Desir & Architecture

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La sémiotique de la maison close

Comment l’architecture peut-elle provoquer le désir ?


1 Introduction 2 Histoire 2.1 la prostitution sacrée dans les temples 2.2 les dicterions grecs 2.3 les estaminets et débits de boissons, les tripots, « les bars montants »

3 Maisons closes - Maisons de Plaisirs : Mythes et réalités d’une spécialité française 3.1 Les maisons de grand standing 3.2 Les travers du mythe

4 Comédie d’amour illusoire Dramatisation 4.1 Jeu de rôles 4.2 Un jeu éphémère 4.3 Le décor du spectacle des éléments architecturaux symboliques

5 Un jeu de miroir et d’illusions 5.1 Une architecture au service de l’imaginaire 5.2 Un espace ludique et marginal 5.3 Les chambres « a passion»

6 conclusion 7 Bibliographie

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1 introduction Dans le cadre de la conception d’un espace d’habitation, où l’une des personnes devait avoir la possibilité d’exercer sa profession libéral à domicile j’ai établie une réflexion sur l’architecture et le désir ainsi que sur un espace pour le sexe tarifé. Plus concrètement les éléments constitutifs du programme, la visibilité depuis la rue, les accès, la partition intérieure. L’ensemble des enseignements donné dans l’école d’architecture de Paris Val de Seine a pour vocation de nous apporter des connaissances pure sur l’architecture et sur le métier d’architecte. C’est dans le prolongement de ceux ci qu’aujourd’hui ma réflexion porte sur la sémiotique des maisons closes. Ma problématique s’est fondée sur les signes et les moyens dont disposent les «maisons de Plaisir» ainsi que le nommait Nicolas Ledoux pour créer et amplifier le désir des clients.

Dans une première partie nous verrons que la Maison close s’inscrit dans un contexte historique fort; son programme, sous différentes formes, a traversé les siècles. Nous verrons dans un deuxième temps le fonctionnement interne des maisons de plaisir. Parce que l’architecte ne se contente pas de construire des bâtiments, il est indispensable de comprendre les usagers. Dans une troisième partie nous exposerons le fait que la maison close est avant tout un lieu de théâtre avec les symboles et les codes qui le caractérise. Enfin nous verrons deux exemples de projet symboliques de maisons de plaisirs Cette étude dont le sujet est controversé n’a pas pour but de divertir mais essaye sérieusement d’apporter des réponses à la problématique « ce qu’un gouvernement n’ose faire, l’architecte l’affronte », Claude Nicolas Ledoux.la cite Idéale de Chaux, 1785 -89.

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Perspective projet de maison à Rueil Malmaison source projet de premiere année Benoit Casquet

Plan RDC pour une à rueil Malmaison source projet premiere année Benoit Casquet

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2 Histoire

2.1 la prostitution sacrée dans les temples 2.2 les dicterions grecs 2.3 les estaminets et débits de boissons, les tripots, « les bars montants »

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II Histoire

« La plus honteuse des lois de Babylone Parcours historique et global d’un est celle qui oblige toutes les femmes univers architectural diversifie du pays à se rendre une fois dans leur vie au temple d’Aphrodite pour s’y livrer 2.1 la prostitution sacrée dans les à un inconnu »1

temples

« Celles qui sont belles et bien faites Des textes anciens mentionnent sont vite de retour chez elles, les laides fréquemment la pratique de rapports attendent longtemps sans pouvoir sexuels, vénaux ou non, dans le cadre satisfaire à la loi, certaines restent dans de cultes ou de sanctuaires le temple trois ou quatre ans »1 (cf. Maurice Sartre, le plus vieux métier Cependant, ces textes sont à du monde, paru dans l’histoire n°264 considérer avec du recul. Il se pourrait avril 2002) en fait qu’il ne soit qu’une mauvaise interprétation de coutumes beaucoup plus communes à l’époque comme le rachat d’esclaves offertes par des particuliers aux temples. Les renseignements donnés par le géographe grec Strabon sur Corinthe, au premier siècle avant Jésus-Christ semblent mieux établis.

Jeune homme donnant une bourse à une courtisane, œuvre de Polygnote, Musée national archéologique d’Athènes Source Wikipédia

« Le sanctuaire d’Aphrodite était tellement riche qu’il possédait plus de 1000 hiérodules (esclaves sacrés) comme prostituées, offertes à la déesse par des hommes ou par des femmes. À cause d’elles, la ville était très peuplée et s’enrichissait considérablement car les patrons de bateaux s’y ruinaient facilement, d’où le célèbre proverbe : « il n’est pas permis à n’importe qui d’aborder la Corinthe » 2

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Banqueteur et une prostituée, fresque d’une maison d’Herculanum

Cela dit, on ne sait que peu de chose concernant la prostitution sacrée qui semble-t-il restait un phénomène marginal et très réglementé. Il ne s’agissait pas en effet de gigantesque bordel organise par des prêtres proxénètes qui auraient tiré un large profit du commerce du sexe et de leurs servantes et fidèles. Ces indications sont peut-être plus sûrement à mettre en relation avec des usages relatifs à une forme de rite de passage de la jeunesse. Ainsi, on apprend que la liberté sexuelle, avant le mariage, avant un retour oblige à une fidélité totale, était de rigueur dans de nombreuses civilisations d’Asie Mineure.

En Mésopotamie encore, certaines familles peu fortunées « offraient » leur fille en échange de leur éducation et leur nourriture. Ces dernières prenaient alors un statut de domestique plutôt qu’esclave sous-entendant par la leur soumission aux plaisirs du maître. Les esclaves prostitués La prostituée, le proxénète et la mère maquerelle restent des personnages essentiels de la littérature ou les pièces de théâtre antiques. Au-delà de la prostitution sacrée, en effet, il est un phénomène plus banal, qui veut que tout esclave, féminin ou masculin, se tienne par définition à la disposition de son maître pour satisfaire tous ses désirs y compris ses penchants sexuels. Toute personne ayant les moyens d’héberger un serviteur chez elle s’épargne donc des pratiques vénales dans un bordel pour réaliser ses fantasmes a la maison, discrètement. Une part non négligeable des prostituées grecques et romaines sont donc des esclaves achetées uniquement dans ce but.

1 Hérodote, I,199 Les Belles Lettres 1983 2 Strabon, VII,378 Géographie de Strabon, trad. en français par Amédée Tardieu, Paris, 1867-1890

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Le cas de Pompéi Cite commerçante, Pompéi devait être en mesure d’accueillir de nombreux étrangers et, comme c’est le cas dans tous les centres de ce type, aux nombreux lieux de restauration (thermo poli) et de logements (cauponae) venaient s’ajouter des établissements où l’on pouvait rencontrer des prostituées Plus de trente maisons closes ont été identifiées à Pompéi ; certaines étaient très modestes, constituées d’une pièce unique avec un lit en maçonnage recouvert d’une paillasse ou d’un matelas rembourré, comme on peut l’observer dans les peintures à sujet érotique.

D’autres maisons closes étaient installées à l’étage des auberges ; on y accédait par de raides escaliers en bois. On a également suppose que l’étage des thermes suburbains était probablement destiné à la prostitution. En effet, la partie supérieure des parois de l’apodytérium était décorée de tableaux numérotés, montrant des scènes érotiques. On suppose que ces tableaux décrivent les prestations offertes par les prostituées installées dans le lupanar situe à l’étage supérieur. Ce lupanar- terme qui tire son origine du cri du loup en chaleur semblable à l’appel des prostituées –situe au croisement de deux ruelles, était distribué sur deux étages. D’après les graffitis présents dans les chambres, il semble qu’au cours des dernières années de vie de la Cité, il aurait été dirige par les dénommés Africanus et Victor On pénétrait dans le lupanar par deux entrées distinctes : la première au n°18 de la ruelle dite du lupanar, la seconde donnant sur la ruelle située au sudouest du n°19, d’un accès aisé pour qui venait du forum. Ces deux entrées menaient dans une petite salle centrale autour de laquelle s’agençaient cinq cellae meretriciae, avec des lits en maçonnage. Les latrines étaient

vue du Lupanar de nuit source : www.stephanecompoint.com/11,537,fr_FR.html

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L’accès à l’étage supérieur se faisait par un petit escalier place dans la ruelle descendant du forum : doté d’une porte et d’une fenêtre, il débouchait sur un menianum, sorte de corridor extérieur ou de balcon, qui donnait accès à cinq autres chambres. Les pièces de l’étage étaient sans Tableau érotique source Wikipedia doute pourvues de lits en bois : leurs installées sur le côté ouest, près du parois portaient un décor du IVe style n°19. plus recherche et dépourvu de scènes Les parois des cellae recouvertes d’un érotiques. crépi blanc, sont presque totalement recouvertes de graffitis, graves, tant par les clients que par les prostituées. On sait avec certitude que ces inscriptions sont postérieures à 72 après jésus christ, car l’empreinte d’une pièce de monnaie de cette année la a été laissée sur un crépi qui venait d’être pose. On imagine aisément le ton de ces graffitis : vantardise d’avoir fait l’amour avec de nombreuses filles, déclaration ou recommandations d’être attentif, la jalousie s’y manifestant souvent aussi… Si les parois de la petite salle centrale étaient décorées de simples encadrements et de guirlandes stylisées sur fond blanc, au-dessus des portes des cellae, on trouvait des tableautins ou figuraient des scènes d’accouplements, une sorte de galerie de jeux érotiques possibles en ce lieu.

Plan d’un lupanar de Pompéi source www.stephanecompoint.com A - Vestibule B - Cellae C - Latrines D - Entrée secondaire E - Escalier menant à l’étage supérieur

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Les « louves » assurent suivant cette idée l’éducation sexuelle des jeunes hommes, avant le mariage, que ne Durant toute l’Antiquité, le bordel reste pourront leur donner leurs futures le lieu privilégié pour la rencontre des femmes encore vierges. filles vénales. L’histoire raconte que les premiers bordels publics furent créés « Personne ne t’empêche ni ne te à Athènes au Vie siècle avant jésus défend d’acheter avec ton argent, si tu christ, par le grand législateur Solon. en as, ce qu’on t’offre. La voie publique Il est important de noter alors qu’en n’est interdite à personne. Pourvu Grèce comme à Rôme, on dissocie que tu ne pratiques pas de passage totalement plaisir sexuel, amour et dans le clos d’autrui, pourvu que tu reproduction. On réserve ainsi aux t’abstiennes de femmes mariées, de prostituées la dimension du plaisir veuves, de jeunes filles, de jeunes unique, la concubine se chargeant des hommes et d’enfants de naissance soins quotidiens, et la femme légitime libre, aime ce qu’il te plaira » 3

2.2 les dicterions grecs.

ayant vocation sacrée de procréatrice. Dans l’idée de Solon, la présence des femmes vénales est donc normale et nécessaire dans la ville pour pallier toute tentation d’adultère ainsi que canaliser la débauche publique de manière à recréer une hiérarchie morale dans l’acte sexuel.

dicterions grecs source Wikipedia

Le rôle de la prostituée est donc reconnu comme un bienfait social qui permet en outre pour un homme frivole de sauver la bonne morale. De fait, la seule forme de prostitution condamnée pendant cette période antique, demeurait la prostitution des hommes ou des femmes libres, des citoyens officiels. Au-delà de cela, le bordel est généralement cautionné par l’opinion publique et Caligula alla jusqu’à instauré à Rôme un impôts sur ces établissements, affirmant leur légalité. Pour autant, le statut social de la majorité des prostitués, souvent esclaves, n’est en rien reconnu, ni même celui des maquerelles ou des proxénètes. Il leur faut alors être reconnaissable dans tous les

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endroits publics et de ce fait adopté une tenue vestimentaire déshonorante, relativement à leur condition. Leurs sont réservées toutes sortes de tenues extravagantes : tunique courte, sans voile, perruques blondes, coiffures bariolées… Les sociétés antiques, dominées par le désir des hommes, affirment en parallèle la nécessite sociale de la prostitution et le mépris pour ceux qui l’exercent. Des descriptions faites de ces bordels des premières ères se retrouvent dans les écrits, tels ceux de Xenarque : « Les jeunes gens de notre ville peuvent trouver au lupanar de belles filles que l’on peut voir se chauffer au soleil, la poitrine nue, disposées en rangées. Chacun peut choisir la fille qui convient à ses goûts, mince ou grasse, ronde, grande, maigre, jeune, vielle, encore fraîche ou trop mure (…). Elles vous invitent à entrer et vous traitent de « grand-père » si vous êtes vieux et de « grand garçon » si vous êtes jeune. Et l’on peut aller voir chacune d’elles sans crainte, sans dépenser beaucoup d’argent, le jour et la nuit, comme l’on veut »4

Dans ces lieux de débauche reconnus à l’époque d’utilité publique, le principe de racolage procède généralement de la même mise en scène. Les prostituées attendent devant la porte de leur chambre sur de hauts tabourets, à la vue des clients, ou plus souvent, s’exposent nues dans des cellules ouvertes sur la rue, seulement séparées de l’espace public par un rideau tire lorsqu’elles s’occupent d’un client. Sachant l’homosexualité acceptée, même si le fait de tenir le rôle de la femme reste méprisé, l’originalité de la période antique vient de l’existence de maisons closes masculines, dédiées aux hommes bien sûr et non aux femmes. Parfois aussi, prostitués hommes et prostituées femmes se réunissent dans un même lupanar pour promettre aux clients une plus large palette de plaisirs.

3 Plaute dans sa comédie. Le charançon, IIIe siècle av JC 4 XIII,569, a-b

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2.3 La maison de tolérance (depuis Les estaminets et débits de Bonaparte) boissons, les tripots, « les bars montants » « Au lendemain de la révolution, la vénalité sexuelle reflète les bouleversements de l’imaginaire social les urgences politiques et les formes nouvelles de l’anxiété biologique » 5

L’ouverture des maisons closes au XIXe est justifiée encore une fois par des raisons hygiénistes et réglementaristes, condamnant la prostitution tout en l’estimant inévitable. Les filles sont donc des criminelles qu’il faut surveiller pour protéger la Santé publique et les bonnes mœurs bourgeoises. Ainsi donc vice et maladie ont trouve leur demeure en ces nouvelles maisons en n’ont plus droit de cite hors leurs murs. Dans son ouvrage référence, Alexandre Parent Duchatelet parle ainsi des filles de joie, usant d’une métaphore :

Libéralisés avec la loi de 1880, souvent installes dans les quartiers prolétariens, moins favorises où se concentraient les ouvriers des industries récemment établies, ils exacerbent le phénomène de la prostitution clandestine, alors que depuis la crise de 1853-1856 nombres d’ouvrières sans le sou tentent d’échapper à la misère en se vendant aux hommes. Ils exploitent la détresse de certaines prostituées occasionnelles pour attirer de nouveaux clients. Ainsi, de plus en plus de « cabaret » se transforment officieusement en maison de passes, ouvrant discrètement dans l’arrière cour une ou plusieurs chambres de fortune pour satisfaire les ardeurs de leurs clients.

« les prostituées sont aussi inévitables dans une agglomération d’hommes que les égouts, les usines et les dépôts d’immondices » 6 Ses conclusions sont simples ; cantonner le vice dans des lieux qui lui sont réserves empêchera de le laisser contaminer la rue et pervertir par la même la population digne et respectable de nos villes, c’est à dire surveiller le mal plutôt que de tenter vainement de le guérir.

5 Alain Corbin, le temps des maisons closes, l’histoire, n°264, avril 2002 6 Alexandre Jean-Baptiste Parent Duchatelet,, membre du conseil de salubrité de la ville de Paris, de l’Académie royale de Médecine, de la légion d’honneur, médecin de l’hôpital de la Pitié. De la prostitution dans la ville de Paris considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration, Bruxelles, 1837.

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3. MAISONS CLOSES / MAISONS De PLAISIRS: MYTHES ET REALITES D’UNE SPECIALITE FRANçAISE

3.1 Les maisons de grand standing 3.2 Les travers du mythe

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3 MAISONS CLOSES / MAISONS DE PLAISIRS : MYTHES ET REALITES D’UNE SPECIALITE FRANçAISE

Intérieur du Chabanais source www.curiositel.com

3.1 Les maisons de grand standing Au cours de la belle époque, période de prospérité économique et de tranquillité politique, plusieurs formes de divertissements se sont développées. Le cirque et le music-hall renvoyaient cette sensation de liberté propre à cette période historique, faisant office de scènes ouvertes de toutes les discussions politique et sociales. D’office, au même titre que n’importe quel artiste, les prostituées se sont accaparées ces lieux de gaieté et les ont fait prospèré. Elles s’offraient volontiers en spectacle, et leur seule présence à proximité des cafés concerts était une garantie de succès pour l’établissement chansonnier.

Actrices de ce théâtre au milieu des rues, les courtisanes, les plus sophistiquées d’entres elles, symbolisèrent les luttes populaires face à l’ordre bourgeois. A l’image de la prostituée Theresa qui mettait toute son âme à chanter les joies et les désirs de la foule. Lieux de débauche officielle, les maisons de tolérance apparaissent sous le Directoire et perdurent officiellement jusqu’en 1946, date à laquelle la loi Marthe Richard est adoptée qui consacre leur fermeture. Soumises à un nouveau système reglementariste typiquement français, elles rassemblent en leur salons nombres d’hetaires dénudées qui consacrent la prospérité des établissements de plaisirs dignes de célèbre « caf-conc ». On ne peut alors dissocier ces lieux mythiques, qui vécurent leurs heures de gloire pendant ces fameuses Années Folles et laissent encore rêveur, du Paris gouailleur. C’était en effet la grande époque des Folies Bergères et du French Cancan, des gros hommes à rouflaquette et des froufrous des petites femmes. Lieux de spectacles de rigolades autour d’un verre,… Les maisons closes telles qu’elles ont fait fantasmer les hommes et rendu jalouses, voir excité quelques femmes vertueuses, transportent encore avec le souvenir

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d’elles la mémoire de moments de douce volupté, de gentils libertinages, d’un folklore coquin ou de simples petits bonheurs entre amis de tous niveaux sociaux et de tous bords. Elles suscitent souvent de la nostalgie de la part de ceux qui les ont connues, ou l’envie pour ceux qui n’ont jamais pu y pénétrer. Et, régulièrement, leur réouverture est prônée par tel ou tel qui voit un moyen pour lutter contre les réseaux mafieux ou contre les pandémies de maladies sexuellement transmissibles. Finalement, les maisons de tolérance les plus fantasmatiques se présentaient comme des clubs prives ou l’on pouvait se retrouver entre des gens de la haute société. Plus qu’un lieu de sexe payant, elles gardent l’image d’un endroit ou chacun, en province comme a paris, sortaient le soir pour boire un verre et s’amuser, dîner aussi, sans pour autant nécessairement monter avec les files. Le seul plaisir de profiter d’un dépaysement momentané, accompagne par une atmosphère impudique et légère suffisait a satisfaire. Echappant au carcan d’un quotidien respectable, comme lors d’un carnaval, l’on s’autorisait des libertés de comportements, des exagérations libératrices mais éphémères dans un univers coupe du réel, dans des

maisons transfigurées devenues décor d’une illusion de débauche. Alain Corbin décrit ainsi le rôle social du lupanar, évoquant les années 1900 : « le bordel est alors tout à la fois un lieu d’initiation pour les adolescents, de consommation sexuelle pour tous ceux qui souffrent de disette en ce domaine, de compensation pour les maris qui rêvent d’une vie sexuelle extra conjugale : c’est aussi un cercle pour la bourgeoisie masculine des petites villes privées de distractions, un haut lieu de l’érotisme pour les blasés, les « pervers » ou simplement les curieux de pratiques étranges ou raffinées interdites aux épouses bourgeoises, ce peut être enfin un simple endroit de distraction passagère pour des touristes ou des pèlerins qui cherchent à faire de leur voyage une période de rupture et de dépaysement dans leur vie sexuelle quotidienne… » 7 De ces scènes mythiques de la luxure, raisonnent encore les noms des plus prestigieuses : Le Chabanais, annexe du Jockey Club, cantine du Prince de Galles – futur Edouard VII- : Le Sphinx, boulevard Quinet, inévitable palace du plaisir au décor égyptien ; le One TwoTwo, rue de Provence.

7 CORBIN, Alain, Les filles de Noce : Misère sexuelle et prostitution :19e siècle, Flammarion, Paris, 1978

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A l’époque, pittoresques et représentatives du savoir bien vivre à la française, ces grandes maisons étaient présentées en bonne place dans les guides roses ou autres guides touristiques. Nombreux étaient les riches et respectables clients étrangers qui s’affairaient a faire rentrer en France par leur intermédiaire une quantité certaine de devises. Le commerce lucratif des établissements de prostitution grand standing avait bel et bien sa part dans l’économie du pays et s’en voyait d’autant moins contrôlées. Le fidèle peut espérer quelques considérations supplémentaires, surtout s’il est homme de qualité : ainsi le Prince de Galles, futur roi d’Angleterre sous le nom d’Edouard VII, disposait en permanence d’une chambre au Chabanais dans laquelle il oubliait les contraintes du puritanisme victorien. Pour se délasser, il avait par exemple fait mettre à sa disposition une baignoire rutilante qu’il remplissait de champagne avant d’y inviter plusieurs filles. Il faisait également amener dans la chambre de ses ébats payants un étrange fauteuil à étriers métalliques, spécialement conçu et réalisé pour lui permettre sans doute de s’amuser avec deux dames en même temps. D’autre tête couronnées se croisent, ou plutôt se laissent entrevoir, la discrétion s’impose, dans cette bonne maison , car

le Chabanais se trouve au programme des visites inscrites au protocole de l’Elysee. On comprend la rareté de ce genre de Relais et Château du plaisir. La raison de la notoriété des établissement tels que les Chabanais procède avant tout de leur atmosphère architecturale. Outre les classiques chambres à thèmes que l’on peut retrouver partout, telles que les chambres mauresques, médiévales, japonaises,… Qui use des attributs exotiques sans trop se soucier de la justesse historiques de ces reproductions, des « atmosphères » plus surprenantes sont proposées. Le sphinx par exemple, propose les plus folles spécialités sexuelles dans un décor égyptien déroutant. Le One Two Two, de son coté à eu l’idée d’aménager ses combles en grenier à foin pour offrir aux hommes la possibilité de retrouver leurs émotions de jeunesse campagnarde avec une fausse paysanne. Autres nouveautés, la conception d’une hutte de sauvage, ornée de masques africains tribaux, de tête de rhinocéros et peaux de tigre… ; celle d’un igloo esquimaux, d’une cabine de transatlantique, et même d’un compartiment de chemin de fer, animée d’un mouvement imitant les secousses d’un train, agrémentée aussi d’un décor défilant pour donner, jusqu’au bout, l’illusion du voyage.

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En résumé, la plus grande faculté d’imagination est demandée aux décorateurs et rien ne leur est interdit s’il s’agit de satisfaire les plus fous désirs de la clientèle. En outre, de ces folies architecturales, naissent de nouveaux et surprenant emplois / contre-emplois, bases sur la tromperie et le paradoxe, tels que des faux contrôleurs SNCF, charges d’intervenir dans les ébats du client pour une étonnante et déroutante vérification de billets. Un niveau en dessous de la maison de luxe, plus courante et moins chère, la maison de quartier a pour vocation de satisfaire la bonne bourgeoisie. Là, le parcours est simple, le client entre, les filles disponibles sont rassemblées dans les plus beau salon, il fait sont choix et monte avec l’ « élue » pour s’ébattre dans une des chambres inoccupées. Il est à noter que, hormis les habitués, nul ne doit se croiser dans l’établissement. Le client qui descend emprunte donc un autre escalier que le client qui monte. Cette particularité est encore visible dans l’ancien hôtel Belgioso, rue Montparnasse à Paris. C’est à ce genre de maison que ressemblent la majorité des bordels de province. Ils y ajoutent une gaîté bon enfant, les habitudes s’y prenant aisément. Souvent, le notaire, le pharmacien et les capitaine d’artillerie

s’y retrouvent, chantent et boivent gaiement avant de « monter ». Les jours de foires ou de comices agricoles, ce sont les laboureurs qui viennent s’offrir les services des pensionnaires. C’est ce genre de maisons, pittoresques, fraîches et joyeuses que décrit dans la maison Tellier Maupassant, grand amateur de ce genre de lieux. L’établissement de rendez-vous mime donc l’intimité de l’intérieur bourgeois devenu temple des perversions. Ainsi à Bordeaux, les maisons de premières classes s’installaient dans des échoppes : « cette maison basse, en pierre, prolongée par une cour ou un petit jardin (..) n’est pas économe d’espace et a donné à Bordeaux son étendue, et a ceux de quartiers pericentraux leur monotonie » 8

8 AMIEL, Laurence, La prostitution et les prostituées a Bordeaux du début de XIXeme siècle au début du XXeme siècle, cahier de l’IAES n°8, Bordeaux.

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3.2 Les travers du mythe La description des lieux de plaisir, située entre splendeur et misère, explique la capacité de la maison de tolérance à transporter le client dans un monde différent de celui de sa routine journalière : pour les uns elle offre la chance de goûter à un luxe extravagant et ostentatoire, pour les autres elle amène à toucher du doigt les plus bas fond de la société, provisoirement, avant de retrouver un monde plus tranquille. C’est l’apologie d’une splendeur sinistre : un nouveau baroque fait d’obscénité et de vénalité. Malheureusement, comme au théâtre, on ne cherche pas à savoir ce qui se trouve en coulisse, derrière les masques, l’important c’est l’apparence de félicité débauchée qui satisfait les esprits le temps d’un verre et d’une passe, pourquoi pas. Si la dorure du luxe et de volupté a pris une certaine patine c’est pour mieux atténuer aussi certaines craquelures, défauts de fabrication et autres éclats qui auraient pu ternir l’image doucereuse de certains établissements. L’ordonnance du 13 avril 1946, dont Marthe Richard, ancienne espionne et accessoirement prostituée, est l’instigatrice, met les maisons closes hors la loi. Certes les raisons premières de cette

décision de fermer les tolérances restent d’ordre morales, sanitaires, et sociales, mais elles consistent aussi, souligne Alphonse Boudard (9), en : « une mesure d’épuration, on va fermer les cloaques non pas tellement parce qu’ils outragent les bonnes mœurs, mais surtout parce qu’ils ont collabores. » En effet, nombres de Maisons de grands standings ont su jongler avec l’air du temps n’hésitant pas à héberger les hauts dignitaires de la Gestapo, Wehrmacht, des collabos et des truands de haut vol, profitant de l’aubaine pour trafiquer, user du marche noir, obtenir certains services… Ce fut une des raisons de trop qui signèrent la fin du régime reglementariste en France. Par ailleurs, derrière le voile du fantasme, le fonctionnement interne des maisons ne procédait pas de la douce quiétude. Amendes en tout genre pleuvaient (pour retard, mauvaises tenues, refus de coopérer avec un client un peu trop exigeant…) Sur les pensionnaires qui ne profitaient pas longtemps de leurs pourboires récupérés par tous les moyens possibles par le tenancier qui tenait sont établissement d’un main de fer, lourde souvent. Un retour historique sur la marche militaire du bordel du XIXe et du début du XXe permet par ailleurs de

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montrer qu’en dépit de l’encadrement policier, cette forme d’organisation de la prostitution n’a pas empêché ni l’esclavage féminin, ni la prostitution clandestine, ni la propagation des maladies vénériennes. Car les mémoires de la troisième république sont sélective. Si les plus luxueuses maisons de tolérance ont conquis leurs lettres de grande respectabilité et ont profite de l’imaginaire des plus grands artistes, marqués par leur séjour dans ces lieux de débauche grand standing ça n’a été que pour masquer la réalité sordide d’autres maisons, qui n’avaient finalement de tolérance que le nom. Loin de l’univers fantasque et magique des Chabanais, Sphinx et One Two Two, les prostituées moins appréciées des riches messieurs n’avaient comme seul choix que de remplir les rangs des taules ou se succéder marins, pauvres ouvriers, et marginaux, les basses classe de la population, dans un décor sordide à pleurer. Les maisons closes se trouvaient classées selon une hiérarchie qui signait la décadence malsaine de certains de ces « cloaques » Les bordels n’ignoraient donc pas la pyramide sociale. De la maison de luxe, on passait alors à la maison de quartier réservée aux petits bourgeois. Puis, venaient, loin derrière dans le respect des filles, les bordels plus populaires, ceux des

ports et des villes de garnison. A la base de la hiérarchie enfin, on trouvait la taule d’abattage, lupanar –prison, pour des forcenées réduites à satisfaire aux plus vite, dans des chambres cellules, les pires désirs du plus grand nombres, avec obligation de rentabilité assorti d’une privation de toute liberté individuelle, s’entend. De la « putain » starisée, mystifiée, convoitée, de la maison de tolérance à l’ouvrière du sexe qui travaille à la chaîne, un énorme fosse se creuse. « … Ici, écrit Alain Corbin, l’estaminet jouxte une salle commune meublée de tables de bancs de bois : les filles, vielles pour la majorité, le visage enduit de fards pour tenter de dissimuler leurs rides, boivent de la bière ou de l’absinthe et se livrent aux clients dans des chambres meublées d’un lit de fer, voire d’une simple paillasse. Telles se présentent aussi les maisons d’abattage où la femme ne vaut guère plus qu’un verre de bière… »10 Dans les faubourgs, les filles sont livrées à des ouvriers, à des soldats, à des marins qui viennent consommer sexuellement pour un prix à peine supérieur à ce qui leur est demande pour un verre d’absinthe Berthelot. Les prostituées sont contraintes d’effectuer leur besogne mécaniquement dans des endroits souvent malpropres, voir répugnants. Dans ces maisons de dernier ordre, l’alcoolisme et la violence

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font partie du quotidien. L’une de ces taules s’est forgée une triste réputation. Elle se trouvait rue de la Chapelle, et s’appelait le panier fleuri, un nom bien gai pour une usine à chair qui à détruit bien des filles : « la, nous touchons à la folie ! Plus rien d’humain. Dante a oublie ce cercle de l’enfer… » 11

Fonctionnement d’arrière scène de taules : La maison de tolérance quelqu’elle soit se situe entre la caserne, l’usine et la prison, avec plus ou moins d’apparat pour masquer cette réalité. La fille qui entre, le plus souvent parce que la nécessité ou la misère l’y a poussée, ne possède en sortant que le peu avec lequel elle a fait ses débuts. Dans la maison, elle découvre une vie collective de tous les instants, presque une vie cloîtrée. Les repas se prennent sur place, le couchage a souvent lieu en dortoir, les temps d’attente du client se passent en commun dans les salons. Les sorties sont rares et généralement collectives. Dans ce monastère du plaisir, dans ce pensionnat du sexe, une seule chose ne se partage pas équitablement ; l’argent.

C’est un lieu d’ordre où règne une discipline de fer, visant à annihiler toute autonomie des pensionnaires. Dirigeant son monde, la taulière (souvent une prostituée qui a réussi) a la gestion de l’établissement et en fixe les règles : paiement des chambres et de la pension, attribution des « primes » ou d’amendes, comportements. Ayant obtenu de la police le droit d’exercer elle se doit de consigner dans un registre le nom de toutes les filles qui font tourner son commerce, ainsi que le résultat des visites sanitaires. « le client paie 525 francs. Sur cette somme, 350 fr sont alloués à la maison et 150fr à la femme ; il y a 25 centimes de serviettes. Le client n’est pas oblige de faire un cadeau à la dame, mais s’il en fait un, l’intéressée doit le partager avec la direction… La présence obligatoire est de 15h par jours : de midi a 3h du matin. La direction déconseille fortement à ses pensionnaires d’emmener de l’ouvrage (tricot, lecture…) Pendant les heures de travail. Les frais sont de 40 francs par jour, non compris la visite du médecin. Les dames sont priées de ne pas faire adresser leur correspondance à 9 BOUDARD Alphonse, La fermeture, 13 Avril 1946 : la fin des maisons closes, Robert Laffont, Paris, 1986 10 Les filles de noce ; misère sexuelle et prostitution (XIXeme), Flammarion, Paris, 1978 11 VAN DER MEERSCH, Maxence, Femmes a l’encan, 1945

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l’adresse de cet établissement. »12 « quotidiennement exploitées, les pensionnaires voient rarement la couleur de l’argent qu’elles gagnent (…) Toute l’habileté du système consiste à maintenir les filles dans un endettement permanent. Comme elles n’ont qu’exceptionnellement le droit de sortir, les filles se fournissent sur place à des prix exorbitants. Outre les suppléments de tous ordres, les amendes pleuvent ; verre cassé, retard, injure aux clients, dépassement du minutage.. Souvent mal logées, entassées dans de sinistres « bahuts » sous les combles, voire couchées à deux dans un seul lit, les pensionnaires n’ont pas voix au chapitre (…) Elles sont taillable et corvéables à merci. Des clients elles doivent tout accepter, tout subir… » 13 En fait, l’économie du lupanar, fonctionne en circuit ferme : tout en vient et tout y retourne. De son cote, l’Etat proxénète encaisse 50% des bénéfices de ce commerce du sexe lucratif, sur imposition ; de même les propriétaires des lieux touchent sans complexe pots de vin et dessous de table. Officient ensuite pour la taulière les placeurs, marchands d’illusion, qui piègent les filles par de belles paroles et de belles promesses à l’extérieur, partout ou ils risquent de trouver une filles plus fragile, plus rêveuse, plus naïve…, Dans les bureaux, les

hôpitaux, dans la rue… D’autant que dans les années 30, le chômage sévit dans les cités industrielles et constitue un atout de poids pour le recrutement. De toute façon, tout est bon pour tromper les filles et les envoyer au pain de fesse, de la petite annonce pour un mannequin, à la drague dans les balloches, en passant par le concours de danse ou de chant, sans oublier la promesse de mariage. D’ailleurs des « bureau de placement » s’étaient organises de manière parfaitement officielle. A la fermeture définitive, fin 1947, on constate qu’un millier de prostituées environ sont devenues clandestines (28). La loi devait s’accompagner de diverses mesures d’aide à la réinsertion (centre d’hébergement, services d’accompagnement, éducation…) Des filles, dispositions politiques qui tombèrent rapidement dans l’oubli mais que des associations loi 1901, engagées auprès des prostituées, sur le terrain, tentent, de leur initiative indépendante, d’adapter.

12 Reglement de la « Demi Lune » situes 6 rue des Marins, à Nantes, 1906 13 BOUDARD Alphonse, La fermeture, 13 Avril 1946 : la fin des maisons closes, Robert Laffont, Paris, 1986

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En 1946, sur 12000 filles arrêtées par la police sur le trottoir, 9000 sont issues des bordels. On estime à ce moment la que 30000 a 40000 femmes se prostituent en France (comprenant les filles en carte, les demi-pro et les occasionnelles), et 95% d’entre elles sont sous la coupe de souteneurs. Devinant les conséquences des remuements politiques lancés par Marthe Richard, plusieurs établissements prirent aussi les devants pour éviter la fermeture, ou du moins la détourner. La réponse fut architecturale et rusée. Ainsi, les façades, du Martinique, de l’Arc-en-ciel, se transformèrent en devanture de dancing où les filles venaient donner de rapide cours de rumba et tango avant d’emmener le client danseur dans des hôtels proches. Les tauliers deviennent aussi patrons d’hôtels ou de bars. Longtemps institutionnalisée la prostitution s’est vue soutenue au cours des siècles par l’ensemble des autorités, cléricales puis laïques, monarchiques puis républicaines et circoncise spatialement, régulièrement cloîtrée. Les prétextes se veulent essentiellement hygiénistes mais propres a satisfaire les bonnes mœurs et canaliser les envies débauchées des bonnes gens, et des dignes serviteurs de la nation, de sorte que l’espaces public pouvait préserver l’image de sa

légitime vertu. C’est pour des raisons sanitaires, quand des maladies telles que la syphilis commencent à se développer, que chaque fois est revenue sur le devant de la scène politique la « nécessité » de l’enfermement des filles soupçonnées, à tort, d’être les coupables de l’épidémie. Mais ces décisions d’emprisonnement, finalement, n’ont jamais eu vocation à protéger la condition des prostituées elles mêmes (jamais considérées comme des citoyennes à part entière) mais plutôt l’intérêt collectif des bons citadins. Le bien être du client à toujours prévalu sur le bien être des prostituées, privées de liberté, entassées dans des chambres sans confort, mises régulièrement à l’amende… Dans les lieux conventionnés, tout était pense, la mise en scène surtout, pour satisfaire le désir masculin et les filles y sont d’office dévouées. De fait, malgré des siècles de reglementarisme et de tolérance officielle ou officieuse, la persistance de la prostitution de rue s’explique aisément. D’une part, certaines des prostituées, plus pauvres, plus laides,..., Interdites dans les lieux officiels ou recherchant une plus grande discrétion pour protéger leur statut, n’avaient que cette solution ; d’autre part, toujours les filles ont cherche à toucher a une certaine indépendance de façon à éviter les contrôles réguliers

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que subissent les établissements de plaisir, dicterions, bains publics, bordels municipaux, maisons closes ou quartiers réservés. Sortir des zones de prostitution, zones-prisons (ouvertes ou fermées, intérieures comme extérieures, privées ou publiques) marquées par des signes distinctifs évidents : décor urbain, modénature architecturale, port obligatoire de vêtements, maquillages, accessoire, extravagants…, Représente la volonté d’échapper au marquage social de la fille de joie objet de plaisir soumis. La prostitution à toujours su se jouer des règlements et transformer ses pratiques pour détourner les normes établies et satisfaire différemment l’ensemble des demandes de la clientèle masculine. Elle déborde des cadres ou trouve des solutions pour se cacher, continuer d’exister même dans l’interdit.

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4 Comédie d’amour illusoire

4.1 Jeu de rôles 4.2 Un jeu éphémère 4.3 Le décor du spectacle des éléments architecturaux symboliques

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4 Comédie illusoire

d’amour

Certes, cet amour que se jouent les deux partenaires est un amour impossible puisqu’il y a paiement mais sans paiement, il n’y a pas de rencontre et pas de rêve. Au sujet du camp des Tartares du jardin du Palais Royal « C’est sous ces planches, que le feu dévorera peut-être en une nuit, qu’on voit le précoce libertinage ; il est à l’encen pour l’homme qui s’éteint. On y remarque une foule de jeunes gens qui, en fredonnant, se précipitent, dans les petits spectacles, plus fréquentes que les grands (ceux de la comédie française en l’occurrence), car ils sont immoraux. » 14 La prostitution n’est qu’illusion des sentiments, illusion des gestes, illusion du contexte, tout est mis en œuvre pour tromper le client et c’est ce mensonge qu’il vient trouver, ce mensonge qui l’attire, comme pour se construire une vie parallèle incroyable en totale contradiction avec son quotidien. C’est le désir de se laisser volontairement leurrer, d’accepter une mascarade qui ne se légitime justement que dans ses exagérations. « C’est une illusion comme les maisons du même nom, mais ça fonctionne très fort parce que ça met en jeu l’imaginaire. Pour tuer la prostitution il faut tuer

l’imaginaire, donc l’inconscient et quel homme peut continuer de vivre sans imaginaire ? » 15

Dramatisation. 4.1 Jeu de rôles. « la prostitution correspond à une liaison sexuelle unilatérale, où c’est l’acheteur qui en réalité est la partie sexuelle. La prostituée symbolise et représente la sexualité. Elle peut être considérée comme une actrice ; elle même est en général non sexuelle. » Dans l’artifice des rapports qui unissent les deux acteurs principaux de la prostitution, la passe apparaît comme une scène éphémère qui sublime la relation. Client et prostituée adoptent un jeu décalé par rapport à l’ordinaire qui prend alors d’autant plus de sens que pour l’un et l’autre. Ils se trouvent tour à tour comédiens et spectateurs. Un rituel s’établit ou chacun simule ce qu’il ne ressent pas pour embarquer l’autre dans son histoire ou correspondre à ce qu’il croie que son partenaire attend. Si aucun lien profond n’unit les deux partenaires vénaux, en revanche chacun sert de miroir à l’autre, lui montrant à la fois ce qu’il cherche et ce qu’il est vraiment. 14DUPOUY, Alexandre, ROMAIN, Hippolyte, Guide partique, fidèle et illustre des filles de joie du Palais Royal, Astrate, Paris,1999 15 CHALEIL, Max,Prostitution, le désir mystifie, Parangon, Paris, 2002

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Ainsi, peut-on considérer que l’attitude 4.2 Un jeu éphémère. du consommateur de prostitution est proprement masturbatoire, donc solitaire, quand il se projette dans une Vu par le client, le commerce du histoire afin de jouir du rôle qu’il y tient. sexe donne surtout l’opportunité de rentrer plus rapidement dans le D’un autre coté, le client qui nie sa jeu d’une séduction fausse dont la partenaire n’existe pas non plus durée n’a d’intérêt que pour maintenir pour elle. L’argent demeure la seule un moment l’excitation et la laisser chose que les prostituées conservent monter. Néanmoins la conclusion de concrètement de leurs multiples son approche est certaine et ne laisse rencontres. Elles aperçoivent sans envisager aucun refus. Cette certitude regarder des visages, d’aboutir à l’acte sexuel justifie le des comportements, des sexes, qui se désir d’un moment éphémère. Les noient aussi vite dans la quantité de prostituées pour les hommes qui les ces retrouvent ne sont qu’amusement bouts d’individus déjà croisés. convenu et pas engagement : Germaine Aziz parlant des clients ; « est ce qu’ils te font confiance eux ? T’es rien qu’un moment. »16 En ce sens, elles deviennent intemporelles. Comme créatures de chair, elles sont regardées souvent et symboliquement comme le refus de la durée, de la mesure. Elles sont dépense, gaspillage, et en même temps témoignent d’un éternel recommencement, à l’inverse de l’épouse qui s’inscrit dans la continuité, le prolongement de la famille.

«Maison close», 2005 ; installation, sculpture en bois et étoffe Leslie Barnig source www.artgallery.lu

Elles apparaissent alors comme la gratuité, non pas au sens pécuniaire du terme, mais dans le désengagement que les clients peuvent afficher appréciant

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le plaisir sans avoir à entrer dans les complication de l’amour. Chacun de leurs partenaires occasionnels réclament d’elles d’oublier leur passé ; elles doivent laisser au souvenir le précèdent client qui s’installe lui aussi dans une totale intemporalité. Si la répétition des passes plonge les travailleuses du sexe dans une permanence irrévocable de l’acte de se vendre, le rapport sexuel tarifié semble au client un moment éphémère vite évacué et oublié. Toujours la prostitution se résume dans des ambiguïtés qui démontrent l’extrême imbroglio de son territoire où se rencontrent pour un acte extrêmement intime des acteurs aux intérêts complètement opposés. L’espace de la chambre se présente alors comme une scène, support de la concrétisation d’un imaginaire et de fantasmes, où se représentent, le temps d’un acte, les deux personnages de la prostitution. Cette image du théâtre, se traduit dans le principe du décor.

Amsterdam : Le quartier rouge et ses maisons closes. source www.FLickr.com

4.3 Le décor du spectacle ; des éléments architecturaux symboliques. « (…) Et le voici au fond de palais monstrueux Dont les vitraux dardent aux cieux L’inquiétude, Et le voici, soudain, qui se transforme en multitude. La scène brille, ainsi qu’un éventail, Au fond, luisent des minarets d’émail Et des maisons et des terrasses claires. Sous les feux bleus des lampadaires, En rythme lents d’abord, mais violents soudain, Se cueillant des baisers et se frôlant les seins, Se rencontrent des bayadères ; Des négrillons coiffes de plumes, -Les dents blanches, couleur d’écume, En leurs bouches, vulves ouvertes,Bougent, tous les mêmes, d’âpres un branle inerte. Un tambour bat, un son de cor s’entête, Un fifre cru chatouille un refrain bête, Et c’est enfin, pour la suprême apothéose, Un assaut fou débordant sur les planches, Un étagement d’or, de gorges et de hanches, D’enlacements crispes et de terribles poses

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son personnage inspirateur dans une grande quantité de film. Le cliché de la putain a fait de la prostitution un scénario de fantoches propre a cristalliser des sentiments sommaires d’amour, de haine ou de sympathie. La saynète qui se joue alors entre client et professionnelle du sexe garde pour fonction le divertissement (même s’il n’est qu’univoque, tout tourne vers Des bassons forts et des gros cuivres ; le rôle masculin) liée au spectacle qui Mille désirs naissent, gonfles pesants, s’offre. Il s’agit de rompre les amarres de la vie réelle, de subir des chocs goulus. On les dirait si lourds que tous, n’en émotif. pouvant plus, Se prostituent en hâte et choient et se « La sensation ne naît pas d’une seule forme, elle naît d’un contexte. La délivrent. fonction commune de ces créations (ici relative à la maison close) est le Et minuit sonne et la foule s’écoule -Le hall ferme- parmi des trottoirs noirs : scénario qu’elles suggèrent. Elle participe à la création d’un théâtre Et sous les lanternes qui pendent Rouges, dans la brume, ainsi que des intime où l’individu invente une mise en scène et se projette dans un rôle » 18 viandes, Ce sont des filles qui attendent. » 17 Et de torses offerts et des robes fendues Et des grappes de vice entre des fleurs pendues. Et l’orchestre se meurt ou brusquement halète Et monte et s’enfle et roule en aquilon ; Des spasmes sourds sortent des violons ; Des chiens lascifs semblent japper dans la tempête

Deux acteurs, une scène, une histoire, un moment, la prostitution paraît un jeu de théâtre qui hésite entre comédie, drame et satyre selon le spectateur. Fixée dans un emploi, stylise et déshumanisé, la prostituée est un rôle de spectacle par excellence, parlant et pittoresque. De la goualante à l’obscène, de la courtisane à la fleur des paves, de la fille de joie à l’idole de mort, on n’est pas surpris de retrouver

16 CHALEIL,Max,Prostitution, le désir mystifié, Parangon, Paris,2002. 17 VERHAEREN,Emile,Le spectacle, tire du recueil les villes tentaculaires. Librairie generale Française, Paris,1995 18 Intramuros, Sexe et design, n°103, octobre-novembre 2002

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Ainsi, par le décor qui donne vie à la pièce, on masque les coulisses, la machinerie qui fait se succéder les multiples scénographies du lieu, tout ce qui rattache à la trivialité du fonctionnement. De même l’architecture où le paysage urbain sont des loups farfelus derrière lesquels se dissimule la réalité des conditions sociales, économiques de la prostitution pour n’en garder que la « magie ». Dans un sens c’est aussi le moyen pour les acteurs d’affirmer leurs deux personnalités, celle à la scène, impalpable, et celle à la ville, inviolable. En réalité, la prostituée se fait plutôt metteur en scène et le client spectateur tous deux se transformant subrepticement en comédiens le temps de l’acte sexuel. Les territoires du commerce du sexe se présentent comme des lieux scéniques donc où l’on demande aux prostituées d’être des meneuses de revue, capables d’improviser et de s’adapter aux inclinations de tous les clients. Les impératifs dramatiques concourent à renforcer leur spécificité car la pièce qui y est présentée nécessité d’être dynamique pour se laisser regarder sans ennui, il lui faut des rebondissements et une action très concentrée. Les lieux de prostitution fonctionnent finalement comme le « théâtre

clandestin » de passions illicites où le spectacle joués prennent souvent des airs de paillardise (sous toutes ses formes). D’ailleurs, nombre de maisons de plaisir avaient aménagé leurs salons de scènes particulières appelées Corbeille (car elle se présentaient sous la forme d’un demi-cercle fermé d’un faux salon où s’installaient les filles) pour prendre des allures de cabaret, ou de café-concert. Pour que le décor donne l’illusion d’une union parfaite entre le réel et l’imaginaire, l’exubérance et la profusion sont de mise. Mais la digression s’expriment dedans, où se réalisé concrètement et physiquement le fantasme, comme une chose offerte aux seuls inities, à ceux qui ont fait la démarche de la rencontre, se sont laissés dans un univers d’exception et non de banalité. De fait, la mise en scène intérieure contraste avec l’apparente normalité du dehors, qui use plus de la surprise subtile pour capter les usagers. Une fois dans l’espace personnelle de la prostituée le marché est conclu et l’univers imaginaire franchi, le délire y est alors autorisé. L’excitation dehors et dedans ne procède pas des même subterfuges. En s’enfonçant de l’extérieur vers l’intérieur du bâtiment, le client passe aussi de l’émanation exaltante du mystère à une démonstration surréaliste du plaisir des sens.

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« une belle façade ma foi ! 10 fenêtres dont les volets clos avaient l’air de baisser les yeux pour ne pas gêner le client, une porte épaisse dont un guichet grillage augmentait encore la solennité et une lanterne rouge, que l’on n’allumait plus depuis 20ans » 19 Ainsi, les maisons closes de luxe usaient de la retenue intrigante de leur façade pour redoubler l’artifice de l’ornementation intérieure. Dans les lieux les plus luxueux, les filles étaient triées sur le volet : langage châtié, tenue bourgeoise, élégance et non vulgarité… Mais pour un savoir- faire érotique à toute épreuve, une fois dans la chambre le plaisir masculin était roi. Les adeptes de ces lieux de fantasmes, souvent riches et célèbres, payaient le prix fort pour la mis en scène débridée de leur imagination sexuelle, nécessitant accessoires et champagne. Pénétrer ces endroits réservés c’était être invité dans des olympes exotiques, charmant l’adulte d’une festivité foraine débordante. Mélange neo-baroque, de dorures, statues de nymphes alanguies, psychés grandioses et escaliers monumentaux, la démesure du dedans, contrastant avec la simplicité bourgeoise du dehors, cautionnait les débordements sensuels que s’autorisaient occasionnellement les clients. Les salons de réception y étaient

immenses, avec colonnes, meubles uniques et oeuvres d’art, rien n’était laisse au hasard. Le client était transporte dans un palais des mille et une nuits et des mille et un voyages. De chambre en chambre, il pouvait passer de la cabane primitive a l’igloo, de la grange a la chambre François 1er , de la nurseries au wagon-lit…, Traversant a l’envie une sorte de parc des minichateaux qui concentrait en un même site le résumé de toutes les singularités locales et étrangères. Cette multiplicité des possibles rendait d’autant plus confuses les limites entre réel et imaginaire et la surcharge du décor rappelle que tout ce qui pouvait être demande de plus insensé, ces maisons pouvaient l’offrir. De fait, le mythe des établissements de plaisir de grand luxe a fixe dans l’imagerie commune l’idée d’une certaine sexualité féstive pour faire oublier l’enfermement contrôle des pensionnaires. Une symbolique architecturale forte semble avoir pétrifié la substance frivole des lieux et explique que cette utopie joyeuse perdure encore. Ce sont ces éléments métaphoriques récurrents qui fabriquent cette atmosphère particulière jouant entre exubérance et retenue, entre exhibition et pudeur. Le double sens se révèle alors entre extérieur et intérieur 19 BOUDARD, Alphonse, ROMI, L’age d’or des maisons closes, Albin Michel, Paris, 1990

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qui suggère ou exagère les sentiments, accompagnant ainsi l’évolution des émotions du client ( de la discrétion a la démonstration physique) jusqu’à la consommation du marche vénal.

Pas de porte Vitrine d’Amsterdam www.sudouest.fr/2011/12/07/prostitution-le-client-mis-al-amende-573497-4696.php

Prostitues chinoises a la recherche de clients www.Flikr.com

Dehors : A l’extérieur, Une distance particulière est réservée, a la fois excitation du voyeur initie et du curieux intrigue par ce qui se passe derrière des parois volubiles.

Le Pas de Porte : Encadrements énigmatiques, ils tiennent lieu de piédestaux aux prostituées qui prennent l’allure de cariatides des rues. En même temps ils marquent le seuil, dernière limite avant de passer définitivement dans l’univers voluptueux de la prostitution. Mais les portes entrouvertes ne laissent rien montrer de l’activité de l’endroit et renforcent le mystère excitant. Souvent, à l’image des clubs prives aujourd’hui, les entrées des lieux de prostitution présentent des guichets à charnière par lesquels sont jauges puis acceptés ou non les clients.

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persiennes entrouvertes source www.Flikr.com

Volets clos et persiennes : Entre montrer et cacher, ils jouent du plaisir voyeur, en même temps que de l’extrême mise en scène. Au temps des maisons closes, officiellement, les persiennes devaient être fermées, scellées et garnies de rideaux, protégeant la vue de l’extérieur, mais nombreuses étaient les filles qui prenaient l’air en tenue légère dans l’entrebâillement des fenêtres. A cette époque aussi, certaines prostituées « faisaient la fenêtres » dans l’après midi avant que l’établissement ouvre ses portes, de même elles s’installaient sur le pas de la porte où s’asseyaient sur une chaise au milieu de la rue. Ces pratiques interdites de racolage public étaient pourtant largement encouragées par les tenancières qui voyaient là un bon moyen « d’étaler la marchandise pour mieux la vendre »

mise en scene sur un balcon de prostitués bresiliennes source www.Flikr.com

Le Balcon : Il procède du même jeu d’exhibition contenue de l’intérieur sur l’extérieur. Entre plaisir des yeux, pour le client et sentiment de domination dans la rencontre pour la prostituée. Support de jeu de séduction et de racolage, il impose une distance entre les deux partenaires.

Lumière rouge émanant d’une maison d’Amsterdam source www.Flikr.com

La Lumière : Elle sert la mise en scène des professionnelles dans la rue, rend les corps de nuit plus étranges et impalpables. Le lampadaire reste un élément symbolique, attribut cliche de la prostituée calée contre son réverbère attendant le client. 32


Escalier au One Two Two source www.insenses.org

Et Dedans L’escalier : Élément essentiel structurant de certains lieux de prostitution, il cristallise l’idée de passage entre deux univers, celui de l’ordinaire et celui de l’inhabituel. La montée met en scène l’un des moments les plus fantasmatiques du rapport vénal. Derrière sa partenaire, le client observe un corps qui se meut pour son seul plaisir, il semble l’étreindre furtivement. Et puis comme la descente des marches au cabaret célèbre le moment de gloire de la meneuse de revue, l’ascension vers la chambre des plaisirs peut devenir le temps de la parade intime, la consécration du désir du client.

maison close bresilienne source www.Flikr.com

Le corridor : Il offre le décor d’un nouveau défilé voluptueux. Ainsi, Ulla raconte dans son livre (20) sa première journée en maison et comment la maîtresse des lieux lui a demander de marcher sensuellement dans un couloir dont elle n’avait pas soupçonne les vitres sans teint. Sous prétexte d’apprécier son allure et sa beauté la tenancière avait finalement satisfait certains habitues voyeurs. L’étroitesse et la longueur du corridor compose un autre support de fantasmes et prennent une signification clairement sexuelle.

20 ainsi que le raconte Ulla dans son roman. ULLA par Ulla, charles denu, Allbertville, 1976

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rideau a Amsterdam source www.7sur7.be

Le Rideau Rouge : De même que le paravent ou la porte, il vient à la fois cacher les changements de décor, la sortie d’un client et l’arrive d’un autre, les activités non sexuelles des prostituées, et sert la mise en scène de l’échange vénal. Il est masque et atmosphère. Entrouvert, il incite pour l’un à entrer et pour l’autre désigne un lieu licencieux et signifie l’univers paradoxal de la prostitution. L’Alcove et le Lit : Territoire de l’intime, ces deux éléments évoquent des cellules protectrices où peuvent s’exprimer les individualités et les délires personnels sans crainte du regard extérieur. La chambre est alors vécu comme une scène de théâtre plutôt qu’un lieu de vie ordinaire. Là où le lit s’installe sur un plateau, dans le creux de l’alcôve qui dessine dans la paroi le cadre où se jouera la pièce libertine. Comme un volume dans le volume intime, il peut se fermer d’un rideaux prendre des proportions

chambre canadienne au One Two Two source www.insenses.org

démesurées, se constituer d’un matelas d’eau ou vibrant… Plus qu’un meuble banal, il est perverti pour permettre une multitude de saynètes érotiques. L’espace entre le lit et le mur (la ruelle) devient enfin l’espace privilégié pour les conversations. Le ciel de lit prend à son tour une importance majeure pendant l’acte sexuel.

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miroir au plafond source www.blogs-afrique.info

lumiere coloree source www.Flikr.com

Le Plafond : Il est lieu de transfert des fantasmes. En même temps, le regard indiffèrent de la prostituée s’y perd pendant l’acte sexuel et le client y transcende le rapport. Comme si un film y était projeté gardant les spectateurs à distance de l’histoire qui y est racontée. Ainsi, il se pare souvent de miroirs qui, brouille les limites de l’espace de la chambre pour maintenir l’acte sexuel dans un irréel.

La Lumière : Rouge a l’entrée des maisons closes, elle cristallise luxure et désir. Elle signifie aussi l’animation particulière des lieux de plaisirs puisqu’elle devait rester allumée durant la nuit et éclairer escaliers et corridors en permanence. Artificiellement elle met en scène des jeux d’ombres, fait alterner les lieux entre obscurité et clarté, entre visibilité et discrétion. Elle laisse deviner, entr’apercevoir ou masque. Son absence génére le mystère inquiétant de la prostitution. Selon les cas, elle créé une atmosphère chaleureuse qui donne envie de se mettre à l’aise et commencer à se déshabiller, ou une ambiance froide qui invite à un acte sexuel raide et dérobe.

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5 Un jeu de miroir et d’illusions

5.1 Une architecture au service de l’imaginaire 5.2 Un espace ludique et marginal 5.3 Les chambres « a passion»

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5 Un jeu de miroir et d’illusions

sens, l’envie de ce contentement créé l’excitation. De même que la chasse donne plus de frissons que la capture de la proie. Aussi, l’illusion prend elle le pas sur la réalité plus machinale de l’acte sexuel. Car l’homme social ne peut se départir du mensonge.

« Menteuse, dans chaque cloison tu as dissimulé des judas. Chaque mur, chaque miroir est truqué. Ici, on écoute les soupirs, là bas l’écho des plaintes. Ce n’est pas moi qui t’apprendrai que les jeux du bordel sont d’abord des « la prostitution est pareille aux sauces qui déguisent la viande ou jeux de glace… »21 la dénaturent. L’excitation des sens 5.1 Un architecture au service de comme des papilles procède de la même démarche : repousser l’appétit, l’imaginaire. prolonger la contradiction, ne pas L’apparition et la persistance du éteindre la faim. Le pourrait-on de toutes phénomène de prostitution sont façons ? Le désir a besoin de la chair relatives à la notion de plaisir que l’être comme support, mais en s’inscrivant humain tire au moment de l’acte sexuel. en elle il se révèle mortel. » 22 faire monter l’excitation Si l’acte n’avait pas été physiquement Pour agréable il n’aurait pas été marchandé. l’imagination joue en fait le rôle des Prostitution et pulsion sont donc préliminaires concrètement inexistants puisque la prostitution est avant tout directement liés. Mais plus spécialement c’est la volupté rentabilité de la passe. De là, le client se joue sa comédie pour atteindre que le client recherche. Effectivement, ce terme désignait à la jouissance, quand la prostituée l’origine dans le langage théologique la pendant l’acte sexuel s’imagine ailleurs jouissance sexuelle. Mais aujourd’hui, il pour faire passer le temps plus vite. Ce s’agit plutôt d’un plaisir particulièrement n’est pas un amour marital, un amour intense, d’ordre physique mais aussi complet, que l’on vient chercher auprès moral ( plaisir esthétique par exemple) des putes, mais une autre facette en relation avec une attirance profonde. abstraite de l’épouse avec laquelle on Les sensations physiques ne sont vit au quotidien. qu’une invitation à pénétrer un univers Souvent s’exprime dans la relation à la fantasme, imaginaire, et inversement.

Du point de vue du client, le désir prime sur le plaisir. Avant la satisfaction des

21 replique du chef de police a Irma : GENET, jean, Le balcon,Gallimard, Paris, 1968 22 CHALEIL,max, prostitution le désir mystifie, Parangon, Paris 2202

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prostituée l’usure du couple marié et la routine qui tue l’érotisme. L’inventivité dans le rapport vénal autorise en outre ce que la bonne éducation interdit à l’époque ou les jardins du palais royal s’organisait autour du phénomène de prostitution, on pouvait ainsi noter l’intérêt marque du client à fréquenter ce lieu qu’il savait corrompu mais où il aimait à s’encanailler, de jours comme de nuits, avec les plus belles comme les plus vielles. Le parc et ses alentours transformés, à l’échelle urbaine, en gigantesque maison de rendez vous dédiée à tous les plaisirs du vice, où se rassemblaient, outre les filles de joie, toutes sorte d’escrocs, de marlous, de marchand à la sauvette prêts à escroquer le chaland, pouvaient être associes dans son fonctionnement et sa représentation aux grandes manifestations, expositions, salon de l’agriculture, recevant a la même époque un monde de commerçants peu vertueux… Dont la règle première semblait l’entourloupe et l’art de pousser à la consommation. On comprend alors la réussite de cet endroit de débauche qui jouait de l’excitation pour l’honnête homme de participer, de manière illusoire parfois, à toutes les formes de malhonnêteté sous les yeux même des garants de l’ordre public. L’espace de la prostitution, quel qu’il soit, demeure par essence un monde

des apparences : c’est sa constance et c’est ce qu’il l’a fait perdurer au cours des siècles dans toutes les cultures. Tout n’y est que vanité qui n’existe parce que l’on vient justement pour s’y faire berner sciemment. L’artiste le sait, c’est avec le faux qu’on fait le vrai. Un bon sujet littéraire et artistique, c’est justement le sujet objective, l’être humain devenu prétexte a création. Mais le contraire se vérifie aussi. En effet, de nombreux clients recherchent la fréquentation des lieux les plus glauques pour justement se sentir faire partie d’un contexte concret, véritable, palpable même, ainsi que sur le cours de Vincennes a Paris. En effet, les filles qui se retrouvent dans ce quartier sont souvent des toxicomanes de longue date qui n’ont plus rien à perdre et ne cherchent plus à faire l’effort de séduire. Là se fige le reflet le plus dur, qui peut sembler alors le plus sincère, de la prostitution, loin de ce que renvoie Pigalle et ses néons, ou Saint Denis. Le client vient se confronter à ce milieu pour vérifier qu’il ne lui appartient pas, ou pour satisfaire l’idée qu’il s’est faite de la prostitution. Et le vrai devient illusion. Dans la prostitution le frelaté s’avère la seule authenticité, le dérisoire constitue l’ultime réalité car il est ce que les acteurs veulent y voir.

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Par conséquent, l’architecture n’est que farce qui renvoie au client l’image qu’il souhaite connaître de lui. Elle est le miroir qui reflète le plaisir de soi, et marque le passage dans un univers irréel.

5.2 un espace ludique et marginal. A travers la prostituée, c’est plus l’exception qui attire que l’image d’un idéal féminin. Alors un rire, une inflexion de voix, une gorge, une chevelure, la dentelle d’un sous-vêtement à peine aperçue suffisent a faire succomber le client. Puisqu’il s’agit donc de rompre avec les amarres de la vie réelle, se divertir reste le but premier de la rencontre avec une professionnelle du sexe. Comme au théâtre, et selon sa conception romantique, « le mot comprendre n’existe pas », le public doit éprouve et peut lui importe la machinerie qui l’emmène au transport des sens. A nouveau, il faut ici insister sur la part majeur de l’envie de plaisir qui dicte la conduite du client. La prostitution, si noir, soit son contexte, cadre pour ce dernier avec une certaine idée d’extase ( des sens comme de l’esprit), même fugace, et de volupté. En ce sens, le reflet de la prostitution, dans sa vocation à fabriquer des délices superficiels, renvoie une illusion d’amusement,

d’exaltation outrepassé, de gaîtés quoique fragmentaire, de fête donc. Car la fête possède cette fonction exutoire, d’espace-temps parenthèse, voué à la folie, aux rêves et aux débordements, fonction qu’elle partage d’ailleurs avec le carnaval, où les conventions sociales se trouvent momentanément remplacées par d’autres, destinées justement à se moquer des premières. Ainsi, certains lieux de prostitutions réputés « gais » rappellent, de façon déroutante parfois, la fête foraine évoquée par ses manèges, ses impostures, ses arnaques, ses odeurs agressives, son agitation alentour, ses enseignes qui clignotent… De la même manière, la dimension paroxystique de l’environnement prostitutionnel rend, dans certains cas, le commerce du sexe inséparable de la densité de la foule, du bruit, des odeurs, des lumières, de la promiscuité, entre les ages, les classes sociales et le sexes. Cet ambiance populaire, un peu louche, finit en outre par attirer une nouvelle foule de curieux et de badauds qui apprécient de se baigner dans un tel contexte sans pour autant se montrer intéresser par une passe. C’est l’une des raisons qui a fait le succès touristique de montmartre a l’époque des titis parisiens, et fait encore celui de la rue saint denis, de Pigalle,…

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Il en va évidemment de même pour le quartier rouge d’Amsterdam. Du lieu sombre et douteux qu’il était au temps ou les marins débarques pour une nuit dans le port de la capitale hollandaise, il est devenu l’une des principale attractions de la ville et aucun promeneur n’échappe à la visite des ruelles luxurieuse longeant les canaux du cœur du périmètre historique. Paradoxalement se mêlent aujourd’hui résidents, prostituées, clients, vendeurs des sex-shops, propriétaires des cofee-shops, cars de japonais, bandes de jeunes… Tous circulant devant les vitrines, sous l’oeil plus ou moins conciliant des filles qui s’y exhibent. La réalité sexuelle de l’endroit se perd derrière le mouvement de tous les passants qui arpentent avec impudeur les chemins étroits en quête moins d’un échange vénal que de la curiosité, du lieu le plus surprenant, du regard le plus aguicheur, de la prostituée la plus jolie, la plus jeune, la plus vielle, du client qui passera le pas de la porte devant eux, de l’intérieur le plus original, de l’attitude la plus drôle… Ainsi, aujourd’hui, la police locale se voit même obligée de faire respecter certaines règles de décence aux touristes et interdit par exemple, pour le respect des travailleuses, de prendre des photos. Loin de la réserve que pourrai imposer ce genre d’endroit au non initié, la mise

en scène sur la rue des vitrines exhibant leurs pensionnaires presque nues fonctionne comme une multitude de scènes jouées incessamment et semble inviter au contraire chacun à un jeu de piste pour découvrir tous les artifices du quartier, sans craindre de pénétrer dans des passages plus sombres ou plus étroits. On se trouve alors dans un manège urbain, pris dans le flot des touristes qui disculpe de fixer avec insistance les prostituées. Le volume encombrant des badauds pousse à frôler les vitrines avec négligence, quand on n’oserait pas le faire dans un contexte nocturne d’apparence moins banquiste et tapageur. Aussi l’idée de la foire convient bien à une certaine forme de prostitution de rue qui joue d’une ambiance sonore, lumineuse, olfactive fantasque, où règnent le désordre et la confusion. Les filles qui frappent aux vitres, celles qui alpaguent le client comme des batteurs d’estrade, les costumes des unes, les perruques des autres, la décoration kitsch des intérieurs des chambres ou le faux mobilier Louis XVI est marié avec des écharpes à l’effigie d’un club de football, la dentelle noire, les tableaux érotiques chichement peints, les tapis rouges, les dessus de lit léopard,… Tous les attributs les plus clichés composent une parodie clinquantes du plaisir tarifé qui trahissent certains territoires de prostitution.

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Loin du climat des zones périphériques françaises, auréolées d’un mystère inquiétant et dont le contexte sordide peut rajouter a la fascination qu’elles suscitent, il est ici question de lieux institutionnalisés d’une débauche déballée par définition excessive. En Thaïlande, dans les rues des bars a gogo comme dans les secteurs des vitrines, le décor architectural souligne cet effet recherche de festivité paillarde. Lumière intenses, couleurs éclatantes, matériaux clinquants, mouvements continuels… Tout est utilise en disproportion, de sorte que l’on croit pénétrer un univers plus surnaturel que concret. Cette truculence dans la démonstration sexuelle semble donner le droit d’échapper aux règles, en particulier à celles de la logique et de la morale. La fantaisie des lieux fait se côtoyer passionnément le monde banal et les domaines interdits et provoque toutes les curiosités. La, plus que sur le coté sombre du commerce du sexe, l’accent est mis sur le jeu que constitue la rencontre d’un client et d’une professionnelle du sexe ; la réalité des rapports qui unissent les deux partenaires restent la même que dans n’importe quel autre lieu de prostitution mais le contexte insiste sur l’idée d’un plaisir marginal mais exalte.

« Oikema » ou projet de maison de plaisir - Plan source wikipedia

« Oikema » ou projet de maison de plaisir - élévation source wikipedia

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Projet de Nicolas Ledoux « ce qu’un gouvernement n’ose faire, l’architecte l’affronte », Claude Nicolas Ledoux. Plan plus que figuratif du rez de chaussée pour une Maison de Plaisir dans la cite Idéale de Chaux, 1785 -89. Le projet se composait d’un long couloir rectiligne distribuant une quinzaine de chambres alignées les unes a cote des autres ; un salon de réception ou se présentaient les filles après que les clients avaient été excités par le défilé des portes closes des boudoirs, un grand hall d’accueil et des vestibules où les pensionnaires se mettaient en scène.

Centre de loisirs sexuels source wikipedia

Projet Nicolas Schoeffer. Centre du loisir du sexe, cybernetic city, 1959, vue globale et axonométrie écorchée du bâtiment à la forme là aussi évocatrice, gironde et accueillante. Le projet insiste bien sur l’importance de la circulation, de la mobilité, des parcours, dans les phénomène prostitutionnel. Planté au centre d’un carrefour, l’édifice se dresse sur quatre niveaux à plan libre accessible par des rampes monumentales et un ascenseur central. A chaque étage, de gigantesque sculptures ovoïde, formées à tous les plaisirs, animent les plateaux où l’on peut circuler librement. Nicolas Schoffer: centre de loisirs sexuels source wikipedia

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5.3 les chambres « a passion » L’excitation naît en grande partie de l’atmosphère qui se créé autour des prostituées, c’est à dire de la mise en scène théâtrale de l’urbain, des attitudes des professionnelles jouant avec l’obscurité des rues, du mystère des lieux, de la surprise au détour d’un parcours labyrinthique… Pour la maintenir et précipiter l’acte sexuel, la composition de l’espace intérieur accompagne à nouveau l’échange vénal, mais cette fois de manière plus explicite. Depuis l’entrée de l’escalier menant au boudoir jusqu’à l’alcôve l’architecture exalte la conclusion du marche argent contre rapport charnel. Le but demeure d’emporter hors du temps courant pour un moment extraordinaire mais court, les deux partenaires. Objets et formes tendent alors à inviter au passage à l’acte. « la sensation ne naît pas d’une seule forme, elle naît d’un contexte. La fonction commune de ces créations est le scénario qu’elles suggèrent. Elles participent à la création d’un théâtre intime où l’individu invente une mise en scène et se projette dans un rôle » 23

23 Intramuros, Sexe et design, n°103, octobre – novembre 2002. Creation ENTRE TOI, jerome Barrier, Eric Dorhen.

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6 Conclusion.

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6 Conclusion.

Parfois le corps et non la vue déclenche l’envie ou inversement, le désir est extrêmement varié et changeant selon les personnes. Le vêtement en particulier est un allié à le provoquer et passer dans le domaine de l’imaginaire, en ne dévoilant que très peu de chose et en suggérant d’autres. A parler d’un art de l’habillage pour les prostituées qui captent ainsi l’oeil désireux du client on peut aussi facilement établir l’importance dans l’intimité du déshabillage pendant lequel les corps se découvrent progressivement avant un acte sexuel décrit comme décevant par le client.

« (…) Ce théâtre magique, je le voyais n’était pas un paradis pur, sa jolie surface dissimulée tous les cercles de l’enfer. Oh ! Mon Dieu, même ici il n’y avait donc pas de délivrance ? (…) Avec un soupir de soulagement, je me rappelai l’enseigne qui, à mon entrée au théâtre, avait tente si fort le bel adolescent : Toutes les femmes sont à toi Et il me sembla que somme toute, rien n’était aussi désirable. » « (…) Mais bien plus profondément, intensément et terriblement que toutes ces flammes ardentes, m’embrassaient et me torréfiaient le feu de l’amour, la L’érotisme passe en grande partie par faim du sexe, la divination dévorante la culture de l’ambiguïté entre montrer et cacher dans l’idée de garder le de la volute. » 24 mystère du phénomène de prostitution. Comme on l’a dit précédemment, le Ainsi, comme on a pu le dire plaisir des sens apparaît comme le précédemment les maisons closes ne laissaient rien voir de l’extérieur, se premier moteur du désir vénal. Les représentations à caractère protégeaient même parfois d’un enclos pour écarter tout regard inopportun, pornographique, d’autant plus si elles sont visibles sur l’espace public, toutefois la vocation des lieux étaient clairement affichée. sont souvent perçues comme une violence, dans le désir comme dans Les portes entrouvertes, les volets a l’être. La suggestion du plaisir sensuel claire-voie,… Suffisait a susciter rêves à par contre une réelle signification et divagations aux clients troubles dans la mise en condition et la tentation par la seule représentation qu’ils se faisaient de l’endroit entrevu. libertine du client. « l’érotisme naît finalement dans un L’excitation est tirée du paradoxe rapport à l’image et aux significations ouvert-ferme, qui finalement créé des surprises qui n’en sont pas. que chacun veut lui donner. »25

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On comprend alors pourquoi les territoires de prostitution restent des lieux nocturnes, car la nuit révèle la volupté des corps devenus silhouettes fantomatiques. L’architecture intervient de fait dans la mise en scène sensuelle de la prostitution en mettant le passant, initié ou non, en situation de voyeur. Par des artifices combines de matières et de lumières, les corps deviennent fétiches que l’on cherche à deviner, à détailler, à soupeser… Par ailleurs, la représentation du trou et la métaphore par excellence du plaisir/ désir voyeur. Grilles, fentes, serrures, matières déchirées, tubes… Sont autant d’éléments qui incitent a se baisser, se rapprocher, coller son œil aux orifices dénonçant notre indiscrétion licencieuse. Le trou n’est-il pas en outre profondément sensuel ? Il intrigue, donne envie d’y glisser les doigts, il donne l’illusion aussi d’ouvrir une brèche sur un inconnu, sur ce qui ne devrait pas être perçu mais peut pourtant l’être en toute discrétion. C’est la le principe même du moucharabieh, allégorie érotique si l’en est, à travers lequel on peut voir sans être vu, mais aussi volontairement se laisser apercevoir, laisser deviner un bout de corps, un bout de femme fantasmatique.

On pourrait s’interroger maintenant sur la sexualisation de l’espace à toute les échelles, des quartiers urbains dit «sexuel» comme Pigalle ou place de Clichy ou bien des espaces de sexualité au seins de l’habitat. Comprendre comment l’espace devient propice l’activité sexuel est une question à laquelle j’aimerai répondre dans la continuité de mes études.

24 SSE, Hermann, Le loup des steppes, Librairies generale française, Paris 1999 25 SIMMEL, G, Philosophie de la modernité, la femme de la ville, l’individualisme. Payot, Paris, 1989.

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7 Bibliographie.

7.1 Ouvrages 7.2 Sites Internet 7.3 Films

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Ouvrages 1 Hérodote, I,199 2 Strabon, VII,378 3 Plaute dans sa comédie. Le charançon, IIIe siècle av JC 4 XIII,569, a-b 5 Alain Corbin, le temps des maisons closes, l’histoire, n°264, avril 2002 6 Alexandre Jean-Baptiste Parent Duchatelet,, membre du conseil de salubrité de la ville de Paris, de l’Académie royale de Médecine, de la légion d’honneur, médecin de l’hôpital de la Pitié. De la prostitution dans la ville de Paris considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration, Bruxelles, 1837. 7 CORBIN, Alain, Les filles de Noce : Misère sexuelle et prostitution :19e siècle, Flammarion, Paris, 1978 8 AMIEL, Laurence, La prostitution et les prostituées a Bordeaux du début de XIXeme siècle au début du XXeme siècle, cahier de l’IAES n°8, Bordeaux. 9 BOUDARD Alphonse, La fermeture, 13 Avril 1946 : la fin des maisons closes, Robert Laffont, Paris, 1986 10 Les filles de noce ; misère sexuelle et prostitution (XIXeme), Flammarion, Paris, 1978 11 VAN DER MEERSCH, Maxence, Femmes a l’encan, 1945 12 Reglement de la « Demi Lune » situes 6 rue des Marins, à Nantes, 1906 13 BOUDARD Alphonse, La fermeture, 13 Avril 1946 : la fin des maisons closes, Robert Laffont, Paris, 1986 14 DUPOUY, Alexandre, ROMAIN, Hippolyte, Guide partique, fidèle et illustre des filles de joie du Palais Royal, Astrate, Paris,1999 15 CHALEIL, Max,Prostitution, le désir mystifie, Parangon, Paris, 2002 16 CHALEIL,Max,Prostitution, le désir mystifie, Parangon, Paris,2002.

Sites internet http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Schöffer

http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Nicolas_Ledoux http://fr.wikipedia.org/wiki/Lupanar

http://jpdruine.free.fr/pompei/lupanar.htm

http://www.flickr.com/

FIlms Taken de Pierre Morel Durée : 1h 25min. 2008 Mémoires d’une geisha de Rob Marshall Durée : 2h 20min. 2004 Chaos de Coline Serreau Durée : 1h 49min. 2001

The Chaser de Na Hong-Jin Durée : 2h 3min. 2007 Combien tu m’aimes? de Bertrand Blier Durée : 1h

35min. 2005

Taxi Driver de Martin Scorsese Durée : 1h 55min. 1976 Angèle de Marcel Pagnol Durée : 2h 14min. 1934 Belle de Jour de Luis Buñuel Durée : 1h 42min. 1966

17 VERHAEREN,Emile,Le spectacle, tire du recueil les villes tentaculaires. Librairie generale Française, Paris,1995

18 Intramuros, Sexe et design, n°103, octobrenovembre 2002

19 BOUDARD, Alphonse, ROMI, L’age d’or des maisons closes, Albin Michel, Paris, 1990 20 ainsi que le raconte Ulla dans son roman. ULLA par Ulla, charles denu, Allbertville, 1976 21 replique du chef de police a Irma : GENET, jean, Le balcon,Gallimard, Paris, 1968 22 CHALEIL,max, prostitution le désir mystifie, Parangon, Paris 2202 23 Intramuros, Sexe et design, n°103, octobre – novembre 2002. Creation ENTRE TOI, jerome Barrier, Eric Dorhen. 24 SSE, Hermann, Le loup des steppes, Librairies générale française, Paris 1999

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