville pendant que je vais faire un footing pour me détendre. Trois heures plus tard, il fait nuit, je m’inquiète «T’es où ?». Il est allé au magasin où les lits ont été achetés et pour les vis, ils ne savent pas, y’a pas. Il a fallu aller ailleurs et chercher dans tous les magasins de bricolage de la Cité. Ok, ce ne sera pas prêt ce soir. Aïe, je marche sur un clou, une vis, quelque chose de pointu, ça fait un mal de chien, j’ai envie de tuer quelqu’un. Le seul que j’ai sous la main, c’est Monsieur qui rentre enfin avec les vis: «J’en peux plus». «Moi non plus!». A ce stade, il y a deux planches de montées. Je commande des pizzas.

Une durée indéterminée

Cela dure encore deux jours comme ça. A monter des morceaux de bois gris entre deux visios professionnelles. «Tu peux m’aider là, et tenir ça?», «Non, je suis en entretien d’évaluation». «C’est bon là, je peux lâcher?», «Oui mais je crois que c’est monté à l’envers, il va falloir recommencer». J’avoue, j’ai parfois prononcé des mots qui ont dépassé ma pensée, du style «La prochaine fois je te préviens je commande le lit ET un monsieur qui vient le monter à la maison, et s’il est grand beau et qu’il travaille vite et bien, j’essaie le lit avec lui à la fin!». Pour me faire pardonner, je suis allée acheter des patchs chauffants pour le dos de mon chéri. J’ai patiemment ramassé tous les outils et les vis et les clous. «Mais non il ne fallait pas ranger, j’ai encore les étagères à mettre!». Je recommande des pizzas.

Mais au soir du troisième jour, les lits sont montés, les enfants arrivent et ô miracle, la nuit se passe et le lendemain tout le monde est entier. Les filles, les lits et même le chat qui a choisi la couchette du haut. Nous sommes littéralement en PLS (ça veut dire «position latérale de sécurité», j’ai mis du temps à comprendre cette expression que je trouve hilarante). Une thérapie de couple ne sera peut-être pas nécessaire, mais après avoir monté un lit, une réconciliation sur l’oreiller s’impose.

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